Table des matières

  • Mercredi 23 juin 1999
    • Affaires étrangères - Défense - Les premières leçons de la crise du Kosovo - Audition de M. Thierry de Montbrial, membre de l'Institut, directeur de l'Institut français des relations internationales (IFRI)
    • Défense - Santé - Réorganisation et professionnalisation du service de santé des armées - Communication
    • Défense - Personnels de l'armée de terre face à la professionnalisation - Communication

Mercredi 23 juin 1999

- Présidence de M. Xavier de Villepin, président -

Affaires étrangères - Défense - Les premières leçons de la crise du Kosovo - Audition de M. Thierry de Montbrial, membre de l'Institut, directeur de l'Institut français des relations internationales (IFRI)

La commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Thierry de Montbrial, membre de l'Institut, directeur de l'Institut français des relations internationales (IFRI), sur les premiers enseignements de la crise du Kosovo.

M. Thierry de Montbrial est d'abord revenu sur les causes profondes et souvent anciennes de la guerre du Kosovo. Il a relevé que cette province était un " monde de clans " qu'il était difficile de comprendre. Le régime du président Milosevic avait soufflé sur les braises d'un nationalisme serbe qui avait notamment prospéré sur le sentiment de la communauté serbe de devenir une minorité menacée compte tenu de l'évolution démographique de la communauté albanaise.

M. Thierry de Montbrial a ensuite estimé que les accords de Rambouillet n'avaient pas conclu de véritables négociations mais s'étaient davantage apparentés à un ultimatum. Il a ainsi souligné que certaines clauses de l'accord conduisaient à transformer la totalité du territoire de la Yougoslavie en un protectorat militaire de l'OTAN, ce qu'aucune autorité serbe ne pouvait accepter. Il a relevé par ailleurs que les accords de Rambouillet ne faisaient aucune allusion aux " lieux saints " de la Yougoslavie qui avaient pourtant une forte incidence dans l'inconscient collectif serbe.

Revenant alors sur l'affirmation selon laquelle aucune négociation n'était possible avec M. Milosevic, M. Thierry de Montbrial a rappelé que les accords de Dayton, qui avaient, selon lui, d'une certaine façon accepté et entériné la partition et l'épuration ethnique de la Bosnie-Herzégovine, avaient été le fruit d'une véritable négociation avec le président serbe. Il existait donc, pour M. Thierry de Montbrial, des alternatives à l'action militaire qui a été conduite, même si la nécessité d'agir était pour la communauté internationale évidente.

M. Thierry de Montbrial a ensuite abordé certains aspects diplomatiques et militaires liés à la conduite de la guerre au Kosovo.

Il a d'abord rappelé que l'opération militaire avait été engagée unilatéralement par l'OTAN sur une base légale fragile, compte tenu du risque de veto que Russes et Chinois n'auraient pas manqué d'opposer à une résolution du Conseil de Sécurité requérant explicitement le recours à la force armée. Cela ne mettait pas en cause la légitimité de l'action engagée, cette notion relevant toutefois d'une appréciation plus subjective que celle de légalité.

Le débat sur la légalité de l'action de l'OTAN par rapport à l'ONU était de surcroît compliqué par l'attitude critique constante des Etats-Unis à l'égard de l'organisation mondiale, illustrée notamment par les arriérés dans le paiement des contributions américaines au budget de l'ONU.

M. Thierry de Montbrial a ensuite relevé certaines erreurs d'appréciation commises tant par la communauté occidentale que par les responsables serbes. L'erreur majeure de la communauté occidentale avait été -a-t-il estimé- de penser que la crise pourrait être réglée très rapidement. Par ailleurs, le président Milosevic avait tout à la fois sous-estimé la cohésion des Occidentaux et surestimé la capacité d'influence de la Russie.

En réalité, a estimé M. Thierry de Montbrial, l'enjeu principal de la guerre aura finalement été de sauver l'OTAN elle-même, dans la mesure où une défaite de l'Alliance lui aurait en effet causé des dommages considérables.

