Travaux de la commission des affaires étrangères



Mercredi 26 octobre 2005

- Présidence de M. Serge Vinçon, président -

Traités et conventions - Accord franco-algérien en matière de sécurité et de lutte contre la criminalité organisée - Examen du rapport

Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission a tout d'abord procédé à l'examen du rapport de M. Robert Del Picchia sur le projet de loi n° 346 (2004-2005) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement la République algérienne démocratique et populaire relatif à la coopération en matière de sécurité etde lutte contre la criminalité organisée.

M. Robert Del Picchia, rapporteur, a indiqué que l'accord signé à Alger, le 25 octobre 2003, entre M. Nicolas Sarkozy et son homologue algérien, prenait modèle sur la vingtaine d'accords du même type conclus par la France pour encadrer sa politique de coopération policière et lui donner une base juridique. Il définit un cadre de coopération volontaire couvrant un champ très large (lutte contre la criminalité organisée internationale, les trafics de stupéfiants, le terrorisme, la contrefaçon, la traite des êtres humains, le blanchiment, l'immigration irrégulière, les trafics d'objets d'art, la cybercriminalité) et peut prendre diverses formes : communication d'informations sur les activités criminelles, actions policières menées à la demande de l'autre partie, échanges de spécialistes. La lutte contre le trafic de stupéfiants et la lutte contre le terrorisme font l'objet de dispositions détaillées, les deux parties s'engageant, en ce domaine, à procéder à des échanges d'informations précis. Enfin, l'accord décrit les modalités de la coopération technique entre les deux pays, qui portera sur des actions de formation, l'accueil réciproque de fonctionnaires et d'experts et des missions de conseil technique.

Le rapporteur a évoqué l'évolution du contexte sécuritaire en Algérie, et notamment les activités du Groupe salafiste de prédication et de combat (GSPC), qui entretient des liens avec Al Qaïda et a diffusé des communiqués appelant à viser les intérêts français. Il a ensuite présenté les différents aspects de notre coopération sécuritaire bilatérale avec l'Algérie, tant sur le plan technique que sur le plan opérationnel, en précisant que le service de coopération technique et international de police (SCTIP) du ministère de l'intérieur avait rouvert une antenne à Alger depuis 2000 et que la direction de la surveillance du territoire (DST) disposait également, sur place, d'un officier de liaison compétent pour l'ensemble du Maghreb.

Enfin, le rapporteur a replacé la conclusion de cet accord dans le contexte plus général de l'évolution de nos relations bilatérales avec l'Algérie. Il a rappelé que l'amélioration de la situation sécuritaire a eu des effets positifs : réouverture des centres culturels d'Alger, d'Annaba, d'Oran et de Constantine; ouverture du lycée français Alexandre Dumas à Alger; réouverture du consulat général d'Annaba, celle du consulat général d'Oran étant envisagée pour la mi-2007. Il a également évoqué les deux visites effectuées par le Président Chirac, en mars 2003 puis en avril 2004, au lendemain de la réélection du président Bouteflika, une « feuille de route » ayant été approuvée par les deux parties et un traité d'amitié devant en principe redéfinir le partenariat entre nos deux pays.

En conclusion, M. Robert Del Picchia, rapporteur, a invité la commission à approuver le projet de loi autorisant l'approbation d'un accord de coopération particulièrement utile s'agissant d'un pays proche et important pour notre sécurité.

A la suite de cet exposé, M. Serge Vinçon, président, a estimé que la discussion de cet accord de coopération dans le domaine de la sécurité intérieure, sur lequel ne pouvait se dégager qu'un très large assentiment, devait également fournir l'occasion d'exprimer de légitimes interrogations à l'égard du projet de traité d'amitié franco-algérien dont la négociation, engagée depuis plusieurs mois, semble actuellement rencontrer des difficultés. Rappelant les déclarations récentes du président Bouteflika à l'égard de la France, il s'est inquiété de voir réapparaître des controverses appartenant au passé alors qu'il convient, au contraire, de jeter les bases d'une coopération fructueuse pour l'avenir de nos deux pays. Il a souhaité l'aboutissement du traité d'amitié, estimant qu'il exigeait, de la part des deux pays, une contribution active et non pas critique.

M. André Dulait a demandé des précisions sur l'évolution des positions algériennes à l'égard du libre retour des harkis.

M. Robert Del Picchia, rapporteur, a indiqué que les autorités algériennes avaient pris une position de principe favorable à la libre circulation des harkis en Algérie, mais que dans les faits, cette position ne s'était toujours pas réellement concrétisée. Par ailleurs, la question des harkis n'a pas été inscrite dans la Charte pour la paix et la réconciliation nationale qui vient d'être approuvée par referendum le 29 septembre dernier.

Mme Josette Durrieu a souhaité savoir si les accords de coopération en matière de sécurité intérieure, conclus par la France, s'inscrivaient dans une perspective plus large à l'échelon européen et notamment, s'agissant de l'Algérie, si une articulation était prévue avec le processus de Barcelone.

M. Robert Del Picchia, rapporteur, a répondu que ce type d'accords portait exclusivement sur la coopération bilatérale, qu'elle soit opérationnelle ou technique. Il s'agit donc d'une démarche distincte des initiatives prises au niveau européen, ce qui n'exclut pas de traiter des questions de sécurité dans les enceintes du dialogue euro-méditerranéen.

M. Robert Bret a porté une appréciation positive sur l'accord franco-algérien de coopération en matière de sécurité intérieure, estimant que ce type de partenariat apporte des réponses certainement plus pragmatiques et efficaces que les mesures générales, dangereuses pour les libertés individuelles, envisagées dans le projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme élaboré par le ministère de l'intérieur. Il s'est cependant inquiété de voir reporter sur des pays de transit, comme l'Algérie, la responsabilité de la lutte contre l'immigration clandestine en direction de la France et de l'Europe. Par ailleurs, il s'est interrogé sur les moyens humains et matériels réellement dégagés en faveur de la coopération sécuritaire bilatérale et, plus généralement, sur la difficulté d'évaluer l'application concrète des nombreux accords ou conventions approuvés par le Parlement.

