Table des matières

  • Mercredi 9 juin 1999
    • Nomination de rapporteur
    • Audition de M. Jean-Marie Guehenno, président du conseil d'administration de l'Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN)
    • Audition de M. François Heisbourg, président du Centre de politique de sécurité à Genève (CSP)
    • Affaires étrangères - Situation en Israël - Communication
    • Conseil européen de Cologne - Audition de M. Pierre Moscovici, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes

Mercredi 9 juin 1999

- Présidence de M. Xavier de Villepin, président -

Nomination de rapporteur

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a tout d'abord désigné M. André Boyer comme rapporteur sur les projets de loi  n° 384 (1998-1999) autorisant la ratification de la convention établie sur la base de l'article K.3 du traité sur l'Union européenne, concernant la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et n° 385 (1998-1999) autorisant la ratification du protocole, établi sur la base de l'article K.3 du traité sur l'Union européenne, relatif àl'interprétation, par la Cour de justice des Communautés européennes, de la convention concernant la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions enmatière matrimoniale.

Audition de M. Jean-Marie Guehenno, président du conseil d'administration de l'Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN)

Puis la commission a procédé à l'audition de M. Jean-Marie Guehenno, président du conseil d'administration de l'Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN), sur le nouveau concept stratégique de l'Alliance atlantique et sur les perspectives en matière de défense européenne, notamment à la lumière de la crise au Kosovo.

M. Jean-Marie Guehenno a d'abord indiqué que son analyse porterait sur trois aspects essentiels du nouveau concept stratégique de l'Alliance atlantique : les relations entre l'OTAN et les Nations unies, l'extension des missions de l'Alliance et la prise en compte de l'identité européenne de défense et de sécurité.

S'agissant des relations entre l'OTAN et les Nations unies, il a rappelé que, durant les mois précédant le sommet de Washington, les Etats-Unis s'étaient efforcés de faire admettre à leurs partenaires l'idée d'une reconnaissance d'une nouvelle légitimité internationale au profit de l'OTAN qui, en tant que telle, aurait eu vocation à décider du recours à la force en dehors des missions de défense collective. Il a souligné qu'une telle évolution avait été écartée par plusieurs pays membres de l'Alliance atlantique, dont la France, et que, si elle avait été retenue, elle aurait certainement constitué, pour la Russie, un facteur d'humiliation sur la scène internationale.

Il a reconnu que, sur ce point, le document final définissant le nouveau concept stratégique de l'Alliance demeurait dans l'ambiguïté, puisqu'il reconnaissait au Conseil de sécurité des Nations unies une responsabilité principale dans le maintien de la paix et de la sécurité internationale sans exclure pour autant formellement la possibilité d'une intervention militaire de l'Alliance sans mandat de l'ONU. Il a considéré que la formulation retenue, bien qu'ambiguë, présentait l'avantage de préserver des possibilités d'action en cas de blocage au sein du Conseil de sécurité. Evoquant la crise du Kosovo, il a estimé qu'elle démontrait néanmoins la nécessité de recourir au Conseil de sécurité pour imposer une solution durable à un conflit et que le bilan des opérations militaires n'inciterait pas à envisager à l'avenir une multiplication d'engagements hors du cadre des Nations unies.

M. Jean-Marie Guehenno a ensuite évoqué l'extension des missions de l'OTAN prévue par le nouveau contexte stratégique tout en s'interrogeant sur la portée réelle des ajouts opérés, dans la mesure où la règle de l'unanimité entre tous les membres de l'Alliance est maintenue et que les décisions se prennent au cas par cas. Il a insisté sur le frein que représentait ce verrou politique au développement des interventions de l'Alliance. Il a également constaté que, sans exclure une extension du champ d'intervention géographique, le nouveau concept stratégique mentionnait essentiellement la zone euro-atlantique. Il a estimé que si les Etats-Unis avaient obtenu satisfaction sur la définition d'un plus large éventail de missions, les réalités politiques limiteraient de fait cette extension, la crise du Kosovo ayant démontré la difficulté d'établir et de maintenir le consensus entre les pays membres. Il s'est par ailleurs demandé si les Européens n'avaient pas lieu à l'avenir de redouter une moindre implication, et non un interventionnisme excessif des Etats-Unis.

S'agissant de l'identité européenne de sécurité et de défense, M. Jean-Marie Guehenno a précisé qu'elle avait été prise en compte, notamment au point 10 du communiqué final du sommet de Washington, puisque celui-ci mentionnait la garantie de l'accès de l'Union européenne aux capacités de planification de l'OTAN, la présomption, au profit de l'Union européenne, de mise à disposition de moyens de l'OTAN et l'identification d'une série d'options de commandement européen pour des opérations dirigées par l'Union européenne.

Il a ensuite évoqué la difficulté des négociations sur la reconnaissance de l'identité européenne de défense et de sécurité au sein de l'OTAN et mentionné notamment celles suscitées par la Turquie, compte tenu de ses demandes à l'égard de l'Union européenne. Il a considéré que les progrès réalisés en vue d'un accroissement de l'influence des pays de l'Union européenne au sein de l'OTAN n'auraient de sens que si l'Union européenne pouvait disposer de capacités militaires réelles, à la mesure du traitement des crises potentielles. Il a évoqué, à ce sujet, la volonté politique dont devraient faire preuve les pays membres pour renforcer leur effort d'équipement militaire.

