AFFAIRES ÉTRANGÈRES, DÉFENSE ET FORCES ARMÉES

Table des matières


Mercredi 24 novembre 1999

- Présidence de M. Xavier de Villepin, président -

Nomination de rapporteur

Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission a tout d'abord procédé à la nomination d'un rapporteur. Elle a désigné M. André Rouvière comme rapporteur sur le projet de loi n° 66 (1999-2000) autorisant l'approbation de la convention du 15 juillet 1982 portant création de l'Organisation européenne de télécommunications par satellite (EUTELSAT) telle qu'elle résulte des amendements adoptés à Cardiff le 20 mai 1999.

Projet de loi pour 2000 - Relations culturelles extérieures et francophonie - Examen du rapport

Puis la commission a examiné le rapport pour avis de M. Guy Penne sur les crédits du ministère des affaires étrangères inscrits dans le projet de loi de finances pour 2000 (relations culturelles extérieures et francophonie).

M. Guy Penne, rapporteur pour avis
, a rappelé que la réforme du ministère des affaires étrangères intervenue l'an dernier, en fusionnant l'ancienne Direction générale pour les relations culturelles, scientifiques et techniques au sein du plus vaste ensemble constitué par la DGCID, rendait moins apparente la spécificité de ce volet important de notre action diplomatique que représente la politique culturelle extérieure. Cela n'empêchait pas -a-t-il souligné- que, dans le budget du ministère des affaires étrangères pour 2000, des priorités en ce domaine soient réaffirmées, accompagnées des financements adaptés.

Ces priorités, déjà identifiées l'année dernière, étaient, a précisé M. Guy Penne, rapporteur pour avis, au nombre de trois : la promotion de notre enseignement supérieur auprès des étudiants étrangers, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) et l'audiovisuel extérieur.

Sur ce dernier point, M. Guy Penne, rapporteur pour avis, a d'abord rappelé que, l'an passé, la nouvelle présidence commune TV5-CFI, assurée par M. Jean Stock, s'était donné comme objectif prioritaire d'améliorer la qualité des programmes. Dans cette perspective, cinq orientations ont été définies, désormais intégrées dans une programmation rénovée : le renforcement de l'information ; la sélection des meilleurs magazines ; la priorité au cinéma et à la fiction ; l'ouverture à la publicité ; et enfin, l'intensification du sous-titrage en français. Cette nouvelle programmation, enrichie et mieux adaptée aux demandes du public, avait par ailleurs été largement valorisée par le lancement, le 8 janvier dernier, de quatre signaux régionalisés distincts vers l'Europe, l'Afrique, l'Asie et l'Orient. En novembre 1999, un cinquième signal, spécifiquement dédié à l'Europe francophone (Suisse, Belgique, France) permettrait enfin d'améliorer encore la programmation à destination des pays européens.

M. Guy Penne, rapporteur pour avis, a estimé que les résultats de cette stratégie étaient déjà au rendez-vous : un an après les premières décisions et les premiers changements, le nombre de téléspectateurs de TV5 avait augmenté et d'excellents retours d'audience avaient pu être mesurés en Europe.

Dans ce tableau assez positif, la place et l'audience de TV5 sur le continent américain restaient cependant -a relevé le rapporteur pour avis- une source de préoccupation. La responsabilité de la programmation des signaux diffusés au Canada, aux Etats-Unis et en Amérique latine incombait aux partenaires canadiens de TV5, alors même que la France assurait au moins la moitié de l'effort financier. La réunion des ministres francophones du mois de janvier 2000 devrait être l'occasion de résoudre les différences d'appréciation dans la stratégie, faute de quoi -a estimé M. Guy Penne, rapporteur pour avis- on s'acheminerait vers une TV5 à deux vitesses, d'autant plus dommageable qu'elle affecterait le continent américain, essentiel à la promotion d'images et de programmes francophones de qualité. Le récent mouvement intervenu à la tête du dispositif canadien de TV5 était prometteur. Les premières déclarations du nouveau responsable démontraient son souci d'imaginer, en coordination étroite avec les partenaires européens, des méthodes nouvelles et spécifiques. Le projet de budget prévoyait, a précisé M. Guy Penne, rapporteur pour avis, 25 millions de francs en mesures nouvelles, destinées au financement de la suite du plan de modernisation de la chaîne.

En ce qui concerne RFI (Radio France Internationale), la dotation du ministère des affaires étrangères -a relevé le rapporteur pour avis- permet de restituer à la station les 20 millions de francs qui avaient été prélevés l'an dernier au profit de l'action télévisuelle extérieure, portant ainsi les ressources globales de RFI pour 2000 à 745,2 millions de francs.

