Travaux de la commission des affaires étrangères



Mardi 15 février 2005

- Présidence de M. Serge Vinçon, président -

Audition de M. Silvan Shalom, ministre des affaires étrangères d'Israël

La commission, élargie aux membres du groupe sénatorial d'amitié France-Israël, a procédé à l'audition de M. Silvan Shalom, ministre des affaires étrangères d'Israël.

M. Silvan Shalom, ministre des affaires étrangères d'Israël, a d'abord souligné le réchauffement des relations d'Israël avec la France, qui a montré sa détermination à lutter contre l'antisémitisme. Le déplacement annoncé de M. Jean-Pierre Raffarin à Jérusalem pour l'inauguration du nouveau mémorial de Yad Vashem ou encore la décision du ministre de l'intérieur, M. Dominique de Villepin, de dissoudre les mouvements néo-nazis en France témoignent de la détermination de la France à lutter contre ce phénomène. De même la décision française d'empêcher la diffusion de la chaîne du Hezbollah Al Manar a été positive. Cette chaîne incite à la haine non seulement contre Israël, mais contre tous les juifs en général. Il est aussi révélateur que le ministre français des télécommunications ait demandé que l'Union européenne adopte une démarche commune sur cette question.

L'une des menaces principales à la paix dans la région provient d'abord de la Syrie. C'est la France qui a opportunément plaidé pour l'adoption par le Conseil de sécurité de la résolution 1559. Sa mise en oeuvre permettrait au Liban d'être enfin libre. En effet ce pays, qui va tenir bientôt des élections législatives, est à un carrefour aujourd'hui et l'évacuation des forces syriennes lui permettrait enfin une réelle indépendance, mais comme en témoigne l'assassinat, hier, de M. Hariri, la démocratie est la cible des mouvements extrémistes.

Le Hezbollah constitue aussi une réelle menace. Pour M. Silvan Shalom, ministre des affaires étrangères d'Israël, ce mouvement n'est autre que le bras de la Syrie au Liban. M. Silvan Shalom a indiqué que le Hezbollah s'était ainsi substitué à Saddam Hussein pour financer les familles des auteurs d'attentats suicides. Ce mouvement a mis en place quelque 60 cellules terroristes qui noyautent non seulement le Hamas et le Djihad islamique, mais aussi le Fatah. Il est en réalité la plus grande menace contre le processus de paix et d'ailleurs aussi contre l'Autorité palestinienne elle-même. D'où, pour M. Silvan Shalom, l'importance, pour l'Union européenne, d'inscrire le Hezbollah sur la liste des organisations terroristes, comme elle l'avait fait pour le Hamas. On objecte souvent, a relevé M. Silvan Shalom, que le Hezbollah comprend une branche politique et une branche militaire. Cette remarque n'est pas pertinente. Au demeurant quel autre parti politique détient des milliers de roquettes et obus et attaque des pays voisins ? En réalité les deux « branches » obéissent à un même chef, le Cheikh Nasrallah. L'inscription du Hamas sur la liste européenne des organisations terroristes avait freiné ses actions terroristes, il est donc crucial que l'Europe procède de même à l'égard du Hezbollah.

Enfin la troisième menace provient de l'Iran, pays non seulement source du terrorisme, mais qui ambitionne de se doter de l'arme nucléaire. Les menaces terroristes iraniennes ne concernent pas seulement Israël : d'une part le terrorisme est mondial et peut frapper n'importe où ; d'autre part l'Iran a développé un nouveau missile capable d'atteindre l'Europe et même le sud de la Russie. La menace pèse donc sur tout le monde. Pour M. Silvan Shalom, la perspective d'un Iran doté de l'arme nucléaire relève du cauchemar qu'il faut absolument empêcher.

La prochaine réunion, fin février, du conseil des gouverneurs de l'AIEA (Agence internationale de l'Energie atomique) ne conduira sans doute pas à une saisine du Conseil de sécurité, mais une autre réunion aura lieu fin juin. Aux yeux de M. Silvan Shalom, le problème n'est pas de savoir si l'Iran détiendra la bombe en 2009 ou 2012, mais si, d'ici 6 mois, l'Iran aura le savoir-faire nécessaire à la production d'une bombe nucléaire. L'Europe, engagée dans un processus de négociation avec l'Iran doit donc être résolue, si l'Iran ne se conforme pas à ses obligations, à saisir le Conseil de sécurité. M. Silvan Shalom s'est félicité de l'extrême détermination de la France sur cette question.

Abordant des sujets l'invitant à un plus grand optimisme, M. Silvan Shalom, ministre des affaires étrangères d'Israël, a évoqué les relations israélo-palestiniennes. Il a considéré que l'après Yasser Arafat avait ouvert une nouvelle ère dans ces relations. A cet égard, le sommet de Sharm-El-Cheikh a été très positif en permettant aux responsables israélien et palestinien, pour la première fois depuis bien longtemps, de se rencontrer seul à seul.

A la suite de ce sommet, Israël a décidé la libération de 500 prisonniers palestiniens, puis de 400 autres. Il avait également été décidé d'évacuer cinq villes de Cisjordanie : Jericho, puis Bethlehem, Tulkarem, Kalkiliah et Ramallah. Pour M. Silvan Shalom, il est positif que les Palestiniens n'aient pas sollicité l'évacuation de villes comme Hebron, Naplouse ou Jenine, qui restent des zones d'activité terroriste. En effet, dès le retrait de l'armée israélienne des villes évacuées, c'est l'Autorité palestinienne qui s'engage à y assurer la sécurité.

Israël, a poursuivi le ministre des affaires étrangères israélien, allait permettre la construction d'un port à Gaza qui suscitera, à terme, jusqu'à 10.000 emplois. Israël va également faciliter la liberté de mouvement des Palestiniens aux points de contrôle. En échange il est bien sûr essentiel que le terrorisme cesse ; à défaut, c'est tout le processus qui serait remis en cause. Récemment, l'Autorité palestinienne a répondu avec efficacité aux provocations du Hamas, mais le véritable test sera la capacité de l'Autorité palestinienne à mettre un terme aux attaques suicides. Pour cela, le cessez-le-feu n'est pas suffisant. Il faudra, a estimé M. Silvan Shalom, démanteler les infrastructures terroristes, lutter contre la contrebande d'armes, fermer les ateliers où se fabriquent les bombes, interdire le port d'armes illégal et enfin juger les terroristes.

