Travaux de la commission des affaires étrangères



Mardi 1er février 2005

- Présidence de M. Serge Vinçon, président -

Défense - Statut général des militaires - Examen des amendements

La commission a procédé, sur le rapport de M. André Dulait, à l'examen des amendements sur le projet de loi n° 126 (2004-2005) portant statut général des militaires.

La commission a tout d'abord adopté un amendement à l'article 94 permettant aux officiers ayant élevé trois enfants ou un enfant atteint d'infirmité de liquider leur pension après 15 ans de service.

A l'article premier, la commission a donné un avis défavorable à l'amendement n° 34 présenté par Mme Hélène Luc et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, visant à doter le Haut comité d'évaluation de la condition militaire de la personnalité juridique.

A l'article 2, elle a donné un avis défavorable à l'amendement n° 35 présenté par Mme Hélène Luc et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, prévoyant l'avis préalable du conseil supérieur de la fonction militaire avant l'adoption des statuts particuliers, cet amendement étant satisfait par la rédaction de l'article 18 du projet de loi.

A l'article 5, la commission a donné un avis défavorable aux amendements n° 29, présenté par M. Didier Boulaud et les membres du groupe socialiste, et n° 36 présenté par Mme Hélène Luc et les membres du groupe communiste républicain et citoyen posant le principe de l'autorisation d'adhésion des militaires aux partis politiques.

A l'article 6, elle a donné un avis défavorable aux amendements n° 30, présenté par M. Didier Boulaud et les membres du groupe socialiste, et n°s 37 et 38 présentés par Mme Hélène Luc et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, visant à autoriser l'adhésion des militaires à des groupements professionnels ou à des syndicats. Mme Hélène Luc, rappelant que les hauts fonctionnaires pouvaient adhérer à des syndicats, a considéré que la position de principe arrêtée par la commission témoignait d'un manque de confiance dans les militaires. La commission a donné un avis défavorable à l'amendement n° 39, présenté par Mme Hélène Luc et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, visant à autoriser les militaires à adhérer aux associations non visées par l'interdiction posée par l'article 6, cet amendement étant satisfait par la rédaction de l'article.

A l'article 7, la commission a donné un avis défavorable à l'amendement n° 40, présenté par Mme Hélène Luc et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et relatif aux restrictions apportées à la liberté de résidence et à la liberté d'aller et venir des militaires.

A l'article 11, la commission a donné un avis favorable à l'amendement n° 49 du Gouvernement, visant à renvoyer au décret les conditions dans lesquelles les dispositions relatives au médecin traitant sont applicables aux bénéficiaires des soins du service de santé des armées.

A l'article 18, la commission a donné un avis défavorable à l'amendement n° 31, présenté par M. Didier Boulaud et les membres du groupe socialiste, visant à prévoir l'élection des membres des organismes de concertation, M. Didier Boulaud estimantque le tirage au sort pour la désignation des membres des conseils de fonction militaire (CFM) était peu démocratique.

A l'article 31, elle a donné un avis défavorable à l'amendement n° 43, présenté par Mme Hélène Luc et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, visant à maintenir la rédaction actuellement en vigueur sur le service militaire adapté outre-mer.

A l'article 41, la commission s'en est remise à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 50, présenté par le Gouvernement, replaçant l'abaissement définitif d'échelon et la radiation du tableau d'avancement dans le deuxième groupe des sanctions disciplinaires.

A l'article 45, après un large débat auquel ont pris part Mme Hélène Luc, MM. André Rouvière, Philippe Nogrix, Roger Romani et Daniel Goulet, la commission a donné un avis défavorable aux amendements n° 42, présenté par MM. Louis de Broissia et Alain Fouché, et n° 44, présenté par Mme Hélène Luc et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, visant à rétablir la position de retraite parmi les positions statutaires.

A l'article 46, elle a donné un avis défavorable aux amendements n° 32, présenté par M. Didier Boulaud et les membres du groupe socialiste, et n° 45, présenté par Mme Hélène Luc et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, portant sur l'instauration d'un congé d'éducation. Mme Hélène Luc a considéré que la position de la commission entrait en contradiction avec la féminisation des armées. M. André Dulait, rapporteur, a indiqué que l'article 57 du projet de loi ouvrait le bénéfice d'un congé parental.

