Table des matières

  • Mercredi 24 octobre 2001
    • PJLF pour 2002 - Audition du général Yves Crène, chef d'état-major de l'armée de terre
    • Traités et conventions - Accord de protection et d'encouragement réciproques des investissements France-Cambodge - Examen du rapport
    • Français de l'étranger - Situation des résidents français à New York - Communication
    • Organisme extraparlementaire - Désignation d'un candidat
    • PJLF pour 2002 - Audition de M. Pierre Steinmetz, directeur général de la gendarmerie nationale
  • Jeudi 25 octobre 2001
    • Terrorisme - Conséquences des attentats terroristes aux Etats-Unis - Audition de M. François Heisbourg, directeur de la Fondation pour la recherche stratégique, sur les conséquences des attentats terroristes aux Etats-Unis
    • Coopération - Réforme de la coopération - Examen du rapport d'information
    • Contrôle de l'application des lois au 30 septembre 2001 - Communication du Président

Mercredi 24 octobre 2001

- Présidence de M. Xavier de Villepin, président -

PJLF pour 2002 - Audition du général Yves Crène, chef d'état-major de l'armée de terre

Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission a tout d'abord procédé à l'audition du général Yves Crène, chef d'état-major de l'armée de terre, sur les crédits de l'armée de terre dans le projet de loi de finances pour 2002.

Présentant la dotation de l'armée de terre pour 2002, le général Yves Crène a estimé que le niveau du titre III permettrait à celle-ci d'achever son processus de professionnalisation dans des conditions relativement satisfaisantes.

La professionnalisation des personnels militaires se poursuivra, pour l'essentiel, conformément à la loi de programmation, avec la création de 5.884 postes d'engagés volontaires de l'armée de terre (EVAT) et de 667 postes de volontaires, alors que pour le personnel civil, l'écart entre l'objectif de la loi de programmation et les postes budgétaires alloués sera réduit.

Le général Yves Crène a estimé qu'en matière de condition militaire, un début de réponse sera apporté aux attentes du personnel grâce à la prise en compte, pour la première fois depuis quatre ans, de mesures catégorielles. Elles ne concerneront toutefois que les sous-officiers, pour un montant de 57 millions de francs destiné à améliorer les soldes des jeunes sous-officiers et à mieux reconnaître les compétences.

En matière de dotations de fonctionnement, le redressement amorcé ces deux dernières années se poursuivra. Le nombre de jours d'activité sera porté à 89 en 2002. Certains besoins de fonctionnement connaîtront un début de satisfaction : l'entretien immobilier, longtemps affecté par la contrainte budgétaire, l'informatique courante des services et des unités, la montée en puissance du dispositif de recrutement et de reconversion.

Pour le général Yves Crène, le niveau, plutôt satisfaisant, du titre III marquera le début d'un effort nécessaire d'amélioration de la condition militaire et du fonctionnement, la réalisation des objectifs retenus pour 2002 étant toutefois liée à la bonne clôture de la gestion 2001, ce qui impliquera la couverture des besoins non financés de l'exercice en cours, en particulier l'ensemble du surcoût des opérations extérieures.

Abordant les crédits du titre V, le général Yves Crène a estimé qu'ils appelaient une appréciation plus mitigée que celle portée sur le titre III. Il a notamment considéré que le retard accumulé en matière de crédits d'équipement depuis le début de l'exécution de l'actuelle loi de programmation allait s'accroître, ce qui rendrait délicate l'entrée dans la prochaine loi de programmation.

Les crédits de paiement du titre V s'élèveront à 2.574 millions d'euros, soit une baisse de 3,9 % en valeur et de 5,4 % en volume par rapport à la loi de finances initiale pour 2001. La dotation est inférieure de 246,5 millions d'euros au montant prévu en application de la revue des programmes. Elle inclut de surcroît 91 millions d'euros de reports de crédits provenant de la gestion 2001.

Rappelant que les commandes globales de ces dernières années engendraient des besoins de paiement accrus, le général Yves Crène a estimé que l'équilibre de la gestion 2002 n'était pas acquis d'emblée, celle-ci risquant de se clore par un report de charges net.

Le général Yves Crène a alors indiqué que le projet de budget permettrait de poursuivre, dans une certaine mesure, la modernisation de l'armée de terre, notamment par l'acquisition de systèmes d'information et de commandement (SICF) supplémentaires, de 2 systèmes de défense sol-air (SAMP/T) et de 100 engins porte-chars. Il permettra de poursuivre également l'effort de numérisation de l'espace de bataille (SIR).

Il financera, en outre, le début des valorisations à mi-vie de nombreux matériels anciens (valorisation du VAB, du Roland, de l'AMX 10 RC et du canon de 155 mm AUF 1), ces rénovations a minima en permettant le maintien à un niveau suffisant.

Le général Yves Crène s'est, par ailleurs, félicité de la hausse significative des autorisations de programme consacrées à l'entretien programmé du matériel, qui devrait contribuer à l'amélioration nécessaire de la disponibilité technique de la plupart des équipements.

Il a estimé que les crédits consacrés à l'infrastructure permettraient, dans une logique de stricte suffisance, la poursuite indispensable de l'effort d'adaptation et de maintien à niveau, avec notamment le plan Vivien qui devrait être achevé vers 2004 ou 2005.

S'agissant des autorisations de programme, le général Yves Crène a jugé que, malgré une légère augmentation, leur niveau serait insuffisant pour conclure un certain nombre de commandes pourtant prévues par la programmation 1997-2002, ou cohérentes avec les travaux de préparation de la loi de programmation militaire suivante. Il a, en effet, précisé que la prise en compte d'une commande « semi globale » du programme de missiles de la famille sol-air futur (FSAF) aboutissait, dans les faits, à évincer d'autres commandes prévues par ailleurs, et qui ne pourront pas être passées faute de ressources suffisantes, l'écart financier entre le besoin exprimé par l'armée de terre et le projet de budget atteignant 17 %, soit un manque de 495 millions d'euros.

Seront notamment décalés le programme d'automatisation des tirs et des liaisons de l'artillerie sol-sol (ATLAS Canon), les programmes d'acquisition du radar de contrebatterie COBRA et du système de guerre électronique de l'avant (SGEA), les programmes de postes radio pour équiper les hélicoptères et de systèmes de défense sol-air (terminaux de distribution d'information multidirectionnelle MIDS), ainsi que les commandes des abris mobiles pour équiper les PC. La commande de gilets pare-balles sera diminuée, ce qui ralentira le rythme de renouvellement d'un équipement très utilisé en opération.

Le général Yves Crène a ajouté que ces retards affectaient des équipements modernes essentiels, voire même vitaux, pour permettre à l'armée de terre de remplir les missions qui lui sont confiées.

Estimant que les commandes prévues en 2002, mais aussi l'ensemble de celles passées depuis 1998, en particulier les commandes globales, appelaient, pour les années à venir, des niveaux de crédits de paiement très supérieurs au niveau de crédits prévu pour 2002, il a conclu en considérant que la loi de finances pour 2002 ne pourrait pas constituer une référence pour préparer le budget de 2003, et donner ainsi toute leur crédibilité aux choix effectués dans le cadre de la prochaine programmation.

Le général Yves Crène a ensuite présenté un bilan de la refondation de l'armée de terre et de la mise en oeuvre de la loi de programmation militaire 1997-2002.

Soulignant que, pour la première fois depuis longtemps, grâce à la continuité de la volonté politique, cette loi avait été globalement exécutée, notamment quant à la programmation des effectifs, il a rappelé que la période 1997-2002 aura été marquée :

- par la fin anticipée de la conscription et par un marché de l'emploi plus concurrentiel en fin de période ;

- par un engagement élevé et permanent de l'armée de terre en opérations extérieures et dans des missions de service public, où elle a fourni en permanence près de 80 % des personnels ;

- enfin et surtout, par des milliers de mesures d'adaptation qui ont entraîné un bouleversement profond dont tout le personnel, jusqu'au plus modeste niveau, a subi les conséquences.

Le général Yves Crène a précisé que, dès la fin de l'année 2002, le format retenu pour l'armée de terre serait atteint à 99 %. Pour autant, en cette fin d'année 2001, elle enregistrera un déficit conjoncturel de près de 11.000 postes militaires, créé par les effets conjugués de la fin anticipée du service national et de la difficulté à recruter les personnels civils. S'agissant de ces derniers, les difficultés perdurent, même si l'année 2002 devrait permettre une amélioration quantitative, encore loin des besoins qualitatifs. De ce fait, 2.500 militaires sont actuellement prélevés sur les forces pour remplir des emplois de civils.

Le général Yves Crène a rappelé qu'en une décennie, l'armée de terre aura perdu plus de 50 % de ses effectifs militaires, dissous plus de régiments qu'il ne lui en reste aujourd'hui, tout en multipliant par 10 son engagement extérieur.

Estimant que la structure de l'armée de terre s'avérait, à l'expérience, performante, il a évoqué la possibilité de procéder à certains ajustements ne nécessitant qu'un redéploiement limité et qu'une augmentation marginale des effectifs militaires. Il a, notamment, cité l'accroissement des moyens du renseignement, la limitation au strict besoin des fonctions « blindés » et « sol-air », la consolidation de la fonction combat débarqué (infanterie) et le renforcement de la fonction commandement.