M. Silvan Shalom, ministre des affaires étrangères d'Israël, a indiqué qu'il avait fait valoir au Président Jacques Chirac qu'il convenait de ne pas se précipiter vers un accord définitif. Trop de divergences subsistent encore entre Israéliens et Palestiniens sur les frontières, les réfugiés, Jerusalem, les implantations... A vouloir aller trop vite, a estimé M. Silvan Shalom, c'est tout le processus qui risquerait d'« exploser ». Au contraire, a-t-il précisé, il convient de reconstruire la confiance par étapes, après s'être assuré, après tant d'années de violence, d'un apaisement durable.

Dans ce contexte, a estimé M. Silvan Shalom, la France a un rôle important. Son influence dans le monde arabe, et auprès des Palestiniens, en particulier, la place en situation d'inciter ces derniers à se réformer et à se démocratiser. Les réformes palestiniennes doivent ainsi porter sur l'unification du dispositif de sécurité, mais aussi sur la gestion des finances de l'Autorité palestinienne, pour plus de transparence dans les transferts de fonds. L'aide financière extérieure aux Palestiniens doit être encouragée, mais elle doit porter sur des projets précis.

La France enfin peut concourir à l'amélioration des relations d'Israël avec le monde arabe. Ainsi, après le sommet de Sharm-El-Cheikh, la Jordanie et l'Egypte ont renvoyé leurs ambassadeurs en Israël. Cette tendance devrait être encouragée avec les pays du Maghreb ou du Golfe, par exemple. Cela permettrait de modifier positivement la perception réciproque des opinions publiques israélienne et arabe.

M Serge Vinçon, président, a souhaité recueillir l'appréciation du ministre sur l'évolution de deux dossiers sensibles : la poursuite de la colonisation et l'édification du mur de séparation.

M. Jean-Pierre Plancade s'est félicité du courage politique dont a fait preuve le Premier ministre Ariel Sharon en prenant l'initiative du retrait de Gaza et de la formation d'un gouvernement de coalition. Il a également souligné le courage manifesté par le président de l'autorité palestinienne. Estimant que le Hezbollah constituait un problème majeur, il a espéré qu'il pourrait être inscrit sur la liste européenne des organisations terroristes. Il a interrogé le ministre sur la poursuite des négociations et sur l'idée que les résultats obtenus à Taba, en 2000, puissent encore servir de référence, ainsi que sur le rôle de la Troïka européenne dans la gestion du problème du nucléaire iranien.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga a rappelé sa participation à une délégation d'observateurs français lors des dernières élections présidentielles palestiniennes. Elle a fait état de l'aspiration de la majorité des Palestiniens à la normalité, notamment à la possibilité de circuler librement. Les barrages sur les routes, mais aussi les accusations répétées de corruption et de duplicité à l'égard des Palestiniens, sont également des obstacles à la paix. Elle a estimé que la France avait certes entretenu un temps le même type de relation avec les peuples des pays d'Afrique du Nord qu'elle avait colonisés, mais que son attitude avait heureusement évolué. Evoquant les manifestations de colons hostiles au plan de désengagement devant la Knesset, elle a interrogé le ministre sur la poursuite du processus de conquête de la Cisjordanie.

M. Robert Bret a souhaité connaître l'appréciation du ministre sur les résultats des élections en Irak et sur les conséquences d'un rapprochement éventuel de ce pays avec l'Iran.

M. Jacques Peyrat s'est interrogé sur l'opportunité de déployer des forces internationales à Gaza pour constituer une force d'interposition.

M. Jean-Pierre Fourcade a souhaité savoir si les questions économiques avaient été abordées lors du sommet de Sharm-El-Cheikh, la question du partage de l'eau et celle de la croissance économique étant décisives pour la région. Evoquant la reconstruction du port de Gaza, il a souhaité connaître les autres initiatives envisagées.

M. Silvan Shalom, ministre des affaires étrangères d'Israël, a attribué la responsabilité de l'échec des négociations conduites en 2000 à l'ancien président de l'Autorité palestinienne, mais aussi à la précipitation qui les a entourées. Citant un proverbe israélien, « La hâte est inspirée par le diable », il a considéré que les négociations sur le statut final ne devaient pas être précipitées. Il a rappelé qu'Israël, après quelques réticences initiales, avait décidé de se conformer à la « Feuille de route », acceptée par l'ensemble de la communauté internationale. Mais tant de vies humaines ont été perdues des deux côtés qu'il est difficile de tout effacer en peu de temps. Le terrorisme doit prendre fin pour que l'opinion publique israélienne accepte durablement le principe de négociations. Il a souligné que chacune des deux parties avait sa propre conception de la teneur de ce que serait un accord définitif et que chacune d'elle disposait de l'appui des Etats-Unis sur certains points. Il a estimé que la modération et la prudence devaient présider à la reprise des négociations. Une précipitation excessive conduirait à prendre le risque d'un nouvel échec qui affecterait gravement la confiance et reporterait de nouvelles négociations à la génération suivante.

Sur la question du nucléaire iranien, M. Silvan Shalom a considéré que la France manifestait une détermination supérieure à celle de tout autre Etat européen. Il s'est interrogé sur la volonté réelle des Européens de porter la question devant le Conseil de sécurité des Nations unies, se déclarant convaincu que l'Iran n'abandonnerait pas son programme d'armement nucléaire si les Européens ne font pas montre de leur volonté de saisir, s'il le faut, le Conseil de sécurité. Dans l'immédiat, il n'est question que de la suspension de ce programme, mais les Israéliens considèrent qu'il doit faire l'objet d'une cessation totale. Si l'Iran se dote de l'arme nucléaire, ce sera le début d'une course aux armements avec des répercussions qui dépassent largement Israël et risquent d'impliquer la Turquie, l'Irak ou encore l'Egypte. Si l'affaire devait être portée devant le Conseil de sécurité, les sanctions, pour être efficaces, devront affecter les secteurs du pétrole et du gaz naturel. D'aucuns considèrent que ce type de sanction pourrait nuire à la croissance mondiale, mais il s'agit de définir quelles sont les priorités de la communauté internationale.