Soulignant la réticence de nos partenaires européens à voir dupliquer, à l'échelon européen, des moyens déjà prévus au sein de l'OTAN, M. Jean-Marie Guehenno a approuvé l'idée d'un renforcement du rôle de l'adjoint européen du SACEUR (Supreme allied commander in Europe), afin que l'Union européenne puisse accéder à un état-major de planification. Il a également estimé qu'il était parallèlement important de poursuivre l'édification de capacités proprement européennes, la faculté pour les Européens de disposer de moyens propres, constituant une réelle alternative à ceux fournis par l'OTAN, étant de nature à mieux faire prendre en compte leurs revendications au sein de l'OTAN.

En conclusion, M. Jean-Marie Guehenno a estimé qu'il relevait de l'intérêt des Etats-Unis eux-mêmes de rééquilibrer les relations transatlantiques, dans le sens d'une influence mutuelle et réciproque, en s'appuyant sur un partenaire européen plus fort. Il a souligné à ce propos le rôle non négligeable joué par l'Europe, au plan politique, dans la gestion de la crise du Kosovo.

A la suite de cet exposé, un débat s'est engagé avec les membres de la commission.

M. Michel Caldaguès s'est interrogé sur l'effet de contagion qui pourrait se produire sur d'autres organisations régionales qui, à l'image de l'OTAN, s'estimeraient fondées à intervenir militairement, sans mandat de l'ONU, dans le règlement des crises, et sur le risque d'affaiblissement des Nations unies qui en résulterait. Il s'est demandé dans quelle mesure l'étendue des capacités fournies par l'OTAN à ses partenaires et le souhait d'une forte implication des Etats-Unis pouvaient dissuader les pays européens de développer leurs propres capacités militaires nationales et de construire une identité européenne de sécurité et de défense.

M. Claude Estier s'est interrogé sur les conditions de mise en place de la force internationale de sécurité au Kosovo, placée sous l'autorité des Nations unies, mais structurée autour d'une forte participation de l'OTAN, et il a souligné les difficultés qu'engendrerait une double chaîne de commandement.

M. Aymeri de Montesquiou s'est demandé si, dans le contexte de l'après-guerre froide, le maintien de l'OTAN ne visait pas exclusivement à permettre aux Etats-Unis de faire valoir leur droit d'ingérence dans le règlement des crises. Constatant l'incapacité des pays européens à intervenir seuls dans le règlement de la crise au Kosovo, alors que leur puissance économique est considérable par rapport à celle d'un petit pays comme la Yougoslavie, il s'est demandé si leurs moyens militaires ne se révélaient pas en pratique inutilisables et si cela ne remettait pas en cause la conception même de l'effort d'équipement militaire.

M. Christian de La Malène a émis des doutes sur la possibilité de réaliser une relation transatlantique plus équilibrée, compte tenu de la vivacité de la concurrence commerciale et des intérêts économiques contradictoires entre les Etats-Unis et l'Europe.

M. Xavier de Villepin, président, a enfin évoqué l'avenir de l'Union de l'Europe occidentale (UEO) dans la perspective de son intégration au sein de l'Union européenne. Il a demandé des précisions sur la compatibilité d'une telle intégration avec le maintien de l'article V, relatif à l'obligation de défense collective, du traité de Bruxelles.

En réponse à ces différentes interventions, M. Jean-Marie Guehenno a apporté les précisions suivantes :

- aucune autre organisation régionale ne semble aujourd'hui disposer de la capacité militaire et politique suffisante pour envisager, comme pourrait le faire l'OTAN, une intervention militaire dans le règlement d'un conflit sans mandat des Nations unies ;

- les efforts de défense strictement nationaux ne sont pas incompatibles avec le souci de les intégrer dans une démarche plus large, comme en témoigne l'importance accordée depuis plusieurs années aux forces multinationales ;

- on constate, dans plusieurs pays européens, une inquiétude sur la pérennité de l'implication américaine dans le règlement des crises, ce doute étant de nature à encourager les Européens à se doter de moyens propres d'intervention ;

- si le souhait d'éviter une double clef de commandement a très clairement inspiré des modalités de mise en place de la force internationale de sécurité au Kosovo, des difficultés pourraient en revanche apparaître dans l'articulation des responsabilités militaires et des responsabilités civiles définies pour l'administration provisoire de la province ;

- malgré l'âpreté de la concurrence économique, l'Europe et les Etats-Unis demeurent liés par une communauté de valeurs et il est bon qu'une alliance structure politiquement les relations entre les deux ensembles ; il est toutefois indispensable de faire évoluer cette Alliance, aujourd'hui essentiellement militaire, vers une meilleure prise en compte du poids politique des pays européens ;

- l'OTAN fournissant à ses membres des moyens de planification et de renseignement, un rééquilibrage au profit des Européens impliquerait un renforcement des pouvoirs de l'adjoint européen du SACEUR et un développement des capacités européennes en matière de renseignement ;

