Table des matières


Mercredi 13 décembre 2000

- Présidence de M. Xavier de Villepin, président -

Traités et conventions - Accord euro-méditerranéen entre les Communautés européennes et le Royaume Hachémite de Jordanie. Examen du rapport

La commission a tout d'abord examiné le rapport de M. Serge Vinçon sur le projet de loi n° 484 (1999-2000), autorisant la ratification de l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et le Royaume hachémite de Jordanie, d'autre part.

M. Serge Vinçon a d'abord observé que l'accord d'association entre l'Union européenne et la Jordanie s'inscrivait dans le cadre du partenariat euro-méditerranéen, dont les bases avaient été jetées par la Conférence de Barcelone, en 1995. Le processus lancé à Barcelone par les quinze Etats membres de l'Union européenne et les douze pays de la rive sud de la Méditerranée, a-t-il précisé, comprenait un volet multilatéral, avec l'organisation d'un dialogue dans les domaines politique, économique et social, ainsi qu'un volet bilatéral, avec le renouvellement des accords de coopération signés dans les années 70 entre l'Europe et ses partenaires méditerranéens. Il a indiqué que quatre accords d'association étaient déjà entrés en vigueur avec la Tunisie, Israël et les territoires palestiniens.

Dressant alors le bilan du processus de Barcelone, au lendemain de la Conférence de Marseille, réunie les 15 et 16 novembre dernier, le rapporteur a fait, en premier lieu, le point sur le dialogue politique. Il a souligné, à cet égard, que le seul fait que la Conférence de Marseille ait pu se tenir constituait en soi un succès, compte tenu du climat de tension extrême au Proche-Orient et traduisait ainsi l'intérêt indéniable des pays du Sud de la Méditerranée pour la poursuite d'un dialogue avec l'Europe. Il a cependant relevé l'incapacité du partenariat euro-méditerranéen de peser réellement sur le processus de paix au Proche-Orient dont il supportait, pourtant, les vicissitudes. Il a expliqué cette situation principalement par les profondes difficultés des Quinze à s'accorder sur la politique à suivre dans la région.

M. Serge Vinçon a noté, sur le plan financier, que le principal instrument communautaire de la politique méditerranéenne, le programme MEDA, avait cristallisé l'essentiel des critiques, dans la mesure où, sur la totalité des sommes engagées sur la période 1996-1999, 26 % seulement des crédits avaient été effectivement payés. La responsabilité de ces retards incombait, pour une large part, aux procédures excessivement lourdes de la Commission européenne. Il a souligné, cependant, les efforts récemment engagés à l'initiative du Commissaire européen chargé des relations extérieures, M. Chris Patten, pour simplifier et alléger le circuit de décision, ainsi que pour favoriser un paiement plus rapide des fonds engagés. Il a ajouté que, si l'effort financier accordé par les Quinze aux pays méditerranéens avait été, pour l'essentiel, reconduit dans le cadre de MEDA II, ce montant -soit 5,35 milliards d'euros sur 7 ans- ne représentait plus que 40 % de l'aide accordée aux pays d'Europe centrale et orientale, contre 70 % en 1996.

Evoquant alors les négociations relatives aux futurs accords d'association bilatéraux, et après avoir rappelé que ces textes présentaient pour principale innovation l'ouverture d'un dialogue politique et la mise en place d'un espace de libre circulation des personnes, M. Serge Vinçon a observé que le processus engagé avec l'Egypte, la Syrie, le Liban et l'Algérie semblait aujourd'hui marquer le pas.