Les entraves à la circulation qui sont opposées aux Palestiniens sont nécessaires pour lutter contre le terrorisme. Israël ne s'est résolu à ériger la barrière de sécurité qu'après avoir subi près de 20.000 attentats. Son édification a conduit à une chute spectaculaire du nombre d'attentats et elle a également permis, en contrepartie, de lever quelque 90 barrages. La situation d'Israël ne peut être comparée à celle de la France, puissance coloniale de l'Algérie ou de la Tunisie. Ramallah n'est distante de Jérusalem que de vingt minutes en voiture. Si le processus de paix progresse, les barrages ne seront plus nécessaires.

Evoquant les élections irakiennes, M. Silvan Shalom, ministre des affaires étrangères d'Israël, a souligné que l'intervention américaine en Irak avait nourri l'espoir, en Israël, de l'avènement d'une autre démocratie au Moyen-Orient. L'ayatollah Sistani semble être un dirigeant modéré. Certes, certains pays arabes craignent l'émergence d'une continuité chiite entre le Liban, l'Irak et l'Iran, mais l'avènement d'une démocratie en Irak encouragerait certainement les autres pays arabes à emprunter la même voie.

M. Silvan Shalom, ministre des affaires étrangères d'Israël, a considéré que le déploiement de forces internationales à Gaza ne constituait pas une bonne solution. Des forces de ce type sont présentes au Liban, dans le Sinaï, ainsi qu'à la frontière syrienne et certains pays contributeurs souhaitent même s'en désengager. L'établissement de frontières sûres et claires est le préalable à un tel déploiement. A l'évidence, cette condition n'est pas remplie aujourd'hui entre Israël et les Palestiniens. Une situation confuse ne pourrait que conduire à une insécurité constante pour des forces multinationales ainsi déployées.

Il a estimé que les questions économiques devaient être placées au coeur des négociations, les peuples devant pouvoir trouver un bénéfice immédiat à la paix sous forme d'emplois ou de débouchés commerciaux. Les fermiers palestiniens ont ainsi manifesté devant la direction du Hamas à Gaza après un attentat qui avait entraîné des restrictions de circulation à leur détriment. La direction intérieure du Hamas est ainsi soumise à la pression populaire, contrairement à sa direction établie hors du territoire.

En conclusion, M. Silvan Shalom, ministre des affaires étrangères d'Israël, a souligné l'amélioration des relations bilatérales franco-israéliennes au niveau gouvernemental. Des actions restent cependant nécessaires pour traduire cette amélioration dans les opinions publiques des deux pays. Elles pourraient prendre la forme d'actions de coopération dans le domaine scientifique, culturel ou éducatif. Prônant les vertus du dialogue qui permet une influence réciproque, il a invité les sénateurs à se rendre en Israël.

Mercredi 16 février 2005

- Présidence de M. Serge Vinçon, président -

Traités et conventions - Accord entre le Gouvernement de la République française et la Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements - Examen du rapport

La commission a tout d'abord procédé à l'examen du rapport de Mme Maryse Bergé-Lavigne sur le projet de loi n° 123 (2004-2005) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et la Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements.

Mme Maryse Bergé-Lavigne, rapporteur, a tout d'abord rappelé quelques éléments historiques essentiels. En septembre 1969, le gouvernement révolutionnaire, dirigé par le colonel Muammar al-Kadhafi, a renversé la royauté et affiché d'emblée un nationalisme intransigeant, exigeant l'évacuation immédiate des bases anglo-saxonnes et expulsant, en 1970, la communauté italienne demeurée en Libye après l'indépendance. L'administration, l'éducation et le domaine culturel furent intégralement arabisés. En 1973, les sociétés pétrolières furent nationalisées. En 1977, M. Kadhafi proclama la Jamahiriya, « Etat des masses », sous le couvert duquel il renforça son pouvoir personnel. Le régime libyen se radicalisa, prit la tête des Etats arabes hostiles à toute négociation avec Israël et soutint l'aile la plus radicale de l'Organisation de libération de la Palestine. La Libye se trouva ainsi dans une situation d'isolement international. De plus, elle fut accusée par les Etats-Unis, par le Royaume-Uni et par la France d'être impliquée dans deux attentats aériens contre des avions de ligne, l'un au-dessus de Lockerbie, en Ecosse, l'autre dans le Ténéré. Des ressortissants libyens furent mis en cause par les institutions judiciaires française et britannique, sans que la Libye acceptât de les extrader. En 1992, un embargo aérien et militaire était alors décidé par le Conseil de sécurité des Nations unies.

Mme Maryse Bergé-Lavigne, rapporteur, a indiqué que la Libye était actuellement réintégrée au sein de la communauté internationale, après avoir accepté, en 2003, d'indemniser les familles des victimes des deux avions de ligne, et après que Mouammar Kadhafi eut annoncé l'abandon, par son pays, des programmes d'acquisition et de développement d'armes de destruction massive : le 12 septembre 2003, le Conseil de sécurité des Nations unies a voté la levée des sanctions contre ce pays.

La situation économique de la Libye est prospère, mais dépendante du pétrole (sa production est passée en 2004 de 1,4 à 1,7 million de barils par jour). De plus, dans cette économie dirigée, l'Etat administre les prix, les salaires, le crédit, les taux, contrôle plus de 70 % du PIB et la population vit dans un système d'assistanat fondé sur la rente pétrolière.

Mme Maryse Bergé-Lavigne, rapporteur, a noté que le Premier ministre, M. Shoukri Ghanem, avait engagé la libéralisation de l'économie et la privatisation partielle du secteur public libyen en 2003 : une centaine de petites entreprises locales ont déjà été privatisées, les prochains secteurs importants devant être ceux du ciment et de l'agro-alimentaire. Des réformes de l'administration demandées par le FMI sont en cours (réduction du taux de base bancaire de 5 à 4 %). La prochaine étape devrait être la réforme du secteur bancaire.

Les prochains investissements toucheront l'exploration pétrolière (la production d'hydrocarbures est évaluée à 30 milliards de dollars jusqu'en 2010) et les infrastructures.

L'exploitation et l'exportation du pétrole sont essentielles pour la Libye, dont les réserves ont été évaluées à 36 milliards de $ au 1er janvier 2004, certains experts estimant même que les grands bassins libyens (Syrte, Mourzouq, Ghadamès, Cyrenaïque, Koufra et les possibilités offshore) pourraient contenir jusqu'à 220 milliards de barils. Mais la Libye, qui a impérativement besoin des investissements étrangers pour assurer le développement de son industrie pétrolière, a souhaité également nouer des liens avec l'étranger en y installant un réseau de raffineries. Ainsi, en plus de ses raffineries internes, elle a développé un réseau de raffineries en Europe, où des filiales de son entreprise publique Oilinvest dirigent trois raffineries en Italie, en Allemagne et en Suisse, d'une capacité totale de 300 000 barils par jour.