M. Robert Del Picchia, rapporteur, a précisé que l'accord ne faisait pas peser de responsabilité particulière sur l'Algérie, en matière de lutte contre l'immigration clandestine en direction de la France, mais qu'il permettait, en revanche, de mener des actions de coopération pour aider l'Algérie à mieux contrôler les entrées sur son territoire. S'agissant de l'application de l'accord bilatéral, il a rappelé que la coopération en matière de sécurité est d'ores et déjà une réalité, comme en témoigne l'arrestation, ces dernières semaines, en France, d'une cellule liée au GSPC. L'accord vise simplement à donner un cadre plus formel à cette coopération. Enfin, s'agissant du respect des libertés individuelles, les articles 9 et 10 de l'accord comportent des stipulations très précises sur la protection des données nominatives fournies dans le cadre de la coopération et sur le traitement confidentiel des informations qualifiées comme telles par chaque partenaire.

M. Philippe Nogrix a estimé, à ce propos, en sa qualité de représentant du Sénat auprès de la Commission nationale informatique et libertés (CNIL), que l'accès élargi à certaines informations nécessaires à la lutte anti-terroriste ne semblait pas devoir soulever d'objection de principe au regard du respect des libertés individuelles. Il appartiendra cependant à la CNIL de vérifier si ces possibilités nouvelles sont bien proportionnées à l'objectif poursuivi et si leur accès est bien exclusivement réservé à des autorités qualifiées. De même, elle s'assurera du droit d'accès des citoyens aux informations les concernant et des conditions de conservation de ces données. S'agissant des relations franco-algériennes, il s'est interrogé sur la notion de traité d'amitié et sur sa portée. Il a estimé qu'une telle qualification ne pouvait être réservée qu'à des relations extrêmement confiantes, dépourvues d'ambiguïtés ou d'arrière-pensées. Il a émis des doutes sérieux sur la réalisation de cette condition, s'agissant de l'Algérie, en évoquant notamment la prise en compte insatisfaisante de la situation des harkis.

M. André Rouvière a réitéré ses observations, maintes fois exprimées, à propos du suivi des nombreux accords ou traités bilatéraux et multilatéraux approuvés par le Parlement. Il a rappelé que tous les ministres successifs s'étaient déclarés favorables à la conduite d'un tel travail, mais qu'aucun d'entre eux n'avait, par la suite, transmis d'information relatives à la mise en oeuvre de ces instruments internationaux. Il s'est demandé si la commission ne devrait pas effectuer un bilan annuel de l'application des conventions qu'elle examine.

M. Serge Vinçon, président, a rappelé que les accords multilatéraux comportaient généralement un mécanisme de suivi de leur application et que, dans le cadre d'accords bilatéraux, il incombait à chaque partie de veiller au respect, par l'autre partie, de ses engagements. Il a souligné que l'exécutif était, de ce fait, responsable de l'application des accords internationaux, ce qui n'empêchait en rien les rapporteurs des textes en question d'effectuer un travail de suivi. Il a ajouté que, sur des sujets précis et particulièrement sensibles, la commission pouvait également décider de faire le point de l'application des engagements internationaux.

M. Jacques Peyrat a évoqué les négociations en cours entre la France et l'Algérie, au sujet d'un futur traité, et a récusé la qualification envisagée de traité d' « amitié », estimant qu'elle ne correspondait pas à la situation actuelle des relations entre la France et l'Algérie. Il a cité, entre autres exemples, les contentieux persistants sur le sort des harkis et la prise en compte de certaines préoccupations des rapatriés d'Algérie, ainsi que les déclarations du président algérien. Il lui a paru que les termes « accord de coopération » ou « d'entraide » seraient plus appropriés et a indiqué qu'en l'état actuel des choses, il se prononcerait contre un projet de loi portant ratification d'un traité d'amitié franco-algérien.

M. Serge Vinçon, président, a rappelé que les négociations engagées n'avaient toujours pas abouti, qu'elles suscitaient un débat nourri, notamment en Algérie, et qu'il appartiendrait, bien évidemment, aux parlementaires de prendre position sur un tel traité le jour où sa ratification serait soumise au Parlement.

M. Robert Bret a estimé que les peuples français et algérien partageaient une histoire commune, et qu'il était de l'intérêt des deux pays de savoir aborder le passé pour fonder une relation nouvelle. Il a regretté que, pour satisfaire certaines catégories particulières, le Parlement ait cru devoir insérer, dans la loi du 23 février 2005, une mention relative au rôle positif de la présence française en Afrique du Nord, au risque de contredire la réalité historique et d'entraîner d'inutiles difficultés pour nos relations avec les pays concernés.

M. Jean-Pierre Plancade a mis en garde contre la tendance à l'auto-dénigrement et a appelé à une vision objective des réalisations effectuées en Algérie, jusqu'à l'indépendance, au regard de la situation du pays quatre décennies plus tard.

M. Jacques Peyrat a précisé qu'il reconnaissait tout l'intérêt d'une coopération accrue entre la France et les pays du Maghreb, en particulier l'Algérie, et que ses objections ne portaient pas sur le principe d'une telle coopération, mais sur la notion de traité d'amitié, inappropriée à ses yeux s'agissant de l'Algérie.

M. Serge Vinçon, président, a rappelé que l'accord examiné par la commission concernait spécifiquement la sécurité intérieure et qu'il importait de le dissocier des débats, par ailleurs légitimes, sur un futur traité d'amitié.

La commission a alors adopté le projet de loi.

Traités et conventions - Accord entre la France, l'Allemagne, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord et les Pays-Bas relatif à coopération dans le domaine de la technologie de la centrifugation - Examen du rapport

La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport de M. Xavier Pintat sur le projet de loi n° 40, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre les Gouvernements de la République française, de la République fédérale d'Allemagne, du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord et du Royaume des Pays-Bas, relatif à la coopération dans le domaine de la technologie de la centrifugation.