M. Serge Vinçon a ensuite évoqué plus particulièrement les perspectives qu'ouvrirait l'entrée en vigueur du présent accord d'association pour les relations entre la Jordanie et l'Union européenne dans les domaines politique et économique. S'interrogeant sur la capacité de l'économie jordanienne à supporter les conséquences de l'ouverture progressive des frontières, il a d'abord observé que le Royaume hachémite avait engagé une politique de réformes ambitieuses avec, en particulier, la mise en oeuvre d'un programme important de privatisations. Il a toutefois relevé que ce pays, confronté à des contraintes structurelles -et notamment l'étroitesse du marché intérieur-, connaissait également une conjoncture difficile, en raison d'une sécheresse exceptionnelle en 1999, de l'embargo appliqué à l'Irak, partenaire économique majeur de la Jordanie et, enfin, de la montée des tensions dans la région. Il a précisé, ainsi, que le taux de croissance stagnait depuis 5 ans, entraînant une baisse du revenu par habitant. Dans ces conditions, l'aide économique accordée à la Jordanie par l'Europe revêtait, évidemment, une importance essentielle. Il a noté, à cet égard, qu'entre 1996 et 1999, plus de 40 % des crédits destinés au Royaume avaient été effectivement décaissés, soit un taux nettement supérieur à la moyenne des pays méditerranéens.

Sur le plan politique, le rapporteur a noté que la situation des droits de l'homme en Jordanie apparaissait plus favorable que dans les autres Etats arabes de la région. Le nouveau souverain, a-t-il relevé, avait manifesté son intention de renforcer les assises démocratiques du régime, mais devait aussi agir avec prudence, afin de contenir l'influence croissante du Front d'action islamique. Il a insisté, par ailleurs, sur les risques que présentait, pour la Jordanie, la crise actuelle entre Israéliens et Palestiniens, en observant qu'Amman s'efforçait de prévenir tout débordement qui affecterait l'harmonie entre les Jordaniens d'origine palestinienne qui représentaient la moitié de la population, et les Transjordaniens. Il a estimé, à cet égard, que le développement des liens avec l'Europe permettait à la Jordanie, tout en maintenant son ancrage au modèle libéral, de se rapprocher d'un ensemble de pays dont les positions s'accordaient mieux que celles des Etats-Unis avec ses intérêts diplomatiques et de politique intérieure. De son côté, a-t-il ajouté, l'Europe était consciente de la nécessité de renforcer la position d'un pays dont la stabilité et le rôle modérateur représentaient un atout indéniable dans la région.

M. Serge Vinçon a conclu, en observant que si la Jordanie était, de par son histoire, plus orientée vers l'influence anglo-saxonne, les relations politiques entre nos deux pays s'étaient récemment intensifiées. Il a ainsi souligné que la France était devenue le premier investisseur étranger dans le Royaume, qui représentait une tête de pont privilégiée pour accéder au marché proche-oriental. Ainsi le rapporteur a-t-il exprimé l'espoir que la relation franco-jordanienne devienne le coeur et le moteur du partenariat noué entre le Royaume et l'Union européenne. Il a invité, en conséquence, la commission à approuver le présent projet de loi, afin de permettre la ratification, qui n'avait que trop tardé, de l'accord d'association avec la Jordanie.

A la suite de l'exposé du rapporteur, M. Pierre Biarnès a estimé que les dysfonctionnements observés dans le décaissement des fonds européens tenaient, pour une large part, à l'insuffisance des moyens humains nécessaires pour encadrer l'utilisation de cette aide sur le terrain. Par ailleurs, après avoir observé que la Jordanie était le seul pays à entretenir, à la fois, des relations avec l'Irak et Israël, il a souligné le rôle positif que le Royaume jouait dans son environnement régional, ainsi d'ailleurs que sur la scène internationale, comme en témoignait la présence de contingents jordaniens dans les forces de maintien de la paix.

A M. Aymeri de Montesquiou qui s'interrogeait sur les perspectives d'un rapprochement entre la Jordanie et l'Arabie saoudite, M. Serge Vinçon a précisé que le nouveau souverain hachémite accomplissait de nombreux déplacements dans les autres pays arabes et avait su, ainsi, développer de nouvelles relations avec les Etats voisins de la Jordanie.

M. Christian de La Malène a regretté que la politique méditerranéenne de l'Union européenne reste, faute d'une vision politique commune des Quinze, encore trop centrée sur les seuls aspects économiques.