A cette fin, un redéploiement de 3.500 postes a été décidé. Il laissera encore subsister, tant en opération que dans le fonctionnement global des forces terrestres, un besoin supplémentaire de 3.000 postes, reconnu en 2001 au sein du ministère.

Relevant qu'en 2002, l'armée de terre française sera, parmi les armées occidentales, celle dans laquelle la part des soutiens et de l'environnement sera la plus faible puisque sept militaires sur dix serviront directement dans les forces, le général Yves Crène a souligné les contraintes liées à ce ratio vertueux.

Il a, ensuite, évoqué plusieurs mesures nécessaires, à ses yeux, en vue de consolider la refondation de l'armée de terre.

Il a, en premier lieu, souhaité la poursuite du redressement du taux d'activité et la prise en compte de divers besoins en fonctionnement reconnus dans le cadre de travaux internes au ministère, en particulier dans les domaines de la sous-traitance et de l'entretien immobilier.

En matière d'amélioration de la condition du personnel, il a estimé que les mesures financières prévues par le projet de budget pour 2002 ne répondaient que très partiellement aux besoins avérés du personnel et à ses attentes au regard de l'évolution de la société et des efforts consentis. Il a souligné la nécessité de poursuivre ce premier effort, notamment au profit des officiers, pour attirer et conserver un personnel de qualité au sein de l'armée de terre.

Rappelant que la loi de programmation 1997-2002 avait permis de lancer la production de grands programmes qui resteront à payer dans l'avenir (Tigre, NH90, véhicule blindé de combat d'infanterie (VBCI), FSAF), il a reconnu que la modernisation des équipements de l'armée de terre constituait une réelle préoccupation au regard de l'âge moyen des matériels, des retards et abandons consentis durant la dernière loi de programmation et des niveaux de ressources prévus pour 2002 et pour la prochaine loi de programmation.

Après avoir souligné que l'armée de terre était, pour l'essentiel, équipée de matériels anciens, dont la conception remonte aux années 60, il a indiqué que le vieillissement des parcs, leur utilisation intensive en opérations extérieures et les insuffisances budgétaires avaient eu pour conséquence une chute de la disponibilité technique opérationnelle. Il a ajouté que des mesures prises dans l'urgence, y compris dans le domaine budgétaire, permettaient d'envisager un retour à une situation moins pénalisante dès 2002.

Il a, cependant, fait valoir qu'en raison de l'âge des matériels et de leur utilisation intensive, un effort s'imposait sur le long terme pour éviter une rechute de leur disponibilité. Il a également souligné qu'il fallait consentir à renouveler le matériel à temps ou au moins à le revaloriser, tout en consacrant à son entretien les ressources nécessaires.

Il a, sur ce point, rappelé que durant ces dernières années, les crédits inscrits en loi de finances initiale, et plus encore les paiements effectués, s'étaient situés en dessous des niveaux prévus par la loi de programmation militaire et par la revue des programmes, l'équivalent d'une annuité pouvant être considéré comme perdu.

Le général Yves Crène a, en outre, évoqué les annulations de crédits opérées en cours de gestion, qui ont le plus souvent supprimé ou retardé des programmes d'apparence mineure, dits de cohérence opérationnelle.

Cette érosion de ressources a conduit l'armée de terre à abandonner quelques programmes (AC3G MP, AC3G LP) et à en retarder de nombreux autres (VBCI, rénovation de l'AMX 10 RC et des postes de tir sol-air Roland etc.). Par ailleurs, l'échéance lointaine (2011) prévue pour l'arrivée des premiers NH90, contraint l'armée de terre à envisager une modernisation partielle des hélicoptères Puma et Cougar afin de pallier partiellement une baisse prévisible de ses capacités de transport aéromobile à moyen terme.

Le général Yves Crène a considéré que les perspectives pour les prochaines années paraissaient peu rassurantes. Il a ajouté qu'à défaut de ressources suffisantes, le titre V risquerait de ne servir qu'à entretenir des matériels vieillissants, sans pouvoir renouveler et moderniser de manière cohérente les équipements indispensables aux engagements futurs, ce qui pourrait provoquer un décrochage qualitatif vis-à-vis de nos alliés.

Le général Yves Crène a remarqué que l'armée de terre ne recevait que 21 % du titre V de la défense alors qu'elle représente 80 % de l'action militaire de la France sur le terrain et beaucoup plus en matière de risques encourus par nos armées.

En conclusion, il a rendu hommage aux Français ayant servi sous l'uniforme dans le cadre de la conscription, mais également aux acteurs de la « refondation » de l'armée de terre, soulignant qu'il existait légitimement, de leur point de vue, une attente.

Estimant que la capacité opérationnelle de l'armée de terre, gage de son efficacité, reposait sur les trois piliers que sont les effectifs, les équipements et l'entraînement, il a ajouté qu'après la réalisation des effectifs et la mise en place de l'organisation, il resterait à moderniser les équipements et à réunir les moyens d'un entraînement de qualité.

Le général Yves Crène a jugé cet effort indispensable dans un monde marqué par des conflits nombreux, aux évolutions parfois imprévisibles et aux formes multiples.

Un débat s'est ensuite engagé avec les membres de la commission.

M. Serge Vinçon, rapporteur pour avis des crédits de l'armée de terre, a salué les efforts accomplis par l'armée de terre au cours de ces dernières années pour se réorganiser et mener à bien la professionnalisation dans un contexte d'engagement opérationnel accru. S'agissant des effectifs de l'armée de terre, il s'est demandé si la difficulté persistante à pourvoir les postes dévolus aux personnels civils ne devait pas conduire à envisager de transformer certains d'entre eux en postes militaires. Il a également évoqué la pertinence du format de l'armée de terre au regard de la nécessité de sécurité intérieure et les problèmes rencontrés pour mettre en place les effectifs prévus pour la réserve opérationnelle. A propos de la condition militaire, il a demandé des précisions sur la situation actuelle du temps de travail dans l'armée de terre et sur les mesures envisagées pour alléger la charge de travail des militaires ou pour compenser financièrement les dépassements horaires. Enfin, il a interrogé le général Yves Crène sur le bénéfice escompté, en matière d'entretien programmé des matériels, grâce à la mise en place de structures interarmées chargées de la maintenance, que ce soit pour les matériels aériens ou pour les matériels terrestres.

M. André Dulait a évoqué les délais, souvent très longs, nécessités par la dépollution d'emprises militaires désaffectées, avant leur cession à des collectivités publiques. Il a demandé au chef d'état-major de l'armée de terre s'il confirmait que le taux de disponibilité opérationnelle des chars Leclerc se situait actuellement à 35 %. Enfin, il a demandé des précisions sur les conditions de mise en oeuvre de la nouvelle réserve.

M. Michel Caldaguès a indiqué que le contexte international actuel conduisait à s'interroger sur le niveau réel de disponibilité de nos forces. Il a souligné, à cet égard, la nécessité, pour le pouvoir politique, qu'il s'agisse de l'exécutif ou du Parlement, de disposer, de la part de la hiérarchie militaire, d'éléments d'informations précis de sorte que toute décision d'engager, sur un théâtre extérieur, des moyens supplémentaires en hommes ou en matériels, tienne compte de nos capacités effectives de déploiement. Il a souhaité savoir s'il y avait en cette matière des écarts de capacités entre la France et le Royaume-Uni.

M. Guy Penne s'est interrogé sur le coût comparé de l'armée professionnelle et de l'armée de conscription.

M. Philippe de Gaulle a demandé des précisions sur les effectifs actuels de l'armée de terre. Il a considéré qu'il y avait plutôt lieu de réduire nos engagements extérieurs, et non de les accroître. Enfin, il a souhaité connaître les moyens utilisés pour l'acheminement de notre logistique en Bosnie et au Kosovo.

M. André Rouvière a demandé quels étaient les blocages pratiques faisant obstacle au recrutement de personnels civils. Il s'est interrogé sur l'adaptation du char Leclerc aux besoins opérationnels actuels et sur la pratique en vigueur, dans ce domaine, dans les armées étrangères.

M. Emmanuel Hamel a souhaité connaître le niveau optimal de crédits d'équipements qui seraient nécessaires dans les prochaines années à l'armée de terre pour rattraper les retards enregistrés dans le passé récent et pour mener à bien la modernisation nécessaire de ses matériels.

M. Robert Del Picchia a demandé si l'on constatait, dans l'armée de terre, un phénomène de départs d'officiers ou de sous-officiers vers le secteur civil.

Mme Maryse Bergé-Lavigne a rendu hommage à l'armée de terre pour la contribution apportée à Toulouse à la suite de l'explosion de l'usine chimique AZF.

M. Xavier de Villepin, président, a demandé des précisions sur la notion de forces spéciales et sur les définitions en vigueur en France et dans les différentes armées étrangères. Il s'est interrogé sur la capacité des européens d'accroître leur participation aux opérations de Bosnie et du Kosovo dans le cas où les Etats-Unis envisageraient de se désengager des Balkans.