M. Xavier Pintat, rapporteur, a indiqué que cet accord intergouvernemental devait permettre la concrétisation d'une alliance industrielle destinée à mettre en oeuvre un projet extrêmement important pour l'avenir de nos capacités électronucléaires : la construction, sur le site du Tricastin, à Pierrelatte dans la Drôme, d'une nouvelle usine de fabrication de combustible nucléaire.

Par cette alliance, qui prendra la forme d'une société commune, le fabricant français de combustible nucléaire AREVA pourra acquérir auprès de la société germano-néerlando-britannique URENCO la technologie de l'enrichissement d'uranium par centrifugation. URENCO ayant été créée par un traité conclu en 1970 par l'Allemagne, les Pays-bas et le Royaume-Uni, le transfert de technologie envisagé au profit d'AREVA n'est possible que dans le cadre d'un accord intergouvernemental entre ces trois pays et la France.

M. Xavier Pintat, rapporteur, a présenté l'origine et les enjeux de cette alliance entre AREVA et URENCO dans le domaine de l'enrichissement d'uranium. Il a précisé qu'AREVA, qui figure parmi les leaders mondiaux sur le marché de l'approvisionnement en combustible nucléaire, utilisait exclusivement la technologie d'enrichissement de l'uranium par diffusion gazeuse. Toutefois, dans la perspective de l'obsolescence prévisible, au début de la prochaine décennie, de l'usine d'enrichissement du Tricastin exploitée par sa filiale Eurodif, AREVA souhaite opter pour la technologie de la centrifugation au profit de sa nouvelle usine dont la construction doit démarrer l'an prochain. Cette décision stratégique est liée, d'une part, au caractère encore insuffisamment éprouvé de la technologie d'enrichissement par laser, sur laquelle des études ont été menées avec le CEA, et, d'autre part, à l'avantage compétitif incontestable de la centrifugation par rapport à la diffusion gazeuse, extrêmement consommatrice en énergie. En effet, l'usine d'enrichissement du Tricastin utilise actuellement, à elle seule, la production de 3 de nos 58 réacteurs nucléaires, la centrifugation étant, quant à elle, 50 fois moins consommatrice d'électricité.

Le rapporteur a indiqué qu'AREVA et URENCO avaient annoncé, en novembre 2003, leur intention de créer une société commune, détenue à parts égales et dénommée Enrichment Technology Company (ETC). Elle aura pour objet la réalisation du design et la production de centrifugeuses qui seront vendues aux sociétés d'enrichissement AREVA et URENCO ainsi, éventuellement, qu'à des tiers. La Commission européenne a autorisé cette alliance industrielle, estimant avoir des garanties suffisantes qu'AREVA et URENCO, qui totalisent à eux deux 75 à 80 % du marché européen du combustible, continueront à se comporter de manière indépendante, notamment pour décider de l'accroissement de leurs capacités futures. AREVA a annoncé, pour la construction de la nouvelle usine, un investissement de 3 milliards d'euros, ce chiffre incluant la somme versée à URENCO pour l'acquisition de la technologie. Cette dernière somme n'a pas été dévoilée, les comptes d'AREVA faisant seulement apparaître un acompte de 150 millions d'euros versés en 2003.

Le rapporteur a précisé que la construction de la nouvelle usine, dénommée « Georges Besse II », devait débuter en 2006, pour une première production par centrifugation en 2008. Cette usine possèdera sa pleine capacité en 2016, l'arrêt d'exploitation de l'usine actuelle étant prévu pour 2012. Le respect de ce calendrier doit permettre à AREVA de maintenir sa capacité de production, afin de conserver ses contrats avec les exploitants nucléaires.

M. Xavier Pintat, rapporteur, a ensuite détaillé les principales stipulations de l'accord signé le 12 juillet 2005 entre la France, l'Allemagne, le Royaume-Uni et les Pays-Bas.

Cet accord place la coopération entre AREVA et URENCO sous la supervision des quatre Etats, dans le cadre d'un comité quadripartite fonctionnant selon la règle de l'unanimité et composé de représentants des quatre gouvernements. Ceux-ci s'engagent à ne démarrer aucun programme ou recherche sur la centrifugation sans les proposer prioritairement à ETC, ainsi qu'à faciliter la construction et l'exploitation des installations d'enrichissement par cette dernière.

L'accord comporte une clause essentielle relative au respect, par chaque Etat, de ses obligations au titre du traité de non-prolifération nucléaire. Les Etats s'engagent à ne pas utiliser la technologie acquise dans le cadre de leur coopération pour aider un Etat non doté d'armes nucléaires à fabriquer ou acquérir des armes nucléaires. A cet engagement général s'ajoute un engagement spécial de la France à ne pas utiliser les capacités de centrifugation d'ETC pour produire de l'uranium de qualité militaire. Le respect de ces engagements est assuré par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) avec lequel chacun des quatre pays est lié par un accord de garanties ainsi que par un protocole additionnel. L'accord stipule de manière explicite que toute usine d'enrichissement d'uranium, construite en France et utilisant la technologie de la centrifugation d'ETC, est soumise en permanence aux garanties de l'AIEA.

L'accord définit les mesures de protection physique applicables aux matières nucléaires, de protection des informations classifiées, et de protection du secret industriel et de la propriété intellectuelle.

En conclusion, le rapporteur a souligné l'enjeu industriel considérable de l'acquisition, par AREVA, de la technologie de la centrifugation, tant pour l'alimentation de notre parc électronucléaire que pour le maintien des positions d'AREVA sur le marché du combustible.

Il a indiqué que l'accord de droit privé entre AREVA et URENCO, conclu il y a deux ans pour la constitution d'ETC, était soumis à une clause de caducité, sa mise en oeuvre étant subordonnée à l'entrée en vigueur, au plus tard le 31 décembre 2005, d'un accord de coopération liant les quatre gouvernements et instaurant l'encadrement étatique nécessaire au bon déroulement de cette collaboration.

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission a adopté le projet de loi autorisant l'approbation de cet accord.