Mme Paulette Brisepierre a souligné la lourdeur et la complexité des procédures du règlement MEDA. Elle s'est également interrogée sur la possibilité, pour les deux pays, de conclure un nouvel accord de protection des investissements. M. Serge Vinçon a indiqué qu'il interrogerait le gouvernement sur ce point lors du débat en séance publique. Il est revenu, par ailleurs, sur les progrès accomplis par la Jordanie pour la modernisation de son économie. Il a noté, en outre, que la France avait récemment conclu avec le Royaume un accord de conversion de dettes en investissements.

M. Xavier de Villepin, président, a d'abord relevé les efforts engagés par M. Chris Patten pour réformer et adapter l'aide européenne. Il a rendu, par ailleurs, hommage à la personnalité et à l'action du souverain jordanien. Evoquant, enfin, la crise israélo-palestinienne, il a relevé que les deux parties avaient actuellement noué des contacts très discrets, afin de surmonter les blocages du processus de paix. Il a estimé, à cet égard, que le premier ministre démissionnaire, M. Ehud Barak, cherchait à obtenir un accord de paix dans la perspective des prochaines échéances électorales en Israël.

M. Hubert Durand-Chastel, enfin, a déploré que la France soit, avec la Belgique, l'un des deux derniers pays à procéder aux procédures de ratification nécessaires à l'entrée en vigueur de l'accord d'association avec la Jordanie.

Projet de loi de finances rectificative pour 2000 - Budget de la défense - Communication

M. Xavier de Villepin, président, a ensuite présenté une communication sur l'exécution du budget de la défense pour 2000.

Rappelant que le projet de loi de finances rectificative, en cours d'examen au Sénat, avait retracé les divers mouvements de crédits intervenus, en 2000, dans l'exécution du budget de la défense, M. Xavier de Villepin, président, a précisé que les crédits de la défense avaient été augmentés de 3,6 milliards de francs au titre III et réduits de 6,3 milliards de francs au titre V, alors que, parallèlement, les autorisations de programme avaient bénéficié d'une majoration nette de 15 milliards de francs au titre du lancement du programme d'avion de transport A400M.

Détaillant la hausse de 3,6 milliards de francs du titre III, il a indiqué qu'elle couvrait, à hauteur de 850 millions de francs, l'ajustement des crédits de carburants, pour tenir compte de l'évolution des cours du dollar, qu'elle comportait des mesures spécifiques d'amélioration des moyens de fonctionnement de la gendarmerie, pour 370 millions de francs, et qu'elle concernait, à hauteur de 2,3 milliards de francs, le financement du surcoût des opérations extérieures (OPEX). Il a remarqué à ce propos que, malgré le financement supplémentaire, le titre III supporterait à ce titre une charge non compensée d'environ 500 millions de francs. Il a également rappelé que seules les opérations sous commandement de l'ONU, comme au Liban, donnaient lieu à des remboursements de la part de celle-ci, mais qu'outre les opérations sous commandement strictement national, les opérations sous un commandement international autre que l'ONU, c'est-à-dire principalement les opérations de l'OTAN en Bosnie-Herzégovine et au Kosovo, représentaient environ les trois quarts du surcoût des OPEX et étaient intégralement supportées par le budget national.

Enfin, il a estimé que les majorations de crédits au titre III ne couvraient pas la totalité de l'insuffisance chronique des crédits de fonctionnement, qui pouvait être évaluée à 300 millions de francs au terme de l'exercice 2000.

Abordant le titre V, il a tout d'abord signalé les importants mouvements intervenus sur les autorisations de programme pour financer la commande de 27 hélicoptères de transport NH90 au printemps, puis le lancement du programme A400M. Sur les 40 milliards de francs nécessaires à la commande de 40 avions de transport l'an prochain, 20 milliards de francs ont été dégagés en 2000, dont 15 par mise en place de dotations nouvelles et 5 par redéploiement provenant, pour 80 %, de l'armée de l'air et pour 15 % de l'armée de terre.

