Table des matières




Mercredi 6 février 2002

- Présidence de M. Xavier de Villepin, président -

Coopération - aide au développement - Audition de M. Jean-Michel Severino, directeur de l'Agence française de développement

La commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Jean-Michel Severino, directeur de l'Agence française de développement.

M. Jean-Michel Severino a indiqué que l'Agence française de développement (AFD) s'était engagée dans la réflexion sur un projet stratégique à la suite de la lettre de mission qui lui avait été adressée par ses quatre ministres de tutelle (affaires étrangères, coopération, finances, outre-mer). Ce travail, a-t-il précisé, était également motivé, d'une part, par la nécessité de mieux définir les orientations de l'aide française au développement, dans la mesure où la réforme de la coopération, décidée en 1997, avait principalement porté sur les aspects institutionnels, d'autre part, par le souci d'accorder les missions de l'Agence aux moyens qui lui étaient dévolus. Il a indiqué à cet égard que l'activité de l'AFD représentait 10 % de l'aide publique française, 1 % de l'aide publique mondiale, 1 % de la formation brute de capital fixe des pays de la zone de solidarité prioritaire (ZSP) et 0,3 % de leur PIB. L'élargissement de la ZSP, alors même que les moyens affectés à l'aide au développement se réduisent, entraîne, a-t-il estimé, un risque d'éparpillement et de perte d'impact des projets, qui affecte directement la qualité des opérations conduites par l'AFD si une nouvelle politique de sélectivité n'y était introduite.

Le directeur général de l'AFD a indiqué que ce projet stratégique, qui serait présenté au cours du mois prochain, aborderait huit thèmes distincts. En premier lieu, il a vocation à définir le rôle de l'AFD comme agence de développement. Aujourd'hui le volume financier mis en oeuvre par l'AFD ne lui permet pas d'obtenir un réel impact sur le développement des pays de la ZSP. En conséquence, il serait souhaitable que l'action de l'AFD soit orientée de façon à la focaliser en fonction des intérêts français sur certains thèmes ou certains pays et à mieux influencer les organisations multilatérales. En effet, la France, à la différence des pays nordiques ou anglo-saxons, n'a pas réellement mis en oeuvre une politique d'influence efficace auprès de ces institutions. Seul, l'effort conjugué des acteurs institutionnels français dans le domaine du développement permettra de surmonter ce handicap. Le projet stratégique de l'AFD, a poursuivi M. Jean-Michel Severino, évoquera en second lieu la zone de solidarité prioritaire dont le contenu et la gestion n'apparaissent pas cohérents avec les stratégies de long terme qu'implique la politique de développement. Aussi, la ZSP devrait-elle être restructurée autour de trois catégories de pays : ceux -une dizaine, sans doute- pour lesquels notre pays entend mettre en oeuvre une influence durable, ceux dans lesquels il est possible d'encourager certains secteurs particuliers, ceux enfin où la France conduira des opérations ponctuelles pour des raisons d'ordre diplomatique. Par ailleurs, l'AFD souhaite mettre l'accent sur la coopération régionale entre les territoires et départements d'outre-mer et leur environnement régional.

Le projet stratégique de l'AFD, a poursuivi M. Jean-Michel Severino, devrait également aborder les points suivants :

- les priorités thématiques autour desquelles l'AFD centrera son action ;

- la mise en place d'instruments plus souples, avec notamment la mise en oeuvre d'un prêt très concessionnel pour les pays à revenus intermédiaires bénéficiaires des opérations d'annulation de dette (en effet, la possibilité d'accorder de nouveaux prêts classiques à cette catégorie de pays apparaît exclue, tandis que la réduction des crédits d'aide au développement limite considérablement les subventions qui pourraient leur être accordées) ;

- le contrôle de la qualité des opérations conduites par l'AFD ;

- la gestion du savoir et la capitalisation de l'expérience acquise ;

- la réorganisation des structures internes ;

- les relations avec les tutelles, sur la base d'une meilleure utilisation des ressources en faveur du développement, à coût constant pour l'Etat (cette orientation suppose notamment le développement des partenariats avec les organisations non gouvernementales, les collectivités territoriales et les entreprises).

A la suite de l'exposé de M. Jean-Michel Severino, Mme Monique Cerisier-ben Guiga s'est interrogée sur les conditions de mise en oeuvre de l'annulation de dette dans le cadre de l'initiative pour les pays pauvres très endettés (PPTE). Elle a souhaité connaître également les moyens concrets nécessaires pour accroître la présence de la France au sein des institutions multilatérales et pour mieux utiliser, dans cette perspective, les compétences de nos coopérants.