Traités et conventions - Privilèges et immunités accordés à Athéna - Examen du rapport

Puis la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Jacques Peyrat sur le projet de loi n° 387 (2004-2005) autorisant l'approbation de la décision des représentants des gouvernements des Etats membres, réunis au sein du Conseil le 28 avril 2004, concernant les privilèges et les immunités accordés à ATHENA.

M. Jacques Peyrat, rapporteur, a tout d'abord observé que le développement des opérations militaires conduites sous le drapeau européen avait fait apparaître la nécessité de préciser leur cadre juridique, notamment quant au statut des forces, mais aussi quant aux modalités de leur financement.

Il a rappelé qu'une décision du Conseil du 23 février 2004, avait créé un mécanisme, dénommé « Athéna », de financement des coûts communs des opérations de l'Union européenne ayant des implications militaires ou dans le domaine de la défense. Opérationnel depuis le 1er mars 2004, ce mécanisme s'est appliqué pour la première fois à l'opération « Althéa », qui a pris la relève de la mission de l'OTAN en Bosnie.

Le rapporteur a indiqué que la décision relative aux privilèges et immunités nécessaires au fonctionnement du mécanisme avait été adoptée le 28 avril 2004 par les représentants des Etats membres réunis au sein du Conseil. Il a rappelé que deux modes de financement étaient envisageables pour des opérations militaires multinationales, le remboursement des coûts engagés, auquel recourt l'organisation des Nations-Unis pour les opérations de maintien de la paix, ou le financement des troupes par le pays qui les engage, système en vigueur au sein de l'OTAN. Pour ce qui concerne l'Union européenne, M. Jacques Peyrat, rapporteur, a rappelé que le traité sur l'Union européenne excluait la possibilité d'un financement d'opérations militaires sur le budget communautaire. Seules, les dépenses dites « de gestion civile des crises » sont financées sur les lignes de crédit de la Commission. Pour chacune des opérations de l'Union, le financement a donc dû être défini sur la base d'un accord ad hoc intervenant souvent au cours de la phase préparatoire des opérations.

Il a rappelé qu'en vertu de sa position particulière à l'égard de la politique de sécurité et de défense, prévue par les traités, le Danemark était dispensé de toute contribution au financement des opérations.

Il a indiqué que le mécanisme « Athena » retenait une solution proche de celle de l'OTAN, avec une conception plus large de la notion de coûts opérationnels communs.

Le rapporteur a précisé qu'en matière d'intervention militaire, chaque Etat membre conservait la maîtrise de son implication politique et financière, avec la possibilité de s'abstenir lors du vote, mais qu'une implication politique se traduisait automatiquement, dans le cadre d'Athéna, par une contribution au financement des coûts communs. Les contributions des Etats membres sont calculées, déduction faite des éventuelles contributions d'Etats tiers, de façon proportionnelle à la part de leur revenu national brut dans le total des revenus nationaux bruts des Etats membres contributeurs.

Quatre annexes à la décision créant le mécanisme Athena dressent la liste des coûts communs. Il s'agit des dépenses ne pouvant être imputées à un Etat membre, en particulier, auxquelles s'ajoutent, le cas échéant, les coûts liés au recours par l'Union au moyen de l'OTAN. Le Conseil peut également décider d'imputer à Athéna des coûts opérationnels liés à la phase active de l'opération, comme les coûts de transport sur les théâtres ou les coûts de casernement.

M. Jacques Peyrat, rapporteur, a indiqué qu'afin de faciliter le démarrage des opérations, un fonds de roulement de 10 millions d'euros, constitué de contributions anticipées, avait été mis en place par certains Etats, les autres Etats s'engageant à verser leurs contributions dans les cinq jours suivant l'appel de fonds.

Il a estimé que le mécanisme « Athéna » représentait un premier pas vers le partage de la charge financière des opérations militaires de l'Union entre les Etats membres.

Evoquant les termes de la décision sur les privilèges et immunités, le rapporteur a rappelé qu'Athéna représentait les Etats contributeurs et disposait à cette fin de la capacité juridique. En matière fiscale, le mécanisme est assimilé à une organisation internationale et remplit les conditions d'exonération des taxes sur le chiffre d'affaires et sur la valeur ajoutée. Il a rappelé que la décision portant sur les privilèges et immunités concernait le mécanisme en tant que tel, et non les personnels, dont le statut est régi par d'autres textes.

M. Jacques Peyrat, rapporteur, a indiqué que le mécanisme Athéna bénéficiait d'une protection particulière dans trois domaines : les biens et avoirs qui sont exemptés de saisie, réquisition, confiscation, et de toute autre forme de contrainte administrative et judiciaire, les archives dont l'inviolabilité est prévue et les communications qui font l'objet d'une protection particulière et sont assimilées à la correspondance diplomatique.

Il a considéré, en conclusion, que les stipulations de l'accord ne soulevaient aucune difficulté de fond.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

M. Serge Vinçon, président, a exprimé son intérêt pour un mécanisme de financement des opérations militaires qui permette d'alléger le fardeau supporté par la France, qui assume régulièrement le rôle de nation-cadre. Il a estimé que le transport de troupes vers les théâtres d'opérations devrait faire l'objet d'une mutualisation.

M. Jean-Pierre Plancade a souhaité savoir quels étaient les pays qui avaient provisionné le fonds de lancement.

M. Jacques Peyrat, rapporteur, a précisé que la Belgique, la République tchèque, la Grèce, la France, l'Italie, la Lituanie, le Luxembourg, l'Espagne, la Hongrie, Malte, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la Slovénie, la Slovaquie et la Finlande s'étaient engagés à verser des contributions anticipées, tandis que l'Allemagne, l'Estonie, l'Irlande, Chypre, la Lettonie, l'Autriche, la Suède et le Royaume-Uni s'étaient engagés à verser leurs contributions à une opération militaire dans les cinq jours suivant l'envoi des appels de fonds.

M. Robert Bret a évoqué l'explosion des coûts représentés par les opérations militaires internationales et la nécessité de trouver un cadre politique et juridique permettant un partage des coûts, afin que les Etats qui s'impliquent dans ces opérations ne subissent pas l'intégralité des conséquences budgétaires.

