Table des matières




Mercredi 11 juin 2003

- Présidence de M. André Dulait, président -

Traités et conventions - Convention franco-suisse portant rectifications de la frontière entre les départements de l'Ain et de la Haute-Savoie et le canton de Genève - Examen du rapport

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a examiné le rapport de M. Didier Boulaud sur le projet de loi n° 221 (2002-2003) autorisant la ratification de la convention entre la République française et la Confédération suisse portant rectifications de la frontière entre les départements de l'Ain et de la Haute-Savoie et le canton de Genève.

Le rapporteur a tout d'abord rappelé qu'une trentaine de rectifications de frontière avaient été effectuées entre la France et la Suisse depuis le XVIe siècle. La présente convention autorise quatre échanges de territoire entre la France et la Suisse, pour une surface totale de 5.578 m2, chacun des deux pays cédant à l'autre une surface équivalente à celle qu'il reçoit. Cet échange porte sur quatre parcelles : la première, d'une superficie de 1.060 m2, vise à ce que la frontière suive le cours actuel du ruisseau de l'Ecraz, qui sépare les communes de Saint-Genis-Pouilly, dans l'Ain, et de Satigny, dans le canton de Genève ; la deuxième, d'une superficie de 2.842 m2, permet à la frontière de suivre le tracé des nouvelles voies forestières qui relient les communes de Viry et de Valleiry, en Haute-Savoie, et la commune de Soral, dans le canton de Genève ; la troisième, de 1.326 m2, permet de faire coïncider la frontière avec le nouveau tracé de la route qui relie la commune de Viry à celle de Soral ; la dernière, de 350 m2, vise à aligner le tracé de la frontière sur le cours actuel du ruisseau Le Chambet, situé entre les communes de Veigy-Foncenex, en Haute-Savoie, et de Jussy dans le canton de Genève.

M. Didier Boulaud, rapporteur, a précisé que la délimitation sur le terrain de ce nouveau tracé de la frontière sera effectuée par les délégués de la commission mixte franco-suisse d'abornement, une fois ratifiée la présente convention. Les frais découlant de ces travaux seront répartis par moitié entre les deux Etats.

En conclusion, il a demandé à la commission d'adopter le projet de convention.

M. André Dulait, président, et Mme Jacqueline Gourault se sont félicités que ce texte permette au tracé de la frontière d'être actualisé en fonction de l'évolution des sites évoqués.

Puis la commission a adopté le projet de loi.

Traités et conventions - Elections des représentants au Parlement européen au suffrage universel direct - Examen du rapport

La commission a ensuite examiné le rapport de Mme Jacqueline Gourault sur le projet de loi n° 246 (2002-2003) autorisant l'approbation de la décision du Conseil modifiant l'acte portant élection des représentants au Parlement européen au suffrage universel direct, annexé à la décision 76/787/CECA, Euratom du Conseil du 20 septembre 1976 (ensemble une annexe).

Mme Jacqueline Gourault, rapporteur, a tout d'abord rappelé que la décision de faire élire les représentants au Parlement européen, au lieu de les faire désigner par les parlements nationaux, avait été prise en 1976 à la suite d'une initiative franco-allemande du Président Giscard d'Estaing et du Chancelier Schmidt. La première élection a eu lieu en juin 1979. L'acte du 20 septembre 1976 fixe le cadre général du mode d'élection des parlementaires européens. Il édicte le principe de leur élection au suffrage universel direct, détermine le nombre des représentants de chaque Etat, la durée quinquennale du mandat, le principe du vote personnel et l'interdiction du mandat impératif. En outre, il définit les privilèges, immunités et incompatibilités des parlementaires européens. Cependant, certaines de ses stipulations sont progressivement apparues peu compatibles avec l'accroissement des prérogatives du Parlement européen, plus particulièrement depuis les traités de Maestricht, Amsterdam et Nice. Il a donc semblé nécessaire de modifier l'acte de 1976 et de progresser vers une plus grande harmonisation des procédures électorales dans les Etats membres.

Dans ce cadre, le Parlement européen a adopté, le 15 juillet 1998, une résolution qui, transmise au Conseil, a fait l'objet d'une négociation avec les Etats. Cette négociation a abouti à la décision adoptée par le Conseil le 25 juin 2002 après que le Parlement européen eut donné son avis conforme le 12 juin précédent.

