Table des matières




Mardi 19 février 2002

- Présidence de M. Xavier de Villepin, président -

Traités et conventions - Convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement - Examen du rapport

La commission a tout d'abord procédé à l'examen du rapport de M. Michel Pelchat sur le projet de loi n° 210 (2001-2002) autorisant l'approbation de la convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement (ensemble deux annexes).

M. Michel Pelchat a d'abord relevé que la convention avait pour origine la conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE) qui, en 1975, dans sa troisième « corbeille » consacrée aux droits de l'homme, cherchait à promouvoir la démocratisation dans les pays d'Europe centrale et orientale, en particulier pour les questions liées à l'environnement. Les aspirations des populations des pays de l'Est, a-t-il ajouté, se sont d'ailleurs cristallisées de manière privilégiée sur les problèmes d'environnement compte tenu des graves dommages infligés par le système de production de l'époque soviétique. Les prémices posés par la CSCE ont trouvé un prolongement, après la chute du mur de Berlin, dans le cadre du processus « un environnement pour l'Europe », animé par la Commission économique pour l'Europe des Nations unies. Cet organe, qui associe l'ensemble des Etats européens aux Etats-Unis et au Canada, a contribué à l'élaboration de la convention signée à Aarhus (Danemark) en 1998 -même si les Etats-Unis n'ont pas participé aux négociations.

Le rapporteur a ajouté que les organisations non gouvernementales (ONG) -principalement les associations anglo-saxonnes et celles d'Europe centrale et orientale- avaient joué un rôle essentiel dans la négociation en contribuant notamment à relever le niveau des exigences contenues dans ce texte.

Evoquant alors les aspects les plus novateurs de la convention, M. Michel Pelchat a souligné que le public (toute personne physique ou morale) pouvait demander à l'administration une information, dans la forme souhaitée, sur tout sujet lié à l'environnement et obtenir une réponse dans un délai d'un mois en principe. Il a relevé que le texte posait pour principe l'association du public le « plus en amont possible de la décision » pour trois séries de mesures : l'autorisation d'activité ayant un impact sur l'environnement, la définition des plans ou programmes relatifs à l'environnement et, enfin, l'élaboration des normes contraignantes dans ce domaine. Le rapporteur a regretté que les activités dont l'autorisation requiert la participation du public ne concernent ni la définition des couloirs aériens à l'approche des aéroports, ni les grands projets d'urbanisme. En outre, l'accord ne règle pas le cas des organismes génétiquement modifiés, pour lesquels la participation du public constitue cependant une garantie supplémentaire au regard des risques liés à la diffusion de ces techniques pour notre agriculture.

M. Michel Pelchat a indiqué que l'application de la convention supposait certaines modifications de la réglementation communautaire : l'adaptation de l'actuelle directive consacrée à l'accès à l'information et l'élaboration d'une nouvelle directive relative à la participation du public au processus de décision. Par ailleurs, certaines des dispositions de la convention, suffisamment précises, auraient un effet direct en droit interne, tandis que d'autres appelaient une adaptation de notre législation nationale. L'effort avait déjà été engagé avec la loi relative à la « démocratie de proximité », mais devait encore se poursuivre. En particulier, a précisé le rapporteur, l'obligation de transparence ne jouait aujourd'hui, en France, que pour les administrations en charge des questions d'environnement, alors que la convention prévoyait que cette obligation s'imposait à tous les services publics.

M. Michel Pelchat a conclu en observant que la convention permettait de promouvoir la démocratie participative qui constituait, en matière d'environnement, le meilleur garde-fou contre les dérives technocratiques. Rappelant que beaucoup de pays d'Europe centrale et orientale avaient signé et ratifié cet accord, le rapporteur a estimé, par ailleurs, que la convention d'Aarhus pouvait contribuer à éviter le « dumping » écologique destiné à encourager l'installation des industries les plus polluantes dans des pays déjà passablement éprouvés par les dégradations de l'environnement.

Le rapporteur a alors invité la commission à adopter le projet de loi.

A la suite de l'exposé du rapporteur, M. André Rouvière a estimé que les nuisances liées au trafic aérien apparaissaient plus liées aux approches des aéroports qu'aux couloirs aériens eux-mêmes.

M. Christian de La Malène, après avoir observé que la convention d'Aarhus constituait un héritage tardif de la Conférence d'Helsinki, s'est interrogé sur les conditions de transposition de ce texte dans notre droit interne, ainsi que sur sa portée effective, compte tenu notamment, du refus des Etats-Unis de participer à la négociation de l'accord.

M. Xavier de Villepin, président, a souhaité obtenir des précisions sur les moyens de pallier l'incidence des couloirs aériens sur l'environnement, ainsi que sur les raisons de l'absence des Etats-Unis lors de la négociation de la convention.

M. Michel Pelchat est revenu sur les problèmes soulevés par la définition des nouveaux couloirs envisagés pour l'approche des pistes des aéroports de Paris, en regrettant que l'administration cherche à imposer, en la matière, des formules qui n'apparaissaient pas compatibles avec la sauvegarde de l'environnement. S'agissant de la position des Etats-Unis vis-à-vis de la convention, il a rappelé que ce pays refusait généralement de souscrire à des obligations que pourrait impliquer la participation à un processus multilatéral.

La commission a alors adopté le projet de loi.

Traités et conventions - Accord France-Italie pour la réalisation d'une nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin - Examen du rapport

Puis la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Robert Del Picchia sur le projet de loi n° 234 (2001-2002) autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de laRépublique italienne pour la réalisation d'une nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin.

M. Robert Del Picchia
a tout d'abord situé l'enjeu du projet de liaison ferroviaire nouvelle entre Lyon et Turin, en le replaçant dans le contexte de l'accroissement continu des besoins de transport entre l'Italie et le reste de l'Europe et de la saturation des axes routiers alpins, les tunnels routiers du Mont-Blanc et de Fréjus en France et l'axe routier du Brenner en Autriche ayant absorbé l'essentiel de l'augmentation du trafic routier des trente dernières années. Il a évoqué la nécessité de renforcer les liaisons ferroviaires alpines qui, outre le projet Lyon-Turin, sous-tendent les projets de tunnels du Lötschberg et du Saint-Gothard en Suisse et du Brenner en Autriche.

Le rapporteur a ensuite détaillé les différentes composantes du projet Lyon-Turin :

- un tunnel franco-italien de 52 km de long entre Saint-Jean de Maurienne et la vallée du Jura, qui accueillera un trafic voyageurs et marchandises ;

- une ligne à grande vitesse de Lyon à la Chartreuse ;

- un tunnel à usage mixte sous le massif de Belledonne.

Précisant que la date de mise en service du tunnel franco-italien était fixée à 2012, il a indiqué que des améliorations seraient apportées d'ici là à la ligne actuelle pour porter la capacité de fret ferroviaire, entre la France et l'Italie, des 9 millions de tonnes annuelles actuelles à 20 millions de tonnes.

Il a ensuite donné des indications sur le coût du projet : 2,7 milliards d'euros pour la partie strictement française entre Lyon et le Sillon-alpin et 5,5 milliards d'euros, à supporter par les deux pays selon une clef non encore déterminée, pour le tunnel franco-italien. La participation communautaire, actuellement plafonnée à 10 % du coût total pour ce type de projets, pourrait être portée à 20 %. Par ailleurs, une partie des excédents d'exploitation du réseau autoroutier pourra être affectée aux investissements ferroviaires.

Le rapporteur a souligné l'incertitude dans laquelle subsistait le financement du projet, l'Etat semblant attendre des collectivités locales une participation dépassant sans doute leurs possibilités.

Présentant l'accord franco-italien du 29 janvier 2001, il a précisé qu'il ne portait que sur le tunnel franco-italien, dont il officialise les caractéristiques, et sur la première phase du projet qui verra une société franco-italienne dénommée « Lyon-Turin-Ferroviaire » mener d'ici 2006 les travaux de reconnaissance et proposer les modalités concrètes de financement et d'exploitation de l'ouvrage. Il a ajouté que le lancement effectif du chantier exigerait un avenant au présent accord qui constitue néanmoins une étape essentielle, puisqu'il consacre l'engagement des deux pays sur cette liaison.