A la suite de ces interventions, le général Yves Crène a apporté les réponses suivantes :

- l'existence de nombreux postes n'exigeant pas de qualifications militaires, conduit l'armée de terre à souhaiter, autant que possible, s'approcher au plus près des objectifs retenus en matière d'effectifs civils ; on peut espérer qu'en 2002 le déficit, voisin de 3.000 personnels civils en 2001, sera ramené à 1.500 postes environ ;

- le gel de postes de fonctionnaires et l'interdiction d'embauchage pour les postes d'ouvriers d'Etat ont empêché de recruter des personnels civils au-delà du strict renouvellement des départs ;

- en matière de sécurité intérieure, notre pays dispose, avec la police et la gendarmerie, de forces de sécurité importantes ; l'armée de terre professionnalisée présente l'avantage d'une grande polyvalence et d'une disponibilité immédiate pouvant être utiles sur le sol national ; toutefois, il est souhaitable que, dans la mesure du possible, l'emploi de l'armée de terre sur le territoire national s'effectue dans le cadre de ses capacités d'expertise propres, comme cela a, par exemple, été le cas pour le transport des explosifs du dépôt de Vimy, et pour une durée limitée ;

- alors que l'objectif de 30.000 réservistes volontaires a été fixé, l'armée de terre ne peut, aujourd'hui, compter sur la disponibilité que d'un tiers de cet effectif ; les difficultés rencontrées sont liées à l'insuffisante reconnaissance, par le monde de l'entreprise, du nouveau statut de réserviste et des exigences minimales de disponibilité qu'il implique ; le conseil national supérieur de la réserve, qui vient d'être mis en place, entend sensibiliser davantage les entreprises ;

- il est souhaitable qu'au-delà des mesures engagées pour les sous-officiers en 2002, une amélioration de la condition militaire soit également mise en oeuvre pour les officiers lors des années suivantes ;

- les observations conduites par le ministère de la défense ont établi qu'en dehors des opérations elles-mêmes, le rythme de travail dans l'armée de terre était très supérieur à la moyenne puisqu'il dépassait 42 heures hebdomadaires ; des premières mesures ont été prises pour alléger, chaque fois que cela est possible, la charge de travail pesant sur les personnels ; par ailleurs, des mesures plus globales, incluant des compensations financières, devraient prochainement être présentées ;

- au vu du premier bilan très encourageant de la mise en place d'une structure interarmées de maintenance pour les matériels aériens de la défense, une structure comparable sera mise en place au cours de l'été 2002 pour les matériels terrestres ; l'un des apports majeurs de cette nouvelle organisation réside dans la coordination de la passation des marchés de pièces de rechange, avec des retombées très positives pour la disponibilité des matériels ;

- la dépollution des emprises abandonnées par les armées exige, le plus souvent, des opérations longues et coûteuses, qui doivent être menées dans le cadre contraint des crédits d'infrastructure de l'armée de terre ;

- en dépit d'une mise au point longue et difficile, le char Leclerc s'avère aujourd'hui un excellent matériel ; l'escadron de chars Leclerc déployé au Kosovo depuis deux ans affiche un taux de disponibilité supérieur à 90 % et a exigé des effectifs de maintenance moindres que prévu ;

- sur un plan plus général, le programme Leclerc a souffert d'un manque de pièces de rechange, faute de la passation, en temps voulu, des marchés nécessaires ; ceci explique le taux de disponibilité actuel de 35 % pour l'ensemble du parc, taux qui tient également compte d'un certain nombre de chars revenus chez le constructeur pour être amenés à un standard supérieur ;

- les changements stratégiques consécutifs à la fin de la guerre froide ont, sans doute, davantage affecté les menaces aériennes ou navales que les menaces au sol, encore bien présentes dans de nombreuses régions du monde ; c'est pourquoi le char Leclerc demeure un matériel adapté, un grand nombre de pays disposant, dans leur armée de terre, de matériels blindés lourds ; au demeurant, la plupart de nos partenaires occidentaux ont conservé, pour leur fonction « blindée », une place supérieure à la nôtre ;

- l'armée de terre comporte, aujourd'hui, 7.500 hommes dans les Balkans, 10.000 hommes engagés hors du territoire métropolitain, et 2.500 hommes en opérations sur le territoire national, dont 1.800 hommes pour la garde de 63 dépôts de stockage de l'euro ;

- tout en maintenant l'ensemble de ces engagements, et au prix de certaines adaptations comme la modification du rythme des relèves, il serait, aujourd'hui, possible d'engager, pour une opération nouvelle, une force de 20.000 hommes ; en ce qui concerne les matériels majeurs, ils sont aujourd'hui en nombre suffisant pour faire face à ces différentes missions ;

- l'armée de terre britannique ne dispose pas de capacités de projection supérieures à l'armée de terre française ; il n'est pas inutile de rappeler que la présence, dans la région du Golfe, d'une importante force britannique est liée à une manoeuvre en cours au Sultanat d'Oman et programmée depuis trois ans ;

- la professionnalisation des armées a été engagée à enveloppe budgétaire constante par rapport à l'armée de conscription ; il apparaît, aujourd'hui, que l'objectif a été atteint, moyennant une très légère augmentation du titre III ; les effectifs de l'armée de terre pour 2002 comportent 16.000 officiers, 50.000 sous-officiers, 65.000 soldats professionnels, 30.000 personnels civils, ainsi qu'un objectif de 30.000 réservistes ;

- la création du commandement de la force logistique terrestre a facilité la conduite d'opérations logistiques simultanées sur plusieurs théâtres ; s'agissant des opérations dans les Balkans, les transports de personnels s'effectuent à bord d'avions militaires et, au besoin, d'avions civils affrétés ; les transports de matériels empruntent la voie maritime à bord de navires affrétés après mise en concurrence ;

- on peut estimer que la réalisation du modèle 2015 exigerait, pour l'armée de terre, un volume annuel de 20 milliards de francs de crédits d'équipement ;

- bien que les armées aient toujours enregistré des départs volontaires d'officiers ou de sous-officiers vers le secteur civil, il importe désormais de porter une attention accrue à ce phénomène ; c'est pourquoi la prochaine loi de programmation militaire a prévu l'institution d'un fonds de consolidation de la professionnalisation qui permettra de financer, avec une certaine réactivité, des mesures adaptées pour la fidélisation des militaires professionnels ;

- l'emploi du terme « forces spéciales » recouvre des réalités très variables ; certains commentateurs englobent sous cette appellation les 45.000 hommes des forces légères américaines (division parachutiste, division aérotransportable, division de montagne, force amphibie), ce qui correspond, pour la France, à environ 30.000 hommes affectés dans des unités comparables ; la définition française des forces spéciales, voisine de la définition britannique, est beaucoup plus restrictive ; elle concerne un noyau permanent et limité de spécialistes entraînés à des opérations de type « commandos » et à des procédures discrètes, voire secrètes, soit environ 2 à 3.000 hommes provenant de l'armée de terre, mais aussi des commandos de la marine et de l'armée de l'air ;

- dans l'hypothèse d'un désengagement américain des Balkans, la France ne serait pas, parmi les pays européens, la moins à même de faire face à un renforcement de ses effectifs en Bosnie ou au Kosovo ; on peut, par ailleurs, se demander si, compte tenu de l'évolution de la situation sur ces deux théâtres, le niveau actuel des effectifs de la SFOR et de la KFOR ne pourrait pas être revu.

Traités et conventions - Accord de protection et d'encouragement réciproques des investissements France-Cambodge - Examen du rapport

Puis la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Christian de La Malène sur le projet de loi n° 330 (2000-2001) autorisant l'approbation d'un accord de protection et d'encouragement réciproques des investissements entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Cambodge.

Le rapporteur a indiqué que cette convention comportait des dispositions analogues aux quelque 80 conventions du même type déjà signées par la France. Souhaitant que ce cadre juridique favorise les investissements français au Cambodge, il a brièvement rappelé la situation politique et économique qui prévalait dans ce pays, en se félicitant qu'il s'engage dans la voie de la stabilisation. Il a rappelé que le premier ministre Hun Sen avait résolument opté pour l'économie de marché, et avait accepté un partage du pouvoir entre son propre parti, le Parti du Peuple Cambodgien (PPC) et le parti royaliste FUNCINPEC (Front uni pour un Cambodge indépendant, neutre, pacifique et coopératif), dirigé par le Prince Ranariddh, fils du roi Sihanouk, et Président de l'Assemblée nationale.

Grâce à cet équilibre politique, conforté par la création d'un Sénat, le Cambodge a été admis au sein de l'Association des Nations du Sud-Est Asiatique (ASEAN) en 1999.

En conclusion, le rapporteur s'est dit raisonnablement optimiste sur l'avenir du Cambodge, et a invité la commission à adopter le projet de loi.

M. Guy Penne a évoqué un récent voyage effectué au Cambodge dans le cadre de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie, et a souligné combien les Cambodgiens étaient attachés à notre pays et à notre langue.

M. Hubert Durand-Chastel a souligné l'importance de cet accord qui permettra aux investisseurs français une plus grande stabilité pour leurs entreprises et une meilleure garantie de leurs immobilisations.

