Travaux de la commission des affaires étrangères



Mercredi 2 mars 2005

- Présidence de M. Serge Vinçon, président.

Traités et conventions - Accord France - Bosnie-Herzégovine sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements - Examen du rapport

La commission a d'abord examiné le rapport de M. Daniel Goulet sur le projet de loi n° 443 (2003-2004) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et la Bosnie-Herzégovine sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements.

Le rapporteur a souligné que cet accord s'ajoutait à la centaine d'autres déjà signés par la France et qui apportent à nos opérateurs un cadre juridique clair et normalisé, qui les protège des risques politiques qu'ils peuvent encourir dans les pays parties à ces accords. M. Daniel Goulet, rapporteur, a rappelé que, dans la zone des Balkans, des accords de ce type avaient déjà été conclus avec l'Albanie et la Roumanie en 1995, avec la Croatie et la Macédoine en 1996 et avec la Slovénie en 1998. Abordant ensuite la situation politique et économique de la Bosnie-Herzégovine, dont les institutions ont été instaurées par l'accord de Dayton, en 1995, le rapporteur a précisé que ce pays était composé de deux entités : la Fédération bosno-croate et la Républika Srpska, et de trois peuples constitutifs : les Serbes, les Croates et les Musulmans. La Bosnie-Herzégovine bénéficie depuis cette date d'une aide importante de la communauté internationale. M. Daniel Goulet, rapporteur, a cependant précisé que ce pays reste le plus pauvre de ceux issus de l'ex-Yougoslavie, malgré les efforts accomplis notamment par l'Union européenne. Celle-ci a mis en place des instruments spécifiques pour les Balkans, comme le programme CARDS (Community Assistance for Reconstruction, Democratisation and Stabilisation), existant depuis 2000. La Bosnie-Herzégovine bénéficie par ailleurs du premier déploiement de la mission de police de l'Union européenne, et l'opération ALTHÉA, engagée à la fin de l'année 2004, a permis la relève des forces de l'OTAN par des forces européennes. Sur le plan bilatéral, la France a apporté un soutien financier à la reconstruction d'infrastructures dans la capitale ; elle est également présente grâce au Centre culturel français André Malraux, dont l'activité n'a jamais été interrompue, même durant la récente guerre. M. Daniel Goulet, rapporteur, a rappelé que le ministre des affaires étrangères, M. Michel Barnier, s'était rendu en Bosnie-Herzégovine au mois de juillet 2004 pour inaugurer le nouveau pont de Mostar, à la forte valeur symbolique.

En conclusion, M. Daniel Goulet, rapporteur, tout en regrettant la faiblesse des relations commerciales bilatérales, s'est prononcé pour l'adoption de cet accord qui facilitera le renforcement des investissements français dans ce pays.

Puis une discussion s'est instaurée au sein de la commission.

M. Didier Boulaud s'est interrogé sur l'identité des principaux partenaires commerciaux de la Bosnie-Herzégovine, ainsi que sur les relations économiques unissant entre eux les différents pays des Balkans.

M. Daniel Goulet, rapporteur, a précisé que l'Allemagne et l'Italie étaient des partenaires économiques majeurs de la Bosnie-Herzégovine. Il a indiqué par ailleurs qu'un accord conclu en 2004 visait à instaurer une zone de libre échange entre les six principaux pays des Balkans.

La commission a alors adopté le projet de loi.

Traités et conventions - Convention France-Principauté d'Andorre dans le domaine de l'enseignement - Examen du rapport

Puis la commission a entendu M. Robert Del Picchia sur le projet de loi n° 80 (2004-2005) autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d'Andorre dans le domaine de l'enseignement.

