Travaux de la commission des affaires étrangères



Mardi 6 décembre 2005

- Présidence de M. Serge Vinçon, président -

Défense - Rôle des drones dans les armées - Examen du rapport d'information

La commission a entendu unecommunication de Mme Maryse Bergé-Lavigne et M. Philippe Nogrix sur le rôle des drones dans les armées.

M. Philippe Nogrix, co-rapporteur, a précisé que les deux rapporteurs de la mission d'information avaient procédé à 11 auditions, réunissant les principaux responsables industriels et militaires impliqués dans la conception des drones aériens. Ces engins non pilotés sont promis à un avenir militaire, civil et industriel, considérable, car ils permettront la réalisation de missions dangereuses et de longue durée. Cependant, l'intervention humaine restera déterminante dans l'interprétation des informations transmises. S'agissant des drones civils, leur emploi se heurte, pour l'instant, aux aléas inhérents à l'insertion d'engins non pilotés au sein de la circulation aérienne.

M. Philippe Nogrix a ensuite évoqué l'enjeu prioritairement militaire des drones, que la France a notamment utilisés au Kosovo, avec les quatre exemplaires acquis en 1994 en Israël. Ces drones HUNTER ont été retirés du service, en septembre 2004, du fait du coût élevé de leur maintenance, et seront remplacés par trois SIDM (Système Intérimaire de Drone Moyenne Altitude Longue Endurance - MALE) fournis par EADS à partir d'une plate-forme israélienne. Ces SIDM devaient être livrés à l'armée française au début 2005, mais, du fait de difficultés techniques, ils ne le seront qu'en avril 2006. Avec une autonomie de 24 heures et de 1.000 km, de jour et de nuit et par tous temps, ce nouveau système sera donc plus performant que le HUNTER.

Le rapporteur a ensuite évoqué le programme EuroMALE, préalable à la construction d'un futur drone d'observation, dont les capacités de vol (altitude, autonomie) seront supérieures à celles du SIDM. Du fait du coût de lancement de ce programme, estimé à 340 millions d'euros, le ministère de la défense souhaite qu'il soit construit en participation européenne, mais seule l'Espagne, qui a apporté 40 millions d'euros, a exprimé le souhait de prendre part au projet.

M. Philippe Nogrix a déploré le manque de coopération européenne en la matière : la Grande-Bretagne a ainsi acquis auprès de Thalès un système « Watchkeeper », dont la conception est différente de celle du MALE. L'Italie a acheté aux Etats-Unis deux Predator, et l'Allemagne s'oriente vers la réalisation d'un drone Haute Altitude Longue Endurance (HALE) en partenariat avec l'OTAN.

Puis M. Philippe Nogrix a rappelé que le besoin d'un drone endurant d'observation avait été exprimé, dans les années 1990, par la Direction du renseignement militaire, qui devait alors impérativement renouveler des informations stratégiques dont la pertinence avait été bouleversée par la fin de la guerre froide. L'EuroMALE, s'il se concrétise, permettra de mieux répondre à ce besoin que les avions d'observation de l'armée de l'air, le plus spécialisé d'entre eux, le DC 8 SARIGUE (système automatisé de recueil d'informations de guerre électronique) ayant d'ailleurs été retiré du service en 2004 du fait du coût trop élevé de sa maintenance. M. Philippe Nogrix a donc estimé que la France et, plus largement, l'Europe, devaient se doter d'un drone d'observation de nature à préserver une nécessaire autonomie en matière de recueil d'informations, déplorant que le choix ne puisse se faire qu'entre l'EuroMALE, d'une part, programme coûteux et au soutien européen incertain, et le Predator américain, d'autre part.

M. Philippe Nogrix a ensuite évoqué le programme de drones de combat NEURON, dont la responsabilité a été confiée à Dassault et qui a recueilli, pour l'instant, l'adhésion de quatre pays européens : l'Espagne, la Grèce, l'Italie et la Suisse. Ce projet, évalué à 400 millions d'euros, permettrait à l'Europe de maîtriser les technologies des avions de combat non pilotés.

Le rapporteur a conclu en rappelant le consensus existant chez les décideurs militaires européens sur la nécessité de se doter rapidement de drones aériens d'observation de moyenne ou longue endurance, mais a déploré que les financements ne soient pas au rendez-vous.