L'action en faveur de l'audiovisuel extérieur ne se limitait pas à TV5, CFI ou RFI. Le rapporteur pour avis a rappelé que, depuis plusieurs années, le ministère des affaires étrangères avait développé une politique d'aide financière à la promotion de productions audiovisuelles françaises aux résultats extrêmement positifs. Selon M. Guy Penne, rapporteur pour avis, la création audiovisuelle française comme, pour la promotion de notre langue, la priorité audiovisuelle, constituait un choix judicieux qui représentait un élément très positif du présent budget.

M. Guy Penne, rapporteur pour avis, a alors évoqué la deuxième priorité du projet de budget : l'enseignement français à l'étranger. Il s'agissait là -a-t-il estimé- d'un sujet essentiel sur lequel devait s'ouvrir une réflexion majeure.

L'effort financier que consacre l'Etat français n'était pas négligeable, a relevé le rapporteur pour avis : la subvention versée à l'AEFE au titre du budget 2000 est fixée à 1,994 milliard de francs, en progression par rapport à 1999. Cette donnée ne doit cependant pas occulter la charge, toujours plus importante, qui revient aux établissements eux-mêmes et, à travers eux, aux parents d'élèves.

La mesure nouvelle de 15 millions de francs pour les bourses scolaires dans le budget 2000 était, dans ce contexte, appréciable et le rapporteur pour avis a relevé que ces bourses avaient augmenté en quatre ans de 25 %, portant pour 2000 la dotation totale à 232 millions de francs, soit le double de ce qu'elle représentait en 1993. Malheureusement, a souligné M. Guy Penne, rapporteur pour avis, ces dotations positives étaient très rapidement rattrapées par l'augmentation des bénéficiaires potentiels, compte tenu d'une part d'une fréquentation accrue de nos établissements et d'autre part de la hausse des coûts de scolarité. Ce dernier facteur était particulièrement négatif pour la catégorie de nos compatriotes bénéficiant de revenus moyens : inéligibles pour les bourses, leurs enfants se trouvaient en fait souvent dans l'impossibilité d'être scolarisés dans nos établissements, à l'inverse de l'objectif recherché par la loi de 1990.

S'agissant des postes de résidents, une révision du décret de 1990 était souhaitable, de même qu'un aménagement du cadre budgétaire qui ne fonctionnait à ce jour, pour les expatriés, mais aussi pour les résidents, que sur la base d'emplois " développés ", ce qui -a estimé le rapporteur pour avis- empêchait toute adaptation rapide aux besoins.

La promotion de l'enseignement supérieur français constituait enfin, a poursuivi M. Guy Penne, rapporteur pour avis, la troisième priorité du projet de budget proposé. Deux démarches à long terme -a-t-il relevé- ont été engagées, qui symbolisent la nouvelle orientation de notre politique dans ce domaine : la création d'Edufrance et les bourses " Eiffel ". L'agence Edufrance tout d'abord, a été créée en 1998 sous la forme d'un groupement d'intérêt public regroupant le ministère des affaires étrangères et celui de l'éducation nationale, d'une part, et, d'autre part, les universités et grandes écoles françaises. Elle a pour objectif d'attirer les étudiants étrangers vers les formations dispensées par notre enseignement supérieur. De nombreuses universités de province et des grandes écoles ont répondu positivement à cette initiative, même si les universités parisiennes demeurent encore, pour l'heure, à l'écart du mouvement.

Le programme de bourses d'excellence " Eiffel ", créé en 1998 et effectif depuis janvier 1999, est par ailleurs destiné à former les décideurs étrangers de l'entreprise et de l'administration dans les meilleurs établissements français. Ce programme permettait de combler une lacune française créant un programme prestigieux et attractif dans le domaine, devenu très concurrentiel, du " marché de la formation ".

M. Guy Penne, rapporteur pour avis, a enfin abordé l'évolution de notre réseau de centres et instituts culturels : la carte de ce réseau et de ses implantations devait être -a-t-il estimé- rééquilibrée compte tenu de l'évolution du monde et le ministère des affaires étrangères avait également entrepris une démarche d'évaluation de certaines des missions de nos centres.

