Travaux de la commission des affaires étrangères



Mercredi 13 avril 2005

- Présidence de M. Serge Vinçon, président -

Union européenne - Politique de défense européenne - Table ronde

Lors d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a entendu, au cours d'une table ronde sur la politique de défense européenne, tenue conjointement avec la délégation pour l'Union européenne :

- Mme Sylvie Bermann, ambassadeur, représentant de la France auprès de l'Union de l'Europe occidentale et du Comité politique et de sécurité de l'Union européenne ;

- le Général Jean-Paul Perruche, directeur de l'état-major militaire de l'Union européenne ;

- M. Jacques Bayet, directeur de l'Agence européenne de défense ;

- et M. Alain Richard, ancien ministre de la défense.

Après les propos introductifs de M. Serge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, et de M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne, Mme Sylvie Bermann, ambassadeur, représentant de la France auprès de l'Union de l'Europe occidentale et du Comité politique et de sécurité de l'Union européenne,a souligné combien la construction d'une défense européenne était une composante essentielle de l'essor de l'Union européenne. Ce secteur est très nouveau, puisque son acte fondateur date du Sommet européen de Cologne de juin 1999, mais cette défense européenne est devenue opérationnelle en quelques années. Il s'agit aussi d'un processus très dynamique et de nouvelles décisions sont prises chaque mois, concernant les capacités comme les opérations. L'objectif est enfin porteur car l'Union, ainsi dotée d'un outil militaire, est davantage prise au sérieux aux Etats-Unis. La récente visite du Président Bush au Conseil européen démontre cette nouvelle vision d'une Union européenne, acteur sur la scène internationale.

La France dispose aussi, dans ce domaine, d'une influence déterminante et incontestée, ayant été à l'origine de nombre des concepts de la défense européenne et y consacrant des capacités significatives. De plus, la politique de défense européenne bénéficie d'un intérêt soutenu de l'opinion publique.

Les institutions de la défense européenne en sont désormais à la deuxième génération, qu'il s'agisse de l'Etat-major de l'Union européenne, du Comité militaire ou du Comité politique et de sécurité, cheville ouvrière décisionnelle à laquelle est confiée, par le Conseil, une délégation de pouvoir lui permettant de prendre une décision dont l'effet est immédiat : ainsi l'opération Artémis, au Congo, a été mise en oeuvre 15 jours après la demande formulée à M. Javier Solana par le Secrétaire général de l'ONU.

Les institutions intégrées sont renforcées : ainsi du Secrétariat et de l'unité politique, dotés d'une direction « défense » et d'une direction « gestion civile des crises ». Le centre de situation fonctionne 24 h sur 24 et dispose d'une cellule de renseignements, extérieurs et intérieurs, ce qui est essentiel pour l'évaluation des risques avant le lancement d'opérations, ainsi que pour la lutte contre le terrorisme et la prolifération. Quant au centre satellitaire de Torrejon, source d'imagerie disponible pour l'Union mais aussi l'ONU, il est en cours de réforme.

De plus, la défense européenne repose sur une stratégie commune de sécurité, qui constitue un cadre essentiel où s'inscrit toute l'action internationale de l'Union, base d'une « Europe-puissance », même si le terme lui-même est récusé par nombre de nos partenaires.

L'Union européenne bénéficie donc, en matière de défense, d'institutions efficaces et de réels moyens capacitaires. Fondée initialement sur l'objectif quantitatif défini au Conseil européen d'Helsinki de décembre 1999, elle tend désormais vers un objectif qualitatif, tourné vers la réaction rapide et basé sur l'interopérabilité et le déploiement rapide des forces engagées. C'est dans ce cadre qu'a été proposé le concept des « groupements tactiques 1.500 hommes», auquel 21 Etats membres ont décidé de participer, dans un cadre soit national, soit multilatéral.

Cette défense européenne monte également progressivement en puissance sur le plan opérationnel : 450 hommes ont été engagés pour l'intervention en Macédoine, mais près de 2.000 pour l'opération Artémis au Congo et 7.000 pour la mission Althéa en Bosnie. Les Nations unies traversent une phase difficile, dans la mesure où les pays occidentaux participent de moins en moins à leurs opérations de maintien de la paix. L'opération européenne Artémis, où la France avait la qualité de « nation-cadre », a donc permis d'aider les Nations unies et defavoriser une opération des Nations unies beaucoup plus robuste. D'une façon générale, des relations de travail régulières se développent entre l'Union européenne et l'ONU, et avec l'OSCE (sur la Moldavie et la Géorgie), mais aussi avec l'Union africaine, notamment sur le Darfour.

Mme Sylvie Bermann a insisté sur le caractère indispensable de l'aspect civilo-militaire. En effet, ainsi que le démontre la situation irakienne, la force militaire seule ne suffit pas. La dimension de maintien de l'ordre, de sécurisation, de lutte contre la criminalité organisée accompagne les opérations militaires. Ce type d'action existe ainsi en Bosnie, en Macédoine et au Congo dans le cadre d'une mission de police de l'Union européenne.

L'Union européenne développe également d'autres domaines comme, en Georgie, la réforme judiciaire, et de même le Comité politique et de sécurité (COPS) a décidé récemment la mise en place d'un nouveau dispositif d'aide à la réforme du secteur de sécurité au Congo. Enfin les missions de Petersberg sont élargies dans le projet de Traité constitutionnel à tout ce qui relève de la démocratisation durable : formation de lapolice, des forces armées, désarmement et réinsertion.

Qu'en est-il, a poursuivi Mme Sylvie Bermann, des réactions des Etats membres de l'Union face à l'émergence d'une véritable défense européenne ? Les Britanniques restent soucieux de maintenir le lien transatlantique à travers, notamment, l'accord  « Berlin-plus », qui permet à l'Union européenne d'avoir accès aux moyens collectifs de l'OTAN mais qui risque parfois d'offrir un droit de regard, de cette dernière et des Etats-Unis, sur l'Union européenne. Les pays neutres ont évolué, notamment à l'occasion de la mission Artémis, qui a légitimé la défense européenne auprès de leur opinion. Quant aux nouveaux Etats membres, en dépit d'un postulat de départ très atlantiste, ils souhaitent aujourd'hui participer à l'ensemble des développements de la défense européenne.

Même si leurs intérêts de politique étrangère restent différents par rapport à ceux de la France, l'implication de l'Union dans ce qui relève de l'ancien espace soviétique est perçue par eux avec beaucoup d'intérêt.

Le projet de Constitution européenne constituera une étape positive pour la défense européenne, car l'Union européenne, renforcée institutionnellement, sera plus crédible en ce domaine. La nomination d'un ministre européen des affaires étrangères doté d'un service diplomatique, qui sera également ministre de la défense, constitue la disposition la plus importante. Aujourd'hui déjà l'action de Javier Solana est reconnue, comme l'a démontrée son intervention dans les Balkans et en Ukraine au nom de l'Union européenne. Il préside les réunions mensuelles du COPS et de l'OTAN, où son influence est grande face au Secrétaire général de l'OTAN. La mise en place de l'Agence européenne de défense a par ailleurs précédé l'adoption du traité constitutionnel, tout comme l'élargissement des missions de Petersberg, ou l'instauration de la clause de solidarité contre les attentats terroristes et les catastrophes naturelles. La Constitution consolidera ces avancées.