Il a proposé à la commission d'émettre un avis favorable à l'adoption du projet de loi.

A la suite de l'exposé du rapporteur, M. Michel Pelchat s'est félicité de l'accord intervenu entre les gouvernements français et italien pour le lancement du projet de ligne ferroviaire Lyon-Turin, mais il s'est vivement inquiété des conditions de financement de cette infrastructure. Il a souligné la dimension éminemment européenne d'un tel ouvrage, qui sera emprunté par des transporteurs de marchandises provenant de l'Europe entière. Constatant que la participation de l'Union européenne ne dépasserait pas, dans la meilleure des hypothèses, 20 %, il a observé que l'essentiel du coût reposerait sur l'Italie et sur la France avec, pour cette dernière, une forte participation des collectivités locales. Cette situation lui est apparue choquante et, compte tenu de la fonction de transit que joue le territoire français, il a souhaité qu'une surtaxe sur le transport routier international permette de concourir au financement du projet Lyon-Turin.

M. Christian de La Malène a demandé si le trafic envisagé sur la ligne ferroviaire Lyon-Turin aurait pu être dévié sur d'autres itinéraires ou d'autres modes de transport.

M. Xavier de Villepin, président, a interrogé le rapporteur sur les dispositions prises par les promoteurs du projet en matière de sécurité.

En réponse à ces interventions, M. Robert Del Picchia, rapporteur, a rappelé que des financements communautaires seraient sollicités pour la réalisation du projet et qu'il était également prévu d'y affecter des ressources provenant du trafic routier, que ce soit par l'utilisation des excédents d'exploitation des sociétés d'autoroute, notamment celles du réseau autoroutier alpin, ou par l'affectation d'une partie du produit de l'ouverture de capital des Autoroutes du Sud de la France (ASF).

Il a précisé que les besoins de transport entre l'Italie et le reste de l'Europe exigeraient un renforcement de tous les types de transports, y compris le transport maritime, et qu'en l'absence d'une liaison ferroviaire nouvelle par la vallée de la Maurienne, la congestion des axes routiers ne ferait que s'amplifier.

Enfin, il a donné des précisions sur les conditions de sécurité envisagées pour le futur tunnel franco-italien. Il a estimé que la réalisation de deux tubes indépendants éliminait tout risque lié au croisement des trains, alors que par ailleurs de nombreuses dispositions seront prises pour faciliter la surveillance, le traitement des éventuels accidents et l'évacuation des passagers.

La commission a ensuite adopté le projet de loi.

Défense - Audition du général Jean-Pierre Kelche, chef d'état-major des armées

Enfin, la commission a procédé à l'audition du général Jean-Pierre Kelche, chef d'état-major des armées.

Le général Jean-Pierre Kelche a, tout d'abord, abordé l'état des effectifs militaires engagés soit sur le territoire national, soit sur les théâtres de crises extérieures. Sur le territoire national, il a rappelé que 2.400 soldats restaient mobilisés jusqu'au 28 février pour le passage à l'euro, un millier dans le cadre du plan Vigipirate, 400 pour les missions de surveillance aérienne autour de points sensibles et 300 pour le plan Vigimer de contrôle des approches maritimes françaises.

En Afghanistan, ce sont au total 4.000 hommes qui sont engagés dans l'opération « Enduring freedom », aux côtés des Etats-Unis. Le groupe aéronaval, autour du porte-avions Charles-de-Gaulle, est déployé sur zone depuis le 18 décembre. Les Super-Etendard embarqués assurent 10 % des différentes missions de reconnaissance d'objectifs et de frappe au sol de l'ensemble de la coalition, ces appareils démontrant à cette occasion un taux de disponibilité remarquable malgré leur relative ancienneté. Par ailleurs, le déploiement des Mirage 2000 serait effectif au 1er mars, en avance sur la mise en place d'équipements comparables des autres membres de la coalition, y compris des Etats-Unis. En outre, le dispositif aérien français de renseignement aérien a été allégé, après que les Mirage IV P ont identifié plus de 1.660 objectifs au bénéfice des alliés, les ravitailleurs basés à Abu-Dhabi ayant pour leur part accompli 172 missions. Enfin, la mission de surveillance maritime se poursuit dans le respect du droit international en haute mer.

Le général Jean-Pierre Kelche a, par ailleurs, indiqué que des forces françaises participent, depuis le mois de janvier, à la Force internationale de sécurité (FIAS), celle-ci étant déployée à Kaboul, à hauteur, pour le moment, de 85 % de ses effectifs. Les militaires français ont pour mission d'assurer la surveillance de la partie militaire de l'aéroport de Kaboul et de l'axe routier reliant Kaboul à la plate-forme aéroportuaire de Bagram. Répondant à M. Xavier de Villepin, président, le général Jean-Pierre Kelche a indiqué qu'il était, en effet, envisagé que la Turquie, après la Grande-Bretagne, prenne le commandement de cette force. L'insécurité persistante, les fortes tensions interethniques et l'importance des poches de résistance de combattants Talibans devaient inciter à la plus grande prudence quant à l'évolution des missions de la FIAS et de leur éventuelle extension. Le chef d'état-major des armées a estimé, à cet égard, qu'une extension du mandat de la FIAS pour sécuriser d'autres villes d'Afghanistan requerrait un effectif global très important et de surcroît difficilement compatible avec les délais politiques liés, notamment, à la tenue d'une « Loya Jirga » au mois de juin prochain. Il a donné sa préférence au renforcement des forces de police afghanes et à la reconstruction d'une armée nationale avec l'aide de la communauté internationale.

Dans les Balkans, ensuite, où les forces françaises engagées sont encore importantes, la question principale est l'adaptation du dispositif militaire aux besoins de sécurité. En Bosnie, les forces internationales, qui représentent encore au total 19.000 hommes, pourraient être réduites à 12.000. Au Kosovo, une réflexion similaire est engagée, des progrès importants ayant été accomplis dans le domaine de la sécurité malgré une situation politique complexe. En Macédoine enfin, l'Union européenne mène pour la première fois, en son nom propre, une politique de prévention de crise basée sur des instruments essentiellement politiques et économiques, mais également militaires. L'Union européenne pourrait, à partir du mois de juin 2002, prendre la complète responsabilité de l'opération « Amberfox » en relation avec l'OTAN qui reste présente au Kosovo pour une éventuelle action d'extraction de la force stationnée en Macédoine.

Le général Jean-Pierre Kelche a ensuite abordé le problème de l'amélioration de la condition militaire. Il a rappelé que les demandes des militaires s'étaient développées à partir de la mise en oeuvre des mesures de réduction du temps de travail au sein de la fonction publique civile de la défense. Les propositions formulées par le ministère de la défense pour les personnels militaires, conjuguaient, pour partie, des allégements du temps d'activité et des compensations financières. Le système retenu au ministère de l'intérieur en faveur du personnel de police, cumulant les deux solutions, a alors indirectement conduit au rééquilibrage obtenu par la gendarmerie le 8 décembre et qui a lui-même incité les militaires des autres armées à solliciter un système plus équitable. Aujourd'hui, si l'attente est très forte au sein des armées, celles-ci restent confiantes dans la capacité du commandement et du pouvoir politique à prendre en compte leurs demandes. Répondant à M. Xavier de Villepin, président, le général Jean-Pierre Kelche a expliqué que les mesures prises en faveur de la gendarmerie seraient financées pour partie par un redéploiement interministériel, par le « dégel » de crédits de report, par une future loi de finances rectificative, ainsi que par des redéploiements internes à la gendarmerie. Enfin, le chef d'état-major des armées a rappelé que le ministre de la défense s'était engagé devant le Conseil supérieur de la fonction militaire du 14 février, à ce que les mesures prises en faveur de la condition militaire ne soient pas financées par le budget d'équipement de la défense.

A l'issue de l'exposé du chef d'état-major des armées un débat s'est instauré avec les commissaires.