M. Guy Penne, rapporteur pour avis, a enfin évoqué la situation des recrutés locaux de notre réseau d'établissements culturels. Aujourd'hui, le réseau emploie 3.168 recrutés locaux, dont 942 Français, auxquels on peut ajouter 2.598 vacataires, dont 761 Français. Depuis longtemps -a-t-il rappelé- la situation de ces personnels était préoccupante : recrutés sur la base du droit local, c'est ce dernier qui déterminait leur protection sociale, les conditions de rupture de contrat ainsi que leurs rémunérations. La solution à trouver n'était pas simple : ces personnels étaient essentiels au fonctionnement de nos centres et le ministère des affaires étrangères serait évidemment dans l'impossibilité de les recruter sur une base " parisienne ". Il restait que la disposition législative récemment débattue au Sénat, qui tendait à exclure explicitement ces personnels des bénéfices de la jurisprudence Berkani, ne pouvait être, selon le rapporteur pour avis, acceptée en l'état.

M. Guy Penne, rapporteur pour avis, a alors invité la commission à adopter les crédits du ministère des affaires étrangères concourant à notre action culturelle extérieure.

Projet de loi de finances pour 2000 - Crédits des affaires étrangères - Vote sur l'ensemble

Puis la commission a procédé au débat et au vote sur l'ensemble des crédits des affaires étrangères inscrits dans le projet de loi de finances pour 2000.

M. Pierre Biarnès
a estimé que M. Guy Penne, rapporteur pour avis, avait décrit en fait, des réalités inquiétantes, liées au manque durable de moyens financiers accordés au ministère des affaires étrangères. Notre réseau d'établissements d'enseignement à l'étranger, par ailleurs exemplaire, devenait de plus en plus réservé aux enfants de familles aisées ou à ceux qui pouvaient bénéficier de bourses, mais excluait les autres. Notre réseau de centres et instituts fonctionnait en partie grâce à des personnels recrutés locaux qui s'investissaient beaucoup dans la promotion de notre langue et de notre culture, sans bénéficier pour autant d'un statut suffisamment protecteur. Il a estimé que, par delà les déclarations d'intention, les moyens budgétaires du ministère des affaires étrangères n'étaient pas à la hauteur de nos ambitions internationales.

En réponse à M. Xavier de Villepin, président, M. Guy Penne, rapporteur pour avis, a rappelé les grandes lignes du plan de modernisation de TV5 et CFI, présenté par M. Jean Stock, président des deux sociétés, et précisé les raisons de l'échec du lancement de TV5 Amérique, alors que les effets positifs du plan de modernisation de TV5 Europe commençaient à être bien perçus. Il a rappelé que TV5 Amérique était gérée par nos partenaires canadiens, lesquels n'avaient pas, jusqu'à ces derniers temps, souhaité engager une réflexion sur la stratégie de programmation et de diffusion de la chaîne, contrairement à ce qui avait été fait en Europe.

M. Xavier de Villepin, président, s'est ensuite déclaré en accord avec l'appréciation portée par le rapporteur pour avis sur les difficultés posées par l'évolution de notre réseau d'enseignement français à l'étranger, en particulier pour ce qui concerne l'évolution des coûts de scolarité qui n'ont pas été contenus dans les limites prévues lors du vote de la loi créant l'AEFE. Cette situation, a estimé M. Xavier de Villepin, président, nécessitait de rechercher de nouveaux partenaires et de nouvelles formules de financement, telles que les possibilités offertes par la construction d'écoles en commun avec des partenaires européens. Il a salué l'initiative du rapporteur pour avis tendant à engager une réflexion sur ce point.

Enfin, M. Xavier de Villepin, président, a souligné le grand progrès que traduisait la création de l'agence Edufrance. L'attractivité de notre enseignement supérieur auprès des étudiants étrangers constituait en effet une nécessité qui avait été trop méconnue jusqu'à présent.

M. Guy Penne, rapporteur pour avis, a précisé que les responsables d'Edufrance, qu'il avait eu l'occasion de rencontrer récemment, avaient mis en avant la difficulté qu'avaient des étudiants étrangers à obtenir des visas de la part de nos postes consulaires. M. Pierre Biarnès a également souligné cette difficulté qui empêchait des étudiants étrangers, dont les dossiers étaient pourtant acceptés, de rejoindre notre pays.

En réponse à M. Christian de La Malène, M. Guy Penne, rapporteur pour avis, a indiqué que les bourses de l'AEFE étaient destinées aux élèves Français des établissements du réseau, les autres bourses du ministère des affaires étrangères étant accordées aux étudiants étrangers désireux de recevoir une formation universitaire en France.