La commission a donné un avis défavorable à l'amendement n° 46, présenté par Mme Hélène Luc et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, tendant à insérer un article additionnel après l'article 48, relatif au congé d'éducation.

A l'article 62, la commission a donné un avis défavorable à l'amendement n° 47, présenté par Mme Hélène Luc et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, visant à préciser qu'un militaire ne peut être détaché que dans un emploi budgétaire.

A l'article 65, la commission a donné un avis favorable à l'amendement n° 51, présenté par le Gouvernement, tendant à aménager un régime transitoire pour le cumul du bénéfice des congés de reconversion et du congé des personnels navigants pour les officiers sous contrat. Elle a émis un avis défavorable à l'amendement n° 41, présenté par Mme Hélène Luc et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, visant à pérenniser ce cumul.

En conséquence, elle a donné un avis favorable, à l'article 74, à l'amendement n° 52, présenté par le Gouvernement, et, à l'article 88, à l'amendement n° 53, présenté par le Gouvernement.

A l'article 94, elle a donné un avis favorable à l'amendement n° 48, présenté par M. Nicolas About, relatif à l'indemnisation du chômage des militaires pensionnés de plus de 60 ans.

A l'article 96, la commission a donné un avis favorable à l'amendement n° 33, présenté par M. Didier Boulaud et les membres du groupe socialiste, visant à accorder aux militaires participant aux opérations extérieures le bénéfice de la qualification de grand mutilé de guerre dans les conditions définies par l'article L. 36 du code des pensions militaires d'invalidité.

Missions d'information - Nomination de rapporteurs

La nomination de rapporteurs d'information a été reportée à la réunion du mercredi 9 février 2005.

Mercredi 2 février 2005

- Présidence de M. Serge Vinçon, président -

Audition de Mme Leïla Shahid, déléguée générale de la Palestine en France

La commission a procédé à l'audition, élargie au groupe d'études et de contacts sur les relations franco-palestiniennes, de Mme Leïla Shahid, déléguée générale de la Palestine en France.

Mme Leïla Shahid a d'abord développé les éléments qui fondaient la phase nouvelle qui s'ouvre aujourd'hui au Proche-Orient après quarante années durant lesquelles Yasser Arafat a dirigé le mouvement palestinien. Non seulement les élections présidentielles du 9 janvier dernier ont porté M. Mahmoud Abbas à la tête de l'Autorité palestinienne, mais des élections locales sont aussi engagées et les élections législatives au Conseil législatif palestinien se tiendront le 17 juillet. De même, en août, le Fatah verra ses instances renouvelées. Parallèlement, Israël s'est donné un nouveau gouvernement de coalition, qui n'a pas encore défini une nouvelle vision pour l'avenir, mais qui intègre une participation du parti travailliste. Enfin, autour de Mme Rice, une nouvelle équipe diplomatique est mise en place aux Etats-Unis. Ainsi, tant sur le plan local qu'international, un renouvellement est en cours et le ministre français des affaires étrangères considère, pour sa part, que l'évolution du conflit israélo-palestinien sera le test d'un renouveau de la relation transatlantique.

C'est aussi, a poursuivi Mme Leïla Shahid, une dynamique nouvelle qui est en marche, fondée sur un changement fondamental au sein des deux sociétés, israélienne et palestinienne, qui désirent ardemment substituer le dialogue politique au combat militaire parce qu'elles sont exténuées par la violence des quatre dernières années. En votant pour M. Mahmoud Abbas, les Palestiniens ont voulu privilégier d'autres formes d'action que l'affrontement militaire. Cela ne signifie pas qu'ils renoncent au droit à la résistance, mais qu'ils souhaitent donner une chance au retour du droit et à l'application de la feuille de route. La société israélienne a aussi exprimé sa lassitude, désormais consciente que, malgré sa puissance et la dureté de la répression, son armée n'est pas parvenue à briser la résistance palestinienne. La constitution d'une coalition intégrant les travaillistes a traduit cette volonté de la société israélienne d'un retour vers le processus de paix.

