AFFAIRES ÉTRANGÈRES, DÉFENSE ET FORCES ARMÉES

Table des matières


Mercredi 21 juin 2000

- Présidence de M. Xavier de Villepin, président -

Audition de M. Marc Lazar, professeur à l'Institut d'études politiques de Paris et chercheur au Centre d'études et de recherche internationales, sur la situation politique en Italie

La commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Marc Lazar, professeur à Sciences Po et chercheur au Centre d'études et de recherche internationales, sur la situation politique en Italie.

Selon M. Marc Lazar, la vie politique italienne restait caractérisée par son instabilité. De 1994 à aujourd'hui, au moins quatre gouvernements, dirigés par MM. Silvio Berlusconi, Romano Prodi, Massimo d'Alema et Giuliano Amato se sont succédé, alors même que chacun d'eux avait promis de doter l'Italie d'une stabilité gouvernementale. Afin de mieux comprendre le contexte politique italien, M. Marc Lazar a tout d'abord analysé les difficultés de la coalition de centre gauche actuellement au pouvoir, puis les caractéristiques de l'alliance de centre droit, qui pourrait remporter les prochaines élections nationales.

Dans un premier temps, M. Marc Lazar a indiqué que le gouvernement de centre gauche présentait un bilan économique plutôt positif et jouissait, à ce titre, d'une bonne image au sein de l'opinion internationale alors qu'en Italie même il restait plutôt impopulaire. Ce paradoxe s'expliquait, selon M. Marc Lazar, par trois raisons principales :

- le gouvernement de centre gauche était sujet à un dilemme classique dans ce type de coalition, essayant à la fois de conserver ses soutiens traditionnels auprès des classes populaires et de conquérir celui des classes moyennes. A ce dilemme s'ajoutaient deux circonstances propres à l'Italie : le gouvernement de centre gauche semblait, d'abord, avoir perdu de son audience auprès des jeunes, des classes moyennes et des chefs d'entreprise, dans le nord du pays, région la plus dynamique ; en outre, le gouvernement de centre gauche était associé, plus qu'ailleurs en Europe, à une image d'austérité financière, l'objectif principal du gouvernement de M. Romano Prodi ayant été de faire entrer l'Italie dans la zone euro en réalisant un important effort d'assainissement des dépenses publiques ;

- la coalition, très hétérogène, était composée, a poursuivi M. Marc Lazar, de huit partis politiques, allant du centre à la gauche communiste. Cette coalition était divisée sur tous les dossiers. Ses composantes s'interrogeaient, par ailleurs, sur son avenir. Il s'agissait de savoir si l'alliance serait préservée dans son état actuel, si elle se réduirait à une simple union de la gauche ou si elle était une première étape vers une refondation de plus grande ampleur, permettant la création d'un vaste parti démocrate à l'américaine ;

- la coalition de centre gauche manquait, enfin, aux yeux de M. Marc Lazar, d'un chef incontesté depuis la nomination de M. Romano Prodi à la présidence de la Commission européenne, Giuliano Amato ne paraissant pas s'imposer auprès des partenaires de la coalition.

Dans un second temps, M. Marc Lazar s'est attaché à expliquer les raisons qui laissaient penser que la coalition de centre droit, " la maison des libertés ", dirigée par M. Silvio Berlusconi, partait favorite pour remporter les prochaines élections nationales. Tout d'abord, M. Marc Lazar a indiqué que cette coalition était plus large qu'en 1996, puisque M. Silvio Berlusconi était parvenu à un accord politique avec la Ligue du Nord. Outre ce mouvement, cet ensemble comprenait désormais le propre parti de M. Silvio Berlusconi, Forza Italia, le parti de l'Alliance nationale, dirigé par M. Gianfranco Fini, et les petits mouvements politiques issus de la démocratie chrétienne.

De plus, le contexte paraissait favorable : le gouvernement de centre gauche disposant des marges de manoeuvres budgétaires, le centre droit pourrait relâcher la politique de rigueur en procédant à des allègements fiscaux. Il devrait également prendre des mesures pour garantir l'ordre public et limiter l'immigration. Dans son programme, la coalition dirigée par M. Silvio Berlusconi se référait aussi bien aux valeurs du libéralisme économique qu'au christianisme social. Sa victoire pourrait mettre fin à l'alliance traditionnelle anti-fasciste (l'arc constitutionnel), dominant la politique italienne depuis quarante ans, pour lui substituer une large coalition anti-communiste.

Enfin, M. Marc Lazar a souligné que la force de la coalition de centre droit tenait beaucoup à son leader, M. Silvio Berlusconi, qui avait su s'imposer comme l'interlocuteur principal du gouvernement de gauche. Aujourd'hui, inspiré par le double modèle de Mme Margaret Thatcher et de M. José Maria Aznar, il a su développer un libéralisme modéré, moderne et anti-communiste, lui assurant une forte popularité personnelle. Par ailleurs, contrairement à 1994, il pouvait aujourd'hui s'appuyer sur un véritable parti, fort de quelque 200.000 adhérents et plus indépendant du groupe médiatique qu'il dirige.