Enfin la clause de défense mutuelle, reprise des dispositions du Traité de l'UEO, et les coopérations structurées et renforcées permettront à des pays d'aller plus loin ensemble dans le domaine de la défense et constitueront un facteur mobilisateur et d'entraînement pour l'ensemble des partenaires européens.

Mme Sylvie Bermann a conclu que l'on pouvait être optimiste sur les progrès à long terme de la défense européenne. Les situations de court terme sont parfois difficiles à gérer, mais il est parfois plus facile d'arriver à un accord sur des problèmes concrets que sur de grands objectifs théoriques. Mme Sylvie Bermann a évoqué enfin d'éventuelles actions de police qui pourraient être menées dans l'avenir, au Kosovo, voire en Palestine.

M. Alain Richard, ancien ministre de la défense, a tout d'abord observé que l'Union européenne fonctionnait selon un « principe de routine » et que, par conséquent, le fait d'avoir créé une « routine » en matière de défense était très important. Les institutions permettent une confrontation quotidienne entre vingt-cinq traditions de souveraineté et de politique étrangère et de défense différentes et créent une certaine harmonisation. Il a souligné que, sur de nombreux sujets, les positions des Etats membres en matière de politique étrangère s'étaient notablement rapprochées au cours des vingt dernières années.

Il a mis en garde contre un travers de la vision française de l'Europe, qui consiste à considérer que la France définit ce que doit être la politique européenne et fait ensuite oeuvre de pédagogie auprès de ses partenaires. La construction d'une politique européenne de défense suppose en effet un effort d'écoute et de prise en compte de la vision de nos partenaires. Les Britanniques ont ainsi acquis un savoir-faire de « management » des relations intra-européennes, qui produit des résultats et dont il convient de s'inspirer.

Il a ensuite remarqué qu'un des points susceptibles de réunir un consensus européen était la capacité de l'Union européenne à apporter un soutien à l'organisation des Nations unies. La contribution de l'Union européenne à la crédibilité des opérations de maintien de la paix des Nations unies est essentielle. En effet, l'Union européenne peut peser pour rendre l'ONU crédible. Il a ajouté qu'une évolution était nécessaire dans la définition par les Etats membres de leur « horizon » de politique étrangère. Les situations sont actuellement très variées entre les Etats dont la politique étrangère se projette soit à l'échelle mondiale, soit à un niveau strictement régional ou encore, dans la plupart des cas, à un niveau intermédiaire. Le soutien des Européens à l'ONU peut ainsi contribuer à élargir l'horizon diplomatique de certains de nos partenaires.

M. André Rouvière a souhaité savoir si une adhésion à l'OTAN pourrait s'effectuer un jour au travers de l'Union européenne afin de permettre aux Etats ne souhaitant pas ou ne pouvant pas s'impliquer financièrement, de participer à la construction de capacités militaires par le biais de l'Union européenne. Il a également souhaité savoir si la fonction de ministre de la défense que devrait assurer le ministre des affaires étrangères de l'Union européenne était inscrite comme telle dans le Traité constitutionnel.

Mme Sylvie Bermann, ambassadeur, représentant de la France auprès de l'Union de l'Europe occidentale et du Comité politique et de sécurité de l'Union européenne, a considéré que le fait pour l'Union européenne, en tant que telle, d'adhérer à l'OTAN ne présentait pas d'intérêt et que l'objectif stratégique de la France était mieux porté par l'Union européenne que par l'OTAN. La France dispose d'une influence déterminante, certes partagée avec le Royaume Uni, au sein de l'Union européenne dont elle ne jouit pas dans les instances de l'OTAN. L'objectif final est celui d'une véritable autonomie de l'Union européenne.

Le terme de ministre de la défense ne figure pas en tant que tel dans le traité, mais tel est bien le rôle que jouera le ministre des affaires étrangères pour la politique étrangère et de sécurité commune. Il présidera le conseil des affaires étrangères et les réunions des ministres de la défense, sera l'interlocuteur naturel du secrétaire général des Nations unies et de l'OTAN et jouera de fait le rôle de ministre de la défense. La position personnelle de M. Javier Solana, qui sera le premier titulaire du poste, sur l'autonomie de décision de l'Union européenne et son rôle d'acteur global, devrait ajouter à la capacité d'influence de cette fonction.

M. Robert Del Picchia a estimé que si sa politique de défense se développait, l'Europe aurait besoin un jour d'un véritable ministre de la défense. Il a relevé la réticence de certains Etats membres à s'engager davantage dans les efforts de défense pour des considérations budgétaires. On observe un consensus sur les objectifs, mais peu de volontarisme s'agissant des efforts budgétaires. Il a souhaité enfin savoir quelles limites fixer à l'intervention de l'Union européenne, alors que les crises se multiplient partout dans le monde.

M. Hubert Haenel a souhaité savoir quelle était la position de la France sur la structure et le périmètre du futur service diplomatique européen au sujet duquel la position des différentes institutions européennes diverge.

M. Yves Pozzo di Borgo s'est interrogé sur les critères définis pour l'intervention de l'Union européenne à l'extérieur et a évoqué la possibilité d'une intervention européenne au Darfour.

Mme Hélène Luc a souligné le besoin de coopération européenne en matière de défense et a insisté sur la nécessité de préserver l'autonomie de décision française pour la défense et la sécurité de son territoire. Elle a considéré que l'Europe devait se garder d'une compétition avec les Etats-Unis sur l'augmentation des crédits militaires et se borner à une conception défensive de son rôle. Evoquant le degré de convergence entre les politiques étrangères des Etats membres, elle a considéré que la guerre d'Irak avait été l'occasion de dissensions très importantes. Elle a enfin exprimé la nécessité, pour la France, de préserver son indépendance et la maîtrise de son destin.

M. Philippe Nogrix a considéré que l'Union européenne n'était pas encore sortie d'un état de dépendance à l'égard des Etats-Unis, lié aux modes de fonctionnement de l'Alliance atlantique. Faisant référence à la contribution financière de certains Etats membres au développement de l'avion de combat américain F35, il a évoqué les difficultés rencontrées par les armements européens à l'export ainsi que le déficit de capacités, notamment pour le transport stratégique, et la nécessité d'élaborer une vision prospective pour garantir l'autonomie des capacités de la défense européenne, comme en matière de drones ou dans le dossier Galiléo.

Mme Alima Boumediene-Thiery a souhaité savoir quelle différence sensible marquerait le traité constitutionnel entre les pouvoirs de l'actuel Haut Représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune et le futur ministre des affaires étrangères de l'Union européenne. Evoquant le Sommet des Quatre qui réunit en 2003 à Bruxelles la Belgique, la France, l'Allemagne et l'Espagne, elle a souhaité savoir quelles avaient été les suites de cette ébauche de coopération renforcée. Elle a enfin déploré l'absence totale de l'Europe dans le débat sur le « grand Moyen-Orient ».

