Travaux de la commission des affaires étrangères



Mardi 7 juin 2005

- Présidence de M. Serge Vinçon, président -

Réforme de l'ONU - Audition de M. Robert Badinter, sénateur

La commission a procédé à l'audition de M. Robert Badinter, sénateur, sur les enjeux de la réforme de l'ONU.

M. Serge Vinçon, président, a rappelé que M. Robert Badinter a participé, dans le cadre d'un groupe de haut niveau, nommé en novembre 2003 par le Secrétaire général de l'ONU, et composé de 16 personnalités internationales, à une réflexion approfondie sur les réformes dont l'Organisation mondiale avait besoin pour améliorer son efficacité face aux nouvelles menaces qui pèsent sur le monde. Le rapport de ce groupe de travail, remis en novembre 2004 au Secrétaire général, a conduit celui-ci à formuler des propositions de réforme actuellement débattues à New York.

M. Serge Vinçon, président, a rappelé que ces travaux pourraient aboutir, à l'occasion du Sommet qui se tiendra lors de la 60è session de l'Assemblée générale de l'ONU, en septembre 2005, à des aménagements importants des structures de l'Organisation, notamment mais pas seulement, quant à l'élargissement de son Conseil de sécurité.

M. Robert Badinter a rappelé que des projets de réforme de l'ONU avaient d'ores et déjà fait l'objet de nombreux rapports, mais que la motivation du Secrétaire général pour promouvoir une réforme était cette fois directement liée aux événements qui avaient conduit aux opérations en Irak. La lettre de mission du Secrétaire général aux membres du groupe de haut niveau a clairement défini la méthode à mettre en oeuvre. Il s'agissait tout d'abord de considérer les menaces pesant sur l'ordre international, puis d'examiner quelles politiques pouvaient être menées pour y répondre et, en dernier lieu, de définir les réformes nécessaires à la conduite de ces politiques. Il ne s'agissait donc pas d'une démarche académique, mais d'une approche pragmatique.

Les participants du groupe de haut niveau ont convenu de ne pas ajouter de nouvelles institutions à l'architecture actuelle des Nations unies, mais de tenter d'améliorer l'efficacité des structures existantes.

M. Robert Badinter a tout d'abord évoqué les menaces identifiées par le groupe. Un consensus s'est vite dégagé sur la nécessité de considérer, dans un même ensemble, les menaces de type sécuritaire et celles constituées par le sous-développement, la famine ou les pandémies. Il existe en effet une corrélation étroite entre les différents maux qui pèsent sur le monde, entre le terrorisme, le niveau de pauvreté ou d'ignorance et les atteintes aux Droits de l'homme. Les attentats terroristes de grande ampleur, comme ceux du 11 septembre 2001, ont, par ailleurs, à l'évidence, une résonance économique sur les pays les plus pauvres. La prise de conscience est donc réelle quant à l'interconnexion de toutes ces menaces à la sécurité et à la paix.

Evoquant ensuite les politiques nécessaires pour répondre aux menaces, M. Robert Badinter a indiqué que l'accent avait été mis, par le groupe, sur les questions économiques. Il a souligné que, parallèlement aux travaux menés sur la réforme institutionnelle, un groupe de travail présidé par l'économiste Jeffrey Sachs avait été chargé, par le Secrétaire général, de réfléchir aux questions de développement en rapport avec les objectifs du millénaire. Le rapport de ce groupe de travail dresse un véritable état de l'économie mondiale.

Au premier rang des questions examinées, M. Robert Badinter a souligné que le groupe de haut niveau avait tout d'abord considéré l'alternative entre multilatéralisme et unilatéralisme. Deux conceptions radicales s'affrontent quant aux conditions dans lesquelles le recours ultime à la force doit intervenir. L'unanimité a été recueillie, au sein du groupe, sur l'option multilatérale. Le groupe a en effet acquis la conviction que rien ne devait être changé au texte actuel de la Charte, qui prévoit un droit de légitime défense devant une agression ou une menace certaine à caractère imminent. L'exemple de la première guerre du Golfe pour le Koweit avait rempli parfaitement ces conditions. Dans les autres cas, certaines menaces sont prévisibles, mais ne sont ni certaines, ni évidentes. Le Conseil de sécurité, sur la base de l'article 51 et du chapitre VII de la Charte, peut prendre les mesures nécessaires au vu des informations qu'il a recueillies et il appartient à chaque Etat de coopérer pour l'application des décisions prises. Les membres du groupe de haut niveau ont été unanimes sur ce point, considérant que toute modification de la Charte pourrait ouvrir la voie au pire. Afin d'éviter l'arbitraire au sein du Conseil de sécurité, le groupe a élaboré des critères d'évaluation des situations, qui portent notamment sur la gravité de la menace, la légitimité de l'action militaire éventuelle, la proportionnalité des moyens mis en oeuvre et l'examen des conséquences d'une intervention, ces éléments pouvant s'inscrire dans des résolutions déclaratives du Conseil.

Le groupe de haut niveau s'est ensuite penché sur la question des Droits de l'homme, compte tenu du caractère insatisfaisant de la situation actuelle. M. Robert Badinter a ainsi déploré que la Commission des droits de l'homme de l'ONU avait perdu tout crédit moral en devenant un lieu de palabres dont les membres sont désignés sur le fondement d'accords régionaux ou d'échanges de bons procédés entre pays peu exemplaires dans ce domaine. Cette situation a permis l'élection de présidences honteuses et a conduit au mépris des Droits de l'homme. A l'évidence, cette institution est appelée à se transformer. Les propositions du groupe de haut niveau tendaient à préconiser une participation à la Commission de tous les Etats membres. Le Secrétaire général a proposé, pour sa part, de remplacer la commission actuelle, qui compte 53 membres, par un comité de 15 membres choisis par l'Assemblée générale à la majorité des deux tiers sur le critère du respect des Droits de l'homme.

