Table des matières

  • Mercredi 12 mai 1999
    • Défense - Organisation de la réserve militaire et du service de défense - Examen du rapport
    • Audition de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, sur l'évolution de la crise au Kosovo

Mercredi 12 mai 1999

- Présidence de M. Xavier de Villepin, président -

Défense - Organisation de la réserve militaire et du service de défense - Examen du rapport

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a examiné le rapport de M. Serge Vinçon sur le projet de loi n° 171 (1998-1999), portant organisation de la réserve militaire et du service de la défense.

M. Serge Vinçon, rapporteur,
a d'abord indiqué que le présent projet de loi, en organisant la réserve militaire, apportait à l'armée professionnelle le complément indispensable à l'accomplissement de ses missions et représentait ainsi la dernière pierre de la réforme législative de notre défense. Il a relevé que l'élaboration de ce texte avait requis trois années compte tenu notamment de la mise au point souvent complexe de garanties sociales et financières en faveur des réservistes.

Le rapporteur a indiqué que le projet de loi se justifiait d'abord par la nécessité de combler le vide juridique créé par la suspension du Livre II du code du service national décidée par la loi du 28 octobre 1997 qui avait eu pour conséquence de faire disparaître toute obligation, à terme, pour la réserve. Il a noté par ailleurs que le projet de loi tirait les conséquences de l'inadéquation de l'organisation antérieure des réserves au nouveau modèle d'armée professionnalisée.

M. Serge Vinçon a observé que la loi de programmation 1997-2002 avait posé les bases d'une évolution profonde de la réserve en substituant à une réserve de masse largement virtuelle une réserve d'emplois chargée, d'une part, de fournir aux forces d'active les renforts nécessaires dès le temps de paix et, d'autre part, d'entretenir le lien entre les forces armées et la Nation. Il a relevé que de ce nouveau cadre d'emploi, la loi de programmation avait déduit un dispositif articulé en deux ensembles formé d'une première réserve opérationnelle forte de 100.000 réservistes dont 50.000 pour la seule gendarmerie et d'une deuxième réserve réunissant les autres réservistes qui ne remplissaient pas, notamment, les conditions de disponibilité pour appartenir à la première réserve. Il a souligné également que les crédits consacrés à la formation et à la préparation opérationnelle des réservistes connaissaient une progression de 140 % sur la période de programmation (de 240 millions de francs en 1997, à 584 millions de francs en 2002).

M. Serge Vinçon a souligné que dans le cadre général ainsi fixé par la loi de programmation, les armées et la gendarmerie avaient procédé à un réaménagement de leur réserve respective. Toutefois, a-t-il ajouté, cette réorganisation en cours souffre d'une double fragilité dans la mesure où la ressource procurée par le système de conscription va bientôt se tarir et où la plus grande disponibilité que requiert la réforme de la part des réservistes, ne peut être obtenue sans la mise en place, pour les intéressés, de garanties sociales et financières. M. Serge Vinçon a indiqué que le présent projet de loi avait précisément pour objectif d'assurer un nouveau mode de composition des réserves tout en mettant en place le dispositif de garanties nécessaires.

Le rapporteur a relevé que le projet de loi, fruit d'un travail interministériel important et de la concertation conduite dans le cadre du Conseil supérieur d'études des réserves, créé en mai 1998, avait recherché un double équilibre, d'une part s'agissant de la composition des réserves entre obligations et volontariat et d'autre part, s'agissant des garanties sociales et financières entre les intérêts des réservistes et ceux des employeurs.

Il a d'abord indiqué que le texte définissait deux ensembles : la première réserve d'une part, composée de volontaires ayant souscrit un engagement pour servir dans la première réserve, et d'anciens militaires soumis à une obligation de disponibilité -les uns et les autres ayant pour trait commun d'être affectés à un emploi et à une unité- ; la deuxième réserve, d'autre part, réunissant les réservistes qui, compte tenu des besoins des armées, n'ont pas reçu d'affectation dans la première réserve.