Mme Maryse Bergé-Lavigne, rapporteur, a fait état de la déclaration conjointe franco-libyenne, signée à Paris le 4 janvier 2004, et des quatre accords bilatéraux qui l'ont suivie : un accord de coopération culturelle, scientifique et technique, qui permettra notamment la création d'un centre culturel libyen à Paris ; un accord de coopération universitaire ; un accord cadre dans le domaine du tourisme ; enfin, un accord sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements.

Ce dernier accord devrait permettre de relancer des relations économiques bilatérales anciennes et étroites entre la Libye et la France, dans plusieurs domaines. En matière d'énergie, les contacts vont être intensifiés dans les domaines du pétrole, du gaz et de l'électricité. Ils auront notamment pour but d'accroître la coopération existant entre les compagnies et industries spécialisées dans les deux pays et la mise en oeuvre par certaines grandes sociétés françaises d'un certain nombre de projets importants dans les domaines de l'électricité, du dessalement de l'eau de mer, du pétrole et du gaz.

Plusieurs entreprises françaises sont intéressées par un développement en Libye : Total, bien évidemment, EADS (en matière d'armement), Vinci Construction (pour l'alimentation en eau), Thalès (pour la couverture radar nationale), Alcatel (dans le domaine de la téléphonie), SIDEM (pour le dessalement de l'eau de mer), et enfin Alstom et Schneider Electric.

En conclusion, Mme Maryse Bergé-Lavigne, rapporteur, a rappelé qu'un projet de loi bilatéral était indispensable pour favoriser et sécuriser nos échanges avec la Libye, celle-ci n'appartenant pas à l'OCDE.

MM. André Dulait et Robert Del Picchia ont exprimé leur inquiétude au sujet des arriérés de paiement à l'Institut du Monde Arabe et rappelé que plus d'un million d'euros du budget du ministère des affaires étrangères avait dû être versé à l'IMA pour compenser les cotisations non acquittées par de nombreux pays arabes, dont la Libye.

Mme Maryse Bergé-Lavigne, rapporteur, a enfin apporté quelques éléments chiffrés comparatifs relatifs à la Libye et à d'autres pays du Maghreb : la mortalité infantile y est de 20,7 pour 1.000, contre 43,9 en Algérie ; l'analphabétisme masculin, de 7,6 %, contre 16 % en Tunisie, l'analphabétisme féminin étant de 28 %, contre 60,6 % au Maroc ; le PIB par habitant de 9.206 $, contre 6.199 en Algérie.

Puis la commission a adopté le présent projet de loi.

Traités et conventions - Accord de coopération mutuelle France-Mexique pour l'échange d'informations pour prévenir et combattre les opérations provenant d'activités illicites ou de blanchiment d'argent - Examen du rapport

La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport de M. André Rouvière sur le projet de loi n° 35 (2004-2005) autorisant l'approbation de l'accord de coopération mutuelle entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Etats-Unis du Mexique pour l'échange d'informations relatives à des opérations financières effectuées par l'entremise d'institutions financières pour prévenir et combattre les opérations provenant d'activités illicites ou de blanchiment d'argent.

M. André Rouvière, rapporteur, a indiqué que le phénomène du blanchiment avait connu un essor alarmant et s'était mondialisé, nécessitant la mise au point de techniques efficaces de lutte. Selon les estimations du FMI réalisées au cours des années 90, les activités du blanchiment représentaient près de 600 milliards de dollars.

Le mécanisme du blanchiment repose sur des opérations ayant pour objet de dissimuler l'origine illicite de gains, issus de la délinquance financière et des activités criminelles menées maintenant à l'échelle mondiale, afin que leur utilisation ne permette pas la connaissance et l'arrestation de leurs détenteurs.

Ces opérations consistent à déplacer ces fonds ou à modifier leur forme. Ainsi, les liquidités transitent principalement par des bureaux de change, des banques, des entreprises de négociants en métaux précieux ou en import-export et des casinos.

M. André Rouvière, rapporteur, a précisé que le blanchiment d'argent n'était plus seulement lié à des activités illicites « classiques » (prostitution, trafics de drogues, d'alcool, de tabac) mais s'étendait désormais aux activités liées au terrorisme. Le GAFI (Groupe d'action financière institué en 1989) a défini les trois étapes du blanchiment : le placement, qui consiste à écouler ou transformer l'argent liquide recueilli à l'occasion de l'infraction initiale ; l'empilage, qui consiste à multiplier les transactions successives afin de dissimuler l'origine des fonds ; l'intégration enfin, qui est la réintroduction des sommes blanchies dans le circuit économique légal. Le rapporteur a défini les principaux réseaux de blanchiment : marché des métaux et des pierres précieuses, commerce des oeuvres d'art, établissements de jeux, loteries et courses de chevaux.

Le rapporteur a exposé les méthodes de détection du blanchiment en France. Dans un premier temps, une déclaration de soupçons est transmise par les entreprises des secteurs bancaire, financier et immobilier au TRACFIN (Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins), service rattaché au ministère de l'économie et des finances, qui l'analyse et la transmet éventuellement au Procureur de la République, qui peut déclencher une enquête judiciaire.

TRACFIN collabore très étroitement avec les cellules de renseignement étrangères et a d'ailleurs signé de nombreux accords bilatéraux en Europe (Andorre, Belgique, Chypre, Espagne, Finlande, Grèce, Guernesey, Italie, Luxembourg, Monaco, Portugal, République Tchèque, Royaume-Uni et Suisse), avec les Etats-Unis, en Amérique Latine (Argentine, Brésil, Colombie et Panama), et avec l'Australie.

Depuis la date de sa création jusqu'en 2003, TRACFIN a reçu près de 32.707 déclarations de soupçons représentant au total plusieurs milliards d'euros.

Le rapporteur a ensuite abordé le cas particulier du Mexique. C'est tout d'abord un pays de transit compte tenu de ses 3.500 km de frontière terrestre avec les Etats-Unis et de ses 10.000 km de côtes, ouvertes sur l'Océan pacifique et le Golfe du Mexique qui sont largement utilisées par les narco-trafiquants colombiens. Le passage vers les Etats-Unis s'effectue sous diverses formes : bateaux (80 %), camions et véhicules (seulement trois voies ferrées), tunnels creusés sous la frontière, petits avions (577 pistes clandestines en 2002) et porteurs individuels (en général immigrants clandestins, qui financent ainsi leur passage).

