Table des matières

  • Mercredi 17 février 1999
    • Nomination de rapporteurs
    • Justice - Réforme du code de justice militaire et du code de procédure pénale - Examen du rapport pour avis
    • Mission d'information à l'étranger - Situation à Chypre - Communication

Mercredi 17 février 1999

- Présidence de M. Xavier de Villepin, président -

Nomination de rapporteurs

La commission a tout d'abord procédé à la nomination de rapporteurs. Elle a désigné :

- M. Hubert Durand-Chastel sur les projets de loi n° 211 (1998-1999) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Guatemala sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements, n° 212 (1998-1999) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Honduras sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements, et n° 213 (1998-1999) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Nicaragua sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements ;

- M. André Boyer sur le projet de loi n° 214 (1998-1999) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Namibie sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements ;

- M. André Dulait sur le projet de loi n° 215 (1998-1999) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Azerbaïdjan surl'encouragement et la protection réciproques des investissements ;

- M. André Boyer sur le projet de loi n° 216 (1998-1999) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement macédonien sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements.

Justice - Réforme du code de justice militaire et du code de procédure pénale - Examen du rapport pour avis

Puis la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Serge Vinçon sur le projet de loi n° 490 (1997-1998), adopté par l'Assemblée nationale en première lecture, portant réforme du code de justice militaire et du code de procédure pénale.

M. Serge Vinçon, rapporteur pour avis, a tout d'abord rappelé que ce projet de loi visait à étendre aux justiciables du code de justice militaire les modifications du code de procédure pénale intervenues du fait de la loi du 4 janvier 1993, sans retoucher les dispositions du code de justice militaire valables pour le temps de guerre. M. Serge Vinçon a inscrit ce projet de loi dans une logique d'harmonisation du droit pénal militaire par rapport au droit pénal général qui, a-t-il souligné, caractérisait déjà la loi du 21 juillet 1982 qui a supprimé les tribunaux permanents des forces armées. A cet égard, M. Serge Vinçon a effectué un bref rappel historique des réformes successives du droit pénal militaire. Le rapporteur pour avis a mis en évidence deux principes caractérisant l'évolution de ce droit : d'une part, la volonté de prendre en compte les contraintes propres au métier des armes, en autorisant des dérogations souvent importantes par rapport au droit commun, tout en admettant, d'autre part, quelques adaptations du droit pénal militaire dans le sens d'une ouverture croissante.

Le rapporteur pour avis a également relevé le souci, à l'origine du projet de loi, de trouver une réponse pénale appropriée aux problèmes posés, pour une armée désormais conçue pour la projection, par les très complexes règles de compétence définies, à l'égard des militaires et des personnels civils servant en dehors du territoire national, par le code de justice militaire actuellement en vigueur. M. Serge Vinçon a, en effet, fait observer que les infractions commises à l'étranger par des justiciables du code de justice militaire pouvaient, selon les cas, relever d'une juridiction de droit commun (et, par conséquent, du code de procédure pénale) ou d'un tribunal aux armées (et, de ce fait, du code de justice militaire).

Le rapporteur pour avis a, par ailleurs, commenté le recul des particularismes du droit pénal militaire dans le cadre de la réforme de 1982, parallèlement au maintien de spécificités parmi lesquelles il a mentionné l'absence de double degré de juridiction, l'absence de jury populaire pour le jugement de crimes quand intervient un tribunal aux armées, et les limites affectant la mise en mouvement de l'action publique par la victime lésée.

M. Serge Vinçon a alors évoqué les conséquences, sur le lien armées-Nation, de la réforme du droit pénal militaire. Celle-ci, en effet, a souligné le rapporteur pour avis, contribue à confirmer que le militaire est considéré comme un justiciable comme un autre, ce qui, à l'heure de la professionnalisation, peut permettre d'éviter une coupure entre l'armée et la société civile. Dans le même esprit, M. Serge Vinçon a jugé impossible de confier une mission aussi importante que la défense à une catégorie de citoyens qui ne bénéficierait pas des droits et garanties reconnus en France à tout justiciable.

