Table des matières

  • Mercredi 3 mars 1999
    • Nomination de rapporteurs
    • Défense - Organisation de la réserve militaire et des services de défense - Audition du général de division Barrié, sous-chef d'état major " organisation-ressources humaines " à l'état major de l'armée de terre
    • Défense - Organisation de la réserve militaire et du service de défense - Audition de l'amiral de Portzamparc, inspecteur des réserves et de la mobilisation de la Marine, sur la réserve de la Marine
    • Défense - Organisation de la réserve militaire et du service de défense - Audition du général de division aérienne Wolszyntski, inspecteur de l'armée de l'air
  • Jeudi 4 mars 1999
    • Audition de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères - Etat des négociations concernant le Kosovo

Mercredi 3 mars 1999

- Présidence de M. Xavier de Villepin, président -

Nomination de rapporteurs

La commission a d'abord procédé à la nomination d'un rapporteur. Elle a désigné M. Paul Masson comme rapporteur sur le projet de loi n° 229 (1998-1999) autorisant la ratification du protocole établissant, sur la base de l'article K.3 du traité sur l'Union européenne et de l'article 41, paragraphe 3, de la convention Europol, les privilèges et immunités d'Europol, des membres de ses organes, de ses directeurs adjoints et de ses agents.

Défense - Organisation de la réserve militaire et des services de défense - Audition du général de division Barrié, sous-chef d'état major " organisation-ressources humaines " à l'état major de l'armée de terre

La commission a ensuite procédé à diverses auditions sur le projet de loi portant organisation de la réserve militaire et du service de défense.

Elle a tout d'abord entendu le général de division Barrié, sous-chef d'état-major " organisation-ressources humaines " à l'état-major de l'armée de terre, sur la réserve de l'armée de terre.

Le général Barrié a tout d'abord situé la création du nouveau système des réserves de l'armée de terre dans le contexte de la refondation des forces terrestres et de la redéfinition de l'ensemble des composantes de celles-ci à l'échéance de 2002. Il a jugé indispensable la création d'une nouvelle composante réserves, intégrée aux éléments d'active et contribuant au renforcement du lien armées-nation.

Le général Barrié a ensuite rappelé le cadre général du nouveau système des réserves, fondé en particulier sur le contrat opérationnel de l'armée de terre défini par la loi de programmation militaire 1997-2002  (projection simultanée de 30.000 hommes sur un théâtre d'opérations pour une durée d'un an avec des relèves partielles, et d'une force de 5.000 hommes relevable, ou projection de plus de 50.000 hommes pour prendre part à un engagement majeur).

Dans le contexte créé par la professionnalisation et par le nouveau concept d'emploi des forces, le rôle de la réserve de l'armée de terre est donc, a poursuivi le général Barrié :

- de contribuer à la disponibilité permanente des forces en substitution d'unités d'active ;

- d'entretenir le lien armées-nation ;

- et de fournir aux forces d'active les renforts nécessaires au maintien de leurs capacités.

Le général Barrié a alors fait observer que la réserve de l'armée de terre était désormais fondée sur le volontariat et sur un nouveau concept d'emploi qui s'est substitué à l'ancien système des réserves de masse formées essentiellement d'assujettis au service national obligatoire. Le nouveau système, a-t-il relevé, s'appuie sur des effectifs réduits, mais mieux entraînés et plus motivés. Legénéral Barrié a également insisté sur le caractère réaliste des objectifs retenus en matière d'effectifs, de budget, d'équipement et de suivi des activités, et sur le souci d'offrir aux réservistes une affectation proche de leur domicile, et d'obtenir ainsi un meilleur maillage territorial des forces de réserve.

Abordant ensuite l'organisation à venir de la " première réserve " de l'armée de terre, forte de 30.000 hommes avec un taux d'encadrement de 50 %, le général Barrié a évoqué les rôles des unités de réserve organiques, parmi lesquelles il a commenté la vocation des 75 unités de réserve de régiment professionnel (URRP) à participer à toutes les missions du régiment et, le cas échéant, à assurer des missions simples de sécurité générale dans le cadre d'engagements de faible intensité. Le général Barrié a ensuite souligné le rôle des membres de la première réserve dans les régiments, les états-majors, les écoles et les divers organismes de l'armée de terre, notamment pour répondre à des besoins particuliers dans des spécialités rares (linguistes, spécialistes de l'environnement...).