M. André Dulait, rapporteur pour avis des crédits du ministère des affaires étrangères, a alors estimé que les éléments positifs du budget de ce ministère pour 2000 l'emportaient sur les éléments négatifs. En particulier, la réduction tendancielle des crédits semblait désormais enrayée. M. André Dulait a donc suggéré à la commission d'émettre un avis favorable à l'adoption du présent budget.

M. Xavier de Villepin, président, a alors rappelé que Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis des crédits de l'aide au développement, avait porté un jugement critique sur les crédits de la coopération. Il a lui-même estimé que si l'objectif de la réforme, en fusionnant la coopération au sein du ministère des affaires étrangères, répondait à un souhait ancien, sa mise en oeuvre révélait certaines lourdeurs et un relatif manque de transparence. Il a indiqué que la commission recevrait prochainement le directeur général de l'Agence française de développement (AFD), afin de faire le point sur cette situation. Suivant les recommandations des rapporteurs pour avis, il s'est dit favorable à une adoption des crédits du ministère des affaires étrangères pour 2000.

M. Paul Masson a reconnu les aspects positifs du présent projet de budget du ministère des affaires étrangères pour 2000. Il a cependant émis de fortes réserves sur les crédits de la coopération, et relevé que l'Union européenne effectuait désormais, en matière d'aide au développement, un lien entre les ressources financières qu'elle accordait et la politique d'émigration des pays destinataires de son aide. Or, a-t-il estimé, le ministère des affaires étrangères n'était pas organisé pour mettre en oeuvre cette orientation européenne que, pour sa part, il approuvait.

La commission a alors émis un avis favorable sur l'ensemble des crédits du ministère des affaires étrangères inscrits dans le projet de loi de finances pour 2000, MM. Paul Masson, Christian de La Malène et Roger Husson s'abstenant.

Projet de loi de finances pour 2000 - Forces terrestres - Examen du rapport

La commission a ensuite examiné le rapport pour avis de M. Serge Vinçon sur les crédits du ministère de la défense inscrits dans le projet de loi de finances pour 2000 (forces terrestres).

M. Serge Vinçon, rapporteur pour avis,
a tout d'abord rappelé les grands axes de la " refondation " de l'armée de terre, qui s'est déjà traduite par une profonde restructuration des forces, comportant la dissolution de 37 régiments, la suppression des divisions et la créations de brigades, et enfin une réorganisation du commandement. Il a évoqué le déroulement satisfaisant de la professionnalisation de l'armée de terre en ce qui concerne le recrutement des engagés, la déflation des effectifs officiers et sous-officiers, et le recrutement, depuis le début de l'année 1999, des volontaires. Il a en revanche souligné deux difficultés importantes, concernant d'une part, la décrue beaucoup plus rapide que prévue, du nombre d'appelés et, d'autre part, un fort déficit en personnels civils.

Le rapporteur pour avis a précisé que l'armée de terre comptait fermement sur les effectifs appelés jusqu'à sa professionnalisation complète, faute de quoi elle devrait détourner de leurs emplois opérationnels des militaires professionnels. Il s'est inquiété du déficit en personnels civils, ceux-ci devant à terme constituer une composante importante de l'armée de terre, et a relevé la contrainte liée aux interdictions d'embauche d'ouvriers, qui n'avait été que très ponctuellement et très partiellement allégée. Il a précisé que, face à ces insuffisances, des moyens supplémentaires avaient été dégagés pour favoriser le recours à la sous-traitance. Il a enfin rappelé qu'avec les opérations du Kosovo la pression des activités opérationnelles sur l'armée de terre s'était accentuée.

M. Serge Vinçon, rapporteur pour avis, a ensuite présenté la dotation des forces terrestres pour 2000, qui s'élèvera à 48,7 milliards de francs, soit 0,9 % de moins que l'an passé.

Il a tout d'abord relevé que les crédits de paiement des titres V et VI, en recul de 3,6 % à 17,8 milliards de francs, traduisaient une rupture par rapport à l'engagement de stabilisation sur les quatre dernières années de la programmation pris l'an dernier par le Gouvernement, ces crédits étant inférieurs de 1,3 milliard de francs au montant attendu. Il s'est inquiété de la justification avancée par le Gouvernement à l'appui de cette diminution, à savoir la limitation des capacités de consommation des crédits du fait de la faiblesse des engagements antérieurs, en se demandant si ce raisonnement ne conduisait pas à entretenir une spirale de la contraction budgétaire. Il a noté que le contexte économique et financier général aurait permis de respecter l'engagement de stabilisation des crédits et il a vu, dans la diminution de ces derniers, le signe d'un nouveau recul de la défense dans l'ordre des priorités gouvernementales.