Sur le plan militaire, même si l'on peut considérer que la bataille a été gagnée par le recours exclusif à l'arme aérienne, M. Thierry de Montbrial a souligné qu'une force terrestre était désormais déployée au Kosovo pour un stationnement qui pourrait durer de très nombreuses années. Faisant état de la réunion d'information sur les leçons militaires du conflit que le ministre de la défense avait organisée à l'Ecole militaire le 21 juin, M. Thierry de Montbrial a considéré que l'Europe disposait en fait de capacités de commandement adaptées et que ses insuffisances provenaient plus d'un déficit de certains armements de précision et de quantités insuffisantes de certains équipements, tels que les ravitailleurs en vol ou les stocks de munitions. Le problème majeur, a estimé M. Thierry de Montbrial, résidait dans la volonté politique de construire une véritable défense européenne et d'en tirer les conséquences sur le niveau des budgets de défense. Si cette volonté politique existait, alors -a-t-il estimé- la défense européenne n'était pas hors de notre portée.

M. Thierry de Montbrial, concluant son propos, a insisté sur le poids économique considérable que représenterait désormais, pour la communauté occidentale, l'indispensable action de reconstruction des pays des Balkans. Il s'agissait en effet, dans la plupart des cas, de reconstruire des économies qui, bien avant le conflit du Kosovo, avaient démontré leur inefficacité et leurs archaïsmes. Il s'est interrogé sur la capacité des pays européens de mobiliser les sommes considérables qui seront nécessaires à cet effort de reconstruction.

Un débat s'est ensuite engagé avec les commissaires.

M. Xavier de Villepin, président, a fait part de son regret qu'aucun parlementaire n'ait été invité à la réunion organisée à l'Ecole militaire par le ministre de la défense pour faire le point sur les enseignements à tirer du récent conflit.

M. Christian de La Malène s'est interrogé sur l'efficacité réelle du fonctionnement de l'OTAN si les Etats-Unis ne tenaient pas, au sein de l'organisation, le rôle majeur qui est le leur. Il s'est par ailleurs inquiété de la perspective de voir apparaître un réel consensus sur l'opportunité de construire une véritable défense européenne.

M. Michel Caldaguès, après avoir déclaré souscrire à l'appréciation de M. Thierry de Montbrial sur les accords de Rambouillet, s'est inquiété de l'irritation profonde ressentie par les Russes pendant la crise du Kosovo. Il s'est ensuite demandé si la désignation de M. Solana comme " Haut représentant " pour la politique étrangère et de sécurité commune permettrait la mise en oeuvre d'une politique européenne de sécurité vraiment indépendante.

M. Robert Del Picchia s'est demandé si le rejet, après le déclenchement des frappes, d'une proposition de résolution au Conseil de sécurité demandant l'arrêt de l'action entreprise, n'avait pas finalement conféré a posteriori une légitimité à l'opération engagée. Il s'est par ailleurs inquiété des conséquences de ce conflit sur la position de la Russie sur la scène internationale.

M. Xavier de Villepin, président, a alors interrogé M. Thierry de Montbrial : sur la nécessité de renforcer les moyens d'observation et de renseignement pour permettre à l'Europe d'acquérir une meilleure autonomie de jugement ; sur l'opportunité pour la France de se doter d'un second porte-avions nucléaire ; sur les leçons qu'il convenait de tirer de la crise au Kosovo en matière d'acquisition de certains armements ; enfin sur la manière de favoriser la place de la France dans les affaires civilo-militaires.

Répondant aux sénateurs, M. Thierry de Montbrial a alors apporté aux sénateurs les précisions suivantes :

- le fonctionnement d'une alliance militaire est toujours complexe et l'OTAN n'est évidemment pas exempte d'une certaine lourdeur bureaucratique. Les mécanismes de décision ont cependant permis à certains Etats de faire jouer leur souveraineté. Il est enfin apparu que le poids réel des partenaires dans une telle coalition était proportionnel à leur contribution militaire ;

- il est difficile de prévoir la possibilité de construire une véritable Europe de la défense dans la mesure où le processus de construction européenne est un phénomène inédit, même s'il apparaît s'inscrire dans le sens de l'histoire ;

