Travaux de la commission des affaires étrangères



Mardi 29 novembre 2005

- Présidence de M. Serge Vinçon, président -

Audition de M. Hoshyar Zebari, ministre des Affaires étrangères d'Irak

La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Hoshyar Zebari, ministre des Affaires étrangères d'Irak.

Après avoir remercié M. Hoshyar Zebari de sa venue devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, M. Serge Vinçon, président, a rappelé que l'Irak allait franchir une étape importante dans sa reconstruction politique et institutionnelle avec les élections législatives du 15 décembre prochain, qui feront suite à l'adoption par référendum, le 15 octobre dernier, de la nouvelle Constitution. Il a déploré la persistance d'une violence qui affecte toutes les communautés et ne rend que plus urgents la réconciliation et le dialogue entre les Irakiens, thèmes qui seront à l'ordre du jour de la « Conférence de concorde et d'entente nationale » prévue au début d'année prochaine. Enfin, il a évoqué les interrogations en cours sur la durée de la présence militaire américaine en Irak, sur les objectifs de certains acteurs de l'insurrection et sur les incidences pour l'Irak des pressions internationales exercées actuellement sur la Syrie et sur l'Iran.

M. Hoshyar Zebari, ministre des Affaires étrangères d'Irak, s'est félicité de pouvoir s'exprimer devant la commission pour présenter les évolutions en cours dans son pays, alors que l'image véhiculée par les médias donnait de l'Irak une vision souvent partielle.

Il a estimé que l'Irak progressait sur la voie d'une situation plus stable et plus sûre, même si les difficultés sont encore nombreuses. La population et les responsables irakiens sont quotidiennement confrontés à la violence et au meurtre, mais les intimidations et les menaces ne sauraient faire renoncer à la construction d'un nouvel Irak, libre et responsable.

M. Hoshyar Zebari, ministre des Affaires étrangères d'Irak, a rappelé les relations historiquement anciennes entre l'Irak et la France et il a assuré que son gouvernement souhaitait maintenir et développer ces relations, la France demeurant pour l'Irak un partenaire majeur de par sa position en Europe et dans le monde.

Le ministre des Affaires étrangères d'Irak a souligné les progrès réalisés dans la consolidation des nouvelles institutions. Il a indiqué que l'ensemble des communautés d'Irak allaient participer aux élections parlementaires du 15 décembre, ce résultat étant le fruit d'un dialogue persévérant mené depuis plus de deux ans. Il a estimé que bien des sujets difficiles avaient pu être résolus dans la nouvelle Constitution, que ce soit le fédéralisme, la place des religions et de la charia, les droits de la femme ou encore les libertés et garanties constitutionnelles accordées aux citoyens. Il a ajouté que les craintes de certains pays voisins à propos du maintien de l'intégrité territoriale de l'Irak étaient désormais dissipées. Tous ces éléments devraient permettre d'ouvrir une nouvelle phase, plus sereine et plus confiante.

M. Hoshyar Zebari a ensuite évoqué les relations entre l'Irak et les pays arabes. Il a rappelé que beaucoup d'entre eux avaient adopté une politique attentiste, envisageant un échec des nouvelles autorités irakiennes et de la politique américaine dans la région. De même, la volonté de réforme et de démocratisation inspirant la construction d'un nouvel Irak avait pu inspirer des craintes. Enfin, la solidarité avait tardé à se manifester face à la souffrance du peuple irakien frappé par le terrorisme, même si désormais la réaction des opinions publiques arabes est plus vive, comme on l'a vu récemment en Jordanie.

M. Hoshyar Zebari, ministre des Affaires étrangères d'Irak, a estimé que deux ans et demi après la chute du régime de Saddam Hussein, le contexte était désormais propice à un engagement plus affirmé des pays arabes aux côtés de l'Irak. Il a précisé avoir fait remarquer à certains dirigeants arabes, inquiets d'une influence croissante de l'Iran en Irak, qu'il ne tenait qu'à leurs pays d'y être plus présents, notamment en ouvrant des ambassades, comme l'ont fait de nombreux gouvernements, y compris parmi ceux qui s'étaient opposés à l'intervention américaine. Il a rappelé à ce propos que l'Irak restait le berceau historique de la civilisation arabe et appartenait à la Ligue arabe.

M. Hoshyar Zebari s'est déclaré convaincu qu'après deux années marquées par l'instabilité politique, le futur gouvernement irakien bénéficierait d'une légitimité et d'un horizon de quatre ans lui permettant d'agir plus efficacement pour la reconstruction du pays.

S'agissant de la présence militaire américaine en Irak, M. Hoshyar Zebari, ministre des Affaires étrangères d'Irak, a tout d'abord rappelé que l'on ne pouvait parler de force d'occupation, les résolutions 1566 et 1637 du Conseil de sécurité des Nations unies ayant autorisé cette présence internationale requise par les autorités légitimes de l'Irak. Il a reconnu que tant en Irak qu'aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne, beaucoup souhaiteraient le retrait des troupes internationales, mais il a estimé qu'un tel retrait serait prématuré, avec des conséquences négatives sur la situation du pays aussi longtemps que les forces irakiennes ne seront pas en mesure d'assurer pleinement la sécurité. Il s'est dit convaincu qu'aucun retrait d'envergure n'interviendrait à brève échéance.

M. Hoshyar Zebari a ensuite évoqué les relations entre l'Irak et la Syrie, en insistant sur l'insuffisance des contrôles aux frontières. Il a précisé que parmi les 500 combattants étrangers récemment arrêtés en Irak, on comptait 90 % d'individus de nationalités diverses parvenus sur le territoire irakien par la frontière syrienne. En ce qui concerne l'Iran, il a indiqué que les autorités de Téhéran souhaitaient la stabilisation de l'Irak et entretenaient de bonnes relations avec le gouvernement irakien. Il a ajouté que la politique actuelle de l'Iran n'entravait pas les efforts des autorités pour bâtir le nouvel Irak. Il a toutefois reconnu que l'on ne pouvait aujourd'hui préjuger des incidences d'une confrontation à propos du dossier nucléaire sur un éventuel changement de ligne dans la politique extérieure de Téhéran.