M. Serge Vinçon a relevé que le projet de loi fixait pour la première fois un socle de garanties pour les réservistes de la première réserve à travers la reconnaissance de la qualité de militaire, la garantie du maintien de l'emploi, le maintien dans le régime de protection habituel et, enfin, le droit au code des pensions militaires. Il a noté que le texte du Gouvernement prenait également en compte les préoccupations des employeurs en limitant à cinq jours seulement la période pendant laquelle le réserviste peut s'absenter de droit, en laissant aux entreprises la liberté de maintenir ou non la rémunération du salarié pendant l'accomplissement de la période de réserve et enfin, en encourageant, sous la forme de conventions, un partenariat entre le ministère de la défense et les employeurs.

Le rapporteur a ajouté que le projet de loi, indépendamment de l'organisation de la réserve, reprenait également les dispositions relatives au service de défense contenues dans le Livre II du service national.

M. Serge Vinçon a relevé que le projet de loi ne représentait qu'un jalon, certes important dans la réforme des réserves, et ne répondait pas à toutes les questions qui déterminaient le succès du nouveau système. Il a évoqué, à cet égard, quatre sujets de préoccupations : le recrutement des volontaires, en particulier pour occuper les postes de militaires du rang, le déficit de communication actuel du ministère de la défense s'agissant des réserves -des " clubs réserve " associant représentants des pouvoirs publics et de la société civile pourraient, a précisé M. Serge Vinçon, contribuer à pallier ce déficit au niveau local- l'attitude des entreprises vis-à-vis du projet de loi, et enfin le niveau des moyens financiers dévolus aux réserves.

M. Serge Vinçon a conclu en indiquant que la réforme des réserves s'inscrivait dans le prolongement de la mise en place d'une armée professionnalisée et qu'elle répondait aux orientations arrêtées par le Président de la République. Il a rappelé le souci de disposer d'une réserve rapidement opérationnelle et considéré que le maintien d'un élément d'obligation était nécessaire afin que puisse être garantie, en cas de nécessité, la sauvegarde des intérêts supérieurs du pays. Il a souligné l'importance, à ses yeux, du rôle de la réserve dans le lien armées-Nation et a indiqué que les amendements qu'il soumettrait à la commission poursuivaient quatre objectifs : une affirmation plus claire du rôle de la réserve, la promotion du volontariat, une meilleure reconnaissance de la deuxième réserve et enfin la recherche d'un partenariat avec les entreprises.

A la suite de l'exposé du rapporteur, M. Bertrand Delanoë a estimé que le présent projet de loi constituait un élément parmi d'autres dans l'indispensable reconstitution du lien entre les citoyens et le besoin de défense. Il a indiqué que les propositions d'amendements qu'il avait soumises au rapporteur s'inspiraient principalement du souci de favoriser cette nouvelle donne entre les citoyens et les armées.

M. André Dulait s'est demandé si la faculté laissée à l'entreprise de rémunérer ou non le salarié réserviste pendant ses périodes, ne créerait pas une disparité entre les grandes entreprises d'une part et les PME-PMI d'autre part. Par ailleurs, il a relevé que le dispositif mis en place dans le cadre de la départementalisation des services d'incendie et de secours pourrait peut-être inspirer, à moyen terme, l'organisation des réserves.

M. Serge Vinçon, rapporteur, a relevé que les réservistes bénéficiaient pendant leurs périodes de la qualité de militaire et de la solde correspondante. Il a souligné que la différence de situation entre les réservistes vis-à-vis de leurs entreprises pourrait être corrigée en partie par la signature de conventions entre les employeurs et le ministre de la défense. Il a précisé par ailleurs, à l'attention de M. Xavier de Villepin, président, et de M. André Dulait, que l'adoption d'avantages fiscaux au profit des entreprises ou des réservistes sur la base d'amendements parlementaires pourrait présenter un intérêt indéniable mais risquait de se heurter à l'irrecevabilité prévue à l'article 40 de notre Constitution. Il a observé, par ailleurs, que le projet de loi réalisait dans l'ensemble un équilibre satisfaisant entre les intérêts du réserviste et ceux de l'employeur.

M. Jean-Luc Bécart a estimé que le projet de loi constituait un progrès certain dans la mesure où il apportait un certain nombre de garanties financières et sociales pour le réserviste, même s'il ne surmontait pas toutes les difficultés relatives notamment aux conditions de rémunération du réserviste. Il a indiqué toutefois que le groupe communiste républicain et citoyen serait vraisemblablement conduit à s'abstenir lors du vote sur ce texte compte tenu de son opposition à la professionnalisation des armées dans le cadre de laquelle s'inscrivait le projet de loi. Il a rappelé par ailleurs les inquiétudes que lui inspirait cette réforme au regard du lien armées-Nation.