M. Xavier de Villepin, président, a remarqué que si les 20 milliards de francs restants, nécessaires à la commande de 40 appareils, n'étaient pas dégagés par majoration des autorisations de programme prévues par le projet de la loi de finances pour 2001, la gestion du prochain exercice s'en trouverait fortement perturbée. Il a rappelé à ce propos la forte contraction des autorisations de programme disponibles, qui pèse lourdement sur la gestion de certains programmes.

Concernant les crédits de paiement, il a précisé que les annulations s'élevaient à 6,3 milliards de francs alors que, parallèlement, le ministère de la défense avait bénéficié de 6,6 milliards de francs reportés de la gestion précédente. Estimant que la gestion 2000 pourrait se solder par un montant encore élevé de crédits de paiement non consommés, de l'ordre de 4 à 5 milliards de francs, il a énuméré les différents facteurs qui continuent de conditionner le rythme des paiements du ministère de la défense. Tout en reconnaissant que certains de ces facteurs expliquaient de moindres besoins en crédits de paiement, il a toutefois déploré que les annulations continuent d'être appliquées aux dépenses dites " de flux ", c'est-à-dire à l'entretien programmé des matériels, au soutien et aux infrastructures. Il a également jugé impérative, avant l'examen de la prochaine loi de programmation militaire, une clarification de la gestion des crédits d'équipement de la défense. Il a proposé à la Commission d'étudier cette question dans le cadre plus large d'un travail préparatoire d'information, destiné à préciser les principaux enjeux de la prochaine loi de programmation.

Nomination d'un rapporteur

Puis la commission a désigné M. Guy Penne comme rapporteur sur le projet de loi n° 100 (2000-2001) autorisant l'approbation du protocole portant amendement à la convention européenne sur la télévision transfrontière.

Organisme extraparlementaire - Conseil d'orientation stratégique du fonds de solidarité prioritaire - Désignation d'un candidat

La commission a ensuite désigné Mme Paulette Brisepierre comme candidat proposé à la nomination du Sénat pour siéger au sein du Conseil d'orientation stratégique du fonds de solidarité prioritaire.

Union européenne - Résultats du Conseil européen de Nice - Communication

Puis la commission a procédé à un échange de vues sur les résultats du Conseil européen de Nice.

M. Xavier de Villepin, président
, a indiqué que deux jours après la fin du Conseil européen de Nice, il lui était apparu utile, à l'initiative de M. Christian de La Malène, de procéder à un échange de vues sur les résultats obtenus après ces six mois de présidence française.

M. Xavier de Villepin, président, a estimé en premier lieu qu'il fallait obtenir à Nice une Union plus efficace et, dans la perspective de son élargissement, mieux équilibrée quant au poids décisionnel comparé des " grands " et des " petits " pays. Cette étape de l'aménagement institutionnel conditionnait, a-t-il précisé, l'aboutissement du processus d'élargissement lui-même, qui constitue le grand dessein européen depuis 10 ans. Il convenait donc surtout, a précisé M. Xavier de Villepin, président, d'éviter, à Nice, un échec, qui aurait interrompu cette ambition et achevé de discréditer l'Europe auprès des opinions publiques des pays membres comme des pays candidats.

Pour M. Xavier de Villepin, président, l'accord de Nice constituait un soulagement en ce que le Traité de Nice ne lui semblait pas être un simple habillage destiné à masquer un échec : certaines réformes apportent une relative amélioration institutionnelle, même si elles se situent à un niveau moindre que celui escompté au début. La poursuite du processus d'élargissement est donc possible.

La nouvelle grille de pondération des voix au Conseil est de nature à rééquilibrer l'influence des Etats les plus peuplés dans une Union élargie d'ici 5 à 10 ans à une majorité de petits Etats. Trois conditions devront être réunies pour obtenir une majorité qualifiée au sein du Conseil : majorité en voix pondérées, majorité en nombre d'Etats, enfin un " filet démographique " impliquant que le vote rassemble au moins 62 % de la population de l'Union.