Mme Sylvie Bermann a apporté les éléments de réponse suivants :

- la question budgétaire est effectivement importante pour la défense européenne et les budgets de défense des Etats membres sont plutôt orientés à la baisse. L'une des missions de l'Agence européenne de défense est de faire en sorte que la dépense militaire européenne soit plus efficace ;

- les critères d'interventions extérieures de l'Union européenne ne sont pas prédéfinis. Ces interventions sont conditionnées par la conjugaison de l'intérêt de l'Union européenne face à une situation de crise et d'une volonté politique d'intervenir ainsi que des limites en matière de capacité de projection. Certes l'Afrique, le Proche-Orient et le voisinage oriental de l'Union européenne restent prioritaires. Mais il n'est pas dans la vocation de l'Union européenne de se substituer à l'ONU ou à l'Union africaine qui s'efforce désormais de régler elle-même ses crises régionales ;

- le développement de capacités autonomes de l'Union européenne en matière de défense vise précisément à limiter la dépendance de l'Europe à l'égard des Etats-Unis et de l'OTAN. L'opération Artémis au Congo en est l'exemple type. Il y va également de la responsabilité morale de l'Europe d'intervenir lorsque des crises se déclenchent dans le monde ;

- la défense européenne est encore une notion très neuve, ce qui explique qu'elle privilégie d'autres moyens d'actions que le « Hard Power ». Les insuccès rencontrés par les entreprises européennes d'armement à l'export sont souvent dus à la compétition d'offres européennes concurrentes, ce qui a été le cas lors du choix polonais effectué finalement en faveur des avions américains F16 ;

- la capacité en matière de drones fait partie du programme opérationnel de l'Agence européenne de défense. L'accord sur Galiléo est un succès pour l'UE, même si son utilisation pour la PESD n'est pas encore clairement définie. En matière de transport stratégique, le constat d'un déficit de capacité est également valable au sein de l'OTAN et, pour ce qui la concerne, l'Union européenne devra s'employer à le combler ;

- il faut reconnaître que l'action du ministre des affaires étrangères de l'Union européenne sera limitée si elle ne rencontre pas l'accord des « grands pays ». A cet égard, la guerre d'Irak, qui a interdit toute marge de manoeuvre à M. Javier Solana, dans la mesure où les principaux Etats membres n'étaient pas d'accord entre eux, a laissé un traumatisme profond, et les Européens souhaitent éviter la répétition d'un tel scénario ;

- le Sommet des Quatre, organisé en pleine guerre d'Irak, a été mal perçu mais plusieurs initiatives prises alors sont en phase de réalisation, notamment l'idée d'un Etat-major européen, contestée fortement au début par les Etats-Unis : finalement une cellule civilo-militaire pouvant générer un centre d'opération est en cours d'installation. Par ailleurs, ce sommet a lancé l'idée très importante d'un collège européen de défense pour diffuser une culture commune dans ce domaine ;

- le projet américain de « grand Moyen-Orient » est aujourd'hui beaucoup plus équilibré et plus sage que dans sa version originale et chaque institution conserve le contrôle de sa politique méditerranéenne, notamment l'Union européenne ;

- la définition des contours du futur service diplomatique fait l'objet d'un conflit entre la Commission et le Conseil. Elle pose la question de la communautarisation de la politique étrangère, voulue de longue date par la Commission mais que compromet le développement de la politique de défense. La commission perçoit donc avec beaucoup d'inquiétudes la création de ce service diplomatique. La question des quotas pour la nationalité des personnels, posée par les « petits pays » qui ne souhaitent pas être marginalisés dans le processus, avait déjà été soulevée lors de la création de l'Unité politique instituée près du Haut Représentant. In fine, les meilleurs éléments sont restés, indépendamment des questions de nationalité. Il convient d'ailleurs de noter la grande qualité des documents issus de cette unité dont le contenu est très orienté vers la décision et l'action ;

- au Darfour, l'Union européenne n'est pas restée inactive, elle apporte une aide discrète et un appui financier très substantiel (92 millions d'euros) à l'Union africaine dont le rôle, dans cette première opération qu'elle conduit, est prédominant. Les institutions européennes souhaitent d'ailleurs promouvoir la prise en main par l'Union africaine de la gestion de crise sur le continent africain.

M. Alain Richard a souligné que chaque Etat membre conservait la maîtrise de sa politique de défense qui repose, en France, sur la dissuasion nucléaire. Mais la question est davantage celle de la capacité française à peser sur les grands dossiers stratégiques mondiaux, en s'y engageant de façon constante et convaincue avec nos vingt-quatre partenaires, avec l' « autolimitation » qu'un tel engagement implique, plus qu'en construisant des partenariats sélectifs et de circonstances. L'engagement de la France doit donc être durable et continu si elle souhaite donner à l'Europe la capacité d'être un des éléments-clés de la régulation mondiale.

Il a estimé qu'une décision d'engagement dans une zone de crise reposait à chaque fois sur un jugement d'opportunité qui doit être partagé par les gouvernements. Il existe, de fait, un mécanisme implicite d'abstention constructive mais dans certains cas (il s'agit là d'une des limites du multilatéralisme), l'engagement peut se révéler impossible. Le risque militaire, en effet, n'emporte pas seul la décision des Etats qui considèrent également le risque éthique, dans les cas où ils ont pu avoir de mauvaises expériences lors d'opérations de gestion de crises antérieures.

Il a considéré que les inégalités entre Européens en termes d'équipements étaient certes très importantes, mais en matière de fonctionnement des armées et de ressources humaines, les écarts ne sont pas aussi significatifs. Or les équipements ne sont pas toujours seuls déterminants. Les opérations extérieures nécessitent un engagement de longue durée, très consommateur d'effectifs. A cet égard, les Européens ont raison de conserver des forces nombreuses qui permettent de tenir durablement sur un terrain, ce que les Etats-Unis ne sont pas en mesure de faire aujourd'hui. Il a également estimé que, devant la disparité, en Europe, des niveaux d'engagements financiers en faveur de la défense et de la sécurité, la discussion ne manquerait pas d'être développée sur ce thème, comme cela a déjà été le cas lors de la révision des contraintes liées au Pacte de stabilité et de croissance.

Il a souligné que, sur le plan économique, l'Europe-puissance existait déjà. En matière économique en effet, les Européens ont déjà développé une mentalité de « résistance » à l'égard des Etats-Unis. C'est ce qui explique d'ailleurs que le programme Galiléo a été décidé essentiellement pour des questions industrielles, bien plus que pour des motifs d'autonomie stratégique.

Mme Sylvie Bermann a fait valoir que la mise en place d'opérations européennes de gestion de crises ne permettait pas de partager seulement le risque militaire, mais également le risque politique, et que cette « valeur ajoutée » permise par des opérations européennes était essentielle.

Le général Jean-Paul Perruche, directeur de l'état-major militaire de l'Union européenne, a ensuite présenté le rôle et les activités de son état-major, les différentes opérations conduites par l'Union européenne et les perspectives d'évolution des capacités militaires de cette dernière.

L'état-major militaire de l'Union européenne (EMUE) a été créé par décision du Conseil des chefs d'Etat et de gouvernement lors du sommet de Nice, en décembre 2000, et il a commencé sa montée en puissance à partir de 2001. Il s'agit de l'unique structure militaire intégrée européenne. Il se compose d'environ 150 personnes constituées pour l'essentiel d'officiers supérieurs. L'EMUE appartient au secrétariat général auprès du Conseil, placé sous la responsabilité du Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune, M. Javier Solana. Il travaille également sous la tutelle du Comité politique et de sécurité (COPS) et du Comité militaire de l'Union européenne, instances qui représentent les 25 Etats membres de l'Union.

Le général Jean-Paul Perruche a décrit les différentes tâches permanentes de l'EMUE.