Le Mexique est également un pays de culture de marijuana et de pavot, les opérations d'éradication de ces cultures donnant souvent lieu à des affrontements armés. On y constate également la fabrication de drogues par de nombreux laboratoires clandestins spécialement dédiés aux drogues de synthèse. Enfin, la consommation de drogues y est en forte hausse (augmentation de 100 % pour les dix dernières années).

La France, a estimé le rapporteur, doit absolument collaborer de façon très active avec de nombreux Etats afin de lutter avec efficacité contre le blanchiment de capitaux provenant d'activités illicites. L'accord France-Mexique a précisément pour but d'améliorer la collaboration bilatérale en permettant et facilitant l'échange d'information sur les opérations financières (placement, dissimulation, conversion, transfert...) susceptibles d'avoir été réalisées avec des fonds provenant d'activités illicites, en vue de les utiliser dans des enquêtes, des procédures, des actions judiciaires ou administratives relatives à ces activités. Il offre le grand intérêt, pour notre pays, d'étendre le réseau des correspondants privilégiés de la cellule TRACFIN à l'étranger en présentant un caractère original.

En effet, TRACFIN a conclu depuis 1991 plusieurs accords de coopération bilatérale avec ses homologues de nombreux pays, parmi lesquels Andorre, l'Argentine, l'Australie, la Belgique, le Brésil, Chypre, la Colombie, l'Espagne, les Etats-Unis d'Amérique, la Finlande, la Grande-Bretagne, la Grèce, Guernesey, l'Italie, le Luxembourg, Monaco, le Panama, le Portugal, la République tchèque, la Russie et la Suisse. Tous ces accords ont pris la forme d'arrangements administratifs conclus entre le Secrétaire général de TRACFIN et les responsables des cellules de renseignement financier de ces pays. L'accord avec le Mexique déroge à cette pratique de simples arrangements administratifs, car le président mexicain, ayant fait de la lutte contre la drogue l'une de ses priorités, a souhaité conférer une certaine solennité à la coopération franco-mexicaine en signant un texte au niveau intergouvernemental.

M. Jean-Pierre Plancade a souligné l'importance du nombre de déclarations de soupçons reçues par TRACFIN (plus de 32.000 depuis sa création) et s'est interrogé sur les modalités de leur instruction.

M. André Rouvière, rapporteur, a répondu que ces déclarations provenaient des établissements français bancaires, financiers, immobiliers... Leur évolution quantitative est exceptionnelle : alors que TRACFIN n'avait reçu que 179 déclarations en 1991, il en a réceptionné, en 2003, plus de 9.007. Si les recherches de TRACFIN conduisent à transformer le soupçon né de la déclaration en présomption de blanchiment, ces informations donnent lieu à des enquêtes judiciaires dont le résultat est la saisie et la confiscation des biens qui ont pour origine une activité délictueuse.

Mme Hélène Luc s'est interrogée sur l'efficacité attendue d'un tel accord dans la lutte contre les trafics illicites.

M. André Rouvière, rapporteur, a indiqué que l'efficacité de tels accords dépendait des pays parties.

Puis la commission a adopté ce projet de loi.

Traités et conventions - Protocole au traité sur l'Antarctique relatif à la protection de l'environnement, protection et gestion des zones - Examen du rapport

La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport de M. André Vantomme sur le projet de loi n° 429 (2003-2004) autorisant l'approbation de l'annexe V au protocole au traité sur l'Antarctique, relatif à la protection de l'environnement, protection et gestion des zones.

M. André Vantomme, rapporteur, a rappelé qu'après les premières grandes expéditions scientifiques en Antarctique, ce continent avait rapidement fait l'objet de multiples convoitises (la chasse aux phoques et aux baleines d'abord, puis la richesse piscicole des eaux de l'océan antarctique, et enfin les hypothétiques richesses minières, voire touristiques). Les principaux protagonistes de cette lutte ont été les Britanniques, les Chiliens, les Argentins, les Norvégiens, les néo-Zélandais, les Australiens et les Français.

Aujourd'hui, le continent antarctique reste un espace vierge, témoin d'équilibres naturels encore très peu affectés par les activités humaines, une source de mémoire du climat mondial dans ses neiges et ses glaces, un point d'observation irremplaçable pour certains phénomènes atmosphériques ou climatiques et un milieu extrême, où la vie a pu néanmoins s'adapter.

Aussi bien M. André Vantomme, rapporteur, a-t-il précisé qu'il était indispensable qu'il soit le seul continent à échapper à la juridiction classique des Etats, ce qui permet de résoudre les problèmes de rivalités entre pays.

Le Traité sur l'Antarctique, conclu à Washington le 1er décembre 1959, a conféré à ce continent un régime international unique en son genre, fondé sur trois éléments : il fait de l'Antarctique une région démilitarisée, où sont également interdits les essais nucléaires et l'élimination des déchets radioactifs ; il gèle toutes les revendications territoriales existantes et prohibe toute nouvelle prétention aussi longtemps que le traité sera en vigueur ; enfin, il pose des principes garantissant la liberté de la recherche scientifique, ainsi que la coopération internationale à cette fin, sur l'ensemble des terres et glaces situées au sud du 60e degré de latitude sud.

De plus, les pays membres du Traité sur l'Antarctique ont signé, le 4 octobre 1991, le Protocole de Madrid, destiné à assurer la protection globale de l'environnement en Antarctique et des écosystèmes dépendants et associés. L'Antarctique est désignée comme une « réserve naturelle consacrée à la paix et à la science ».

Ratifié par la France en 1992, ce protocole est entré en vigueur avec ses quatre premières annexes le 14 janvier 1998. Le Protocole de Madrid édicte une interdiction absolue, pour une durée de 50 ans, d'exploiter les ressources minérales de l'Antarctique. L'article 2 du protocole fait du continent austral une réserve naturelle consacrée à la paix et à la science.

La concrétisation de ce devoir général de protection de l'environnement est assurée par les autres stipulations du Protocole de Madrid et ses 5 annexes.

