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Mercredi 5 mars 2003

- Présidence de M. André Dulait, président -

Audition de M. Dominique Moïsi, Conseiller spécial de l'Institut français des relations internationales (IFRI), sur la crise irakienne et ses répercussions

La commission a entendu M. Dominique Moïsi, Conseiller spécial de l'Institut français des relations internationales (IFRI), sur la crise irakienne et ses répercussions.

Après avoir estimé que la guerre apparaissait désormais certaine, M. Dominique Moïsi a rappelé, en premier lieu, les difficultés qu'avaient récemment rencontrées les Etats-Unis dans la mise en oeuvre de leur stratégie, relevant notamment le refus du Parlement turc d'accepter le déploiement de troupes américaines en vue d'une attaque de l'Irak. Cependant, a estimé M. Dominique Moïsi, cette décision qui n'est pas de nature à réduire la détermination américaine, n'emporte par ailleurs pas que des inconvénients pour les Etats-Unis, l'éventualité d'une occupation du Kurdistan irakien par les troupes turques risquant de poser de nombreuses difficultés pour l'après-Saddam Hussein.

Analysant ensuite la position de la France, qu'il a considérée comme un « pari audacieux, risqué, voire imprudent », M. Dominique Moïsi a souligné qu'elle exprimait le sentiment d'une large majorité de Français et d'Européens opposés à la guerre. Au sein des opinions publiques, on ne peut établir de distinction entre « nouvelle » et « vieille » Europe, le mouvement d'opposition à la guerre ayant démontré l'émergence d'une société civile européenne. Les gouvernements européens restent en revanche, pour leur part, divisés dans leur approche de la crise, la « Lettre des Huit » étant apparue comme une violation de l'esprit et des règles des traités européens et un recul de la construction d'une politique étrangère et de sécurité commune. M. Dominique Moïsi a en outre estimé que la position française était très dépendante de l'évolution des positions russe et chinoise, la Chine, et vraisemblablement la Russie, ayant un intérêt stratégique à s'abstenir en cas de vote sur une seconde résolution américaine. La France risque donc, a estimé M. Dominique Moïsi, d'être seule à envisager d'utiliser son droit de veto, ce qui emporterait de lourdes conséquences pour l'Europe et, au-delà, pour le système international, en rendant l'intervention américaine illégitime. A l'opposé, une abstention de la France serait néanmoins délicate à expliquer à l'opinion publique, après que notre pays eut été à la pointe du mouvement opposé à la guerre.

Abordant alors les conséquences à terme du futur conflit, M. Dominique Moïsi a estimé que l'alliance transatlantique traversait la plus grave crise depuis la fin de la guerre froide. Il a fait observer que l'Europe et les Etats-Unis n'étaient plus, comme dans le passé, unis par le combat commun contre le communisme et que la politique extérieure américaine avait été profondément modifiée par les attentats du 11 septembre 2001 et l'arrivée aux responsabilités d'une administration républicaine dominée par un nationalisme de nature religieuse. Les Etats-Unis développent aujourd'hui une vision stratégique très ambitieuse, qui pourrait, toutes proportions gardées, se rapprocher de la stratégie du « roll back » prônée, dans l'après-guerre, par le Secrétaire d'Etat John Foster Dulles. Les Américains ont la volonté d'agir sur les événements de manière dynamique, notamment en modifiant profondément la carte du Moyen-Orient, alors que cette politique apparaît à beaucoup d'Européens comme irréaliste. Enfin, M. Dominique Moïsi, s'il a jugé que la guerre serait vraisemblablement rapide, compte tenu du différentiel de puissance et de l'affaiblissement de la détermination irakienne, s'est interrogé sur le risque, pour les Etats-Unis, et pour les Européens avec eux, de perdre la paix.

A la suite de l'exposé de M. Dominique Moïsi, un débat s'est engagé avec les commissaires.

M. Xavier de Villepin s'est interrogé sur l'influence que pouvait avoir sur la position du président russe Poutine la proximité des élections législatives et présidentielles, alors que sa politique de rapprochement avec l'Occident est contestée. Il s'est également demandé si une conciliation était encore possible pour prévenir le conflit, au moment où on assiste à une évolution sensible de la position irakienne sur la question du désarmement et qu'il persiste des incertitudes sur la gestion de l'après-guerre.

M. Jean-Pierre Masseret s'est inquiété du risque de « vassalisation » de l'Europe par rapport aux Etats-Unis que comportait la position de certains de nos partenaires européens actuels ou futurs. Il s'est interrogé sur la possibilité, pour les Européens, de sortir « par le haut » de la crise en dépassant leur absence actuelle de cohésion par une relance du projet politique européen fondé notamment sur la construction de l'Europe de la défense.