Toutefois, cette coalition souffrait, elle aussi, a relevé M. Marc Lazar, de fortes divisions politiques. La Ligue du Nord, par exemple, qui, bien qu'affaiblie, restait présente dans toutes les petites villes du nord de l'Italie, était un parti populiste anti-européen, anti-américain, prônant un " ethno-régionalisme " au niveau européen. Une autre difficulté persistante de la coalition restait le conflit d'intérêts potentiel entre l'action politique de M. Silvio Berlusconi et la gestion de son empire médiatique.

En conclusion, M. Marc Lazar a estimé que, même si la victoire n'était pas complètement assurée, la coalition de centre droit avait toutes les chances de l'emporter lors des prochaines échéances électorales. En outre, sa capacité d'action serait largement conditionnée par les rapports de force qui existeraient tant en son sein qu'au Parlement, aussi bien à la Chambre des députés qu'au Sénat, avec le centre gauche.

En cas de victoire, le futur gouvernement de M. Silvio Berlusconi devrait vraisemblablement organiser rapidement la baisse des impôts et prendre des mesures symboliques au sujet de l'immigration. La continuité devrait marquer la conduite de la politique étrangère, notamment vis-à-vis de l'Union européenne. En revanche, s'agissant de la loi électorale ou de la réforme de la Constitution, sa capacité d'action apparaissait plus incertaine.

Enfin, une des grandes questions à venir serait certainement l'équilibre des pouvoirs entre les gouverneurs des régions, élus au suffrage universel, et le pouvoir central, la question des rapports entre le nord et le sud de l'Italie restant, par ailleurs, entière.

Un débat s'est ensuite instauré avec les commissaires.

M. Christian de La Malène s'est interrogé sur la place occupée par M. Gianfranco Fini et son parti, le Mouvement social italien, dans le paysage politique. Il a, par ailleurs, évoqué les possibles répercussions de la situation autrichienne sur la conjoncture politique italienne future, dans l'éventualité d'une victoire de la coalition de M. Silvio Berlusconi aux prochaines élections.

M. Robert Del Picchia a estimé que les prochaines échéances électorales italiennes feraient l'objet d'une attention particulière de l'Union européenne, prompte à s'inquiéter de l'éventuelle accession aux responsabilités d'une coalition qui conférerait à l'extrême droite un rôle politique important. Il s'est interrogé sur l'influence du précédent autrichien sur le déroulement de la future campagne électorale en Italie. Il a enfin souligné les risques de débordement liés à l'utilisation de la question de l'immigration comme argument électoral.

Mme Danielle Bidard-Reydet s'est demandé si le faible intérêt, voire le mépris, que les dirigeants du centre droit italien accordaient au devenir du sud de l'Italie, ne risquerait pas de dissuader les électeurs de ces provinces de lui apporter leurs suffrages. Elle s'est par ailleurs inquiétée de l'apparente imprévisibilité du comportement de M. Silvio Berlusconi.

M. Michel Caldaguès a considéré que M. Gianfranco Fini pouvait difficilement, désormais, être assimilé à un dirigeant néo-fasciste et que son comportement apparaissait équilibré et raisonnable. Il a, par ailleurs, souligné les conséquences d'une intervention éventuelle de l'Union européenne dans le paysage politique italien, à l'instar de ce qui se produit à l'égard de l'Autriche, comportement qui risquerait de susciter une vive réaction des responsables comme de l'opinion publique italiens. Il a également souligné la place importante du thème de l'immigration dans les discours électoraux, qui semblaient se concentrer sur la présence des Albanais en Italie. En outre, il a souligné le soutien populaire accordé aux nouveaux gouverneurs élus des régions et s'est demandé si le caractère centrifuge de ce phénomène régional ne pourrait pas, paradoxalement, concourir à une unification nationale de la vie politique italienne.

M. Xavier de Villepin, président, a relevé l'apparente diminution du pouvoir syndical italien depuis les années 50. Il s'est également interrogé sur l'évolution prévisible de la division entre le nord et le sud du pays, ainsi que sur l'éventualité de l'instauration d'une seconde république en Italie.