Mme Maryse Bergé-Lavigne, co-rapporteur, a déploré la difficulté de l'Union européenne à se doter d'une capacité de défense opérationnelle, dans le domaine des drones, alors qu'il s'agissait d'un marché industriel à l'avenir prometteur. Elle s'est interrogée sur la place prééminente qu'occupait EADS, en la matière, par rapport aux nombreuses petites et moyennes entreprises qui participent à la construction de mini-drones dans des conditions économiques difficiles. Elle a estimé que les choix effectués par l'état-major des armées n'étaient pas entièrement indépendants de la pression des industriels, citant en exemple les retards regrettables qui affectent le programme SIDM. Elle a exprimé la crainte que ces erreurs ne se reproduisent à l'occasion du programme EuroMALE, dont la viabilité industrielle ne semblait pas acquise, et son inquiétude que notre pays construise, essentiellement sur fonds publics, un engin coûteux et dépourvu de débouchés à l'exportation.

Puis la commission a autorisé la publication de la communication sous la forme d'un rapport d'information.

Mercredi 7 décembre 2005

- Présidence de M. Serge Vinçon, président -

Traités et conventions - Protection des obtentions végétales - Examen d'un rapport supplémentaire

La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport supplémentaire de M. Jean Puech sur le projet de loi n° 144 (1996-1997) autorisant la ratification de la révision de la convention internationale pour la protection des obtentions végétales.

M. Jean Puech, rapporteur, a rappelé que cette convention avait été conclue à Paris, le 2 décembre 1961, puis révisée en 1991. La commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat avait, en juin 1997, sur proposition de M. Hubert Durand-Chastel, donné un avis favorable au projet de loi autorisant sa ratification. Il a indiqué que la commission lui avait confié le soin d'actualiser les enjeux de cette convention après un premier examen il y a 8 ans, ce qui le conduisait à présenter ce présent rapport supplémentaire.

La convention précise et élargit les droits de l'obtenteur, en institutionnalisant la notion de certificat d'obtention végétale en lieu et place du brevet. Si celui-ci ne s'applique qu'à une technique de reproduction variétale ou de transformation génétique, le certificat d'obtention végétale quant à lui protège la variété transformable elle-même. L'obtenteur est ainsi garanti contre toute exploitation commerciale de sa variété. Son droit s'étend aux « variétés essentiellement dérivées de la variété protégée », ce qui est très important compte tenu des progrès du génie génétique. De plus, le droit de l'obtenteur est renforcé car son autorisation est nécessaire pour la production, la mise en vente et la commercialisation originelles, ainsi que pour le conditionnement, la détention en fin de production ou de commercialisation, l'importation et l'exportation.

M. Jean Puech, rapporteur, a exposé les raisons du retard pris pour l'inscription de ce texte à l'ordre du jour du Parlement : le fait que la protection couvre le matériel de reproduction, mais également tout acte de reproduction, pouvait être préjudiciable à l'emploi, par certains agriculteurs, de « semences de ferme » obtenues après un tri effectué sur la récolte d'une variété protégée, et « libres de droit ». Le conflit opposant les obtenteurs et les utilisateurs de semences de ferme sur la rémunération du droit d'obtenteur a duré plusieurs années jusqu'à la conclusion, le 26 juin 2001, d'un accord interprofessionnel pour le financement de la recherche variétale par tous les utilisateurs de semences de blé tendre, qui ont essentiellement recours aux semences de ferme. Ceux-ci ont obtenu le droit de semer à nouveau, sur leur exploitation, une partie de leur récolte de variétés protégées, à condition de verser aux obtenteurs une cotisation volontaire obligatoire, essentiellement destinée à financer les dépenses de recherche.

Le rapporteur a souligné que cette convention devait être ratifiée le plus rapidement possible, faute de quoi de nombreuses variétés végétales risquaient de tomber dans le domaine public, par exemple, les variétés de pommes de terre « Mona Lisa » et « Charlotte ». La ratification de la convention, complétée par l'adoption de dispositions de droit interne modifiant le code de la propriété intellectuelle et du code rural, permettra de prolonger la protection de nombreuses variétés.

En réponse à Mme Maryse Bergé-Lavigne, M. Jean Puech a indiqué que la protection prévue concernait des variétés de plantes, et non des territoires d'appellation contrôlée, et que cette convention ne modifiait pas la réglementation relative aux organismes génétiquement modifiés, en vigueur au niveau français et européen.