- compte tenu des difficultés soulevées par l'intégration de l'UEO. dans l'Union européenne, les pays membres de l'UEO pourraient déclarer qu'ils renoncent à leur droit de dénoncer le traité de Bruxelles, tant que les dispositions de son article V, relatif à l'obligation de défense collective, ne seront pas prises en compte par l'Union européenne ;

- bien que les capacités de l'UEO soient réduites, il est important de souligner que cette organisation possède une culture de défense qui fait actuellement défaut à l'Union européenne et que celle-ci devra obligatoirement développer en son sein ; il importerait également de conserver des structures permettant, au travers d'une permanence politique, d'assurer une interaction efficace entre les Etats membres et l'Union européenne, rôle actuellement dévolu, au sein de l'UEO, à son comité politico-militaire.

Audition de M. François Heisbourg, président du Centre de politique de sécurité à Genève (CSP)

Puis la commission a entendu M. François Heisbourg, président du Centre de politique de sécurité à Genève (CSP) sur les premiers enseignements de la crise du Kosovo.

M. François Heisbourg s'est interrogé, en premier lieu, sur les raisons qui avaient conduit M. Milosevic à céder à la communauté internationale. Il a ainsi mentionné, parmi les facteurs qui avaient pu contribuer à ce résultat, l'inculpation de M. Milosevic par le Tribunal pénal international de La Haye qui, tout en l'affectant personnellement, avait également empêché la communauté internationale de céder à la tentation de négocier avec le président serbe. Il a ensuite évoqué l'influence de l'évolution de la position russe qui avait contribué à isoler le président Milosevic. Il a par ailleurs relevé le rôle dissuasif qu'avait joué, selon lui, l'annonce faite par l'OTAN de mettre en place en Macédoine une force militaire de 50.000 hommes. Enfin, il a remarqué que l'amélioration des conditions météorologiques et la montée en puissance du dispositif aérien avaient permis de causer des pertes tangibles aux forces militaires serbes au Kosovo, avaient entraîné une agressivité accrue de l'UCK et affecté le moral des réservistes serbes et de leurs familles après deux mois de conflit.

M. François Heisbourg s'est ensuite demandé s'il eût été possible de régler cette crise plus rapidement et dans de meilleures conditions. Il lui a semblé que la réponse à cette question était positive et ce, sous deux aspects. Il a estimé en premier lieu qu'une erreur stratégique avait été commise par l'OTAN, en misant sur une reddition rapide de M. Milosevic et en n'envisageant aucune véritable stratégie alternative, de telle sorte qu'un mois avait été nécessaire à la montée en puissance du dispositif allié. Il a par ailleurs regretté le refus délibéré exprimé par l'Alliance de " mettre en place les moyens d'une opération terrestre " : une telle mesure aurait -a-t-il estimé- accru l'efficacité des frappes aériennes en contraignant l'armée serbe à s'exposer en se déployant ; le dénouement de la crise en aurait été accéléré en permettant un plus grand nombre de frappes sur des objectifs militaires plutôt qu'économiques. Ce déploiement de forces aurait également permis de réagir rapidement à un changement de circonstances tel qu'il se produisait actuellement, notamment en vue de sécuriser le Kosovo .

M. François Heisbourg a enfin abordé la question des responsabilités. Il a tout d'abord mis en avant les dysfonctionnements de l'OTAN qui, pour sa première opération militaire d'envergure, n'avait pas, selon lui, répondu à toutes les attentes. Il a notamment déploré une certaine confusion entre les acteurs politiques et militaires, estimant que l'OTAN s'apparentait davantage à une bureaucratie qu'à un véritable état-major. Il a ensuite insisté sur les responsabilités des différents pays, et surtout celle des Etats-Unis, dans la gestion de la crise. La contrainte opérationnelle liée à la doctrine américaine du " zéro mort ", conduisant à bombarder à plus de 15.000 pieds d'altitude, avait nui à l'efficacité des frappes, et vraisemblablement pesé sur la réalisation de dommages collatéraux. Il s'est également interrogé sur les conséquences du refus des Américains, rejoints en cela par les Français et les Allemands, de considérer ce conflit comme une véritable guerre. Il a encore regretté l'influence des Etats-Unis sur la décision de ne pas procéder à la préparation d'une opération terrestre. Il a enfin estimé que la responsabilité américaine était d'autant plus importante pour l'avenir que semblait se développer actuellement aux Etats-Unis une nouvelle critique du multilatéralisme, même à l'égard de l'OTAN.