Puis le général Barrié a évoqué les différentes origines des futurs réservistes, qu'ils soient issus du volontariat du service national, d'une préparation militaire, du service actif, ou que, ne disposant d'aucune expérience militaire, ils souhaitent accéder directement à la réserve de l'armée de terre en tant que spécialistes. Le général Barrié a alors relevé que 9.000 cadres réservistes -majoritairement issus de l'ancien système des réserves- avaient, à ce jour, souscrit un engagement pour servir dans la réserve, à rapprocher de l'objectif final de 15.000 cadres.

Commentant alors le cursus proposé aux réservistes, le général Barrié a relevé l'importance de la formation des cadres, qui concerne désormais chaque année 300 officiers et 500 sous-officiers, et qui doit désormais être adaptée à l'objectif d'intégration de la composante réserves aux unités d'active.

Puis le général Barrié a commenté les différents emplois susceptibles d'être désormais tenus, dès le temps de paix, par les réservistes ayant souscrit un engagement pour servir dans la réserve, qu'il s'agisse d'emplois en régiment, en état-major, en opération extérieure ou d'emplois liés à l'environnement de l'armée de terre. Sur ce dernier point, le général Barrié a souligné l'apport essentiel des réservistes à l'encadrement des préparations militaires et des journées d'appel de préparation à la défense.

En conclusion, le général Barrié a estimé que la transition entre l'ancien et le nouveau système des réserves s'effectuait dans de bonnes conditions. Il a commenté l'accueil favorable ménagé par les cadres de l'ancienne réserve à leur nouveau rôle. Le général Barrié a jugé que la loi sur les réserves, très attendue, constituerait un " signe fort " de l'intérêt porté à la réserve qui constitue, a-t-il souligné, un élément majeur de la constitution de l'armée de terre professionnelle.

Interrogé par M. Serge Vinçon sur les difficultés susceptibles d'être posées par le recrutement de réservistes militaires du rang, le général Barrié a souligné la nécessité d'offrir aux candidats des activités stimulantes, compte tenu d'une rémunération plus faible que celle des officiers de réserve.

A la demande de M. Serge Vinçon, le général Barrié a ensuite évoqué le rôle des cadres de réserve, très apprécié par la collectivité militaire, dans l'encadrement des journées d'appel de préparation à la défense dans les sites relevant de l'armée de terre.

Interrogé par M. Serge Vinçon et par M. Xavier de Villepin, président, sur le fondement juridique des engagements souscrits par les réservistes avant la promulgation de la loi en préparation, le général Barrié a rappelé que la loi de janvier 1993 avait autorisé l'emploi de réservistes, dès le temps de paix, en état-major ou dans les différentes formations militaires. Il a estimé que la nouvelle loi conférerait une légitimité nouvelle aux réservistes et, de ce fait, stimulerait probablement les recrutements à venir.

A la demande de M. Xavier de Villepin, président, le général Barrié a commenté la réflexion en cours sur la seconde réserve, destinée à contribuer au renforcement du lien armées-nation.

Répondant enfin à une question de M. Xavier de Villepin, président, sur le recours à des personnels réservistes en opérations extérieures, le général Barrié a rappelé l'emploi de ces cadres, en ex-Yougoslavie, comme observateurs, comme linguistes, ou dans le domaine des affaires civilo-militaires (assainissement des eaux, urbanisme...). Il a estimé que, dans ce contexte, l'emploi des réservistes s'appuyait sur une qualification précise acquise, pour l'essentiel, dans le domaine civil, et ne saurait, de ce fait, être effectuée dans un cadre collectif.

Défense - Organisation de la réserve militaire et du service de défense - Audition de l'amiral de Portzamparc, inspecteur des réserves et de la mobilisation de la Marine, sur la réserve de la Marine

La commission a ensuite entendu l'amiral de Portzamparc, inspecteur des réserves et de la mobilisation de la marine, sur la réserve de la marine.