- M. Xavier Solana, futur Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune, réunit des qualités indéniables qui lui permettront notamment d'entretenir un dialogue positif avec les Etats-Unis. La France, l'Allemagne et la Grande-Bretagne auront un rôle fondamental à jouer pour la définition d'une politique étrangère et de sécurité commune. Beaucoup dépendra de l'attitude finale de la Grande-Bretagne sur ce sujet et sur les enseignements qu'elle tirera du récent conflit ;

- sur le plan de la légalité de l'opération militaire engagée au Kosovo, seule compte l'autorisation du Conseil de sécurité. La légitimité d'une telle action est plus subjective et relève davantage du sentiment ;

- la situation de la Russie s'inscrit dans un système international déséquilibré. L'Europe occidentale est aujourd'hui entourée de pays qui se trouvent souvent dans un état économique extrêmement préoccupant : pays des Balkans, pays de l'ex-URSS, voire, plus loin, pays du Moyen-Orient et de l'Afrique ;

- le conflit du Kosovo a été l'occasion pour les Européens d'une prise de conscience du nécessaire renforcement de leurs capacités de renseignement et d'observation, ce qui en l'occurrence validait une position défendue depuis longtemps par la France. La commande d'un second porte-avions nucléaire, en soi souhaitable, était fonction des perspectives offertes au budget de la défense, dont les contraintes nécessitaient de faire des choix entre plusieurs catégories d'équipements. Enfin, les opérations au Kosovo avaient également validé le choix, indispensable, fait par la France en 1996 en faveur de la professionnalisation de ses forces armées.

M. Michel Caldaguès a alors précisé, à la suite de l'audition de M. François Heisbourg devant la commission le 9 juin 1999, que la marine française avait reçu l'ordre à Haïphong, en 1946, de ne pas ouvrir le feu ; ce n'est qu'après avoir eu une centaine de morts dans ses rangs, donc en position de légitime défense, qu'elle avait riposté, avec les conséquences relevées par M. François Heisbourg pour les populations civiles.

Défense - Santé - Réorganisation et professionnalisation du service de santé des armées - Communication

Puis la commission a entendu une communication de M. Jean Faure sur la réorganisation et la professionnalisation du service de santé des armées.

M. Jean Faure a tout d'abord souligné l'intérêt d'effectuer, à mi-parcours de l'exécution de la loi de programmation 1997-2002, un bilan de la professionnalisation du service de santé des armées, d'autant que celui-ci constitue aujourd'hui une composante essentielle de toute opération extérieure et qu'il est en train de mettre en oeuvre une profonde réorganisation présentant de fortes originalités.

M. Jean Faure a rappelé que les missions du service de santé des armées s'inscrivaient désormais dans un contexte radicalement nouveau, avec la disparition de la charge considérable liée à la sélection et au suivi médical des appelés du contingent et la participation de plus en plus fréquente à des opérations extérieures. Il a souligné que, dans un ensemble de missions variées mais intimement liées, le soutien médical et sanitaire des forces projetées occupait une place prépondérante, cet objectif ayant largement conditionné les grands axes de la réforme du service de santé des armées, que ce soit le volume des effectifs, et notamment celui des personnels militaires qui ont tous vocation à être projetés, ou la nature des moyens techniques mis en oeuvre par le service de santé. Il a également insisté sur la spécificité de la conception française du soutien médical des opérations, fondée sur le déploiement, au plus près des combats, de moyens médicaux et chirurgicaux mobiles et performants, et sur des évacuations sanitaires bénéficiant d'une forte assistance médicale. Il a décrit les différents moyens mis en oeuvre par les armées de terre, de l'air et la marine dans le cadre de ce concept d'emploi.

M. Jean Faure a ensuite cité les principales opérations extérieures récentes auxquelles le service de santé avait participé et a détaillé le dispositif mis en oeuvre au Kosovo qui prévoit, outre les moyens médicaux propres aux unités engagées dans la brigade française, le déploiement de 20 postes de secours et de deux antennes chirurgicales. Il a souligné l'impact des prélèvements en personnels opérés au profit des opérations extérieures sur le fonctionnement du service de santé et notamment sur celui des hôpitaux des armées.