M. François Heisbourg a alors formulé trois observations que lui inspirait, à ce stade, la crise du Kosovo. En premier lieu, ce conflit marquait -a-t-il souligné- un tournant dans l'art de faire la guerre : c'est la première fois qu'un conflit d'une telle ampleur a été mené uniquement grâce à des armements de haute technologie, frappant leurs cibles avec une grande précision et réduisant fortement les dommages collatéraux. En second lieu, cette crise a souligné la faiblesse des Européens par rapport aux Etats-Unis qui avaient déployé 75 % des avions et les 4/5e des munitions, alors même que l'ensemble des pays européens dépensait l'équivalent de 60 % du budget militaire américain pour leur défense. Cette proportion -asouligné M. François Heisbourg- ne se retrouvait pas dans les moyens militaires dont disposaient les Européens, qu'il s'agisse du renseignement, des capacités de projection de forces ou des moyens de commandement et de contrôle. C'est seulement par le nombre d'hommes (1,9 million pour les pays européens contre 1,4 million aux Etats-Unis) que les Européens disposaient de moyens supérieurs aux Américains. Enfin, en troisième lieu, M. François Heisbourg s'est étonné que la France, tout au long de ces événements, soit restée, contrairement à ses habitudes, très proche des positions américaines, à la différence du Royaume-Uni, quant à la préparation d'une éventuelle opération terrestre. Il a cependant souligné que cette crise avait confirmé le bien-fondé de la réforme des armées entreprise, à l'initiative du Président de la République, en février 1996. Cette réforme, actuellement à mi-parcours, devait -a-t-il estimé- être poursuivie avec détermination.

En conclusion, M. François Heisbourg a insisté sur deux points : l'importance pour les Européens, d'accomplir un effort collectif de défense, dans la lignée du sommet franco-britannique de Saint-Malo et du sommet européen de Cologne. A cet égard, M. François Heisbourg a plaidé pour que soit adoptée, en vue de l'émergence d'une véritable défense européenne, une méthode comparable à celle des critères de convergence définie à Maastricht pour la conception de l'euro. Il a enfin appelé à la prudence quant à l'issue de la crise kosovare, les conditions du retour des réfugiés constituant -a-t-il souligné- le véritable critère de la réussite de son dénouement.

Un débat a suivi l'exposé de M. François Heisbourg.

M. Michel Caldaguès, revenant sur l'éventualité d'une intervention terrestre, s'est interrogé sur la possibilité pour un gouvernement d'engager une guerre meurtrière sans que ses intérêts vitaux soient en cause. Il s'est également demandé si la culture militaire française n'était pas étrangère à une guerre aérienne ayant pour principal objectif de détruire des infrastructures civiles.

M. Robert del Picchia a souhaité connaître la véritable capacité militaire des forces serbes et s'est demandé si cet aspect avait pesé pour dissuader de préparer une intervention terrestre.

MM. Christian de La Malène et Paul Masson se sont interrogés sur les capacités de l'Europe en matière de défense et sur les faiblesses technologiques européennes.

M. Paul Masson a particulièrement déploré le retard pris par les Européens, par rapport aux Etats-Unis, en matière d'armes de très grande précision.

Enfin, M. Xavier de Villepin, président, s'est inquiété de l'écart qui lui semble grandissant entre l'Europe et les Etats-Unis quant aux moyens consacrés à la défense en général et à la recherche en particulier. Il a notamment mis l'accent sur les retards pris sur certains grands programmes d'armement comme le Rafale, sur les contretemps affectant certains programmes en coopération comme la frégate Horizon et sur les inquiétudes quant à l'avenir commercial de l'hélicoptère Tigre. Après avoir fait part de son inquiétude quant aux prochaines dotations budgétaires concernant la défense, il s'est dit favorable à la suggestion, faite par M. François Heisbourg, portant sur la détermination de critères de convergence pour les politiques de défense des pays européens.

M. François Heisbourg a alors répondu aux commissaires en apportant les précisions suivantes :

- si le fait d'exclure explicitement toute opération terrestre avait constitué une erreur stratégique, en effectuer les préparatifs en proclamant qu'on n'y aurait pas recours aurait également été une erreur. Rien n'aurait empêché de procéder, dès avant les bombardements, au déploiement de la force de 28.000 hommes que prévoyaient les accords de Rambouillet. Un tel déploiement aurait permis d'assurer une meilleure efficacité des frappes contre les cibles militaires. Un tel enchaînement aurait sans doute conduit M. Milosevic à céder plus tôt ;

- des frappes affectant des cibles civiles n'étaient pas tout à fait sans précédent dans l'histoire française. Nos forces avaient par ailleurs pleinement participé aux opérations aériennes contre la Serbie visant des cibles économiques ou des infrastructures ;

- l'efficacité et la valeur des forces serbes variaient selon qu'il s'agissait de soldats professionnels ou de réservistes ;

- dans la relation euro-atlantique, il était opportun que la France s'implique davantage dans l'OTAN, afin qu'aux côtés de ses partenaires européens, elle puisse contrebalancer la prépondérance américaine dans le cadre multilatéral que représente l'Alliance ;

- l'Europe pouvait avoir des difficultés à gérer au jour le jour une crise en évolution rapide, compte tenu des contraintes de la logique intergouvernementale. Elle était en revanche capable de fixer des objectifs communs à long terme comme l'avaient démontré les réalisations en matière d'agriculture, de marché unique et de monnaie et qui pourraient être étendues au domaine militaire ;