M. Philippe de Gaulle a rappelé que, depuis qu'il existe, l'Etat du Cambodge a vu son existence renforcée par le soutien successif de grandes puissances comme la France, les Etats-Unis, puis la Chine.

En réponse, M. Christian de La Malène a précisé l'importance de l'aide internationale pour le Cambodge ; elle représente en effet près d'un tiers des ressources de ce pays. Il faut donc souhaiter, a-t-il estimé, que le développement économique puisse prendre le relais de ce soutien financier international.

M. Xavier de Villepin, président, s'est félicité des progrès indéniables de la stabilité politique et économique prévalant au Cambodge en dépit des nombreuses difficultés qui pèsent sur ce pays.

Français de l'étranger - Situation des résidents français à New York - Communication

Puis la commission a entendu une communication de Mme Monique Cerisier-ben Guiga sur son récent déplacement à New York, et plus particulièrement auprès de la communauté française, dans le cadre de son mandat de sénateur des Français établis hors de France.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga a qualifié les événements survenus le 11 septembre dernier de « bombardements en temps de paix » qui s'étaient abattus sur New York et a estimé que cette tragédie avait engendré un traumatisme durable. Elle a rappelé que 60.000 de nos compatriotes étaient installés à New York, dont seulement 20.000 étaient immatriculés. Puis elle a déploré l'insuffisance des moyens dont souffrait notre consulat général à New York, qui ne compte que quinze agents et ne dispose que d'un seul ordinateur relié à Internet. Elle s'est félicitée qu'en dépit de cette situation matérielle très précaire, ce consulat ait pu répondre aux attentes de nos compatriotes en ce moment difficile. Elle a relevé qu'aucun mouvement d'ampleur vers un retour en France n'était pour l'instant perceptible parmi eux, mais que l'avenir pourrait voir évoluer cette situation, du fait des incidences de la crise économique qui touche durement le secteur des services et les industries de luxe dans lesquels les Français sont particulièrement présents.

En conclusion, elle a évoqué le prochain débat budgétaire pour appeler ses collègues à exprimer la profonde préoccupation qu'elle a ressentie devant les conditions de travail très difficiles des agents du ministère des affaires étrangères dont le dévouement était exemplaire.

A la suite de cet exposé, un débat s'est instauré au sein des commissaires.

M. Philippe de Gaulle a salué la qualité de l'exposé de Mme Monique Cerisier-ben Guiga et a souhaité connaître son sentiment sur une possible reprise économique découlant des travaux qui seront nécessaires pour reconstruire le centre de New York.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga a alors exprimé sa crainte de voir les sièges sociaux de nombreuses entreprises s'éloigner durablement de New York, du fait des coûts élevés de réinstallation à Manhattan, comme de la crainte d'une éventuelle deuxième attaque terroriste.

M. Xavier de Villepin, président, s'est dit pour sa part résolu à prolonger les réflexions de Mme Monique Cerisier-ben Guiga sur l'éventuelle insuffisance des moyens du ministère des affaires étrangères à l'étranger.

Organisme extraparlementaire - Désignation d'un candidat

Enfin, après avoir recueilli les candidatures de MM. Robert Denis Del Picchia et Guy Penne, la commission a désigné M. Robert Denis Del Picchia comme candidat proposé à la nomination du Sénat pour siéger au sein du conseil d'administration de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger.

PJLF pour 2002 - Audition de M. Pierre Steinmetz, directeur général de la gendarmerie nationale

Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition de M. Pierre Steinmetz, directeur général de la gendarmerie nationale.

M. Pierre Steinmetz a d'abord observé que le projet de budget de la gendarmerie pour 2002, en augmentation de 5,6 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2001, permettait d'atteindre les objectifs de la dernière annuité de la loi de programmation militaire 1997-2002. Il a relevé que la hausse de 11,3 % des crédits de fonctionnement, hors rémunérations et charges sociales, permettrait une remise à niveau des dotations qui bénéficieraient en priorité aux unités pour l'exécution du service quotidien dans le prolongement des décisions prises par le conseil de sécurité intérieure en 2000.

Le directeur général de la gendarmerie a indiqué que les effectifs prévus pour 2002 augmenteraient de 978 postes, pour atteindre au total 98.081 civils et militaires. Les effectifs militaires professionnels, en particulier, augmenteraient de 257 postes (213 pour les officiers, 561 pour le corps de soutien). Il a relevé à cet égard que la déflation du nombre de sous-officiers de gendarmerie serait limitée à 517 postes, dans la mesure où la baisse de 1.217 postes prévue par la loi de programmation militaire serait compensée par la création de 700 emplois. Il a ajouté, en revanche, que les créations de postes seraient inférieures aux objectifs pour les gendarmes adjoints volontaires (4.178 au lieu de 5.167), ainsi que pour les personnels civils (45 au lieu de 167). Par ailleurs, le plan de requalification des emplois permettrait de transformer 260 postes de gendarmes en postes de gradés.

Evoquant les mesures catégorielles (soit 14,81 millions d'euros supplémentaires), M. Pierre Steinmetz a souligné qu'elles bénéficieraient principalement, d'une part aux adjudants, auxquels serait attribuée une prime de qualification, afin de reconnaître le rôle accru qui leur était confié aux échelons déconcentrés, d'autre part aux sous-officiers du corps de soutien et, enfin, aux gendarmes mobiles pour lesquels l'IJAT (Indemnité journalière d'absence temporaire) serait réévaluée. En outre, les crédits de la réserve seraient abondés de 3,9 millions d'euros, afin de lui donner les moyens de fonctionnement nécessaires. Il a observé que l'ensemble de ces mesures permettait de répondre à l'attente des personnels, même si des dispositions complémentaires devaient être prises pour accompagner le passage aux 35 heures dans la fonction publique civile.

Le directeur général de la gendarmerie a estimé que le projet de budget donnait à la gendarmerie des moyens d'investissement correspondant à ses besoins : les autorisations de programme permettraient d'assurer le renouvellement des équipements nécessaires au service quotidien des unités. En matière d'infrastructures, le titre V permettrait de commander 668 équivalent unités logement, tandis que le titre VI donnerait la possibilité de subventionner 600 unités logement. Il a conclu en relevant que le projet de loi de finances répondait à la demande de sécurité de nos concitoyens, ainsi qu'aux aspirations légitimes des personnels.

A la suite de l'exposé du directeur général de la gendarmerie nationale, M. Philippe François, rapporteur pour avis du budget de la gendarmerie, s'est d'abord inquiété de l'évolution des crédits consacrés aux infrastructures, alors même que les besoins d'adaptation et de rénovation du parc immobilier devenaient considérables. Il a attiré en outre l'attention sur la pression croissante dont la gendarmerie mobile était l'objet, notamment dans le cadre de la « fidélisation » des escadrons dans les zones dites sensibles. Enfin il a interrogé M. Pierre Steinmetz sur les perspectives de mise en oeuvre d'une compensation financière pour les personnels de la gendarmerie, afin de tenir compte du caractère inapplicable de la réduction du temps de travail au sein de l'Arme.

M. André Dulait a souhaité obtenir des précisions sur les conditions de recrutement des gendarmes adjoints, ainsi que sur leur répartition dans les unités. Il s'est interrogé en outre sur l'intégration des personnels civils au sein de la gendarmerie. Enfin il s'est demandé si la mise en oeuvre du plan Vigipirate renforcé ne pèserait pas sur l'exercice, par la gendarmerie, de ses autres missions, notamment dans le domaine de la sécurité routière.

M. Jean-Guy Branger s'est vivement inquiété de la progression de la délinquance dans les petites communes et s'est fait l'écho de la préoccupation des maires des zones rurales relatives à un affaiblissement de la présence de la gendarmerie.

M. Jean-Paul Delevoye a insisté sur l'état de lassitude de nos concitoyens, des élus, mais aussi des serviteurs de l'Etat vis-à-vis de la situation de la sécurité dans notre pays. Evoquant la progression de la délinquance, il a regretté le décalage entre les objectifs affichés par le projet de budget de la gendarmerie et les réalités du terrain. Il s'est demandé si, après l'échec du plan de redéploiement des forces de police et de gendarmerie, une réorganisation plus insidieuse sous la forme de la réaffectation des personnels entre les unités, ne conduirait pas à une fragilisation de la présence de la gendarmerie sur le territoire, ainsi qu'à un affaiblissement de la prévention de la criminalité. Il a rappelé à cet égard l'inquiétude des élus locaux vis-à-vis de telles évolutions.

Evoquant alors l'accroissement des charges auxquelles l'Arme devait faire face, M. Jean-Paul Delevoye s'est inquiété de la montée d'un certain sentiment d'impuissance devant l'augmentation de la délinquance. Il s'est interrogé sur les conditions de la prise en compte de l'  « effet 35 heures » sur la gendarmerie et les conséquences qu'elles pourraient impliquer pour les armées dans leur ensemble. Il a par ailleurs observé que la capacité de réorganisation de la gendarmerie pourrait être entravée par les obligations que l'Arme avait contractées vis-à-vis des collectivités territoriales dans le domaine des infrastructures. Il a souhaité obtenir des précisions sur l'adéquation des effectifs aux missions accomplies, ainsi que sur les perspectives de départ à la retraite. Il s'est étonné des retards dans les dotations de pistolets mitrailleurs de nouvelle génération pour les unités particulièrement impliquées dans la mise en place de l'Euro. Enfin, il a fait part de la vive préoccupation que lui inspiraient les agressions dont les dépositaires de l'ordre public pouvaient être les victimes.