Abordant la professionnalisation du service de santé, il a considéré que le défi majeur à relever était celui du remplacement d'appelés très qualifiés -médecins, dentistes, pharmaciens- qui jouaient un rôle essentiel dans le fonctionnement du service.

M. Jean Faure a alors rappelé que, compte tenu de la durée de formation d'un médecin, c'est-à-dire 9 années, les mesures d'effectifs prises en recrutement initial ne produiraient d'effets qu'à moyen terme et que, dans ces conditions, le remplacement des médecins du contingent devait être opéré par le recrutement, d'ici 2002, de 40 à 50 médecins déjà formés par an. Il a constaté que ces objectifs de recrutement latéral n'avaient pu jusqu'ici être atteints puisqu'en 1998, sur 40 postes offerts, 6 seulement avaient été pourvus. Il a précisé que le vivier de candidats potentiels demeurait étroit et que les armées n'étaient pas toujours en mesure de répondre aux exigences des jeunes médecins issus des facultés. Il a jugé que, si elle n'était pas inversée, cette tendance deviendrait très inquiétante et aggraverait un déficit en médecins déjà préoccupant, notamment dans les unités. Il a souligné que le relatif échec du recrutement latéral de jeunes médecins constituait l'obstacle le plus important à la bonne marche de la professionnalisation du service de santé.

Après avoir évoqué la création d'un corps de chirurgiens-dentistes et l'unification des statuts des personnels paramédicaux des armées, M. Jean Faure a relevé que le fonctionnement des hôpitaux était affecté par un déficit important en personnels civils, représentant 20 % des postes budgétaires. Il a analysé les causes de ce déficit, en particulier le départ de nombreux personnels civils après les restructurations intervenues dans les hôpitaux militaires et les contraintes imposées aux armées pour pourvoir les postes vacants, les redéploiements de personnels au sein du ministère de la défense étant privilégiés par rapport aux recrutements externes.

M. Jean Faure a ensuite donné des précisions sur l'importante réduction des capacités hospitalières du service de santé, puisque 9 centres hospitaliers auront été fermés entre 1997 et 2002, les 9 hôpitaux d'instruction des armées ne totalisant plus, en 2002, que 3.200 lits. Il a précisé que la diminution du parc hospitalier répondait au souci d'entretenir un niveau d'activité suffisant pour les équipes chirurgicales appelées à assurer le soutien des forces projetées.

Selon M. Jean Faure, l'ouverture à la clientèle civile, destinée notamment à permettre un volume d'activité suffisant, constitue un fait marquant de l'évolution du secteur hospitalier militaire, qui entend désormais participer pleinement au service public hospitalier. Il a observé à ce propos que les services d'urgence des hôpitaux militaires s'intégraient au dispositif d'urgence médicale et qu'ils remplissaient une indispensable fonction de préparation aux conditions rencontrées lors des opérations extérieures.

M. Jean Faure a souligné que cette participation au service public hospitalier devait s'effectuer dans le respect de l'autonomie du service de santé et de sa spécificité militaire et que, de ce point de vue, il convenait de rechercher un bon point d'équilibre entre ouverture au secteur civil et vocation militaire prioritaire.

Enfin, M. Jean Faure, rappelant la double source de financement du service de santé, par les crédits budgétaires et par les recettes de l'activité hospitalière, s'est interrogé sur les conséquences de la part prépondérante prise par ces dernières recettes qui constituent désormais près de 60 % de ce financement. Soulignant le rôle positif joué par les recettes hospitalières dans la modernisation du service, il a également estimé qu'elles demeuraient sujettes à des aléas, en particulier aux ralentissements conjoncturels d'activité, et qu'après deux années de recul significatif, les crédits budgétaires du service gagneraient à être stabilisés.