- en matière de matériels et de haute technologie, la normalisation OTAN ne posait pas de difficultés et le lobbyisme des Etats-Unis à l'égard des marchés des trois nouveaux membres de l'Alliance atlantique avait donné des résultats mitigés. Les Européens disposaient du savoir-faire nécessaire dans le domaine de la haute technologie militaire. Le véritable problème était lié à la question des ressources budgétaires : au rythme actuel, avec un budget recherche et développement européen équivalent à 30 % des dépenses consenties par les Etats-Unis, il était difficile d'espérer un meilleur équilibre en ce domaine à l'horizon des dix prochaines années ;

- deux pistes de réformes pouvaient être explorées : la première consistait à adapter à la défense la méthode des critères de convergence retenue en matière monétaire. Ces critères pourraient être au nombre de trois : d'abord, une évolution de la structure des budgets militaires en privilégiant la recherche-développement, l'acquisition de matériels et le maintien en condition opérationnelle des forces ; ensuite, une réduction du volume global des forces en prenant comme référence celle opérée par le Royaume-Uni ; enfin, l'engagement de mettre un terme à la réduction des budgets de défense. Une seconde piste consisterait à développer les procédures d'acquisition des armements au niveau européen par la mise en concurrence des matériels et en ayant recours à l'OCCAR (Organisation conjointe de coopération en matière d'armement).

Affaires étrangères - Situation en Israël - Communication

Puis la commission a entendu une communication de M. Pierre Biarnès sur la situation en Israël.

M. Pierre Biarnès a d'abord commenté les résultats du double scrutin du 17 mai dernier en Israël. Il a relevé que si l'élection au suffrage universel direct du Premier ministre avait conduit à la victoire très nette, avec 56 % des voix, de M. Barak, président du parti travailliste, l'élection à la proportionnelle des membres de la Knesset laissait apparaître une très grande dispersion des voix entre 15 partis, dont aucun ne disposait toutefois d'une véritable capacité de blocage. Cet éparpillement, a noté M. Pierre Biarnès, reflétait les différents clivages que connaissait la société israélienne entre séfarades et ashkénazes, religieux et laïcs, libéraux et socialistes. Il a ajouté que l'organisation d'un parti représentant les intérêts de la communauté israélienne d'origine russe constituait une expérience nouvelle dans un paysage politique qui avait longtemps été marqué par la recherche de l'unité nationale.

M. Pierre Biarnès a toutefois souligné qu'il existait aujourd'hui, en Israël, une véritable aspiration pour surmonter les divisions et pour retrouver une véritable cohésion, qui permette un nouveau départ pour la nation israélienne. Il a relevé à cet égard que la campagne de M. Barak, axée sur le thème de l'unité d'Israël, avait rencontré un véritable écho auprès de l'opinion israélienne. Il a par ailleurs estimé que le nouveau Premier ministre s'efforçait, dans les 45 jours qui lui étaient impartis, de constituer un gouvernement très ouvert, qui pourrait être constitué de personnalités représentant un très large éventail politique sur la base d'un programme consensuel. M. Pierre Biarnès a évoqué à cet égard la participation éventuelle de M. Sharon au sein de la future équipe ministérielle. Il s'est interrogé sur la position que prendrait M. David Levy, ancien ministre des affaires étrangères démissionnaire du gouvernement Netanyahou, ainsi que sur la place qui pourrait être donnée au sein du prochain gouvernement aux représentants du parti Shass. Il a estimé que le soutien accordé par l'armée au nouveau Premier ministre constituait pour celui-ci un atout essentiel.

Selon M. Pierre Biarnès, M. Barak aurait la ferme intention de faire la paix, d'une part, avec la Syrie et le Liban, d'autre part, avec les Palestiniens, et s'attacherait à convaincre son opinion publique qu'Israël avait la force de conclure une paix équitable, sans pour autant compromettre sa sécurité. Abordant alors les perspectives d'évolution du processus de paix, M. Pierre Biarnès a estimé que les conversations s'engageraient rapidement avec les Syriens dans l'objectif de permettre l'évacuation du sud-Liban et du plateau du Golan. Il a ajouté que les négociations reprendraient parallèlement, mais sans doute à un rythme moins rapide, avec les Palestiniens et que les avancées en la matière devraient se traduire d'abord par la mise en oeuvre loyale des accords de Wye Plantation et probablement par la reconnaissance d'un Etat palestinien. Il a souligné toutefois que le règlement de la question de Jérusalem et de la fixation des frontières définitives demanderaient des discussions beaucoup plus longues et difficiles.

M. Pierre Biarnès a jugé que l'on pourrait assister, dès que ces diverses négociations auront été sérieusement engagées, à une reprise des relations diplomatiques et commerciales entre Israël et les pays arabes. Il a noté que l'entité formée par Israël et la Palestine pouvait constituer un véritable pôle de développement économique dans le bassin méditerranéen, et que l'Union européenne et la France se devaient d'être présentes pour relancer les investissements dans la région.

M. Pierre Biarnès a ensuite répondu aux questions des commissaires. Il a ainsi précisé à M. André Boyer que les déboires enregistrés par l'armée israélienne au sud-Liban s'expliquaient, d'une part, par les difficultés propres au terrain où opéraient les militaires israéliens et, d'autre part, et surtout peut-être, par le fait que les Israéliens eux-mêmes ne croyaient plus vraiment au bien-fondé de leur présence dans cette région.