L'amiral de Portzamparc a tout d'abord souligné l'importance désormais attachée, dans la nouvelle organisation des réserves, à l'expression du volontariat, véritable acte de citoyenneté qu'il conviendra de susciter, de recenser et d'entretenir. Dans la cadre de la professionnalisation, a-t-il poursuivi, la réserve permettra la " respiration " de l'armée au sein de la Nation, favorisant l'ajustement des effectifs aux besoins tout en permettant à l'institution militaire de rester en osmose avec le pays.

L'amiral de Portzamparc a ensuite présenté la future organisation de la réserve de la marine, qui reposera sur deux composantes :

- une composante affectée et rémunérée, qui sera contingentée à 6.500 réservistes et qui pourvoira à des emplois dans des domaines très divers : contrôle naval, emplois de juristes, de linguistes, de relations publiques, protection des sites sensibles et des ports de commerce d'intérêt majeur, armement de la force maritime de complément et renfort des sémaphores, sécurité incendie au sein des marins pompiers, encadrement des préparations militaires et de l'appel de préparation à la défense, renforts dans le domaine de l'administration et de la logistique ;

- une composante non affectée et non rémunérée, qui constituera un vivier utile pour la politique de recrutement et de réinsertion professionnelle de la marine ainsi que pour ses relations avec le milieu civil, en particulier les institutions et les entreprises.

L'amiral de Portzamparc a précisé que le recrutement de la nouvelle réserve s'opèrera essentiellement au sein des anciens militaires de carrière ou sous contrat, mais qu'un flux de recrutements extérieurs, par le biais des préparations militaires élémentaires et des préparations militaires supérieures, serait maintenu. Ces préparations militaires, a-t-il ajouté, incluront une formation au permis de navigation côtière et une formation de secourisme, ce qui devrait les rendre attractives.

Il a indiqué que les anciens militaires volontaires pour la réserve ne recevraient pas de formation complémentaire, des stages de formation initiale étant organisés pour les volontaires issus du milieu civil. Il a insisté sur la volonté de la marine d'utiliser de manière optimale les compétences civiles.

A l'issue de l'exposé de l'amiral de Portzamparc, M. Serge Vinçon a souhaité connaître le détail des besoins en spécialistes que la marine entendait satisfaire en faisant appel aux réservistes, ainsi que les modalités du suivi personnalisé des réservistes.

M. Xavier de Villepin, président, a demandé des précisions sur l'évolution des effectifs de réservistes d'ici 2002, sur les principales catégories prévues pour leur emploi et sur les relations particulières envisagées entre les réservistes et les entreprises liées à la marine.

M. Philippe Madrelle s'est enfin inquiété de l'avenir du centre de formation maritime d'Hourtin.

En réponse à ces différentes interventions, l'amiral de Portzamparc a apporté les précisions suivantes :

- la marine n'ayant pas les moyens de former ses propres personnels pour des besoins intervenant de manière occasionnelle, elle envisage prioritairement de faire appel aux réservistes pour diverses catégories d'emplois, comme ceux de linguistes, de juristes, de spécialistes des travaux publics, d'informaticiens ou de contrôleurs de gestion ;

- le suivi personnalisé des réservistes jouera un rôle important afin de concilier les besoins de la marine et la disponibilité des réservistes ;

- la réserve affectée et rémunérée de la marine passera de 27.000 hommes aujourd'hui à 6.500 en 2002 ;

- la marine attache une grande importance au rôle des réservistes dans ses relations avec les entreprises et, d'ores et déjà, des conventions de partenariat ont été conclues avec certaines entreprises pour traiter non seulement de la situation des réservistes mais de la réinsertion professionnelle des anciens militaires ;

- les réservistes seront répartis en quatre catégories principales d'emplois : la protection défense, les renforts opérationnels et renforts d'état-major, le soutien des forces et le lien armées-nation par l'encadrement des préparations militaires et de l'appel de préparation à la défense ;

- le centre de formation maritime d'Hourtin devant être fermé à l'été 2000, des négociations sont en cours pour étudier l'utilisation future de son emprise.

Défense - Organisation de la réserve militaire et du service de défense - Audition du général de division aérienne Wolszyntski, inspecteur de l'armée de l'air

La commission a enfin entendu le général de division aérienne Wolsztynski, inspecteur de l'armée de l'air, sur la réserve de l'armée de l'air.