M. Xavier de Villepin, président, a rappelé le soutien que la commission avait apporté à la professionnalisation des armées tout en indiquant que, dans ce cadre nouveau, il convenait de réaffirmer le lien entre la Nation et les forces armées.

M. Hubert Durand-Chastel s'est demandé si le projet de loi contenait des dispositions prenant en compte la perspective d'une défense européenne. M. Serge Vinçon a observé à cet égard qu'il proposerait un amendement prévoyant explicitement que les réservistes pourraient participer à des opérations sur des théâtres extérieurs.

M. Paul Masson s'est inquiété des moyens budgétaires dévolus aux réserves en se demandant notamment si les dotations, à ses yeux insuffisantes, prévues par la loi de programmation dans ce domaine pouvaient être révisées à la hausse. M. Serge Vinçon a estimé que la crédibilité de la réserve opérationnelle pourrait effectivement rendre nécessaire une augmentation des crédits.

M. Xavier de Villepin, président, après avoir évoqué la confusion du débat actuel sur la défense européenne, a demandé des précisions sur les missions confiées aux réservistes. Le rapporteur a indiqué que la réserve opérationnelle pourrait participer à toutes les activités militaires, y compris à des opérations extérieures, dans la mesure où le concept d'emploi des réserves s'identifiait désormais complètement au concept d'emploi des forces d'active.

La commission a alors abordé l'examen de l'article premier. M. Serge Vinçon a d'abord proposé un amendement tendant à une nouvelle rédaction de la première phrase du premier alinéa de cet article afin de revenir aux termes de l'article L. 111-1 de la loi portant réforme du service national qui prévoit que " les citoyens concourent à la défense de la Nation ". Il a relevé en effet, d'une part, que les principes posés par les deux lois avaient le même objet et appelaient en conséquence une rédaction identique, d'autre part, que le choix d'un libellé commun dans les deux textes réaffirmait la cohérence de l'oeuvre législative entreprise pour réformer les armées et, enfin, que le choix de termes plus contraignants que ceux retenus pour la loi sur le service national contredisait le souci affirmé par le Gouvernement de placer le volontariat au coeur du système des réserves. M. Bertrand Delanoë a regretté, pour sa part, qu'il ne soit plus fait référence à la notion de devoir. M. Serge Vinçon, rapporteur, a observé que la formulation proposée s'inscrivait en cohérence avec la réforme de notre défense. La commission a alors adopté l'amendement du rapporteur.

M. Serge Vinçon a ensuite proposé un amendement, adopté par la commission, rappelant le caractère volontaire de l'adhésion aux réserves en indiquant, à la deuxième phrase du premier alinéa, que le devoir posé au premier alinéa " peut " s'exercer par des activités dans la réserve. Sur une proposition de M. Bertrand Delanoë, reprise par le rapporteur, la commission, après un échange de vues entre M. Serge Vinçon, rapporteur, et M. Paul Masson, a alors adopté un amendement tendant à insérer un nouvel alinéa après le premier alinéa de cet article, qui rappelle que la réserve s'inscrit dans un parcours citoyen qui débute avec l'enseignement de la défense et se poursuit avec la participation au recensement, l'appel de préparation à la défense, la préparation militaire et le volontariat. L'amendement précise aussi que ce parcours continu doit permettre à tout Français d'exercer son droit à contribuer à la défense de la Nation.

La commission a ensuite adopté un amendement du rapporteur, complété par M. Bertrand Delanoë, et visant à indiquer au deuxième alinéa de l'article premier, que la réserve a aussi pour objet d'entretenir l'esprit de défense et de contribuer au lien armées-Nation.