L'exécutif du dispositif de l'ONU sur les Droits de l'homme, le Haut commissaire, doit également être renforcé, à la fois dans ses moyens et ses capacités d'investigation. Chaque année, le Haut commissaire devrait publier un rapport sur l'état des Droits de l'homme dans le monde, qui ferait l'objet d'un débat à l'Assemblée générale.

M. Robert Badinter a indiqué que le groupe de travail s'était également penché sur la question de la protection des victimes de crimes contre l'humanité, de violation massive des Droits de l'homme, ce qui pose directement la question de l'intervention extérieure. Il a noté, à cet égard, que le terme « d'ingérence » était teinté, pour les Etats du tiers-monde, de néocolonialisme et, à ce titre, particulièrement mal perçu. Il lui a semblé préférable de recourir à la notion de devoir d'assistance humanitaire à peuple en danger, affirmant la responsabilité collective de la communauté internationale. S'il y a lieu, cette notion doit permettre le recours à la force sur décision du Conseil de sécurité des Nations unies, au moyen de forces mises à sa disposition par les Etats. M. Robert Badinter a souligné la pertinence du recours aux juridictions pénales internationales et s'est félicité de ce que la situation au Darfour fasse enfin l'objet d'une ouverture d'enquête par la Cour pénale internationale.

Il a ensuite exposé les réflexions du groupe de haut niveau sur la situation des Etats en déliquescence, comme la Somalie ou Haïti, qui constituent des abcès de fixation de la violence, de développement des mafias et du crime organisé. Le groupe a proposé la constitution d'une commission de consolidation de la paix, organe restreint qui serait placé sous l'autorité du Conseil de sécurité avec, pour mission, de centraliser les données disponibles et les politiques conduites sur ces Etats. Il s'agirait d'une petite structure au format variable, au sein de laquelle les organisations financières internationales seraient présentes, ainsi que les organisations régionales concernées, les Etats donateurs et les Etats intervenants. En conséquence, le Conseil de tutelle, institution en sommeil, disparaîtrait.

Evoquant la lutte contre le terrorisme, M. Robert Badinter a noté que l'angoisse née de ce phénomène dépassait très largement le monde occidental pour toucher également l'Asie, la Russie, mais aussi le Proche-Orient. Sur ce point, l'action internationale doit reposer sur un ensemble cohérent de textes. 12 instruments internationaux traitent à ce jour du terrorisme, mais aucun d'entre eux n'en donne une définition claire en le considérant comme un crime. Le groupe a considéré qu'il n'était pas admissible, quels qu'en soient les circonstances ou les mobiles, que le terrorisme s'exerce à l'égard de populations civiles innocentes et que la qualification de crime s'imposait en de telles circonstances.

M. Robert Badinter a rappelé que, depuis la Seconde guerre mondiale, le terrorisme d'Etat était réprimé internationalement et qu'il n'était pas concevable que le terrorisme non étatique ne le soit pas, à la différence, par exemple, des actes de piraterie aérienne ou de l'esclavage. Les conséquences d'une qualification criminelle du terrorisme ne sont pas seulement morales, elles sont également concrètes dans leurs effets juridiques, notamment en matière d'extradition. Il a indiqué que l'examen de cette question avait inévitablement conduit à considérer la question du Proche-Orient. Le groupe a considéré que les actes conduits contre une armée ne relevaient pas du terrorisme, mais qu'il convenait, en revanche, de considérer comme tel le fait de s'attaquer par exemple à des bus transportant des civils.

La criminalité organisée internationale a également été examinée par le groupe de haut niveau. Cette forme de criminalité n'est pas aussi spectaculaire que le terrorisme, mais son développement est considérable, de même que ses conséquences humaines et économiques. La désintégration d'Etats a permis la constitution de poches de réseaux mafieux, qui se livrent à des formes modernes d'esclavage, en dégageant des profits considérables.

M. Robert Badinter a enfin développé les réformes institutionnelles proposées par le groupe de travail.

Evoquant l'Assemblée générale, il a considéré que cette institution devait plutôt mener une auto-réforme, mieux maîtriser son agenda ainsi que l'activité de ses commissions. Il a indiqué que le Secrétaire général avait fait des propositions dans ce sens.

Pour ce qui concerne le Conseil économique et social, l'idée, a priori séduisante, de la création d'un conseil de sécurité économique et social se révèle en fait impossible à mettre en oeuvre. Quelles seraient les compétences d'un « second » Conseil de sécurité, sa composition, et comment règlerait-on les conflits de compétence entre les deux instances sans possibilité d'arbitrage ? En matière économique et sociale, le Conseil économique et social (Ecosoc) a souffert, dès l'origine, de la concurrence des institutions de Bretton Woods et il ne mobilise plus aujourd'hui les dirigeants des grandes puissances. Le groupe a convenu de conserver l'Ecosoc, tout en travaillant à renforcer le rôle du G8 et du G20, afin d'assurer la cohérence des politiques en la matière.