Il a également déclaré partager les préoccupations de M. Xavier de Villepin,président, qui s'inquiétait du sort des communautés chrétiennes après le départ de l'armée du Liban-sud. M. Xavier de Villepin, président, s'est par ailleurs interrogé sur l'attitude des Israéliens vis-à-vis de l'élection au suffrage universel de leur Premier ministre ainsi que sur la politique qui serait conduite par le nouveau gouvernement à l'égard des colonies. M. Pierre Biarnès a estimé que l'opinion publique israélienne apparaissait désormais très attachée à l'élection directe du chef de Gouvernement. Il a par ailleurs précisé que la politique de M. Barak, s'agissant des implantations israéliennes dans les territoires palestiniens, soulevait encore des interrogations. Il a observé qu'en la matière une stratégie continue avait été mise en oeuvre depuis la guerre des six jours et avait été peut-être poussée à son paroxysme par la politique conduite par M. Ariel Sharon conduisant au morcellement des territoires palestiniens.

M. Christian de La Malène s'est enfin demandé si le retour possible à la paix n'allait pas remettre en cause l'un des ferments unificateurs d'Israël, qui avait en partie forgé son identité à travers la lutte contre ses voisins. M. Pierre Biarnès a noté à cet égard qu'Israël connaissait, en fait, une véritable paix, et ce depuis de longues années.

Co-Présidence de MM. Xavier de Villepin, président, et Michel Barnier, président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne.

Conseil européen de Cologne - Audition de M. Pierre Moscovici, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a entendu, en commun avec la délégation pour l'Union européenne, M. Pierre Moscovici, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes, au lendemain du Conseil européen de Cologne.

M. Pierre Moscovici a rendu compte des conclusions du Conseil européen en abordant tout d'abord la crise du Kosovo, dont la phase la plus aiguë avait commencé lors du sommet de Berlin, et qui a connu la première étape de son dénouement à l'occasion du sommet de Cologne. Cette crise, a estimé le ministre, a été pour les Européens, et notamment pour ceux qui appartiennent au groupe de contact, l'occasion de tenir un rôle essentiel, d'abord dans la conduite des négociations de Rambouillet et de Paris, puis grâce au rôle joué par le représentant de l'Union européenne -le président finlandais M. Ahtissari- dans les pourparlers qui ont conduit M. Milosevic à résipiscence. Cette crise, a souligné M. Pierre Moscovici, a ainsi marqué une étape importante pour l'identité de la diplomatie européenne et pour sa crédibilité sur la scène internationale.

A cet égard, le Conseil européen de Cologne a procédé - a rappelé le ministre - à la désignation de M. Javier Solana au poste de Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune (Pesc) ; il a estimé que le choix de cette personnalité constituait, en raison de ses origines politiques, de son indépendance d'esprit et de ses convictions européennes, et par delà le poste qu'il occupe actuellement à la tête de l'Otan, un atout précieux pour l'Union européenne. Celle-ci aura encore, a rappelé M. Pierre Moscovici, un rôle majeur à jouer dans le processus de longue haleine dont la signature de l'accord de paix ne constitue que le début : adoption d'un pacte de stabilité pour l'Europe du sud-est, participation de l'Union à l'administration provisoire du Kosovo, propositions de la Commission tendant à créer une agence pour mettre en oeuvre les programmes d'aide consentis par la Communauté et mobiliser les ressources financières et humaines au bénéfice des réfugiés.

Le ministre délégué aux affaires européennes a ensuite abordé la question de la défense européenne telle qu'elle a été évoquée lors du Conseil européen de Cologne où il a été rappelé que la Pesc devrait s'appuyer sur des capacités opérationnelles crédibles. Selon M. Pierre Moscovici, l'émergence progressive de cette nouvelle dimension essentielle de la construction européenne devrait s'appuyer sur le développement des capacités de réaction aux crises. Le Conseil européen a identifié les organes pertinents qui devraient être créés à Bruxelles : un comité politique et de sécurité, un comité militaire de l'Union et un état-major. Le Conseil européen a rappelé que l'Union européenne pourrait recourir soit aux moyens de l'Otan, soit à des moyens spécifiquement européens. Soucieuses de développer des forces véritablement européennes, la France et l'Allemagne, a rappelé le ministre, ont en outre, en accord avec leurs partenaires belges, luxembourgeois et espagnols, décidé la transformation de l'Eurocorps en une force d'intervention extérieure.

M. Pierre Moscovici a ensuite évoqué les perspectives de réforme institutionnelle. Le mandat confié dans ce domaine par les chefs d'Etat et de gouvernement au nouveau président de la Commission, M. Romano Prodi, ne couvrait, a-t-il rappelé, plusieurs aspects : la question des pouvoirs de gestion de la Commission et ses capacités de contrôle de la dépense, la question du nombre des commissaires, enfin l'organisation interne des services de la Commission. Pour le ministre, une nouvelle Commission, plus resserrée et plus cohérente, alliant les exigences de probité et d'efficacité, permettra à l'Union européenne de se préparer au mieux à l'enjeu de son élargissement.