M. Serge Vinçon, rapporteur pour avis, a ensuite estimé que le budget laissait un certain nombre de besoins insatisfaits, en particulier en matière de moyens de fonctionnement. Il a enfin remarqué que le niveau des autorisations de programme ne prenait pas suffisamment en compte la mise en oeuvre des commandes pluriannuelles. Evoquant les difficultés rencontrées en 1999 pour passer la commande globale de 86 hélicoptères Tigre, qui aura exigé des transferts provenant d'autres programmes, il a précisé que le budget 2000 ne permettait qu'une seule commande globale pluriannuelle, à savoir celle du missile antichar AC3G-MP, et qu'il avait fallu renoncer à cette procédure, au prix d'un renchérissement de programme, pour la commande d'obus antichar ACED.

S'agissant des effectifs, M. Serge Vinçon, rapporteur pour avis, a précisé que le projet de budget pour 2000 comportait certains correctifs par rapport à la stricte application de la loi de programmation, principalement la suppression de 350 postes d'appelés et de 120 postes de civils, suppression gagée par des moyens financiers pour des actions de sous-traitance, et une accélération du rythme de déflation de postes d'officiers, de sous-officiers et d'appelés, pour tenir compte des difficultés à réaliser les effectifs budgétaires.

Evoquant alors les moyens de fonctionnement, le rapporteur pour avis a relevé que plusieurs mesures nouvelles permettaient de briser la forte dégradation observée ces deux dernières années, sans pour autant remédier aux insuffisances qui avaient été identifiées par le ministère de la défense à l'occasion de la " revue du titre III " opérée en début d'année. Il s'est en particulier inquiété des hypothèses retenues pour la réévaluation des dotations relatives aux produits pétroliers, très inférieures aux cours actuels du pétrole, des lacunes qui subsistent sur les crédits d'alimentation, de locations immobilières ou de frais de transport, et surtout des dotations concernant les activités des forces qui ne permettront que de relever de trois jours le nombre de jours d'activité annuels, qui a chuté à 70 jours en 1999, alors que l'objectif est de revenir en trois ans aux 100 jours annuels considérés comme indispensables.

Abordant les crédits du titre V, M. Serge Vinçon, rapporteur pour avis, a rappelé les inquiétudes relatives au niveau des autorisations de programme et le recul des crédits de paiement, qui reviennent à leur niveau de 1998. Il a considéré que, si ce recul ne devait normalement pas entraîner de nouveaux retards sur les programmes, il devrait nécessairement être compensé dans les années à venir pour espérer réaliser le contenu physique de la programmation. Il a en outre estimé que ce niveau de crédits de paiement maintiendrait les lourdes contraintes pesant depuis deux ans sur l'armée de terre en matière d'entretien programmé des matériels et de crédits d'infrastructure. Il a enfin constaté que le budget d'équipement proposé n'apportait aucun début de réponse aux enseignements tirés du conflit du Kosovo, qu'il s'agisse des véhicules blindés d'infanterie, des équipements de théâtre raccordés aux systèmes satellitaires, ou des drones, dont cinq exemplaires ont été détruits sans que leur remplacement soit prévu au budget.

En conclusion, M. Serge Vinçon, rapporteur pour avis, a déploré que la dotation des forces terrestres pour 2000 accumule un certain nombre de signes négatifs, alors que le contexte économique général permettait de respecter l'engagement de stabilisation des crédits et de proposer un budget en accord avec les intentions affichées en matière de renforcement de l'effort de défense en Europe. Il a en conséquence proposé à la commission d'émettre un avis défavorable sur le projet de budget de la défense pour 2000.

A l'issue de l'exposé du rapporteur, M. Xavier de Villepin, président, a relevé que le taux d'activité de forces terrestres avait atteint un niveau inquiétant, qu'il a jugé inférieur à celui requis pour une armée professionnelle. Il s'est interrogé sur les conséquences sur l'industrie, et particulièrement sur GIAT-Industries, de la diminution des crédits d'équipement de l'armée de terre.

Projet de loi pour 2000 - Crédits de la défense - Vote sur l'ensemble

Puis la commission a procédé au débat et au vote sur l'ensemble des crédits de la défense inscrits dans le projet de loi de finances pour 2000.