M. Marc Lazar, en réponse aux intervenants, a alors apporté les précisions suivantes :

- M. Gianfranco Fini a rapidement compris qu'à défaut de recentrer son parti, notamment par une alliance avec les forces de M. Silvio Berlusconi, il risquerait d'être marginalisé ; pour l'opinion publique italienne, M. Gianfranco Fini représente aujourd'hui le post-fascisme. La scission intervenue au sein du MSI, avec la création du mouvement extrémiste MS (mouvement social) " Flamme tricolore ", revendiquant clairement l'héritage mussolinien, illustre la rupture du MSI avec ses antécédents idéologiques. Au demeurant, M. Gianfranco Fini s'efforce de se démarquer du leader populiste autrichien. Ainsi a-t-il condamné ses déclarations de revendication autrichienne du Haut-Adige italien. Cependant, deux ambiguïtés demeurent, s'agissant, d'une part, de la participation du mouvement " Flamme tricolore " à une éventuelle coalition électorale faisant suite aux récentes alliances conclues lors d'élections locales et, d'autre part, aux liens de M. Umberto Bossi, responsable de la Ligue du Nord, avec M. Jörg Haider ;

- le " Pôle des libertés " de M. Silvio Berlusconi ne rassemble pas ses suffrages dans la seule région nord de l'Italie, la diffusion électorale de ce mouvement s'étendait à l'ensemble du territoire, sauf peut-être dans les régions du centre de l'Italie qui ont été longtemps le domaine privilégié du parti communiste ;

- l'opposition entre le nord et le sud de l'Italie est une notion très présente dans la Ligue du Nord, mais absente dans le mouvement de M. Silvio Berlusconi et, a fortiori, au sein de l'Alliance nationale ;

- le rôle des régions est appelé à se développer en Italie, et ce pays s'oriente, pour le XXIe siècle, vers une structure fédérale. Cette tendance aura-t-elle une incidence centrifuge ? Cette question pose, à terme, l'éventualité d'un aménagement institutionnel conduisant à l'élection au suffrage universel direct du premier ministre ou du Président de la République ;

- l'Italie est demeurée longtemps une terre d'émigration. Toutefois, l'arrivée sur son sol, à partir du milieu des années 70, de populations d'origine extra-communautaire, est aujourd'hui source de tensions. Cependant, les prises de position de l'église catholique, dont l'audience demeure traditionnelle en Italie, contribuent à limiter les manifestations de racisme en Italie qui ne correspondent pas, au demeurant, à la tradition de ce peuple. Toutefois, la présence d'une forte communauté albanaise fait l'objet d'une tension spécifique, compte tenu des implications de certains de ses membres dans des affaires de banditisme ou de prostitution;

- la classe politique italienne peut légitimement justifier un jugement positif. Toutefois, les électeurs italiens ont tendance à se lasser d'une certaine forme de rhétorique, qui a été longtemps la spécificité du personnel politique de la péninsule. Une nouvelle classe politique émerge progressivement, dont la valeur est indéniable et qui se concrétise par l'importance reconnue désormais aux gouverneurs des régions ;

- les syndicats italiens cumulent aujourd'hui tout à la fois des forces et des faiblesses. Leur rôle est encore important, et les trois principales centrales revendiquent des millions d'adhérents. Toutefois, leur influence tend à se réduire en raison de la forte proportion de retraités dans leurs rangs et de l'absence de représentation syndicale dans les petites et moyennes entreprises, pourtant à l'origine de l'essor économique de certaines régions ;

- la distinction traditionnelle entre les parties septentrionale et méridionale de la péninsule est encore forte et tend parfois à s'accroître. On distingue toutefois, aujourd'hui, trois Italie : celle du sud proprement dite, celle du triangle Gênes-Milan-Turin, symbole du développement économique et capitaliste, enfin celle de la Vénétie, et de l'Italie centrale, ex " Italie rouge ", qui constitue aujourd'hui un modèle de développement économique fondé sur des petites entreprises particulièrement dynamiques. La distinction nord-sud reste cependant pertinente au niveau du développement économique, puisque le sud rassemble 25 % des chômeurs contre 5 % dans le nord ;

- l'éventuelle instauration d'une " deuxième république " en Italie se heurte à la position des petits partis, attachés à l'actuel système fondé sur la proportionnelle. Ceci explique la difficulté liée à toute modification de la loi électorale. L'apparent blocage des institutions n'empêche pas, de toute façon, l'Italie de travailler et de réussir, comme l'a illustré son entrée dans la zone euro. Il convient de ne pas oublier que ce pays a fait, en trente ans, ce que la France avait mis un siècle et demi à réaliser.

Union européenne - Coopération européenne dans le domaine de l'immigration - Communication

La commission a ensuite entendu une communication de M. Paul Masson sur la coopération européenne dans le domaine de l'immigration.

M. Paul Masson a d'abord souligné que la découverte, à Douvres, de 58 corps sans vie d'immigrés clandestins dans un camion, illustrait, de manière dramatique, l'acuité du problème de l'immigration clandestine en Europe. Il a ensuite rendu compte du déplacement qu'il avait effectué pour le compte de la commission à Rome et à Bari en mai dernier, afin de recueillir des informations complémentaires sur le dispositif de contrôle aux frontières italiennes. Il a relevé à cet égard que l'Italie représentait l'une des portes d'accès privilégiée de l'immigration en Europe. M. Paul Masson a estimé que, si l'Italie était pleinement consciente des responsabilités qui lui incombaient au titre de la surveillance des frontières extérieures de l'Union européenne, ce pays, marqué par une longue tradition d'immigration, avait adopté une démarche prudente en la matière. L'immigration, a-t-il ajouté, était devenue l'un des sujets du débat politique intérieur.