M. Guy Penne et Mme Paulette Brisepierre ont demandé des précisions sur l'évolution de l'activité de la PROPARCO. Mme Paulette Brisepierre a manifesté, par ailleurs, son complet accord avec le directeur général de l'AFD sur la nécessité de redéfinir la ZSP.

M. Hubert Durand-Chastel s'est interrogé sur le poids des tutelles qui s'exerçait sur l'AFD, ainsi que sur les conditions d'une meilleure utilisation des ressources humaines qui représentaient la véritable valeur ajoutée de la France dans le domaine du développement.

Mme Hélène Luc a demandé des précisions sur les activités de la PROPARCO et du Centre d'études financières économiques et bancaires (CEFEB), ainsi que sur le rôle de l'AFD dans la mise en oeuvre de l'aide accordée à l'Afghanistan.

M. Simon Loueckhote s'est interrogé sur la place des territoires français d'outre-mer du Pacifique dans l'activité de l'AFD.

M. Xavier de Villepin, président, a interrogé le directeur général de l'AFD sur la réorganisation interne de cette institution, ainsi que sur l'articulation entre les responsabilités stratégiques de l'Agence et celles confiées en la matière au ministère des affaires étrangères. Il a, également, demandé quelles relations l'AFD avait nouées avec l'Union européenne, en particulier dans le cadre des délégations de crédits prévues par l'accord de Cotonou.

En réponse aux commissaires, M. Jean-Michel Severino a apporté les précisions suivantes :

- l'initiative PPTE comprend un volet multilatéral et un volet bilatéral ; dans le cadre de celui-ci, la France a consenti un effort additionnel d'annulations réalisé sous la forme de dons accordés en contrepartie du remboursement des échéances dues ; notre pays souhaite engager un dialogue avec les pays bénéficiaires, afin de définir les modalités de réemploi des fonds ainsi apportés ; cependant, la perspective d'un décaissement rapide des ressources paraît difficilement compatible avec les délais nécessaires au contrôle de l'affectation des fonds ; des discussions sont, aujourd'hui, en cours entre les différents intervenants français pour préciser les modalités pratiques de mise en oeuvre du dispositif ;

- le renforcement de l'influence française au sein des agences internationales résultera de moyens multiples -notamment d'opérations conjointes sur le terrain- et d'une mobilisation accrue des ressources financières et intellectuelles des opérateurs français qui, isolément, demeurent trop faibles pour exercer l'influence nécessaire ;

- la direction stratégique de l'AFD aura pour mission de jouer un rôle d'interface entre les grandes orientations définies par la tutelle et les activités opérationnelles de l'Agence ;

- la PROPARCO a connu une évolution très positive au cours de la période récente ; elle intervient principalement par le biais de fonds d'investissements à vocation régionale ou sectorielle dans le cadre de trois orientations stratégiques : la structuration des systèmes financiers locaux, le financement des infrastructures et la participation du secteur privé aux activités sociales et environnementales ;

- les différentes tutelles auxquelles l'AFD se trouve soumise reflètent la diversité des facteurs qu'elle doit également prendre en compte dans la conduite de ses projets ;

- le CEFEB assume une triple fonction -formation des cadres supérieurs des entreprises publiques, des ministères techniques et des banques, cycles courts destinés à former la maîtrise d'ouvrage en accompagnement des projets de l'AFD, prestations de services pour certaines administrations au titre, par exemple, de la formation des diplomates ; le rôle de cette institution sera renforcé dans les années à venir ;

- la lenteur du décaissement des crédits en Afghanistan peut s'expliquer par les délais nécessaires, d'une part à la mise en place de l'encadrement humain, d'autre part à la passation des marchés dans le cadre notamment des procédures d'appels d'offres ; si l'AFD a été désignée par les pouvoirs publics comme l'opérateur principal pour mettre en oeuvre les crédits de reconstruction de ce pays, la réalité ne semble pas aujourd'hui en accord avec le mandat officiel confié à l'Agence en novembre 2001 ;

- l'activité de l'AFD consacrée aux territoires français du Pacifique devrait être renforcée, en particulier dans le cadre du projet stratégique de l'Agence, avec le développement de la coopération entre les territoires d'outre-mer et leur environnement régional ; la fermeture de la représentation de l'AFD au Vanuatu s'inscrit dans le cadre de la restructuration du dispositif de l'AFD, afin de répondre à l'objectif assigné par le gouvernement de limiter les frais de gestion à 10 % des volumes financiers mis en oeuvre par l'agence. Par ailleurs, l'AFD a engagé une importante restructuration de ses filiales financières outre-mer ;