Puis un débat s'est ouvert au sein de la commission.

M. Jean-Pierre Plancade a souhaité un succès des Etats-Unis pour la stabilisation de l'Irak, car il y allait de l'équilibre régional et même mondial. Il a interrogé le ministre des affaires étrangères sur les attentes de son pays envers la Russie ainsi qu'envers la France et, plus largement, envers l'Union européenne.

Mme Josette Durrieu s'est interrogée sur la nature profonde du gouvernement irakien et a redouté qu'étant désormais fondé sur des équilibres religieux, il soit par trop défavorable à la minorité sunnite. Elle a estimé que la stabilité durable du Moyen-Orient passait aussi par une amélioration des relations entre l'Iran et l'Irak, entre Israël et la Palestine, et a souhaité connaître le sentiment du ministre sur ces questions.

M. Daniel Goulet s'est interrogé sur les relations de l'Irak avec l'Iran, dans le contexte actuel d'un éventuel développement d'une filière nucléaire militaire, qui pouvait être comprise comme une manifestation de la souveraineté iranienne. Il a également évoqué la bienveillance particulière dont Israël semblait, à son sens, bénéficier de la part des Etats-Unis, contrairement aux pays arabes environnants, ce qui instaurait une situation de « deux poids, deux mesures » préjudiciable à l'équilibre régional.

M. Philippe Nogrix a estimé que l'Irak pourrait surmonter la crise politique qui l'affecte, grâce à une relance de son économie. Il a donc souhaité connaître les mesures prises par le gouvernement irakien en ce sens, et s'est interrogé sur une éventuelle situation de domination des Etats-Unis dans ce domaine.

En réponse, le ministre a apporté les informations suivantes :

- les sunnites se trouvent, en effet, dans une situation de marginalisation, après avoir dirigé l'Irak depuis sa création en 1920, et éprouvent le sentiment d'avoir tout perdu. Une des solutions à la situation actuelle de l'Irak est qu'ils participent au processus politique. Il est important qu'ils s'inscrivent dans le calendrier électoral en y engageant leurs candidats. Ce processus est d'ailleurs un succès : 8,5 millions d'électeurs ont participé aux élections de janvier 2005, 10 millions l'ont fait pour le référendum du 15 octobre, et la participation attendue aux législatives du 15 décembre prochain devrait être encore supérieure. Cette évolution doit être saluée, car le fait de voter, pour les Irakiens, équivaut à affronter les menaces des terroristes et le risque de violence. L'enracinement de la démocratie demande du temps et, au-delà des élections, il s'agit du développement de l'éducation de l'Etat de droit qui est en jeu. Mais la société irakienne évolue profondément, notamment par une bonne représentation politique des femmes : 70 siègent au Parlement et 6 au Gouvernement ; l'ensemble des Irakiens ont désormais la possibilité de s'exprimer sur l'évolution de leur pays, et ceci est un atout essentiel pour diminuer le niveau de violence et isoler progressivement les rebelles et les ennemis du régime. Cette évolution dément les clichés selon lesquels les Irakiens seraient supposés ne pouvoir être gouvernés que par un régime autoritaire : leur forte participation aux échéances électorales démontre qu'ils aspirent à la démocratie et qu'ils sont prêts à lutter pour elle ;

- la Russie a une longue expérience en Irak et elle reste un important partenaire commercial. Ce pays possède des atouts pour participer à la reconstruction de l'Irak, à laquelle, d'ailleurs, tous les partenaires de bonne volonté peuvent se joindre. L'Irak dispose de nombreuses richesses naturelles et bénéficie d'importants flux financiers en provenance de l'aide internationale. Les autorités russes misent sur la stabilisation de l'Irak et tiennent à y être dès maintenant présents ; les contentieux mineurs qui découlent d'anciens contrats de fourniture de pétrole devront être résolus après les prochaines élections législatives irakiennes ;

- l'Irak attend beaucoup des excellentes relations avec la France ; le rôle de la France a d'ailleurs été fondamental, au Conseil de sécurité, pour l'adoption des résolutions 1556 et 1637. Il l'a été également pour l'obtention de l'effacement de la dette irakienne pour un montant de 4 milliards de dollars, par le Club de Paris. La proposition française de former, en France, par la Gendarmerie, les membres de la garde nationale irakienne a été acceptée avec beaucoup d'intérêt par le gouvernement irakien ;

- le nouvel Etat irakien ne repose pas sur un équilibre religieux, il est avant tout républicain, démocratique, fédéral et uni. Après débat, la forme d'un Etat islamique a été rejetée. Certes, l'islam est la religion officielle de 95 % du peuple irakien, et pourra donc être l'une des sources d'inspiration de la législation, mais pas la seule. La Constitution garantit les droits des femmes et le respect des libertés fondamentales et religieuses ;

- une normalisation du conflit israélo-palestinien aurait un impact positif très fort sur la région ; aussi bien l'Irak appuie-t-il l'initiative de paix arabe élaborée lors du sommet de la Ligue arabe à Beyrouth. Le futur gouvernement irakien, issu des prochaines élections législatives, ne manquera pas de se prononcer clairement sur cette importante question, mais l'Irak ne peut être plus « palestinien » que les Palestiniens eux-mêmes et ce que ceux-ci acceptent, l'Irak l'accepte ;

- les élections présidentielles iraniennes ont marqué une rupture radicale, démontrant la forte volonté de changement des Iraniens ; elles ont pour conséquence d'abolir le clivage entre réformateurs et conservateurs. Le nouveau responsable de la diplomatie iranienne soutient l'action du gouvernement irakien. Dans les négociations en cours, entre la troïka de l'Union européenne et l'Iran, sur la filière nucléaire, les propositions européennes laissent peu de marge à Téhéran ;