M. Jacques Peyrat, rapporteur, a signalé que les opérations de maintien de la paix avaient effectivement beaucoup augmenté, mais qu'elles ne représentaient qu'une partie du coût des opérations extérieures.

M. Serge Vinçon, président, a rappelé que le coût des opérations extérieures, pour l'année 2005, serait inférieur à celui de l'année 2004, s'établissant à environ 600 millions d'euros.

Il a précisé que, dans le projet de loi de finances pour 2006, le provisionnement d'une part du coût des opérations extérieures, dès la loi de finances initiale, était poursuivi à hauteur de 250 millions d'euros. Il a ensuite distingué les interventions européennes, auxquelles notre pays peut décider de ne pas participer, et les opérations de maintien de la paix dans le cadre de l'ONU, auxquelles la France participe financièrement au titre de ses contributions obligatoires. L'augmentation de ces dépenses témoigne de la multiplication des crises et de la dangerosité croissante du monde dans un contexte stratégique dégradé.

Contrôle de l'application des lois au 30 septembre 2005 - Communication

M. Serge Vinçon, président, a ensuite présenté un bilan du contrôle de l'application des lois au 30 septembre 2005.

M. Serge Vinçon, président, a rappelé que l'essentiel de l'activité législative de la commission est consacré à l'examen de projets de loi autorisant la ratification ou l'approbation de traités ou accords internationaux qui n'entraînent pas, la plupart du temps, de textes d'application, sauf lorsqu'ils impliquent une modification, simultanée ou consécutive, de la législation interne.

Au cours de l'année parlementaire écoulée, a rappelé M. Serge Vinçon, président, le Sénat a ainsi adopté en séance publique 47 accords internationaux, relevant de la compétence de la commission.

Durant l'année parlementaire 2004-2005, la commission a aussi procédé, en tant que commission saisie au fond, à l'examen de deux projets de loi, distincts de ceux autorisant la ratification ou l'approbation d'accords et traités internationaux : le texte relatif au statut général des militaires et celui sur l'exercice par l'Etat de ses pouvoirs en mer, ce dernier étant d'application directe.

S'agissant de la loi du 24 mars 2005 portant statut général des militaires, M. Serge Vinçon, président, a signalé que, sur 36 décrets prévus, 13 ont déjà été publiés ou sont en instance de l'être à la date du 30 septembre 2005.

Par ailleurs, 10 projets de décrets ont déjà été examinés par le Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM) et/ou sont en discussions interministérielles ; enfin, 13 restent à être présentés devant le CSFM ou sont en cours d'élaboration.

M. Serge Vinçon, président, s'est félicité de la célérité avec laquelle cette loi importante était ainsi mise en oeuvre.

Groupe de travail intercommissions sur la recherche - Nomination d'un membre

Puis la commission a nommé M. Jean-Pierre Fourcade comme membre du Groupe de travail intercommissions sur la recherche.

Questions diverses

Un débat s'est ensuite engagé à l'initiative de Mme Hélène Luc, d'une part, sur les activités des ONG françaises et, d'autre part, sur la question de la prolifération nucléaire et l'application du traité de non-prolifération (TNP).

Mme Hélène Luc a tout d'abord relevé l'intérêt présenté par l'audition organisée la veille par la commission des finances sur les ONG et les contributions que leur verse le ministère des affaires étrangères. Par définition, cette audition avait cependant eu, à son avis, un caractère essentiellement financier et comptable et elle a estimé que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées pourrait organiser des auditions d'ONG et évoquer avec elles leur travail de terrain. Elle a ensuite demandé à M. Serge Vinçon, président, qu'une mission d'information soit conduite, au sein de la commission, sur la question de la prolifération nucléaire et de la mise en oeuvre du TNP.

M. Serge Vinçon, président, a répondu sur ce dernier point qu'une telle mission avait précisément eu lieu, en 2004, et qu'un rapport d'information avait été publié sur le sujet sous la signature de M. Xavier de Villepin. Il ne semblait donc pas nécessaire de conduire, dès maintenant, un nouveau travail sur cette question, sachant qu'il serait sûrement utile, d'ici à deux ou trois ans, de refaire un point sur ce sujet important.

MM. André Dulait et Philippe Nogrix ont également fait valoir que, d'ici 3 ans, le sujet pourrait être remis à l'ordre du jour de la commission, M. André Dulait précisant par ailleurs qu'une nouvelle visite sur le site du laser mégajoule en Gironde pourrait être programmée par la commission. M. Serge Vinçon, président, a reconnu avec M. Robert Bret que si une actualité nouvelle en la matière le commandait, la commission en tirerait, bien sûr, toutes les conséquences.

S'agissant des ONG, M. Serge Vinçon, président, a fait valoir que sur plus d'une centaine d'ONG françaises, il serait sûrement pertinent de procéder à l'audition d'une à trois d'entre elles pour mieux connaître leurs actions et leurs difficultés. Il a rappelé que lors de leurs déplacements à l'étranger, les délégations de la commission veillaient à rencontrer les ONG présentes sur le terrain, comme cela avait été le cas en Afghanistan.

M. Jean-Pierre Plancade a estimé qu'en effet, au-delà d'une approche essentiellement comptable (au demeurant pertinente), des activités des ONG il était indispensable de se pencher sur leurs activités et leurs projets de terrain.

M. Robert Bret a fait observer à cet égard que le mode d'organisation de ces ONG, la rationalisation de leurs structures constituaient autant de thèmes que la commission pouvait approfondir.

M. Serge Vinçon, président, a conclu en rappelant que l'audition tenue par la commission des finances s'inscrivait pleinement dans l'exercice de ses compétences financières et que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées aurait à coeur de compléter cette approche par des auditions consacrées aux ONG lors de ses prochains travaux.

PJLF pour 2006 - Audition du général Richard Wolsztynski, chef d'état-major de l'armée de l'air

Au cours d'une deuxième réunion tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition du général Richard Wolsztynski, chef d'état-major de l'armée de l'air, sur le projet de loi de finances pour 2006.