M. Serge Vinçon a ensuite proposé deux amendements tendant à modifier les termes de " première réserve" et " deuxième réserve " en adoptant respectivement les dénominations de " réserve opérationnelle " et de " réserve citoyenne ". Il a en effet noté que ce choix permettait d'affirmer d'emblée la vocation propre de ces deux composantes et qu'il avait pour mérite également de valoriser la deuxième réserve dont l'image ne ressortait pas clairement du dispositif qui lui était consacré dans le projet de loi. Il a souligné que la deuxième réserve n'avait évidemment pas l'exclusivité de la vocation citoyenne -dimension également présente dans la réserve opérationnelle-. M. Bertrand Delanoë a alors approuvé le principe d'une modification de la désignation des deux composantes de la réserve. Il a estimé que les propositions du rapporteur soulignaient le caractère propre de chacun de ces ensembles tout en suggérant, avec M. Robert del Picchia, que la réserve opérationnelle puisse également bénéficier du qualificatif de " citoyenne ". Le rapporteur a souligné la difficulté de trouver des dénominations sur lesquelles chacun puisse s'accorder. Il a rappelé que dans le cadre de la réserve opérationnelle, l'activité des réservistes qui avaient alors le statut de militaire, était tournée vers la défense de la Nation. Il a ajouté que la deuxième réserve dont la désignation était assez peu valorisante avait pour vocation première le lien armées-Nation. M. Paul Masson a alors proposé la désignation de " réserve générale " pour la deuxième réserve. M. Xavier de Villepin, président, a indiqué que les termes proposés par le rapporteur pour la deuxième réserve définissaient bien le rôle de cette composante. Il a ajouté que le débat en séance publique permettrait d'expliciter les désignations proposées par la commission et de souligner notamment que la réserve opérationnelle avait évidemment, elle aussi, le caractère d'une réserve citoyenne. La commission a alors adopté les deux amendements du rapporteur.

Dans le troisième alinéa de l'article premier la commission a adopté un amendement du rapporteur tendant à indiquer que la réserve opérationnelle se composait de volontaires et " en fonction des besoins des armées ", d'anciens militaires afin de souligner que la réserve opérationnelle avait vocation à réunir principalement des volontaires. Il convenait en effet, a précisé M. Serge Vinçon, de conjurer le risque que se constitue une réserve principalement formée de disponibles coupés de la nation, et utilisables dans des conditions trop limitatives.

Au quatrième alinéa de cet article, la commission a adopté, sur la proposition du rapporteur, un amendement rédactionnel permettant de viser plus simplement l'engagement pour servir dans la première réserve prévu à l'article 7 du projet de loi. Elle a ensuite examiné un amendement du rapporteur tendant à l'insertion d'un dernier alinéa à l'article premier afin de reconnaître aux entreprises la faculté de conclure avec le ministre de la défense des conventions et de leur permettre de recevoir, quand elles favorisent la mise en oeuvre du projet de loi, la qualité de partenaire de la défense. Un échange de vues sur le choix du verbe " favoriser " s'est alors engagé entre M. Paul Masson qui privilégiait le verbe " faciliter ", M. Jean-Guy Branger qui proposait le terme " contribuer " et MM. Serge Vinçon, rapporteur, et Bertrand Delanoë, qui souhaitaient que soit conservée la rédaction initiale de l'amendement. La commission a alors adopté l'amendement dans les termes proposés par le rapporteur, puis l'article premier ainsi modifié.

Après avoir adopté conformes les articles 2 et 3 du projet de loi, sous réserve de la modification de désignation de la première réserve, la commission a examiné à l'article 4, un amendement du rapporteur tendant à supprimer la limite d'âge générale de soixante ans fixée à l'activité des réservistes afin que ne soient conservées que les limites d'âge prévues par le statut général des militaires augmentées de cinq ans. Elle a adopté cet amendement puis l'article 4 ainsi modifié.

Après avoir adopté l'article 5 sous réserve du changement de dénomination retenu pour la première réserve, la commission a adopté, à l'article 6, un amendement du rapporteur tendant à permettre également que soient agréées par l'autorité militaire les activités bénévoles dont l'initiative pouvait revenir aux réservistes et à leurs associations. La commission a alors adopté l'article 6 ainsi modifié. Elle a ensuite examiné un amendement présenté par M. Bertrand Delanoë et repris par le rapporteur, tendant à insérer un article additionnel après l'article 6 instituant une journée nationale du réserviste. M. Bertrand Delanoë a indiqué que cette initiative permettrait d'une part, de donner une forme concrète à la reconnaissance que la Nation doit aux réservistes et d'autre part, de faire mieux connaître les réserves à nos concitoyens. M. Paul Masson a proposé que cet article additionnel figure à la fin du projet de loi, juste avant l'article 49. La commission a alors décidé de reporter le vote sur cet article, après l'examen de l'article 48.