- les difficultés de décaissement des crédits communautaires s'expliquent en partie par l'insuffisance des effectifs de la Commission au regard des volumes financiers dont elle a la charge. Le processus de restructuration en cours de l'aide communautaire risque d'entraîner, dans un premier temps du moins, une nouvelle dégradation du niveau de décaissements. Il serait souhaitable que la Commission intervienne plus comme un coordonnateur des actions des différents Etats membres, sur la base notamment des procédures de délégation de crédits permises par l'accord de Cotonou, que comme un bailleur bilatéral traditionnel. Toutefois, la Commission manifeste de réelles réticences, contrairement à la Banque européenne d'investissements, à s'engager dans la voie des délégations de crédits.

Traités et conventions - Contrôle de la circulation dans les tunnels du Mont-Blanc et du Fréjus - Examen du rapport

Puis la commission a examiné le rapport de M. Philippe François sur le projet de loi n° 181 (2001-2002) autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relatif au contrôle de la circulation dans les tunnels du Mont-Blanc et du Fréjus.

M. Philippe François a tout d'abord indiqué que cet accord était un des éléments liés à la réouverture du tunnel du Mont-Blanc, resté fermé à la circulation depuis l'incendie du 24 mars 1999 qui avait causé la mort de 39 personnes.

Cet accord visait à donner une nouvelle interprétation du droit issu des conventions de 1953 et 1955 relatives à l'exploitation du tunnel du Mont-Blanc et de celle de 1972 concernant l'exploitation du tunnel du Fréjus. En effet, jusqu'à présent, en raison de l'inapplication ou de l'ambiguïté de certaines dispositions réglementaires, les forces de police italiennes ou françaises ne pouvaient interpeller et sanctionner les conducteurs que lorsqu'elles avaient elles-mêmes constaté une infraction commise sur leur territoire. Elles pouvaient intercepter le véhicule du côté italien pour la police italienne, ou du côté français pour la police française. Compte tenu de l'impossibilité d'arrêter la circulation à l'intérieur des tunnels, l'interpellation dans la partie française d'un véhicule allant de France en Italie, ou, dans le cas inverse, dans la partie italienne, était exceptionnelle.

Cette situation n'étant pas satisfaisante, la France et l'Italie ont décidé, en même temps qu'elles revoyaient entièrement les conditions de circulation et de sécurité dans ces deux tunnels après l'incendie de 1999, de donner la possibilité aux forces de police de chacun des deux Etats d'interpeller et de verbaliser les conducteurs, ayant commis une infraction sur le territoire de leur Etat, à la sortie du tunnel sur le territoire de l'autre Etat. Ainsi les gendarmes français qui ont, depuis 2001, la responsabilité du contrôle de la circulation dans les tunnels transfrontaliers, pourront verbaliser les contrevenants à la sortie des tunnels côté italien. L'interpellation et la verbalisation se feront du côté italien par des gendarmes français, selon les lois françaises, et le contentieux éventuel relèvera des tribunaux français.

M. Philippe François a estimé que l'application de cet accord est nécessaire pour permettre aux forces de police de disposer de tous les pouvoirs nécessaires pour faire respecter les normes de sécurité, notamment les limitations de vitesse et les distances de sécurité. Il s'est interrogé sur les moyens budgétaires dégagés par le gouvernement pour permettre une bonne mise en oeuvre de cet accord. Il apparaît en effet que la gendarmerie n'a pas vu ses moyens adaptés à l'augmentation des effectifs nécessaires à une meilleure sécurité dans les deux tunnels et à une présence permanente du côté italien. De même, le ministère de la justice n'a pas encore pris en compte l'augmentation probable du contentieux relatif à la police de la circulation dans les deux tunnels.

Sous réserve de ces observations, M. Philippe François a invité la commission à adopter ce projet de loi qui permettra une meilleure surveillance de la circulation dans les tunnels du Mont-Blanc et du Fréjus, et donc une plus grande sécurité.

A la suite de son exposé, M. Philippe François, en réponse aux commissaires, a détaillé les différentes mesures de sécurité prises dans le tunnel du Mont-Blanc (mise en place d'une salle de commande unique franco-italienne, création de trois postes d'intervention rapide de lutte contre le feu, construction de 37 abris reliés à une galerie d'évacuation, creusement de 110 conduits de désenfumage et de 76 ventilateurs, pose de 120 caméras et de 232 opacimètres pour détecter la présence de fumée) et nécessitant des effectifs supplémentaires pour leur bon fonctionnement.