Mme Jacqueline Gourault, rapporteur, a alors indiqué les points sur lesquels l'acte de 1976 était modifié par les décisions du Conseil. Il s'agit tout d'abord de renforcer la légitimité du Parlement européen en instaurant une élection au suffrage universel direct, libre et secret, au scrutin proportionnel avec un seuil facultatif maximum de 5 % des suffrages exprimés. En outre, les Etats pourront créer les circonscriptions, dans la mesure où cette création ne portera pas atteinte au caractère proportionnel du scrutin. L'incompatibilité entre les mandats de parlementaire national et européen est instituée et la liste des incompatibilités avec les fonctions pouvant être exercées dans des institutions de l'Union européenne est toilettée afin de tenir compte des créations et suppressions. Enfin, les Etats pourront fixer des plafonds de dépenses pour les campagnes électorales.

Mme Jacqueline Gourault, rapporteur, a par ailleurs précisé que le souhait du Parlement européen de créer des listes transnationales pour pourvoir 10 % des sièges et de fixer un jour unique d'élection, le 9 mai dans tous les pays de l'Union européenne, n'avait pas pu être satisfait.

Mme Jacqueline Gourault, rapporteur, après avoir rappelé que ce texte n'entraînerait aucune modification législative puisque les réformes récentes des modes de scrutin avaient d'ores et déjà permis d'intégrer dans la loi électorale les dispositions de la décision du Conseil, a souhaité l'adoption du présent projet de loi.

La commission a alors approuvé le projet de loi.

Traités et conventions - Prévention et répression des infractions contre les personnes jouissant d'une protection internationale - Examen du rapport

La commission a ensuite examiné le rapport de M. Jean-Guy Branger sur le projet de loi n° 257 (2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'adhésion à la convention sur la prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d'une protection internationale, y compris les agents diplomatiques.

M. Jean-Guy Branger, rapporteur, a tout d'abord présenté les principales stipulations de la convention signée à New York le 14 décembre 1973 dans le cadre des Nations unies. Il a indiqué que cette convention faisait partie des premiers instruments internationaux adoptés pour lutter contre la recrudescence du terrorisme dans les années 1960 et 1970. En réaction à la multiplication des attentats, les Etats ont adopté de nombreux textes afin d'aggraver le dispositif juridique de répression et d'organiser leur coopération. Cependant, les pays socialistes et les pays du tiers-monde, à la différence des pays occidentaux, refusaient de condamner de manière globale le terrorisme, estimant que certaines actions pouvaient se justifier dans le cadre des luttes de libération nationale.

La présente convention a pour objectif d'accorder une protection particulière aux personnes jouissant d'une protection internationale, c'est-à-dire les chefs d'Etats et de Gouvernement ainsi que les ministres des affaires étrangères, et leur famille, lorsqu'ils se trouvent à l'étranger, et les agents diplomatiques des Etats ou des organisations internationales. Par la convention, les Etats s'engagent à réprimer les atteintes à ces personnes et à leurs biens, ainsi que le fait de menacer ou de tenter de se rendre complice de tels actes. Ils s'engagent à extrader ou juger toute personne incriminée et à accorder une compétence quasi universelle à leur juridiction pour traiter de ces infractions. Les Etats s'apportent toute l'aide possible en matière de renseignement et d'établissement de la preuve dans le cadre de la prévention et de la répression.

M. Jean-Guy Branger, rapporteur, a ensuite abordé les raisons pour lesquelles la France avait décidé, à l'époque, de ne pas ratifier la convention et les conditions dans lesquelles la position de notre pays avait évolué. Il a ainsi indiqué que la France avait refusé de signer la convention de 1973 car, lors de son adoption, l'Assemblée générale des Nations unies l'avait fait précéder d'un préambule paraissant légitimer le terrorisme dans certaines circonstances. Or, notre pays condamnant, en toute circonstance, le recours au terrorisme ne pouvait adhérer à un texte ambigu que certains Etats voulaient vider de sa substance ou instrumentaliser.

Toutefois, les attentats du 11 septembre et la mobilisation internationale qu'ils ont entraînée ont conduit le conseil de sécurité, par la résolution 1373 du 28 septembre 2001, à demander aux Etats de ratifier l'ensemble des conventions internationales contre le terrorisme, y compris celles de 1973. La France a donc décidé d'y adhérer, tenant compte, par ailleurs, de la très large adhésion obtenue par ce texte en vigueur depuis 1977 et ratifié par 125 Etats, dont 11 de l'Union européenne. Cependant, lors du dépôt de son instrument d'adhésion, la France fera quatre déclarations interprétatives visant à rappeler qu'elle refuse toute justification au terrorisme, à préciser la définition des infractions entrant dans le champ d'application et son articulation avec la convention de 1994 relative à la sécurité des personnels des Nations unies.

M. Jean-Guy Branger, rapporteur, soulignant que l'adhésion de la France à cette convention renforcerait sa position en faveur de la conclusion d'une convention internationale générale contre le terrorisme, a souhaité l'approbation du projet de loi.

