Table des matières




Mercredi 18 décembre 2002

- Présidence de M. André Dulait, président -

Union européenne - Conseil européen de Copenhague - Audition de Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, présidée par M. André Dulait, président, et la délégation pour l'Union européenne, présidée par M. Hubert Haenel, président, ont procédé à l'audition deMme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes auprès du ministre des affaires européennes, sur les résultats du Conseil européen de Copenhague.

Mme Noëlle Lenoir a abordé dans un premier temps les modalités de l'élargissement de l'Europe. Au Conseil européen de Copenhague, même si les négociations finales ont été extrêmement âpres au sujet du coût de l'élargissement, la décision de permettre l'adhésion effective en 2004 de dix nouveaux pays constitue un événement historique. Le territoire de l'Union européenne augmentera de 20 % et sa population, de 75 millions d'habitants. Par ailleurs, le Conseil européen a réaffirmé, à l'intention de la Roumanie et de la Bulgarie, que les négociations ouvertes en 1998 et 1999 faisaient partie d'un même processus d'élargissement et qu'il souhaitait l'adhésion en 2007 de ces deux pays, sous réserve que les négociations soient achevées. A cette fin, les crédits de pré-adhésion ont été abondés, qui permettront à ces pays de satisfaire plus rapidement aux critères d'adhésion, notamment dans les domaines de l'énergie, de la sécurité sanitaire, de la justice et des affaires intérieures.

Au sujet de Chypre, le Conseil européen a regretté que l'île reste divisée et a demandé à ce qu'un règlement politique intervienne sur la base des propositions du secrétaire général des Nations unies. Il a renouvelé son souhait que l'île de Chypre réunifiée puisse adhérer à l'Union européenne.

Les discussions sur la demande d'adhésion de la Turquie se sont fondées sur la proposition franco-allemande qui prenait en compte l'avancement considérable de la démarche turque en direction de l'Europe, tout en tenant compte des difficultés. Aussi bien, une clause de rendez-vous permettant le réexamen de la situation de la Turquie a-t-elle été retenue pour décembre 2004. A cette date, le Conseil décidera d'ouvrir sans délai des négociations avec la Turquie, si celle-ci respecte les critères politiques définis à Copenhague en 1993. La réaffirmation de la conditionnalité de l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne s'accompagnera d'un doublement des crédits de pré-adhésion, de l'extension de l'union douanière aux services et aux marchés publics, du renforcement des coopérations en matière de justice et d'affaires intérieures et de la possibilité, pour la Turquie, de participer aux différentes agences européennes. Le Conseil européen a en outre demandé à la Commission de lui faire des propositions, début 2003, pour établir un partenariat révisé avec Ankara.

Le Conseil européen de Copenhague a en outre précisé les conditions de financement de l'élargissement. Le plafond fixé à Berlin n'est pas dépassé. La politique agricole commune, pour les années 2007-2013, n'est pas remise en cause et des facilités de trésorerie ont été accordées, par anticipation, à partir des fonds structurels.

Abordant, dans un second temps, la défense européenne, Mme Noëlle Lenoir a indiqué que la Turquie avait levé son opposition aux arrangements permanents entre l'OTAN et l'Union européenne. Celle-ci pourra donc acquérir une visibilité militaire sur le terrain en prenant la relève de l'OTAN en Bosnie et en Macédoine.

Enfin, Mme Noëlle Lenoir a expliqué que le Conseil européen avait abouti, en matière de sécurité maritime, à décider l'accélération de la mise en oeuvre des mesures dites « Erika I et II », visant à faire disparaître les navires les plus anciens. De plus, à la demande de la France et de l'Espagne, une révision globale du régime de responsabilité et de sanction a été demandée à la Commission en vue d'une action de l'Union européenne devant l'Organisation maritime internationale.

A la suite de l'exposé du ministre délégué aux affaires européennes, un débat s'est engagé avec les commissaires.

M. André Dulait, président, s'est interrogé sur la réalité de la volonté des différents pays européens à prendre, au nom de l'Union, le relais de l'OTAN en Bosnie-Herzégovine.

Mme Noëlle Lenoir a souligné que le résultat obtenu à Copenhague permettrait de progresser dans le sens de la construction d'une Europe de la défense en conduisant à des réalisations concrètes, en particulier pour la relève de la SFOR en Bosnie-Herzégovine.

M. Xavier de Villepin s'est félicité de la formule de la clause de rendez-vous retenue pour traiter le cas de la Turquie. Il s'est demandé si les arrangements finalement obtenus entre l'OTAN et l'Union européenne ne traduisaient pas la volonté américaine de pouvoir disposer de troupes supplémentaires pour une éventuelle intervention en Irak. Enfin, il a souhaité savoir comment serait traité le cas de Chypre si les négociations de réunification devaient échouer avant mars 2003.

Mme Noëlle Lenoir a apporté les précisions suivantes :

- il était important de ne pas décourager les progrès remarquables faits par la Turquie depuis 1999 et l'espoir que fait naître au sein du peuple turc la perspective d'une adhésion à l'Union européenne. La solution retenue souligne que l'adhésion à l'Union européenne n'est pas un droit, mais qu'elle est soumise à des conditions que les candidats doivent satisfaire. Elle a été ainsi l'occasion de réaffirmer le caractère spécifique du projet européen et a fait apparaître que l'éventuel élargissement à la Turquie n'était pas de même nature que celui, en cours, aux vingt-sept pays d'Europe centrale et orientale ;

- l'accord OTAN-Union européenne permettra à l'Europe de faire ses preuves en matière de sécurité. Il s'agit à cet égard d'un message fort en direction de l'Europe balkanique ;

- si la réunification de Chypre n'avait pas lieu, l'Etat de Chypre adhérerait divisé à l'Union européenne. Cette adhésion n'aurait d'effet que pour la partie sud de l'île et serait suspendue à la réunification pour la partie nord.

M. Louis Mermaz a salué la dynamique de l'élargissement, tout en insistant sur l'articulation nécessaire avec le travail de la Convention pour l'avenir de l'Europe. Il a souhaité savoir quel serait le devenir de ce processus dans l'hypothèse où un Etat candidat ne procéderait pas à la ratification du traité d'adhésion. Il a considéré qu'une adhésion de la Turquie changerait la nature de l'Union européenne et a marqué son inquiétude quant à la position très spécifique de l'armée dans ce pays.

Mme Noëlle Lenoir a rappelé la force du souhait de la population turque d'être arrimée à l'Europe. S'agissant de la question du traité d'adhésion, elle a précisé qu'un Etat candidat qui ne procèderait pas à sa ratification se placerait hors du processus sans préjudice de sa poursuite pour les autres candidats. En revanche, l'hypothèse d'une non-ratification par un des quinze Etats membres actuels conduirait au blocage de l'ensemble de l'élargissement.

M. Robert Badinter a marqué sa préoccupation quant à l'articulation des calendriers respectifs de ratification du traité d'adhésion et du traité constitutionnel. Signalant qu'une « clause de sortie » qui serait inscrite dans le traité constitutionnel ne lui semblait pas juridiquement possible, il a considéré que l'application du traité de Nice à une Europe élargie à 25 Etats était ingérable. Il a regretté que les conditions institutionnelles d'un élargissement réussi ne puissent être finalement mises en place qu'après l'élargissement.

Mme Noëlle Lenoir a reconnu que des interférences pourraient survenir entre les deux processus de ratification. Elle a signalé que cette question touchait également au rôle dévolu à la conférence intergouvernementale qui suivra la Convention. Elle a rappelé les différentes échéances des deux processus, signalant que la nouvelle constitution ne pourrait en tout état de cause pas être effective avant 2005.

M. Robert Del Picchia s'est interrogé sur les procédures de ratification du traité d'élargissement (référendaires ou législatives), qui seront retenues par les quinze Etats membres de l'Union européenne. Considérant la question de Chypre et de la Turquie, il s'est inquiété d'une utilisation éventuelle de la question chypriote par les Turcs pour obtenir leur entrée dans un processus d'adhésion. Il a également souhaité connaître la position des pays neutres sur la conclusion des arrangements entre l'OTAN et l'Union européenne. S'agissant de Malte, il a souhaité connaître les conditions d'un meilleur contrôle des pavillons de complaisance et a rappelé ses propositions de création d'un couloir maritime contrôlé pour le renforcement de la sécurité maritime.

Mme Noëlle Lenoir a précisé que la conclusion des arrangements de « Berlin plus » n'avait suscité aucune réserve de la part des Etats neutres. Revenant sur la sécurité maritime, elle a indiqué que la convention des Nations unies sur le droit de la mer ne permettait pas un contrôle systématique des navires au-delà de la zone des 12 milles. Elle a signalé que la France, le Portugal et l'Espagne avaient décidé, comme le permet la convention des Nations unies, l'inspection des navires suspects dans la zone des 200 milles.

Mme Hélène Luc s'est interrogée sur les conditions de l'entrée de la Roumanie dans l'Union européenne. Elle a souhaité des précisions sur l'Europe de la défense et le devenir des industries européennes de l'armement alors que certains Etats européens contribuent à l'effort de recherche américain, notamment sur l'avion de combat F35.

M. Aymeri de Montesquiou s'est inquiété du déficit de communication qui entoure le processus d'élargissement, qui continue de susciter de nombreuses réticences dans certaines catégories de la population française. Il a indiqué que toute politique européenne de défense lui paraissait illusoire en l'absence d'efforts budgétaires suffisants des Etats membres. Il a enfin souhaité des précisions sur le régime juridique retenu pour l'enclave de Kaliningrad.

M. Guy Penne a considéré que la question turque ne devait pas occulter l'ensemble du processus européen actuellement en cours. Il a évoqué les perspectives de la politique européenne de défense après l'élargissement, regrettant que l'Europe reste absente de la gestion des conflits israélo-palestiniens ou africains.

M. Didier Boulaud s'est demandé si le choix de ne pas recourir au référendum sur l'élargissement ne conduirait pas les populations à exprimer leur sentiment sur ce processus, lors du référendum sur le traité constitutionnel, avec les risques que cela pourrait comporter.

M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne, a souhaité recueillir la réaction de la ministre déléguée sur les récentes déclarations du Premier ministre britannique, se félicitant de ce que les pays candidats avaient de l'Europe une conception proche de la conception britannique.

Mme Noëlle Lenoir a apporté les précisions suivantes :

- évoquant la Roumanie, elle a précisé que l'accord de réadmission signé par les ministres français et roumain de l'intérieur était accompagné de mesures sociales et d'un important abondement de crédits. Même si des difficultés persistent, du fait de la pauvreté qui sévit en Roumanie, les évolutions récentes marquent plutôt des progrès ;

- sur l'Europe de la défense, elle a relevé que, quelles que soient les motivations qui y avaient présidé, les progrès étaient acquis. Conscients des problèmes de stabilisation, les pays candidats ont marqué leur intérêt pour les arrangements OTAN-Union européenne. Elle a cependant noté que l'idée de critères de convergence en matière de capacités militaires n'avait pas été retenue dans la contribution franco-allemande à la Convention sur cette question de l'Europe de la défense.

Au sujet de Kaliningrad, elle a précisé que la méthode retenue avait pour principal objectif de ménager la Russie. Les mesures proposées ont été admises par les Lituaniens et les Polonais, et la Commission doit formuler des propositions pour la délivrance facilitée aux Russes de documents de transit. L'accord intervenu n'est pas encore totalement applicable. Elle a signalé que Kaliningrad serait beaucoup mieux contrôlée si des parcours de transit obligés étaient définis.

Revenant sur la sécurité maritime, elle a indiqué que les propositions de la Commission devraient porter sur un réexamen des régimes de responsabilités et de sanctions.

Evoquant enfin la déclaration de M. Tony Blair, elle a considéré qu'elle relevait plutôt du souci de trouver des appuis dans le cadre de la Convention et de la dynamique qu'elle permet pour forger l'Union future.

Nomination de rapporteur

Puis la commission a désigné M. Michel Pelchat comme rapporteur sur le projet de loi n° 287 (2001-2002) relatif à la répression de l'activité de mercenaire.