Celui-ci est d'abord chargé de doter l'Union européenne d'une capacité d'alerte rapide. Pour ce faire, et grâce à une division « renseignement » alimentée par les informations en provenance des Etats membres, il établit et met à jour une liste des théâtres de crise potentiels qui est périodiquement soumise au COPS.

L'EMUE procède également à l'évaluation des situations sur ces différents théâtres, en vue d'une planification permettant le cas échéant de soumettre des options aux autorités politiques de l'Union européenne. On distingue la planification avancée, fondée sur des scénarios de crise génériques correspondant à une situation-type ne concernant aucun pays donné, et la planification de circonstance qui s'applique pour sa part à une situation bien déterminée, mais qui n'est mise en oeuvre que sur instruction des autorités politiques.

L'EMUE est fortement impliqué dans le processus de développement des capacités militaires nécessaire à la réalisation des objectifs que l'Union européenne s'est fixés, à savoir pouvoir déployer 60.000 hommes sous deux mois de préavis pour une durée d'un an. Un objectif de capacités militaires adaptées aux situations de crise prévisibles a été établi pour l'horizon 2010. Il met l'accent sur les capacités de réaction rapide, ainsi que de déploiement et de soutien logistique à longue distance. L'EMUE identifie les lacunes et propose des initiatives en vue de les combler.

Enfin, l'EMUE a établi de nombreuses relations avec des organisations internationales et des pays tiers. Avec l'OTAN, les relations sont régies par les accords dits « Berlin plus » qui permettent à l'Union européenne de recourir aux moyens de l'OTAN et comportent une clause de disponibilité a priori de ces moyens. Des échanges ont également lieu sur la question des capacités militaires afin d'harmoniser les processus en cours dans les deux organisations. L'EMUE entretient des relations régulières avec les Nations unies et avec l'Union africaine, auprès de laquelle il a détaché un officier de liaison, ainsi qu'avec les pays méditerranéens, les Etats-Unis, la Russie ou encore le Canada, en vue notamment d'informer ces pays des développements en cours de la politique européenne de sécurité et de défense.

Le général Jean-Paul Perruche a ensuite évoqué les trois opérations menées par l'Union européenne, en Macédoine tout d'abord, puis en République démocratique du Congo et enfin, depuis 2004, en Bosnie-Herzégovine avec la reprise de l'opération de l'OTAN. Il a souligné que cette dernière opération était la plus importante en volume, puisque l'Union européenne déploie 7.000 hommes. Il a également considéré qu'elle constituait une « première », l'Union européenne disposant désormais en Bosnie-Herzégovine de tous les instruments de gestion globale d'une crise, puisqu'elle était présente militairement après avoir mis en place des moyens de soutien politique et économique ainsi qu'une mission de police.

Le général Jean-Paul Perruche a estimé qu'au vu des conditions de déroulement des opérations achevées ou en cours, on pouvait parler de succès de la politique européenne de sécurité et de défense.

Il a souligné que chacune des trois opérations s'était caractérisée par la mise en place d'une chaîne de commandement spécifique, l'Union européenne ne disposant d'aucune structure de commandement préexistante. Il a ainsi précisé qu'en cas d'opération, l'Union aurait à définir une chaîne de commandement et qu'elle disposait à cet effet de trois possibilités : soit recourir aux moyens de l'OTAN, en application des accords « Berlin plus », ce qui revenait à confier le commandement de l'opération à l'adjoint européen du commandant suprême des forces alliées en Europe (SACEUR) ; soit s'appuyer sur une nation-cadre fournissant l'essentiel de la structure de commandement, comme l'a fait la France lors de l'opération Artémis en République démocratique du Congo ; soit, enfin, recourir au centre d'opération constitué à Bruxelles au sein de l'EMUE. Le général Jean-Paul Perruche a rappelé les conditions ayant présidé à la création de ce centre d'opération, qui ne sera pas permanent, mais pourra être activé sous très faible préavis (moins de 48 heures) et qui devrait être opérationnel dans les prochains mois. Il a ajouté qu'en pratique, le centre d'opération de l'EMUE aurait plutôt vocation à gérer des crises civilo-militaires et à être activé lorsque le recours aux moyens de l'OTAN ou à une nation-cadre aura été écarté.

Evoquant les leçons tirées des premières opérations militaires de l'Union européenne, le général Jean-Paul Perruche a mis en parallèle les avantages et inconvénients respectifs du recours aux moyens de l'OTAN et de l'appel à une nation-cadre. La mise en oeuvre des accords « Berlin plus » n'est pas exempte de lourdeur, puisqu'il faut coordonner deux organisations internationales -l'OTAN et l'Union européenne- ainsi que leurs Etats membres. Elle implique également de se conformer à la structure de commandement de l'OTAN qui comporte trois niveaux : stratégique, opératif et tactique. Ainsi, pour l'opération Althea en Bosnie-Herzégovine, l'Union européenne dispose, en dehors du commandement de la force sur le théâtre, d'une cellule de commandement de niveau régional, placée auprès du commandement de l'OTAN à Naples (AFSOUTH) et d'une cellule constituée d'une quinzaine d'officiers européens auprès du quartier général des puissances alliées en Europe (SHAPE) à Mons en Belgique. L'OTAN apporte cependant des moyens de transmission et de communication dont l'Union européenne ne dispose pas en propre. Quant au recours à une nation-cadre, il s'agit d'un concept pertinent et adapté à l'exigence de réaction rapide, un seul pays fournissant l'essentiel des forces et le coeur de l'état-major. Cette solution présente toutefois des limites dès lors que l'opération envisagée est de grande ampleur.

Le général Jean-Paul Perruche a souligné la nécessité de disposer de mécanismes financiers permettant, par un provisionnement budgétaire, de lancer rapidement les opérations sans attendre les contributions des Etats membres.

Le général Jean-Paul Perruche a ensuite évoqué les perspectives à venir dans le domaine des capacités militaires de l'Union européenne, en soulignant la forte motivation des personnels de l'EMUE et leur volonté de prolonger la dynamique en cours. En dehors de la constitution du centre d'opération, l'EMUE s'attache tout d'abord à favoriser une approche globale de la gestion des crises, en mettant en place une cellule civilo-militaire de planification stratégique qui comportera une trentaine de personnes, dont des planificateurs civils. Elle devra être capable, dès les premiers signes d'une crise émergente, de proposer aux décideurs politiques une large gamme d'options intégrant aussi bien les facteurs civils que militaires. Le développement des capacités de réaction rapide constitue une deuxième priorité sous la forme des groupements tactiques de 1.500 à 2.000 hommes, déployables sous un préavis inférieur à 15 jours dans le cadre d'un processus de décision accéléré. Enfin, la création de l'Agence européenne de défense a suscité de fortes attentes. Elle devra notamment veiller à éviter les duplications inutiles entraînées par la conduite en parallèle, dans plusieurs pays, d'études, de développements ou de fabrications d'équipements correspondant à des besoins identiques.

En conclusion, le général Jean-Paul Perruche s'est déclaré optimiste et a estimé que l'Union européenne disposait désormais d'instruments crédibles qui ont fait leurs preuves. Il a reconnu que les capacités d'action européennes possédaient des limites, tout en soulignant que les moyens mis en place sont en adéquation avec le niveau d'ambition qui a été défini en commun par les 25 et sur lequel s'est réalisé un consensus. S'agissant des relations avec l'OTAN, il a ajouté que les différences d'approche éventuelles au niveau politique n'empêchaient pas une coopération satisfaisante sur les questions militaires.