En conclusion, M. Jean Faure a insisté sur l'apport essentiel du service de santé aux opérations extérieures, dans le cadre d'un concept d'emploi qui a démontré son efficacité. Il a estimé que les difficultés du recrutement latéral de médecins, si elles persistaient, pourraient fragiliser le service. Il a souligné le caractère indispensable de l'ouverture du secteur hospitalier militaire à une activité hospitalière civile de droit commun en ajoutant qu'elle devait être conciliée avec le maintien de la spécificité militaire et des missions prioritaires du service. De même, il a signalé le risque qu'un trop fort déséquilibre entre crédits budgétaires et ressources hospitalières pourrait faire courir à la cohérence ayant jusqu'à présent présidé à la réforme du service de santé.

A la suite de l'exposé du rapporteur, M. André Boyer s'est demandé si les difficultés rencontrées par le service de santé pour recruter des médecins et le déficit en personnel qui en résultait ne conduisaient pas à remettre en cause le concept français de soutien médical et chirurgical au plus près des combats, pour privilégier l'évacuation immédiate. Il a souligné que la politique hospitalière civile se traduisait par la fermeture de services dans les hôpitaux de proximité au profit du transfert sur les grands hôpitaux régionaux. Il a constaté une certaine divergence entre les mesures mises en oeuvre dans le secteur civil et les options retenues par le service de santé, qui pourraient de surcroît se heurter à l'insuffisance des personnels médicaux et chirurgicaux.

M. Michel Caldaguès a relevé les différences fondamentales entre les systèmes de santé civil et militaire, le secteur hospitalier civil devant a priori faire face à des besoins réguliers alors que les hôpitaux militaires peuvent se trouver confrontés à un afflux massif en blessés. Il a en outre estimé que le recours aux évacuations sanitaires de préférence à un traitement médical de l'avant exigeait des capacités de transport, beaucoup plus développées dans l'armée américaine que dans l'armée française.

M. Charles Henri de Cossé-Brissac a demandé des précisions sur les relations entre médecins militaires et organisations non gouvernementales (ONG) lors des opérations extérieures.

M. Serge Vinçon a souligné l'effet positif sur le moral des combattants de la proximité du soutien médical et chirurgical. Il a également rappelé le concours que les réservistes pouvaient apporter aux cadres d'active.

M. Jean-Guy Branger s'est interrogé sur les options retenues pour l'encadrement médical des unités. Il a insisté sur le haut niveau de compétence des hôpitaux militaires en regrettant que la population civile ne soit pas toujours informée que l'accès à ces hôpitaux lui est ouvert. Il a souhaité une grande vigilance du contrôle parlementaire sur les modalités de reversement au service de santé du produit de son activité hospitalière remboursable.

M. Xavier de Villepin, président, a salué l'action du service de santé des armées en Albanie et en Macédoine en rappelant qu'une délégation de la commission avait pu en mesurer l'efficacité lors de sa mission dans ces deux pays au mois de mai dernier. Il a souligné l'incidence sur le moral des troupes du soutien médical des forces. Il s'est interrogé sur l'organisation du service de santé dans l'armée britannique. Enfin, il s'est étonné que la démographie médicale et les difficultés d'installation de jeunes médecins dans le secteur libéral n'encouragent pas davantage ces derniers à répondre aux carrières offertes par le service de santé des armées.

En réponse à ces différentes interventions, M. Jean Faure a apporté les précisions suivantes :

- la projection du soutien médical et chirurgical au plus près des combattants avait permis, grâce au traitement des blessés dès les premières heures, d'éviter des pertes et des séquelles irrémédiables, ce concept d'emploi étant désormais considéré avec intérêt par beaucoup de nos partenaires ;

- la limitation des capacités de transport aérien pourrait conduire à privilégier un traitement d'urgence des blessés sur le théâtre d'opération ;

- si le service de santé doit en priorité assurer le soutien des forces en opération, il s'emploie également, chaque fois que possible, à apporter son concours aux populations civiles ; toutefois, les ONG prennent fréquemment le relais des militaires dès lors que les besoins se prolongent dans la durée ;

- les 40 régiments " projetables " de l'armée de terre devraient être pourvus de 4 médecins, soit un par compagnie, le soutien médical des autres régiments étant moins important ;

- l'armée britannique dispose d'un soutien santé beaucoup moins étoffé que l'armée française et s'appuie sur le secteur hospitalier civil pour pourvoir les besoins militaires ;

- la forte féminisation des promotions de médecins sortant des universités et les exigences en termes de types de poste ou de localisation contribuent à limiter les possibilités du recrutement latéral de médecins.