Revenant alors sur le dispositif italien de contrôle de l'immigration, M. Paul Masson a souligné la complexité de l'organisation des forces et mis en évidence certaines lacunes de leur législation. A cet égard, il a d'abord relevé que l'entrée et le séjour des étrangers en situation irrégulière ne constituaient pas une infraction pénale et n'étaient dès lors passibles que de sanctions administratives. Il a ajouté que la loi ne prévoyait pas de mesures particulières contre les personnes favorisant le transit des irréguliers et leur sortie d'Italie. M. Paul Masson a noté que, si la gestion des centres de gestion institués par la loi était confiée à des organisations caritatives, leur surveillance incombait aux forces de police. Cette organisation, a-t-il indiqué, pouvait soulever certains problèmes de coordination. Il a indiqué que l'Italie devait encore adapter son dispositif pour répondre aux exigences du contrôle des frontières extérieures. Il a observé cependant que ce pays avait pris plusieurs initiatives intéressantes dans le domaine de l'immigration. Il a cité à cet égard la détermination de quotas d'immigrés, fixée cette année à 63.000 personnes, répartis entre différentes nationalités. Il a également mentionné la conclusion d'accords de réadmission, en particulier avec l'Albanie, et la coopération engagée entre l'Italie, la Grèce et l'Albanie. M. Paul Masson a cependant estimé que la politique de régularisation des étrangers, qui avait récemment conduit au dépôt de 250.000 dossiers (dont 140.000 avaient été examinés), constituait un sujet de préoccupation pour ses partenaires européens, compte tenu de ses conséquences dans un espace de libre circulation des personnes.

M. Paul Masson a ensuite précisé, à l'attention de M. Robert Del Picchia, que si une partie importante des immigrés installés en Italie était originaire du Maghreb, les nouveaux flux migratoires provenaient principalement de la zone balkanique et, en particulier, de l'Albanie. Il a souligné, à cet égard, que les étrangers d'origine albanaise étaient impliqués dans de nombreux trafics et contrebandes. Il a observé, par ailleurs, que les accords de réadmission conclus avec le Maroc et la Tunisie avaient permis de mieux maîtriser l'immigration clandestine en provenance de ces deux pays.

M. Paul Masson a également indiqué à M. Michel Caldaguès que le corps des carabiniers italiens ne semblait pas connaître un malaise comparable à celui observé aujourd'hui au sein de la gendarmerie française. Il a relevé que ces deux armes différaient dans leur mode de recrutement, mais aussi dans leurs conditions d'emploi. Il a précisé que carabiniers et policiers assuraient, en alternance, la surveillance d'objectifs identiques.

A M. Xavier de Villepin, président, qui s'interrogeait sur la capacité du ministère de l'intérieur français à prendre seul en charge le problème de l'immigration, compte tenu de la dimension internationale de ce dernier, M. Paul Masson a estimé que le ministère de l'intérieur, malgré la création d'un poste destiné à assurer le suivi de la politique internationale en matière d'immigration, ne disposait pas encore des moyens nécessaires pour répondre, de manière adaptée, aux évolutions de la question de l'immigration en Europe. Il a souligné que l'immigration constituait un sujet de société, qui devait faire l'objet d'une approche globale. Il a estimé qu'il ne fallait, en aucun cas, dévaloriser une politique d'immigration dont les conséquences intéressaient directement le respect de la personne mais aussi l'équilibre de nos cultures et de nos sociétés. Il a relevé qu'en tout état de cause les moyens dont disposaient les Etats pour faire face aux phénomènes migratoires n'étaient pas à la mesure d'un problème qui connaissait une ampleur accrue, liée à la multiplication des moyens de transport et des échanges.

M. Michel Caldaguès a estimé pour sa part que, si la politique migratoire ne pouvait pas être abordée seulement sous l'angle policier, elle passait cependant par un contrôle efficace aux frontières. Il a observé, par ailleurs, que l'Etat devait se décharger, notamment sur les acteurs de la vie économique, des responsabilités qui lui incombent dans l'organisation des mouvements migratoires.

M. Paul Masson a alors évoqué les nouvelles responsabilités de l'Union européenne dans le domaine de l'immigration. Il a rappelé que le Traité d'Amsterdam avait ouvert la voie à l'application progressive des règles communautaires pour les mesures liées à la libre circulation des personnes ; au terme d'un délai de cinq ans, il accordait ainsi l'exclusivité de l'initiative à la Commission en laissant au Conseil la possibilité de décider, à l'unanimité, l'application du vote à la majorité qualifiée et la procédure de codécision du Parlement européen pour les matières liées à l'immigration. M. Paul Masson a souligné que la Commission plaidait, dans le cadre de l'actuelle Conférence intergouvernementale, pour une application automatique de la majorité qualifiée et de la procédure de codécision. Il a estimé toutefois, qu'à la suite des entretiens qu'il avait eus avec les représentants de la direction générale Justice et Affaires intérieures, lors d'un déplacement à Bruxelles en mai dernier, la Commission ne lui semblait pas en mesure d'assumer, aujourd'hui, un rôle plus important dans les questions liées à l'immigration. Il a jugé en effet que les initiatives prises jusqu'à présent restaient décevantes.