M. Alain Richard a souligné l'importance de la dimension « civilo-militaire » dans l'action de l'Union européenne qui peut combiner l'intervention politique, le contrôle militaire, la reconstruction et l'aide. Il a remarqué que les États-Unis avaient pour leur part rencontré des difficultés à coordonner les différents aspects de leur action en Irak du fait des cloisonnements entre leurs grandes agences. Il a également estimé que la rapidité des progrès de la PESD ne devait pas occulter les avantages que l'OTAN retire pour sa part de son ancienneté et de sa longue tradition. Il a rappelé que la plupart des pays européens membres de l'OTAN avaient placé dans cette dernière la quasi-totalité de leurs moyens militaires. Il a estimé que de ce fait, il était impossible d'ignorer l'OTAN, l'affirmation d'une culture européenne de défense exigeant patience et finesse. Il a évoqué à cet égard le rôle important que serait appelé à jouer le collège européen de défense, en ajoutant que la défense européenne, par sa flexibilité et sa capacité d'adaptation aux situations nouvelles, pouvait susciter un intérêt professionnel au moins aussi grand que l'OTAN auprès des militaires. Enfin, il a remarqué qu'au sein de l'OTAN comme de la défense européenne, la question de l'harmonisation des règles nationales d'engagement des forces demeurait mal résolue.

M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne, a constaté la forte implication des militaires dans la construction de l'Europe de la défense. Il a souligné l'intérêt du collège européen de défense et souhaité que tout officier puisse passer une année au moins en commun avec des officiers d'autres pays membres. Evoquant la mise en place d'une force européenne de gendarmerie par cinq pays, il a demandé si d'autres pays européens envisageaient de se doter de forces de police à statut militaire, compte tenu de l'utilité de leur rôle dans la gestion des crises.

M. Yves Pozzo di Borgo est revenu sur la position adoptée par l'Union européenne vis-à-vis du Darfour et a souhaité savoir si elle conduisait à exclure tout appui militaire européen sur le terrain.

Mme Hélène Luc a déploré que l'Union européenne ne définisse pas plus clairement ses orientations politiques en matière de défense commune et exprimé la crainte que la France ne se trouve entraînée dans des interventions ne correspondant pas à ses véritables intérêts. Elle a évoqué la nécessité d'une action commune en matière de recherche de défense, ainsi que les lacunes de la politique de lutte contre le terrorisme.

M. Philippe Nogrix a demandé des précisions sur l'autorité habilitée à autoriser l'EMUE à établir une planification stratégique de circonstance et sur le nombre de pays européens actuellement capables de jouer le rôle de « nation-cadre ». Il s'est par ailleurs interrogé sur le rôle de l'Alliance atlantique plus de quinze ans après la fin de la guerre froide, en soulignant que l'Europe devait désormais définir son propre cadre de sécurité.

M. Serge Vinçon, président, a souhaité savoir comment était désigné le pays appelé à jouer le rôle de « nation-cadre ». Il a demandé des précisions sur les coopérations renforcées en matière de défense et sur la possibilité de voir se constituer un noyau dur permanent, sur les éventuels quotas de nationalités au sein de l'EMUE et sur la possibilité de créer un budget européen pour financer les opérations de l'Union.

Le général Jean-Paul Perruche a indiqué que l'un des principaux enseignements des crises était l'intérêt des forces de police pour des tâches auxquelles les militaires sont mal préparés, même s'ils s'en acquittent lorsqu'il le faut. Il a ajouté que le statut militaire de ces forces de police offrait des garanties de disponibilité et de réactivité et que d'autres pays européens envisageaient de se joindre à l'initiative lancée à cinq, ce qui suppose pour eux des évolutions internes.

S'agissant du Darfour, il a précisé que dans le cadre de la décision politique laissant à l'Union africaine la responsabilité première, et outre le soutien financier important accordé par l'Union européenne, il avait été procédé, sur un plan militaire, à l'envoi d'experts qui ont un rôle de conseil et de soutien.

Le général Jean-Paul Perruche a considéré que d'une manière générale, l'Union européenne apportait une valeur ajoutée par rapport à ce que pouvaient faire séparément les États membres, et que dans certains cas, elle était seule à pouvoir intervenir. Il a estimé que la prise des décisions à l'unanimité apportait la garantie que la France ne serait pas contrainte d'agir contre sa volonté.

Il a précisé que l'EMUE agissait à la demande du COPS en matière de planification de circonstance et que d'autre part, il se dotait de capacités de renseignement et de communication pour son centre d'opérations activable.

Il a souligné que l'OTAN demeurait une réalité militaire qui avait permis aux Européens de développer une culture commune et de travailler avec les Américains. La pérennité de l'OTAN n'est pas contradictoire avec l'émergence d'une capacité propre des Européens, l'Union européenne devant être complémentaire de l'OTAN et s'affirmer comme un partenaire intéressant et influent pour celle-ci.

Le général Jean-Paul Perruche a indiqué que cinq pays - la France, le Royaume-Uni, l'Allemagne, l'Italie et la Grèce-, s'étaient dotés, ou allaient le faire, d'une capacité de quartier général stratégique et pouvaient de ce fait jouer le rôle de « nations-cadres ». En ce qui concerne les aspects budgétaires, il s'est félicité de la mise en place d'un provisionnement de 10 millions d'euros permettant de financer le début d'opérations.

Mme Sylvie Bermann a précisé que le Royaume-Uni demeurait opposé à un financement des opérations européennes par le budget européen, à la différence de la France. Elle a d'autre part estimé que la PESD ne pouvait se poser en alternative à l'OTAN, les Britanniques ayant subordonné le lancement de la défense européenne à la complémentarité entre l'OTAN et l'UE dans le domaine militaire.

M. Jacques Bayet, directeur à l'Agence européenne de défense, a ensuite effectué une présentation des activités et perspectives de l'organisation.

Il a tout d'abord rappelé les principales étapes dans la genèse de l'Agence européenne de défense : les travaux de la Convention, et en particulier du groupe présidé par M. Michel Barnier, commissaire européen ; la décision politique d'institution de l'Agence lors du Conseil européen de Thessalonique en juin 2003 ; le lancement de l'équipe de mise en place (Agency Establishment Team) le 16 février 2004 ; l'action commune du 12 juillet 2004, acte juridique fondateur de l'Agence européenne de défense.

M. Jacques Bayet a rappelé que selon les textes, la mission de l'Agence est de « soutenir les États membres dans leur effort d'amélioration des capacités de la défense européenne en appui de la Politique Européenne de Sécurité et de Défense, actuelle et comme elle évoluera dans le futur ». Constatant qu'aujourd'hui l'Europe dépense collectivement 160 milliards d'euros par an pour sa défense, avec un mauvais retour sur investissement, il a défini le rôle de l'Agence comme étant d'aider l'Europe à améliorer sa performance globale en matière de défense. Il a souligné qu'à l'échelle européenne, on constatait deux types de fragmentation :

- la classique fragmentation de l'offre et de la demande, chacun agissant à une échelle nationale plutôt qu'européenne. La conception des besoins militaires, le développement des programmes, la recherche et technologie restent nationaux et sont majoritairement attribués à des sociétés nationales dans un marché de défense européen qui reste largement nationalisé ;

- la fragmentation du processus. Il existe des processus nationaux sophistiqués pour préparer le futur, pour identifier, de manière interactive, les besoins futurs, pour planifier les efforts de recherche et technologie et les programmes d'armement. Mais rien de tout cela n'existe au niveau européen.