- l'Irak concevait, initialement, sa reconstruction comme parallèle à l'instauration de la sécurité. Or, l'expérience a démontré que la sécurité est une priorité absolue pour le développement du pays. Certes, la majorité des provinces, 14 sur 18, sont sécurisées et de nombreuses entreprises s'y sont établies, des projets de développement sont en cours ; le Gouvernement a instauré un marché ouvert, grâce à des lois libérales tendant à insérer l'économie irakienne au sein du marché international et à l'ouvrir aux investissements étrangers. Les négociations en cours avec le FMI renforceront cette ouverture. De nombreuses infrastructures en matière de santé, d'éducation, de transports, d'eau, sont en cours de réalisation, et l'Irak dispose déjà d'importants partenaires commerciaux, comme l'Afrique du Sud, la Chine et la Malaisie. Tout est donc réuni pour que le pays puisse, avec le temps, se développer économiquement grâce à la consolidation de la stabilité intérieure.

M. Serge Vinçon, président, a souhaité être informé sur le processus qui permettrait d'amender la récente Constitution et les points sur lesquels ces aménagements pourraient porter.

M. Robert Bret s'est interrogé sur le contenu du fédéralisme irakien, ainsi que sur l'état des relations entre Bagdad et la Turquie.

En réponse, M. Hoshyar Zébari a apporté les précisions suivantes :

- l'actuelle Constitution restera la référence principale, mais certains de ses chapitres pourront être modifiés par le Parlement élu le 15 décembre prochain. Il est prévu qu'une commission ad hoc soit constituée en son sein, qui soumettra ses travaux à référendum, au terme d'un délai de 4 mois, si ses propositions ne réunissent pas une majorité des deux tiers au Parlement. La Constitution sera préservée dans son contenu, des changements mineurs porteront sur telle ou telle formulation. Cette Constitution est fondée sur 4 piliers qui ne peuvent faire l'objet de compromis : démocratie, unité, pluralisme et fédéralisme.

La notion de fédéralisme est nouvelle en Irak et peut donc être source de malentendus. Les pouvoirs régaliens, comme les affaires étrangères, la défense, les finances et la planification relèvent du pouvoir central, les assemblées régionales représentatives, élues sur une base géographique et non ethnique ou religieuse, exerçant les autres pouvoirs. Cette structure administrative vise à maintenir l'unité du pays et à assurer les bonnes relations entre les régions ;

- la Turquie avait exprimé de fortes réserves sur l'évolution de l'Irak, notamment par la crainte de la création d'un Etat kurde. Ces craintes ont été dissipées, puisque les responsables kurdes d'Irak ont accepté leur intégration au sein d'une fédération irakienne.

Mme Maryse Bergé-Lavigne s'est inquiétée du nombre de victimes civiles du conflit qui déchire l'Irak depuis 2003, et a souhaité savoir si le ministre pouvait en donner une évaluation.

En réponse, M. Hoshyar Zebari a souligné que la réalité quotidienne de l'Irak restait marquée par la violence due à un terrorisme qui n'hésite pas à frapper les enfants, les hôpitaux ou les lieux saints. Cette violence pourra être réduite par la participation croissante des sunnites à la politique du nouvel Irak, démontrant que cette violence est sans objet. Le nombre de ses victimes est difficile à évaluer, le chiffre de 30.000 morts, durant ces deux dernières années, peut être avancé, mais sans certitude. L'échec ou la réussite de l'Irak actuel dépendra de l'enracinement des valeurs démocratiques au sein de la population.

Mercredi 30 novembre 2005

- Présidence de M. Serge Vinçon, président -

PJLF pour 2006 - Mission « Aide publique au développement - Examen du rapport pour avis

La commission a examiné, sur le rapport de Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis, les crédits de la mission interministérielle « Aide publique au développement ».

Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis, a tout d'abord indiqué qu'en 2006, l'aide publique au développement de la France devrait atteindre 0,47 % du P.I.B., soit 8,2 milliards d'euros. L'objectif intermédiaire, défini par le Président de la République, de porter l'effort français à 0,5 % du P.I.B. en 2007, pourrait ainsi être atteint. Elle a souligné qu'en 2002, le total de l'aide s'élevait à 5,8 milliards d'euros, ce qui représente une progression très importante.

Elle a rappelé que la mission interministérielle « Aide au développement » ne comprenait pas la totalité de ce montant. En sont en effet exclus le traitement de la dette et les opérations de prêt qui ne peuvent, pour des raisons techniques, figurer au budget de l'Etat, ainsi que les frais d'accueil des étudiants étrangers dans les universités françaises, les crédits de recherche pour le développement et les crédits de soutien aux demandeurs d'asile, qui ne sont constatés qu'en fin d'année. Il en est de même des crédits d'intervention d'une dizaine de ministères qui concourent au développement et dont les crédits sont restés inscrits sur leurs propres budgets. La mission « Action extérieure de l'Etat » comprend ainsi 234 millions d'euros de crédits considérés comme prenant part au développement, au titre des contributions obligatoires aux organismes des Nations unies, du traitement des demandes d'asile et de l'accueil d'élèves de pays en développement dans les établissements français à l'étranger.

Si le regroupement de l'intégralité des crédits d'aide au développement au sein d'une même mission aurait certes été plus satisfaisant pour l'esprit, certains de ces crédits, bien que comptabilisés par l'OCDE, comme concourant au développement, relèvent cependant d'autres politiques publiques. Elle a cependant estimé que les nouvelles règles budgétaires représentaient un progrès, notamment grâce au document de politique transversale, qui met en correspondance les montants déclarés à l'OCDE et les crédits budgétaires. Devant la décrue programmée des annulations de dettes, cette part budgétaire devra d'ailleurs être relevée.

Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis, a souligné que l'année 2006 était à un double titre une année de réformes pour l'aide au développement. Il s'agit de la première année d'application des nouvelles règles budgétaires, la « LOLF », mais aussi de l'année de mise en oeuvre d'un nouveau partage des tâches entre les différents acteurs de l'aide française.

Elle a précisé que la mission interministérielle regroupait les crédits des deux principaux ministères contributeurs à l'effort budgétaire : le ministère des finances, pour moins d'un milliard d'euros, et le ministère des affaires étrangères, pour plus de deux milliards d'euros.

A contrario, Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis, a indiqué que les crédits du ministère des affaires étrangères relevant de la mission « Aide au développement », distincts de ceux figurant dans la mission « Action extérieure de l'Etat », intégraient des crédits d'action culturelle sur un critère géographique : les dépenses réalisées à ce titre dans les pays en développement sont en effet rattachées à la mission « Aide au développement ». Elle a considéré qu'il serait plus cohérent de regrouper ces crédits en fonction de la politique menée, en l'occurrence le rayonnement culturel et scientifique, plutôt qu'en fonction du pays où elle est menée. Ces crédits trouveraient par conséquent mieux leur place dans le programme dont l'examen relève de l'avis sur les relations culturelles et scientifiques extérieures.

Evoquant les deux programmes de la mission interministérielle, elle a indiqué qu'aucune règle de partage ne semblait clairement établie entre les deux ministères. Le programme relevant du ministère de l'économie et des finances comprend, pour l'essentiel, des crédits destinés à des fonds multilatéraux, ce qui est également le cas de celui du ministère des affaires étrangères. Les deux ministères financent l'assistance technique, tandis que les crédits destinés à l'Agence française de développement (AFD) empruntent les deux canaux.

Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis, a relevé que le budget d'aide au développement pour 2006 était marqué par deux tendances : d'une part, l'augmentation des crédits bénéficie intégralement aux contributions multilatérales, tandis que, d'autre part, les dépenses bilatérales stagnent, avec, cependant, une perspective d'augmentation.

Parmi les augmentations les plus marquantes, elle a relevé la contribution de la France au Fonds européen de développement (FED), au Fonds Sida, aux organismes des Nations unies, ainsi qu'à l'Association internationale de développement et au Fonds africain de développement. Les trois principaux canaux multilatéraux de l'aide, l'Union européenne, les institutions financières internationales et les Nations unies, ont donc été privilégiés, avec le souci de renforcer la présence française dans ces enceintes et de mettre en adéquation le discours français sur le partenariat mondial pour le développement et son effort financier au bénéfice des institutions multilatérales.

Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis, a dès lors regretté que la part de l'aide bilatérale, et singulièrement de l'aide-projet, ne soit pas augmentée. Elle a rappelé que le dispositif d'aide français se distinguait par la multiplicité des intervenants, l'existence d'une coopération institutionnelle et par son ancrage dans une histoire particulière. La modernisation de ce dispositif doit concilier une série d'objectifs apparemment contradictoires : ménager la part de l'aide destinée à nos partenaires traditionnels, tout en la concentrant sur les pays les plus pauvres ; intégrer les objectifs du Millénaire pour le développement sans renoncer à un savoir-faire dans les autres domaines ; soutenir les pays les moins avancés et être présent dans les pays émergents ; peser dans les enceintes multilatérales et préserver notre aide bilatérale ou encore financer les ONG tout en préservant une coopération institutionnelle.

Elle a estimé que, depuis 1998 et la réforme de la coopération, notre pays était à la recherche d'un équilibre qui s'était établi au détriment de l'aide bilatérale. Ce choix pose directement la question de la lisibilité d'une aide qui se dilue dans une aide multilatérale parfois très lente à décaisser et n'apparaît plus aux yeux des populations locales. Après avoir absorbé le ministère de la coopération, le ministère des affaires étrangères se recentre sur ses fonctions stratégiques en déléguant à l'Agence française de développement les compétences dans le domaine du développement économique et social, tout en conservant ses prérogatives classiques dans les domaines culturels et de la gouvernance.

Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis, a rappelé qu'elle avait soutenu en 1998 la création d'une grande agence de développement, à l'instar de certains de nos partenaires, comme la Grande-Bretagne. Mais la faiblesse des moyens alloués à l'AFD pour intervenir sur dons dans la zone de solidarité prioritaire, environ 100 millions d'euros par an, ne lui a pas permis de développer une activité significative sur subventions.

Elle a indiqué que, pour 2006, la dotation de l'AFD pour les subventions s'élevait à 184 millions d'euros, contre 110 en 2005. Compte tenu du transfert de certains projets, ainsi que des crédits destinés à la rémunération des postes d'assistants techniques transférés, la part disponible pour de nouveaux engagements ne s'élève qu'à environ 30 millions d'euros. L'activité de l'Agence sur prêts est sans commune mesure, à hauteur de 1,2 milliard d'euros en 2006. Le rapporteur pour avis a estimé peu vraisemblable que la dotation 2006 permette de modifier ces équilibres. Afin que l'AFD devienne un véritable opérateur pivot, il est indispensable de lui donner les moyens d'intervenir dans les pays les plus pauvres. Il conviendrait aussi d'aménager le régime des sanctions de l'AFD, qui lui interdit d'intervenir dans les pays en situation d'arriérés à son égard. Citant l'exemple du Congo Brazzaville, elle a souligné que la rigidité de ce principe faisait perdre à la France des parts de marché considérables.

La modification du partage des compétences entre l'Agence et le ministère des affaires étrangères pose aussi la question des effectifs de l'assistance technique, dont le niveau est au plus bas. Seuls, 1.753 postes, dont 320 volontaires, ont été maintenus. Elle a jugé indispensable que cette décrue soit endiguée, soulignant que la présence et la qualité des coopérants français étaient l'un des principaux atouts de notre pays. La valorisation de l'expertise française auprès des institutions multilatérales est un chantier essentiel en cours, dont le rapporteur pour avis a estimé qu'il représentait une voie prometteuse.

Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis, a ensuite indiqué que le Fonds de solidarité prioritaire était maintenu pour les projets relevant de la promotion de la langue française, de la politique culturelle et de la gouvernance. Ces crédits sont répartis entre plusieurs actions, la coopération culturelle, la lutte contre la pauvreté et la réponse aux crises.

Abordant les crédits destinés aux contrats de désendettement et développement, elle a indiqué que ce mécanisme de conversion de dettes n'était doté que de 15 millions d'euros en raison de l'incertitude qui entoure l'entrée du Cameroun dans le dispositif, ce poste étant vraisemblablement sous-doté. Elle a souhaité que l'attribution de ce type d'aide soit l'occasion de régler les arriérés dus par les caisses de retraite locales à leurs affiliés français. Un début d'exécution a pu être obtenu dans ce dossier, mais l'effort ne doit pas être relâché. Il s'agit à la fois d'un problème d'équité, de la crédibilité de la France, mais surtout de la dignité même des pays concernés. Elle a rappelé son attachement personnel à cette question.

Après avoir évoqué les crédits destinés à la coopération culturelle, Mme Paulette Brisepierre a détaillé le dispositif de performance associé aux deux programmes.

Enfin, constatant une amélioration et un effort pour rendre compte de crédits dispersés en dépit de la persistance d'une certaine opacité, elle a proposé un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission interministérielle « Aide au développement ».

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

M. Jacques Pelletier a souligné qu'en l'espace de dix ans, le nombre des coopérants était revenu de 15.000, ce qui était sans doute excessif, à 1.500, ce qui est certainement insuffisant pour suivre l'ensemble des projets de coopération menés par la France. Il conviendrait que l'augmentation de l'aide française s'accompagne d'une augmentation du nombre des coopérants. Evoquant le transfert de compétences à l'Agence française de développement, il a considéré que la plus grande souplesse devrait présider au transfert des projets et qu'il serait préférable que le ministère des affaires étrangères mène à leur terme les projets qu'il a engagés. Un transfert en cours de réalisation risque d'occasionner des retards importants, compte tenu de l'obligation de renégociation des conventions avec des Etats bénéficiaires. Il a cité l'exemple de projets menés au Vietnam.

M. Daniel Goulet a considéré que le rayonnement de la France devait être soutenu dans un contexte où la concurrence, notamment anglo-saxonne, est vive. Il a regretté, alors que la France dispose, dans de nombreux pays, d'un capital de sympathie, qu'elle apparaisse désormais en retrait, faute de crédits budgétaires. Il a souligné que, de ce fait, un certain nombre de contrats importants avait été perdu et qu'il revenait aux parlementaires d'alerter le gouvernement sur ce point.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga a indiqué que le ministère des affaires étrangères était dépourvu de spécialistes en contrôle de gestion, aptes à mettre les nouvelles règles budgétaires en application. Les indicateurs associés au projet de loi de finances ne sont pas documentés, faute des ressources humaines nécessaires. Elle a exprimé son accord avec les propos de M. Jacques Pelletier pour ce qui concerne le transfert de compétences à l'Agence française de développement, dans les domaines qualitatifs que sont l'éducation et la santé. Elle a indiqué s'être rendue récemment au Mali et au Sénégal, où les services de coopération et d'action culturelle étaient désormais dépourvus de personnels et de moyens. Elle a considéré qu'en raison d'un changement profond de philosophie et de méthode, les projets prendraient un retard considérable sur le terrain, l'AFD s'employant à faire de l'aide projet, tout en respectant ses propres procédures. Elle a considéré que la perte de compétences liée à la suppression du ministère de la coopération constituait un énorme gâchis.

Mme Catherine Tasca a soutenu les propos du rapporteur quant à la durée de présence des coopérants sur le terrain. Le ministère des affaires étrangères privilégie des rotations rapides, afin d'éviter une installation trop longue des assistants techniques. Ce choix n'est pas toujours adapté à la diversité des situations et une certaine flexibilité serait préférable à l'application systématique d'une règle générale. Elle a insisté sur la nécessité de mieux gérer les assistants techniques et de mieux les former.

Mme Hélène Luc a considéré qu'au rythme actuel, les objectifs de développement ne seraient pas atteints. Elle a estimé que les idées lancées par le Président de la République n'étaient pas réellement relayées par le gouvernement et que la taxation internationale ne pourrait résoudre l'ensemble des problèmes de financement. Elle a donc jugé les crédits du développement pour 2006 très insuffisants.

Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis, a souligné que l'absorption de la coopération par le ministère des affaires étrangères s'était faite au détriment des agents de la coopération, et ce, alors que les assistants techniques ont un avantage sans équivalent en termes de contacts avec les populations. Elle a estimé que le renoncement à ce mode d'action constituait une perte grave et a rappelé qu'elle demandait, chaque année, qu'il soit mis fin à cette incohérence. La modernisation du dispositif de coopération a conduit à une perte de présence humaine, ce qui se traduit non seulement par une perte d'influence, mais aussi d'efficacité.

M. Charles Pasqua, considérant que le ministère des affaires étrangères avait atteint ses véritables objectifs avec la suppression du ministère de la coopération, a jugé que les résultats obtenus n'étaient pas surprenants.

Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis, a indiqué que l'actuel ministre délégué à la coopération tentait de redonner à son ministère une autonomie tout à fait louable et qu'il convenait de souligner cette évolution positive. Il sera toutefois difficile d'opérer un retour en arrière. Elle a souligné que l'Agence française de développement concentrait un grand nombre de critiques et s'était attiré le reproche de se comporter en banque de développement. Elle a souligné que l'Agence avait beaucoup développé ses activités et qu'il convenait de porter ce dynamisme à son crédit. Evoquant l'activité de PROPARCO, elle a considéré que l'Agence savait gérer de petits projets, notamment à l'égard du secteur privé, ces projets étant plus à taille humaine que les grands chantiers d'infrastructure auxquels elle est plus spontanément associée.