M. Paul Masson a en particulier relevé qu'il n'existait pas de mécanisme d'information systématique des Etats membres sur les politiques nationales conduites dans le domaine de l'immigration. L'étude comparative des législations, qui avait été demandée à la Commission sur ce sujet ne semblait pas, a-t-il ajouté, avoir progressé. Par ailleurs, il a relevé que les mesures de régularisation décidées par les Etats ne faisaient pas l'objet d'échanges particuliers.

M. Paul Masson a ensuite estimé que les conséquences des prochains élargissements sur la sécurité de la frontière extérieure de l'Union européenne n'avaient peut être pas été appréciées à leur juste mesure. Il a observé que les nouveaux Etats membres n'auraient sans doute pas les moyens techniques et financiers suffisants pour assurer un contrôle efficace des frontières. Un dispositif de solidarité financière devra sans doute, tôt ou tard, être envisagé, même si pour l'heure, a précisé M. Paul Masson, la Commission en écartait le principe, compte tenu des contraintes pesant sur le budget communautaire.

M. Paul Masson a surtout regretté l'absence d'une vision commune d'une politique migratoire. Il a estimé qu'une surveillance efficace des frontières extérieures constituait le premier fondement de toute politique migratoire. Il a jugé ensuite que la Commission européenne devait pleinement appliquer le principe de subsidiarité dans le domaine de l'immigration, en utilisant, en particulier, les dispositions qui, dans le cadre des accords de Schengen, permettaient de favoriser la coopération bilatérale aux frontières. Il a ajouté que, si les contrôles aux frontières intérieures étaient supprimés, les Etats conservaient néanmoins la capacité de maintenir des contrôles de part et d'autre de la frontière. Enfin, il est revenu sur la nécessité, pour les Quinze, de fixer les grandes lignes d'une politique migratoire qui pourrait reposer sur l'acceptation d'une immigration régulière, encadrée sur la base de quotas, parallèlement à l'organisation d'une coopération plus étroite pour lutter contre l'immigration clandestine. Il a regretté que les Etats membres ne se dotent pas des moyens nécessaires pour faire face à un problème qui pourrait se révéler très déstabilisant à l'avenir.

M. Xavier de Villepin, président, a partagé les préoccupations du rapporteur relatives à l'absence d'une vision commune européenne dans le domaine de l'immigration.

M. Robert Del Picchia a relevé que les efforts considérables faits par l'Autriche pour assurer le contrôle de la frontière extérieure, dont elle a la responsabilité, n'avaient pas permis d'endiguer complètement les flux de d'immigration clandestine. Il a souligné, en particulier, la difficulté d'assurer le contrôle des camions, compte tenu de l'importance du trafic aux frontières. Il s'est interrogé, dans ces conditions, sur la capacité pour les futurs Etats membres, dont les moyens paraissaient insuffisants, d'assurer un contrôle efficace des frontières et sur les moyens alternatifs qui pourraient être envisagés pour intégrer les Etats candidats, sans affecter la sécurité de la frontière extérieure de l'Union européenne.

M. Xavier de Villepin, président et M. Jean Bernard sont revenus sur le drame de Douvres. M. Jean Bernard a observé que les " lois Pasqua " avaient eu un effet dissuasif sur l'immigration clandestine et qu'on avait pu observer, en particulier, une réduction du nombre des demandes de visas pour entrer dans notre pays.

M. Michel Caldaguès a regretté, pour sa part, une prise de conscience encore insuffisante des problèmes soulevés par l'immigration. Il a indiqué à cet égard que les tribunaux tendaient à se prononcer davantage sur les conditions de rétention des étrangers plutôt que sur la régularité de la situation de ces derniers en France.

M. Paul Masson a alors apporté les précisions suivantes : il a d'abord déploré que l'immigration clandestine fasse chaque jour de nouvelles victimes. Il a estimé que ce phénomène constituait la nouvelle forme d'un esclavage moderne, contraire au respect des droits de la personne. Revenant sur la situation des Etats candidats à l'Union européenne, il a observé qu'il faudrait sans doute envisager un système d'adhésion progressive, permettant de subordonner l'intégration au sein de l'espace de libre circulation des personnes au respect vérifié des conditions assurant la sécurité de la frontière extérieure, tout en favorisant une assistance financière et technique.