M. Jean-Pierre Masseret a souhaité savoir si la Turquie disposait des ressources et des capacités de commandement nécessaires pour assumer la responsabilité de la direction de la FIAS. Il s'est également interrogé sur une éventuelle sollicitation, par la Turquie, des capacités de l'OTAN. S'agissant de la politique européenne de sécurité et de défense, il s'est inquiété de l'isolement de la France dans sa démarche pour l'émergence de capacités européennes autonomes. Enfin, en ce qui concerne la condition militaire, il a estimé que toutes les revendications exprimées au sein des armées ne pourraient être satisfaites sur un seul exercice budgétaire. Il a demandé quelles étaient les mesures qui, dans l'immédiat, seraient de nature à répondre aux attentes des militaires.

M. Guy Penne a souhaité connaître le sentiment du général Kelche sur la réalité d'une éventuelle dégradation de la condition militaire dans les armées et au sein de la gendarmerie. Pour cette dernière, il s'est interrogé sur l'attitude de la hiérarchie face aux attentes des personnels.

M. Didier Boulaud s'est inquiété d'informations selon lesquelles divers groupes de combattants procéderaient à un réarmement en Macédoine. Il s'est déclaré plus optimiste que M. Jean-Pierre Masseret sur l'émergence de la politique européenne de sécurité et de défense, notamment au vu de la mise en place des structures de l'état-major européen et des relations avec l'OTAN. Il a interrogé le chef d'état-major des armées sur les récentes prises de positions publiques d'officiers généraux en retraite.

M. Serge Vinçon a souligné qu'au fil de leurs avis budgétaires, les différents rapporteurs de la commission avaient attiré l'attention depuis plusieurs années sur la détérioration de l'environnement des forces armées, et sur ses incidences pour le moral des personnels. Il a également remis en cause l'idée reçue selon laquelle la professionnalisation aurait produit un surcoût pour les armées, remarquant que le titre III n'avait progressé que de 2,5 % depuis 1997.

M. Christian de La Malène, à propos de l'Afghanistan, a estimé qu'une certaine confusion entourait la chaîne de prise de décision et de commandement des opérations en cours. Il a demandé sur ce point des précisions, en particulier quant aux autorités dont dépendent les forces françaises engagées sur le terrain. Par ailleurs, il a déploré que la contribution des forces françaises à l'opération n'ait pas été mieux présentée à l'opinion publique.

Mme Hélène Luc a interrogé le général Kelche sur la situation des prisonniers rassemblés sur la base américaine de Guantanamo. Elle a fait part des difficultés de rétablissement de la sécurité et de la liberté d'aller et de venir à Kaboul. Elle a, par ailleurs, demandé au général Kelche si la fin du service national pouvait avoir joué dans l'actuel malaise au sein des armées.

M. Michel Pelchat a considéré que l'armée turque disposait des capacités nécessaires au commandement d'une force comme la FIAS. Il s'est demandé si l'engagement turc au sein de cette force pourrait avoir pour contrepartie un changement d'attitude de la Turquie vis-à-vis d'une éventuelle intervention américaine en Irak.

M. Michel Caldaguès a souligné que le poids du ministère des finances dans la détermination des crédits de la défense d'une part, et l'engagement dans des opérations extérieures coûteuses d'autre part, faisaient désormais peser sur les armées une contrainte qui remet en cause leur existence même, au travers des difficultés liées à la condition militaire et à la modernisation des équipements.

M. Xavier de Villepin, président, s'est interrogé sur les liens entre la professionnalisation des armées et la nécessité d'une revalorisation de la condition militaire. Il a demandé si le malaise actuel aboutirait à une remise en cause des instances actuelles de concertation. Enfin, il a demandé des précisions sur le lancement définitif de l'avion de transport A400M.

A la suite de ces interventions, le général Jean-Pierre Kelche a apporté les précisions suivantes :

- l'armée turque dispose de capacités de commandement adaptées au format de la force internationale en Afghanistan, mais elle ne possède pas, pour l'instant, l'expérience d'opérations multinationales ;

- la prise de commandement de la FIAS par la Turquie ne devrait avoir aucune incidence sur le rôle de l'OTAN vis-à-vis de cette opération, ni sur la position turque à l'égard d'une éventuelle intervention américaine contre l'Irak ;

- l'opération « liberté immuable » est entièrement sous la direction militaire des Etats-Unis ; dans le cadre d'une coalition « politique », la contribution de pays alliés a été acceptée, mais celle-ci ne donne à ces pays aucune vocation à cogérer la conduite des opérations, même si, à l'image de la France, ils conservent le contrôle national de l'emploi de leurs forces sur le théâtre d'opérations ;

- la FIAS est placée sous la direction des autorités politiques des différents pays contributeurs ; concrètement, les décisions relatives à la force sont discutées à Londres par les représentants de ces pays ;

- les opérations en Afghanistan ont illustré le principe selon lequel ce n'est pas la coalition qui définit la mission, mais la mission qui définit la coalition ; ce principe semble devoir inspirer durablement la politique des Etats-Unis ;

- si l'Union européenne ne s'est pas placée au premier plan dans les opérations militaires en Afghanistan, c'est qu'elle n'a pas été sollicitée directement et que les Etats-Unis ont fait appel au cas par cas à des alliés ; pour autant, l'avenir de la politique européenne de sécurité et de défense n'est en rien compromis ;

- les progrès dans la structuration de la capacité politico-militaire de l'Union européenne sont réels, même si le bon fonctionnement de tous les rouages en temps de paix ne suffit pas à garantir celui du temps de guerre ;

- au vu des recrutements opérés et des conditions dans lesquelles s'est effectué le départ des cadres en excédent, la professionnalisation des armées a été menée avec succès ; il est, en revanche, avéré que la cessation anticipée du service national a fait peser sur les unités un manque d'effectifs qui, même temporaire, a créé des difficultés dans le travail quotidien ; il est probable que ces difficultés ont été surtout ressenties par les sous-officiers ;

- le passage à l'armée professionnelle n'a pas alimenté le sentiment d'une dégradation de la condition militaire ; en revanche, il est normal que le niveau d'exigence de militaires professionnels soit plus élevé en termes de préparation opérationnelle, de moyens d'équipement et d'activités ;

- l'examen attentif du budget de la défense ne confirme pas, loin s'en faut, l'idée d'une dérive des dépenses du titre III, car à périmètre constant, l'écart entre les dépenses prévues et les réalisations s'est limité à 0,1 % de l'enveloppe ;

- les mesures d'amélioration de la condition militaire annoncées ou en cours de préparation alourdiront le titre III pour les prochaines années ; il est clair qu'elles ne pourront pas toutes être mises en oeuvre dès 2002, ce que comprendront volontiers les personnels à condition que des engagements clairs soient pris, dans une perspective pluriannuelle, sur une poursuite des revalorisations ;

- la crise de la gendarmerie a mis à mal les actuelles structures de concertation qui méritent d'être renforcées ; il serait notamment envisageable de donner un caractère suspensif aux avis négatifs des conseils supérieurs et d'élargir leurs capacités d'auto saisine ;

- s'agissant du statut des prisonniers détenus sur la base américaine de Guantanamo, et étant précisé qu'il s'agit-là d'une réaction de citoyen, on peut s'étonner que les principes du droit américain ne soient pas appliqués à l'issue d'un combat mené au nom des valeurs démocratiques ;

- la mise en vigueur du contrat de fabrication de l'avion de transport militaire A400M reste subordonnée à la notification, par l'Allemagne, de son engagement à commander 73 appareils ou, dans l'hypothèse inverse, à supporter toutes les conséquences financières de son retrait ; il est aujourd'hui difficilement imaginable que l'Allemagne renonce à ce programme sur lequel tous les autres pays ont déjà pris des engagements fermes.

Mercredi 20 février 2002

- Présidence de M. Xavier de Villepin, président -

Afghanistan - Audition de M. Lakhdar Brahimi, représentant spécial du secrétaire général des Nations unies pour l'Afghanistan

La commission, élargie aux membres du groupe d'information sur l'Afghanistan et en présence de M. Christian Poncelet, président du Sénat, a tout d'abord procédé à l'audition de M. Lakhdar Brahimi, représentant spécial du secrétaire général des Nations unies pour l'Afghanistan.