On pouvait craindre, cependant, a estimé M. Xavier de Villepin, président, que ce dispositif complexe relèverait plus de la capacité d'empêcher des décisions que de l'aptitude à avancer sur les sujets soumis à la majorité qualifiée. Il n'y avait certes pas eu, sur ce point, a-t-il poursuivi, de " décrochage " entre l'Allemagne, d'une part, la France, la Grande-Bretagne et l'Italie, d'autre part. La prise en compte du poids démographique spécifique de l'Allemagne avait cependant été faite dans le cadre du " filet démographique " et dans celui du Parlement européen : l'Allemagne y gardera ses 99 députés, les trois autres grands pays réduisant leurs effectifs de parlementaires de 87 à 72.

De même, le mécanisme des coopérations renforcées était allégé et donc facilité pour les 1er et 3e piliers. Au surplus, le veto d'un pays à un tel déclenchement était supprimé. Il semblait également que, d'une manière limitée, la PESC pourrait être concernée par ce mécanisme.

M. Xavier de Villepin, président, a fait part de sa préoccupation sur deux autres sujets :

- celui du plafonnement des effectifs de la Commission, tout d'abord : les grands pays renonceront en 2005 à leur 2e commissaire mais, lorsque l'Union comptera 27 membres -et donc 27 commissaires-, il faudra obtenir une décision unanime pour réduire l'effectif du collège. La lourdeur risquait donc de peser sur cette institution qui est pourtant au coeur des initiatives et de la gestion communautaires ;

- celui enfin de l'extension des domaines où l'on décide à la majorité qualifiée. Des progrès ont été réalisés sur des domaines spécifiques qui ne sont pas sans importance. Chaque Etat avait toutefois sa " ligne rouge " sur ce sujet, y compris la France, sur le statut des services culturels dans le cadre des négociations commerciales.

Pour conclure son propos, M. Xavier de Villepin, président, a évoqué
l'  " après-Nice ".

Le Conseil européen avait entériné un succès incontestable : celui de la politique européenne de sécurité et de défense. M. Xavier de Villepin, président, a souhaité revenir sur la méthode qui en a peut-être conditionné la réussite : elle s'était faite en dehors des traités communautaires ; initiée à 2 ou 3 (F, RFA, GB), la démarche avait été rejointe par les autres membres de l'Union dans un cadre strictement intergouvernemental ; elle avait bénéficié d'un élément essentiel : la volonté politique née de l'expérience instructive du Kosovo.

N'y avait-il pas réunis là, s'est interrogé M. Xavier de Villepin, président, les trois ingrédients qui permettaient à l'Union de progresser sur des sujets essentiels ?

M. Xavier de Villepin, président, a estimé que le moment était venu pour notre Gouvernement, désormais affranchi des contraintes de la présidence, de faire entendre sa voix sur les réflexions lancées au cours de cette année par MM. Delors, Fischer ou Jacques Chirac lui-même et qui, à travers diverses formules comparables d' " avant-garde ", de " groupe pionnier " ou de " centre de gravité ", proposaient des mécanismes propres à faire progresser l'Europe élargie de demain.

Enfin, M. Xavier de Villepin, président, a évoqué la prochaine CIG qui sera convoquée en 2004. Une " déclaration sur l'avenir de l'Union ", faite à Nice, en précise la " feuille de route ", aux termes de laquelle il lui reviendrait d'aborder les questions de subsidiarité, le statut de la Charte des droits fondamentaux, la simplification des traités et le rôle des parlements nationaux.

M. Xavier de Villepin, président, a considéré cependant que la méthode de la CIG avait montré ses limites. Le principe des personnalités européennes reconnues, qui seraient invitées à soumettre des options institutionnelles aux Etats membres : gouvernements, parlements nationaux, voire " société civile ", lui paraissait mieux adapté aux attentes de nos concitoyens. On ne pouvait, à son avis, que souhaiter que ce rendez-vous de 2004 soit l'aboutissement des réflexions sur les finalités et les institutions de l'Union élargie dont le Traité de Nice, malgré ses imperfections, aura été le point de départ.