M. Michel Caldaguès a indiqué qu'il n'était que temps d'approuver cet accord et ainsi de combler un vide juridique existant depuis de trop nombreuses années. Par ailleurs, il a invité M. Philippe François, rapporteur pour avis du budget de la gendarmerie, à informer la commission sur le fonctionnement des carabiniers, comparables, par bien des aspects, à notre gendarmerie.

En réponse à M. Louis Moinard, M. Philippe François a précisé que la réouverture du tunnel du Mont-Blanc n'était pas explicitement conditionnée à la ratification de cet accord.

M. Xavier de Villepin, président, s'est inquiété de la bonne application de cet accord, si l'ensemble des moyens matériels et humains n'étaient pas mis en place, notamment en ce qui concerne les effectifs de la gendarmerie. Il a souhaité que, lors de l'examen en séance publique, le gouvernement puisse apporter toutes les garanties nécessaires permettant de s'assurer que tout serait mis en oeuvre pour que les conditions de sécurité soient respectées avec la plus grande vigilance, afin d'éviter des drames tels que celui de 1999.

Enfin, M. Louis Moinard a appelé de ses voeux l'harmonisation des qualifications des conducteurs de poids lourds en Europe pour assurer une plus grande sécurité des transports routiers.

La commission a alors adopté le projet de loi.

Communications diverses

Mme Hélène Luc s'est ensuite interrogée sur la possibilité, pour les membres de la commission, d'auditionner Mme Leïla Shahid, déléguée générale de la Palestine en France et M. Elie Barnavi, ambassadeur d'Israël en France, sur l'évolution de la situation au Proche-Orient.

M. Xavier de Villepin, président, a rappelé qu'une mission de la commission se rendrait prochainement en Israël et dans les Territoires palestiniens et qu'il était en effet habituel, avant ce type de déplacement, que les membres de la délégation rencontrent les représentants en France des gouvernements concernés.

M. Xavier de Villepin, président, a ensuite fait part de l'importance de la réunion prochaine du Conseil supérieur de la fonction militaire et de l'appréciation que cette réunion permettrait de porter sur le moral des personnels des trois armées. Il a rappelé, par ailleurs, que la commission entendrait le général Jean-Pierre Kelche, chef d'état-major des armées, le mardi 19 février prochain.

Nomination d'un rapporteur

Enfin la commission a désigné M. André Boyer comme rapporteur sur le projet de loi n° 182 (2001-2002) autorisant l'approbation de l'accord du 20 août 1971 relatif à l'organisation internationale de télécommunications par satellites « Intelsat », tel qu'il résulte des amendements adoptés à Washington le 17 novembre 2000.

Jeudi 7 février 2002

- Présidence de M. Xavier de Villepin, président -

Traités et conventions - Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants - Examen du rapport

La commission a procédé à l'examen du rapport de M. Jean-Paul Delevoye sur le projet de loi n° 118 (2001-2002) autorisant la ratification du protocole additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants.

M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur, a tout d'abord donné quelques indications illustrant l'ampleur prise par le phénomène de la traite des personnes et le rôle croissant qu'y jouent les réseaux criminels organisés. Ainsi, selon l'Organisation internationale pour les migrations, la traite en vue de la prostitution concernerait de 200.000 à 300.000 personnes sur le territoire de l'Union européenne, les chiffres allant en augmentant sous l'effet des flux en provenance de l'Afrique et d'Europe centrale et orientale. Selon Interpol, environ la moitié de la prostitution répertoriée en Europe de l'Ouest serait liée à un trafic organisé depuis l'étranger par des organisations criminelles agissant lors du recrutement, du transfert et de l'arrivée dans le pays de destination. Environ une vingtaine de ces filières criminelles organisées sont démantelées chaque année en France par la direction centrale de la police judiciaire.

M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur, a ensuite rappelé que de nombreux instruments internationaux abordaient sous des angles divers les questions liées à la traite des êtres humains. Tout en convenant qu'il était légitime de s'interroger sur l'opportunité d'ajouter une nouvelle pièce à cet édifice déjà complexe, il a précisé que les services en charge de la répression de la traite des personnes soulignaient les limites du droit international actuel.

Il a alors présenté le dispositif du protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, adopté dans le cadre de la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, dite « convention de Palerme ».