A l'article 7, la commission a examiné un amendement du rapporteur prévoyant explicitement que le renfort temporaire apporté par les réservistes aux forces armées inclut la participation à des opérations sur des théâtres extérieurs. M. Paul Masson a souhaité que cet amendement n'ait pas pour effet d'interdire, a contrario, que l'entraînement ou la formation des réservistes se déroule hors de nos frontières. Tenant compte de ces observations, la commission a alors adopté un amendement tendant à compléter l'article 7 par un alinéa indiquant que les missions confiées aux réservistes peuvent s'exercer en dehors du territoire national. Elle a alors adopté l'article 7 ainsi modifié puis, sous réserve de changement de désignation pour la première réserve, l'article 8 sans autre modification.

A l'article 9, la commission a adopté un amendement du rapporteur tendant à reprendre les termes du premier alinéa de l'article 11 pour former un nouvel alinéa au début de cet article afin que l'absence de droit de cinq jours prévue par l'article 9, soit intégrée dans la durée normale des activités à accomplir au titre de l'engagement pour servir dans la première réserve. Elle a alors adopté l'article 9 ainsi modifié.

A l'article 10, la commission a adopté un amendement du rapporteur indiquant que le refus de l'employeur à une demande d'absence du salarié réserviste devait aussi être notifié à l'autorité militaire. Elle a adopté l'article 10 ainsi modifié.

A l'article 11, elle a adopté un amendement du rapporteur tendant à supprimer le premier alinéa de cet article dans la mesure où il avait été repris à l'article 9 ainsi qu'un deuxième amendement tendant à limiter l'ensemble des activités dans la réserve à une durée de 120 jours afin que les prolongations d'activité permises par l'article 11 au titre de l'emploi opérationnel des forces et de l'encadrement de la préparation militaire ne puissent se cumuler. La commission a alors adopté l'article 11 ainsi modifié.

Sous réserve du changement de dénomination de la première réserve, la commission a alors adopté les articles 12 à 15 sans autre modification.

La commission a alors examiné l'article 16 qui avait pour objet de permettre à la gendarmerie nationale de faire appel à tout ou partie de ses réservistes soumis à l'obligation de disponibilité afin de faire face à des troubles ou des menaces de troubles graves à l'ordre public. M. Paul Masson s'est interrogé sur la nécessité de telles dispositions au regard des moyens dont disposait déjà le Gouvernement en la matière dans le cadre notamment de l'ordonnance du 7 janvier 1959. M. Serge Vinçon, rapporteur, a rappelé que ces dispositions reprenaient la teneur d'un décret n° 58-454 du 18 mai 1958 dont la base légale avait toutefois disparu à la suite de l'abrogation de la loi du 31 mars 1928. La commission, suivant l'avis de son rapporteur, a alors supprimé cet article afin de le réintroduire après l'article 17 dans la mesure où celui-ci fixe un principe d'emploi pour l'ensemble des disponibles et qu'il est préférable, par souci de logique, de procéder du général au particulier. Ainsi, après avoir adopté l'article 17 sans modification, la commission a adopté un amendement du rapporteur tendant à insérer un article additionnel reprenant les termes de l'article 16.

Avant l'article 18 la commission a voté, sur la proposition du rapporteur, un article additionnel dont la rédaction a été complétée par M. Bertrand Delanoë afin de définir les missions de la réserve citoyenne, cette dernière ayant pour objet d'entretenir l'esprit de défense, de renforcer les liens entre les forces armées et la Nation et de fournir, dans les conditions prévues à l'article 19, les renforts nécessaires à la première réserve.

A l'article 18, la commission a adopté un amendement du rapporteur indiquant que la réserve citoyenne comprend des volontaires qui n'ont pas reçu d'affectation au sein de la première réserve afin de laisser aussi la faculté, pour certains volontaires, de faire le choix d'appartenir à la réserve citoyenne. La commission a alors adopté l'article 18 puis, à l'exception du changement de dénomination pour la première réserve et la deuxième réserve, l'article 19 sans autre modification.