M. Paul Masson a observé, par ailleurs, qu'un contrôle efficace supposait des vérifications complémentaires sur les routes, comme cela était pratiqué dans le land de Bavière. Il a ajouté que la libre circulation des personnes ne devait pas affecter la sécurité intérieure. Il a estimé par ailleurs que le droit d'asile devait être accordé sur la base de critères rigoureux. Selon M. Paul Masson, l'immigration n'était acceptable que si elle était contrôlée, en soulignant qu'une maîtrise des flux migratoires passait par une coopération accrue avec les Etats d'origine, ainsi que par une politique de fermeté. Une position équilibrée en la matière, a-t-il conclu, devait être observée de manière durable.

La commission a alors décidé d'autoriser la publication de la présente communication sous forme d'un rapport d'information.

Nomination de rapporteurs

Enfin, la commission a désigné Mme Paulette Brisepierre, rapporteur sur le projet de loi n° 399 (1999-2000) autorisant l'approbation de l'avenant n° 2 à la convention de sécurité sociale du 16 janvier 1985 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Côte d'Ivoire, signé à Abidjan le 15 décembre 1998 et M. Hubert Durand-Chastel,rapporteur sur le projet de loi n° 400 (1999-2000) autorisant la ratification de la convention de sécurité sociale entre la République française et la République duChili, signé à Santiago le 25 juin 1999.

Jeudi 22 juin 2000

- Présidence de M. Xavier de Villepin, président -

Audition de M. Javier Solana, Haut Représentant de l'Union européenne pour la politique extérieure et de sécurité commune

La commission, élargie à la délégation du Sénat pour l'Union européenne, a procédé àl'audition de M. Javier Solana, Haut Représentant de l'Union européenne pour la politique extérieure et de sécurité commune (PESC).

M. Javier Solana
s'est d'abord félicité de ce que l'avenir de l'Union européenne puisse faire l'objet de débats au sein des enceintes parlementaires nationales. Il a rappelé que la défense des intérêts de l'Union européenne supposait la capacité d'intervenir dans la gestion des crises, y compris par le recours à la force. Il a souligné que l'instrument militaire, condition d'une politique étrangère efficace et crédible, pouvait également être utilisé pour des actions humanitaires et la prévention des conflits, notamment au service des Nations Unies. Il a ajouté que l'Union ne devait pas avoir une vision restrictive de sa sécurité, et limitée à la seule défense de ses frontières, mais se devait d'agir au contraire en acteur global, et, dans un premier temps, à l'échelle régionale, pour contribuer à la stabilité de son environnement.

M. Javier Solana a observé que la crise des Balkans avait révélé les lacunes de l'Union européenne et encouragé celle-ci à se doter enfin des moyens nécessaires pour jouer pleinement son rôle dans la gestion des crises. Il a rappelé, par ailleurs, que les Quinze avaient souhaité, lors du Conseil européen de Lisbonne, renforcer la coordination et la visibilité de l'action européenne dans les Balkans. Le rapport remis par le Haut Représentant pour la PESC aux représentants des chefs d'Etat et de gouvernement au sommet de Feira avait permis, a-t-il précisé, de mettre en lumière l'engagement de l'Union européenne dans les Balkans, dans le cadre d'une approche stratégique d'ensemble, même si cette action se heurtait à l'immobilisme politique des autorités serbes. Il a ajouté que le Conseil européen de Feira avait, d'une part, adopté la proposition tendant à élaborer un programme de transition économique pour favoriser l'avènement d'une Serbie démocratique, et, d'autre part, souligné l'importance de la coopération dans le domaine des affaires intérieures et de la justice, élément clé de la stabilité dans les Balkans. Enfin, le Conseil avait approuvé la proposition du Président de la République française d'organiser, à l'automne prochain, un sommet de l'Union européenne associant les responsables politiques de la partie occidentale des Balkans.

Le Haut Représentant de l'Union européenne pour la PESC a alors évoqué les développements de la politique européenne de sécurité et de défense. Il a d'abord souligné que les opinions publiques attendaient de l'Union européenne qu'elle soit en mesure de répondre aux crises qui pouvaient se produire, mais que l'action de l'Europe dans ce domaine devait être soumise au contrôle démocratique des enceintes nationales, en particulier pour garantir la légitimité de l'envoi de troupes sur les théâtres extérieurs. Il a estimé que la politique étrangère de l'Union, longtemps déclamatoire, devait maintenant reposer sur les moyens civils et militaires nécessaires. Il a rappelé que le Conseil européen d'Helsinki avait fixé des objectifs de capacités militaires communs à l'Union européenne, et institué des organes politiques et militaires intérimaires, destinés à gérer les situations de crise. Le Conseil européen de Feira, a-t-il ajouté, avait permis de conclure six mois d'un travail intensif au service de ces objectifs et avait marqué ainsi une étape importante dans la constitution d'une dimension de sécurité et de défense au sein de l'Europe. Il a estimé que les Quinze devaient désormais poursuivre le processus d'inventaire détaillé des capacités nécessaires afin de présenter des engagements crédibles lors de la conférence ministérielle d'engagement de capacités de novembre prochain. Il s'est félicité, dans ce contexte, des récentes décisions d'acquisition des Etats européens -notamment l'annonce par les autorités britanniques, françaises et allemandes, de commander 150 avions de transport A400M d'Airbus- qui permettaient de renforcer la base industrielle de la défense européenne. Il était important, en effet, que l'Union européenne puisse s'appuyer, en toutes circonstances, sur une capacité autonome d'approvisionnement. Il a également noté que les organes intérimaires (comité politique et de sécurité et comité militaire) devaient être renforcés afin de conférer à l'Union une capacité opérationnelle de gestion des crises.