Accueillant le chef d'état-major de l'armée de l'air, M. Serge Vinçon, président, a salué l'action de l'armée de l'air dans l'exercice des missions qu'elle effectue en opérations extérieures, en particulier en Afghanistan, dans des conditions souvent très difficiles. Il a par ailleurs souligné la qualité de la démonstration des capacités aériennes à laquelle il avait récemment assisté sur la base d'Orléans-Bricy.

Le général Richard Wolsztynski a tout d'abord souligné la grande diversité des missions assignées à l'armée de l'air. Ses personnels participent au plan Vigipirate, au sol, dans les gares ou les aéroports aux côtés des autres armées, ainsi que dans le cadre des missions de défense aérienne réalisées par des avions de chasse en alerte à partir de quatre bases aériennes : Mont-de-Marsan, Orange, Lorient et Creil. L'armée de l'air est également engagée dans les opérations extérieures, en soutien de l'opération Licorne en Côte d'Ivoire ou en soutien de l'opération « Enduring Freedom » de lutte contre le terrorisme ou des Forces internationales d'assistance et de sécurité, en Afghanistan. Le dispositif Serpentaire, déployé sur la base aérienne projetée installée à Douchanbe au Tadjikistan, y conduit des missions de soutien au profit des forces spéciales engagées en Afghanistan avec des avions de combat (Mirages 2000 D) et des appareils de reconnaissance (Mirages F1 CR). L'armée de l'air participe, en outre, à de nombreuses missions de service public, telles que la recherche ou le sauvetage en cas d'accident aérien.

Le général Richard Wolsztynski a ainsi souligné la cohérence opérationnelle globale de l'armée de l'air dont peu d'aviations européennes peuvent se prévaloir, estimant que cette cohérence résultait, pour partie, de la position singulière de la France au sein de l'OTAN, depuis qu'elle s'était retirée du système intégré en 1966. Cette cohérence est illustrée par la maîtrise complète des éléments concourant à la prise de décision s'appuyant sur une capacité autonome de recueil de renseignements permettant de planifier et de conduire des opérations militaires en toute indépendance.

Le général Richard Wolsztynski, chef d'état-major de l'armée de l'air, a illustré cette cohérence à partir du rôle de l'armée de l'air au sein de la NRF (NATO Response Force), rôle qui permet à la France de partager avec la Grande-Bretagne le statut de nation cadre, respectivement pendant le dernier semestre 2005 et le premier semestre 2006. La nation cadre doit ainsi fournir, en cas de besoin, 50 % de la capacité globale de la Force, le partenaire principal est sollicité à hauteur de 25 %, les 25 % restants devant être fournis par les autres membres de l'OTAN. Dans ce cadre, la France a organisé deux missions particulièrement significatives : la première a consisté à établir un pont aérien entre la base aérienne de Ramstein, en Allemagne, et les Etats-Unis, pour acheminer les dons européens destinés aux populations américaines affectées par le cyclone Katrina. Un autre pont aérien vient d'être organisé à destination des populations du Cachemire pakistanais, après le tremblement de terre qui a dévasté cette région ; il a permis d'apporter 250 tonnes d'aides en moins d'une semaine.

Evoquant le projet de loi de finances pour 2006, le général Richard Wolsztynski s'est félicité que 250 millions d'euros soient provisionnés au titre des OPEX, contre 100 millions en 2005. Puis il a indiqué que les crédits alloués aux personnels maintiendraient, comme en 2005, un léger sous-effectif, sous-effectif maîtrisé par des ajustements internes entre les différentes catégories, notamment sous-officiers et militaires techniciens de l'air (MTA). Constatant la densité du réseau des bases aériennes sur le territoire français, le chef d'état-major de l'armée de l'air a souligné que chaque base aérienne représentait un élément majeur de l'aménagement du territoire. Il s'est cependant interrogé sur les capacités financières de l'armée de l'air à entretenir ce patrimoine dans la durée. Il a relevé que les crédits disponibles en 2006 permettraient le maintien global du fonctionnement des bases aériennes, mais a cependant souligné que ce réseau était d'un format trop important au regard des besoins prévisibles de l'armée de l'air et qu'il pourrait conduire, à terme, à une paupérisation de certaines bases aériennes. Il a fait état de réflexions menées sur les évolutions de certaines implantations de l'armée de l'air. Ainsi, la base aérienne de Toulouse, avec le retrait du Centre d'instruction des équipages de transport et l'arrivée programmée des A 400 M, de même que le regroupement des hélicoptères à Cazaux, doit évoluer vers d'autres missions. De la même manière, la base de Dijon, où sont stationnés des avions de combat de type Mirage 2000, dont la fin de vie est envisagée à l'horizon 2020, devra également rechercher d'autres tâches, compte tenu des contraintes d'environnement associées aux nuisances sonores. Le retrait progressif des escadrons de Mirage F1 des bases de Colmar et Reims, vers 2015, soulève la question de la reconfiguration de leurs bases d'accueil.

Puis le général Richard Wolsztynski a souligné l'atout exceptionnel que représentaient, pour la France, les outils de formation de l'armée de l'air, et en particulier celui de la formation de ses pilotes. Il a ainsi salué le partenariat entrepris avec la Belgique, sur la base de Tours, en matière de formation de pilote de chasse, et sur la base d'Avord, pour les pilotes de transport.