Au sujet du Conseil de sécurité, M. Robert Badinter a fait observer que bien des formules ont déjà été imaginées et qu'il s'agit là d'un problème éminemment politique. Il a indiqué que le groupe avait considéré que la seule piste envisageable était l'élargissement du Conseil de sécurité. Cet élargissement permettrait une meilleure représentativité et correspondrait à l'élargissement de l'ONU elle-même, qui comprenait, à l'origine, 59 membres et en compte aujourd'hui 189.

M. Robert Badinter a indiqué que deux formules avaient été proposées pour l'élargissement du Conseil de sécurité, avec le souci de ne pas nuire à son efficacité et de le démocratiser. Dans les deux formules, le nombre de membres serait porté à 24, répartis en quatre grands ensembles géographiques, Afrique, Asie-Pacifique, Europe, Amériques, à raison de six postes chacun. Dans la première hypothèse, six nouveaux sièges de membres permanents seraient créés : deux pour l'Afrique, deux pour l'ensemble Asie-Pacifique, un pour l'Europe et un pour les Amériques. La durée du mandat des 13 autres membres serait de deux ans non renouvelables, avec quatre sièges pour l'Afrique, trois pour l'Asie-Pacifique, deux pour l'Europe et quatre pour les Amériques.

La seconde formule consisterait dans l'adjonction, non pas de nouveaux sièges permanents, mais de huit sièges avec mandats de quatre ans renouvelables et de onze sièges avec mandats de deux ans non renouvelables.

M. Robert Badinter a souligné que ces solutions ne satisfaisaient que les Etats se sentant concernés par l'élargissement et qu'elles feraient vraisemblablement l'objet d'un marchandage féroce. En aucun cas, le groupe de travail n'a proposé d'extension du droit de veto, qui doit rester une prérogative extraordinaire, mais dont l'usage pourrait être aménagé.

Considérant les chances d'aboutir des propositions avancées, M. Robert Badinter a estimé qu'il s'agissait d'un domaine d'affrontement des puissances qui pourrait éventuellement conduire, in fine, à l'adoption d'un système tournant dans un conseil élargi. Une fois recueilli l'assentiment des cinq membres permanents, il pourrait être fait recours à la procédure de révision de la Charte, à la majorité des deux tiers de l'Assemblée générale des Nations unies.

Il a conclu en soulignant l'importance que revêtirait la 60e session de l'Assemblée générale de septembre 2005.

Un débat a suivi l'exposé de M. Robert Badinter.

M. André Dulait a souhaité savoir quelle était la position des Etats-Unis sur les propositions de réforme.

M. Robert Badinter a estimé que la position des Etats-Unis était difficile à apprécier, mais qu'ils n'avaient pas manifesté d'opposition radicale a priori. La désignation de M. John Bolton comme ambassadeur auprès des Nations unies, réputé comme un adversaire de l'institution, ne préjuge pas de possibilités de compromis importantes. Si un accord est envisageable sur la commission de consolidation de la paix, sur la lutte contre le terrorisme, ou encore sur la question des droits de l'homme, les autres propositions seront certainement plus discutées.

M. Didier Boulaud a évoqué le risque d'une concentration géographique importante si l'on considère que les quinze Etats membres du Comité des Droits de l'homme doivent être irréprochables en la matière. Il a souhaité savoir si le groupe de travail avait examiné la question des Droits de l'enfant dont la situation est critique, y compris dans les pays développés.

M. Robert Badinter a estimé qu'il était possible de réunir un certain nombre de pays honorables sur le plan des Droits de l'homme. Il s'agit surtout que les personnalités désignées soient représentatives de la lutte pour les Droits de l'homme dans leur pays. En ce qui concerne les Droits de l'enfant, ils relèvent de la priorité donnée aux maux qui affligent le monde, en particulier le sud. Ils nécessitent davantage la mobilisation de politiques et de moyens financiers qu'une réforme institutionnelle.

M. Robert Del Picchia a considéré que la réforme de la Commission des Droits de l'Homme pourrait donner des résultats, en prenant pour exemple la commission de ce type à l'Union interparlementaire. Il a souhaité savoir si la Chine constituait un facteur de blocage sur la question des Droits de l'homme. Il a enfin estimé que la réforme du Conseil de sécurité pourrait être de l'intérêt des Etats-Unis eux-mêmes, dans la mesure où le droit de veto serait maintenu aux seuls cinq membres permanents actuels et où les nouveaux membres permanents pressentis leur seraient plutôt favorables.

M. Robert Badinter a considéré que la Chine n'était pas la seule source de blocages potentiels. S'agissant de la réforme du Conseil de sécurité, il convenait de prendre en considération l'existence d'un courant très défavorable aux Nations unies au sein du Congrès des Etats-Unis.

Mme Dominique Voynet a souligné que les conventions multilatérales dans le domaine de l'environnement se multipliaient en l'absence d'une organisation à même de les faire respecter. Le programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) est ainsi un simple programme alimenté par des contributions volontaires. Elle a souhaité savoir si le groupe avait fait des propositions pour renforcer l'architecture internationale en matière d'environnement. Elle a considéré que les tensions sur les ressources naturelles étaient un facteur de déstabilisation de continents entiers qui souffrent de déficit en eau, en pétrole, mais aussi en acier et en céréales, ce qui conduit à ne pas considérer cette question sous l'angle du seul développement.

M. Robert Badinter a indiqué que les atteintes à l'environnement avaient été identifiées comme une menace très importante. De nouvelles sources de financement doivent être mobilisées pour y répondre en atteignant l'objectif de 0,7 % du PIB consacré au développement et par l'annulation de la dette des pays pauvres. Au demeurant, c'est au Conseil de sécurité qu'il revient d'assurer la sécurité face aux menaces multiformes et de prendre les décisions appropriées.