Le rapporteur a précisé que la présence française dans le système d'enseignement en Andorre remontait à 1917, date à laquelle ont été fondées les premières écoles publiques subventionnées par la France ; puis un collège a été créé en 1972 et un lycée en 1979. Cette coopération en matière d'éducation a été formalisée lors de l'accession de la Principauté à la souveraineté internationale en 1993 et le présent accord vise à renouveler et à moderniser les modalités de cette coopération. M. Robert Del Picchia, rapporteur, a rappelé que l'enseignement s'effectuait, dans la Principauté, au travers de trois systèmes : le système andorran a accueilli pour l'année scolaire 2004-2005 un total de 3.330 élèves dans 14 établissements primaires et secondaires ; le système espagnol ensuite, qui s'adresse à 3.600 élèves dans 15 établissements publics et privés ; enfin, le système français accueille 3.690 élèves dans 15 établissement publics.

Le présent accord, a poursuivi le rapporteur, réaffirme la gratuité de l'enseignement proposé par les établissements français, et stipule que les créations ou fermetures d'établissements sont décidées d'un commun accord entre les gouvernements français et andorran, après avis d'une commission mixte qu'instaure le présent texte. La France a consacré à ces établissements, en 2004, 15 millions d'euros, permettant le financement de 2.513 heures d'enseignement.

En conclusion, M. Robert Del Picchia, rapporteur, a rappelé que l'effort ainsi consenti par notre pays visait à pérenniser et étendre la formation d'une élite francophone. Il a donc recommandé l'adoption de la convention.

Mme Maryse Bergé-Lavigne a déploré que la grande majorité des élèves andorrans poursuive leur enseignement supérieur à Barcelone, le catalan étant la langue officielle d'Andorre, et l'attrait économique de la région de Catalogne particulièrement fort.

M. André Boyer s'est quant à lui interrogé sur les critères de la répartition des élèves entre les trois systèmes décrits par le rapporteur.

Mme Dominique Voynet a souhaité savoir si l'enseignement en Andorre comportait un contenu religieux.

M. Robert Del Picchia, rapporteur, a reconnu qu'une faible part des élèves andorrans poursuivaient leurs études en France, essentiellement à Montpellier et à Toulouse. Il a estimé que le présent texte visait justement à renforcer la place de la France dans le système d'enseignement de la Principauté. La répartition des élèves entre les différents systèmes d'enseignement s'effectue par libre choix des parents. Quant au programme dispensé dans les établissements français, il est similaire à celui prévalant en France même.

La commission a ensuite adopté le projet de loi.

Traités et conventions - Protocole et convention relatifs à l'entraide judiciaire en matière pénale entre les Etats membres de l'Union européenne - Examen du rapport

La commission a examiné le rapport de M. Jacques Peyrat sur les projets de loi, adoptés par l'Assemblée nationale :

. n° 82 (2004-2005) autorisant l'approbation du protocole à la convention relative à l'entraide judiciaire en matière pénale entre les Etats membres de l'Union européenne conformément à l'article 34 du traité sur l'Union européenne ;

. n° 83 (2004-2005) autorisant l'approbation de la convention établie par le Conseil conformément à l'article 34 du traité sur l'Union européenne relative à l'entraide judiciaire en matière pénale entre les Etats membres de l'Union européenne.

M. Jacques Peyrat, rapporteur, a tout d'abord indiqué que la France avait tardé à ratifier les deux conventions soumises à l'examen du Sénat. Ce retard est d'autant plus regrettable que ces textes représentent une étape importante de la coopération européenne en matière judiciaire et apportent aux magistrats des outils de travail indispensables. Il a signalé que ces textes s'appliqueraient également à la Norvège et à l'Islande sans qu'une nouvelle intervention du Parlement soit nécessaire, sur la base d'un accord avec l'Union européenne fondé sur l'article 24 du Traité. A cette occasion, le Conseil d'Etat, livrant une interprétation restrictive de la notion d'obligation constitutionnelle, a considéré que la ratification parlementaire n'était pas nécessaire.