Le général Wolsztynski a d'abord indiqué que l'armée de l'air privilégiait, par nécessité opérationnelle, la logique d'intégration des unités de force et de soutien d'une part et, au sein d'une même unité, l'intégration de toutes les catégories de personnels, d'autre part. Cette orientation, a-t-il relevé, détermine la problématique générale de l'emploi des réserves dans l'armée de l'air.

Le général Wolsztynski a alors rappelé que les besoins liés à la projection des forces conditionnaient les effectifs et l'organisation générale de l'armée de l'air ; l'engagement d'une centaine d'avions supposait ainsi la capacité de projeter, comme ce fut le cas lors de la guerre du Golfe, deux ou trois bases aériennes organisées selon le modèle hexagonal, sur un théâtre extérieur. La construction de telles bases, a-t-il souligné, conduisait au prélèvement de personnels dans les unités aériennes sur le territoire français, et entraînait, si la crise devait durer, des déficits en effectifs, qu'il devenait dès lors nécessaire de combler en faisant appel aux réservistes ; ces derniers, appelés à apporter leur contribution dans une logique de métier, devaient en conséquence posséder sensiblement les mêmes aptitudes et compétences que le personnel d'active auquel ils se substituaient. Il a ainsi souligné que le concept d'emploi des forces s'appliquait à la réserve qui devait être totalement intégrée dans les unités d'active.

Evoquant ensuite les besoins en réservistes de l'armée de l'air, le général Wolsztynski a indiqué que la nécessité, dans l'hypothèse de la mise sur pied de deux bases aériennes sur un théâtre extérieur, de prélever quelque 4.000 hommes, supposait en contrepartie de faire appel à la réserve dont la disponibilité individuelle était de l'ordre de vingt jours par an ; dans ces conditions, l'armée de l'air avait fixé le format de sa première réserve à 8.000 hommes, ce qui permettait également de participer à la sécurité générale et à la promotion de l'esprit de défense. Le général Wolsztynski a ainsi observé que la première réserve devait concourir au renfort des unités de protection d'active et à la constitution de détachements susceptibles d'être engagés dans des actions de secours aux populations ; par ailleurs, dans le cadre du lien armées-nation, plus de 350 réservistes de l'armée de l'air pourront être employés en 1999 au cours des journées d'appel de préparation à la défense au profit de 130.000 jeunes répartis sur 43 sites civils et militaires. La promotion de l'esprit de défense conduira également les réserves, d'après le général Wolsztynski, à favoriser le recrutement des personnels d'active et de réserve (par la participation, par exemple, des réservistes aux journées d'information sur les emplois de l'armée de l'air organisées par les bases aériennes), à aider à la reconversion des militaires par l'apport de leur connaissance du milieu professionnel civil, et enfin à améliorer l'information des employeurs civils.

Abordant alors la formation et le maintien en condition des réservistes, le général Wolsztynski a souligné que le concept d'emploi des réservistes avait conduit l'armée de l'air à privilégier le personnel de réserve ayant été formé dans l'active, tout en observant que ce personnel devait cependant être régulièrement entraîné pour conserver la compétence nécessaire et préserver le lien étroit avec son unité. Il a ajouté que la moitié des réservistes, soit 4.000 hommes, devait être ainsi entraînée dans leur métier en participant à l'activité de leur unité, en moyenne 20 jours par an. Dans la mesure toutefois où la réforme du service national conduira à une réduction de la ressource en personnel de réserve formé dans l'activité, l'armée de l'air fera appel, a relevé le général Wolsztynski, à des citoyens sans expérience militaire mais au métier civil directement transposable dans le milieu militaire, essentiellement pour des missions de soutien général.

A la suite de l'exposé du général Wolsztynski, M. Serge Vinçon a souhaité savoir si les réservistes de l'armée de l'air pourraient participer directement à des opérations extérieures. Il a également demandé des précisions sur les conditions d'entraînement des réservistes. M. Xavier de Villepin, président, s'est également interrogé sur la durée normale pour l'entraînement des réservistes ainsi que sur les leçons qui avaient pu être tirées des opérations extérieures au regard du rôle que les réservistes pourraient y jouer.