M. Jacques Bayet a estimé que l'Agence devait aider l'Europe à progresser dans la cohérence, que ce soit entre États membres ou entre les différentes fonctions qui entrent dans son champ de responsabilité. Pour cela, l'Agence est organisée en quatre grands domaines :

- une division « Capacités », dont l'un des objectifs sera de parvenir à des besoins militaires harmonisés ;

- une division « Armements », qui devra ensuite transformer ces besoins en programmes. Cette phase, certainement délicate, car elle est source d'enjeux économiques, devra être traitée de façon pragmatique quand elle se présentera. L'Agence devra offrir aux États membres, pour les programmes en coopération, l'ensemble des outils nécessaires et aura vocation à héberger les équipes de programmes. Cette division devra en outre traiter des aspects normatifs, et s'appuiera sur les activités du Groupement armement de l'Europe occidentale (GAEO) pour la base d'évaluation et de test, c'est-à-dire les centres d'essais ;

- tout ce processus s'appuiera sur la division recherche et technologie ; ses membres auront à connaître et à coordonner les activités de recherche, que celles-ci soient réalisées dans l'Agence, dans les programmes de la Commission (programme cadre de recherche et développement ou le futur programme de recherche pour la sécurité) ou bien dans les États membres. Elle pilotera également la coopération en matière de recherche et technologie entre États et assimilera les activités de la cellule recherche de l'Organisation de l'armement de l'Europe occidentale (OAEO) ;

- enfin, la division « Marché et Industrie de défense » aura la lourde tâche de « contribuer à la création d'un marché européen des équipements de défense ». Ses principaux interlocuteurs seront la Commission pour les aspects réglementaires, l'industrie, et naturellement les États membres. Cette division devrait également être chargée de la diffusion des idées issues des réflexions dans le cadre de la LoI (letter of Intent) et du « monitoring » de l'industrie de défense.

Enfin, une division « Administration » assure l'ensemble du soutien (personnels, finances, infrastructure, sécurité, informatique, contrats, etc.).

M. Jacques Bayet a ensuite donné des indications sur la situation actuelle de l'Agence européenne de défense. Avec moins de 10 personnes fin 2004, elle devrait compter un peu moins de 80 personnes mi-2005. Le budget 2005 s'élève à environ 21 millions d'euros, dont 5 millions d'euros pour la mise en place initiale de l'Agence et un budget opérationnel de 3 millions d'euros. L'Agence dispose d'une pleine personnalité juridique et peut donc passer des contrats. Bien qu'insérée dans le dispositif institutionnel, puisqu'elle reçoit ses grandes orientations du Conseil et agit dans un cadre financier triennal, décidé par le Conseil, l'Agence n'est pas un organe du secrétariat général du Conseil, même si son chef est le Secrétaire général/Haut représentant. Elle a ses propres règles financières, ses propres statuts pour ses personnels, et ses propres « privilèges et immunités ».

En ce qui concerne les relations avec les organisations existantes, a poursuivi M. Jacques Bayet, l'Organisation de coopération conjointe pour l'armement (OCCAR) agira naturellement en aval de l'Agence pour mener la phase d'acquisition des équipements. L'Agence devra aider à rapprocher les réglementations nationales en s'inspirant des travaux réalisés dans le cadre de la LoI signée entre les six pays européens producteurs d'armement. Les relations avec l'OTAN s'effectueront via les mécanismes existants, en particulier le « capability development mechanism », qui concerne le développement des capacités, et le groupe capacités OTAN/UE. La Commission européenne, membre du comité directeur sans droit de vote, sera un partenaire de l'Agence pour tout ce qui concerne le marché, l'industrie et la recherche et technologie. Enfin, l'Agence va progressivement assimiler certains des éléments du GAEO et de l'OAEO, avec le souci d'assurer la continuité des activités dans les différents domaines, puisque le GAEO va disparaître en juin 2005 et qu'un plan d'action sera prochainement proposé aux États pour la reprise par l'Agence des activités de l'OAEO.

M. Jacques Bayet a estimé que l'Agence européenne de défense constituerait un instrument précieux pour la politique européenne de sécurité et de défense, car elle permettrait de définir, à travers son comité directeur, normalement composé des ministres de la Défense, de réelles orientations, et de les mettre en oeuvre en s'appuyant sur des groupes de travail ponctuels composés d'experts des États membres. Il a souligné que le comité directeur de l'Agence déciderait à la majorité qualifiée (avec toutefois la possibilité pour un État membre d'un « frein d'urgence»), ce qui représentait un élément tout à fait novateur, qui donne au comité directeur et à l'Agence de réels moyens d'action. Il a précisé qu'il sera possible, pour des groupes d'États membres, de développer au sein de l'Agence des projets ad hoc, c'est-à-dire des coopérations « à la carte », comme cela se fait depuis des décennies dans les coopérations bilatérales.

M. Jacques Bayet a évoqué le programme de travail de l'Agence pour 2005, en précisant qu'elle avait déjà lancé quelques « projets phares » sur les drones, les véhicules blindés légers et le marché des équipements de défense.

M. Alain Richard a insisté sur l'ampleur des défis à relever par l'Agence européenne de défense, dans un domaine où l'on a constaté par le passé de nombreux échecs. Il a souligné l'opposition entre les pays membres producteurs d'armement - qui ne sont que six - et tous les autres, qui sont seulement acheteurs et ont un raisonnement de consommateur mondial. Il a estimé que les pays producteurs devaient apprendre à faire jouer la concurrence, y compris entre leurs industriels et des industriels étrangers, ce que la France n'a pas encore fait, à la différence du Royaume-Uni. Il a également évoqué la difficulté à respecter durablement les engagements financiers portant sur les programmes en coopération.

M. Alain Richard a souligné la nécessité de faire évoluer la recherche militaire en Europe, en souhaitant que l'Agence contribue à développer la recherche duale, comme cela se fait aux États-Unis.

M. Jacques Bayet a reconnu que le clivage entre pays producteurs et pays exclusivement acheteurs constituait une difficulté importante, mais a rappelé les évolutions notables intervenues au plan politique, avec le principe même d'une Agence européenne de défense, au plan réglementaire, avec la LoI, et au plan industriel, avec l'avènement d'entreprises multinationales. Il a évoqué la question de la sécurité d'approvisionnement, qui impliquait de définir un niveau acceptable de dépendance entre États membres et vis-à-vis de l'extérieur.

M. Alain Richard a estimé que la possession et l'emploi en commun de biens de défense paraissaient naturels aux Etats peu peuplés, et beaucoup moins aux plus grands Etats comme la France. Il a cependant rappelé que les Britanniques avaient accepté de réaliser un missile de croisière avec la France, ce qui créait une dépendance mutuelle dans ce domaine. Enfin, il a souligné la nécessité d'associer les Etats européens les moins peuplés à l'élaboration d'une vision commune à long terme pour orienter la recherche et préparer les évolutions de l'industrie, afin d'en faire de véritables parties prenantes de la défense européenne.