Le rapporteur a ensuite observé que l'accélération de la circulation des personnes et des biens, des capitaux et des informations, rendue possible par la mondialisation, n'avait pas seulement contribué à l'augmentation des échanges économiques, mais aussi au développement du caractère transnational de la criminalité. Ce constat est particulièrement clair au sein de l'Union européenne, où la création d'un espace économique intégré ne s'est pas accompagnée d'une intégration suffisante en matière judiciaire.

M. Jacques Peyrat, rapporteur, a souligné que six années de négociation avaient été nécessaires pour parvenir aux textes examinés et que plus de cinq ans après leur signature, ils n'étaient toujours pas entrés en vigueur. Seules huit ratifications suffisent cependant à l'entrée en vigueur de ces deux textes, adoptés sur le fondement de l'article 34 du Traité d'Amsterdam. Il a noté que les dispositions les plus récentes et les plus novatrices en matière de justice, comme le mandat d'arrêt européen, avaient été prises sur le fondement d'un autre instrument juridique prévu par le Traité d'Amsterdam, la décision cadre, qui lie les Etats-membres entre autres objectifs tout en leur laissant le soin de définir les modalités.

La convention d'entraide judiciaire en matière pénale et son protocole complètent un dispositif existant, composé notamment de la convention d'entraide judiciaire européenne de 1959 et de la convention d'application des accords de Schengen de 1990. Ces deux textes élargissent le champ de l'entraide judiciaire, en améliorent les procédures et en modernisent les instruments.

M. Jacques Peyrat, rapporteur, a indiqué que l'entraide judiciaire pouvait être demandée, non seulement pour des enquêtes en matière pénale, mais également sur des faits qui peuvent faire l'objet de sanctions administratives. En matière de procédure, la convention améliore les procédures d'entraide sur deux points principaux. Elle consacre le principe de l'entraide judiciaire directe en prévoyant la transmission des demandes d'autorité judiciaire à autorité judiciaire.

Elle prévoit l'application de la procédure de l'Etat requérant en obligeant les Etats-membres à se plier à des formes procédurales étrangères pourvu qu'elles ne soient pas contraires à leurs principes fondamentaux, ce qui permettra d'assurer la légalité de la collecte des preuves demandées.

M. Jacques Peyrat, rapporteur, a évoqué la modernisation des instruments de l'entraide par la Convention, qui vise de façon précise un certain nombre de techniques. La convention prévoit ainsi que l'entraide peut prendre la forme de livraisons surveillées, c'est-à-dire du suivi dans plusieurs pays d'une cargaison frauduleuse pour tenter d'en interpeller le destinataire, ou encore rend possible l'infiltration d'un fonctionnaire de police ou des douanes dans un autre pays afin de démanteler une organisation criminelle. La convention ouvre également la possibilité de constituer des équipes communes d'enquêtes pour mener des investigations dans deux pays ou plus, selon des procédures simplifiées et avec une mise en commun des données recueillies.

M. Jacques Peyrat, rapporteur, a mentionné le recours aux nouvelles technologies dans les moyens prévus par la Convention, notamment la vidéo conférence et le recours aux interceptions de télécommunications. Sur ce dernier point, la Convention définit un équilibre en facilitant le recours aux interceptions, tout en garantissant un meilleur respect des législations nationales. Toute interception devra être soumise à la loi du pays où elle est effectuée.

M. Jacques Peyrat, rapporteur, a ensuite évoqué les stipulations du protocole de 2001 qui représente une avancée importante en matière de lutte contre le blanchiment. Il a précisé que le Protocole prévoyait que les secrets bancaire et fiscal ne pouvaient jamais être opposés comme motif de refus d'entraide. Le protocole impose aux Etats-membres d'organiser un fichier centralisé des comptes bancaires en vue de pouvoir fournir dans certains cas la liste des comptes détenus par une personne sur son territoire.