La commission a alors autorisé la publication de la communication de M. Jean Faure sous la forme d'un rapport d'information.

Défense - Personnels de l'armée de terre face à la professionnalisation - Communication

La commission a enfin entendu une communication de M. Serge Vinçon sur les personnels de l'armée de terre face à la professionnalisation.

M. Serge Vinçon a tout d'abord rappelé la signification particulière de la professionnalisation sur le personnel des forces terrestres par rapport aux autres armées et à la gendarmerie, compte tenu de la part traditionnellement très importante des appelés dans les effectifs de l'armée de terre.

A l'actif du bilan de la professionnalisation des forces terrestres, M. Serge Vinçon a d'abord cité le déroulement satisfaisant de la réforme du service national, relevant le civisme des jeunes et la faiblesse du taux d'insoumission. Il a également relevé l'augmentation régulière des effectifs de militaires du rang engagés, conformément aux objectifs de la loi de programmation militaire, ainsi que la déflation relativement harmonieuse des effectifs d'officiers et de sous-officiers, grâce au dispositif spécial mis en place par la loi du 19 décembre 1996 relative aux mesures en faveur du personnel militaire dans le cadre de la professionnalisation des armées.

Puis M. Serge Vinçon s'est interrogé sur la situation des sous-officiers, qui n'avait pas été revalorisée dans les mêmes proportions que celle des militaires du rang. En ce qui concerne les officiers, il a relevé les limites du projet relatif à la création d'une " voie experts " destinée à aménager la seconde partie de la carrière des officiers qui n'auront pas accès à un commandement.

Puis M. Serge Vinçon s'est interrogé sur la gestion du recrutement, des affectations et de la formation initiale des engagés, soulignant la difficulté de parvenir à un équilibre entre les besoins des régiments, les diverses vocations des intéressés et les aptitudes de ceux-ci.

Abordant ensuite les incertitudes qui affectent le processus de professionnalisation des forces terrestres, M. Serge Vinçon a commenté les contraintes liées à l'importance des effectifs en report d'incorporation. Il a, à cet égard, évalué le poids respectif des nouveaux reports destinés aux titulaires d'un contrat de travail et de la libéralisation des reports qui existaient déjà avant l'entrée en vigueur de la loi du 28 octobre 1997 portant réforme du service national.

Après avoir rappelé l'importance de la ressource appelée dans l'aptitude des forces terrestres à remplir leur mandat opérationnel, M. Serge Vinçon a estimé que les difficultés imputables à la gestion des incorporations étaient sans doute appelées à croître dans les mois à venir, parallèllement à l'augmentation inévitable des effectifs en report d'incorporation, mais que ces difficultés devraient nécessairement prendre fin en 2002. Dès lors, a-t-il poursuivi, deux solutions devraient être envisagées si l'on en venait à admettre une diminution plus rapide que prévue des effectifs appelés : soit l'engagement d'un effectif accru de militaires du rang engagés, soit l'acceptation d'une altération provisoire (jusqu'en 2002) de l'aptitude de l'armée de terre à remplir son mandat opérationnel.

Evoquant alors les incertitudes imputables à la lente montée en puissance du volontariat militaire, M. Serge Vinçon a souligné les différences substantielles entre le volontariat issu de la loi du 28 octobre 1997 portant réforme du service national, altéré par la notion " d'emplois-jeunes ", et le volontariat quasi-bénévole, dont la création avait été envisagée lors du débat de 1996 sur la professionnalisation. Il s'est par ailleurs interrogé sur le lien entre, d'une part, la confusion établie par la loi de 1997 entre le statut des volontaires et celui des engagés et, d'autre part, le faible nombre de volontaires recrutés dans les trois armées.