Le chef d'état-major de l'armée de l'air a rappelé que la participation aux exercices internationaux contribuait à fortifier la qualité de l'entraînement des pilotes français. Ainsi la France participera en 2006 à un exercice qui réunira, au Brésil, les aviations des principaux pays de la région, ainsi que l'aviation sud-africaine. Il a souligné que l'activité aérienne pourrait être maintenue en 2005, malgré l'augmentation du prix du pétrole, grâce aux aménagements de la loi de finances rectificative de 2004 qu'il faut conjuguer à la réduction progressive du nombre d'avions en ligne, revenu, en l'espace d'une dizaine d'années, de 500 à quelque 330 aujourd'hui. Précisant que l'objectif de 180 heures d'entraînement par pilote et par an, fixé par l'OTAN du temps de la guerre froide, restait un seuil toujours pertinent pour le maintien du savoir-faire des pilotes et la sécurité des vols, il a regretté que, depuis l'effondrement du mur de Berlin, peu de pays en Europe satisfont à ce niveau d'entraînement, hormis la Grande-Bretagne, la France et les pays scandinaves. En revanche, nos autres partenaires se situent davantage autour de 120 heures annuelles, les pays d'Europe centrale et orientale n'affichant que 50 heures. Ces différences quantitatives et qualitatives se perçoivent notamment en Afghanistan où seules les nations telles que la France, la Grande-Bretagne, le Danemark, la Norvège et les Pays-Bas, et, naturellement, les Etats-Unis, peuvent assumer des missions aériennes longues et difficiles inhérentes aux opérations menées. Le général Richard Wolsztynski a cependant souligné qu'il serait attentif au maintien de ce niveau d'entraînement en 2006, en dépit des aides notables fournies par les simulateurs.

Evoquant ensuite les équipements de l'armée de l'air, il s'est félicité de la constitution en 2006 d'un premier escadron de 20 Rafale, qui sera basé à Saint-Dizier. Ces avions pourront bénéficier d'armements nouveaux, livrés en 2006, dont 192 (87 version infrarouge et 105 version électromagnétique) missiles d'interception et de combat aérien (MICA), 140 missiles de croisière Scalp-EG. En matière d'aviation de transport, il a fait état de concertations menées entre la France et l'Allemagne pour affiner les critères logistiques requis par le futur A 400 M, dont les essais de moteur et hélices s'effectueront en février 2006. Le général Richard Wolsztynski a relevé le très bon retour d'expérience lié à l'utilisation des drones HUNTER, et a souhaité l'arrivée rapide des SIDM (système intérimaire de drone MALE), sur la base d'Istres. La relève sera ultérieurement assurée par le projet EUROMALE, qui devrait réunir, autour de la France, l'Italie, l'Espagne et la Suède. Il a salué l'arrivée, prévue par la loi de programmation militaire 2003-2008, de deux avions de transport à long rayon d'action (TLRA), successivement en juillet puis décembre 2006. Ces Airbus A 340 seront loués sur une longue durée avec une option finale d'achat. Le chef d'état-major de l'armée de l'air a conclu en évoquant le maintien en condition opérationnelle et les difficultés portant sur le niveau de disponibilité du matériel. Certes, a-t-il jugé, la création de la SIMMAD (structure interarmée de maintien en condition opérationnelle des matériels aériens de la défense), il y a cinq ans, a permis de redresser notablement cette disponibilité, d'un tiers des appareils, à deux tiers, en moyenne globale. Mais, si cette disponibilité des deux tiers permet le respect des contrats opérationnels de l'armée de l'air et de la formation du personnel navigant, elle reste peu satisfaisante dans l'absolu, alors que le coût de la maintenance ne cesse de croître. Il a plaidé pour le passage d'une logique d'acquisition à une logique de possession, jugeant que cet effort pouvait être soutenu par un partenariat avec la Délégation générale à l'armement (DGA).

M. Philippe Nogrix, rapporteur pour avis, a souligné l'importance d'une coopération européenne en matière de recueil d'informations. Il s'est inquiété de la possibilité de maintenir l'objectif des 180 heures de vol, par pilote et par an, en cas de poursuite de la hausse des carburants ou de fléchissement de la disponibilité des aéronefs. Il a souhaité obtenir des précisions sur le renouvellement de la flotte d'avions ravitailleurs avec notamment les avions multiroles transport-ravitailleurs (MRTT), ainsi que sur les motifs du retard constaté dans l'arrivée des drones SIDM dans les forces ; il a regretté le peu d'enthousiasme manifesté par nos partenaires à se joindre au projet EUROMALE. Il a enfin interrogé le chef d'état-major de l'armée de l'air sur la philosophie du projet « Air 2010 ».

Le général Richard Wolsztynski a apporté les éléments d'information suivants :

- la France dispose aujourd'hui d'une capacité complète et cohérente en matière de recueil d'informations par l'image, qui lui garantit une indispensable autonomie en ce domaine. Ainsi, notre pays dispose à la fois de capacité en imagerie optique, infrarouge, ou radars avec les trois types de capteurs : les satellites, comme Hélios, les avions pilotés et les drones. Il s'agit là d'autant de pistes possibles de coopération européenne pour le partage de l'image et à faible coût. Une action concrète est d'ailleurs déjà entreprise avec l'Allemagne en matière d'imagerie radar ;

- notre pays possède une double capacité de formation initiale et avancée des pilotes de combat, ce qui est rare. Aussi bien des offres de partenariat ont-elles été formulées et déjà mises en oeuvre avec la Belgique pour la formation avancée sur Alphajet. Des concertations sont en cours avec l'Espagne, l'Italie, l'Allemagne et la Grèce ;

- le Rafale dispose d'une autonomie en carburant supérieure de 50 % à celle d'un Mirage 2000, et les futurs avions ravitailleurs multiroles Airbus A 330 fourniront, d'ici 2015, une capacité de ravitaillement double de celle des actuels C 135. L'actuelle loi de programmation militaire n'a pas prévu de financement pour ces MRTT (multirole transport tanker), car le renouvellement de la flotte actuelle ne s'imposera qu'autour de 2010. La France doit cependant accompagner dès maintenant la démarche britannique d'acquisition de MRTT, dont les modalités financières innovantes ne sont d'ailleurs pas encore finalisées ;

- les SIDM seront livrés par EADS avec un retard de 18 mois, ce qui crée une rupture capacitaire en matière de drones, et place la France en situation délicate avec les Pays-Bas, qui sont nos partenaires dans ce projet ;