M. Lakhdar Brahimi a rappelé la précédente mission qu'il avait déjà conduite au nom de l'ONU en Afghanistan, du mois de juillet 1997 au mois de septembre 1999. Il était rentré alors de sa mission avec la conviction que seul un soutien fort de la communauté internationale permettrait à ce pays de conjurer sa crise interne. En dépit des efforts qu'il avait alors déployés pour attirer l'attention des grandes puissances sur l'Afghanistan, celles-ci n'avaient pas pris la mesure des conséquences néfastes qui pouvaient découler de l'abandon de ce pays à lui-même. En effet, a-t-il estimé, dans un monde désormais globalisé, toutes les crises se répercutent sur la stabilité mondiale. En l'occurrence, l'abandon de l'Afghanistan par la communauté internationale s'est traduit par un fort développement du trafic de drogue, et une expansion internationale du terrorisme à partir de ce territoire, comme l'ont démontré les attentats du 11 septembre 2001.

Depuis cette date, une forte mobilisation internationale s'est produite en faveur de l'Afghanistan qui a permis, initialement, la conclusion, difficilement acquise, d'un accord de paix, le 5 décembre 2001, à Bonn, entre les différentes factions afghanes. Le premier effet concret de cet accord a été, le 22 décembre, l'installation à Kaboul d'une administration intérimaire sous la conduite d'Hamid Kharzaï, installation qui a été saluée par une grande manifestation d'unité nationale.

Depuis cette date, le gouvernement intérimaire a commencé, le 22 janvier 2002, à rémunérer ses fonctionnaires. Parallèlement a été constituée la commission préparatoire à la future réunion, au mois de juin prochain, d'une Loya Jirga extraordinaire. Cette commission devra notamment décider du nombre de participants à cette assemblée, alors que les Loya Jirga précédentes avaient réuni de 300 à 2.000 membres. Cette commission spéciale indépendante a été installée par le secrétaire général de l'ONU, M. Kofi Anam, lors de sa venue à Kaboul le 25 janvier. Elle a tenu ses premières réunions et doit maintenant se rendre dans les différentes provinces afghanes. M. Lakhdar Brahimi a souligné que ces résultats, qui sont réels, ne permettent cependant pas d'affirmer que le pays est sorti des turbulences politiques qui restent récurrentes et qui requièrent la mobilisation tant du peuple afghan que de la communauté internationale.

Puis M. Lakhdar Brahimi a rappelé que le président Kharzaï souhaitait que la Force internationale d'assistance à la sécurité (FIAS), dont chacun reconnaît l'efficacité, puisse être déployée non seulement à Kaboul mais dans l'ensemble du pays, ce qui renforcerait le processus de paix et donnerait le temps nécessaire à la formation d'une police et d'une armée afghanes. Sur ce point, il a rappelé les réticences exprimées par les responsables militaires occidentaux qui s'inquiètent des effectifs militaires qu'une telle opération nécessiterait, ainsi que des risques d'affrontement que ce déploiement pourrait entraîner, risques que M. Lakhdar Brahimi a jugé surestimés.

Evoquant la situation humanitaire, M. Lakhdar Brahimi a constaté qu'elle restait très préoccupante et qu'il était donc nécessaire que les grandes puissances traduisent rapidement en actes les promesses faites en faveur de la reconstruction de l'Afghanistan.

En conclusion, M. Lakhdar Brahimi a souligné qu'une paix durable dans ce pays ne pourrait être obtenue que par une mobilisation politique capable de se maintenir dans la durée.

Puis un débat s'est instauré au sein de la commission.

M. Jean-Pierre Plancade, président du groupe d'information sur l'Afghanistan, après avoir salué le travail remarquable déjà accompli par M. Lakhdar Brahimi, a souhaité obtenir des précisions sur le rôle qu'assumerait la commission spéciale jusqu'à la tenue d'élections libres prévues d'ici deux ans, ainsi que sur l'interprétation de M. Lakhdar Brahimi des tensions observées ponctuellement sur le territoire afghan. Il a souhaité recueillir son sentiment sur l'utilisation optimale des 11 milliards d'euros promis lors de la récente conférence de Tokyo sur la reconstruction de l'Afghanistan. Il s'est enfin interrogé sur l'appui technique que pourrait apporter le Sénat à la préparation de la future constitution afghane.

Mme Hélène Luc a rappelé l'appui accordé par le Sénat français à la reconstruction des lycées de Kaboul, et a souhaité avoir des précisions sur le calendrier prévisionnel de décaissement effectif des crédits internationaux promis lors de la conférence des donateurs.

M. Aymeri de Montesquiou s'est inquiété du rôle prédominant des États-Unis au sein de l'ONU et des éventuels effets pervers découlant de cette domination de fait. Puis il s'est interrogé sur la compatibilité entre, d'une part, les clivages ethniques prévalant en Afghanistan et, d'autre part, le principe de démocratie représentative. Il a également déploré la volonté des Etats-Unis de tenir l'Iran à l'écart du processus de reconstruction de l'Afghanistan.

M. Robert Del Picchia s'est interrogé sur les ressources économiques et financières dont disposait actuellement l'Etat afghan.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga a évoqué les risques inhérents à un déploiement hors de Kaboul de la force internationale d'assistance à la sécurité, et a souhaité connaître le sentiment de M. Lakhdar Brahimi sur ce point. Elle l'a également interrogé sur le contexte du récent assassinat du ministre afghan des transports, ainsi que sur les actions engagées pour permettre aux femmes afghanes d'accéder effectivement à l'éducation, aux services de santé et à l'emploi.

M. André Dulait a jugé nécessaire qu'une aide soit apportée aux réfugiés afghans qui rentreraient du Pakistan. Il a également évoqué les différents foyers d'affrontement existant en dehors de Kaboul et a estimé que dans l'état actuel des choses le président Kharzaï ne disposait pas des moyens adéquats pour les réduire.

M. André Boyer a souligné que la situation humanitaire restait préoccupante, notamment dans les provinces du nord de l'Afghanistan menacées de famine et s'est interrogé sur les moyens de répartir au mieux l'aide alimentaire.

M. Xavier de Villepin, président, après avoir souligné que l'Afghanistan n'avait jamais été soumis durablement à une puissance étrangère, s'est interrogé sur l'accueil réservé par la population aux représentants de la communauté internationale. Il s'est, par ailleurs, inquiété des intentions des principaux pays proches ou voisins de l'Afghanistan, notamment, le Pakistan, la Russie et l'Iran.

En réponse, M. Lakhdar Brahimi a apporté les précisions suivantes :

- s'agissant de la préparation de la Loya Jirga, les accords de Bonn ont prévu une première période intérimaire, de six mois, à l'issue de laquelle une Loya Jirga extraordinaire sera chargée de désigner un président et un gouvernement pour une période transitoire de 18 mois qui conduira aux premières élections libres. Les tensions actuelles se comprennent dans ce contexte, car certaines factions ont intérêt à la prolongation de la violence pour peser sur les futures décisions de l'Assemblée. M. Lakhdar Brahimi a néanmoins souligné qu'il existait deux alliés de poids en faveur du maintien d'une situation de paix ; d'une part la population afghane, épuisée par 23 ans de guerre civile, et d'autre part la communauté internationale qui veut voir ses efforts aboutir ;

- les accords de Bonn ont prévu la mise en place de plusieurs commissions préparatoires ; celle qui est chargée de rédiger la future constitution sera établie après la réunion de la Loya Jirga. Une autre commission travaille d'ores et déjà au recrutement et au paiement des fonctionnaires afghans. Trois autres commissions restent à créer : celle consacrée aux droits de l'homme qui sera installée le 9 mars prochain par Mme Mary Robinson, Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme ; une autre commission est d'ores et déjà réunie pour préparer les travaux de la Loya Jirga ; enfin, une dernière commission est chargée d'établir un système judiciaire ;