Abordant alors le contenu du projet de loi, dont il a relevé le champ d'application limité (compte tenu d'un effectif de justiciables modeste au regard du nombre de justiciables " de droit commun "), le rapporteur pour avis a commenté les diverses dispositions tendant à harmoniser davantage le droit pénal militaire par rapport au droit commun. Il a ensuite souligné l'intérêt que présentent les dispositions destinées à simplifier les règles de compétence relatives aux infractions commises en dehors du territoire national. M. Serge Vinçon a, par ailleurs, regretté la formule, selon lui préjudiciable à la lisibilité de la loi, revenant à renvoyer, pour le temps de guerre, au code de procédure pénale en vigueur avant qu'intervienne la loi du 4 janvier 1993, et au code de justice militaire en vigueur avant l'application de la loi actuellement en préparation.

Le rapporteur pour avis a alors commenté les modifications apportées au projet de loi par l'Assemblée nationale, pour la plupart inspirées, a-t-il fait observer, par le souci de poursuivre le rapprochement entre le droit pénal militaire et le droit pénal général :

- nouvelle terminologie commune aux juridictions civiles et militaires ;

- création d'un jury populaire aux tribunaux aux armées en matière criminelle ;

- suppression des limites à la mise en mouvement de l'action publique par la victime lésée.

D'autres modifications, a poursuivi M. Serge Vinçon, ont pour objet d'exclure la création de nouveaux tribunaux aux armées en dehors du territoire national, sous réserve du maintien, à titre transitoire, du tribunal aux armées des forces françaises stationnées en Allemagne, et de confier une compétence de principe au tribunal aux armées de Paris, pour le jugement des infractions commises à l'étranger par des justiciables du code de justice militaire. Enfin, M. Serge Vinçon a relevé avec intérêt l'adjonction d'une disposition prévoyant prochainement une refonte du code de justice militaire, destinée à assurer notamment une meilleure lisibilité des dispositions valables pour le temps de guerre.

Le rapporteur pour avis a déclaré souscrire aux modifications adoptées par l'Assemblée nationale, tout en jugeant souhaitable, d'une part, de préciser que la mise en mouvement de l'action publique par une victime lésée induit un avis préalable du ministre de la défense, et, d'autre part, de reporter la refonte du code de justice militaire à une date qui permette de prendre en compte, le cas échéant, les premiers enseignements de la professionnalisation.

A l'issue de cet exposé, M. Serge Vinçon, à la demande de M. Michel Caldaguès, a commenté l'accueil favorable réservé au projet de loi par les justiciables du code de justice militaire.

Avec M. Xavier de Villepin, président, MM. Michel Caldaguès et Christian de La Malène, le rapporteur pour avis est revenu sur les difficultés susceptibles de résulter de l'absence de lisibilité des dispositions valables pour le temps de guerre, jusqu'à la refonte du code de justice militaire susceptible d'intervenir en 2002, même si, a-t-il fait observer, la mise en oeuvre de ces dispositions relève d'hypothèses théoriques à ce jour.

Puis le rapporteur pour avis a, à la demande de M. André Boyer, précisé la portée de l'article 698-7 du code de procédure pénale, relatif à l'intervention d'un jury populaire en matière criminelle.

MM. Serge Vinçon, rapporteur pour avis, et Xavier de Villepin, président, ont alors jugé souhaitable de confirmer la cohérence, sur ce projet de loi, entre les propositions de la commission des lois, saisie au fond, et celles de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, saisie pour avis.

La commission a ensuite examiné les amendements proposés par le rapporteur pour avis.

Elle a adopté un amendement de suppression de l'article 3 bis du projet de loi, qui tendait à insérer dans le code de justice militaire un nouvel article 4-1, désormais en contradiction avec d'autres dispositions du projet de loi excluant la création de nouveaux tribunaux aux armées à l'étranger, et confiant une compétence de principe au tribunal aux armées de Paris.

A l'article 4 du projet de loi, la commission a adopté un amendement tendant à abroger l'article 5 du code de justice militaire, qui prévoyait notamment le renvoi, devant le tribunal aux armées de Paris, des affaires de la compétence d'un tribunal aux armées établi en dehors du territoire national, en cas de suppression de ce tribunal.

Puis la commission a adopté un amendement de suppression de l'article 38, relatif aux tribunaux prévôtaux. Ceux-ci ne devant plus intervenir qu'en temps de guerre, la commission a, avec le rapporteur pour avis, jugé préférable d'examiner cette modification du code de justice militaire lors de la refonte de ce code prévue par l'article 52 bis du projet de loi.

La commission a adopté deux amendements de conséquence tendant à supprimer les articles 39 et 40.

La commission a alors adopté un amendement tendant à rétablir l'article 46, supprimé par l'Assemblée nationale, afin de confirmer que la mise en mouvement de l'action publique, dans les conditions prévues par l'article 45 bis du projet de loi, implique explicitement l'intervention d'un avis préalable du ministre de la défense.