- une disponibilité moyenne de 2/3 des appareils est satisfaisante en « rythme de croisière », en permettant de respecter tant le contrat opérationnel que le contrat « formation » des pilotes, et peu de pays européens peuvent se prévaloir d'un tel niveau. Par ailleurs, la disponibilité en opérations extérieures est proche de 100 %. Il n'en demeure pas moins que le coût élevé d'acquisition de matériels, par ailleurs toujours plus sophistiqués, devrait garantir une fiabilité encore meilleure. En réponse à M. Yves Pozzo di Borgo, le général Richard Wolsztynski a précisé qu'un audit était en cours de réalisation par le contrôle général des armées, et qu'une mission de modernisation de la maintenance aéronautique, confiée à un ingénieur général de l'armement, venait d'être mise en place. Au total, 964 millions d'euros seront consacrés au maintien en condition opérationnelle en 2006, pour un total de près de 1000 aéronefs, alors que la masse critique permettant d'obtenir une disponibilité satisfaisante nécessiterait 1,1 milliard d'euros ;

- la sécurité et la cohésion des personnels au sein de l'armée de l'air est une priorité qui justifie de nombreuses visites sur le terrain, des rencontres avec les présidents des catégories et les syndicats de personnels civils dont l'effectif global est d'environ 5.400 dans l'armée de l'air ;

- le projet « Air 2010 » est un véritable projet « d'entreprise » qui suppose l'adhésion de tous les personnels. Il porte sur quatre grands pôles qui structureront l'armée de l'air. Le pôle « Opérationnel » a été mis en oeuvre en janvier 2003 ; le pôle « Soutien » sera mis en oeuvre à partir de l'état-major de la région aérienne Sud installé à Bordeaux, un pôle « Forces », qui débutera sa montée en puissance sur le principe d'une mise en réseau à partir de la base de Metz. Enfin le pôle «Personnel » permettra d'assurer une gestion individualisée des carrières. A cet égard, le chef d'état-major de l'armée de l'air a souligné la nécessité de réduire le caractère systématique de la mobilité et a indiqué que la tendance serait à la diminution des affectations en région parisienne, redoutée par de nombreux personnels. L'armée de l'air comptait, au 1er septembre, a précisé le général Richard Wolsztynski, 59.183 militaires et 5.465 civils.

M. André Rouvière a souhaité obtenir des précisions sur le rayon d'action et la polyvalence des drones, sur la possibilité éventuelle de les piloter à partir d'un avion. Il a souhaité également connaître le surcoût de maintenance des équipements engendré par les OPEX pour l'armée de l'air.

M. Jacques Peyrat s'est interrogé sur la pérennité de la base aérienne 943 de Nice. Il a par ailleurs déploré que, sur les 330 avions en ligne dans l'armée française, les conditions de maintenance ne permettaient, en réalité, de n'en faire voler que 220.

Mme Hélène Luc s'est félicitée du rôle de l'armée de l'air dans sa contribution au soutien des populations pakistanaises éprouvées par le récent tremblement de terre. Elle a souhaité obtenir des précisions sur la chaîne de commandement dont relevait l'armée de l'air dans sa participation à l'opération « Enduring Freedom » en Afghanistan. Elle a enfin souhaité être éclairée sur les modalités de défense des centrales nucléaires.

M. Jean-Guy Branger s'est interrogé sur la nature de la contribution de l'armée de l'air à l'assistance aux populations pakistanaises.

Le général Richard Wolsztynski a apporté les informations suivantes :

- il est sans doute techniquement possible de commander un drone à partir d'un avion, mais cette formule présenterait peu d'intérêt au plan opérationnel. En effet, le principe des drones est précisément de les substituer à l'avion piloté pour la réalisation de missions longues. De plus, les drones ont pour vocation première de ménager la sécurité des pilotes pour un coût inférieur à celui d'un avion piloté. Le SIDM, qui aura 1.000 km de rayon d'action pour une autonomie de près de 12 heures, sera nettement supérieur au Hunter dont le rayon d'action était de 500 km pour une autonomie de quelques heures. Cependant, l'armée de l'air est actuellement dépourvue de drones depuis le retrait du service des Hunter pour obsolescence, en décembre 2004. Le projet EURO-MALE prévoit un système de combat associé, mais il faut veiller à ne pas multiplier ces fonctionnalités qui risqueraient de peser sur son coût. Le choix, par la France, d'un drone MALE est pertinent au regard de ses besoins, alors qu'un drone HALE (haute altitude longue endurance) serait beaucoup plus coûteux ;

- la disponibilité des matériels projetés bénéficie d'une évidente priorité. C'est pourquoi le chiffre de deux avions disponibles sur trois ne s'applique qu'au matériel basé sur le territoire national. La logique d'emploi des moyens aériens militaires est totalement différente de celle des moyens aériens civils, qui mise sur une durée de vie des appareils d'environ 10 ans, liée à une utilisation intensive. Au contraire, l'armée de l'air adapte l'activité de ses aéronefs pour leur assurer une durée de vie élevée. Ainsi, le Mirage IV a-t-il volé durant 41 ans, le Jaguar, 32 ans, le Mirage F1, 35 ans et le Rafale est prévu pour durer une cinquantaine d'années ;

- 250 tonnes de matériels ont été transportées en une semaine, d'Europe au Pakistan, grâce à des appareils C 130 mis en oeuvre par six pays différents ;

- l'une des missions de l'armée de l'air consiste à faire respecter l'interdiction du survol des centrales nucléaires ;

- en Afghanistan, l'armée française est impliquée dans deux opérations différentes : d'une part, la FIAS (Force internationale d'assistance et de sécurité) et, d'autre part, la mission « Enduring freedom », sous commandement américain, chargée de combattre les groupes terroristes. Dans le cadre de cette opération, un représentant de l'état-major français est présent au sein du commandement de la force pour veiller à la conformité des engagements des forces françaises au regard de leur mandat opérationnel défini par la France ;

- la base 943, située à Nice, est composée de deux éléments : d'une part, un dispositif de détection et de contrôle, qui subsistera, et, d'autre part, une base de support qui demeurera également, mais qui pourrait être redimensionnée.