En conclusion, le rapporteur a considéré que ces deux textes mettaient en place des outils indispensables à une action efficace des autorités judiciaires pour répondre au défi lancé, par la criminalité organisée, à l'espace de liberté que constitue l'Union européenne. Il a estimé que ce défi appelait des réponses juridiques, mais aussi une amélioration des pratiques qui porte sur la disposition des Etats à coopérer sur l'amélioration de la formation des magistrats, mais aussi sur leur pratique linguistique. Il a ensuite recommandé l'adoption des deux projets de loi.

M. Jean-Guy Branger s'est interrogé sur les raisons qui avaient conduit la France à ratifier aussi tardivement ces deux textes.

M. Jacques Peyrat, rapporteur, a indiqué que la Convention et son Protocole avaient nécessité des adaptations du droit interne français, réalisé par la loi dite « Perben II » du 9 mars 2004 et que la France serait ainsi le sixième pays à les ratifier.

M. Serge Vinçon, président, a souligné qu'en raison d'un ordre du jour parlementaire chargé, l'examen des conventions internationales prévu par la conférence des présidents était fréquemment reporté.

M. Jacques Peyrat, rapporteur, a précisé que parmi les Etats ayant déjà ratifié la convention et son protocole, ne figuraient à ce jour ni le Royaume-Uni, ni l'Allemagne, ni l'Italie.

M. Robert Del Picchia a souhaité savoir si la Commission nationale informatique et libertés (CNIL) avait été consultée sur les stipulations relatives aux comptes bancaires et si ces stipulations pouvaient être applicables à la Suisse et à Jersey.

M. Jacques Peyrat, rapporteur, a précisé que la France satisfaisait déjà aux obligations prévues par la Convention et son Protocole en matière de fichier centralisé des comptes bancaires, et qu'en conséquence une nouvelle intervention de la CNIL n'était pas nécessaire. Ces dispositions ne sont pas applicables à la Suisse, non membre de l'Union européenne. Quant à Jersey, territoire au statut particulier de rattachement direct à la couronne, le gouvernement britannique a, lors de la signature des accords, formulé une déclaration les rendant applicables aux îles anglo-normandes.

Mme Hélène Luc a également regretté, avec le rapporteur, le caractère tardif de la ratification française.

M. Jacques Peyrat, rapporteur, estimant que le déficit de coopération judiciaire posait de grandes difficultés aux magistrats instructeurs, y compris pour des affaires élucidées, a insisté sur l'intérêt de la convention et de son protocole. Il a considéré que la concurrence entre différents types de droit et l'attachement de chacun des pays à ses traditions constituaient un frein notable.

Puis la commission a adopté les deux projets de loi.

Traités et conventions - Accord France - Roumanie sur l'emploi salarié des personnes à charge des membres des missions officielles d'un Etat dans l'autre - Examen du rapport

Puis la commission a examiné le rapport de M. Jean-Guy Branger sur le projet de loi n° 88 (2004-2005), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Roumanie sur l'emploi salarié des personnes à charge des membres des missions officielles d'un Etat dans l'autre.

Le rapporteur a rappelé que les dispositions des conventions de Vienne de 1961 et 1963, établissant des privilèges et immunités pour les personnels diplomatiques, conduisaient à l'impossibilité de droit et de fait, pour les conjoints, d'avoir un emploi salarié dans le pays de résidence. Cependant, l'évolution des modes de vie conduit ces conjoints à aspirer de façon croissante à occuper de tels emplois, particulièrement en cas de nomination dans des pays à haut niveau de vie, comme la France. C'est d'ailleurs à la demande de la Roumanie que la présente convention a été conclue en 2003, sur le modèle d'un accord-cadre établi par le ministère des affaires étrangères. Cet accord bénéficiera à une trentaine de personnes, tant en France qu'en Roumanie.

M. Jean-Guy Branger, rapporteur, a souligné que des accords de ce type facilitaient la gestion du personnel diplomatique, tant français qu'étranger, et a donc recommandé l'adoption de la présente convention.

M. André Boyer s'est interrogé sur la nature des cotisations sociales et de retraite dues par ces personnels, lorsqu'ils occupent un emploi salarié.