Que faire pour ne pas gâcher les opportunités offertes par cette nouvelle donne qui reste malgré tout fragile ? Pour Mme Leïla Shahid, deux conditions doivent être réunies : la première suppose la réciprocité des mesures : si les Palestiniens doivent agir, il en est de même des Israéliens, notamment en respectant un cessez-le-feu. Pour pérenniser toute trêve du Hamas, du Jihad ou des brigades des martyrs d'Al Aqsa, l'armée israélienne doit cesser ses incursions, mettre un terme aux assassinats ciblés, etc... Il importe aussi, seconde condition pour Mme Leïla Shahid, que cette dynamique nouvelle s'inscrive dans une vision politique plus large, ce qui pose les questions de l'occupation de tous les territoires et de la reprise d'un processus de paix engagé il y a 10 ans à Oslo.

On parle beaucoup du retrait unilatéral de Gaza, mais pas de la Cisjordanie ou de Jérusalem, dont la partie orientale est annexée de facto alors qu'Israël fait application d'une loi de 1950 sur les « absents » qui conduit à la confiscation des biens des Palestiniens expulsés. C'est la feuille de route qui constitue le seul cadre politique pertinent, entériné par la communauté internationale et dont la mise en oeuvre doit être réalisée sous la surveillance internationale du Quartet.

Or, a poursuivi Mme Leïla Shahid, le statut final reste à négocier : la colonisation, la frontière de l'Etat palestinien, Jérusalem, les réfugiés, le problème de l'eau... Mais, a-t-elle regretté, le Premier ministre israélien ne parle pas du tout de la feuille de route. La lettre du 14 avril 2004 adressée par les Etats-Unis à M. Ariel Sharon en remet même en cause bien des aspects, notamment en légitimant le mur de séparation, en n'envisageant aucun retour au statu quo ante pour ce qui est des colonies, en reconsidérant les frontières de 1967. L'Autorité palestinienne craint ainsi que le plan de M. Ariel Sharon de retrait de Gaza masque en réalité un projet d'annexion d'importantes parties de la Cisjordanie. On voit bien, a estimé Mme Leïla Shahid, que la construction du mur et l'extension des colonies constituent le projet physique d'annexion des trois grands blocs de colonies, réduisant d'autant l'espace palestinien. Les Palestiniens plaident pour une continuité territoriale, récusant tout projet de « contiguïté » territoriale qui s'appuierait sur la construction de ponts ou de tunnels entre les territoires palestiniens et qui mettrait, selon l'expression de M. Dov Weisglas, conseiller politique de M. Ariel Sharon, l'Etat palestinien « dans le formol ».

On ne peut qu'être inquiet, a estimé Mme Leïla Shahid, de voir que le plan de retrait de Gaza ne s'intègre pas à un projet beaucoup plus large. Si, par ailleurs, la réciprocité israélienne n'est pas au rendez-vous, le mandat de M. Mahmoud Abbas risque d'être de courte durée. Il importe donc que la communauté internationale, et en particulier le quartet, soient les garants de l'intégration du retrait de Gaza dans le cadre de la feuille de route.

M. Serge Vinçon, président, a rappelé la centralité du conflit israélo-palestinien pour le règlement des problèmes régionaux du Proche et du Moyen-Orient. Il a souhaité savoir, à l'inverse, quelles pouvaient être les incidences, positives ou négatives, de la situation en Irak ou de la question du nucléaire iranien sur l'évolution du processus de paix.

M. Daniel Goulet a interrogé la déléguée générale sur les possibilités d'action de la France. Soulignant l'exemplarité des élections auxquelles il avait assisté en tant qu'observateur, il a indiqué que le Sénat et le Conseil législatif palestinien avaient jeté les bases d'une coopération interparlementaire qui pourrait notamment soutenir le processus de préparation des élections législatives.

M. Jean François-Poncet a reconnu avec Mme Leïla Shahid que les espoirs nés de l'accès aux responsabilités de nouvelles équipes en Israël et en Palestine et de l'instauration d'une nouvelle dynamique étaient tempérés par la poursuite de la construction du mur de séparation et par le processus d'extension des colonies. Il a estimé que la question du cadre politique des négociations et de la définition des objectifs finaux devrait se poser très rapidement. Evoquant les négociations de Camp David II et de Taba, à la suite desquelles les parties étaient presque parvenues à un accord, il a souhaité savoir si le Président Mahmoud Abbas pourrait accepter, si l'offre en était renouvelée, ce que Yasser Arafat avait cru devoir refuser à l'époque. Il a également souhaité savoir sur quels points la négociation pouvait encore évoluer, s'interrogeant notamment sur l'actualité des échanges de territoires proposés lors de négociations précédentes.