Répondant à ces questions, le général Wolsztynski a d'abord relevé que, si les réservistes de l'armée de l'air avaient d'abord pour vocation de se substituer au personnel d'active projeté sur un théâtre extérieur, ils pouvaient également prendre part, comme le souhaitait d'ailleurs l'armée de l'air, à des opérations extérieures ; ainsi, depuis 1997, 5 à 6 cadres de réserve se trouvaient présents sur le théâtre de l'ex-Yougoslavie. Il a par ailleurs indiqué que les moyens destinés à l'entraînement des réservistes ne se distinguaient pas de ceux prévus pour les forces actives. Il a également rappelé que la durée moyenne des périodes des réservistes représentait aujourd'hui 16 jours par an et que l'armée de l'air comptait d'ores et déjà 2.270 engagements à servir dans la réserve, l'adoption prochaine du projet de loi sur les réserves permettant sans doute d'étendre encore le nombre des engagements à venir.

Le général Wolsztynski a enfin souligné que l'expérience de l'armée française dans les opérations extérieures avait particulièrement mis en évidence l'intérêt des actions civilo-militaires, pour lesquelles les réservistes pourraient jouer un rôle très utile.

Jeudi 4 mars 1999

- Présidence de M. Xavier de Villepin, président -

Audition de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères - Etat des négociations concernant le Kosovo

La commission a procédé à l'audition de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, sur l'état des négociations concernant le Kosovo.

M. Hubert Védrine a tout d'abord rappelé l'évolution de la situation au Kosovo au cours des derniers mois : alors que la situation s'était stabilisée à la fin de l'automne, permettant d'éviter une véritable catastrophe humanitaire, le cycle des attentats et de la répression avait recommencé au cours du mois de décembre avant que les massacres perpétrés en janvier ne provoquent un nouveau choc au sein de la communauté internationale.

Le ministre des affaires étrangères a estimé que le groupe de contact avait démontré qu'il constituait un cadre approprié pour traiter la question du Kosovo, particulièrement parce qu'il permettait d'associer, autour des Européens, les Etats-Unis et la Russie. Il a considéré que le poids politique du groupe de contact, renforcé par l'autorité des Nations unies et par les menaces militaires de l'OTAN, avait permis d'exercer sur les parties en présence une pression suffisante pour les amener à accepter de se réunir.

Pour M. Hubert Védrine, le fait que l'ensemble des parties en cause, y compris les Albanais du Kosovo, ait accepté de participer à la réunion de Rambouillet, constituait en soi un premier succès pour la démarche du groupe de contact.

Le ministre des affaires étrangères est ensuite revenu sur le déroulement des discussions de Rambouillet. Il a indiqué que la délégation serbe avait paru prête à accepter les principes généraux d'un accord politique, même si elle en contestait certains détails, mais qu'elle refusait en revanche toute présence militaire internationale au sol. Or, a-t-il poursuivi, la présence d'une force militaire internationale constituait, pour les Albanais du Kosovo, une garantie minimale en contrepartie du renoncement à l'indépendance et du désarmement de l'UCK.

Ainsi, a ajouté M. Hubert Védrine, est-il clairement apparu que les obstacles à un accord complet se situaient des deux côtés en présence, ce qui devait conduire à poursuivre les pressions sur les deux parties.

M. Hubert Védrine s'est félicité du processus que la réunion de Rambouillet avait permis d'enclencher tout en soulignant la fragilité des résultats obtenus et l'extrême complexité de la négociation. Il s'est inquiété de la reprise des attentats anti-serbes au Kosovo et des mouvements de troupe de l'armée serbe qui entraînaient un regain de tension.

Le ministre des affaires étrangères a conclu en estimant que le risque de blocage demeurait élevé et que la tentation pour les différentes parties en présence de se tourner vers des solutions autres que politiques demeurait. Dans ce contexte, les pressions exercées par le groupe de contact devaient se poursuivre et M. Hubert Védrine n'excluait pas de se rendre, si nécessaire, à Belgrade avec M. Robin Cook.

A l'issue de cet exposé, un débat s'est engagé entre le ministre des affaires étrangères et les commissaires.

M. Aymeri de Montesquiou a souhaité connaître la portée des différences d'appréciation sur le problème du Kosovo qui s'étaient exprimées aux Etats-Unis. Il s'est interrogé sur les objectifs des négociations en cours. Si la paix était recherchée dans l'immédiat, on pouvait s'interroger, en revanche, sur la définition du statut du Kosovo à moyen et à long termes : autonomie dans un cadre fédéral ou indépendance ? A cet égard, M. Aymeri de Montesquiou s'est demandé comment l'avenir du Kosovo pourrait concilier à la fois le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et le principe de souveraineté nationale. Il a également, avec M. Christian de La Malène, posé la question de la nature de l'UCK, relevant notamment les points communs entre ce mouvement et certains mouvements de libération nationale.