PJLF pour 2006 - Mission « Action extérieure de l'Etat » et mission interministérielle « Aide publique au développement » - Vote sur les crédits

La commission a ensuite procédé au vote sur les crédits de la mission « Action extérieure de l'Etat » et sur ceux de la mission interministérielle « Aide publique au développement ».

M. Jean-Pierre Plancade a indiqué que le ministère des affaires étrangères était victime de la philosophie du « moins d'Etat ». Le montant global de l'enveloppe de l'Action extérieure de l'Etat n'est pas à la hauteur des enjeux, et le principe de sincérité n'est pas respecté, notamment pour le financement des opérations de maintien de la paix. En dépit des difficultés de comparaison liées à l'application de la LOLF, le projet de loi de finances pour 2006 fait apparaître une diminution des crédits de 18 millions d'euros. Le sort réservé aux personnels du Quai d'Orsay, dont les effectifs diminuent d'année en année, n'est pas satisfaisant. Cette réduction des moyens laisse à penser que le ministère des affaires étrangères ne pourra plus remplir correctement ses missions, ce qui suscite le mécontentement des personnels. Pour ce qui concerne l'aide publique au développement, il a considéré qu'une fois exclues toutes les dépenses qui y sont artificiellement rattachées, notamment les remises de dettes, le budget n'évoluait pas et se bornait à une augmentation d'affichage. Evoquant le risque du recul de l'influence française, il a indiqué que le groupe socialiste exprimerait un vote négatif.

Mme Hélène Luc a estimé que les crédits destinés à l'aide au développement étaient insuffisants. Elle s'est élevée contre la diminution des effectifs du ministère des affaires étrangères et a considéré que le rôle de l'Agence française de développement dérivait vers une fonction trop exclusivement commerciale. Elle a indiqué que le groupe communiste républicain et citoyen voterait contre le projet de loi de finances pour 2006.

M. Serge Vinçon, président, a rappelé que deux des trois rapporteurs avaient exprimé un avis favorable sur ces crédits, le troisième s'en remettant à la sagesse de la commission. Il a considéré que le ministère des affaires étrangères participait aux nécessaires réformes d'économies de l'Etat en menant notamment une politique de modernisation de ses structures. Il a rappelé que l'aide publique au développement était en progression, conformément aux engagements pris par le Président de la République, et que la diplomatie française était activement présente sur l'ensemble des lieux de crise. Il a considéré que l'importance des enjeux et le rôle de la France justifiaient l'adoption des crédits.

La commission a alors émis un avis favorable sur les crédits de la mission « Action extérieure de l'Etat », puis sur ceux de la mission interministérielle « Aide publique au développement ».

Nomination de rapporteur

Puis la commission a désigné M. André Dulait comme rapporteur du projet de loi n° 108 (2005-2006)modifiant la loi n°99-894 du 22 octobre 1999 portant organisation de la réserve militaire et du service de défense.

Audition de M. Jean-Jacques Aillagon, président-directeur général de TV5 Monde

La commission a entendu M. Jean-Jacques Aillagon, président-directeur général de TV5 Monde.

Accueillant M. Jean-Jacques Aillagon, président-directeur général de TV5 Monde, M. Serge Vinçon, président, a rappelé les caractéristiques principales de cette chaîne multilatérale francophone qui, depuis sa création en 1984, avait significativement élargi son audience et amélioré la qualité de ses programmes, notamment en les enrichissant de ses propres séquences d'information. Il a souhaité recueillir de M. Jean-Jacques Aillagon, son appréciation sur les conditions de fonctionnement et de développement de TV5, ainsi que son analyse concernant la création d'une chaîne française d'information internationale et son incidence sur la mission spécifique de TV5 Monde.

M. Jean-Jacques Aillagon, président-directeur général de TV5 Monde, a tout d'abord rappelé que TV5 est une chaîne internationale diffusée dans plus de 200 pays et dans plus de 180 millions de foyers, dont l'audience cumulée hebdomadaire avoisine les 80 millions de spectateurs. TV5 est une chaîne francophone multilatérale qui rassemble la France, la Confédération helvétique, la Communauté française de Belgique, la Fédération canadienne et la Province du Québec. Elle bénéficie également, pour son développement, du soutien financier du Burkina Faso, du Sénégal et du Gabon. Cette multilatéralité permet de constituer un levier d'action et d'intervention puissant, ainsi qu'on a pu le constater lorsque tous les ambassadeurs des pays précités se sont opposés, ensemble et avec succès, à l'interruption de la diffusion en mode « basic » de la chaîne au Brésil.

Il a détaillé les programmes de TV5 Monde, chaîne généraliste avec une dimension d'information très marquée : 18 séquences d'information par jour (4 issues des partenaires francophones et 14 éditées par la rédaction elle-même en temps réel) ; des oeuvres cinématographiques et de fiction : TV5 est ainsi le principal diffuseur de cinéma francophone et français ; des jeux, des émissions francophones (diffusion notamment de Thalassa, de Des racines et des ailes) et de programmes sportifs dont TV5 aide à la diffusion dans des pays qui ne peuvent en acquérir les droits, en particulier en Afrique.

Sur des ressources totales de 90 millions d'euros, TV5 est financée, en 2005, à hauteur de 62,7 millions d'euros, par le ministère des affaires étrangères sur les ressources publiques (auxquels s'ajoutent 3,99 millions d'euros de versement France Télévisions) et près de 5 millions d'euros par chacun des autres partenaires. Ses recettes propres représentent presque 10 % du total.