Mme Hélène Luc a estimé que la France n'accordait pas assez d'importance à la réforme des Nations unies et que cette question devrait faire l'objet d'un débat en séance publique au Sénat. Citant les propos du Secrétaire général des Nations unies, soulignant la nécessité d'une nouvelle doctrine de sécurité fondée sur le constat de l'interdépendance des menaces, elle s'est inquiétée de la possible interprétation des stipulations pour légitimer des guerres préventives. Elle a ainsi craint une régression par rapport aux stipulations de la Charte sur le droit à la légitime défense. Evoquant la situation en Afghanistan, la situation des femmes ainsi que le fardeau de la dette, elle a considéré que l'instauration d'un conseil de régulation économique était une nécessité.

M. Serge Vinçon, président, a souhaité savoir si les Etats-Unis avaient renoncé à remettre en cause les termes de l'article 51 de la Charte afin d'ouvrir la possibilité d'actions militaires préventives.

M. Robert Badinter a indiqué que nul ne souhaitait la modification de l'article 51. Il a déclaré ne pas partager les craintes relatives à une interprétation de la Charte en faveur de guerres préventives. Une aventure guerrière menée par le Conseil de sécurité est certainement beaucoup moins probable que celle que pourraient tenter certains Etats. Il a estimé que, devant la dégradation du contrôle de l'arsenal nucléaire ou biologique et chimique liée au risque terroriste et la réalité des menaces qui pèsent sur l'ordre mondial, la réaction du Conseil de sécurité pourrait être effective sans attendre l'imminence d'un désastre. Evoquant la situation des femmes, première cible des crimes contre l'humanité et particulièrement dans les pays en développement, il a souligné que le traitement de cette question était affaire de volonté politique.

M. Jean-Guy Branger a rappelé que la traite des êtres humains était un phénomène en augmentation et a appelé à des réactions fermes et vigoureuses pour y remédier.

M. Robert Badinter a souligné que le crime organisé avait été reconnu comme une menace contre la sécurité du monde au terme des investigations menées par le groupe de travail. Ce phénomène, aujourd'hui insuffisamment pris en compte, conduit à la confiscation des ressources et la relation directe entre le blanchiment d'argent et le crime organisé est parfaitement identifiée.

Mercredi 8 Juin 2005

- Présidence de M. Robert Del Picchia, Vice-Président -

Traités et conventions - Accord de coopération en vue de la répression du trafic illicite et aérien de stupéfiants et de substances psychotropes dans la région des Caraïbes - Examen du rapport

La commission a tout d'abord examiné le rapport de M. Michel Guerry sur le projet de loi n° 348 (2004-2005), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord concernant la coopération en vue de la répression du trafic illicite et aérien de stupéfiants et de substances psychotropes dans la région des Caraïbes.

M. Michel Guerry, rapporteur, a tout d'abord indiqué que le cadre juridique du régime multilatéral de lutte contre la drogue était constitué de trois conventions internationales ratifiées de façon quasi universelle, la convention unique sur les stupéfiants de 1961, la convention de 1971 sur les substances psychotropes et la convention des Nations unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes de 1988. L'accord de coopération régionale dans les Caraïbes est le premier accord régional signé sur le fondement de la convention des Nations unies de 1988. Avant d'en aborder le dispositif, il a évoqué l'évolution récente de la situation dans la région en matière de trafic de stupéfiants.

Il a ainsi souligné que la caractéristique constante des Caraïbes était d'être le point de passage entre le lieu de production de la cocaïne, (l'ensemble constitué de la Colombie, du Pérou et de la Bolivie), et son premier marché de consommation, les Etats-Unis.

M. Michel Guerry, rapporteur, a rappelé que les années 1990 avaient été marquées par une augmentation spectaculaire de la production de cocaïne et par une baisse des prix. Conjuguée à la lutte résolue des Etats-Unis contre les trafics, cette augmentation a conduit à orienter une partie des flux sur l'Europe. Elle a eu pour conséquence une hausse de la consommation en Europe occidentale, où cet usage était jusqu'alors cantonné à une faible population de consommateurs.

M. Michel Guerry, rapporteur, a indiqué que les chiffres de ces dernières années montraient une diminution de la production de cocaïne et une stabilisation de la consommation en Europe, mais le phénomène est désormais installé. Parmi les autres évolutions récentes, il a signalé que la consommation avait progressé au sein de la population des pays producteurs et que les réseaux avaient de plus en plus recours aux collectivités d'outre-mer comme point d'entrée vers les pays européens. Cette nouvelle orientation a contribué à accroître la criminalité liée aux stupéfiants dans les DOM, mais aussi la toxicomanie.

Indiquant que la capacité d'adaptation des trafiquants aux évolutions de la répression était remarquable, il a souligné l'intérêt d'une coordination.

M. Michel Guerry, rapporteur, a précisé que la coordination internationale dans la région s'organisait actuellement autour des Etats-Unis qui participent à un maillage très dense de textes bilatéraux et régionaux dans la région.

L'accord de San José complète les instruments de coopération existants.

M. Michel Guerry, rapporteur, a indiqué que le traité couvrait toutes les étapes de la coopération opérationnelle, depuis le renseignement jusqu'à l'interception des bâtiments. Il a précisé que des agents des services répressifs pouvaient embarquer à bord des bâtiments d'une autre partie et procéder à des arraisonnements et à des fouilles.