Mme Leïla Shahid, déléguée générale de la Palestine en France, a indiqué que M. Mahmoud Abbas était présent lors des négociations de Camp David et que son refus des propositions israéliennes avait été encore plus déterminé que celui de Yasser Arafat. Il considérait alors que ces propositions n'étaient pas réellement sérieuses, aucune carte n'étant par exemple fournie pour les étayer et aucune information n'étant donnée sur les territoires à partir desquels étaient calculés les 98 % de territoires proposés aux Palestiniens. M. Mahmoud Abbas ne saurait accepter davantage aujourd'hui ce type de proposition. La base de négociation reste celle du retrait des territoires occupés en 1967, assortie d'un principe d'échange de territoires. Ces territoires pourraient notamment se situer le long de la frontière de la Bande de Gaza, zone surpeuplée et au bord de l'asphyxie.

Mme Leïla Shahid a considéré que les Palestiniens avaient fait preuve de pragmatisme dans les négociations, mais que la viabilité du futur Etat palestinien ne pouvait faire l'objet de concessions. Celle-ci ne pourra être obtenue par la construction de ponts et de tunnels visant à instaurer une fausse continuité entre des territoires morcelés. Camp David, en ce sens, n'a pas été une occasion manquée, ni même simplement une occasion. Mme Leïla Shahid a considéré qu'à Taba, la configuration des négociations avait été différente, le Président Arafat était prêt à signer, tandis que le Premier ministre Ehud Barak, à la veille d'élections législatives, se trouvait dépourvu de mandat et avait renoncé à conclure.

Mme Leïla Shahid, déléguée générale de la Palestine en France, a estimé que le contexte était aujourd'hui très différent, dans la mesure où il s'agit de reprendre les négociations après quatre ans de destruction du processus d'Oslo. Les deux populations manifestent aujourd'hui un profond désir de paix. C'est bien la demande que la population israélienne adresse à son gouvernement, celle d'une alternative à une politique de répression n'ayant pas abouti, qui permet l'ouverture d'une nouvelle phase. Pour Mme Leïla Shahid, Mahmoud Abbas s'inscrit dans la continuité de la politique menée par Yasser Arafat, mais avec sa propre méthode. Il fait le pari qu'il est possible de revenir à des solutions politiques, mais sa marge de manoeuvre dépendra largement de l'attitude du gouvernement israélien. Son objectif reste la constitution d'un Etat palestinien comprenant la Cisjordanie, Gaza et Jérusalem-est comme capitale, avec une solution acceptable et juste au problème des réfugiés, mais il ne croit pas à l'affrontement militaire pour y parvenir. Il importe cependant que la communauté internationale accompagne mieux qu'elle ne l'a déjà fait dans le passé un processus qu'elle a jusqu'à présent largement délaissé.

Mme Leïla Shahid a considéré que c'est la dynamique positive du règlement de la question israélo-palestinienne qui aurait des répercussions sur l'ensemble de la région et notamment sur l'Irak, l'Iran, la Syrie et le Liban, et non l'inverse. Ce conflit cristallise en effet les frustrations des populations et son dénouement est au coeur de leur capacité à accepter une coexistence avec l'Etat d'Israël. Le conflit israélo-palestinien a cette particularité de pouvoir apaiser ou nourrir les conflits régionaux. Une des données essentielles du contexte actuel est certainement la prise de conscience de cet aspect des choses par la présidence américaine qui réalise qu'une démarche politique s'impose dans la lutte contre le terrorisme et pas seulement une réponse militaire et sécuritaire.

Mme Leïla Shahid, déléguée générale de la Palestine en France, a estimé que la France pouvait jouer un rôle important. A l'intérieur de la société palestinienne, un refus de la fatalité se manifeste, qui se traduit notamment par le choix des islamistes de participer aux scrutins. Des élections législatives auront lieu les 16 et 17 juillet, et le Conseil national palestinien sera renouvelé. La présence française témoigne à cet égard d'une volonté d'accompagnement du processus de construction des institutions nationales palestiniennes.

M. Robert Del Picchia a souhaité savoir quel pouvait être le rôle de la Turquie dans le nouveau contexte. Mme Catherine Tasca, rendant hommage au travail accompli par la déléguée générale de la Palestine en France, s'est interrogée sur la disponibilité de données précises concernant la colonisation israélienne et sur la capacité de la France à jouer un rôle particulier pour la scolarisation et la formation des jeunes Palestiniens.