A l'article 20, la commission a adopté un amendement du rapporteur prévoyant que, outre une prime de fidélité, les réservistes pouvaient bénéficier d'autres mesures incitatives dans des conditions prévues par décret. La commission a alors adopté l'article ainsi modifié, puis sous réserve du changement de dénomination pour la première réserve, les articles 21 à 38 sans autre modification.

A l'article 39, la commission a adopté un amendement du rapporteur portant sur le nouvel article L. 122-24-5 du code du travail tendant à revenir aux termes mêmes de l'article 23 du projet de loi selon lesquels l'employeur ne peut résilier un réserviste en raison des absences résultant de l'application de la loi. En cohérence la commission a adopté un amendement à l'article L. 122-24-7 tendant à supprimer la mention " à la faute grave " comme motif de licenciement. A l'article L. 122-24-10, en cohérence avec l'amendement adopté à l'article 10, la commission a adopté un amendement du rapporteur tendant à inscrire l'obligation de notification à l'autorité militaire du refus de l'employeur, dans le code du travail. La commission a alors adopté l'article 39 ainsi modifié, puis sous réserve du changement de dénomination retenue pour la première réserve, les articles 40 à 45.

A l'article 46, la commission a adopté un amendement tendant à compléter l'article L. 121-1 du Livre Ier du code du service national afin de rendre possible le fractionnement du volontariat militaire si la nature de l'activité le permet. Le rapporteur a relevé, à cet égard, qu'en encourageant le volontariat, le fractionnement permettrait de mieux faire connaître les armées aux jeunes Français et pourrait ainsi leur inspirer le souhait de maintenir un lien avec la défense sous la forme d'un engagement dans la réserve. La commission a alors adopté l'article 46 ainsi modifié, puis sur proposition du rapporteur, l'article 47 également modifié après avoir voté un amendement tendant, en cohérence avec l'amendement précédent, à faire reconnaître le volontariat fractionné dans le cadre du statut général des militaires. La commission a ensuite adopté l'article 48 sans modification, puis un article additionnel instituant la journée nationale du réserviste, et enfin l'article 49 sans modification.

La commission a alors approuvé l'ensemble du projet de loi portant organisation de la réserve militaire et du service de défense, ainsi amendé.

Audition de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, sur l'évolution de la crise au Kosovo

Présidence de M. Xavier de Villepin, président - Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission, élargie aux membres de la Conférence des Présidents, a procédé à l'audition de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, sur l'évolution de la crise au Kosovo.

M. Hubert Védrine a rappelé que la priorité de la diplomatie française consistait à rechercher un accord entre Occidentaux et Russes permettant de déboucher sur une proposition de résolution qui serait soumise au Conseil de sécurité des Nations unies. Dans cette perspective, la France et l'Allemagne s'étaient efforcées de convaincre la Russie et les Etats-Unis d'accepter une réunion du G8 à Bonn, qui a pu avoir lieu. Le communiqué adopté à l'issue de cette réunion a repris en substance les cinq exigences déjà formulées auprès de Belgrade. Toutefois, la Russie ayant demandé de ne pas utiliser le terme de force " militaire " au Kosovo, le communiqué s'est référé à la notion de " présences internationales efficaces civile et de sécurité ".

Le ministre des affaires étrangères a ensuite précisé qu'à la suite de la malencontreuse erreur qui avait conduit à bombarder l'ambassade de Chine à Belgrade, les autorités américaines et européennes -comme en témoignait la visite du Chancelier Schroeder en Chine en sa qualité de président du Conseil de l'Union européenne-, s'employaient à prévenir les conséquences de cet événement sur la suite des discussions diplomatiques.

M. Hubert Védrine a, d'autre part, commenté la visite qu'il venait d'effectuer à Moscou où il s'était entretenu avec le ministre des affaires étrangères russe, M. Ivanov. Cette visite, a-t-il indiqué, avait pour objet de travailler sur le texte d'un futur projet de résolution du Conseil de sécurité dont les deux points de discussion principaux concernaient l'administration future du Kosovo et la composition de la force internationale de sécurité.