Dans la nomenclature LOLF, les crédits attribués à TV5 relèvent du programme 185 géré par la Direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) du ministère des affaires étrangères. Pour 2006, leur montant est décevant : il s'élève, comme indiqué, à 62,7 millions d'euros, soit une reconduction du budget de 2005 en euros courants et une baisse réelle en euros constants. Une augmentation de 2,5 %, soit de 1,68 million d'euros pour la dotation française (ministère des affaires étrangères et France Télévisions), est indispensable pour maintenir l'activité de TV5. Les pays partenaires se sont dits prêts pour leur part à prendre en compte une éventuelle augmentation de leur participation. Toutefois, cette seule augmentation de subvention ne permettrait pas la mise en oeuvre du plan stratégique 2006-2009 approuvé par la Conférence des ministres de tutelle à Bruxelles en septembre 2005. Ce plan nécessiterait un financement de 5 millions d'euros pour 2006, dont 4 millions pour la part française.

Ce plan stratégique doit permettre à TV5 de demeurer le deuxième réseau mondial en adaptant la chaîne à ses différents territoires de diffusion. Cette démarche passe par plusieurs objectifs :

- la consolidation du réseau de distribution : la diffusion doit être élargie et une veille technologique doit être instaurée afin de s'appuyer sur les nouvelles techniques (ADSL, téléphonie mobile...) en la matière ; les contrats de distribution commerciale doivent être renouvelés dans les meilleures conditions économiques, compte tenu de leur coût croissant (500 000 euros par exemple en Allemagne) ; à l'inverse, la diffusion traditionnelle par voie hertzienne analogique doit être améliorée dans des zones comme l'Afrique afin d'atteindre les foyers africains qui ne peuvent recevoir aujourd'hui TV5 ;

- l'amélioration de l'accessibilité aux programmes par le sous-titrage : à titre d'exemple, l'audience d'un programme peut être multipliée par 7 lorsque les émissions sont sous-titrées. Le sous-titrage en français est également nécessaire dans certaines zones pour favoriser l'apprentissage du français. Toutefois, le coût de telles opérations n'est pas négligeable ;

- une programmation permettant de fidéliser l'audience : TV5 distribue des programmes spécifiques grâce à 8 signaux distincts dans le monde. Il conviendrait de procéder à des dédoublements du signal de TV5 lorsque celui-ci couvre de multiples fuseaux horaires (Asie) ou recouvre des réalités culturelles et linguistiques non homogènes (Afrique francophone et anglophone). Dans un contexte concurrentiel, il est nécessaire de veiller à la qualité des programmes en prenant mieux en compte les différences culturelles et en adaptant en conséquence les grilles de programmes.

Il a évalué à 10 millions d'euros l'augmentation globale de dotation publique (hors glissements) nécessaire pour la mise en oeuvre sur 4 ans du plan stratégique, montant relativement peu important compte tenu de l'enjeu.

Abordant le sujet des relations entre TV5 et la future chaîne française d'information internationale (CFII), M. Jean-Jacques Aillagon, président directeur général de TV5 Monde, a rappelé que celle-ci allait tout juste naître, alors que TV5 s'appuyait sur 20 années d'existence. La création de CFII dépend d'une décision souveraine du Gouvernement, mais il devra cependant maintenir la cohérence de l'audiovisuel extérieur français, dont les opérateurs se trouveront en situation de concurrence sur le marché de la distribution et courront ainsi un risque d'éviction. La France a le devoir de veiller à ce que la création de la CFII n'entraîne pas le déclin des opérateurs existants qui ont su faire leur place dans le paysage audiovisuel extérieur. Sur le fond, a poursuivi M. Jean-Jacques Aillagon, il serait maladroit d'évoquer la chaîne française internationale comme « voix de la France » ou comme un outil diplomatique. Aucun média n'a aujourd'hui vocation à devenir le porte-parole d'un gouvernement.

De plus, la création d'une telle chaîne pourrait être un contretemps technologique compte tenu de l'exceptionnel développement d'internet, qui est devenu un média autonome, souple et économique.

Enfin, a rappelé M. Jean-Jacques Aillagon, président-directeur général de TV5 Monde, en dehors des situations de crise aiguë, qui ont des répercussions mondiales, l'audience des chaînes d'information internationale, qui sont déjà nombreuses, est limitée. Il faut noter par exemple que TV5 constitue le deuxième réseau mondial en diffusion permanente, devant CNN international.

Un débat s'est instauré avec les commissaires.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga a souligné que TV5 était le seul opérateur de l'audiovisuel extérieur français qui enregistrait une diminution de ses crédits. Elle a estimé que TV5 avait trouvé les moyens de sa croissance en termes de qualité, de diffusion et d'audience, mais qu'elle pouvait être menacée de disparition subite faute de crédits. Elle s'est interrogée sur les moyens de trouver les 4 millions d'euros nécessaires au développement de la chaîne.

Evoquant l'apport financier des partenaires de la France dans TV5, elle a considéré que si la chaîne était multilatérale par les statuts, elle l'était beaucoup moins dans les financements. Elle s'est interrogée sur l'opportunité de faire de TV5 une chaîne française qui pourrait bénéficier de la redevance audiovisuelle et nouer des partenariats étrangers. Elle a souhaité connaître l'appréciation du président-directeur général de TV5 sur la création d'un programme budgétaire regroupant les moyens de l'audiovisuel extérieur, évoqué à l'Assemblée nationale, mais qui ne comprendrait ni les crédits de la future chaîne d'information internationale, ni ceux de CFI et de Medi 1 Sat.

M. Jean-Jacques Aillagon a indiqué que le bénéfice par TV5, d'une part, des ressources de la redevance audiovisuelle, à l'instar de RFI, est impossible actuellement, dans la mesure où il incombe à la loi d'énumérer les opérateurs bénéficiaires de la redevance. Rappelant que France Télévisions, bénéficiaire de la redevance, concourait au financement de TV5 à hauteur de 3,9 millions d'euros, il a suggéré que le gouvernement fasse transiter par ce moyen une partie de l'excédent de perception de la redevance, estimé à 70 millions d'euros. Le canal d'Arte ou de l'INA pourrait également être utilisé à cette fin. Cette opération témoignerait clairement de la volonté des pouvoirs publics de soutenir le développement de TV5.