M. Serge Vinçon s'est demandé, si dans le contexte actuel de renforcement de la sécurité intérieure, la gendarmerie disposait des effectifs et des équipements suffisants. En outre, il a interrogé le directeur général sur certaines pressions qui s'étaient exercées au niveau européen en faveur de l'harmonisation du statut des forces de sécurité et de la remise en cause du caractère militaire de la gendarmerie française.

M. Emmanuel Hamel est revenu sur l'inquiétude des personnels de la gendarmerie dont les familles pouvaient être menacées par l'aggravation du climat d'insécurité, ainsi que sur l'insuffisance des matériels au sein de certaines brigades.

M. André Boyer, rappelant les récentes conclusions d'un rapport de la Cour des comptes, a souhaité obtenir des précisions sur les risques d'une moindre disponibilité de la gendarmerie. Il s'est interrogé en outre sur les écarts de rémunération entre les personnels de la gendarmerie, d'une part, et ceux des autres armées, d'autre part, alors même que le temps d'activité des uns et des autres apparaissait comparable.

M. Xavier de Villepin, président, a interrogé le directeur général sur le poids que représentait pour la gendarmerie sa participation aux opérations extérieures, compte tenu, notamment, des sollicitations légitimes dont elle était l'objet sur le territoire national.

En réponse aux commissaires, M. Pierre Steinmetz a d'abord observé que, conformément à leur statut militaire, les personnels de la gendarmerie répondaient à l'obligation de disponibilité en tout temps et en tout lieu. Il a ajouté que leur activité s'exerçait tous les jours de l'année. Entre 1999 et 2001, le nombre d'heures hebdomadaires (hors astreintes) avait pu être ramené de 50 heures à 43 heures en moyenne, même si on pouvait observer encore certaines disparités au sein des unités. Cette évolution constituait un progrès indéniable pour les personnels. Parallèlement, dans un contexte marqué par l'aggravation de la délinquance, le taux de résolution des crimes et délits avait certes fléchi, cependant le nombre de personnes mises en cause, ainsi que celui des affaires résolues avaient progressé en valeur absolue, alors même que les effectifs demeuraient constants. Ces données, a souligné le directeur général, montraient que la gendarmerie était loin d'avoir relâché ses efforts. Il a précisé, en outre, que seule l'indemnité de sujétion spéciale de police était prise en compte dans la retraite des militaires de la gendarmerie.

Le directeur général a poursuivi en estimant que les exigences de la société en matière de sécurité apparaissaient de plus en plus fortes au moment même où le principe d'autorité faisait l'objet d'une contestation croissante. Il a souligné la nécessité de préserver les droits des personnels, ce qui pouvait se traduire, dans une certaine mesure, par une réduction de la présence de la gendarmerie sur le terrain. Toutefois, la volonté de préserver la qualité du service de la sécurité, ainsi que le souci de maintenir le maillage territorial de la gendarmerie avaient conduit à chercher une organisation plus rationnelle fondée sur la mutualisation des missions et des moyens dans le cadre de la sectorisation. La modernisation des moyens techniques, a ajouté par ailleurs M. Pierre Steinmetz, permettait d'améliorer les délais d'intervention. Il a relevé en outre que la délinquance présentait désormais un caractère très mobile et que la sectorisation paraissait offrir un cadre plus adapté que l'échelon constitué par la brigade pour enrayer ce phénomène.

M. Pierre Steinmetz a relevé que, face à l'accroissement des charges qu'elle devait assumer, la gendarmerie avait eu recours à quelque 400 réservistes, mobilisés dans le cadre du plan Vigipirate renforcé. Il a précisé à cet égard que la montée en puissance du dispositif des réserves devrait aboutir à la conclusion de quelque 15.000 contrats pour servir dans la réserve. La mise en place de l'Eurofiduciaire, a-t-il poursuivi, requerrait des moyens humains très importants et pourrait se traduire pour les personnels par une réduction de leurs congés de fin d'année. Les missions extérieures représentaient, en outre, une charge nouvelle qui s'alourdirait dans la perspective de la mise en place, consécutive aux décisions du Conseil européen de Feira de 2000, d'une force de police projetable de 5.000 hommes, composée en partie de personnels capables d'intervenir dans un contexte de sécurité dégradée. La prochaine loi de programmation militaire prévoyait les créations de postes nécessaires pour répondre à cette nouvelle mission. Actuellement, quelque 800 personnels de la gendarmerie se trouvaient affectés hors de nos frontières, dont la moitié dans des opérations extérieures, principalement au Kosovo et en Bosnie. La participation de la gendarmerie à ces opérations extérieures faisait l'objet d'une appréciation très positive, notamment de la part des Nations unies. Elle apparaissait également extrêmement formatrice pour les personnels.

Le directeur général de la gendarmerie a relevé, par ailleurs, que les progrès de l'harmonisation des Etats membres de l'Union européenne dans le domaine de la sécurité intérieure n'impliquaient en aucune manière une remise en cause du statut militaire de la gendarmerie. Il a estimé enfin que la substitution des gendarmes adjoints à des militaires professionnels dans les brigades les moins chargées atteignait aujourd'hui ses limites. Il a ajouté qu'au-delà de la première année de volontariat, la moitié des gendarmes adjoints avait vocation à poursuivre une carrière professionnelle au sein de la gendarmerie. Dans ces conditions, a-t-il conclu, l'Arme assumait, vis-à-vis de ces personnels, un rôle positif de préparation et d'intégration.

Jeudi 25 octobre 2001

- Présidence de M. Xavier de Villepin, président, puis de M. André Boyer, vice-président -

Terrorisme - Conséquences des attentats terroristes aux Etats-Unis - Audition de M. François Heisbourg, directeur de la Fondation pour la recherche stratégique, sur les conséquences des attentats terroristes aux Etats-Unis

La commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. François Heisbourg, directeur de la Fondation pour la recherche stratégique, sur les conséquences des attentats terroristes aux Etats-Unis.

M. François Heisbourg
a tout d'abord rappelé que l'analyse stratégique prenait en compte, depuis plusieurs années déjà, la menace terroriste. Toutefois, un débat subsistait sur le point de savoir si les organisations terroristes recherchaient, avant tout, l'impact psychologique des attentats, ou plutôt des destructions massives faisant un grand nombre de victimes. Les événements du 11 septembre confirment cette seconde hypothèse, les terroristes ayant voulu, au-delà du symbole, infliger aux Etats-Unis des pertes humaines massives.

Se référant à la propagation du bacille du charbon au moment où les Etats-Unis conduisent une riposte militaire, il a observé qu'il était, aujourd'hui, difficile de savoir qui détenait l'initiative stratégique. Il s'est, ainsi, demandé si la diffusion de l'anthrax devait être interprétée comme l'ultime manifestation d'une organisation terroriste privée de la plupart de ses moyens d'action, ou si, au contraire, elle annonçait une attaque biologique de plus grande ampleur, assimilable à une opération de destruction massive.

M. François Heisbourg a, ensuite, analysé les principales conséquences stratégiques des événements du 11 septembre et de la riposte militaire qui les a suivis.

S'agissant de la politique de défense américaine, il a estimé que trois lignes de force se dégageaient :

- une primauté accordée à la défense territoriale (homeland defense), avec la création d'un grand commandement militaire territorial ;

- le renforcement des projets de défense antimissiles considérée comme indissociable de la protection du territoire national, la menace terroriste n'apparaissant en rien, aux yeux des autorités américaines, exclusive de la menace balistique ;

- l'accentuation de la priorité donnée aux capacités de projection des forces.

Il a ensuite considéré que les conséquences du nouveau contexte stratégique sur l'Alliance atlantique étaient de trois ordres :

- comme on le pressentait depuis l'opération du Kosovo, les Américains ne souhaitent plus confier à l'OTAN la conduite de grandes opérations militaires ;

- invoqué pour la première fois depuis 1949, l'article 5 du traité de Washington implique, aujourd'hui, moins une obligation de défense mutuelle qu'une assistance « à la carte », cette atténuation de la portée de l'Alliance pouvant, au demeurant, faciliter son élargissement aux pays baltes, voire à la Russie ;

- les Etats-Unis accentueront leur pression pour que les européens assument, désormais, la charge des engagements dans les Balkans, ce qui laisserait la place à une nouvelle division géographique des opérations de sécurité dans le monde.

Abordant la politique européenne de sécurité et de défense (PESD), M. François Heisbourg a relevé que les événements récents mettaient en lumière le caractère relativement limité des objectifs assignés à la Force de réaction rapide en cours d'élaboration. En effet, si les opérations de maintien de la paix, de rétablissement de la paix ou de gestion de crise correspondent bien aux situations que nous avons connues dans les Balkans, il est clair qu'elles ne sont pas adaptées aux menaces d'une autre nature qui exigent des missions beaucoup plus difficiles. Il serait donc nécessaire que la PESD s'étende bien au-delà des missions de Petersberg et donne corps au principe de défense commune évoqué dans l'article 2 du traité d'Amsterdam. Cette orientation exigerait, bien entendu, des moyens supplémentaires par rapport à ceux qui ont été identifiés pour la constitution de la Force de réaction rapide.

M. François Heisbourg a, également, analysé les conséquences stratégiques des événements actuels sur le Moyen-Orient. Rappelant que le Livre blanc sur la défense de 1994 avait déjà cité les risques liés à cette région du monde, il a estimé que ces risques se transformaient, actuellement, en menace potentielle. Il a placé l'Arabie Saoudite au premier rang des préoccupations, compte tenu du poids de ce pays en matière pétrolière et de sa relative fragilité politique. Il a rappelé que l'Arabie Saoudite constitue un Etat de création récente, dont la stabilité ne repose que sur la légitimité religieuse du wahhabisme dont se réclame Oussama ben Laden. Il a ajouté que le pays était confronté à une démographie en pleine expansion sans avoir modernisé ses structures économiques, ni son organisation politique, les autorités saoudiennes parvenant de moins en moins à concilier les exigences de leur opinion publique et de l'opposition religieuse, d'une part, et leur alliance avec les Etats-Unis, d'autre part. Estimant que la situation de blocage dans laquelle se trouve le Moyen-Orient depuis plusieurs décennies ne pouvait perdurer, il a jugé que des évolutions étaient inévitables, avec les risques de déstabilisation que cela comporte.

En conclusion, M. François Heisbourg a évoqué les enseignements que la France pouvait tirer des événements actuels. Il a estimé que ceux-ci validaient la réforme des armées engagée en 1996, et tout particulièrement la priorité donnée aux capacités de projection qui doivent être renforcées. Rappelant que les Etats-Unis et l'Allemagne avaient décidé un effort budgétaire exceptionnel en matière de sécurité, s'élevant respectivement à 40 milliards de dollars et à 3 milliards de deutsche marks, il a appelé de ses voeux la mise en oeuvre, en France, d'un collectif budgétaire entièrement consacré aux besoins de sécurité dont il a évalué le montant à 15-20 milliards de francs, consacrés aux deux tiers à la sécurité intérieure et, pour le reste, aux capacités d'action extérieure.

A la suite de cet exposé, un débat s'est engagé avec les membres de la commission.

M. Michel Caldaguès s'est demandé si le collectif budgétaire relatif à la sécurité, préconisé par M. François Heisbourg, n'exigeait pas des ressources financières bien supérieures à celles qu'il avait évoquées, compte tenu de la limitation actuelle de notre capacité aéronavale, de l'absence de missiles de croisière, et de la relative limitation de nos capacités terrestres grevées par un engagement dans les Balkans qu'il faudrait alléger. Il a, par ailleurs, souligné qu'au-delà de l'Arabie Saoudite, le Pakistan et l'Egypte constituaient deux préoccupations majeures pour la stabilité du Moyen-Orient.

M. André Dulait a souhaité connaître l'analyse de M. François Heisbourg sur le rôle que pourrait jouer l'Organisation des Nations unies dans le nouveau contexte international. Il a, par ailleurs, évoqué les hypothèses d'extension de la riposte américaine à d'autres pays, en particulier l'Irak, et leurs incidences sur les pays arabes.

M. Serge Vinçon s'est interrogé sur le devenir de l'OTAN, compte tenu du choix opéré par les Etats-Unis de ne pas l'impliquer dans les opérations en cours.

M. Robert Del Picchia a souligné que toute déstabilisation de l'Arabie Saoudite aurait des répercussions sur le Koweit, les Emirats arabes unis et le Qatar. Il a par ailleurs interrogé M. François Heisbourg sur la capacité de l'Allemagne à relever son effort de défense.

M. Jean-Pierre Plancade a demandé si un éventuel retrait américain des Balkans et un nouveau partage des tâches entre les Etats-Unis et les européens, laisseraient à ces derniers la possibilité d'intervenir au Moyen-Orient. Il s'est interrogé sur la capacité de l'Union européenne, en l'état actuel de sa politique de défense, à reprendre les missions réalisées par les Etats-Unis en Europe. Enfin, il a demandé des précisions sur les besoins de la France pour la défense de son territoire national.

M. Jean-Pierre Masseret a considéré qu'un collectif budgétaire consacré à la sécurité pourrait constituer un signe à l'attention de nos concitoyens, sans pour autant nécessairement se traduire d'emblée par un renforcement des moyens en personnels ou en matériels. Il a également interrogé M. François Heisbourg sur l'hypothèse d'un effondrement du régime saoudien.

M. Christian de La Malène, tout en relevant la rapidité de la réaction américaine aux événements, s'est interrogé sur la nature exacte des menaces nouvelles dont il était très difficile d'identifier l'origine et les contours.

Mme Maryse Bergé-Lavigne a rappelé que la situation en Palestine, la poursuite des bombardement sur l'Irak et la présence américaine en Arabie saoudite étaient fréquemment citées parmi les faits alimentant la motivation des organisations terroristes. Par ailleurs, elle s'est demandé si la dissuasion nucléaire demeurait toujours adaptée au nouveau contexte stratégique contre des ennemis prêts à braver la mort.

M. Pierre Biarnès a estimé que la politique menée depuis plus de cinquante ans par les Etats-Unis de par le monde portait une part de responsabilité dans les désordres qui ont conduit aux événements du 11 septembre. Il a mis en doute la solidité de la nouvelle coalition mondiale contre le terrorisme dans la mesure où de nombreux pays comme la Russie, la Chine, voire l'Algérie, paraissent essentiellement guidés par des motivations liées à leurs intérêts nationaux ou intérieurs. Il a souligné que les Etats-Unis devaient aujourd'hui gérer les réactions de plus en plus réservées de l'opinion publique mondiale, les risques économiques liés à une déstabilisation de pays pétroliers et le risque stratégique constitué par la fragilité du Pakistan.

Mme Danielle Bidard-Reydet a évoqué le trouble provoqué par le renouvellement, jour après jour, d'opérations de bombardements, sans pour autant qu'apparaissent de réelles perspectives de sortie de crise. Elle s'est demandé quel rôle pouvaient jouer les européens pour sensibiliser les Etats-Unis aux risques d'une telle stratégie.

Enfin, M. Xavier de Villepin, président, a interrogé M. François Heisbourg sur les perspectives d'une entrée future de la Russie dans l'OTAN. S'agissant du Proche-Orient, il s'est demandé si, compte tenu de la dégradation rapide et brutale de la situation, les Nations unies ne devaient pas prendre l'initiative d'une interposition entre les parties en présence.

En réponse aux différents intervenants, M. François Heisbourg a apporté les précisions suivantes :

- les ressources financières dégagées par un collectif budgétaire spécialement consacré à la sécurité pourraient être affectées aux dépenses en personnels, en particulier le paiement des heures supplémentaires, et au renforcement des crédits d'entretien des matériels, afin d'en relever très rapidement le taux de disponibilité ;

- en Allemagne, environ la moitié du collectif budgétaire « sécurité », soit 1,5 milliard de deutsche marks, a été consacrée à des crédits militaires, cet effort ayant été considéré comme inférieur aux besoins par bon nombre de responsables de l'armée allemande ;

- l'organisation Al Qaida fonctionnant comme une véritable multinationale, le premier objectif des actions militaires en cours est d'entraver ses capacités d'action, notamment de mise au point de nouveaux attentats ;

- Israël ne figure pas au premier rang des adversaires qu'Al Qaida prétend combattre, la cause palestinienne n'étant apparue que très récemment dans le discours de ben Laden en vue de s'attacher la sympathie de l'opinion publique des pays arabes ; les Etats-Unis constituent l'ennemi clairement désigné, en raison de leur présence en Arabie saoudite et de leur politique à l'égard de l'Irak ;

- à bien des égards, et notamment grâce à une identité nationale profondément enracinée dans l'histoire, l'Egypte apparaît beaucoup moins fragile que l'Arabie saoudite ; cette dernière influe, par ailleurs, très directement sur la politique des autres pays pétroliers de la péninsule arabique ; il est, par exemple, probable qu'avant d'accepter sur leur sol le stationnement d'avions de combat étrangers, les Emirats arabes unis en réfèreraient à Riyad ;

- si l'OTAN semble devoir perdre son rôle de direction d'opérations militaires d'envergure, elle demeure, néanmoins, l'unique lieu de concertation politico-militaire entre les Etats-Unis et l'Europe ;

- le transfert aux Etats-Unis de certains moyens militaires de l'OTAN, notamment les avions de surveillance Awacs, constitue la première illustration de la possibilité de prélever des moyens de l'OTAN pour des actions non conduites par elle, possibilité qui avait été surtout conçue dans l'hypothèse d'un engagement européen hors du cadre OTAN ;

- le rapprochement de l'OTAN et de la Russie participe d'une évolution inéluctable, même si, de Moscou, parviennent des signaux contradictoires sur la perspective d'une adhésion future de la Russie à l'Alliance ; cette évolution intervient, paradoxalement, à un moment où la substance de l'Alliance se réduit ;