Il a signalé que l'accord aménageait sur deux points principaux les principes généraux du droit de la mer et des espaces aériens, en permettant qu'une opération d'interception par un Etat Partie se déroule non seulement dans ses eaux territoriales ou en haute mer, mais aussi dans les eaux territoriales d'un autre Etat Partie. Il a considéré que cette mesure était essentielle, compte tenu de la rapidité des embarcations des trafiquants et de l'imbrication des eaux territoriales dans la région.

Il a relevé que l'accord prévoyait également la possibilité d'intervention d'un Etat partie sur un navire battant pavillon d'une autre partie, fixant un délai maximum de quatre heures aux Etats pour confirmer la nationalité d'un navire. La signature d'un accord vaut autorisation permanente d'intervention en l'absence de déclaration des Etats demandant une autorisation expresse ou prévoyant que l'autorisation est réputée accordée à défaut d'une réponse dans un délai de quatre heures. M. Michel Guerry, rapporteur, a indiqué que cette dernière option avait été retenue par la France.

Il a considéré que tout en établissant des modalités de coopération très étroites, l'accord était respectueux de la souveraineté des Parties et qu'il complétait utilement le dispositif de coopération dans une région sensible.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

M. Robert Bret a marqué son accord avec les objectifs du texte examiné, mais a souligné les limites de la coopération répressive si aucune coopération au développement n'est organisée avec les pays producteurs pour traiter le phénomène en amont.

M. Michel Guerry, rapporteur, a exprimé son accord avec cette position, tout en soulignant que la France, ainsi que l'Organisation des Nations unies, ne restaient pas inactives en proposant le développement de cultures alternatives, notamment la culture du café, aux pays producteurs. Il a rappelé que la commission avait récemment examiné un accord avec la Colombie renforçant la coopération bilatérale avec ce pays.

M. Robert Bret, évoquant le décalage entre les discours et les dépenses effectives d'aide publique au développement, a considéré qu'il était légitime de s'interroger sur la portée réelle de ce type de convention.

M. Robert Del Picchia a rappelé que trois organisations spécialisées des Nations unies traitaient des stupéfiants, et fait observer que le pourcentage des saisies par rapport à la production semblait rester stable, à hauteur d'environ 8 %. Il a souhaité savoir si des opérations d'interception d'aéronefs étaient prévues par l'accord.

M. Michel Guerry, rapporteur, a précisé que les stipulations de l'accord prévoyaient essentiellement l'arraisonnement de navires, mais que des aéronefs pouvaient participer à ces opérations. Il a cité l'exemple de la Jamaïque où les pistes clandestines d'atterrissage sont régulièrement démantelées. Pour ce qui concerne les saisies de stupéfiants rapportées à la production, il a considéré que certains chiffres avancés, de l'ordre de 30 % à 45 % de saisies, étaient discutables, dans la mesure où ils laissaient supposer que les trafics étaient relativement sous contrôle, ce qui ne reflète pas la réalité.

La commission a adopté le projet de loi.

Traités et conventions - Traité d'amitié et de coopération France-Monaco-Examen du rapport

La commission a ensuite examiné le rapport de Mme Monique Cerisier-ben Guiga sur le projet de loi n° 87 (2004-2005), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification du traité destiné à adapter et à confirmer les rapports d'amitié et de coopération entre la République française et la Principauté de Monaco.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur, a rappelé que la France et la Principauté de Monaco étaient jusqu'à présent liées par le traité du 17 juillet 1918, adopté dans le contexte particulier de la Première guerre mondiale, à laquelle participait le Prince héritier dans les rangs de l'armée française et alors que les perspectives de succession étaient assez obscures. Ce traité, ainsi que la convention franco-monégasque de 1930, n'est plus compatible aujourd'hui avec les prérogatives d'un Etat souverain, désormais membre de l'ONU, du Conseil de l'Europe et de nombreuses organisations internationales. Aussi bien un traité signé le 24 octobre 2002 a-t-il permis d'adapter les rapports entre la République française et la Principauté de Monaco. Le rapporteur a souligné que ce nouveau traité réaffirmait l'indépendance de la Principauté de Monaco, tout en poursuivant la politique d'étroite concertation suivie par les deux Etats, notamment dans le domaine des relations internationales : dans les domaines d'intérêts communs, les deux Etats procéderont à des consultations régulières dans le cadre d'une commission mixte paritaire. Par ailleurs, le traité réaffirme la « communauté de destin » entre les deux pays, et évoque la nécessité d'une concertation bilatérale, la Principauté de Monaco devant s'assurer que ses relations internationales sont conduites, sur les questions fondamentales, en convergence avec celles de la République française. Enfin, le traité du 24 octobre 2002 met fin à la nécessité d'un agrément français dans le cas d'une modification de l'ordre successoral et remplace celui-ci par une simple information de la France.