En réponse, M. Jean-Guy Branger, rapporteur, a précisé que ces personnes étaient assimilées aux autres salariés en tous domaines.

La commission a adopté le présent projet de loi.

Traités et conventions - Accord France-Colombie relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure - Examen du rapport

Puis la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Michel Guerry, sur le projet de loi n° 430 (2003-2004) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Colombie relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure.

M. Michel Guerry, rapporteur, a rappelé que la France a déjà conclu avec plus d'une vingtaine de pays des accords de coopération en matière de sécurité intérieure, comparables à l'accord franco-colombien du 22 juillet 2003. Ils visent à donner une base juridique aux relations entre services de sécurité français et étrangers, qu'elles s'exercent dans le cadre de programmes d'assistance technique ou d'une coopération dite « opérationnelle », portant sur le traitement d'affaires criminelles déterminées.

S'agissant de la Colombie, le rapporteur a indiqué que ce pays est le premier producteur mondial de cocaïne. A la suite des mesures prises par les États-Unis, le trafic tend à se reporter sur l'Europe, où la consommation s'est accrue ces dernières années. Les organisations colombiennes sont également présentes sur d'autres types d'activités criminelles, notamment les filières d'immigration clandestine et le faux-monnayage.

L'accord, a estimé le rapporteur, présente donc un intérêt pour la France, afin de mieux traiter, « en amont », cette délinquance à dimension transnationale. Il répond également à une forte demande de la Colombie, qui attend beaucoup de la coopération internationale pour l'aider à lutter contre toutes les formes d'insécurité sur son territoire.

Le rapporteur a rappelé que la Colombie est confrontée, depuis des décennies, à un conflit interne alimenté par des groupes armés contrôlant des régions entières du pays. Ces groupes armés ont pris le contrôle d'une large part de la production et de la commercialisation de la cocaïne, surtout depuis le démantèlement des grands cartels de la drogue, au début des années 1990. Ils disposent de ressources financières considérables provenant de ce trafic de drogue, mais aussi d'autres activités criminelles, comme les enlèvements contre rançon.

Depuis une vingtaine d'années, a poursuivi le rapporteur, alternent les tentatives d'accord de paix et les reprises d'hostilités. Un premier cessez-le-feu était intervenu en 1984, mais l'échec de la négociation d'un accord politique a entraîné une reprise du conflit en 1990. Dès son élection en 1998, le Président Pastrana avait entamé à son tour des négociations avec les FARC, principal mouvement armé. Un accord appuyé par la communauté internationale fut conclu en février 2001, mais, en février 2002, les négociations furent de nouveau rompues, et le Président Pastrana a autorisé les forces armées à reprendre le contrôle de la vaste zone démilitarisée qui avait été instaurée.

L'année 2002 a marqué une inflexion de la politique gouvernementale, avec l'élection du Président Uribe, tenant d'une politique de fermeté à l'égard des guérillas et du narcotrafic. Cette politique s'appuie sur un renforcement des moyens des forces de sécurité, avec le recrutement de 30 000 soldats professionnels et la création de milices rurales, ainsi que sur l'adoption d'une loi antiterroriste donnant aux forces armées des pouvoirs de police judiciaire dans les zones retirées du pays.

La politique du Président Uribe bénéficie d'un appui considérable des États-Unis. L'administration Clinton s'était associée, en 1999, au « plan Colombia », ensemble de mesures destinées à lutter contre le narcotrafic. L'administration Bush a réorienté son aide, qui ne fait désormais plus de distinction entre lutte contre la guérilla et lutte contre le trafic de drogue. L'aide américaine se traduit par la présence d'environ 600 conseillers civils et militaires et un important appui en matériel, notamment la livraison d'aéronefs destinés aux aspersions des cultures illicites et d'une soixantaine d'hélicoptères de protection et de combat. Au total, la Colombie reçoit actuellement des États-Unis environ 600 millions de dollars par an.