A la suite de l'exposé de M. Xavier de Villepin, président, M. Christian de La Malène a regretté la modicité des résultats sur les trois " reliquats " à l'ordre du jour de la Conférence intergouvernementale. S'agissant de la pondération des voix, il a jugé que les petits pays avaient su conserver tout leur poids dans le processus de décision. Il a estimé, par ailleurs, que l'argument démographique avancé par la France à l'égard des " petits pays " en faveur d'une repondération, paraissait contradictoire avec la volonté de notre pays de conserver un strict équilibre des voix par rapport à l'Allemagne au sein du Conseil. Il s'est demandé si les contreparties accordées à l'Allemagne -notamment le nombre de sièges qui lui a été attribué au Parlement européen- n'étaient pas excessives. Il s'est, par ailleurs, montré sceptique sur les perspectives d'obtenir, à terme, un réel plafonnement des effectifs de la Commission. Quant à l'extension de la majorité qualifiée, il a estimé qu'elle n'avait pas concerné les sujets les plus importants. M. Christian de La Malène a observé, en conséquence, que le Conseil de Nice n'avait pas permis la réforme en profondeur des institutions, indispensable pourtant dans la perspective des élargissements. Il a relevé que les mécanismes institutionnels paraissaient aujourd'hui à bout de souffle et que l'Europe manquait d'une véritable stratégie sur les objectifs qu'elle entendait poursuivre. Il a craint, à cet égard, que la vision britannique de l'Europe ne prévale sur des objectifs politiques plus ambitieux. Il a jugé indispensable que l'Europe puisse se construire sur d'autres bases et il a indiqué, pour sa part, qu'il n'approuverait pas la ratification du futur traité de Nice.

M. Pierre Biarnès a, quant à lui, souhaité faire montre d'optimisme sur l'avenir de l'Europe. Il a rappelé que la construction européenne avait été fondée sur la volonté de réconciliation entre la France et l'Allemagne. Il a ajouté qu'elle avait pour perspective la mise en place d'une Europe-puissance et non d'une Europe marchande. Il a souligné, à cet égard, les progrès accomplis dans les domaines de la monnaie et de l'armement. Les futures avancées, a-t-il ajouté, dépendaient de l'effort -financier notamment- que les pays étaient prêts à consentir. Il est revenu sur les enjeux essentiels soulevés par la réunion d'une prochaine Conférence intergouvernementale en 2004 chargée, en particulier, d'aborder les questions liées à la subsidiarité.

M. Paul Masson, tout en observant qu'il conviendrait sans doute d'attendre la rédaction du futur traité, afin d'évaluer précisément les résultats du Conseil européen de Nice, a estimé que les conclusions de ce sommet donnaient le sentiment d'un échec sérieux. Il a jugé que la prise en compte d'un " filet démographique " dans le cadre du processus de décision au sein du Conseil introduirait un biais dans la conception originelle de l'Europe. Il a observé que le pouvoir d'influence qui avait ainsi été reconnu à l'Allemagne irait croissant dans le cadre d'une Europe élargie. Il s'est interrogé sur les conséquences d'une telle évolution, en observant, notamment, que près de 40 % des membres du Parlement européen relèveraient désormais de la sphère d'influence allemande. M. Paul Masson a observé, également, que les résultats du Conseil de Nice pouvaient également être considérés comme un succès pour le Premier ministre britannique. Il a relevé que l'Espagne, dont les positions paraissaient aujourd'hui très proches de celles défendues par le Royaume-Uni, avait obtenu une augmentation relative des voix dont elle disposait. Il a jugé que, dans ce contexte, la Grande-Bretagne pourrait disposer d'une capacité de blocage. M. Paul Masson a enfin considéré que les mécanismes institutionnels présentaient aujourd'hui de nombreux dysfonctionnements et que l'on ne pouvait écarter le risque que la Commission se révèle dans l'impossibilité de jouer son rôle, au risque de discréditer davantage la construction européenne aux yeux de nos concitoyens. Il a regretté que, malgré les propositions avancées par M. Joschka Fischer, ainsi que par le Président de la République, aucune voie n'ait été tracée pour permettre l'émergence d'une Europe vraiment efficace. Le souci de pérenniser un système qui avait pourtant montré ses limites, a-t-il ajouté, avait prévalu. Il a craint qu'il ne soit très difficile de susciter de nouvelles occasions de faire avancer un projet ambitieux pour l'Europe et il s'est inquiété, en particulier, de la position d'isolement dans laquelle notre pays se trouvait au lendemain du sommet de Nice.