M. Javier Solana a relevé en outre que l'Union européenne disposait désormais d'un cadre pour renforcer, sur un pied d'égalité, ses relations avec l'OTAN en matière de gestion militaire des crises, en précisant que quatre groupes de travail avaient été créés (questions de sécurité, définition des objectifs de capacité, accès aux moyens de l'OTAN, mise au point d'arrangements permanents). Il a ajouté qu'une structure élargie permettrait, par ailleurs, la consultation et la coopération entre l'Union européenne et les pays tiers (alliés de l'OTAN non membres de l'Union et pays candidats à l'adhésion). Il a indiqué, en outre, qu'un comité pour les aspects civils de la gestion des crises et la définition d'objectifs concrets en matière de police lors du Conseil européen de Feira, permettraient de compléter l'action de l'Union.

M. Javier Solana a ensuite évoqué les prochaines évolutions qu'il reviendrait à la présidence française de mener à bien dans le domaine de la défense. Il a mentionné la nécessité de conférer une forme définitive aux structures intérimaires, et de conclure des arrangements avec l'OTAN, notamment sur la sécurité, sur l'accès aux capacités de l'Alliance atlantique et sur les modalités de consultation entre l'Union européenne et l'OTAN.

Le Haut Représentant de l'Union européenne pour la PESC a souligné que le renforcement de la politique étrangère des Quinze devait s'inscrire dans la perspective des prochains élargissements et favoriser la stabilité de l'Europe centrale et orientale. Il a ajouté que l'Union devait se doter, en conséquence, d'un dispositif institutionnel à même de permettre la poursuite de l'intégration européenne. Il a souligné que le mécanisme des coopérations renforcées, que le Conseil européen de Feira avait introduit à l'ordre du jour des travaux de la Conférence intergouvernementale, répondait à cet objectif. L' " avant-garde " que pourraient former certains pays, a-t-il précisé, devrait rester ouverte aux autres Etats membres. Enfin, M. Javier Solana a estimé que la perspective d'une Europe élargie exigeait de renforcer les relations entre l'Union et la Russie qui pourrait être associée, le moment venu, à certaines interventions de gestion de crise.

A la suite de l'intervention de M. Javier Solana, un débat s'est instauré avec les commissaires.

M. Hubert Haenel, président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, s'est d'abord félicité des initiatives prises par l'Union européenne dans le domaine de la défense, et a témoigné à M. Javier Solana la confiance qu'il lui accordait pour favoriser la mise en place des moyens nécessaires à la réalisation des objectifs que s'étaient assignés les Quinze. Après avoir relevé que le commissaire chargé des relations extérieures, M. Chris Patten, avait récemment déclaré qu'il détenait les outils de la politique étrangère et de sécurité commune dont la définition incombait au Haut Représentant pour la PESC, M. Hubert Haenel a souhaité savoir si cette répartition des rôles correspondait à la réalité et permettait par ailleurs de conduire une politique efficace. Il a invité, en outre, M. Javier Solana à donner son sentiment sur la proposition, soumise au Conseil par la Commission, portant création d'un dispositif de réaction rapide pour les situations de crise, en observant qu'il permettrait à la Commission européenne, assistée seulement, dans la circonstance, d'un comité des représentants des Etats membres, d'arrêter les interventions destinées à répondre aux situations de crise.

M. Hubert Haenel, après avoir relevé que le comité militaire pourrait bénéficier d'une présidence fixe, s'est demandé s'il ne serait pas nécessaire d'assurer également au comité politique et de sécurité une présidence durable. Enfin, il s'est interrogé sur la décision prise par le Conseil européen de Feira, de mettre en place une force de 5.000 policiers, appelés à intervenir dans le cadre d'opérations extérieures.

M. Aymeri de Montesquiou s'est interrogé sur le cadre dans lequel pourrait s'exercer l'activité de coordination du Haut Représentant pour la PESC. Il a souhaité savoir en particulier, dans quelle mesure il serait possible, d'une part, de favoriser l'harmonisation de l'action des Etats membres dans le domaine de la défense, d'autre part, d'impliquer les pays neutres, et enfin, de renforcer l'efficacité de la défense européenne. Il a demandé, par ailleurs, des précisions sur le champ géographique d'intervention de l'Union européenne en matière de gestion de crise. Il s'est interrogé, en outre, sur les conditions dans lesquelles les efforts d'équipement de la France, en particulier dans le domaine aéronaval, pourraient être, éventuellement complétés par ses partenaires européens. Enfin, il a demandé à M. Javier Solana les commentaires que lui inspirait la réaction négative de certains Etats candidats à l'égard des décisions arrêtées à Feira.