Le rapporteur a noté que la politique de fermeté engagée par le Président Uribe a obtenu des résultats réels. La violence recule, le nombre d'homicides et d'enlèvements est en diminution, la sécurité des axes de communication s'est notablement renforcée. Au-delà de ces résultats, certaines difficultés demeurent. Sur le plan de la drogue, certains groupes illégaux ont reporté leurs activités sur les pays voisins, comme le Panama ou le Venezuela. La démobilisation des paramilitaires pose la question de l'éventuelle impunité de ceux d'entre eux qui ont commis des exactions ou sont impliqués dans des activités criminelles. Par ailleurs, au début du mois de février, les FARC ont mené des attaques meurtrières pour tenter de reprendre les zones abandonnées par les paramilitaires. Enfin, a déploré le rapporteur, il n'y a pas, pour le moment, de perspectives de solutions négociées, et donc de sortie du conflit, le gouvernement voulant éviter toute concession excessive au profit des rebelles. Ainsi, le projet d'échange entre une cinquantaine de guérilleros emprisonnés et la soixantaine d'otages politiques séquestrés, dont Ingrid Betancourt, bute sur l'exigence des FARC d'obtenir une zone démilitarisée pour négocier et réaliser cet échange.

M. Michel Guerry, rapporteur, a ensuite décrit l'accord signé le 22 juillet 2003, lors de la visite de Nicolas Sarkozy à Bogota, qui vise à encadrer et à relancer une coopération mise en place depuis une quinzaine d'années, comportant deux volets. La coopération technique passe par des actions de formation pratique et théorique de personnels, particulièrement dans le domaine de la lutte contre la drogue. La coopération opérationnelle vise à combattre, par l'échange de renseignements et d'informations, la criminalité transnationale organisée à destination de notre pays, notamment le trafic de drogues et le blanchiment, la falsification de l'euro et des visas Schengen, ainsi que l'immigration irrégulière et le trafic de personnes.

Cette coopération s'appuie sur les attachés de police français et officiers de liaison en poste à Bogota. L'accord du 22 juillet 2003 définit les principes généraux de cette coopération et de l'assistance mutuelle en matière de sécurité intérieure. Il en détaille les diverses modalités, notamment l'établissement de moyens de communication institutionnels permanents entre les unités compétentes pour les différentes activités criminelles, l'échange régulier d'informations relatives aux activités des organisations criminelles, la fourniture d'équipements et de technologies utilisés dans la prévention et la lutte contre les activités criminelles, l'établissement de mécanismes de coordination lors d'investigations conjointes réalisées contre les organisations criminelles.

L'accord comporte des stipulations spécifiques relatives à la lutte contre le trafic illicite des précurseurs chimiques pouvant être détournés en vue de la production de stupéfiants et au trafic d'armes et de munitions au profit des organisations se livrant au trafic de stupéfiants.

Concluant, le rapporteur a invité la commission à adopter le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord de coopération franco-colombien.

A M. André Boyer qui l'interrogeait sur le rôle de l'Union européenne pour le développement des cultures de substitution, M. Michel Guerry, rapporteur, a indiqué qu'au contraire des Etats-Unis qui s'attachaient surtout à la destruction des champs de coca, l'Union européenne, comme d'ailleurs l'ONU, s'efforçaient d'inciter les paysans colombiens à des cultures alternatives.

M. Josselin de Rohan a interrogé le rapporteur sur l'existence d'une coopération judiciaire entre la France et la Colombie, relevant que de nombreux trafiquants colombiens étaient extradés vers les Etats-Unis pour y être jugés et y purger leur peine.

M. Michel Guerry, rapporteur, a indiqué qu'une convention d'entraide judiciaire avait été conclue entre la France et la Colombie et qu'une convention bilatérale d'extradition était à l'étude.

Puis la commission a adopté le projet de loi.