M. Robert Del Picchia a estimé que les résultats de Nice devaient être interprétés de manière nuancée. Faisant état de son expérience de journaliste, il a relevé que la presse, contrainte de rendre compte rapidement de l'issue du sommet, avant même son achèvement, avait pu donner sur les conclusions du Conseil une appréciation négative qui serait corrigée avec le recul du temps. Il a souligné les risques qu'un échec aurait présenté pour la présidence française, mais aussi pour l'ensemble des pays candidats où l'évolution politique était encore fragile. Il s'est inquiété, par ailleurs, de l'insuffisance de l'attention accordée aux aspirations des opinions publiques européennes, alors même que le soutien des populations se révélerait indispensable dans le cadre des ratifications nécessaires à la mise en oeuvre du processus d'élargissement.

M. Aymeri de Montesquiou a déploré que les décisions du Conseil de Nice aboutissent à un système d'une grande complexité. Il en a imputé la responsabilité à la priorité accordée par les Etats à la défense de leurs positions nationales, plutôt qu'à la prise en compte des intérêts de l'Union. Il a relevé que la réflexion à venir sur la subsidiarité pouvait être l'une des clés pour surmonter certains des blocages actuels.

M. Charles Henri de Cossé-Brissac a regretté que le débat sur la construction européenne ait été faussé, en France, par des enjeux de politique intérieure. Il a souligné, également, le décalage entre les résultats du Conseil de Nice et les attentes de nos concitoyens. Il a enfin estimé que l'Union européenne progressait beaucoup plus par la dynamique économique qu'elle permet que par son ambition politique.

M. Hubert Durand-Chastel a indiqué que, pour sa part, il approuverait la ratification du futur traité de Nice. Il a souligné, cependant, la fragilité de l'Europe liée, à son sens, à l'absence d'une véritable volonté politique. Il a également attiré l'attention sur la place qui pourrait être accordée à la Turquie au sein de l'Europe, au regard de la prise en compte du critère démographique. Il a estimé, par ailleurs, que l'écart des voix reconnu, au profit de l'Allemagne, au sein du Parlement européen, devait être relativisé, dans la mesure où le Conseil et la Commission européenne conservaient un rôle essentiel dans le processus de décision. Il a regretté que le plafonnement du nombre de commissaires ait été retardé et a craint que l'augmentation à venir des effectifs de la Commission ne pèse sur son efficacité. M. Hubert Durand-Chastel a ajouté que la mise en place de la monnaie unique au 1er janvier 2002 favoriserait l'émergence d'un sentiment européen. Il a conclu en rappelant le rôle essentiel de la relation franco-allemande pour la construction européenne.

Réagissant alors aux différentes observations présentées par les commissaires, M. Xavier de Villepin, président, a observé que le processus de construction européenne avait toujours su tirer parti des obstacles et des épreuves pour progresser. Il a attiré l'attention sur la question des frontières de l'Europe qui devrait faire, dans l'avenir, l'objet d'une réflexion plus approfondie. Il a ajouté, par ailleurs, que l'influence croissante de l'Allemagne en Europe constituait, sans doute, une évolution inéluctable et qu'il convenait de ne pas sous-estimer, à cet égard, les conséquences de la prééminence accordée à ce pays au sein du Parlement européen, compte tenu des pouvoirs accrus dont cette institution serait progressivement investie. Il a souligné également que les résultats du Conseil européen de Nice avaient mis en évidence les fragilités de l'Europe. Il a remarqué qu'un échec aurait eu des effets désastreux sur les pays candidats à l'élargissement. Si la réforme institutionnelle apparaît insuffisante, il convient toutefois de rendre hommage, selon M. Xavier de Villepin, président, à la présidence française qui avait su accomplir, dans un contexte difficile, un travail remarquable, en particulier grâce à la communauté de vues au sein de l'exécutif sur les questions européennes. Il a regretté, par ailleurs, que les opinions publiques ne soient pas davantage consultées sur le processus de construction européenne. Evoquant alors la Turquie, il a observé que ce pays compterait en 2025 quelque 100 millions d'habitants, alors qu'à cette date l'Allemagne serait peuplée de 70 millions d'habitants.