- les premiers besoins de la reconstruction ont été couverts par un fonds spécifique accordé par le PNUD (programme des Nations unies pour le développement). C'est ainsi que 23 millions de dollars ont pu être débloqués pour assurer la jonction avec les fonds beaucoup plus substantiels que doit ultérieurement accorder la Banque mondiale ;

- la prochaine rentrée scolaire, qui interviendra le 22 mars prochain, également date de la nouvelle année en Afghanistan, sera marquée par la présence d'élèves des deux sexes, ce qui constitue un progrès notable au regard de l'obscurantisme du régime taliban. Un ministère de la condition féminine vient d'être créé, et les femmes afghanes sont conscientes que l'éducation des filles, qui est admise sur tout le territoire et même dans les zones rurales, est leur meilleur allié. M. Lakhdar Brahimi a néanmoins souligné qu'il convenait de respecter, dans ce domaine comme dans les autres, les spécificités de la société afghane pour aboutir à des résultats probants ;

- la situation militaire prévalant à Kaboul est d'un grand calme grâce à la présence des quelque 5.000 soldats de la Force internationale qui rassure la population et motive la police afghane. Cet exemple devrait être transposé dans plusieurs autres grandes villes d'Afghanistan, mais les états-majors occidentaux sont réticents à l'extension à cette fin du mandat de la Force internationale d'assistance à la sécurité ;

- pour former des forces de sécurité afghanes bien structurées, deux ans sont nécessaires d'après les experts occidentaux, mais il serait sans doute possible d'aller plus vite. Si le mandat de la FIAS était étendu dans les prochains mois, une stabilisation de la sécurité serait possible dès la fin de cette année ;

- l'assassinat du ministre afghan des transports est indéniablement un règlement de compte interne aux groupes ethniques issus de la vallée du Panshir ;

- la situation humanitaire est en voie d'amélioration, mais elle est compromise par l'existence dans différentes provinces afghanes d'un banditisme récurrent ;

- l'action des Nations unies n'est que le résultat de la volonté de ses Etats membres dont beaucoup reconnaissent que les Etats-Unis y occupent une place à part. L'accord de ces derniers est indispensable à toute avancée de l'action des Nations unies.

En conclusion, M. Lakhdar Brahimi a souligné que la reconstruction d'un pays dévasté par 23 ans de guerre civile est une tâche risquée qui demanderait du temps. Les principales puissances occidentales devront maintenir durablement leur action en faveur de ce pays.

Traités et conventions - Accord France-Roumanie relatif à la coopération dans le domaine de la défense - Examen du rapport

La commission a ensuite examiné le rapport de M. Didier Boulaud sur le projet de loi n° 102 (2001-2002)autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Roumanie relatif à la coopération dans le domaine de la défense.

M. Didier Boulaud
a d'abord rappelé les liens culturels et linguistiques qui unissaient la Roumanie et la France depuis le XIXe siècle et a salué l'importante présence économique de notre pays en Roumanie. L'accord organisant une coopération de défense a été conclu le 24 octobre 1998 ; il doit être apprécié au regard de la volonté roumaine d'intégrer d'une part l'Union européenne et d'autre part l'Alliance atlantique.

Ainsi, la Roumanie a été le premier pays à adhérer, en 1994, au Partenariat pour la paix (PPP) ouvert par l'Alliance atlantique aux pays d'Europe centrale et orientale. Le prochain sommet de Prague, à l'automne 2002, consacré à l'élargissement de l'Alliance, sera l'occasion d'examiner notamment la candidature roumaine.

M. Didier Boulaud
a estimé que pour aboutir, cette candidature devait être appuyée par une restructuration en profondeur des forces armées de ce pays qui sont actuellement trop nombreuses et peu équipées. Il a rappelé que l'arrangement administratif conclu en 1991 entre les deux ministères de la défense avait déjà ouvert la voie à une coopération bilatérale soutenue, portant notamment sur la formation de personnels. Puis il a précisé que l'accord soumis à l'examen de la commission confirmait les principales dispositions de cet arrangement administratif comme l'existence et le fonctionnement d'une commission militaire mixte, mais étendait également sa portée au statut des membres des personnels militaires et civils de l'Etat d'envoi dans l'Etat d'accueil. L'accord précise également les modalités de compétence de juridiction dont relève ce personnel.

M. Didier Boulaud a rappelé que l'Ecole de gendarmerie, que la France a contribué à mettre en place en Roumanie, avait vu sa première promotion sortir à la fin de l'année 2001. A cette occasion, l'école a été dotée, à titre gratuit, de 20 camionnettes Saviem ; par ailleurs, une quarantaine d'ordinateurs portables ont été remis à la fin de l'année 2001 au directeur des ressources humaines des forces armées roumaines. 9 officiers français sont affectés en Roumanie au titre de la coopération militaire, qui prévoit également de nombreuses visites réciproques de haut niveau, comme celle, prévue pour 2002, du ministre roumain de la défense et du chef d'état-major des armées françaises, le général Kelche. En conclusion, M. Didier Boulaud a recommandé l'adoption de cet accord qui contribuera à moderniser les forces armées roumaines.

A l'issue de cet exposé, un débat s'est instauré entre les commissaires.

M. Michel Caldaguès a demandé des précisions sur le don de matériels effectué au profit de la gendarmerie roumaine.

Mme Maryse Bergé-Lavigne a souligné que l'adhésion de ce pays latin et francophone à l'Union européenne était de nature à la rééquilibrer vers le Sud.

Mme Paulette Brisepierre a souligné que la perspective de l'intégration au sein de l'OTAN des trois pays baltes était opportune. Elle s'est inquiétée de ce que la nouvelle diplomatie américaine ne tende à marginaliser le rôle de cette organisation.

M. Xavier de Villepin, président, s'est interrogé sur l'équilibre à établir entre, d'une part, l'élargissement souhaitable de l'Alliance et, d'autre part, le nécessaire souci de ménager la Russie.

En réponse, M. Didier Boulaud a précisé que les crédits affectés à la coopération militaire avec la Roumanie provenaient du budget de la coopération militaire relevant du ministère des affaires étrangères. Il a, par ailleurs, rappelé que la ville de Nevers, dont il est maire, était jumelée depuis 90 ans avec la capitale de la province roumaine de Valachie. En conclusion, il a rejoint les observations présentées par Mme Maryse Bergé-Lavigne sur la nécessaire intégration de la Roumanie à l'Union européenne et à l'OTAN.

La commission a alors adopté le projet de loi.

Traités et conventions - Accord entre l'Agence de coopération culturelle et technique et le gouvernement de la République française relatif au siège de l'Agence et à ses privilèges et immunités sur le territoire français - Examen du rapport

La commission a ensuite examiné le rapport présenté par M. Robert Del Picchia sur le projet de loi n° 32 (2001-2002) autorisant l'approbation de l'avenant à l'accord entre l'Agence de coopération culturelle et technique et le gouvernement de la République française relatif au siège de l'Agence et à ses privilèges et immunités sur le territoire français.

M. Robert Del Picchia, rapporteur, a rappelé que cet accord visait à tirer les conséquences pratiques de la réforme des institutions francophones intervenue lors du sommet réuni à Hanoï en 1997. Cette réforme a notamment conduit à la création du poste de Secrétaire général de la francophonie, confié alors à M. Boutros Boutros Ghali, ancien Secrétaire général de l'Organisation des Nations unies. Elle a également conduit à la création de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF) qui s'est substituée à l'Agence de coopération culturelle et technique (ACCT). Dans le même ordre d'idées, l'association internationale des parlementaires de langue française (AIPLF) a été érigée en organisation internationale, avec la création en 1999, de l'Assemblée parlementaire de la francophonie (APF). Le rapporteur a souligné que l'accord traduisait sur le plan de la technique diplomatique, ces évolutions institutionnelles. Ainsi, l'avenant prévoit-il les modifications de dénominations des différentes instances, et de leur organisation respective ; il intègre à l'accord de 1972 la Charte de la francophonie, et définit, conformément aux décisions prises à Hanoï, les compétences respectives des différentes institutions francophones.