Mme Leïla Shahid, déléguée générale de la Palestine en France, a souligné que la colonisation était l'image la plus frappante que les visiteurs rapportaient du terrain. L'implantation des colonies sur les hauteurs, ainsi que la construction de routes de contournement imposent aux Palestiniens un espace sur lequel ils devront construire leur Etat. Or, les territoires résiduels ne peuvent constituer un territoire national. Les colonies et le mur restent à cet égard un obstacle majeur au processus de paix et les Palestiniens craignent que le désengagement de Gaza ne constitue un « marché de dupes » dans la mesure où il serait la contrepartie de la pérennisation des colonies en Cisjordanie. La communauté internationale, qui a consacré le caractère illégal de ces colonies, doit en tirer les conséquences en prévoyant des mesures de sanction. Après tout, la Cour de Justice de la Haye a demandé l'arrêt de la construction du mur.

Les autorités palestiniennes sont très fières des investissements accomplis par la population palestinienne en matière d'éducation. En perdant leur pays, les Palestiniens ont fait de l'éducation un « passeport pour l'intégration ». Aujourd'hui encore, le niveau d'éducation de la population est remarquable et les camps de réfugiés disposent depuis 56 ans, grâce à l'Agence des Nations unies pour les réfugiés, d'un système d'enseignement public mixte de qualité à partir de la première année du primaire. L'enseignement du français doit d'ailleurs être encouragé en Palestine, où se manifeste un véritable désir de francophonie.

Mme Leïla Shahid a considéré que la Turquie tenait un rôle croissant dans le jeu régional. L'influence conciliatrice de ce pays, qui fait l'expérience d'un Islam modéré et qui répond aux demandes de l'Europe en conduisant des évolutions fondamentales de sa société, ne s'exerce pas seulement d'ailleurs dans le dossier israélo-palestinien, mais aussi à l'égard de la Syrie.

M. Pierre Mauroy s'est associé aux hommages rendus à l'action de la déléguée générale de la Palestine en France. Il a indiqué que son parti avait toujours fait le choix d'une politique d'équilibre entre les deux parties. Pour réussir la paix aujourd'hui, il convient de croire véritablement que cette paix est possible, ce qui suppose d'éviter toute surenchère et de consentir de part et d'autre à certains sacrifices.

M. Robert Bret a souligné l'urgence d'une relance de la feuille de route. La marge de manoeuvre des Palestiniens reste limitée, ce qui exige de la communauté internationale qu'elle s'implique davantage. Il a également souligné l'importance d'une action parlementaire sur le dossier. Evoquant ainsi l'accueil, par le Président de l'Assemblée nationale, des organisations non gouvernementales luttant contre la construction du mur de séparation, il a souhaité qu'un événement comparable puisse se tenir au Sénat. Il s'est par ailleurs interrogé sur les attentes palestiniennes à l'égard de la Conférence internationale qui doit se tenir à Londres début mars. Evoquant la mise en place d'une coalition nationale en Israël, il a estimé qu'en cas d'échec, il n'existerait plus d'alternative politique dans ce pays permettant d'aller de l'avant.

Mme Hélène Luc a souligné la nécessité d'une réciprocité dans l'instauration du cessez-le-feu et d'une dynamique de négociation. Elle a évoqué la fragilité du calme relatif qui prévaut actuellement et l'urgence d'une solution politique. Elle a souhaité que le Sénat puisse soutenir les actions entreprises pour dénoncer la construction du mur de séparation. Elle s'est enfin interrogée sur la place et le rôle des femmes dans la société palestinienne d'aujourd'hui.

M. Jean-Pierre Fourcade a considéré que la démarche d'équilibre, qui doit prévaloir dans l'analyse du conflit israélo-palestinien, conduisait aussi à considérer la question de la sécurité des familles israéliennes. Il s'est interrogé sur la solution qui pourrait être apportée au problème des réfugiés, ainsi que sur la capacité du président de l'Autorité palestinienne à contenir durablement les groupes terroristes.