M. Robert Del Picchia s'est interrogé sur les possibilités d'éviter la guerre et de favoriser le travail des inspecteurs, ainsi que sur la capacité des Etats-Unis à assurer l'administration de l'Irak après la chute de Saddam Hussein.

M. Pierre Biarnès a souligné la volonté de l'élite russe de ne plus reculer vis-à-vis des Etats-Unis. Il a relevé les difficultés de gestion de l'après-guerre en Afghanistan, estimant que les Etats-Unis y avaient perdu la paix. Pour lui, la France, par sa position, s'était acquis une forte popularité, notamment dans le monde musulman, et, en dépit d'un éventuel isolement, elle en sortirait grandie.

M. Serge Vinçon s'est demandé comment la France pourrait jouer un rôle à la fois dans la construction de la paix, en partenariat avec les pays arabes, et dans la reconstruction d'un projet européen aux côtés de l'Allemagne.

M. Didier Boulaud, après avoir estimé que la solution la plus favorable pour la France serait que le projet de résolution américain n'obtienne pas la majorité au Conseil de Sécurité, s'est interrogé sur les conditions d'une éventuelle association de la France au conflit, sur les ambiguïtés de la position de M. Tony Blair vis-à-vis de l'Europe de la défense et enfin sur les conséquences régionales du conflit, notamment par le développement du terrorisme.

Mme Danielle Bidard-Reydet s'est étonnée que certains gouvernements souhaitent engager un conflit avec l'Irak au nom de la démocratie, alors qu'ils ne se rangent pas à l'opinion majoritaire de leur population, défavorable à la guerre. Elle s'est demandé dans quelle mesure la pression pouvait encore s'accroître pour accélérer le désarmement de l'Irak, certaines déclarations d'autorités américaines laissant entrevoir que le conflit se produirait quoi qu'il arrive. Elle a estimé que l'usage éventuel, par la France, de son droit de veto faisait l'objet d'une dramatisation excessive, alors qu'il s'agit d'une pratique utilisée à de multiples reprises au sein du Conseil de sécurité. Elle a considéré que si la France renonçait à exercer son veto, elle compromettrait l'influence et le capital de confiance que lui ont valus ses positions au cours des derniers mois.

Mme Hélène Luc a souligné l'écho rencontré de par le monde par les positions défendues par la France. Elle a évoqué la possibilité, pour les Etats-Unis, de ne pas soumettre au vote le projet de résolution co-signé avec la Grande-Bretagne et l'Espagne. Elle a interrogé M. Dominique Moïsi sur la démarche des pays arabes en vue d'une démission de Saddam Hussein.

M. Guy Penne a évoqué l'hypothèse d'une évolution des opinions publiques si la présence d'armes de destruction massive en Irak venait à être confirmée après le conflit.

M. André Dulait, président, s'est interrogé sur les perspectives de l'Alliance atlantique, au vu notamment des projets de modification des stationnements de troupes américaines en Europe.

A la suite de ces interventions, M. Dominique Moïsi a apporté plusieurs précisions.

S'agissant de la Russie, il a estimé que sa politique prenait désormais très largement en compte la défense des intérêts économiques nationaux. Le Président Poutine lui-même a déclaré à diverses reprises qu'au moment où le Moyen-Orient devient une région de plus en plus instable et dangereuse, la Russie peut offrir au monde occidental une source d'approvisionnement beaucoup plus sûre en gaz naturel et en pétrole. Dans cette perspective, et plutôt que de s'opposer à Washington, il est tentant pour Moscou de chercher à profiter de la situation nouvelle que créerait un changement de régime à Bagdad pour renforcer considérablement les parts de marché des compagnies pétrolières russes, majoritairement en Irak mais également dans tout le Moyen-Orient. Ainsi, M. Dominique Moïsi a-t-il jugé probable que la Russie, en dernier ressort, se désolidarise de la position jusqu'à présent soutenue par la France.

Il a ensuite évoqué l'attitude des autorités irakiennes, estimant que les signes récents en matière de désarmement étaient à la fois trop limités et trop tardifs, Bagdad s'efforçant manifestement de gagner du temps afin de retarder les opérations militaires jusqu'à la période des fortes chaleurs. Il a ajouté que dans l'hypothèse où les troupes américaines, une fois entrées en Irak, mettraient à jour d'importants stocks de munitions chimiques ou biologiques dissimulées jusqu'à présent, le système des inspections internationales s'en trouverait durablement déconsidéré.