M. Guy Penne,
a d'abord remarqué qu'avec un effort de défense représentant environ 2,5 % du produit intérieur brut (PIB), comparable à celui du Royaume-Uni, la France se situait à mi-chemin entre les Etats-Unis, qui consacrent 3,5 % de leur PIB à la défense, et les autres pays européens, qui y consacrent en moyenne 1,5 % de leur PIB. Il a donc estimé que, malgré une diminution du même ordre de grandeur que celle enregistrée dans les autres pays occidentaux depuis la chute du mur de Berlin, le budget français d'équipement militaire, qui était le deuxième en Europe, demeurait très significatif. Il a ensuite évoqué les difficultés du ministère de la défense à consommer la totalité des crédits d'équipement dont il dispose et relevé que la rationalisation des achats d'équipement permettait des économies sans réduire le pouvoir d'achat des armées. Il a estimé que la professionnalisation des armées présentait un coût plus élevé qu'on ne l'avait envisagé lors du lancement de la réforme. Enfin, il a souligné que le conflit du Kosovo avait mis en évidence l'amélioration des capacités militaires françaises par rapport à la guerre du Golfe, même si des insuffisances perdurent en matière spatiale et de renseignement.

M. Serge Vinçon, a rappelé qu'après s'être engagé, à l'issue de la revue de programmes qu'il avait conduite, à stabiliser les crédits d'équipement des armées durant quatre ans, le Gouvernement rompait, dès la deuxième année, cet engagement. Il a émis la crainte que la France ne prenne un dangereux retard par rapport aux Etats-Unis, qui, après avoir réorganisé leur défense et leur industrie d'armement, relancent désormais leur effort financier en matière de défense, particulièrement en matière de recherche et de développement. Evoquant l'annulation supplémentaire de 5,3 milliards de francs de crédits d'équipement annoncée sur le budget de la défense, il a déploré que des commandes supplémentaires ne soient pas passées aux industriels alors que ceux-ci auraient la capacité de produire davantage de matériels.

M. Paul Masson, approuvé par M. Xavier de Villepin, président, a mis en doute, après les auditions des chefs d'état-major par la commission, l'idée selon laquelle les armées seraient limitées dans leurs capacités de consommation de crédits.

M. Xavier de Villepin, président, a alors rappelé que les crédits des titres V et VI étaient appelés à diminuer de 3,2 milliards de francs par rapport aux conclusions de la " revue de programmes " qui marquaient elles-mêmes une économie de 5 milliards de francs par an par rapport aux prévisions initiales de la loi de programmation. Il a estimé que la situation économique et financière actuelle aurait permis de préserver les crédits militaires. Il a par ailleurs déploré que le projet de budget ne tienne pas compte des leçons militaires du conflit du Kosovo, et observé la contradiction entre les discours sur la défense européenne et la réalité des programmes conduits en coopération, qui connaissent, pour beaucoup d'entre eux, d'importantes difficultés. Il a alors appelé la commission à suivre l'avis défavorable proposé par les rapporteurs pour avis.

M. Michel Caldaguès a indiqué qu'il se rangeait à cet avis défavorable.

M. Claude Estier a en revanche précisé que le groupe socialiste voterait le budget de la défense pour 2000.

La commission a alors émis un avis défavorable sur l'ensemble des crédits du ministère de la défense inscrits dans le projet de loi de finances pour 2000.

Affaires étrangères - Audition de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères

Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la commission a entendu M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

M. Hubert Védrine a d'abord évoqué le processus de paix au Proche-Orient. Il a relevé, s'agissant des négociations israélo-palestiniennes, que M. Ehud Barak avait mis en oeuvre les engagements souscrits par son prédécesseur et que les discussions difficiles sur le statut final des territoires palestiniens avaient débuté. Il a observé que les conditions d'une reprise des négociations entre la Syrie et Israël n'étaient pas encore réunies et que le retrait des forces israéliennes du Liban-sud avant juillet prochain, évoqué par le Premier ministre israélien, risquait de créer une situation chaotique s'il ne s'inscrivait pas dans le cadre d'un accord global entre Israël et le Liban. Il a ajouté qu'un accord israélo-palestinien devrait nécessairement aborder la question de la présence palestinienne au Liban. M. Hubert Védrine a enfin noté que la France s'efforçait de contribuer au déblocage des discussions entre Israël et ses deux voisins et qu'elle poursuivait à cet égard les mêmes objectifs que les Etats-Unis.