Il a rappelé que l'idée d'indépendance du Kosovo était toujours écartée et que la référence restait une formule d'autonomie. S'agissant de l'administration de la province, il a précisé que les Occidentaux proposaient un régime d'administration provisoire qui pourrait faire intervenir l'Union européenne avec le soutien de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Quant à la force internationale de sécurité, il a déclaré que les Russes souhaitaient y participer et ne s'opposaient pas à la présence de troupes de pays de l'Otan.

Le ministre des affaires étrangères a indiqué qu'en l'état actuel des choses la Russie souhaitait subordonner l'adoption d'une résolution au Conseil de sécurité à l'arrêt des frappes aériennes. Il a par ailleurs rappelé que le chapitre VII de la Charte des Nations unies permettait d'imposer l'application d'une résolution sans l'accord du pays concerné.

Evoquant le renvoi de M. Primakov, il a considéré que cet événement était lié à la vie politique intérieure russe et n'avait pas de signification particulière quant au conflit du Kosovo. Toutefois, ce changement, tout comme le différend avec la Chine, pourraient compliquer et retarder l'aboutissement d'une solution diplomatique.

Enfin, M. Hubert Védrine a déclaré qu'il ne constatait aucun signe d'évolution significative de la position de Belgrade. A cet égard, aucune information ne permettait de corroborer l'annonce d'un retrait des troupes serbes du Kosovo.

A la suite de son exposé, le ministre des affaires étrangères a répondu aux questions des sénateurs.

A M. Emmanuel Hamel qui lui demandait si l'UCK serait disposée à accepter une résolution du Conseil de sécurité reprenant les points qu'il avait évoqués, M. Hubert Védrine a rappelé que l'UCK avait désavoué les termes du communiqué adopté par le G8, l'UCK s'opposant notamment à toute idée de démilitarisation de ses unités. Il a reconnu les difficultés que pourraient provoquer les positions de l'UCK tout en signalant que, pour sa part, M. Rugova allait prochainement se rendre en Allemagne pour faire valoir ses vues auprès de l'importante communauté kosovare résidant dans ce pays.

M. Aymeri de Montesquiou, après avoir évoqué les concessions demandées aux Serbes dans le cadre des accords de Rambouillet, s'est interrogé sur les perspectives d'évolution du conflit alors que les frappes aériennes n'avaient détruit qu'environ 20 % des capacités serbes tout en atteignant malheureusement de nombreux civils. Il a remarqué que les Serbes de l'étranger continuaient à manifester leur solidarité à l'égard des autorités de Belgrade. Il s'est demandé si les alliés opteraient pour une poursuite des frappes aériennes ou, au contraire, après acceptation des cinq exigences formulées par l'Otan, pour une négociation avec M. Milosevic qui impliquerait un engagement à ne pas le traduire devant le tribunal pénal international.

M. Hubert Védrine a estimé que les concessions demandées à Belgrade dans le cadre des accords de Rambouillet se justifiaient pleinement au regard des exactions menées au cours des derniers mois par les forces serbes au Kosovo, mais que, pour autant, ces accords n'avaient pas remis en cause le principe de la souveraineté de la République fédérale de Yougoslavie sur la province. S'agissant des frappes aériennes, il a fait observer que la capacité de mouvement de l'armée yougoslave était de plus en plus limitée. Il a estimé que la cohésion, au demeurant relative, du peuple serbe dans l'épreuve ne se prolongerait pas au-delà de la durée des actuelles opérations militaires. Enfin, il a rappelé que M. Milosevic pouvait mettre un terme au conflit en acceptant les conditions définies par la communauté internationale.

M. Robert del Picchia s'est alors demandé si, dans la perspective d'une solution diplomatique, la Russie constituait la seule voie de négociation possible et s'il était concevable d'impliquer davantage la Chine dans ce processus. Il s'est enquis du rôle de M. Ibrahim Rugova dans les négociations. Il a enfin interrogé le ministre sur la configuration qui serait retenue pour l'administration provisoire du Kosovo par la communauté internationale.

M. Hubert Védrine a rappelé qu'aucune négociation n'était actuellement en cours avec Belgrade. La Russie n'exerçait à l'égard des responsables serbes qu'un rôle d'explication des positions de la communauté internationale. Un travail de pression était engagé pour la rédaction d'une résolution du Conseil de sécurité, concernant notamment la formule qui serait retenue pour l'administration provisoire du Kosovo.