L'accord de siège est également modifié pour permettre désormais à douze fonctionnaires de l'OIF de bénéficier des privilèges et immunités diplomatiques, dont seuls six de leurs homologues de l'ACCT pouvaient se prévaloir. Cette extension a, pour la France, où siège l'OIF, des conséquences financières minimes, comme la dispense de paiement de la taxe d'habitation sur la résidence principale accordée à ces douze fonctionnaires.

M. Robert Del Picchia a souligné que l'apport principal de l'avenant est d'ordre politique : en effet, les institutions francophones ont pris beaucoup d'ampleur depuis leur création en 1970 : ainsi, le nombre de pays membres est passé de 22 à 55, répartis sur les cinq continents. Aussi, M. Robert Del Picchia a estimé que la modernisation des institutions francophones proposée par l'accord était cohérente avec cette extension et il a donc proposé son adoption.

A l'issue de cet exposé, M. Xavier de Villepin, président, a regretté que l'Algérie, qui est pourtant un important pays francophone, n'ait toujours pas rejoint l'Assemblée parlementaire de la francophonie.

Puis la commission a adopté le projet de loi qui lui était soumis.

Nomination de rapporteurs

Enfin, la commission a procédé à la désignation de rapporteurs. Ont été nommés :

- M. Robert del Picchia sur le projet de loi n° 198 (2001-2002) autorisant l'approbation de l'amendement à la convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et leur élimination .

- M. Michel Pelchat sur le projet de loi n° 199 (2001-2002) autorisant la ratification du protocole additionnel à l'accord entre la France, la Communauté européenne de l'énergie atomique et l'Agence nationale de l'énergie atomique relatif à l'application de garanties en France.

Jeudi 21 février 2002

- Présidence de M. Xavier de Villepin, président -

Situation au Proche-Orient - Audition de S. Exc. M. Elie Barnavi, ambassadeur d'Israël en France

La commission a tout d'abord procédé à l'audition de S. Exc. M. Elie Barnavi, ambassadeur d'Israël en France.

M. Elie Barnavi
a d'abord observé que l'Intifada était devenue une véritable guérilla qui s'accompagnait d'une vague de terrorisme d'une ampleur inégalée, jusqu'à présent, en Israël -d'autant qu'il convenait de prendre en compte le fait que 80 % des projets d'attentat étaient déjoués par les services israéliens. Face à cette offensive, les autorités israéliennes disposaient d'une capacité d'action limitée, d'une part, par des considérations extérieures liées à la préparation de la campagne militaire américaine contre l'Irak qui pourrait être gênée par l'embrasement de la violence dans les territoires et, d'autre part, par la contrainte intérieure en raison de la nécessité, pour le Premier ministre israélien, de préserver une coalition qui associe notamment le Likoud -où il occupe lui-même une position minoritaire- et les travaillistes. Dans ce cadre contraint où il convient aussi de prendre en compte les conditions du retrait de Tsahal du Liban, la panoplie des moyens dont dispose Israël pour assurer une montée en puissance de la riposte à la spirale de la violence apparaît réduite. Ainsi, l'armée israélienne a pris conscience que la plupart des barrages militaires en Cisjordanie s'avèrent inefficaces et pourraient être levés.

L'ambassadeur d'Israël en France a estimé que, face aux événements actuels, l'opinion publique de son pays apparaissait exaspérée, désemparée et confuse. Elle pourrait opter, selon les circonstances politiques et la capacité des dirigeants israéliens à emporter son adhésion, pour des positions extrêmes, soit le ralliement à une solution militaire, soit au contraire l'acceptation de concessions importantes afin d'aboutir à un accord de paix. Comme le montrent de récents sondages, les Palestiniens eux-mêmes, dans leur grande majorité, approuveraient la reprise des négociations avec Israël. Par ailleurs, les Israéliens souffrent de la dégradation de la conjoncture économique : baisse du PIB, progression du chômage, chute de la fréquentation touristique et crise des secteurs de pointe.

Dans la logique de guerre dans laquelle les deux parties étaient désormais engagées, une mesure d'apaisement, a souligné M. Elie Barnavi, apparaissait indispensable et la responsabilité d'une telle initiative incombait d'abord aux Palestiniens. Tant que les actes de terrorisme se poursuivront, l'armée israélienne ripostera. La violence palestinienne est illégale au regard des accords passés antérieurement entre Israéliens et Palestiniens. En outre, chaque fois qu'Israël a eu à négocier avec un interlocuteur sérieux, il s'est montré disposé à accorder des concessions territoriales que le sort des armes ne l'obligeait pourtant pas à accepter. Or, M. Yasser Arafat n'est pas apparu, pour les Palestiniens, comme un négociateur crédible. M. Elie Barnavi a cependant rappelé qu'il n'y avait pas, dans la région, d'alternative au processus de paix.

Un débat s'est ensuite instauré avec les commissaires.

M. Guy Penne s'est interrogé sur l'évolution de l'opinion publique israélienne et l'audience de l'opposition à la politique actuelle du gouvernement dirigé par M. Sharon. Il s'est étonné, par ailleurs, des critiques, très exagérées selon lui, qui s'exprimaient en Israël sur le développement d'un mouvement antisémite en France.

M. Jean-Pierre Masseret a d'abord estimé que face à l'impasse actuelle, les déblocages pourraient venir de l'évolution de l'opinion publique israélienne elle-même. Il a demandé, ensuite, à M. Elie Barnavi, de préciser les raisons pour lesquelles M. Yasser Arafat n'avait pas accepté les propositions qui lui avaient été faites dans le cadre des négociations avec le précédent Premier ministre israélien, M. Ehud Barak. Il s'est interrogé, en outre, sur le rapport des forces, au sein de l'Autorité palestinienne, entre partisans et adversaires de la paix, ainsi que sur les conséquences, pour l'ensemble du Proche-Orient, d'une éventuelle campagne militaire américaine contre l'Irak.

Après avoir observé que les Etats-Unis avaient besoin du plus large consensus possible au sein des Etats arabes, avant d'engager une offensive contre l'Irak, et qu'ils ne pouvaient, à ce titre, se désintéresser du sort de M. Yasser Arafat, M. Michel Caldaguès s'est également interrogé sur les implications d'une telle intervention pour Israël.

M. André Rouvière a souhaité obtenir des précisions sur l'état d'esprit actuel au sein de l'armée israélienne, ainsi que sur l'évolution des flux migratoires en Israël. Il s'est demandé, en outre, s'il n'était pas contradictoire, pour le gouvernement israélien, de chercher à affaiblir le président de l'Autorité palestinienne, tout en lui demandant d'intervenir de manière plus efficace dans le domaine de la sécurité.

M. Jean-Pierre Plancade a estimé que M. Sharon avait été élu sur le thème de la paix et de la sécurité, et qu'il disposait, en principe, de solides appuis pour conduire une politique dans ce sens. Evoquant, par ailleurs, la levée de l'immunité parlementaire et le procès du député arabe israélien, M. Azmi Bishara, il s'est inquiété de l'influence accrue de certaines formes d'extrémisme, notamment religieux, en Israël.

Mme Hélène Luc a déploré que la riposte israélienne aux actions terroristes prenne désormais la forme d'une véritable guerre dirigée notamment contre l'Autorité palestinienne, ce qui ne permettait pas à cette dernière de prendre les mesures indispensables en faveur de la sécurité. Elle a estimé impératif que l'une des deux parties prenne l'initiative d'arrêter le cycle de la violence et a souhaité connaître, dans cette perspective, l'appréciation de M. Elie Barnavi sur les propositions avancées par le ministre des affaires étrangères français pour dénouer la crise actuelle.

M. André Vallet s'est interrogé sur l'état présent de l'opinion publique en Israël.

Après avoir estimé qu'une intervention militaire contre l'Irak ne s'imposait pas comme une évidence, M. Aymeri de Montesquiou a attiré l'attention de M. Elie Barnavi sur les causes de l'Intifada. Face à une situation inextricable, il s'est demandé si Israël accepterait l'intervention d'un arbitrage extérieur sur la base des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies.