S'agissant de la réforme des institutions de l'Union, les chefs d'Etat et de gouvernement ont décidé - a précisé M. Pierre Moscovici - de convoquer pour le début de l'an 2000 une conférence intergouvernementale dont le mandat portera notamment sur la taille et la composition de la Commission mais aussi sur la pondération des voix au Conseil et sur l'extension du champ de la majorité qualifiée. Pour le ministre, les idées entérinées par le Conseil européen de Cologne rejoignent celles exprimées par les autorités françaises : une CIG courte et ciblée sur les questions non réglées par le traité d'Amsterdam.

Le ministre a enfin évoqué les décisions du Conseil européen relatives au pacte européen pour l'emploi : l'orientation vers une meilleure coordination des processus communautaires concourant à un haut niveau de l'emploi, grâce à une bonne cohérence entre politique budgétaire, politique monétaire et évolution salariale, une stratégie coordonnée pour l'emploi et l'amélioration du fonctionnement des marchés des biens, des services et des capitaux. Pour M. Pierre Moscovici, la prise de conscience de la nécessité d'une meilleure coordination des politiques économiques a constitué un temps fort du sommet de Cologne. En second lieu, les chefs d'Etat et de gouvernement ont décidé de prolonger la dynamique amorcée à Luxembourg vers une meilleure association des partenaires sociaux au niveau européen. Au printemps 2000, sous présidence portugaise, une première réunion spéciale du Conseil européen sera, a précisé le ministre, consacrée à l'emploi, la réforme économique et la cohésion sociale. Enfin, M. Pierre Moscovici a indiqué que le Conseil européen de Cologne avait pris plusieurs décisions sectorielles concernant le " paquet fiscal ", l'action en faveur des petites et moyennes entreprises innovantes et du capital risque, enfin le développement des réseaux transeuropéens pour lesquels une dotation en augmentation de près de 50 % par rapport à la programmation en cours a été décidée, ainsi qu'une extension de la liste des projets.

A la suite de l'exposé du ministre délégué aux affaires européennes, M. Michel Barnier, président de la délégation, après avoir rappelé les résultats substantiels obtenus lors des Conseils européens de Berlin et de Cologne, a estimé que l'on devait dresser un bilan positif de la présidence allemande. Revenant ensuite sur la crise du Kosovo, il a souligné la solidarité manifestée par le Sénat vis-à-vis de l'action conduite par le Président de la République et le gouvernement et s'est par ailleurs félicité de l'information régulière -même si elle n'avait pas été immédiate- de la Haute Assemblée par les ministres intéressés. Il s'est en outre réjoui de la désignation comme Haut-représentant pour la Pesc d'une personnalité politique d'envergure, comme le souhaitait la France, en la personne de M. Solana.

M. Michel Barnier a ensuite interrogé le ministre sur les conditions de participation financière de l'Union européenne à l'effort de reconstruction dans les Balkans. Observant que la méthode de la conférence intergouvernementale, appliquée lors de la négociation du traité d'Amsterdam, serait reprise pour l'élaboration de la prochaine réforme institutionnelle, il a souhaité connaître la façon dont la France serait représentée dans ce processus, et la procédure qui serait adoptée pour informer le Parlement. Il a par ailleurs demandé des précisions sur la préparation de la Charte des droits fondamentaux. M. Michel Barnier, après avoir constaté que le pacte européen pour l'emploi ne comportait aucun objectif chiffré contraignant, a enfin souhaité connaître, dans ce contexte, la réaction du ministre délégué à la récente déclaration commune de MM. Blair et Schröder sur une Europe plus flexible et plus compétitive.

M. Emmanuel Hamel s'est alors demandé si les progrès de l'Europe ne s'accomplissaient pas au prix de la disparition de la nation française. Il a relevé à cet égard, pour s'en inquiéter, l'absence de Français à des postes essentiels de l'Union européenne -président de la Commission, Haut-représentant pour la Pesc, président de la Banque centrale européenne-.

M. Xavier de Villepin, président, a enfin demandé au ministre délégué des précisions sur les conditions de l'intégration de l'UEO à l'Union européenne, ainsi que sur la transformation du Corps européen en force de réaction rapide.

En réponse aux commissaires, M. Pierre Moscovici a d'abord indiqué qu'il partageait l'appréciation positive portée par M. Michel Barnier sur le bilan de la présidence allemande de l'Union européenne, alors même que les dossiers à régler -entrée en vigueur de l'euro, mise au point de l'Agenda 2000...- présentaient de grandes difficultés dans un contexte marqué, en outre, par la démission de la Commission et la crise du Kosovo. Il a estimé que le couple franco-allemand avait bien fonctionné durant cette période et cité à cet égard la désignation, avec le soutien allemand, d'une personnalité française au poste de secrétaire général adjoint du Conseil. Il s'est également félicité de la position adoptée par le Sénat tout au long de la crise du Kosovo. Il s'est par ailleurs réjoui de la désignation au poste de Haut-Représentant pour la Pesc d'une personnalité de premier plan, francophone et francophile.