Ce texte à vocation pénale, qui porte sur tous les aspects de la traite des personnes, en donne tout d'abord une définition précise dans son article 3, afin de permettre une harmonisation des incriminations pénales et de faciliter la coopération judiciaire internationale, et notamment l'extradition, qui repose sur le principe de la double-incrimination.

M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur, a souligné le caractère non limitatif de cette définition, qui couvre, au minimum, l'exploitation de la prostitution d'autrui ou d'autres formes d'exploitation sexuelle, le travail ou les services forcés, l'esclavage ou les pratiques analogues à l'esclavage, la servitude et le prélèvement d'organes. Il a également insisté sur l'absence d'effet d'un éventuel consentement de la victime sur la qualification de l'acte. Il a ajouté que l'article 5 du protocole imposait aux Etats parties d'incorporer à leur législation pénale l'incrimination de la traite des personnes ainsi définie.

Le rapporteur a ensuite présenté les dispositions du protocole relatives à la protection des victimes de la traite des personnes, en particulier lors de la procédure judiciaire et en matière de retour dans le pays d'origine.

M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur, a conclu en indiquant qu'en dépit d'une législation déjà étoffée en matière de répression du proxénétisme, la France ne disposait pas encore dans son droit pénal d'une incrimination rigoureusement identique à la définition de la traite des personnes contenue dans le protocole, ce qui avait conduit l'Assemblée nationale à adopter le 24 janvier dernier une proposition de loi modifiant le code pénal et créant une infraction spécifique en ce sens.

Estimant que l'intérêt du protocole serait d'amener d'autres pays à renforcer leur législation et leur coopération judiciaire, il a proposé à la commission d'émettre un avis favorable au projet de loi en autorisant la ratification.

A l'issue de l'exposé du rapporteur, M. Robert Del Picchia s'est interrogé sur la force contraignante du protocole.

M. Philippe de Gaulle a souligné le risque de voir les réseaux criminels agir plus facilement du fait de la libre circulation dans l'espace Schengen.

Mme Hélène Luc a demandé des précisions sur la date limite de signature du protocole. S'appuyant sur l'exemple du Val-de-Marne, elle s'est inquiétée de l'implantation de plus en plus forte de réseaux criminels organisés axés sur l'exploitation des personnes. Elle a notamment évoqué le cas de filières roumaines spécialisées dans l'exploitation de la mendicité. Elle a également souligné la nécessité de prendre en compte ce type de phénomènes en vue de l'adhésion des pays d'Europe centrale et orientale à l'Union européenne.

M. Xavier de Villepin, président, s'est interrogé sur les caractéristiques des réseaux criminels organisés spécialisés dans la traite des personnes. Il a souligné la nécessité d'une prise de conscience plus forte sur ces questions, au plan national comme à l'échelle européenne.

En réponse à ces différentes interventions, M. Jean-Paul Delevoye a illustré, au travers de plusieurs exemples, le haut degré d'organisation et la diversité des méthodes des réseaux criminels, ainsi que leur force financière et leur capacité d'implantation. Rappelant que, par la corruption, ces réseaux parviennent à exercer une influence déterminante sur le pouvoir politique dans certains pays, il a souligné le risque de les voir s'installer durablement sur notre sol et d'y développer leurs ramifications dans les zones où l'autorité de l'Etat est la plus fragile.

S'agissant du protocole contre la traite des personnes, il a rappelé qu'il imposait aux Etats parties d'harmoniser leurs législations pénales en y incluant l'incrimination de la traite des personnes, la mise en oeuvre de ces dispositions étant examinée périodiquement lors d'une conférence des Etats parties. Il a précisé que 101 Etats avaient, à ce jour, signé le protocole, ouvert à la signature jusqu'au 12 décembre 2002, aucune échéance limite n'étant en revanche fixée pour la ratification.

M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur, a estimé qu'au-delà du nécessaire renforcement des législations pénales, la lutte contre les réseaux criminels impliqués dans la traite des personnes exigerait la mise en place de moyens matériels et humains plus importants et une meilleure coordination internationale.

A la suite de ce débat, la commission a émis un avis favorable à l'adoption du projet de loi.

Mme Hélène Luc
a ensuite attiré l'attention de la commission sur l'importance que revêtirait, dans le contexte international actuel, la tenue, en mars prochain, au Mexique, d'un Sommet sur le financement du développement, ainsi que celle du « Sommet mondial sur le développement durable » à Johannesburg (Afrique du Sud) du 26 août au 4 septembre 2002.