Mme Leïla Shahid a rappelé sa totale opposition à toute action terroriste visant des civils. Elle a souligné que le terrorisme était une conséquence de l'occupation et que la situation actuelle conduisait nécessairement une part de la population à la violence. Le président de l'Autorité palestinienne, qui ne veut pas recourir aux moyens militaires, doit pouvoir en échange offrir un espoir et une option politiques à la population. Dans ce cas, c'est la population, elle-même, qui demandera l'arrêt des activités des groupes armés.

Elle a estimé qu'une solution juste au problème des réfugiés était prévue par la résolution 194 de l'Assemblée Générale des Nations unies, qui prévoit que les réfugiés pourront être indemnisés ou revenir sur le territoire de l'actuel Etat d'Israël dans les conditions et les proportions acceptées par ce dernier. Le dossier des réfugiés est d'ailleurs l'un de ceux qui avait le plus progressé lors des négociations de Taba. Au demeurant, la plupart des réfugiés n'ont aucune envie de s'installer en Israël même. Le droit au retour traduit surtout un besoin de reconnaissance historique pour une population spoliée de ses droits en 1948 et qui exige cette reconnaissance de ses droits si on veut aller vers une réelle réconciliation.

Mme Leïla Shahid a considéré que, dans l'examen des forces en présence, il convenait de ne pas oublier l'assassinat d'Yizhak Rabin, qui avait clairement fait apparaître les différences entre le camp de la paix en Israël et ceux qui croient à la force des armes. Plus généralement, l'approche de ce conflit reflètera la vision du monde dans laquelle la France et l'Europe choisiront de s'intégrer pour l'avenir.

L'évolution rapide du dossier israélo-palestinien est nécessaire, la première décennie du processus de paix ayant surtout conduit à accumuler des frustrations. Les sceptiques sont nombreux qui ne croient pas au respect du droit mais à la capacité de faire valoir leurs revendications par la force d'un islam fondamentaliste et qui n'attendent que l'échec du processus de paix. Ils répondent aux « va-t-en guerre » en Israël mais aussi aux Etats-Unis.

Mme Leïla Shahid a considéré que la campagne citoyenne menée par les ONG contre le mur pouvait être efficace si l'on se réfère au précédent sud-africain. Elle a par ailleurs assuré que les femmes étaient très mobilisées au sein de la société palestinienne et, en particulier, dans les processus électoraux en cours.

Evoquant la perspective de la Conférence de Londres, Mme Leïla Shahid a rappelé que cette proposition britannique visait, à l'origine, l'organisation d'une conférence politique pour aborder les questions du statut final. L'opposition israélienne à cette conférence a conduit à la transformer en une simple réunion sur la réhabilitation de l'autorité palestinienne. Il s'agit là d'une version améliorée de la réunion des pays donateurs, fort éloignée des attentes initiales.

La nouvelle phase du processus de négociation qui s'ouvre aujourd'hui doit être mieux accompagnée internationalement, notamment par les pays européens. La France fait preuve d'une motivation particulière parce qu'elle perçoit bien les enjeux positifs d'un règlement pour l'Europe elle-même.

Mme Leïla Shahid s'est enfin déclarée convaincue que les Palestiniens n'auraient pas proposé de partager leur patrie d'origine s'ils n'avaient pas cru à la paix. Ayant renoncé à un Etat binational, ils ne revendiquent désormais que 22 % de ce qu'était la Palestine mandataire. L'aspiration à la paix que l'on constate aujourd'hui dans la société palestinienne, tout comme en Israël, est une aspiration naturelle à la vie. Il est significatif que les informations les plus précises sur la colonisation proviennent de mouvements pacifistes israéliens, auxquels Mme Leïla Shahid rend hommage.

En conclusion, Mme Leïla Shahid a considéré que les protagonistes du conflit ne pouvaient dépasser seuls ce qui les oppose dans un contexte aussi tragique. L'Europe a montré ses capacités à reconstruire une coexistence après deux guerres mondiales meurtrières. Elle a une responsabilité particulière et des enseignements à apporter pour accompagner le processus de paix, non seulement entre Israéliens et Palestiniens, mais aussi dans toute la région.

Mission commune d'information sur le bilan et les conséquences de la contamination par l'amiante - Désignation d'un membre de la commission

Enfin, la commission a désigné M. Francis Giraud pour représenter la commission au sein de la mission commune d'information sur le bilan et les conséquences de la contamination par l'amiante.