Mission d'information à l'étranger - Etats-Unis (13 au 16 mars 2005) - Compte rendu

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi sous la présidence de M. Serge Vinçon, président, la commission a entendu le compte rendu, par M. Jean François-Poncet, du déplacement effectué par une délégation de la commission à Washington du 13 au 16 mars dernier.

M. Jean François-Poncet a précisé que la délégation qu'il conduisait et qui comprenait également Mme Monique Cerisier-ben Guiga et M. Robert Del Picchia, avait pu rencontrer en trois journées à Washington un grand nombre d'interlocuteurs, notamment des membres du Sénat et de la Chambre des représentants, M. Daniel Fried, conseiller du Président Bush pour l'Europe au Conseil national de sécurité, les sous-secrétaires d'Etat en charge de l'Europe et du Moyen-Orient au Département d'Etat ainsi que plusieurs spécialistes des « think tanks » et journalistes. Il a également évoqué les informations précieuses recueillies auprès de l'ambassadeur de France à Washington, M. Jean-David Lévitte, et de ses collaborateurs.

M. Jean François-Poncet a indiqué que les conclusions tirées par la délégation pouvaient être résumées autour de trois questions : la politique étrangère américaine a-t-elle changé ? Les relations franco-américaines se sont-elles améliorées ? Quels sont les sujets potentiels de friction dans les prochains mois ?

M. Jean François-Poncet s'est tout d'abord demandé dans quelle mesure l'on pouvait percevoir des changements dans la politique étrangère des Etats-Unis et si ces changements étaient durables.

Il a estimé que, comme le soulignent volontiers nombre d'analystes français, beaucoup de facteurs vont dans le sens d'un maintien des axes fondamentaux de la politique américaine, qu'il s'agisse des réticences vis-à-vis du multilatéralisme, d'une doctrine admettant le recours à des opérations militaires préventives ou encore du refus de ratifier le protocole de Kyoto ou le statut de la Cour pénale internationale. Le Président Bush s'est au demeurant vu renforcé dans ses choix par sa réélection de novembre dernier, comme par les évolutions les plus récentes intervenues au Moyen-Orient. Pour autant, des éléments nouveaux apparaissent, suffisamment nombreux et significatifs, pour que l'on ne puisse pas les réduire à un simple changement de ton.

M. Jean François-Poncet a ainsi constaté qu'après l'Irak, les autorités américaines semblaient peu disposées à envisager de nouvelles opérations militaires contre des régimes hostiles. Les Etats-Unis se réengagent sur le processus de paix israélo-palestinien. Sur la question nucléaire iranienne, le Président Bush a effectué un premier geste de soutien à la négociation menée par les Européens. S'agissant de la Syrie, il s'est rangé aux propositions françaises visant à appuyer le retour du Liban à l'indépendance politique, plutôt que d'entrer dans une confrontation directe avec Damas. Enfin, la visite du Président Bush en Europe au mois de février a montré que Washington reconnaît désormais l'Union européenne comme un interlocuteur valable.

Selon M. Jean François-Poncet, ces évolutions peuvent s'expliquer par deux facteurs. Les succès récemment rencontrés par l'administration américaine, notamment les élections en Afghanistan et en Irak, la rendent plus à même d'infléchir son attitude sans donner le sentiment d'agir sous la pression des événements. D'autre part, face au coût humain, financier et politique de ses interventions militaires, elle a pris conscience des limites de sa puissance supposée, tout comme de son impopularité, dans une large partie du monde. Les Etats-Unis savent désormais qu'il leur est difficile de « gagner la paix » et perçoivent l'intérêt d'un rapprochement avec l'Union européenne qui peut leur fournir une précieuse caution politique et un appui en hommes et en financements sur le terrain.

Evoquant les nominations de John Bolton comme représentant permanent des Etats-Unis au Conseil de sécurité des Nations unies et de Paul Wolfowitz comme président de la Banque mondiale, M. Jean François-Poncet a estimé qu'elles pouvaient s'interpréter de deux façons : soit comme une provocation à l'égard des partisans du multilatéralisme, compte tenu des positions précédemment exprimées par ces personnalités, soit, à l'inverse, comme une volonté de combler le fossé entre les Etats-Unis et les institutions multilatérales.

M. Jean François-Poncet a ensuite abordé la situation des relations bilatérales franco-américaines. Il a indiqué que la délégation avait perçu une évolution positive au sein de l'administration, qui n'évoque plus les différends du passé et met l'accent sur la qualité des coopérations, l'approche commune à l'égard du Liban en constituant l'illustration la plus récente. Il lui a en revanche semblé que les progrès étaient moins visibles au Congrès, malgré la création d'un « French caucus » regroupant une quarantaine de représentants et une quinzaine de sénateurs. A travers son plaidoyer pour un monde multipolaire, la France demeure souvent suspecte de vouloir contrer et réduire systématiquement l'influence des Etats-Unis. Enfin, l'opinion publique américaine reste influencée par de grands media, parfois ouvertement hostiles à la France, comme la chaîne de télévision Fox News.

Aux yeux de M. Jean François-Poncet, l'amélioration des relations franco-américaines doit être encouragée à travers une politique active de contacts et d'échanges.

Enfin, M. Jean François-Poncet a évoqué les différents dossiers qui pourraient constituer, dans un avenir proche, des sujets de friction entre les Etats-Unis et l'Europe, et singulièrement la France.

Il a cité en premier lieu la décision de principe de l'Union européenne de lever l'embargo imposé en 1989 à l'encontre des exportations d'armes vers la Chine. Cette perspective soulève une opposition unanime aux Etats-Unis. La Chambre des représentants a adopté, par 411 voix contre 3, une résolution hostile à cette levée d'embargo et le Sénat est saisi d'un texte analogue prévoyant en outre des mesures de rétorsion portant sur les transferts de technologies et d'équipements militaires américains vers l'Europe. Les responsables américains font valoir que la Chine n'a réalisé aucun progrès depuis 1989 en matière de Droits de l'homme. Celle-ci vient de surcroît d'adopter une loi légitimant une intervention militaire à l'encontre de Taïwan si cette dernière venait à s'engager sur la voie d'une déclaration d'indépendance. En cas de conflit, les Etats-Unis seraient amenés à s'engager et il n'est pas acceptable à leurs yeux que les forces de Pékin puissent bénéficier de technologies ou d'équipements européens. Derrière ces préoccupations transparaît l'inquiétude croissante des Etats-Unis face à l'émergence de la puissance chinoise.

M. Jean François-Poncet s'est demandé si les enjeux de la levée de l'embargo européen constituaient un enjeu suffisamment important pour risquer un contentieux majeur avec les Etats-Unis. Il a estimé que l'adoption par Pékin de la loi « anti-sécession » à l'encontre de Taïwan pouvait justifier un ajournement de toute décision européenne sur le sujet.