Le protocole de Madrid interdit les activités relatives aux ressources minérales autres que celles menées à des fins scientifiques et instaure un « système global » de protection du milieu naturel. Il s'agit des règles les plus strictes de conservation et de gestion de l'environnement (dépôt des déchets, collecte d'échantillons, construction, activités touristiques, etc.).

La France a adopté, dans sa législation, en 2003, les mesures appropriées pour garantir le respect de ce protocole.

Le rapporteur a rappelé que la commission était appelée aujourd'hui à se prononcer sur l'approbation de l'annexe V au protocole de Madrid, qui a été adoptée séparément du protocole et de ses quatre premières annexes.

Celle-ci a pour objet la création et la gestion de deux grandes catégories de zones sur le continent antarctique qui concernent précisément l'environnement et la recherche scientifique ainsi que le règlement des éventuels conflits.

On distingue ainsi :

- les « zones spécialement protégées de l'Antarctique », destinées à protéger des valeurs environnementales, scientifiques, historiques ou esthétiques exceptionnelles, ou l'état sauvage de la nature, ou la recherche scientifique en cours ou programmée. L'accès à une telle zone est interdit à toute personne non munie d'un permis délivré par une autorité compétente désignée par chaque Partie ;

- les « zones gérées spéciales de l'Antarctique », qui visent, quant à elles, à faciliter la planification et la coordination des activités, à éviter d'éventuels conflits et à améliorer la coopération entre les Parties impliquées dans ces zones, tout en minimisant les répercussions sur l'environnement.

M. André Vantomme, rapporteur, a conclu que le patrimoine biologique irremplaçable pour toute l'humanité constitué par ce continent était, au niveau mondial, d'une importance considérable et que la France en était elle aussi responsable devant la communauté internationale.

Mme Maryse Bergé Lavigne s'est inquiétée du développement du tourisme en Antarctique.

M. André Vantomme, rapporteur, a précisé que ce tourisme était actuellement limité à environ 15.000 visiteurs par an, essentiellement par des navires de croisière qui évitent toute détérioration du continent. L'adoption de l'annexe V du protocole de Madrid renforcera cette protection.

Puis la commission a adopté le projet de loi.

Traités et conventions - Accord France-Macédoine relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure - Examen du rapport

La commission a enfin procédé à l'examen du rapport de M. André Boyer sur le projet de loi n° 21 rectifié (2004-2005) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Macédoine relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure.

M. André Boyer, rapporteur, a évoqué les priorités d'action définies par le Président de la République de Macédoine, Branxo Crevnkovski, dont l'une, vitale, pour l'avenir du pays est la lutte contre la corruption et le crime organisé. Dans ce but, l'une des premières mesures a été la restructuration de la police macédonienne ; son directeur général s'est rendu en France récemment et a souligné la sensibilité des Macédoniens aux efforts français en matière de coopération policière. Il a souligné combien il était indispensable d'aider la Macédoine à lutter contre la criminalité.

La Macédoine est traversée par la « route des Balkans » utilisée pour les trafics de stupéfiants comme pour la traite des êtres humains. L'activité criminelle ne semble pas diminuer. Un plan de réforme de la police se met en place, des projets de réforme de la justice s'organisent,  mais la situation est très critique dans différents domaines criminels.

Du fait de sa situation géographique, la Macédoine est une voie naturelle de pénétration pour le transfert de drogues des pays des Proche et Moyen-Orient vers les pays européens (150 kg d'héroïne ont été saisis entre janvier et juin 2004). Deux voies sont usitées : par le sud : Turquie, Bulgarie, Macédoine, Grèce ou Albanie vers l'Italie ; par le nord : Turquie, Bulgarie, Macédoine, Kosovo ou Serbie.

Cette grave situation s'explique historiquement par le blocus imposé par la Grèce à la Macédoine en 1994, interdisant à celle-ci toute utilisation commerciale de l'axe nord-sud et la contraignant à le remplacer par l'axe est-ouest caractérisé par des trafics de drogues et par la traite des êtres humains. Le rapporteur a cité l'exemple de l'ecstasy, dont le commerce est en plein essor. Depuis 1996, 65 tablettes d'ecstasy seulement avaient été saisies, mais ce commerce a nettement augmenté, et une récente opération policière s'est soldée par la saisie de 18.000 tablettes en 2003.

M. André Boyer, rapporteur, a précisé que, s'agissant de la traite des êtres humains, les filières en provenance d'Ukraine, de Roumanie, de Moldavie et de Bulgarie sont activées en Macédoine. Dans le domaine de la prostitution, la Macédoine est aussi devenue un refuge et un lieu de transit. Les jeunes femmes de Moldavie (qui est aujourd'hui le pays le plus pauvre d'Europe), mais aussi d'Ukraine, de Bulgarie et de Roumanie, sont attirées par des mafieux en Macédoine et y restent bloquées ou sont envoyées clandestinement en Europe occidentale.

Le rapporteur a relevé qu'un rapport des Nations unies sur le bilan des droits de la personne mentionnait, en 2003, « l'utilisation de la Macédoine comme pays de transit et de destination, notamment pour la traite de femmes et d'enfants à des fins de prostitution ».

Dans le domaine de la lutte contre l'immigration clandestine, le ministère de l'intérieur a intensifié la formation des policiers, avec la création d'une police aux frontières. Les immigrants sont d'origine albanaise, moldave, roumaine, bulgare et turque.

La France est coutumière des accords de coopération en matière de sécurité intérieure. Elle en a récemment conclus avec le Tadjikistan, la République slovaque, la Bulgarie et la Russie.

Notre pays et les nations européennes ont un intérêt tout particulier à conclure ce type d'accord avec la Macédoine, compte tenu de sa position géographique qui favorise tous les flux criminels : en effet, elle a une frontière commune avec un Etat européen « Schengen » (la Grèce) et une seconde avec un futur membre de l'Union européenne (la Bulgarie).

Les Etats européens se sont d'ailleurs rendus compte de l'importance de la coopération en matière de sécurité avec la Macédoine en créant la mission de police Proxima, conçue en juillet 2003 pour soutenir le développement d'une police efficace et professionnelle et promouvoir les normes européennes en matière de police en Macédoine.

La coopération en matière de lutte contre la criminalité internationale prévoit un échange d'informations sur la structure et les méthodes des groupes criminels, ainsi que sur les nouvelles formes de la criminalité internationale. La coopération en matière de lutte contre la drogue prévoit des échanges d'informations et d'échantillons. La lutte contre le terrorisme s'effectue par échange d'informations sur les actes et les groupes terroristes.