M. Xavier de Villepin, président, a par ailleurs précisé à l'attention de M. Aymeri de Montesquiou, qui regrettait que les contraintes de la cohabitation n'aient pas permis à l'exécutif français de soumettre des propositions véritablement ambitieuses, que notre pays, désormais affranchi des contraintes d'une présidence, retrouverait toute sa capacité d'initiative. De même, il a indiqué à M. Charles-Henri de Cossé-Brissac qui s'interrogeait sur les perspectives de la prochaine présidence suédoise, que ce pays accorderait sans doute la priorité aux futurs élargissements. Mme Paulette Brisepierre a, pour sa part, regretté que les avancées permises par la présidence française n'aient pas été assez reconnues par les médias davantage préoccupés par des enjeux politiques internes.

Traités et conventions - Accord France-Conseil fédéral suisse concernant l'interprétation de la convention relative au service militaire des doubles nationaux - Examen du rapport

La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport de M. Robert Del Picchia sur le projet de loi n° 70 (2000-2001) autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de note entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse concernant l'interprétation de la convention relative au service militaire des doubles nationaux du 16 novembre 1995.

M. Robert Del Picchia, rapporteur, a indiqué que la France et la Suisse étaient liées par une convention bilatérale sur le service militaire des doubles nationaux, mise à jour en dernier lieu en 1995 et inspirée des principes définis par la convention du Conseil de l'Europe de 1963 sur les obligations militaires en cas de pluralité de nationalités. La convention franco-suisse précise que le double national effectue son service militaire dans son pays de résidence habituelle, à moins qu'il ne déclare choisir l'autre pays avant l'âge de 19 ans.

Après avoir rappelé l'étendue des obligations militaires auxquelles sont astreints les ressortissants suisses, M. Robert Del Picchia, rapporteur, a précisé que la suspension du service national en France avait créé des difficultés dans l'application de la convention, les autorités suisses se trouvant confrontées à une brusque augmentation des demandes d'option de doubles nationaux résidant en Suisse et déclarant vouloir effectuer le service national en France, où l'obligation se limite désormais au recensement et à la journée d'appel de préparation à la défense.

L'accord bilatéral sous forme d'échange de notes, conclu en décembre 1999, a précisément pour objet, a poursuivi le rapporteur, de clarifier la situation en précisant que le droit d'option au titre d'un service en France est maintenu dès lors que l'intéressé choisira d'effectuer une préparation militaire ou de souscrire un volontariat civil, un volontariat ou un engagement dans les armées françaises.

Précisant que l'accord, appliqué par anticipation dès sa signature fin 1999, ne modifiait pas la situation des doubles nationaux franco-suisses résidant en France et s'avérait favorable aux doubles nationaux résidant en Suisse, il a proposé à la commission d'émettre un avis favorable sur le projet de loi autorisant son approbation.

A la suite de l'exposé du rapporteur, M. Xavier de Villepin, président, a souligné l'ancrage de l'institution du service militaire dans la population suisse. Il a fait état des réflexions sur la professionnalisation de l'armée suisse et évoqué les conséquences que pourrait avoir, en matière de participation de cette armée aux opérations extérieures, une éventuelle entrée de la Suisse aux Nations unies.

M. Robert Del Picchia, rapporteur, a précisé que certains cantons demeuraient opposés à un abandon du service militaire et à une professionnalisation complète de l'armée helvétique. Il a ajouté que la Suisse participait déjà à des opérations extérieures et qu'elle disposait notamment d'un contingent au sein de la KFOR au Kosovo.

La commission a ensuite adopté le projet de loi.