M. Christian de La Malène a souhaité savoir quelle était la réaction d'Israël vis-à-vis du choix américain d'engager la lutte contre le terrorisme international dans le cadre d'une véritable logique de guerre.

Après avoir rappelé que la paix devait se traduire par la mise en place d'un Etat palestinien démocratique et la garantie, pour Israël, de bénéficier de frontières sûres et reconnues, M. Jean Chérioux s'est interrogé sur l'attitude des arabes israéliens, ainsi que sur la position d'Israël vis-à-vis du droit au retour des Palestiniens. Il a également demandé des précisions sur les ouvertures récentes qui auraient été présentées par l'Arabie saoudite.

M. Hubert Durand-Chastel s'est demandé si, dans l'hypothèse d'une intervention militaire contre l'Irak, Israël ne serait pas la cible privilégiée de la riposte irakienne.

M. Xavier de Villepin, président, a souhaité savoir si le plan de paix Perès-Abou Ala, pouvait être acceptable pour le Premier ministre israélien. Il s'est interrogé, en outre, sur les conséquences d'une intervention américaine en Irak pour la stabilité des pouvoirs en place en Arabie Saoudite, en Egypte et en Jordanie.

En réponse aux commissaires, M. Elie Barvani a d'abord rappelé que la paix entre Israël et un Etat palestinien, qui serait instituée sur la base des résolutions internationales, constituait la seule issue souhaitable à la crise actuelle. Il a estimé qu'on ne pouvait douter de la volonté déterminée des Israéliens de parvenir à un accord de paix. Dans ces conditions, il a vivement regretté que les atermoiements de M. Yasser Arafat aient fini par laminer le camp de la paix en Israël et que le président de l'Autorité palestinienne n'ait pas saisi la chance que représentait la volonté du précédent Président des Etats-Unis, M. Bill Clinton, de favoriser un accord de paix avant la fin de son mandat. La position de M. Yasser Arafat, a-t-il poursuivi, s'expliquait par son souci de sauvegarder, en priorité, l'unité des différentes factions palestiniennes qui aurait pu être remise en cause par un compromis sur un accord de paix.

M. Yasser Arafat aurait pris une position plus résolue pour lutter contre le terrorisme, a poursuivi M. Elie Barnavi, si l'Union européenne avait cessé d'apporter son soutien à l'Autorité palestinienne après les premiers attentats. Les différences entre les Européens et les Etats-Unis vis-à-vis de la situation au Proche-Orient ne reposent pas sur des appréciations divergentes sur les questions de fond, mais plutôt sur le mode d'expression de leurs positions et la disparité des moyens dont ils sont dotés pour peser sur les évolutions dans la région.

L'armée israélienne, a estimé M. Elie Barnavi, exerce un poids croissant dans le pays. S'il existe sans doute un débat au sein de l'état-major sur la forme des opérations militaires, les oppositions internes ne se manifestent, pour l'heure, que dans les rangs des réservistes.

M. Yasser Arafat, a relevé l'Ambassadeur d'Israël en France, ne paraît pas prêt à passer du rôle de responsable d'un mouvement national à celui de chef d'Etat. Tout compromis, a-t-il poursuivi, passe par la renonciation par chacune des deux parties à sa « part de rêve » : la constitution du « Grand Israël » pour l'Etat hébreu, le droit au retour -qui signifierait la liquidation de l'Etat d'Israël- pour les Palestiniens.

Une opération américaine contre l'Irak ne pourra être évitée, a ajouté M. Elie Barnavi, que si ce pays accepte un contrôle international conformément aux résolutions des Nations unies. Les conséquences d'une telle intervention pour la région restent difficiles à apprécier. Les pays arabes conservateurs observent une grande prudence et redoutent avant tout, aujourd'hui, que l'Intifada ne dépasse les frontières des Territoires et ne fragilise les pouvoirs en place dans les pays voisins. Dans l'hypothèse d'une action militaire contre l'Irak, Israël sera sans doute la principale cible de la riposte de Bagdad, qui pourrait alors recourir à des armes chimiques et bactériologiques ; les autorités israéliennes sont déterminées à réagir avec force à une éventuelle attaque.

La levée de l'immunité parlementaire de M. Azmi Bishara doit être ramenée, selon M. Elie Barnavi, à ses justes proportions. Ce député n'a pas hésité à enfreindre la loi israélienne et a notamment appelé à l'unification de l'Intifada en présence du chef du Hezbollah.

Les blocages actuels, a estimé l'ambassadeur d'Israël, ne pourraient, peut-être, malheureusement être levés que par un drame sanglant qui conduirait à une prise de conscience, en particulier au sein de la communauté internationale, de l'urgence de favoriser un règlement de paix. Les chances de succès des propositions avancées par le ministre des affaires étrangères français apparaissent faibles, compte tenu notamment des réticences de la partie palestinienne à s'engager dans un processus électoral. Quant au plan proposé par M. Shimon Pérès, il pourrait, s'il n'était pas accepté par le Premier ministre israélien, servir de base au programme des travaillistes dans la perspective de prochaines élections.

Situation au Proche-Orient - Audition de Mme Leïla Shahid, déléguée générale de la Palestine en France

La commission a ensuite procédé à l'audition de Mme Leïla Shahid, déléguée générale de la Palestine en France.

Mme Leïla Shahid a tout d'abord indiqué qu'en dépit de la dégradation de la situation sur le terrain et de l'action d'un gouvernement israélien qui, à ses yeux, ne souhaite manifestement pas faire la paix, sa principale inquiétude actuelle portait sur l'attitude des Etats-Unis, qui sous-estiment les répercussions du conflit sur l'ensemble des pays du Moyen-Orient. Faisant allusion aux positions des principaux responsables politiques américains, elle a déploré un certain aveuglement face à la gravité de la situation et aux risques de renforcement des forces fondamentalistes dans les pays arabes.

Elle a en revanche évoqué l'émergence, au sein de la société israélienne, y compris dans la classe politique et dans l'armée, d'une prise de conscience sur l'impossibilité d'une solution militaire. Elle s'est notamment félicitée du renouveau du mouvement pour la paix regroupant des Israéliens et des Palestiniens sur la base des propositions auxquelles avaient abouti les négociations de Taba, en janvier 2001. Elle a également mentionné le nombre croissant d'officiers d'active ou de réserve qui déclarent publiquement leur refus de servir dans les territoires occupés. Elle a estimé que ces manifestations n'étaient pas sans effet sur Ariel Sharon, dans la mesure où ce dernier a accepté de revoir les trois responsables palestiniens qu'il avait rencontrés avant son déplacement à Washington.

Mme Leïla Shahid a rappelé les conditions dans lesquelles, à la suite de l'assassinat par l'armée israélienne d'un représentant palestinien à Naplouse, les combats avaient repris, 24 jours après l'appel, le 16 décembre dernier, du président Yasser Arafat à la suspension de l'action militaire. Elle a décrit le sentiment de solitude, et même d'abandon, du peuple palestinien au moment où ont repris les attaques de l'armée israélienne, cette dernière utilisant son puissant outil militaire pour détruire toutes les infrastructures des territoires palestiniens. Cette situation difficile n'a cependant en rien affaibli l'unité totale du peuple palestinien et sa volonté de lutter.

Mme Leïla Shahid a ensuite salué la position courageuse de la France qui, par la voix du ministre des affaires étrangères, s'est inquiétée de l'évolution de la politique américaine. Elle a observé que cette déclaration avait eu un effet positif dans les pays de l'Union européenne, où plusieurs autres responsables s'étaient exprimés dans le même sens. Tout en regrettant que l'Union européenne ne soit malheureusement pas en mesure d'infléchir la position des Etats-Unis, elle a estimé qu'elle pourrait faire valoir son approche si un dialogue international reprend, dans le prolongement des propositions émises par le prince héritier saoudien Abdallah.

A la suite de cet exposé, Mme Monique Cerisier ben-Guiga a évoqué les différentes manifestations de soutien en France et en Europe, en particulier celle qui sera organisée à Bruxelles le 27 février prochain. Elle a souhaité sur ce point savoir ce que l'Autorité palestinienne attendait de l'Union européenne, notamment en ce qui concerne l'accord d'association avec Israël. Elle a demandé dans quelle mesure les habitants des territoires bénéficiaient d'une aide de la diaspora palestinienne et des autres pays arabes. Enfin, elle a demandé à Mme Leïla Shahid de préciser la position de l'Autorité palestinienne sur la question du droit au retour des réfugiés palestiniens.

M. Aymeri de Montesquiou s'est demandé si l'infléchissement d'une partie de l'opinion publique israélienne, dont a fait part Mme Leïla Shahid, ne risquait pas d'encourager les extrémistes palestiniens à poursuivre leurs actions. Il lui a par ailleurs demandé de réagir aux affirmations selon lesquelles Yasser Arafat aurait refusé, en janvier 2001 à Taba, les propositions d'Ehoud Barak, alors que ce dernier avait accepté d'importantes concessions.

M. Michel Pelchat s'est demandé dans quelle mesure ces propositions d'Ehoud Barak comportaient réellement un engagement sur le retrait des colonies et une partition de Jérusalem.

Mme Maryse Bergé-Lavigne s'est interrogée sur la possibilité pour l'Autorité palestinienne de contrôler l'action des différents mouvements impliqués dans des actes terroristes.

Mme Hélène Luc, après avoir condamné tous les actes de terrorisme, d'où qu'ils viennent, s'est félicitée de constater que la position de la France était apparue courageuse à l'opinion palestinienne. Elle a jugé contradictoires l'exigence d'un contrôle de l'autorité palestinienne sur les mouvements terroristes et la destruction systématique de ses moyens d'actions, en particulier ceux de la police. Elle a interrogé Mme Leïla Shahid sur la proposition française d'organisation d'élections dans les territoires palestiniens après une reconnaissance de l'Etat palestinien.

M. Jean-François Picheral s'est inquiété des incidences de l'évolution de l'état de santé de Yasser Arafat sur sa capacité à contrôler son territoire.

M. Robert Del Picchia a évoqué la récente initiative prise dans le cadre du dialogue interparlementaire euroméditerranéen et visant à organiser, avec la présence de représentants des parlements de l'Union européenne, la venue du président de la Knesset devant le Conseil législatif palestinien puis, réciproquement, celle du président du Conseil législatif palestinien devant la Knesset.

M. Xavier de Villepin, président, a demandé si la saisie, sur un navire, d'armes qui auraient été destinées à l'autorité palestinienne, avait contribué à aggraver la situation. Il a, par ailleurs, souhaité avoir des précisions sur l'état d'avancement des négociations autour de la proposition de MM. Shimon Peres, ministre israélien des affaires étrangères, et Abou Ala, président du conseil législatif palestinien.

En réponse à ces différentes interventions, Mme Leïla Shahid a apporté les précisions suivantes :

- on constate un réveil de l'opinion publique européenne face à la situation au Moyen-Orient, notamment en France, mais aussi en Italie, en Belgique ou en Espagne ; s'agissant de la France, il est particulièrement heureux qu'une réaction se produise, y compris au sein de la communauté juive, face aux accusations sans aucun fondement proférées par le vice-ministre israélien des affaires étrangères, et reprises à son compte par Ariel Sharon, selon lesquelles la France serait le pire des pays pour l'antisémitisme ;

- l'appel de nombreuses organisations à une marche sur Bruxelles, le 27 février prochain, vise à interpeller l'ensemble des autorités de l'Union européenne afin qu'elles pèsent sur le gouvernement israélien ; l'Europe constitue de loin le premier partenaire industriel, technologique et commercial d'Israël et accorde à ce dernier des facilités d'accès au marché, y compris pour des produits fabriqués dans des colonies non reconnues par le droit international ; dans le cadre de l'accord d'association, de multiples possibilités existent pour permettre à l'Union européenne d'exiger du gouvernement israélien une attitude plus acceptable ; il est à cet égard particulièrement choquant de voir l'armée israélienne infliger de graves destructions aux infrastructures financées par des fonds européens ;

- alors que le gouvernement israélien retient, depuis près d'un an et demi, environ 450 millions de dollars de taxes d'importation qu'il aurait dû reverser à l'Autorité palestinienne, l'aide des pays arabes et de l'Union européenne permet à cette dernière de renflouer son budget, notamment pour le paiement des salaires des fonctionnaires ; toutefois, toute l'économie palestinienne est paralysée du fait de l'impossibilité d'une libre circulation des personnes, des biens et des capitaux ;

- si la partie palestinienne n'a pas accepté, en juillet 2000 à Camp David, les propositions israéliennes, ces dernières sont allées beaucoup plus loin lors des négociations de Taba en janvier 2001, mais cette fois-ci, c'est le Premier ministre, Ehud Barak, qui, à la veille des élections générales, n'a pas voulu conclure un accord qui l'aurait peut-être fragilisé vis-à-vis de l'opinion israélienne ;

- dans le cadre des négociations de Taba, les Israéliens ont accepté de reconnaître la résolution 194 du Conseil de sécurité des Nations unies relative au droit au retour des réfugiés palestiniens ; en contrepartie, les négociateurs palestiniens s'étaient engagés à ne pas exiger l'application intégrale de cette résolution, le chiffre de 25.000 retours étant avancé ;

- en dépit de l'échec des négociations de Taba, l'Union européenne a pris l'initiative heureuse, par l'intermédiaire de son envoyé spécial pour le Moyen-Orient, M. Moratinos, de reprendre dans un document le dernier état des propositions auxquelles avaient abouti ces négociations ; ce document sert aujourd'hui de base au programme du mouvement pour la paix initié par des personnalités israéliennes et palestiniennes ;

- si l'Autorité palestinienne ne peut accepter l'annexion, par l'Etat israélien, des colonies, elle n'est pas hostile au principe de l'examen, dans certains cas, de modifications de frontières, lorsque le démantèlement des colonies est difficilement réalisable ;

- l'exigence, par le gouvernement israélien, d'un arrêt préalable de la violence doit être interprétée comme un refus de ce dernier de négocier, tant cette condition paraît impossible à satisfaire ;

- s'agissant de la position du Président Yasser Arafat sur les actions armées, une distinction est effectuée entre le territoire palestinien, où s'exerce le droit légitime de résistance à l'occupation, et le territoire israélien, sur lequel de telles actions sont condamnées, en cohérence avec l'acceptation de l'existence de l'Etat d'Israël ;

- la destruction, par l'armée israélienne, des infrastructures palestiniennes, procède d'une volonté d'acculer le peuple palestinien au désespoir et à lui faire renoncer à la perspective d'un Etat ;

- l'idée d'organiser des élections dans les territoires palestiniens est judicieuse car elle permettra de faire émerger des responsables représentatifs et de crédibiliser le futur Etat palestinien ;

- moins que l'état de santé de Yasser Arafat, ce sont les tirs de missiles de plus en plus proches de sa résidence qui font peser un risque sur son intégrité physique ;

- le navire Karin A, arraisonné par l'armée israélienne en Mer Rouge, participait à un commerce d'armes qui est généralisé dans l'ensemble de la région ;

- bien que les négociations entre Shimon Pérès et Abou Ala se poursuivent, Ariel Sharon en récuse les résultats, rappelant qu'il n'a donné aucun mandat en ce sens à son ministre des affaires étrangères ; dans le cadre des discussions, l'idée d'une reconnaissance préalable de l'Etat palestinien est évoquée, comme point de départ de négociations ultérieures de mise en oeuvre avec des garanties internationales ;

- l'initiative prise par les parlements des quinze pays européens, à la suite d'une réunion interparlementaire euroméditerranéenne, en vue d'une venue des présidents d'assemblées législatives israélien et palestinien devant le conseil législatif palestinien, d'une part, et la Knesset, d'autre part, paraît très positive, même si de fortes pressions s'exercent sur le Président Burg pour qu'il ne se rende pas à Ramallah ; il est néanmoins nécessaire de donner toute sa place à la diplomatie parlementaire.