M. Serge Vinçon a ensuite abordé la question posée par l'augmentation des effectifs de personnels civils, qui constitue l'un des fondements de la loi de programmation pour les années 1997-2002, et qui vise à permettre d'affecter les militaires aux fonctions strictement opérationnelles, dans le contexte d'une armée conçue pour la projection. Or, a-t-il poursuivi, le décalage constaté entre les droits ouverts à l'armée de terre par les budgets successifs et les effectifs réalisés pouvait fragiliser le processus de professionnalisation, en incitant cette armée à affecter quelque 800 militaires du rang engagés à des emplois susceptibles d'être confiés à des civils. M. Serge Vinçon a, en effet, rappelé que l'insuffisante mobilité géographique des personnels civils de la défense concernés par la restructuration des forces et des établissements militaires empêchait l'armée de terre de bénéficier de la ressource rendue disponible par les restructurations. Le déficit, a-t-il relevé, est particulièrement important en Ile-de-France et en Lorraine, en dépit du généreux dispositif d'encouragements financiers à la mobilité géographique mis en place à destination de ces personnels.

M. Serge Vinçon a relevé que les personnels civils étaient appelés, dans certains cas, à constituer une catégorie dominante par rapport aux personnels militaires -citant, à cet égard, le cas du camp de Mourmelon, où devraient cohabiter en théorie, à partir de 2004, 244 personnels civils pour 102 militaires. Il s'est dès lors interrogé sur les conséquences de la cohabitation de personnels aux contraintes et aux statuts si différents sur l'état d'esprit et le moral à venir des militaires.

Constatant que la ressource constituée par les personnels civils de la défense n'était pas disponible pour remplir les besoins des forces terrestres, M. Serge Vinçon s'est alors demandé si d'autres solutions ne pouvaient pas être explorées en vue d'organiser les fonctions non opérationnelles de l'armée de terre. Il a, à cet égard, commenté les avantages qui pourraient être attendus du recours à des cocontractants privés, c'est-à-dire à " l'externalisation ", tout en soulignant les risques que pouvait présenter une telle formule en matière de sécurité et de confidentialité. Il a jugé souhaitable la mise en oeuvre d'une réflexion approfondie sur les savoir-faire devant être entretenus en permanence par la défense, et sur les fonctions qui, indispensables à la disponibilité opérationnelle des forces, ne sauraient être confiées à des entreprises privées. M. Serge Vinçon a cependant relevé l'intérêt susceptible de résulter de l'invention de nouvelles formes de coopération avec le secteur privé, et du recentrage des personnels militaires sur le coeur du métier de défense.

M. Serge Vinçon a enfin souligné la nécessité qu'il y aurait à compenser les coûts qui seraient induits par le recours à " l'externalisation " par des transferts des crédits suffisants sur le titre III, sans que ces crédits puissent être remis en cause par la suite.

A l'issue de l'exposé de M. Serge Vinçon, M. Xavier de Villepin, président, et M. Robert Del Picchia sont revenus, avec M. Serge Vinçon, sur l'origine des déficits constatés dans l'incorporation d'appelés en avril et mai 1999. M. Serge Vinçon a rappelé les dispositions de la loi du 28 octobre 1997 portant réforme du service national relatives aux reports d'incorporation. Il a souligné la tendance des jeunes à tirer parti de toutes les facultés offertes par cette loi en matière de reports d'incorporation. M. Xavier de Villepin, président, a commenté, avec le rapporteur, l'incidence de l'article L. 5 bis A de la loi du 28 octobre 1997 relatif au cas des titulaires d'un contrat de travail à durée indéterminée dans la gestion des incorporations dans l'armée de terre.

M. Serge Vinçon a relevé le souci évident d'un nombre croissant de jeunes Français de souscrire un contrat de travail à durée indéterminée, dans l'espoir d'échapper de facto à toute obligation du service national.

A la demande de M. de Villepin, président, M. Serge Vinçon est enfin revenu sur la jurisprudence des commissions régionales chargées d'attribuer les reports d'incorporation à des jeunes gens titulaires d'un contrat de travail.

A la suite de ce débat, la commission a autorisé la publication de la communication de M. Serge Vinçon sous la forme d'un rapport d'information.