- en réglant près de la moitié de leurs arriérés financiers, soit 582 millions de dollars, les Etats-Unis semblent renouer avec les Nations unies ; dans le même temps, il faut garder à l'esprit que la résolution 1368, adoptée par le Conseil de sécurité le 12 septembre dernier, leur donne carte blanche pour riposter aux attentats terroristes ;

- il est probable que si le moindre lien pouvait être établi entre les attentats du 11 septembre ou la diffusion de l'anthrax et des services irakiens, les Etats-Unis ne manqueraient pas d'engager une opération militaire à l'encontre de l'Irak ; on peut même penser qu'une attaque biologique massive aux Etats-Unis, et dans laquelle l'Irak serait impliqué, entrerait dans les hypothèses de riposte par des armes nucléaires ;

- la politique d'équipement militaire française reste aujourd'hui encore tributaire de choix opérés à la fin des années 1980 et au début des années 1990 ; dans ce contexte, des équipements tels que l'armement air-sol modulaire ou les missiles de croisière, indispensables pour les missions à venir, n'ont que difficilement trouvé leur place dans la politique d'acquisition, ce qui retardera les échéances de livraison ;

- une fois la phase actuelle de transition achevée, l'armée française disposera de capacités de projection des forces terrestres supérieures à celles du Royaume-Uni ; ainsi pourrait-elle envisager de participer à des opérations nouvelles sans réduire son engagement dans les Balkans ;

- le Gouvernement allemand a rapidement adopté une ligne favorable au principe d'une participation de l'Allemagne aux opérations aux côtés des Etats-Unis ; cette politique rencontre l'adhésion d'une majorité croissante de l'opinion allemande, même si une forte minorité s'oppose à l'action américaine ;

- la dissuasion nucléaire est sans effet face à des organisations sans territoire ni pouvoir d'Etat ; elle demeure, en revanche, indispensable dans un monde marqué par l'instabilité de nombreux Etats et la prolifération des armes de destruction massive ; c'est pourquoi il est nécessaire de poursuivre l'effort de financement de la modernisation de nos forces nucléaires ;

- les Etats-Unis doivent faire face à une certaine contradiction des logiques politique et militaire des opérations en Afghanistan, la logique politique, tributaire de l'émergence d'une alternative crédible aux talibans, conduisant à prolonger les opérations militaires ;

- l'Union européenne s'est, à juste titre, préoccupée de la mise sur pied d'un programme de reconstruction de l'Afghanistan, d'autant plus nécessaire que ce pays figure parmi les principaux producteurs d'héroïne et d'opium ;

- en ce qui concerne le Proche-Orient, le gouvernement Sharon subit des pressions très fortes sur le plan intérieur en vue d'un règlement de la question palestinienne par la voie purement militaire ; les autorités israéliennes paraissent, en revanche, de moins en moins sensibles aux pressions internationales, même si ces dernières demeurent indispensables.

Coopération - Réforme de la coopération - Examen du rapport d'information

Puis la commission a procédé à l'examen du rapport d'information de MM. Guy Penne, André Dulait et de Mme Paulette Brisepierre sur la réforme de la coopération.

M. Guy Penne
a d'abord rappelé les principales dispositions de la réforme de la coopération adoptée en janvier 1998 : la fusion des services du secrétariat d'Etat à la coopération au sein du ministère des affaires étrangères, la création du comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID), la promotion de l'Agence française du développement (AFD) comme « opérateurs pivots » de l'aide au développement, la délimitation d'une « zone de solidarité prioritaire » (ZSP), enfin la création d'un Haut conseil pour la coopération internationale destiné à mieux associer les acteurs de la société civile à la mise en oeuvre de la politique de coopération.

Le Parlement, a poursuivi le rapporteur, n'a pas réellement été associé à cette réforme, alors même qu'elle présente des enjeux essentiels, diplomatiques, économiques, stratégiques et humains. Dans ces conditions, il était apparu souhaitable que la commission puisse mener un travail d'investigation sur la mise en oeuvre de la réforme, ses apports et ses faiblesses. La mission parlementaire, a indiqué M. Guy Penne, a entendu plus d'une cinquantaine de personnalités de tous les horizons et s'est rendue dans deux pays, Madagascar et le Kenya, choisis, le premier, parce qu'il était depuis longtemps l'un des principaux bénéficiaires de l'aide française, le second parce qu'il venait d'être intégré au sein de la ZSP.

M. Guy Penne a estimé que les résultats de la réforme de la coopération ne paraissaient pas encore à la mesure de ses ambitions. Il a d'abord jugé que l'objectif d'une plus grande cohérence au sein de notre instrument diplomatique n'a pas été atteint. En effet, la réorganisation institutionnelle s'est traduite par la création, au sein du Quai d'Orsay, d'une structure très lourde, la direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID), dont les compétences embrassent un champ d'activités excessivement large. En outre, le brassage des cultures diplomatiques et de coopération n'a eu qu'une portée limitée, très peu de personnels issus de l'ancien secrétariat d'Etat ayant été affectés à des postes diplomatiques. Par ailleurs, la volonté de renforcer notre politique de coopération grâce à notre influence diplomatique, et réciproquement, ne s'est pas réellement concrétisée : d'une part, l'énergie des agents de la DGCID apparaît accaparée par la mise en oeuvre d'une multiplicité d'opérations, au détriment de notre capacité à intervenir de manière persévérante dans les instances multilatérales ; d'autre part, la somme de compétences réunie en matière de coopération n'a pas été valorisée comme elle l'aurait mérité, et plus encore, ce vivier d'expertise risque de se tarir, car les règles statutaires du Quai d'Orsay ne favorisent ni les détachements, ni l'emploi de contractuels.

M. Guy Penne a estimé, en conséquence, que la diplomatie et le développement représentaient deux métiers différents ; la mise en oeuvre des projets de développement, a-t-il ajouté, suppose une organisation institutionnelle souple et doit être confiée à une grande agence. A cet égard, les compétences et l'organisation de l'AFD constituent un cadre adapté à condition, toutefois, que la tutelle du ministère des affaires étrangères et le contrôle du Parlement sur cet organisme soient renforcés.

Evoquant alors la recherche d'une plus grande coordination entre les différents acteurs du développement, M. Guy Penne a jugé qu'elle restait encore très insuffisante. Il a relevé que le CICID n'est pas en mesure de jouer le rôle d'impulsion qui lui incombe. Il a estimé, en outre, que l'effort de la coordination se heurte à la prééminence de Bercy qui n'a pas été remise en cause par la réforme. Sur le terrain, a-t-il poursuivi, l'autorité de l'ambassadeur a été renforcée, en particulier grâce à la transformation des missions de coopération en service de coopération et d'action culturelle ; cependant, l'AFD continue de conduire ses projets de manière indépendante et considère l'avis de l'ambassadeur comme assez théorique. Le souci d'une articulation plus cohérente ne vaut pas seulement au sein de l'appareil institutionnel, mais doit aussi tenir compte des nouveaux acteurs du développement à l'échelle nationale, ainsi que des institutions multilatérales ; le rapporteur a noté, à cet égard, que les ONG françaises souhaitaient qu'une part plus importante de l'aide publique au développement transite par leur intermédiaire ; d'après lui, cependant, une telle évolution ne serait possible que si un contrôle plus approfondi de ces organisations était mis en place, qu'il s'agisse de leurs ressources, de leur gestion et de leur action. Il a également évoqué le rôle très positif joué par la coopération décentralisée, ainsi que par les opérateurs privés. S'agissant des institutions multilatérales, il a relevé que la délégation sénatoriale a constaté un déficit d'influence française, notamment au sein de l'Union européenne. La mission, a-t-il poursuivi, a jugé indispensable de favoriser la délégation de crédits communautaires.

Le rapporteur a, par ailleurs, remarqué que l'objectif de sélectivité poursuivi par la réforme, n'avait pas été atteint. En effet, l'augmentation du nombre d'Etats bénéficiaires de notre aide dans le cadre de la zone de solidarité prioritaire ne s'est pas accompagnée de la progression correspondante des moyens financiers. Il en résulte un risque d'inefficacité lié à l'éparpillement et à la dilution de notre aide. En outre, le principe, affiché par la réforme, du maintien de « flux substantiels » d'aide au développement, n'a pas été respecté : celle-ci est revenue de 0,64 % du PIB en 1994 à 0,33 % en 2000, malgré un redressement en 1999. Il a très vivement regretté qu'une partie des fonds destinée, en théorie, à la coopération, ait pu être, parfois, utilisée pour le financement d'opérations dans le cadre de la gestion des crises, en particulier dans les Balkans. Il a également attiré l'attention sur les procédures d'allégements de dettes, en observant qu'il était impératif de mettre en place les dispositifs nécessaires pour contrôler l'utilisation des ressources dégagées. Le rapporteur a estimé, par ailleurs, que si l'objectif de consacrer 0,7 % du revenu national à l'aide au développement apparaît largement théorique, il est, en revanche, indispensable de renforcer la prévisibilité de l'aide sur la base d'une programmation pluriannuelle.