M. Jean Faure s'est alors enquis du coût financier global représenté par les opérations militaires et humanitaires en cours. M. Hubert Védrine a indiqué qu'il était difficile à ce stade d'effectuer un chiffrage précis des dépenses supplémentaires engagées depuis le début de notre engagement au Kosovo. Il a précisé qu'en tout état de cause, c'était le prix d'une politique destinée à mettre un terme, si possible définitif, à l'instabilité du sud-est de l'Europe.

M. Paul Masson s'est inquiété de l'absence apparente de cohésion de l'Union européenne, s'interrogeant sur la réalité de l'entente franco-allemande. Il s'est interrogé sur la réelle autonomie de la diplomatie britannique et sur la possibilité pour la Russie de mettre en oeuvre une diplomatie stable. Il a enfin estimé que l'UCK pourrait constituer un risque pour l'avenir, qu'il a rapproché de la situation des Palestiniens au Proche-Orient après les premiers conflits israélo-arabes.

M. Hubert Védrine a reconnu que, s'il n'existait pas à proprement parler de diplomatie européenne, il y avait un projet et une ambition européennes en la matière qu'il convenait de concrétiser par des mécanismes adaptés. S'agissant de la crise du Kosovo, les Etats européens du Groupe de contact avaient toujours, a précisé le ministre, fait preuve de cohésion, à la différence de ce qui s'était produit au début de la guerre en Bosnie-Herzégovine. Le ministre a également estimé que la crise du Kosovo n'avait mis en lumière aucune discordance entre la France et l'Allemagne qui entretenaient une concertation permanente. La diplomatie britannique avait, sur le dossier du Kosovo, démontré une réelle volonté européenne. La Russie, quant à elle, a précisé le ministre, poursuivait une diplomatie traditionnelle attentive à l'évolution de son " étranger proche ", soucieuse de limiter l'expansion de l'OTAN ainsi que de préserver son statut de grand pays européen et de puissance mondiale.

M. Xavier de Villepin, président, a alors rappelé au ministre qu'une délégation de la commission sénatoriale des affaires étrangères, de la défense et des forces armées se rendrait les 14 et 15 mai en Albanie et en Macédoine. Il s'est demandé si les projets d'accords européens d'association avec chacun de ces deux pays n'étaient pas prématurés. Il s'est par ailleurs interrogé sur la logique qui conduisait le Gouvernement macédonien à fermer fréquemment ses frontières aux réfugiés kosovars. Enfin, il s'est demandé quels étaient les objectifs précis et le calendrier envisagé de la fusion de l'Union de l'Europe occidentale (UEO) au sein de l'Union européenne, dont le principe avait été évoqué lors de la récente réunion de Brême.

M. Hubert Védrine s'est félicité du projet de déplacement de la commission en Macédoine et en Albanie. Il a rappelé que la Macédoine, dont la majorité de la population était en fait proche des Serbes, vivait avec beaucoup d'inquiétude l'afflux de réfugiés kosovars sur son territoire. Il revenait par ailleurs à l'Union européenne de maintenir les principes sur lesquels devait reposer son élargissement tout en oeuvrant à l'élaboration d'un plan d'ensemble pour les Balkans où elle jouerait un rôle central. Plusieurs autres organisations auraient un rôle à y jouer, notamment l'OTAN, la Banque mondiale et l'OSCE.

La fusion de l'Union de l'Europe occidentale au sein de l'Union européenne était inéluctable. Cette démarche ne devait pas cependant conduire à dilapider précipitamment l'héritage acquis par l'organisation européenne de défense, dont l'intégration à l'Union européenne devrait permettre à celle-ci d'accroître ses capacités en matière de défense. C'est la raison pour laquelle le calendrier de la fusion devrait s'étaler sur un ou deux ans. Par ailleurs, a précisé le ministre, l'article 5 du Traité de Bruxelles instituant l'Union de l'Europe occidentale, et qui prévoit une règle de sécurité collective en cas d'agression contre un pays membre, faisait partie de cet héritage et serait préservé en tout état de cause.