Les aspects techniques de coopération comportent la formation générale et spécialisée, les échanges d'informations et d'expériences professionnelles, le conseil technique, l'échange de documentation spécialisée, l'accueil réciproque de fonctionnaires et d'experts.

S'agissant de la formation des personnels, plusieurs actions de coopération sont programmées pour 2005, notamment la création d'une unité des missions spéciales type RAID (recherche assistance intervention dissuasion), la mise en place de formations cynotechniques, l'organisation de deux séminaires consacrés à la lutte contre la fraude documentaire et à la sûreté aéroportuaire.

M. André Boyer, rapporteur, a conclu que ce texte était aussi indispensable à la Macédoine qu'à la France et qu'il placerait la coopération entre ces deux Etats dans un cadre juridique clairement défini facilitant les échanges d'informations et la communication.

La commission a alors adopté le projet de loi.

Nomination d'un rapporteur

Enfin, la commission a nommé M. Robert Del Picchia, rapporteur sur la proposition de résolution n° 159 (2004-2005) présentée au nom de la Délégation pour l'Union européenne en application de l'article 73 bis du Règlement sur les propositions de décision du Conseil relatives à la signature, à l'application provisoire et à la conclusion d'un protocole à l'accord euroméditerranéen entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République tunisienne, d'autre part, pour tenir compte de l'adhésion à l'Union européenne de la République tchèque, de la République d'Estonie, de la république de Chypre, de la République de Hongrie, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque (E 2763).

Jeudi 17 février 2005

- Présidence de M. Serge Vinçon, président -

Audition de M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères

La commission a procédé à l'audition de M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères.

M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères, a tout d'abord marqué sa volonté d'améliorer l'information du Parlement sur les enseignements tirés des différentes visites qu'il effectue à l'étranger. Ainsi, au retour de chaque déplacement, les membres des commissions des affaires étrangères, les présidents d'assemblée et les présidents de groupes politiques, recevront, à titre personnel et confidentiel, une brève note résumant les conclusions qu'en aura tirées le ministre.

Le ministre des affaires étrangères a ensuite évoqué l'assassinat de l'ancien ministre libanais, Rafik Hariri. Il a salué la réaction du peuple libanais, qui s'est rassemblé pour condamner cet attentat. Il s'est déclaré persuadé que le mouvement ainsi créé ne pourrait être ignoré dans les prochains mois, en souhaitant que les élections législatives se déroulent librement et à la date prévue. Il a ajouté que la France souhaitait que toute la lumière soit faite sur les circonstances de ce dramatique attentat, notamment dans le cadre de l'enquête demandée par le Conseil de sécurité et placée sous le contrôle du secrétaire général des Nations unies. Elle estime également nécessaire d'accroître la pression internationale pour la mise en oeuvre de la résolution 1559 du Conseil de sécurité en vue de restaurer la pleine souveraineté du Liban.

Evoquant sa récente visite en Israël et dans les Territoires palestiniens, le ministre des affaires étrangères s'est déclaré convaincu du caractère central de la résolution du conflit israélo-palestinien pour la stabilité de l'ensemble de la région. Il a fait part de ses impressions à la suite d'une visite à Gaza qui lui a permis de mesurer l'état de misère de la population. Il a estimé indispensable d'offrir de réelles perspectives au peuple palestinien, tout comme il est nécessaire de répondre aux légitimes préoccupations de sécurité du peuple israélien. Il a salué le courage d'Ariel Sharon et de Mahmoud Abbas qui ont, l'un et l'autre, pris des décisions difficiles et risquées vis-à-vis de leur opinion publique. Il s'est déclaré convaincu de la volonté sincère du premier ministre israélien de réussir le retrait de Gaza. Il a jugé particulièrement positives les mesures prises par le président palestinien pour réorganiser les services de sécurité, alors qu'il est soumis, dans le même temps, à une forte pression intérieure dans la perspective de l'échéance électorale du 17 juillet prochain.

M. Michel Barnier s'est félicité de la nouveauté du contexte créée par la reprise du dialogue entre Israéliens et Palestiniens. Il a souhaité qu'Américains et Européens agissent auprès des deux partenaires pour que ce dialogue se poursuive et aboutisse à des progrès dans le processus de paix.

Le ministre des affaires étrangères a ensuite évoqué la situation de l'Irak. Il a rappelé que la France a régulièrement soutenu le processus politique de reconstruction à travers son vote en faveur de la résolution 1546 du Conseil de sécurité, son engagement pour l'annulation de la dette irakienne et son appui à la Conférence de Sharm-el-Cheikh, qui avait réuni l'ensemble des pays de la région. En dépit de ses imperfections, l'échéance électorale du 31 janvier dernier a constitué une étape importante dans la perspective de cette reconstruction politique. La prochaine étape consiste désormais à rédiger une Constitution mettant en place un système institutionnel propre à assurer le respect des communautés minoritaires. Il est à cet égard essentiel que la prépondérance des chiites et des kurdes au sein de l'assemblée constituante n'aboutisse pas à marginaliser la communauté sunnite.

M. Michel Barnier a rappelé que l'Union européenne était disposée à accompagner la reconstruction politique et économique de l'Irak. Elle souhaite que l'aide internationale soit coordonnée par le gouvernement irakien lui-même. La France, pour sa part, est prête à participer à la formation de policiers et de gendarmes irakiens à proximité de l'Irak, mais pas sur le territoire irakien lui-même.

M. Serge Vinçon, président, a interrogé le ministre sur la disponibilité des Européens à porter le dossier nucléaire iranien devant le Conseil de sécurité des Nations unies au cas où l'Iran ne respecterait pas ses engagements, disponibilité sur laquelle le ministre des affaires étrangères israélien s'était interrogé lors de son audition par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères, a estimé qu'il ne convenait pas d'évoquer à présent la saisine du Conseil de sécurité, à l'heure où des négociations se poursuivent. Certes, si le processus de négociation devait échouer, le Conseil de sécurité pourrait être saisi, mais il importe de tout faire pour éviter ce cas de figure. Il est essentiel que les Etats-Unis aident au succès de la négociation pour éviter qu'un éventuel échec soit imputable à un manque de soutien de leur part : l'Iran doit comprendre que toute la communauté internationale agit dans le même sens.