Après l'article 51, la commission a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel prenant acte du maintien, à titre provisoire, du tribunal aux armées des forces françaises stationnées en Allemagne, et prévoyant, en cas de suppression, le transfert des affaires de sa compétence au tribunal aux armées de Paris.

Puis la commission a, à l'article 52 bis, adopté un amendement décalant au 31 décembre 2002 la date de la refonte du code de justice militaire.

La commission a alors adopté l'ensemble du projet de loi portant réforme du code de justice militaire et du code de procédure pénale ainsi amendé.

Mission d'information à l'étranger - Situation à Chypre - Communication

Enfin, la commission a entendu une communication de M. Xavier de Villepin, président, sur la situation à Chypre, à la suite du déplacement qu'il a effectué sur l'île du 4 au 7 février dernier.

M. Xavier de Villepin, président, a tout d'abord précisé qu'il avait pu rencontrer, lors de son séjour, M. Glafkos Cléridès, chef de l'Etat et du gouvernement de la république de Chypre, M. Rauf Denktash, président de la " République turque de Chypre du Nord " autoproclamée, le représentant sur place du secrétaire général des Nations unies ainsi que de nombreux parlementaires.

M. Xavier de Villepin, président, a ensuite effectué une brève présentation de l'île de Chypre, géographiquement beaucoup plus proche des côtes turques que de la Grèce, et qui compte près de 800.000 habitants dont 600.000 Chypriotes grecs et 190.000 Chypriotes turcs. Il a rappelé que depuis 1974, l'île était divisée par une " ligne verte " de 180 km, la partie grecque au sud représentant 57 % du territoire, la partie turque au nord 37 %, le restant étant constitué de la zone tampon des Nations unies (3 %) et des deux bases navales britanniques (3 %).

Il a alors rappelé les diverses influences qui s'étaient successivement exercées sur Chypre jusqu'à la colonisation britannique et a précisé que l'indépendance, en 1960, avait été accordée à l'île au prix du maintien de deux importantes escales navales britanniques, conformément à l'accord de Londres et au traité de Zurich consacrant la naissance de la République bicommunautaire de Chypre.

M. Xavier de Villepin, président, a ensuite rappelé que dès 1963, l'ONU avait dû intervenir à Chypre en envoyant une force militaire à la suite de violents incidents entre les communautés grecque et turque. Depuis l'invasion d'une partie du territoire par les troupes turques en 1974, à la suite de la tentative de coup d'Etat des colonels grecs contre Mgr Makarios, une force de surveillance de l'ONU de 1.250 hommes assurait la surveillance de la ligne de démarcation entre la zone grecque et la zone turque, autoproclamée en 1983 " République turque de Chypre du Nord ".

M. Xavier de Villepin, président, a alors constaté que, sur le terrain, les deux entités demeuraient de plus en plus étrangères l'une à l'autre, le passage de la frontière n'étant pas autorisé, alors que chacune des deux communautés demeurait profondément marquée par une hostilité réciproque, perceptible jusque dans les manuels scolaires. Il a souligné que les conditions de stationnement de l'armée turque, qui compte 35.000 hommes sur place, démontraient que la Turquie considérait sa présence sur l'île inscrite dans le long terme. Il a mentionné la force des phobies propres à chaque communauté : peur d'une occupation totale de l'île par les Turcs côté grec, peur d'une république hellénique côté turc. Il a signalé que la modification de la structure de la communauté turque, de plus en plus composée d'agriculteurs immigrés de Turquie, ne contribuait pas à la compréhension réciproque. Enfin, il a évoqué le surcroît récent de tension provoqué par la perspective d'installation, côté grec, de missiles S300 commandés à la Russie qui devraient finalement être stationnés en Crète.

M. Xavier de Villepin, président, a conclu en indiquant que la perspective de l'adhésion de Chypre à l'Union européenne, prévue dans le cadre du prochain élargissement, avait laissé espérer un rapprochement des deux communautés. Il a fait part des grandes difficultés soulevées par cette négociation d'adhésion, compte tenu, d'une part, de l'opposition de la Turquie et, d'autre part, de la menace grecque, si l'adhésion était reportée, d'opposer son veto à celle des pays d'Europe centrale et orientale. Il s'est demandé si, finalement, cette négociation d'adhésion n'avait pas eu pour effet d'élargir un peu plus le fossé séparant les deux communautés chypriotes.