S'agissant de la question nucléaire iranienne, M. Jean François-Poncet s'est interrogé sur l'issue de la négociation en cours, dans la mesure où l'Iran ne semble pas vouloir renoncer à certaines capacités sensibles et où les Etats-Unis paraissent peu disposés à apporter certaines garanties au régime actuellement en place à Téhéran. Il a souligné qu'en contrepartie des gestes effectués par Washington sur la candidature de l'Iran à l'OMC et sur la livraison de pièces pour l'aviation civile, les Européens s'étaient engagés à transmettre le dossier iranien au Conseil de sécurité des Nations unies en cas d'échec des négociations. Il a estimé que dans l'hypothèse, probable, où le Conseil de sécurité ne parviendrait pas à un accord, les Etats-Unis demanderaient à l'Union européenne de décréter unilatéralement des sanctions à l'encontre de l'Iran. Tout en soulignant que l'administration américaine ne semblait pas guidée par une politique claire quant aux moyens de résoudre la crise iranienne, que ce soit par une négociation, des sanctions ou une destruction des sites nucléaires, il a considéré que ce sujet constituait une source potentielle de divergence entre les Etats-Unis et l'Europe.

Parmi les autres sujets pouvant mettre à l'épreuve les relations transatlantiques, M. Jean François-Poncet a évoqué le conflit israélo-palestinien, dans la mesure où la politique actuelle du Président Bush pourrait trouver ses limites dès lors que se posera la question du démantèlement des colonies en Cisjordanie, et l'attitude vis-à-vis de la Russie, plusieurs pays européens, et en premier lieu l'Allemagne, ne souhaitant pas remettre en cause leur partenariat privilégié avec Moscou.

En conclusion, M. Jean François-Poncet a estimé qu'en dépit de réelles évolutions positives dans le sens d'une amélioration des relations euro-atlantiques, les divergences d'intérêts et de sensibilités demeurent, maintenant durablement sous tension l'alliance entre l'Europe et les Etats-Unis.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga a souligné l'ambivalence de l'attitude américaine vis-à-vis de l'Union européenne, le souhait de disposer d'un partenaire solide et efficace étant contrebalancé par la crainte de voir émerger une puissance rivale. Elle a précisé que l'un des interlocuteurs de la délégation avait qualifié de « simple trêve » l'amélioration actuelle du climat transatlantique, en ajoutant que le Président Bush jugerait le rapprochement avec l'Europe à ses résultats. S'agissant des relations franco-américaines, elle a estimé que les contacts au Congrès avaient permis de vérifier la persistance de divergences de fond, comme l'illustre par exemple la mise en cause de la France en tant qu'instigatrice de la levée de l'embargo européen sur les ventes d'armes à la Chine. A propos de l'Iran, il lui a semblé que la vision de certains cercles néo-conservateurs demeurait extrêmement idéologique, notamment sur la question d'éventuelles sanctions décidées par le Conseil de sécurité des Nations unies. Enfin, elle a indiqué qu'aux sources de divergences euro-atlantiques citées par M. Jean François-Poncet s'ajoutaient celles sur le rôle des institutions multilatérales et sur la lutte contre le terrorisme, envisagée aux Etats-Unis sous un angle exclusivement sécuritaire et militaire.

M. Robert Del Picchia a pour sa part estimé que l'écoute attentive dont avait bénéficié la délégation traduisait l'amélioration des relations bilatérales. Il a souligné que certaines incompréhensions vis-à-vis de la politique française ou européenne étaient parfois imputables à un défaut d'information, particulièrement au Congrès. S'agissant de la levée de l'embargo européen sur les ventes d'armes à la Chine, il a précisé que la délégation s'était efforcée d'expliquer les motivations de l'Union européenne, notamment le caractère anachronique de cet embargo qui place la Chine sur le même plan que le Zimbabwe, la Birmanie et le Soudan, les seuls autres pays à subir une telle mesure. Il a également rappelé que plusieurs alliés des Etats-Unis n'avaient jamais appliqué d'embargo, notamment Israël, ou l'avaient levé, comme l'Australie. Il a toutefois souligné que la démarche européenne suscitait une désapprobation générale parmi les responsables américains. Parmi les autres sujets de friction, il a cité l'attitude vis-à-vis du Hezbollah libanais, que nombre de parlementaires américains souhaitent voir inscrit par l'Union européenne sur la liste des organisations terroristes. S'agissant des relations économiques franco-américaines, il a précisé qu'une étude réalisée à la demande du Congrès chiffrait à 1 milliard de dollars le volume des transactions journalières entre nos deux pays et à 600 000 le nombre d'emplois au sein d'entreprises françaises aux Etats-Unis, ce qui témoigne de l'intensité de nos échanges économiques. Il a estimé que les Etats-Unis avaient tourné la page de la crise irakienne, sans toutefois l'oublier.

MM. André Dulait et Serge Vinçon, président, ont demandé des précisions sur les informations recueillies par la délégation à propos de l'attitude américaine vis-à-vis des colonies israéliennes en Cisjordanie, d'une part, et vis-à-vis de la réforme des Nations unies, d'autre part.

S'agissant de l'arrêt des implantations et du démantèlement des colonies israéliennes en Cisjordanie, M. Jean François-Poncet a estimé que le Président Bush semblait avoir compris que le succès de sa politique au Moyen-Orient dépend en grande partie de sa capacité à infléchir la politique israélienne pour faire aboutir le processus de paix. D'une manière plus générale, il a souligné que l'objectif d'expansion de la liberté et de la démocratie, dont le Président Bush fait désormais l'axe majeur de sa politique étrangère, lui interdit de transiger sur certains principes et réduit ses marges de manoeuvre. S'agissant des Nations unies, il a indiqué que dans la période où la délégation s'était rendue à Washington, les responsables américains semblaient moins préoccupés par le projet de réforme que par les enquêtes relatives aux irrégularités ayant affecté le programme « Pétrole contre nourriture ».

Traités et conventions - Accords internationaux sur la Meuse et l'Escaut - Examen du rapport

Puis la commission a examiné le rapport de M. Bernard Barraux sur les projets de loi, adoptés par l'Assemblée nationale, n° 85 (2004-2005) autorisant l'approbation de l'accord international sur la Meuse, et n° 86 (2004-2005) autorisant l'approbation de l'accord international sur l'Escaut.

M. Bernard Barraux, rapporteur, a rappelé que ces deux fleuves avaient déjà fait l'objet d'accords de protection en matière de pollution, signés à Charleville-Mézières en 1994. Entrés en vigueur dès leur signature, ils ont dû être remaniés après l'adoption, par le Parlement européen, le 23 octobre 2002, d'une directive établissant un cadre général pour la politique de l'eau. C'est ainsi qu'ont été signés à Gand, le 3 décembre 2002, deux nouveaux textes actualisant les normes régissant la gestion des eaux de ces fleuves.

Après avoir rappelé les particularités géographiques respectives de la Meuse et de l'Escaut, M. Bernard Barraux, rapporteur, a décrit les principales pollutions affectant ces deux fleuves et indiqué les nouvelles contraintes introduites par les accords de Gand. Ceux-ci harmonisent l'action des Etats signataires sur l'ensemble des bassins versants de chacun des fleuves, qui comptent une densité de population particulièrement importante. Ils instituent une gestion durable de ces bassins, en améliorant la prévention des inondations et des pollutions accidentelles. Cette gestion sera mise en oeuvre par deux commissions internationales, l'une pour la Meuse et l'autre pour l'Escaut.

En conclusion, le rapporteur, estimant que ces accords intégraient l'ensemble des contraintes propres à instaurer une gestion responsable de ces deux fleuves, a invité la commission à les adopter.

Puis la commission a adopté ces deux projets de loi.