D'autres domaines sont actuellement en cours de négociation, en particulier une convention d'entraide judiciaire en matière pénale qui prévoit notamment le non-recours au principe de la double incrimination et la non-opposabilité par la Partie requise du caractère fiscal de l'infraction.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur, a indiqué que, dans le cadre de l'amélioration des aspects sociaux, économiques et financiers des rapports entre la France et Monaco, trois domaines devaient retenir l'attention : les possibilités d'emplois publics offerts réciproquement par les deux Etats ; la nécessaire amélioration dans le domaine des assurances sociales et particulièrement en ce qui concerne les pensions de retraite servies aux Français ayant travaillé à Monaco et résidant ensuite en France ; enfin, les conditions de logement des Français à Monaco, qui sont extrêmement difficiles, compte tenu des prix très élevés du secteur immobilier dans la Principauté. Elle s'est d'ailleurs inquiétée de l'application de la loi monégasque n° 1235 relative aux habitations construites avant le 1er septembre 1947 qui permettra l'expulsion de très nombreux Français, quels que soient leur âge et leur durée de résidence, lorsque leurs baux viendront à expiration en 2006. Elle a également souligné le fait que le bénéfice de logements sociaux monégasques pour des Français ayant longtemps résidé à Monaco serait un élément appréciable d'amélioration de la qualité des relations franco-monégasques.

Enfin, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur, a souhaité l'indispensable amélioration des activités de la place financière monégasque. L'intégration financière entre Monaco et la France est désormais totale en matière monétaire : ainsi Monaco utilise l'euro depuis la convention monétaire du 26 décembre 2001 ; quant aux banques monégasques, elles sont soumises au droit bancaire français et contrôlées par la Commission bancaire, sauf en matière de blanchiment, domaine qui relève d'une autorité monégasque, le Service d'information et de contrôle sur les circuits financiers (SICCFIN). Or, le rôle de places financières telles que Monaco, qui font figure de « paradis fiscaux » a été critiqué par de nombreux organismes internationaux. Les engagements pris par Monaco le 26 décembre 2001 en matière de lutte contre le blanchiment doivent donner lieu à une mise en oeuvre concrète. En effet, si Monaco a mis à niveau sa réglementation en la matière, il convient désormais que la pratique de la lutte contre le blanchiment soit conforme aux meilleurs standards internationaux.

Sous le bénéfice de ces observations, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur, a demandé à la commission d'adopter le projet de loi.

A M. Robert Del Picchia, président, qui soulignait le problème du logement de Français aux moyens financiers modestes dans la Principauté, Mme Monique Cerisier-ben Guiga a indiqué que, si quelque 30.000 Français travaillaient à Monaco, 10.000 seulement étaient en mesure d'y résider.

La commission a ensuite adopté le projet de loi.

Traités et conventions - Accord France-Andorre concernant les transports routiers internationaux de marchandises - Examen du rapport

La commission a examiné le rapport de M. Jacques Blanc sur le projet de loi n° 140 (2004-2005), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d'Andorre concernant les transports routiers internationaux de marchandises (ensemble une annexe).

M. Jacques Blanc, rapporteur, a rappelé que la Principauté d'Andorre était totalement enclavée dans la chaîne des Pyrénées, et n'était reliée à ses deux voisins, la France et l'Espagne, que par voie routière. Il a précisé que le présent accord visait à faciliter le transport routier international entre la France et Andorre, en substituant au régime d'autorisation, valable pour un seul transport, un régime plus souple, valable, suivant la nature des marchandises transportées, pour un trimestre ou un an. L'accord instaure également une commission mixte franco-andorrane chargée de veiller à son application, et d'élaborer des contingents annuels d'autorisations en matière de transport routier international. M. Jacques Blanc, rapporteur, a souligné que l'essentiel des transports routiers effectués entre les deux pays était réalisé par des entreprises françaises, et que ce texte facilitera leur travail. De surcroît, il ne s'applique pas aux transports intérieurs français et ne constitue donc en rien une source de concurrence pour ces entreprises. Il a conclu en faisant valoir la nécessité d'une réflexion globale sur l'instauration de modes de transports alternatifs à la route, pour l'ensemble du massif pyrénéen, car les infrastructures de ce type, même modernisées, auront du mal à absorber à l'avenir l'ensemble du trafic prévisible.

Suivant la recommandation du rapporteur, la commission a adopté le projet de loi.

Traités et conventions - Protocole modifiant la convention relative aux transports internationaux ferroviaires - Examen du rapport

La commission a ensuite examiné le rapport de M. Didier Boulaud sur le projet de loi n° 72 (2004-2005), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation du protocole portant modification de la convention relative aux transports internationaux ferroviaires du 9 mai 1980 (ensemble une annexe).

M. Didier Boulaud, rapporteur, a précisé que le protocole signé à Vilnius le 3 juin 1999 visait à modifier la Convention relative aux transports internationaux ferroviaires. Cette dernière relève de l'Organisation des transports internationaux ferroviaires (OTIF), organisation internationale qui siège à Berne. Depuis plus d'un siècle, cette organisation élabore des règles communes applicables aux contrats de transport pour les liaisons par chemin de fer entre pays membres, qu'il s'agisse de transport de voyageurs ou de marchandises. L'objectif est d'éliminer les obstacles juridiques ou réglementaires auxquels se heurte le franchissement des frontières en trafic international ferroviaire.

L'Organisation regroupe actuellement 42 Etats, issus principalement d'Europe occidentale et centrale, mais également du Proche-Orient et d'Afrique du Nord.

Le droit uniforme de transport ferroviaire mis en place par l'OTIF s'applique à environ 240 000 km de lignes de chemin de fer, ainsi qu'à plusieurs milliers de km de lignes routières et de voies navigables utilisées en prolongement du transport ferroviaire. Ces règles uniformes comportent des dispositions relatives aux tarifs internationaux, à la forme et aux conditions d'exécution du contrat de transport, à la responsabilité de l'exploitant en cas de dommages causés aux voyageurs ou aux marchandises, au transport des matières dangereuses et aux rapports des chemins de fer entre eux pour le trafic international.