Enfin, M. Guy Penne a souligné que l'efficacité de notre dispositif de coopération reste pour une large part subordonnée à l'avenir de l'assistance technique qui représente sans doute la principale valeur ajoutée de l'action de la France dans les pays en développement. Il a observé que la délégation parlementaire a recueilli de multiples témoignages du malaise des coopérants français, dont les effectifs ont connu une réduction drastique en dix ans. La mission, a-t-il observé, souhaite que soit réaffirmée la pérennité d'une assistance technique de longue durée, celle-ci doit, en outre, répondre à des critères de gestion souples afin, notamment, de mieux ajuster la durée de séjour sur les délais nécessaires à la mise en oeuvre du projet ; enfin, le recrutement de l'assistance technique doit être diversifié au sein de l'administration, mais aussi du secteur privé.

En conclusion, le rapporteur a indiqué que les propositions de la délégation parlementaire répondent à la double préoccupation de renforcer l'efficacité de notre aide et d'en renforcer la légitimité aux yeux de nos concitoyens ; ce qui, à terme, constitue le meilleur gage de la pérennité de notre action dans ce domaine.

A la suite de l'exposé de M. Guy Penne, Mme Paulette Brisepierre, corapporteur, a d'abord relevé que l'un des rares aspects positifs de la réforme se traduit par le renforcement de l'Agence française de développement qui a su prendre toute sa part au sein du dispositif de la coopération. Elle a estimé que les motivations réelles de la réforme manifestaient, dans une certaine mesure, l'incompréhension des diplomates vis-à-vis des personnels de la coopération. Elle s'est fait, également, l'écho de l'inquiétude des assistants techniques et exprimé sa crainte que la ressource humaine remarquable qu'avait su réunir la coopération se tarisse progressivement. Elle a rappelé, à cet égard, que l'Union européenne, au rebours des orientations privilégiées par la France, entendait mettre en place, sur le terrain, à échéance rapprochée, des effectifs nombreux et spécialisés dans le domaine du développement. Elle a également souligné que le Royaume-Uni avait, pour sa part, choisi de constituer une structure ministérielle consacrée exclusivement à la coopération et dotée de moyens importants.

Mme Paulette Brisepierre a ajouté que la constitution d'une zone de solidarité prioritaire aurait sans doute représenté une orientation intéressante, si elle s'était accompagnée des moyens financiers nécessaires, mais tel n'a pas été le cas. Elle est revenue sur les annulations de dettes en estimant que ces dernières devaient avoir pour condition l'engagement des Etats bénéficiaires à garantir à leurs ressortissants, mais aussi à nos compatriotes, les prestations sociales pour lesquelles ils ont cotisé. Enfin, elle a regretté que les affectations décidées par le Quai d'Orsay ne tiennent pas toujours compte du profil de poste nécessaire.

M. André Dulait, corapporteur, a, quant à lui, insisté sur le poids excessif de Bercy dans la politique d'aide française au développement. Il a estimé, en outre, que la spécificité de l'action de la France dans le domaine du développement repose, pour une large part, sur la présence de nos coopérants dans les pays bénéficiaires de notre aide. Il a souhaité, en conséquence, que l'expertise de courte durée que le Gouvernement cherche à développer, ne conduise pas à une remise en cause de l'assistance technique classique. Enfin, il a jugé que la mise en place d'une grande Agence, chargée de la mise en oeuvre des opérations de développement, permettrait de renforcer l'efficacité de notre coopération.

M. Xavier de Villepin, président, a d'abord souhaité rendre hommage aux personnels de la coopération, dont le dévouement et la compétence représentaient une valeur ajoutée inestimable pour notre action dans les pays en développement. Il a relevé le décalage entre les ambitions trop nombreuses de la réforme de la coopération et des moyens financiers décroissants. Il est revenu sur l'articulation complexe des compétences respectives du ministère des affaires étrangères et de celui des finances, en estimant que le Quai d'Orsay devait jouer un rôle prépondérant dans la tutelle exercée sur l'AFD.

M. Xavier de Villepin, président, a ajouté qu'à l'issue d'un déplacement effectué avec les trois rapporteurs à Bruxelles, l'organisation de l'aide communautaire lui est apparue très complexe. Il a jugé à cet égard que notre pays a une responsabilité particulière pour renforcer l'efficacité du dispositif européen. Il a souligné que le Parlement n'avait pas suffisamment été associé à la réforme et, d'une manière générale, à la mise en oeuvre de notre politique de coopération ; il a regretté, notamment, l'absence de données claires et comparatives sur les moyens financiers consacrés à l'aide au développement.

M. Serge Vinçon est revenu sur le caractère paradoxal de l'extension de la zone de solidarité prioritaire, alors même que les crédits destinés au développement se réduisent. Il s'est demandé, dans le contexte actuel de tension internationale, si les nouveaux pays intégrés à la ZSP respectent les principes fixés par la communauté internationale au regard, notamment, de la lutte contre le terrorisme. M. Guy Penne a regretté, pour sa part, que l'augmentation du nombre de pays au sein de la ZSP soit intervenue à un moment où la contrainte budgétaire avait conduit à une réduction de notre effort en faveur du développement.

M. Robert Del Picchia s'est interrogé sur les conditions dans lesquelles sont arrêtées les orientations géographiques et sectorielles de notre aide. Il s'est demandé, également, s'agissant de l'aide européenne, s'il ne serait pas préférable, afin d'accélérer les décaissements, que les Etats membres puissent mettre en oeuvre directement les fonds communautaires. En outre, rappelant la situation très difficile des retraités français des caisses de retraite africaines, il a souhaité que les opérations d'allégements de dettes puissent se traduire par l'engagement des Etats bénéficiaires d'honorer les créances de leurs systèmes sociaux. Enfin, dans l'hypothèse où une grande agence de développement serait mise en place, il s'est demandé quelles seraient les attributions de la DGCID. En réponse, M. Guy Penne a apporté les précisions suivantes :

- les orientations politiques en matière de développement sont, en principe, fixées par le CICID ; cette structure, toutefois, devrait impérativement être transformée car elle n'apparaît pas en mesure de répondre aux missions qui lui sont assignées ;

- la procédure de délégation de crédits à des organismes nationaux doit être systématisée dans le cadre de la mise en oeuvre de l'aide extérieure communautaire ;

- la question des retraites de nos compatriotes peut être traitée très utilement dans le cadre des commissions mixtes ;

- dégagée de la mise en oeuvre des projets de développement, la DGCID pourra se recentrer sur ses fonctions prioritaires d'élaboration des grandes orientations de la politique de coopération, ainsi que sur le renforcement de l'influence française au sein des institutions internationales.

M. Hubert Durand-Chastel a estimé que l'insuffisance des moyens financiers constitue le problème principal de notre coopération et que la mise en place d'une grande agence de développement représenterait, sans doute, le moyen de conférer une plus grande efficacité à notre aide.

A la suite de cet échange de vues, la commission a donné son accord à la publication de cette communication sous forme d'un rapport d'information.

Contrôle de l'application des lois au 30 septembre 2001 - Communication du Président

Enfin, M. Xavier de Villepin, président, a présenté à la commission une communication sur l'application des lois entrant dans le domaine de compétence de la commission durant l'année parlementaire 2000-2001.

M. Xavier de Villepin, président, a rappelé que l'essentiel de l'activité législative de la commission était consacré à l'examen de projets de loi autorisant la ratification ou l'approbation de traités ou accords internationaux qui n'appellent pas, la plupart du temps, de textes d'application -sauf lorsqu'ils impliquent une modification, simultanée ou consécutive, de la législation interne.

Au cours de l'année parlementaire écoulée, le Sénat a ainsi adopté en séance publique 31 accords internationaux relevant de la compétence de la commission, dont la quasi-totalité -30- avaient été déposés en première lecture sur le Bureau du Sénat.

M. Xavier de Villepin, président, a alors fait le point sur les deux projets de loi examinés lors de la précédente année parlementaire et sur lesquels la commission avait été saisie au fond.

Tout d'abord, la loi du 22 octobre 1999 portant organisation de la réserve militaire et du service de défense a fait l'objet de deux décrets d'application sur les trois prévus. Le dernier texte publié concerne l'une des dispositions les plus importantes de la réforme des réserves : la substitution du principe de volontariat à celui de l'obligation ; ce décret en Conseil d'Etat a été signé le 1er décembre 2000. Un dernier décret, relatif à l'institution d'une journée nationale du réserviste n'apparaît pas encore à l'ordre du jour.

Le texte de loi est donc, a relevé M. Xavier de Villepin, président, juridiquement prêt à être mis en oeuvre, même si sur le plan pratique, la montée en puissance de la réserve opérationnelle reste un sujet de préoccupation.

En second lieu, la loi du 14 mars 2000 relative aux volontariats civils est devenue entièrement applicable depuis le début de l'année 2001. Les premiers volontaires civils ont été recrutés au cours du deuxième trimestre de cette année. M. Xavier de Villepin, président, s'est félicité de la mise en oeuvre rapide de cette loi, qui répond à un besoin essentiel du ministère des affaires étrangères, et qui ouvre des perspectives professionnelles et humaines intéressantes pour les jeunes candidats à ce type de volontariat.