S'agissant des opérations militaires, M. Dominique Moïsi a estimé qu'elles viseraient essentiellement à détruire les centres de contrôle et de commandement irakiens, ainsi que quelques objectifs stratégiques, et à sécuriser les puits de pétrole. La prise de contrôle du territoire irakien ne s'étendrait pas jusqu'à Bagdad, en l'attente de la chute du régime que certains observateurs jugent probable. A cet égard, une récente étude de l'International Crisis Group (ICG), réalisée à partir d'enquêtes sur place, considère qu'une majorité de la population irakienne souhaite que le conflit permette le départ de Saddam Hussein.

Abordant les incidences de la crise actuelle sur la construction européenne, M. Dominique Moïsi a rappelé que la France avait toujours vu dans le projet européen un multiplicateur de puissance. Il apparaît aujourd'hui que l'Europe, et notamment l'Europe élargie, seule à même de s'affirmer comme un ensemble politique disposant des moyens de ses ambitions, ne peut se construire contre les Etats-Unis.

Evaluant l'attitude du gouvernement britannique, M. Dominique Moïsi a salué en Tony Blair un dirigeant qui agit selon ses convictions profondes, et ce indépendamment du sentiment de son parti ou de l'opinion publique.

En ce qui concerne l'après-guerre, il a souligné que la capacité de la France et de l'Europe d'y apporter une contribution active serait étroitement conditionnée aux positions prises avant le conflit : l'isolement durant « l'avant-conflit », dont la traduction maximale serait l'usage par la France de son droit de veto, compromettrait toute implication dans la reconstruction et « l'après-conflit ».

Le rapprochement franco-allemand, a poursuivi M. Dominique Moïsi, est aujourd'hui bienvenu, mais il traduit plus des facteurs circonstantiels qu'un retour aux relations des dernières décennies. Les responsables allemands mesurent en outre actuellement le risque pris en s'opposant à tout scénario de conflit armé, y compris avec l'aval des Nations unies.

M. Dominique Moïsi a ensuite analysé les conséquences d'un conflit sur l'ensemble de la région moyen-orientale. Il a précisé que certains milieux diplomatiques américains estiment qu'un changement de régime à Bagdad mettrait les Etats-Unis en position de force pour exiger d'Israël une évolution de sa politique sur la question palestinienne. Cette idée rejoint l'aspiration, sans doute illusoire, à l'instauration d'un arc de stabilité s'appuyant sur l'Irak, la Turquie, l'Iran et Israël, permettant la diffusion de la démocratie dans toute la région.

M. Dominique Moïsi a conclu en estimant que l'attitude actuelle des Etats-Unis rappelait la conception « bismarckienne » des relations internationales, fondée sur l'intérêt des Etats, en vigueur en Europe à la fin du XIXe siècle, alors que certains européens témoignent aujourd'hui d'une approche plus « internationaliste », à l'image des Américains il y a plus d'un siècle. Il a ajouté que la détermination américaine actuelle reposait sur une dimension religieuse et une vision fondamentalement optimiste des effets bénéfiques de la puissance, avec tous les risques que cela comporte.

Mission d'information dans la Corne de l'Afrique - Compte rendu

Puis la commission a entendu le compte rendu fait par M. André Dulait, président, d'une mission effectuée par une délégation de la commission dans la corne d'Afrique du 14 au 23 février 2003.

M. André Dulait, président, a tout d'abord rappelé le contexte de ce déplacement, qui a successivement conduit la délégation composée, outre lui-même, de Mmes Paulette Brisepierre et Hélène Luc, et MM. Didier Boulaud, André Boyer et Louis Moinard, en Erythrée, à Djibouti, en Ethiopie, puis au Soudan. Cette mission, accomplie dans une région de l'Afrique avec laquelle la France entretient peu de liens, hormis son implantation militaire à Djibouti, visait à faire le point sur l'état des relations actuelles entre l'Erythrée et l'Ethiopie, après le sanglant conflit qui a opposé ces deux pays de 1998 à 2000. Elle visait également à s'informer de l'état des pourparlers de paix intersoudanais, qui pourraient mettre le terme à une longue guerre civile. Quant à Djibouti, la délégation voulait apprécier l'état de notre déploiement militaire dans ce pays.