M. Didier Boulaud, rapporteur, a indiqué que depuis l'adoption de la Convention relative aux transports internationaux ferroviaires, en 1980, la politique des transports ferroviaires a fortement évolué dans de nombreux Etats membres de l'Organisation. La séparation des chemins de fer de l'administration étatique, leur émancipation juridique en tant qu'entreprises de droit public ou privé, la séparation entre la gestion de l'infrastructure et le transport de voyageurs et de marchandises sont les principales caractéristiques de cette évolution qui a justifié l'adoption, en 1999, d'un protocole destiné à se substituer à la convention d'origine.

M. Didier Boulaud, rapporteur, a ensuite présenté les principales modifications apportées par ce protocole.

Le champ des compétences de l'Organisation des transports internationaux ferroviaires est élargi aux questions touchant à l'interopérabilité et à l'harmonisation technique dans le secteur ferroviaire. La nouvelle convention permet l'adhésion des organisations régionales, ce qui concerne au premier chef la Communauté européenne.

En ce qui concerne le droit uniforme édicté par l'OTIF, les textes ont été adaptés pour permettre une plus grande souplesse contractuelle. Ainsi, pour le transport des marchandises, un rapprochement s'opère avec le droit applicable à d'autres modes de transport, notamment de la convention relative au contrat de transport international de marchandise par route, afin de ne pas pénaliser le rail par un excès de contraintes. Une marge plus importante sera accordée dans la conclusion des accords entre les entreprises ferroviaires et les clients, comme entre les entreprises ferroviaires elles-mêmes. Le régime de responsabilité du transporteur a également été amendé et les cas d'exonération de responsabilité ont été précisés afin d'éviter que la notion de comportement anormal du voyageur ne soit abusivement utilisée, notamment dans des cas impliquant des personnes handicapées.

La nouvelle convention comporte également une annexe entièrement nouvelle sur le contrat d'utilisation de l'infrastructure en trafic international. Elle règle les relations contractuelles et la responsabilité entre le gestionnaire d'infrastructure et l'entreprise ferroviaire. Enfin, deux autres appendices nouveaux concernent les prescriptions applicables au matériel ferroviaire destiné à être utilisé en trafic international.

Soulignant l'importance de l'harmonisation juridique et réglementaire en matière ferroviaire, indispensable pour le développement de ce mode de transport, M. Didier Boulaud, rapporteur, a considéré que l'actualisation de la réglementation, opérée avec le protocole adopté à Vilnius le 3 juin 1999, était nécessaire. Il a précisé que cet instrument avait été ratifié par 25 Etats membres de l'OTIF, 27 ratifications étant nécessaires pour l'entrée en vigueur du texte.

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission a adopté le projet de loi.

Traités et conventions - Arrangement de La Haye concernant l'enregistrement international des dessins et modèles industriels - Examen du rapport

La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport de M. Robert Del Picchia sur le projet de loi n° 173 (2004-2005), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de l'Acte de Genève de l'arrangement de La Haye concernant l'enregistrement international des dessins et modèles industriels.

M. Robert Del Picchia, rapporteur, a rappelé que l'enregistrement des dessins et modèles industriels constituait, avec celui des brevets et des marques, l'un des trois volets de la protection de la propriété industrielle. Les premiers instruments internationaux en la matière ont été élaborés il y a plus d'un siècle, le droit international de la propriété industrielle relevant de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), organe spécialisé des Nations unies siégeant à Genève.

Selon la définition donnée par l'OMPI, un dessin ou modèle industriel est constitué par l'aspect ornemental ou esthétique d'un objet, c'est-à-dire sa forme ou sa texture, ou encore les motifs, les lignes ou la couleur. Ces éléments n'ont pas de lien avec le fonctionnement de l'objet, mais donnent à ce dernier son originalité et son attrait. Ils déterminent donc en partie sa valeur économique et commerciale.

Le dépôt international des dessins et modèles industriels est régi par l'arrangement de La Haye, signé en 1925 puis modifié à plusieurs reprises. Ce système offre au propriétaire d'un dessin ou modèle industriel la possibilité d'en obtenir la protection dans plusieurs pays en déposant une seule demande rédigée en une seule langue auprès d'un seul Office et en payant une seule série de taxes en une seule monnaie, en l'occurrence le franc suisse.

Un dépôt international produit les mêmes effets que ceux d'un dépôt effectué directement dans chacun des pays désignés par le déposant, sous réserve que la protection ne soit pas refusée par l'Office compétent d'un tel pays.

M. Robert Del Picchia, rapporteur, a estimé que la faiblesse de l'arrangement de La Haye résidait dans le faible nombre de pays y ayant adhéré. Ses principaux utilisateurs sont l'Allemagne, la France, la Suisse, l'Italie et les pays du Benelux, mais la majorité des 30 pays de l'OCDE, notamment les Etats-Unis, le Japon et le Royaume-Uni, restent hors de son champ d'application. Ces pays disposent de procédures nationales beaucoup plus lourdes que celles prévues par le système international. Ce dernier, comparable à la procédure française, prévoit des formalités très simples de dépôt et laisse aux tribunaux le soin de trancher d'éventuelles contestations. A l'inverse, aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne, l'office national examine a priori la validité du dépôt et vérifie que le dessin ou le modèle n'a pas déjà fait l'objet d'une exploitation.

M. Robert Del Picchia, rapporteur, a indiqué que l'Acte de Genève, signé en juillet 1999, visait à remplacer l'arrangement de La Haye pour adapter le système international aux procédures d'enregistrement en vigueur dans les autres Etats.