Le ministre des affaires étrangères a ensuite dressé un bilan du Sommet de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), réuni à Istanbul les 18 et 19 novembre derniers. L'ordre du jour, a-t-il précisé, prévoyait l'adoption, d'une part, d'une charte de la sécurité et, d'autre part, de plusieurs amendements au traité relatif aux forces conventionnelles en Europe (FCE). M. Hubert Védrine a souligné que la France avait considéré qu'il n'était pas possible de signer la charte de la sécurité sans évoquer la crise tchétchène et avait sensibilisé ses partenaires de l'Union européenne et les Etats-Unis sur cette question. Il a relevé que les pays occidentaux ne mettaient pas en cause la souveraineté de la Russie sur la Tchétchénie et ne contestaient pas davantage la réalité du problème terroriste. Il a estimé que la Russie, lors de la conclusion du Sommet, avait finalement admis la nécessité de rechercher une solution politique au conflit et accepté notamment, dans cette perspective, le principe d'une visite du président de l'OSCE en Tchétchénie. Ces engagements, a ajouté le ministre, ont rendu possible la signature de la charte de la sécurité. Il a néanmoins relevé que les autorités russes n'avaient pas, pour l'heure, modifié leur comportement et leur position et il a indiqué que les pays occidentaux demandaient aux autorités russes de respecter leurs engagements en acceptant le déplacement du président de l'OSCE en Tchétchénie.

A la suite de l'exposé du ministre, M. Claude Estier, après avoir évoqué la cohésion des Occidentaux lors du Sommet d'Istanbul, s'est étonné de la relative modération du discours du président des Etats-Unis à l'égard de la Russie. Il a souhaité par ailleurs obtenir des précisions sur le lien entre la crise tchétchène et les prochaines échéances électorales russes, ainsi que sur une possible visite du président Eltsine à Paris au lendemain des élections législatives en Russie.

M. Christian de la Malène a demandé des précisions sur la nature juridique des modifications apportées au traité relatif aux forces conventionnelles en Europe.

M. Robert Del Picchia s'est interrogé sur les conditions dans lesquelles a pu être adoptée par les Occidentaux une position commune vis-à-vis de la Russie, lors du Sommet de l'OSCE.

M. Aymeri de Montesquiou, évoquant les conflits au Kosovo, en Tchétchénie ou en Afghanistan, s'est demandé si la communauté internationale réagissait de manière vraiment équilibrée vis-à-vis des crises qui pouvaient survenir dans les différentes parties du monde.

M. Michel Caldaguès a souhaité savoir s'il y avait un lien entre la modération américaine vis-à-vis de la crise tchétchène et la retenue observée par la Russie devant l'évolution de la situation au Kosovo.

Mme Danielle Bidard-Reydet a interrogé le ministre sur les conditions d'un éventuel apport d'aide humanitaire à la population civile tchétchène.

M. Xavier de Villepin, président, a demandé au ministre son sentiment sur le lien entre le conflit en Tchétchénie et la proximité des échéances électorales russes, ainsi que sur les relations entre le Premier ministre, M. Poutine, et l'armée russe.

En réponse aux questions des commissaires, M. Hubert Védrine a apporté les précisions suivantes :

- les modifications apportées au traité sur les forces conventionnelles en Europe devront être ratifiées dans les conditions habituelles par les parlements nationaux, même si les pays occidentaux ont fait savoir, après avoir signé le texte amendé du traité, qu'ils n'engageraient les procédures de ratification que lorsque la Russie respecterait les plafonds fixés par ce texte ;

- Mme Ogata, haut-commissaire aux réfugiés, après avoir visité les populations tchétchènes déplacées, n'a pas fait état de catastrophe humanitaire aiguë au regard de la situation alimentaire et sanitaire ;

- la France a joué un rôle moteur pour que la crise tchétchène soit prise en compte lors du Sommet, même si certains de nos partenaires se sont interrogés sur les conséquences d'un durcissement des positions occidentales vis-à-vis de la Russie ;

- il n'existe pas de comparaison possible entre la crise en Tchétchénie et la situation au Kosovo ; les désaccords manifestés par la Russie quant à la politique suivie au Kosovo n'ont conduit en aucune manière à une rupture avec les Occidentaux ; l'objectif dans cette région reste d'organiser des élections municipales l'été prochain, même si cette perspective rencontre l'hostilité de certaines forces intérieures kosovares ;

- à Moscou, l'unanimité est complète entre les responsables politiques sur la guerre en Tchétchénie et la lutte contre le terrorisme est une cause nationale qui recueille un soutien général.