Evoquant tout d'abord l'Erythrée, M. André Dulait, président, a souligné que ce pays très pauvre de 4 millions d'habitants était aujourd'hui confronté à la nécessité de démobiliser progressivement les quelque 250 000 personnes, hommes ou femmes, qui sont encore sous les drapeaux. Ce processus de démobilisation s'accomplit avec une grande lenteur, notamment du fait du manque d'emploi à offrir aux personnes regagnant la vie civile. Les relations extérieures que l'Erythrée entretient avec ces différents voisins, notamment le Soudan et l'Ethiopie, sont manifestement dégradées par une série d'initiatives intempestives prises ces derniers mois par le président Afeworki. La communauté internationale, après avoir beaucoup pesé sur l'Erythrée et l'Ethiopie pour qu'elles mettent enfin un terme à leur conflit, ce qui a été acquis en 2000, a constitué une mission des Nations unies, la MINUEE (mission d'observation des Nations unies en Ethiopie et en Erythrée). La délégation a rencontré son responsable, qui a le statut de représentant spécial de secrétaire général des Nations unies. Les opérations actuelles de délimitation de la frontière officielle entre les deux pays, dont la MINUEE est actuellement chargée, sont mieux acceptées par l'Erythrée que par son ancien adversaire.

Sur le plan intérieur, le pays reste marqué par les séquelles de la lutte pour l'indépendance sur l'Ethiopie -acquise en 1991- qui pèsent fortement sur les libertés publiques, au point que l'aide européenne à ce pays a été suspendue. Abordant les relations bilatérales entre la France et l'Erythrée, M. André Dulait, président, s'est félicité de deux projets récemment réalisés par la France, dont un laboratoire de contrôle de la qualité des eaux et des produits de la mer, installé à Massawa, un des principaux ports érythréens sur la Mer Rouge et, dans la capitale, Asmara, des travaux de rénovation du réseau d'alimentation en eau, réalisés par des sociétés françaises et financés par l'Agence française de développement.

S'agissant de Djibouti, M. André Dulait, président, a précisé que le séjour de la délégation avait été largement consacré aux forces françaises qui y sont déployées. Comptant au total quelque 2 800 militaires des trois armées et de la gendarmerie, ces forces disposent à Djibouti d'une zone d'entraînement unique pour la formation d'unités tournantes au combat et à la vie dans des zones désertiques.

M. André Dulait, président, a également souligné que la délégation avait assisté à une présentation de matériels terrestres, puis à des manoeuvres aériennes qui ont illustré les capacités de nos troupes tant au combat qu'à des missions d'évacuations de civils ou de militaires blessés. Nos soldats disposent également d'un service de santé basé au centre hospitalier Bouffard qui accueille largement les civils français et djiboutiens. Les autorités djiboutiennes sont favorables à la présence des militaires français sur leur sol en contrepartie, il est vrai, de compensations financières d'un montant sans cesse croissant, mais ne semblent pas être pleinement conscientes du rôle stabilisateur de nos forces sur leur sol. M. André Dulait, président, a rappelé qu'outre un détachement de la marine allemande, qui stationnait à Djibouti depuis quelques mois en parfaite coordination avec le commandement français, un millier de soldats américains y était également déployé depuis le milieu de l'année 2002. La situation géopolitique très appréciable de Djibouti, qui se situe au débouché de la Mer Rouge, a en effet conduit les Etats-Unis à souhaiter y disposer d'un point d'appui militaire. Les rapports entre ces forces américaines, les autorités djiboutiennes et le commandement français, d'abord marqués d'incompréhension mutuelle, se sont progressivement aplanis.

Abordant ensuite l'Ethiopie, M. André Dulait, président, a exposé la situation humanitaire tendue dans laquelle une sécheresse de grande ampleur plonge les 65 millions d'habitants de ce pays. A la différence de nombre de nos partenaires occidentaux, la France n'a pour l'instant apporté à ce pays qu'une faible aide d'urgence, de 6 000 tonnes de céréales, ce que les officiels éthiopiens n'ont pas manqué de déplorer. Cette relative déception est accentuée par le fait que l'Ethiopie a été récemment intégrée dans la Zone de Solidarité Prioritaire (ZSP), intégration qui aurait dû la faire bénéficier de l'aide publique française au développement. Or, aucun projet n'a encore été arrêté dans ce cadre, et M. André Dulait, président, s'est interrogé sur l'opportunité de cette extension récente de la ZSP, alors que les crédits affectés à l'aide publique avaient, ces dernières années, considérablement diminués. Il a cependant relevé deux éléments forts de satisfaction pour la France constatés par la délégation lors de son bref passage à Addis Abeba ; il s'agit tout d'abord de la rénovation et de l'extension des locaux de l'Alliance française, qui accueille un public nombreux et curieux de notre langue et de notre culture. Quant au lycée franco-éthiopien Guébré Mariam qui scolarise 1 800 élèves, dont une centaine de français, il est l'établissement de référence pour les cadres éthiopiens du fait de l'excellente qualité de son enseignement. M. André Dulait, président, a cependant souligné que, faute d'un relais suffisant en matière de bourses françaises allouées aux étudiants éthiopiens, ceux-ci accomplissaient leurs études supérieures dans d'autres pays que le nôtre, et prioritairement aux Etats-Unis. Cette inconséquence de la politique de formation de notre pays a été vivement déplorée par l'ensemble de la délégation.