L'idée générale du nouveau texte est d'établir un système de dépôt international « à la carte », plus adapté aux diverses traditions procédurales qui coexistent dans le monde. Les conditions auxquelles devra se soumettre le déposant dépendront en grande partie des pays où il voudra voir son dessin ou son modèle protégé. Ainsi, la demande internationale comportera des éléments obligatoires, comme l'identité du déposant, les reproductions des dessins et modèles et les pays dans lesquels la protection est sollicitée. Le déposant devra en outre fournir des éléments supplémentaires s'il souhaite étendre la protection à un Etat qui exige ce type d'informations. A défaut, sa demande internationale sera réputée ne pas désigner cet Etat.

L'Acte de Genève prévoit également de porter de 6 à 12 mois le délai laissé aux offices nationaux pour refuser un enregistrement et de permettre une protection internationale des dessins et modèles au-delà de 15 ans.

Enfin, les organisations intergouvernementales pourront devenir Partie à la convention, ce qui sera le cas de la Communauté européenne. Celle-ci a déjà instauré, en créant les dessins et modèles communautaires, un titre unique valable sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne. Il est délivré par l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur situé à Alicante, également compétent pour les marques communautaires.

Rappelant que l'Acte de Genève du 2 juillet 1999 avait été conçu pour permettre à un plus grand nombre d'Etats, et notamment à de grands Etats industriels comme les Etats-Unis, le Japon ou le Royaume-Uni, d'adhérer au régime international de protection des dessins et modèles industriels, M. Robert Del Picchia, rapporteur, a estimé que si cet objectif était atteint, les industriels bénéficieraient d'une protection géographiquement beaucoup plus étendue. Il a précisé qu'à l'heure actuelle, 18 Etats étaient devenus Partie à l'Acte de Genève, dont 8 Etats n'ayant pas ratifié antérieurement l'Arrangement de La Haye.

M. Robert Del Picchia, rapporteur, a ajouté que le Gouvernement français, comme l'y autorise la convention, a prévu de déposer une déclaration aux termes de laquelle « l'instrument de ratification de la France ne doit être considéré comme déposé que si l'instrument des Etats-Unis ou l'instrument du Japon est aussi déposé ». Cette déclaration démontre que dans l'esprit du Gouvernement français, les aménagements consentis lors de la négociation, qui se traduisent par des formalités supplémentaires lors du dépôt, doivent avoir pour contrepartie une extension notable du champ géographique de la protection de nos dessins et modèles industriels.

Sous le bénéfice de cette précision, il a émis un avis favorable à l'adoption du projet de loi autorisant la ratification de l'Acte de Genève du 2 juillet 1999 concernant l'enregistrement international des dessins et modèles industriels.

La commission a alors adopté le projet de loi.

Traités et conventions - Convention relative au renforcement de la Commission Interaméricaine du Thon Tropical établie par la Convention de 1949 entre les Etats-Unis d'Amérique et la République du Costa Rica - Examen du rapport

Enfin, la commission a examiné le rapport de M. André Boyer sur le projet de loi n° 139 (2004-2005), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de la convention relative au renforcement de la Commission Interaméricaine du Thon Tropical établie par la Convention de 1949 entre les Etats-Unis d'Amérique et la République du Costa Rica (ensemble quatre annexes).

M. André Boyer, rapporteur, a rappelé que la commission interaméricaine du thon tropical (CITT) a été fondée en 1949 par les Etats-Unis et le Costa Rica, rejoints ultérieurement par dix autres pays riverains, ou ayant une flotte de pêche active dans cette région. La France y siège, depuis 1975, pour protéger la zone économique exclusive de l'île de Clipperton, située à 1.300 km à l'Ouest des côtes mexicaines.

Puis M. André Boyer, rapporteur, a souligné que ce type d'organisation régionale s'était étendu avec l'instauration, en 1969, d'une commission sur la conservation du thon de l'Atlantique, celle, en 1996, sur la conservation des thons de l'Océan indien, et en 2000, d'une commission dévolue à la gestion de ces poissons dans la zone du Pacifique occidental et central.

M. André Boyer, rapporteur, a fait valoir que la CITT, fondée dès 1949, a récemment souhaité rénover ses statuts, pour les adapter aux nouvelles réalités juridiques et économiques. L'objet du présent texte, signé en juin 2003, est de renforcer les structures, et de rénover les moyens d'action de cette commission. Les compétences de la CITT sont ainsi élargies à la gestion des espèces halieutiques couramment capturées lors de la pêche au thon. Cette extension vise à mieux préserver la globalité de l'écosystème marin.

Par ailleurs, la convention englobe désormais les zones sous juridiction des Etats côtiers, intégrant ainsi les dispositions de l'accord de 1995 sur les stocks chevauchants et les poissons grands migrateurs. La nouvelle convention est également ouverte à la signature des nouveaux adhérents qui le souhaiteraient, parmi les Etats riverains, ou les Etats pêchant dans la zone considérée depuis au moins quatre ans. C'est ainsi que le Canada, la Chine et la Corée ont fait part de leur intention de rejoindre cette convention, qui sera également ouverte aux organisations régionales d'intégration économique, telle que la Communauté européenne. Le rapporteur a salué la rénovation de cette commission, en rappelant que la pêche thonière augmente ses prises de façon continue, et que les thons tropicaux constituent l'essentiel de ces prises, ce qui nécessite une gestion raisonnée de leurs stocks.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission a adopté le projet de loi.