Le ministre des affaires étrangères a ensuite répondu aux questions des commissaires concernant l'évolution du processus de paix au Proche-orient.

Mme Danièle Bidard-Reydet a rappelé que plusieurs questions commandaient une évolution rapide des négociations : le maintien de la plupart des colonies sauvages dans les territoires occupés ou le problème de la libre-circulation dans Jérusalem-est. Elle s'est demandé si l'application des résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU constituait encore une base de négociation.

M. Daniel Goulet a souligné l'inquiétude des responsables libanais sur l'avenir de la présence palestinienne sur leur territoire.

M. André Dulait a interrogé le ministre sur le futur statut de Jérusalem.

M. Aymeri de Montesquiou s'est inquiété de la position d'Israël sur le retour éventuel des réfugiés palestiniens, dits " des premières vagues ", et s'est interrogé sur l'analyse de la diplomatie française sur cette question.

M. Xavier de Villepin, président, a souligné l'aspect éminemment complexe de la négociation en cours. Il s'est interrogé sur la possibilité de respecter les échéances prévues dans le cadre du processus de paix : signature d'un accord intérimaire en février 2000 et accord final en septembre 2000. M. Xavier de Villepin, président, s'est demandé si la politique menée par M. Ehud Barak ne se situait pas en définitive à mi-chemin entre celle conduite par ses prédécesseurs travaillistes, MM. Rabin et Peres, et celle de M. Netanyahou.

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, a alors apporté les précisions suivantes :

- depuis 1967, 190.000 colons s'étaient installés dans les territoires occupés. La poursuite de cette politique depuis l'accession de M. Barak aux responsabilités suscitait perplexité et interrogations. Ce sujet faisait partie des dossiers en négociation sachant que M. Ehud Barak avait clairement affiché son refus d'un démantèlement total des implantations sauvages. Cela étant, l'écart que l'on constate entre l'objectif ultime de paix de M. Ehud Barak et ses propositions actuelles pouvait ne constituer qu'une position de départ dans la négociation ;

- les Libanais partagent une inquiétude unanime sur l'évolution de la présence palestinienne sur leur sol ;

- Israël s'oppose clairement au retour des réfugiés palestiniens des " premières vagues ", et s'achemine plutôt vers l'hypothèse de compensations. Pour la France, la base du droit international sur cette question est inscrite dans les diverses résolutions des Nations unies qui prévoient le droit au retour des réfugiés. La solution définitive devrait revenir aux intéressés eux-mêmes ;

- la réflexion sur le futur statut de Jérusalem doit prendre en compte, d'une part, la question de la souveraineté, israélienne ou palestinienne, sur la ville et, d'autre part, les points de vue exprimés par d'autres intervenants ou Etats, compte tenu de la dimension religieuse du problème ;

- la fixation d'échéances dans le cadre de la négociation pourrait permettre à M. Ehud Barak de mobiliser la majorité qui le soutient ; en fin de compte, c'est la réalité des progrès ou des retards de la négociation qui déterminera le calendrier ;

- le Premier ministre israélien est sincèrement désireux d'aboutir à une solution constructive. Il a fait sienne la position exprimée depuis longtemps par la France selon laquelle un Etat palestinien serait davantage une solution qu'un problème, à la condition que cet Etat soit viable.

Mme Danielle Bidard-Reydet a alors interrogé le ministre sur la contribution que la prochaine session de l'Union interparlementaire, qui doit se tenir à Marseille en mars 2000 sur les problèmes méditerranéens, pourrait apporter au processus de négociation en cours, dans la perspective du sommet euro-méditerranéen prévu durant la présidence française de l'Union européenne.

M. Xavier de Villepin, président, a souhaité obtenir du ministre des éclaircissements sur les raisons qui empêchaient le président algérien, M. Bouteflika, de constituer son gouvernement.

Le ministre des affaires étrangères a alors apporté les éléments de réponse suivants :

- les contacts interparlementaires ne constituent sans doute pas le canal le plus approprié pour intervenir dans les négociations, essentiellement bilatérales, entre Israël, d'une part, et les Palestiniens, la Syrie et le Liban, d'autre part. En revanche, une réflexion pourrait être conduite dans une telle enceinte sur les problèmes d'avenir de la région ;

- en Algérie, certaines personnes, groupes ou forces peuvent ne pas avoir intérêt à la cessation des affrontements qui affectent le pays depuis de nombreuses années. Le président algérien, fortement soutenu par l'opinion de son pays, ne renoncera pas à ses projets et la France entend le soutenir dans cette démarche.