Evoquant ensuite le Soudan, M. André Dulait, président, a fait un rapide historique des relations conflictuelles qui marquent, depuis l'indépendance acquise en 1956, les régions Nord et Sud de ce grand pays, le premier d'Afrique par la superficie de quelque 2,5 millions de kilomètres carrés. Cependant, une évolution positive a été constatée ces derniers mois, avec des négociations intersoudanaises qui se sont tenues au Kenya, à l'instigation du sénateur américain Danforth. L'accord qui y a été conclu est en cours d'interprétation entre les deux parties, notamment sur le plan très sensible du partage des richesses économiques. M. André Dulait, président, a rappelé que le président de la République française venait de désigner un émissaire particulier pour assister à ces pourparlers. Les entretiens que la délégation a eus avec différentes autorités soudanaises ont démontré le vif intérêt de ce pays pour la France, que ce soit sur les plans économique, financier ou culturel. La délégation a pu, lors de son bref séjour à Khartoum, visiter le centre culturel français, dont les activités n'ont jamais cessé même durant les années d'islamisme militant que pratiquait le Soudan sous l'impulsion d'Hassan El Tourabi.

En conclusion, M. André Dulait, président, a estimé que ce déplacement très dense avait été fructueux, et que la délégation avait partout constaté la très grande popularité que la France devait à ses positions fermes sur l'éventualité d'un conflit en Irak.

Un débat s'est alors instauré au terme de cet exposé.

Mme Hélène Luc a appuyé les propos de M. André Dulait, président, en soulignant l'inquiétude ressentie par les dirigeants de cette partie du monde à la perspective d'un éventuel conflit en Irak. Elle a estimé que l'action de la France dans la corne de l'Afrique devrait être considérablement renforcée, notamment par le biais de la coopération décentralisée. Elle s'est également interrogée sur la pérennité de notre présence à Djibouti, et s'est alarmée des ravages silencieux que provoquait l'épidémie de sida dans cette zone.

M. André Boyer a évoqué la pauvreté des populations de cette région du monde, accentuée par les conséquences prévisibles de l'actuelle sécheresse, qui rendent prioritaires les travaux en matière d'irrigation, pour lesquels la France pourrait proposer son expérience. Ainsi a-t-il souligné que le Soudan pourrait bénéficier d'une bien meilleure répartition de ses ressources hydrauliques grâce à des travaux effectués à partir des eaux du Nil. Evoquant la situation de nos forces à Djibouti, il a déploré que toute manoeuvre maritime des troupes françaises soit soumise à une autorisation explicite du président djiboutien. Il a enfin insisté sur les conséquences extrêmement positives des activités des alliances et établissements d'enseignement français tant sur le rayonnement de notre pays à l'étranger qu'au bénéfice des populations locales intéressées, et ceci malgré le peu de moyens dont disposent ces établissements.

M. Didier Boulaud s'est félicité que cette mission ait démontré à ses membres que notre culture et notre langue n'étaient pas partout en régression, contrairement à une idée reçue en France. Il a évoqué la présence américaine multiforme constatée dans les différents pays visités. Ainsi, en Ethiopie, cette présence se manifeste sous la forme d'une aide alimentaire, en Erythrée par des projets à la fois économique, humanitaire ou écologique, par exemple. Il s'est dit frappé par cette présence et ces actions qui se déploient en dépit des critiques théoriques formulées par les dirigeants de la zone contre les Etats-Unis. Cette présence, sous des aspects divers, soulignent a contrario l'absence marquante de l'Union européenne et de ses membres, dans cette zone.

Mme Paulette Brisepierre s'est dite inquiète, s'agissant de l'Erythrée, de la discordance entre les chiffres annoncés par les autorités en matière de démobilisation et les informations qu'elle avait pu recueillir sur ce point par d'autres sources.

Enfin, M. Robert Del Picchia s'est réjoui de l'hommage rendu par les membres de la délégation aux activités des établissements d'enseignement français à l'étranger, alors que les moyens dont ils disposent sont très largement insuffisants, et a souhaité leur renforcement.

Au terme de ce débat, la commission a décidé la publication de cette communication sous forme de rapport d'information.

Mission d'information à l'étranger - Communication

Puis, sur la proposition de M. André Dulait, président, la commission a décidé du principe d'une mission d'information en Egypte, au cours du mois d'avril 2003.