Après avoir observé que l'Europe avait été très présente lors du déroulement de la crise du Kosovo, M. Pierre Moscovici est convenu avec M. Michel Barnier que les Quinze auraient un rôle prédominant dans la reconstruction économique de cette région. Il a relevé à cet égard la mission confiée à la Commission d'évaluer le coût de cette reconstruction ; il a souligné que les ressources nécessaires ne viendraient pas en diminution des crédits affectés à la politique de préadhésion et n'a pas exclu, le cas échéant, une révision des perspectives financières de l'Union européenne.

M. Pierre Moscovici a ensuite relevé que les conditions dans lesquelles se déroulerait la conférence intergouvernementale destinée à préparer la réforme institutionnelle restaient encore à préciser. Il a cependant rappelé que les négociations se dérouleraient en partie sous présidence française, ce qui garantira une information régulière de la représentation nationale par le gouvernement.

Le ministre délégué aux affaires européennes a observé que la Charte des droits fondamentaux avait pour objet de recenser les valeurs communes aux membres de l'Union européenne et se distinguait en ce sens de la Convention européenne des droits de l'homme signée par un nombre beaucoup plus important d'Etats. Il a indiqué que ce texte porterait sur la citoyenneté européenne, les droits constitutionnels, mais aussi la reconnaissance de droits sociaux. Il a souligné par ailleurs que les parlements nationaux ainsi que le parlement européen seraient associés à l'élaboration de la Charte.

M. Pierre Moscovici a ajouté que le pacte pour l'emploi, adopté lors du Conseil européen de Cologne, était en-deça des objectifs que la France s'était fixés, mais que notre pays considérait la mise en oeuvre d'orientations plus ambitieuses dans ce domaine comme une priorité pour les années à venir. Il a estimé que la déclaration commune adoptée par MM. Blair et Schröder pouvait apparaître comme le fruit d'une réflexion menée par les deux chefs de gouvernement sur les raisons qui avaient écarté leur parti respectif du pouvoir pendant une assez longue période. Il a relevé en outre que leur analyse s'inscrivait dans un cadre national qui, pour le Royaume-Uni comme l'Allemagne, avait été marqué par une politique très libérale. Il a observé que la France ne se trouvait pas dans une situation identique, dans la mesure où les socialistes avaient été, à intervalles réguliers, associés au pouvoir et avaient déjà procédé à la modernisation de leur programme, tout en préservant le système social français. Il a ajouté que chaque gouvernement assumait par ailleurs sa politique et qu'il ne se retrouvait pas pour sa part dans la " troisième voie " défendue par MM. Blair et Schröder.

Le ministre délégué aux affaires européennes a ensuite estimé, répondant à M. Emmanuel Hamel, que le renforcement de l'Europe ne signifiait pas l'affaiblissement de la France. Il a ajouté que la France avait conservé le poste de président de la Commission pendant dix ans et que les récentes désignations à des postes de responsabilité au sein de l'Union européenne avaient concerné des représentants de l'Europe du sud, traditionnellement proche de notre pays. Il a rappelé, s'agissant de la Banque centrale européenne, que l'actuel président devait céder sa place dans un délai de deux ans à une personnalité française. Il a enfin observé que l'appréciation portée sur les différents responsables des instances européennes devait dépasser la seule considération de la nationalité des intéressés.

M. Pierre Moscovici a ajouté que l'Union de l'Europe occidentale devait être intégrée à l'Union européenne d'ici à la fin de l'an 2000 et qu'il conviendrait, dans l'intervalle, de régler la question de la transposition de l'article 5 du traité de l'UEO dans les traités européens, ainsi que le problème des pays participant à l'UEO sans être membre de l'Union européenne. Il a indiqué par ailleurs que la France n'avait pas souhaité, en la matière, fixer, à Cologne, de principes trop précis, mais simplement jeter les bases d'une évolution appelée à se poursuivre dans les mois à venir. Il a également relevé que la transformation de l'Eurocorps en force de réaction rapide s'inscrivait dans le cadre d'une nouvelle politique de défense visant à résoudre des situations de crise par la projection de forces à l'extérieur. Il a ajouté à cet égard que la France avait une position ouverte quant à un possible élargissement de l'Eurocorps.

Le ministre délégué aux affaires européennes a précisé à l'intention de M. Michel Barnier qui s'interrogeait sur l'éventuelle prise en charge par le Haut-représentant pour la Pesc du secrétariat général de l'UEO, que la France proposerait un calendrier sur l'évolution envisageable dans ce domaine et que l'on pouvait concevoir que l'actuel secrétaire général de l'UEO ne soit pas remplacé à l'expiration de son mandat. Il a indiqué à M. Emmanuel Hamel que la France préserverait dans le processus en cours le maintien des garanties apportées par l'article 5 du traité de l'UEO.

M. Pierre Moscovici a enfin observé, à l'attention de M. Xavier de Villepin, président, qui s'inquiétait de la baisse du cours de l'euro, que l'on n'avait pas à rougir des débuts de la monnaie européenne et que le Conseil européen de Cologne n'avait pas jugé utile de faire de déclaration particulière à ce sujet.