M. Jean Puech, rapporteur, a invité ses collègues à prendre acte de cette communication, destinée à actualiser et compléter les informations soumises à la commission, lors de son examen, en 1997, du projet d'adhésion de la France à la présente convention pour la protection des obtentions végétales.

La commission a adopté les conclusions présentées par le rapporteur.

Mission commune d'information sur le bilan et les perspectives d'avenir des politiques conduites envers les quartiers difficiles - Communication

Sur la proposition de M. Serge Vinçon, président, la commission a accepté d'être associée à la prochaine mission d'information commune sur le bilan et les perspectives d'avenir des politiques conduites envers les quartiers difficiles, souhaitée par M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques.

Traités et conventions - Accord sur l'Office franco-allemand pour la jeunesse - Echange de vues

S'agissant du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord sur l'office franco-allemand pour la jeunesse (OFAJ) examiné en séance publique par l'Assemblée nationale, le mardi 13 décembre, M. Xavier Pintat a souligné l'importance du processus que la création de l'Office avait permis de lancer, pour la réconciliation entre l'Allemagne et la France, au travers de rencontres entre les jeunes des deux pays. Il avait personnellement participé à toutes les étapes de mise en place de l'Office ainsi qu'au début des jumelages, dans sa région, entre villes allemandes et françaises. Il a estimé qu'il convenait de relancer l'action et les projets de l'Office et a ajouté qu'il suivrait avec beaucoup d'intérêt la réflexion conduite par la commission lors de l'examen du projet de loi. Il a ensuite retiré sa candidature au rapport sur ce projet de loi au profit de Mme Monique Cerisier-ben Guiga.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga a remercié M. Xavier Pintat et relevé, à son tour, l'actualité de l'action de l'OFAJ. Celui-ci avait été à l'origine de nombreux mariages entre Français et Allemands, conduisant à ce que nombre de nos compatriotes résidaient désormais en République fédérale. On constatait aujourd'hui, cependant, un désintérêt croissant de la France envers l'Allemagne, comme en attestait la diminution constante du nombre de jeunes Français apprenant l'allemand. Il convenait donc de relancer l'OFAJ pour lui permettre de jouer à nouveau pleinement son rôle.

PJLF pour 2006 - Mission « Défense » - Communication

Evoquant les crédits pour 2006 de la mission « Défense », M. Didier Boulaud a ensuite relevé que les débats à l'Assemblée nationale avaient conduit, sur l'initiative du Gouvernement, à une réduction des crédits de cette mission, alors que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, comme sa commission des finances, n'avaient pu examiner que les seuls crédits initiaux. A la veille de l'examen des crédits en séance publique, il a donc demandé à M. Serge Vinçon, président, de préciser le montant et la répartition des crédits annulés.

M. Serge Vinçon, président, a précisé que le montant des crédits effectivement transférés à partir de la mission Défense s'élevait à quelque 75 millions d'euros, dans le cadre du financement du plan d'urgence pour les banlieues auquel, d'ailleurs, l'ensemble des « missions » étaient aussi invitées à participer.

Aide publique au développement - Communication

Mme Monique Cerisier-ben Guiga a enfin attiré l'attention de la commission sur l'enjeu lié à la réforme en cours des méthodes et des structures de l'aide publique française au développement et, en particulier, la modification des compétences et des statuts de l'Agence française de développement.

M. Serge Vinçon, président, a reconnu l'intérêt de cette question et indiqué que, dès le début de l'an prochain, une audition de M. Jean-Michel Severino, directeur général de l'Agence française de développement, serait organisée par la commission.

Nomination de rapporteurs

Enfin, la commission a procédé à la nomination de rapporteurs. Elle a désigné :

- Mme Monique Cerisier-ben Guiga sur le projet de loi n° 2630 (AN - 12e législature) autorisant l'approbation de l'accord sur l'Office franco-allemand pour la jeunesse ;

- M. Gérard Roujas sur le projet de loi n° 2626 (AN - 12e législature) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Fédération de Russie relatif à certaines questions immobilières ;

- Mme Joëlle Garriaud-Maylam sur le projet de loi n° 2605 (AN - 12e législature) autorisant l'approbation de la convention internationale pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel.