Table des matières


Mercredi 16 mai 2001

- Présidence de M. Xavier de Villepin, président -

Audition de M. Brunson Mac Kinley, directeur général de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM)

La commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Brunson Mac Kinley, directeur général de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM).

Après avoir rappelé que l'OIM avait été fondée en 1951 afin d'assurer la réinstallation des réfugiés et des personnes déplacées d'Europe, M. Brunson Mac Kinley a souligné que l'institution avait vu progressivement sa mission s'élargir au monde entier pour gérer toutes les difficultés liées aux flux migratoires (interventions humanitaires dans des situations d'urgence, programmes de retour et de réintégration dans des situations d'après-crise, aides aux migrants, ...). L'OIM, qui n'appartenait pas au système des Nations unies, même si elle entretenait des rapports étroits avec beaucoup d'organisations onusiennes, a-t-il poursuivi, avait pour objectif de se rendre utile aux gouvernements soucieux de mieux maîtriser le phénomène migratoire qui ne manquerait pas de s'accroître dans les années à venir. Il a relevé, à cet égard, que la migration représentait de plus en plus, aux yeux des populations, une réponse rationnelle aux conditions de vie difficiles auxquelles elles étaient confrontées.

Le directeur général de l'OIM a alors observé que la France, membre fondateur de l'organisation, qui s'en était retirée lorsque la mission originelle de l'OIM était parvenue à son terme, avait pris conscience de l'intérêt de l'action de l'OIM dans le cadre d'une meilleure gestion des flux migratoires et décidé d'adhérer de nouveau en 1994. L'OIM et les autorités françaises, a-t-il ajouté, coopéraient actuellement sur les problèmes liés à la présence d'immigrés clandestins en France ; ainsi l'institution avait entrepris de mieux informer les personnes rassemblées au sein du centre d'accueil de Sangatte sur l'organisation, lorsque cela s'avérait possible, d'un retour dans leur pays d'origine. L'action de l'OIM, a poursuivi M. Brunson Mac Kinley, concernait également le monde francophone : elle se développait ainsi avec les pays de la Méditerranée occidentale qui se montraient souvent désireux de maintenir des liens avec leurs ressortissants établis à l'étranger : l'OIM s'efforçait, à cet égard, de favoriser un « esprit de coordination » entre les pays riverains du sud et du nord de la Méditerranée. Il a relevé, par ailleurs, qu'un dialogue avait également été engagé avec la Libye, confrontée désormais à une augmentation des flux migratoires en provenance d'autres pays africains. Il a souligné, en outre, que le soutien politique de la France s'avérait particulièrement utile pour les actions conduites par l'OIM en Afrique subsaharienne, notamment pour favoriser le retour des très nombreux réfugiés dans cette région.

L'OIM, a relevé M. Brunson Mac Kinley, accordait une place particulière à la lutte contre les trafics d'êtres humains, notamment ceux liés à la prostitution. Nombre de projets, a-t-il noté, concernaient les Balkans, par lesquels transitaient de nombreux immigrés originaires, pour beaucoup d'entre eux, d'Asie ; l'organisation s'efforçait d'apporter une assistance aux migrants avant qu'ils ne puissent se rendre dans leur pays de destination finale, afin de les encourager à retourner dans leur Etat d'origine lorsque les conditions politiques, en particulier, le permettaient.

A la suite de l'exposé de M. Brunson Mac Kinley, M. André Dulait a souhaité connaître les moyens d'action dont disposait l'OIM vis-à-vis des pays d'origine, notamment en Afrique. Il a noté par ailleurs que la Libye considérait l'immigration provenant d'Afrique, et en particulier de certains Etats islamiques, comme un sujet de préoccupation croissant et qu'elle s'efforçait, par ailleurs, de promouvoir les travaux d'infrastructure propres à retenir ses propres ressortissants. Il a demandé en outre des précisions sur le rôle des Etats observateurs au sein de l'OIM, ainsi que sur les liens entre l'OIM et les organisations internationales chargées de la lutte contre la drogue.

M. Brunson Mac Kinley a relevé que l'OIM s'employait à renforcer ses relations avec certains pays d'origine  ; il a cité, à cet égard, la Chine, qui avait manifesté sa volonté de participer davantage au débat sur les questions migratoires et qui obtiendrait, en juin 2001, le statut d'observateur ; l'Iran avait récemment signé un accord de coopération avec l'OIM ; il en était de même de l'Afghanistan, pays avec lequel les programmes de retour fonctionnaient de manière satisfaisante, même s'ils portaient encore sur des flux limités d'immigrés. Il a précisé, en outre, à l'intention de M. André Dulait, qu'à travers l'effort récemment engagé par l'OIM pour apporter un appui aux populations afghanes victimes de la sécheresse, l'institution espérait poser les bases d'une présence qui permettrait, à terme, de mieux veiller au bon déroulement du retour des immigrés afghans dans leur pays. M. Brunson Mac Kinley a relevé, par ailleurs, que la Libye, qui était devenue un pays d'immigration, avait évolué sur les questions migratoires et cherchait désormais à freiner ce phénomène. Les Etats auxquels est reconnu le statut d'observateur, notamment la Russie et l'Inde, n'étaient pas tenus de payer une cotisation et ne disposaient pas du droit de vote, mais pouvaient, pour le reste, s'impliquer, à l'instar des Etats membres, dans l'action de l'organisation. Le trafic d'êtres humains présentait des liens avec celui des stupéfiants, ce qui avait conduit l'OIM, a-t-il noté, à nouer des liens étroits avec les institutions des Nations unies responsables dans ce domaine.

M. Pierre Biarnès a jugé utiles les relations nouées entre l'OIM et le régime des Talibans en Afghanistan. Il a noté que la France était représentée, auprès du pouvoir à Kaboul, par un « chargé des affaires afghanes », qui se rendait régulièrement dans ce pays. M. Xavier de Villepin, président, s'est demandé si les liens entretenus par l'OIM avec certains pays en marge de la communauté internationale ne présentaient pas le risque de leur conférer la reconnaissance à laquelle ils aspiraient.

M. André Rouvière a interrogé le directeur de l'OIM sur la position de cette organisation vis-à-vis des pays concernés directement par les problèmes migratoires, mais réticents à toute coopération. Il a attiré l'attention, notamment, sur l'immigration de Turcs dans le nord de Chypre.

M. Brunson Mac Kinley a relevé que l'OIM se voulait avant tout un organisme apolitique et opérationnel. Il a noté que Chypre pourrait constituer, dans l'avenir, un partenaire pour l'OIM, même si l'organisation n'y était pas encore présente.

M. Hubert Durand-Chastel s'est demandé si les Etats membres pouvaient s'accorder, au sein de l'OIM, sur des principes d'action communs dans le domaine migratoire.

Le directeur de l'OIM a estimé que le phénomène migratoire continuerait de se développer dans les années à venir, tout en changeant sans doute de caractère. Les flux migratoires, a-t-il poursuivi, présenteraient une plus grande régularité. Il a souligné qu'il n'y avait pas encore aujourd'hui de politique harmonisée et cohérente de la part des Etats confrontés à ces questions, même si l'effort était engagé, en particulier au sein de l'Union européenne. La contribution de l'OIM, a indiqué son directeur, porterait sur l'analyse de l'ensemble des dispositions internationales consacrées à la migration, et s'attacherait, également, à dégager les objectifs communs des Etats membres dans ce domaine.

M. Paul Masson a souligné que l'OIM, qu'il convenait de considérer comme une agence d'exécution, avait su faire prévaloir, dans le domaine des migrations, une démarche opérationnelle et pragmatique qui contrastait heureusement avec une approche théorique, trop souvent de règle sur ces questions. Il a souhaité que l'Organisation puisse conserver cette spécificité et demeure modeste dans ses ambitions. Avec M. Xavier de Villepin, président, il a demandé, en outre, des précisions sur le statut de l'OIM en France.

M. Brunson Mac Kinley a observé que l'OIM avait, depuis sa création, gardé une dimension opérationnelle. Le travail de réflexion, actuellement engagé dans cette enceinte, à la demande des Etats membres, visait principalement à recueillir les leçons de l'expérience souvent fructueuse de l'OIM, en recensant les méthodes et les pratiques les plus pertinentes en matière de gestion des flux migratoires, qu'il s'agisse de l'évaluation de ces mouvements, ou encore des conditions de transport et d'aide aux migrants. Le principe fondateur de l'OIM, celui d'une action sur le terrain, n'était, en aucun cas, remis en cause. S'agissant du statut de l'OIM en France, le directeur général a relevé que les discussions en cours devraient pouvoir aboutir à une solution dans un terme rapproché.

Interrogé par M. Xavier de Villepin, président, sur le bilan des accords de Dayton, M. Brunson Mac Kinley, qui avait participé au travail de négociation, s'est montré plutôt optimiste sur l'avenir de la Bosnie. L'évolution politique dans la Fédération de Yougoslavie, pourrait, en effet, a-t-il noté, conduire à un allégement des pressions qui s'exerçaient sur la partie serbe de Bosnie. Il a estimé que le cadre institutionnel, fixé par les accords de Dayton, pourrait perdurer, même si les populations étaient appelées à se prononcer, dans quelques années, sur son avenir ; en effet, il était possible d'espérer le retour à une certaine prospérité grâce aux investissements étrangers. Il a jugé, par ailleurs, que les forces ultranationalistes avaient, aujourd'hui, perdu de leur influence.

Traités et conventions - Ratification du traité France-Principauté d'Andorre portant rectification de la frontière - Examen du rapport

Puis la commission a examiné le rapport de M. Gérard Roujas sur le projet de loi n° 260 (2000-2001) autorisant la ratification du Traité entre la République française et la Principauté d'Andorre portant rectification de la frontière.

Le rapporteur a rappelé le contexte dans lequel s'inscrit le texte qui prévoit l'échange, entre les deux pays, de territoires inhabités d'une surface de 15.595 m2 chacun. Cet échange permettra à la Principauté d'édifier un viaduc qui reliera le tunnel d'Envalira, qui vient d'être percé en territoire andorran, à la RN 22, en territoire français, ouvrant ainsi un accès routier alternatif à celui existant actuellement par cette seule nationale.

En effet, la RN 22 est surchargée l'été, et parfois inutilisable l'hiver, du fait de son tracé tourmenté, et qui passe par un col situé à 2.408 mètres d'altitude.

Depuis 1993, date d'accession d'Andorre à la personnalité juridique internationale, jusqu'à 2000, le trafic routier est ainsi passé, sur cet axe unique, de 2 à 3 millions de véhicules par an.

L'échange -limité- de territoires se fera au bénéfice des deux pays, a précisé le rapporteur : en effet, Andorre se voit céder la parcelle qui supportera le viaduc édifié et entretenu à ses frais, et la France obtiendra une surface équivalente longeant la rive gauche de l'Ariège, ce qui lui permettra d'en maîtriser le cours. D'ailleurs, les deux communes propriétaires des territoires échangés, la paroisse d'Encamp, en Andorre, et la municipalité de Porta, en France, ont exprimé leur accord à cet échange par délibérations de leur conseil municipal respectif.

Le rapporteur a souligné qu'un arrangement administratif avait, en outre, été signé le 26 février dernier entre les deux ministères chargés de l'environnement pour permettre le maintien des contraintes inhérentes au classement, au sein du réseau européen « Natura 2000 », de la parcelle cédée par la France, et qui y avait été classée sur sa proposition.

Cet échange de territoires, a précisé le rapporteur, a également été l'occasion d'ouvrir des négociations sur la délimitation de l'ensemble de la frontière entre la France et la Principauté, qui repose encore sur de seules bases coutumières.

En conclusion, le rapporteur a proposé d'adopter le projet de loi.

Une discussion s'est ouverte au terme de cet exposé.

M. Emmanuel Hamel s'est enquis de l'accord des populations des deux communes intéressées sur cet échange, même limité, de territoires.

M. Paul Masson a obtenu du rapporteur la confirmation que les zones échangées étaient inhabitées.

M. Xavier de Villepin, président, a souligné que l'égalité des surfaces échangées, comme l'accord donné à cet échange par les communes intéressées, constituaient une base essentielle à cet échange de territoire.

Puis la commission a adopté le projet de loi qui lui était soumis.