Il a reconnu qu'il conviendrait en effet de mieux ordonner le dispositif de l'audiovisuel extérieur. Une organisation pourrait se faire autour de deux grands pôles, un pôle interne d'une part, et un pôle extérieur d'autre part qui coordonnerait les opérateurs de radiophonie et de télévision : RFI, TV5, Euronews et CFII. Le fait de confier la coordination de l'audiovisuel extérieur aux organes chargés de l'audiovisuel domestique n'est pas une bonne solution.

Pour ce qui concerne le financement des partenaires de la France dans TV5, un schéma idéal le porterait à 40 % du total, contre 20 % actuellement. Ces partenaires sont disponibles pour une augmentation de leur participation, mais elle nécessite cependant un accord politique et pose par ailleurs un problème de niveau suffisant de ressources à des entités comme la communauté francophone de Belgique ou la province du Québec.

M. Jean François-Poncet s'est interrogé sur la possibilité pour TV5 de disposer de recettes publicitaires et, le cas échéant, de les développer.

M. Jean-Jacques Aillagon a précisé que les recettes publicitaires et d'abonnement représentaient 10 % du budget de TV5. Les recettes publicitaires étaient réalisées, pour l'essentiel, en France. Une diffusion de la chaîne en numérique terrestre a été demandée, pour développer précisément les ressources publicitaires dont le transfert s'opère, actuellement, des chaînes du câble et du satellite vers le numérique terrestre.

M. Jean François-Poncet a souhaité savoir si les entreprises françaises s'intéressaient à l'audience de TV5 à l'étranger pour assurer leur promotion internationale.

M. Jean-Jacques Aillagon a précisé que des sociétés comme Air France, Accor, EDF bénéficiaient déjà de TV5 comme support, mais qu'il était possible d'aller plus loin pour accroître les ressources publicitaires. Au demeurant il a précisé que le plan stratégique prévoyait un financement, à hauteur d'un tiers, par des ressources propres.

Mme Hélène Luc a souligné le risque de concurrence entre TV5 et la chaîne d'information internationale, qu'elle a jugé contraire à une utilisation optimale des crédits publics, même si la décision de créer CFII est prise. Elle a souhaité obtenir des précisions sur la diffusion en numérique terrestre.

M. Jean-Jacques Aillagon a indiqué que TV5 avait pris la décision de changer de nom pour retenir l'appellation de TV5 Monde, afin de ne pas créer de confusion, notamment avec la chaîne France 5, diffusée en numérique terrestre alors que TV5 ne figure malheureusement pas dans cette offre.

M. Daniel Percheron a souhaité savoir si le plan stratégique de TV5 prévoyait la sollicitation des collectivités territoriales dont l'effort de promotion internationale est important. Ces collectivités pourraient ainsi financer, par exemple, une partie du sous-titrage de certaines émissions.

M. Jean-Jacques Aillagon a considéré que, si ce type d'initiative méritait d'être développé, il lui paraissait difficile de mobiliser durablement le concours de collectivités territoriales sur des initiatives permanentes qui nécessitent une stabilité des financements. Il suppose également le développement d'une capacité d'organisation pour la recherche de fonds.

M. Charles Pasqua, estimant que TV5 était une excellente chaîne, a considéré que la vigilance était de mise quant aux conséquences de l'arrivée prochaine d'une chaîne se présentant comme « la voix de la France ». Il a constaté le consensus au sein de la commission en faveur de TV5 et a considéré que son accès à la télévision numérique terrestre devait être soutenu. Une démarche auprès de la commission des finances pourrait être envisagée pour consolider le budget de la chaîne.

M. Jacques Peyrat a exprimé son accord avec la suggestion formulée par M. Daniel Percheron. Il a considéré qu'elle s'inscrivait dans la démarche de « métropolisation », appelée de ses voeux par le dernier conseil interministériel pour l'aménagement du territoire (CIAT), soucieux d'adapter les collectivités françaises à la taille de leurs homologues européennes. Un partenariat avec TV5 pourrait servir leur volonté de rayonnement.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga a signalé qu'une diffusion de TV5 en numérique terrestre placerait la chaîne en situation de concurrence avec ses fournisseurs de programmes.

M. Josselin de Rohan a indiqué que la région Bretagne subventionnait à hauteur de 300.000 euros la traduction en langue bretonne de programmes télévisés, somme qui pourrait utilement être affectée au sous-titrage d'une émission assurant la promotion de la région et diffusée sur la chaîne francophone.

M. Jean-Jacques Aillagon a considéré qu'il convenait de se garder d'une diversification excessive des ressources qui serait génératrice, par elle-même, de coûts supplémentaires, et a souligné la nécessité de dégager des moyens constants et stables. A cet égard, l'accès à une part du produit de la redevance pourrait être opportun, les ressources du seul ministère des affaires étrangères, déjà très sollicité, ne pouvant répondre au besoin du développement de la chaîne.

Il a indiqué que la diffusion en numérique terrestre susciterait des coûts liés au paiement de droits supplémentaires de diffusion, à hauteur d'environ 15 millions d'euros par an, qui devraient être compensés, au moins partiellement, par l'augmentation des recettes publicitaires. En raison du risque de concurrence, France Télévisions et Arte sont par ailleurs défavorables à une telle diffusion pour TV5. Il convient cependant de noter, a précisé M. Jean-Jacques Aillagon, président-directeur général de TV5 Monde, que ces opérateurs, dont les programmes ne représentent pas plus de 30 % des grilles TV5, démultiplient leurs propres signaux et que France Télévisions et Arte sont ainsi en concurrence avec l'orientation prise par France 4 diffusée en numérique terrestre. Un arbitrage politique serait nécessaire à cet égard. Observant que des crédits avaient été dégagés par le ministère des affaires étrangères pour la création d'un nouvel opérateur, le portail internet Idées de France, il a regretté que les crédits nécessaires au strict maintien à niveau du budget de TV5, 1,6 million d'euros, n'aient pu être trouvés.