En réponse à M. Jean-Pierre Plancade, le ministre a estimé que le refus actuel des Etats-Unis de l'accession de l'Iran à l'OMC (Organisation mondiale du commerce) pourrait être reconsidéré si un accord définitif de renonciation par l'Iran à son programme d'enrichissement d'uranium était conclu.

M. Jean-Pierre Plancade a ensuite interrogé le ministre sur la situation de la journaliste Florence Aubenas, retenue en otage avec son guide irakien. Evoquant la situation au Togo, il s'est enquis d'une éventuelle remise à plat des accords de défense, souvent anciens, conclus par la France avec plusieurs pays africains.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga a demandé quelle serait la réaction de la France et de l'Union européenne à l'annonce, par Israël, de l'installation de colons de Gaza en Cisjordanie, estimant qu'il s'agissait là d'un affront fait aux Palestiniens et que cela conduisait à s'interroger sur la sincérité d'Israël dans sa volonté de paix. Après avoir rappelé la situation de nos deux compatriotes, MM. Guy-André Kieffer, disparu en Côte-d'Ivoire, et Fred Neyrac, disparu en Irak, elle a interrogé le ministre sur l'aggravation de la situation humanitaire et sécuritaire au Darfour.

M. Louis Mermaz, abordant le thème de l'exercice du droit d'asile en France, s'est inquiété de la dégradation dramatique constatée dans les zones d'attente et les centres de rétention des étrangers. Il a souhaité que le ministre puisse consacrer une audition par la commission à cette question.

M. Jean François-Poncet, relevant l'insistance apportée par le ministre israélien des affaires étrangères sur la menace représentée par le Hezbollah, a interrogé le ministre sur la réalité de cette analyse et sur le rôle de la Syrie à l'égard de ce mouvement. Il a enfin souhaité savoir pourquoi, après les élections irakiennes, la France se refusait toujours à assurer, en Irak même, la formation des forces de sécurité irakiennes.

M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères, a alors apporté les éléments de réponse suivants :

- la situation de Florence Aubenas et de son guide irakien est différente de celle de nos compatriotes Christian Chesnot et Georges Malbrunot, comme d'ailleurs de celle de la journaliste italienne. La discrétion des responsables publics en la matière s'impose pour la sécurité même des otages. L'enquête judiciaire se poursuit en Côte-d'Ivoire sur le cas de M. Kieffer et les autorités irakiennes coopèrent avec la France sur la disparition de M. Fred Neyrac.

Au Togo, le ministre a rappelé qu'avec l'Union africaine et la CEDEAO (Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest), la France a demandé le respect de la légalité institutionnelle. Il convient de convaincre le fils du président défunt de revenir dans le processus institutionnel et de permettre la tenue d'élections présidentielles et législatives libres et démocratiques dans les meilleurs délais.

Le ministre a par ailleurs indiqué que la diplomatie française à l'égard de l'Afrique devrait s'organiser autour de trois principes : un partenariat fondé sur un dialogue sans ambiguïté et préservant les liens anciens de la France avec les pays partenaires du continent ; l' « africanisation » ensuite, consistant à aider et à soutenir l'organisation des groupements régionaux africains dans la solution des conflits ; enfin la mutualisation des efforts européens vers l'Afrique, qui se substituerait à la juxtaposition des politiques nationales constatées jusqu'à présent ;

- l'annonce de l'installation éventuelle de colons de Gaza sur une nouvelle implantation en Cisjordanie constitue un vrai problème, mais cette décision, qui n'est ni raisonnable, ni juste n'est peut-être pas définitive. Elle risquerait sinon d'accréditer l'idée d'une démarche « Gaza seulement », quand la communauté internationale plaide pour « Gaza d'abord » ;

- la situation au Darfour reste inquiétante et se dégrade à nouveau malgré le déploiement par l'Union africaine de 1.800 soldats ; l'accès des organisations humanitaires s'avère en particulier de plus en plus difficile. Le rapport des Nations unies a relevé les très graves exactions commises dans cette région et le recours à la Cour pénale internationale permettrait de juger les auteurs de tels crimes ;

- la question de l'exercice du droit d'asile justifierait une audition spécifique de la commission pour laquelle le ministre a indiqué sa disponibilité afin, en particulier, de faire un premier bilan de la législation récente ;

- le problème du Hezbollah est complexe, dans la mesure où ce mouvement présente une double dimension : une branche politique et parlementaire, mais aussi une branche armée, à l'égard de laquelle la France n'a aucune complaisance. L'inscription du Hezbollah sur la liste européenne des mouvements terroristes aurait-elle pour effet de décourager les partisans de la violence ? Dans le contexte créé par la disparition de Rafik Hariri ne risque-t-elle pas de compliquer la situation ? Il paraît préférable, face aux graves tensions qui affectent le Liban, de ne pas chercher, pour le moment, à trancher cette question ;

- la position prise par la France sur la guerre en Irak l'a conduite à ne pas s'impliquer militairement dans le pays et cette démarche reste d'actualité. Toutefois, face à l'urgence, l'objectif de former des forces de sécurité irakiennes reste essentiel. Aussi bien, la France propose-t-elle d'assurer cette formation hors d'Irak.

En réponse à M. Robert Del Picchia et à Mme Paulette Brisepierre qui s'interrogeaient sur la sécurité de nos compatriotes au Togo et à Madagascar, le ministre a indiqué que la communauté française au Togo n'était pas, aujourd'hui, inquiétée. S'agissant de l'agression récente de ressortissants français à Madagascar, le ministre a relevé que ces événements témoignaient, plus largement, d'une montée générale de l'insécurité dans les villes africaines, liée à la pauvreté croissante du continent et à l'extrême jeunesse de sa population, ce qui n'en rendait que plus pertinentes les propositions françaises tendant à dégager des nouvelles ressources financières pour le développement.

M. Philippe Nogrix a interrogé le ministre sur le devenir d'un continent aussi important que l'Amérique du sud et de nos relations avec cette partie du monde.

M. Michel Barnier a reconnu que l'Amérique latine était en effet confrontée à l'enjeu important de son organisation territoriale et il a estimé que la question se posait d'une dimension européenne dans nos relations avec cette partie du continent américain. Reconnaissant par ailleurs la pertinence d'une réflexion prospective géopolitique sur l'avenir du continent européen, le ministre a fait état de sa disponibilité à évoquer, devant la commission, l'enjeu majeur que représentait la relation future de l'Union européenne avec la Russie.