M. Robert Del Picchia s'est interrogé sur l'articulation du rôle respectif de l'Europe de la défense et de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).

M. Hubert Durand-Chastel, après avoir noté la multiplicité des intervenants en matière de politique étrangère (ministres des affaires étrangères des Quinze, commissaire chargé des relations extérieures, président de la Commission, Haut Représentant pour la PESC), s'est interrogé sur les moyens de mieux coordonner l'action de l'Union européenne dans ce domaine.

M. Paul Masson a souhaité savoir quel crédit il convenait d'accorder aux rumeurs relatives à un désengagement américain du Kosovo. Il s'est interrogé, en outre, sur les positions exprimées sur ce sujet par les deux candidats à l'élection présidentielle américaine. Il s'est inquiété, enfin, dans l'hypothèse où la présidence du comité militaire bénéficierait d'une présidence fixe, d'un éventuel déséquilibre entre les autorités civiles et militaires dans l'organisation de l'Europe de la défense.

M. Xavier de Villepin, président, a souhaité connaître le sentiment qu'inspiraient à M. Javier Solana ses rencontres avec M. Vladimir Poutine. Il a également interrogé le Haut Représentant pour la PESC sur le projet de système de défense antimissiles américain.

En réponse aux commissaires, M. Javier Solana a apporté les précisions suivantes :

- la création de la fonction de Haut Représentant pour la PESC a été décidée par le traité d'Amsterdam, à l'initiative de la France, afin de donner une véritable impulsion à la politique étrangère et de sécurité de l'Union européenne ; les compétences de la Commission sont demeurées inchangées et s'exercent dans le domaine communautaire, tandis que le Haut Représentant pour la PESC assume ses responsabilités dans le cadre de la coopération intergouvernementale ; il revient au Haut Représentant d'assurer un rôle de coordination et de participer, dans un esprit constructif, au renforcement de l'identité politique de l'Union européenne ;

- la mise en place d'une présidence durable pour le comité militaire devrait impliquer une disposition analogue pour le comité politique et de sécurité afin de garantir une certaine continuité d'action ; en cas de crise, le Haut Représentant pour la PESC pourra, en tout état de cause, assurer la coordination du dispositif ;

- le Conseil européen de Feira a pris en compte les difficultés actuelles, rencontrées par certains Etats membres, pour envoyer sur un théâtre extérieur des représentants de forces de police ; c'est pourquoi il a prévu la possibilité de déployer, d'ici le début de l'année 2003, quelque 5.000 policiers, afin de répondre aux besoins liés aux suites d'un conflit dans une région donnée ;

- les pays neutres, membres de l'Union européenne, participent d'ores et déjà à la gestion de crise ; ils sont pleinement engagés dans la construction d'une Europe de la défense ; si les pays candidats à l'Union européenne seront associés à la coopération dans le domaine de la défense, ils ne pourront pas, avant leur adhésion effective, participer au processus de décision ;

- la détermination de critères d'harmonisation en matière de défense apparaît difficile compte tenu, notamment, des méthodes de comptabilisation des dépenses militaires différentes d'un pays à l'autre ; il est donc préférable, dans ce domaine, de fixer des objectifs clairs ;

- l'ensemble des pays membres de l'Union européenne doit consentir les efforts nécessaires, en particulier, en équipements, afin d'atteindre les objectifs de capacités collectives définies par le Conseil européen d'Helsinki ;

- la politique étrangère et de sécurité de l'Union européenne a une tout autre vocation que la coopération nouée dans le cadre de l'OSCE -organisation qui réunit également des Etats non membres de l'Union européenne- ;

- le nouveau Président russe a pour première préoccupation le redressement économique de son pays ; cette priorité le conduira à entretenir de bonnes relations avec l'Occident ; les positions que pourrait adopter M. Vladimir Poutine sur les dossiers liés à la sécurité restent encore incertaines ; le Président russe, qui parle l'allemand, s'attachera sans doute à préserver la qualité des relations entre l'Allemagne et son pays ; par ailleurs, M. Vladimir Poutine se montre intéressé par les développements de la politique européenne de sécurité et de défense et, plus que son prédécesseur, il comprend la signification de l'élargissement de l'Union ;

- le projet américain de défense antimissiles n'est pas compatible avec le traité ABM ; les Européens attendent encore des éclaircissements sur un projet qui est en cours d'élaboration, et dont les conséquences précises soulèvent encore bien des incertitudes ;

- la campagne pour l'élection du Président américain a mis en évidence une certaine tentation isolationniste du côté des Républicains ; toutefois, quel que soit le résultat des échéances électorales, il est vraisemblable que le prochain Président maintiendra la présence militaire américaine au Kosovo ; par ailleurs, l'administration américaine actuelle témoigne d'une grande compréhension à l'égard de la mise en place progressive d'une Europe de la défense.