M. Michel Caldaguès s'est alors interrogé sur la signification et la portée de la participation des Américains aux négociations de Rambouillet, qui pouvait apparaître en contradiction avec le soutien que les Etats-Unis avaient apporté aux Kosovars. Il a exprimé des doutes sur l'efficacité de la menace de frappes aériennes. M. Michel Caldaguès a enfin souhaité savoir quelle serait l'attitude de la France si de telles frappes faisaient des victimes civiles au Kosovo.

M. Pierre Mauroy a souligné le succès diplomatique que représentaient en soi les négociations en cours, compte tenu en particulier de la cohésion qui s'était manifestée à cette occasion entre Européens et de la coopération conduite de manière satisfaisante entre Américains et Européens. Tout en exprimant son soutien à la priorité attachée par les négociateurs à un règlement pacifique, M. Pierre Mauroy a néanmoins fait observer que la menace d'une intervention militaire conférait tout son sens au dialogue diplomatique, qui, en lui-même, a-t-il relevé, ne suffisait pas. M. Pierre Mauroy a également posé la question de l'objectif final du processus en cours, qu'il a rapproché des difficultés actuellement constatées en Bosnie-Herzégovine.

M. Robert del Picchia s'est alors interrogé sur la signification de la marginalisation actuelle de M. Rugova.

M. Christian de La Malène ayant souligné le rôle de l'Albanie dans le conflit du Kosovo et dans l'émergence de l'UCK, M. Xavier de Villepin, président, a rappelé les tensions croissantes qui se font jour en Albanie, compte tenu de la radicalisation de la situation due notamment à l'influence de M. Berisha dans le nord du pays.

M. Xavier de Villepin, président, après avoir évoqué le projet tendant à constituer, après l'adoption éventuelle d'un accord de paix, une force d'intervention composée de 25.000 Européens et de 4.000 Américains, s'est interrogé sur la pertinence et l'efficacité d'une éventuelle action militaire au Kosovo en cas d'échec des négociations.

Répondant ensuite aux interventions des commissaires, M. Hubert Védrine a apporté les précisions suivantes :

- la position européenne s'appuyait sur la conviction des dangers susceptibles de résulter, pour l'ensemble de l'Europe centrale et orientale, de l'indépendance du Kosovo, et sur le souci de prendre en considération les aspirations des Kosovars ;

- les Européens étaient convaincus de la nécessité de trouver une solution politique en recourant à la menace ;

- la participation de Mme Madeleine Allbright aux négociations de Rambouillet illustrait la volonté des autorités américaines de faire aboutir le processus en cours ;

- l'absence d'unité de l'UCK pourrait, a espéré le ministre, évoluer vers une plus grande cohérence du mouvement ;

- la menace de frappes aériennes s'appuyait sur des bases juridiques claires (résolution 1199 du Conseil de sécurité) ;

- le processus enclenché à Rambouillet s'inscrivait dans un schéma de règlement élaboré par le groupe de contact, qui visait à reconnaître une autonomie substantielle au Kosovo, tandis qu'une force internationale déployée sur le terrain devait assurer une garantie suffisante ;

- l'UCK avait contesté ce schéma général de règlement en exigeant l'organisation, au terme de la période transitoire de trois ans, d'un référendum destiné à obtenir l'indépendance du Kosovo ;

- les difficultés actuelles de l'Albanie, qu'il s'agisse du gouvernement de Tirana ou des projets défendus par M. Berisha, constituaient un élément important du problème régional et devaient être prises en compte dans la perspective d'un règlement d'ensemble ;

- la mise en oeuvre éventuelle de moyens militaires en cas d'échec des négociations dépendrait de l'évaluation politique des conditions d'un tel échec ;

- enfin, l'accord susceptible d'intervenir au terme des négociations en cours constituerait une étape dans un processus pouvant conduire à la réintégration de la République fédérale de Yougoslavie dans la famille européenne.