Répondant à M André Dulait, président, M. Jean-Guy Branger, rapporteur, a indiqué que la Colombie avait ratifié la convention de 1973 le 16 janvier 1996.

La commission a alors adopté le projet de loi.

Audition de M. Dominique de Villepin, ministère des affaires étrangères

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition de M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères.

Abordant d'abord le dossier irakien, M. Dominique de Villepin a salué l'unité retrouvée du Conseil de sécurité à l'occasion du vote de la résolution 1483 qui organise la reconstruction politique et économique de l'Irak. Il a considéré que ce texte ouvrait la possibilité, pour les Nations unies, de jouer un rôle substantiel et de ménager l'avenir. Les aménagements apportés au texte américain ont notamment permis l'accroissement du rôle du Représentant spécial du Secrétariat général, M. Vieira de Mello, la mise en place d'un mécanisme transparent pour l'utilisation des recettes pétrolières, une extinction plus progressive du programme « pétrole contre nourriture », un contrôle régulier de l'action des puissances occupantes par le Conseil de sécurité ainsi que la révision, dans un an, des dispositions de la résolution.

La résolution 1483 encadre l'activité de la puissance occupante et fixe comme objectif la restauration de la souveraineté irakienne. Elle consacre l'unité du Conseil de sécurité et de la communauté internationale et rappelle le cadre juridique de la Charte des Nations unies et du droit international humanitaire. Elle ne traduit pour autant, ni une légitimation a posteriori, ni la subordination de l'ONU aux occupants. Il conviendra d'exploiter toutes les potentialités de ce texte pour permettre la pleine implication de la France et de la communauté internationale dans la reconstruction de l'Irak.

Sur le terrain, a rappelé M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères, la situation reste marquée par une grande incertitude, notamment politique. La sécurisation demeure incomplète, les tensions interethniques restent fortes et l'Irak connaît une situation de pénurie alimentaire et énergétique.

M. Dominique de Villepin a ensuite détaillé les mesures prises par l'administrateur américain Paul Bremer pour assurer la maîtrise de la situation, notamment par la récupération des armes en circulation, et la normalisation de la situation dans les administrations. Pour autant, la situation précaire que connaissent nombre de personnes privées d'emploi par la dissolution des forces armées irakiennes et des services de renseignement nourrit le ressentiment de la population.

Ce contexte a conduit à différer le processus politique et au report de la conférence nationale irakienne. Certains partis sont partagés entre la volonté de participer au processus et celle de ne pas se compromettre avec les forces occupantes. En dépit des incertitudes, la France a réactivé sa section d'intérêts à Bagdad où sont désormais présents cinq diplomates. L'objectif est que la France retrouve toute sa place dans un Irak reconstruit et souverain.

M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères, a ensuite fait le point sur le processus de paix au Proche-Orient. Il a tout d'abord indiqué que le réengagement américain sur ce sujet avait permis d'amorcer une relance du processus de paix autour de la feuille de route du quartet. A l'occasion des sommets de Charm el Cheikh et d'Aqaba, la volonté d'appliquer le plan de paix élaboré par la communauté internationale a été réaffirmée mais les événements des derniers jours montrent la fragilité persistante du processus.

M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères, a salué la détermination des Etats-Unis à trouver une issue au dossier israélo-palestinien et la volonté d'avancer de MM. Ariel Sharon et Mahmoud Abbas. Le Premier ministre israélien a ainsi entériné la notion « d'Etat palestinien viable », indissociable de la sécurité d'Israël. Du côté palestinien, le rejet du terrorisme et de l'intifada armée a été réaffirmé.

Les perspectives restent cependant incertaines. En Israël, le plan de paix rencontre la division de la coalition gouvernementale et la résistance des colons. Les réserves formulées sur la feuille de route portent sur des points essentiels. Le démantèlement d'implantations en grande partie inhabitées demeure insuffisant au regard de l'ampleur prise par la colonisation. Du côté palestinien, la position du Premier ministre doit absolument être renforcée par l'amélioration rapide de la vie quotidienne de ses concitoyens, amélioration qui semble loin d'être effective pour le moment.

La violence a repris sur le terrain, a rappelé le ministre, qui a notamment évoqué la tentative d'élimination par l'armée israélienne d'un responsable du Hamas, M. Abdelaziz Rantissi, suivie, aujourd'hui même, par un nouvel attentat suicide particulièrement meurtrier. Face à ces multiples tensions, la pression américaine devra être maintenue mais ne sera pas suffisante. L'Union européenne doit voir son rôle renforcé dans la mesure où elle est très largement à l'origine de la feuille de route. Les prochaines échéances, notamment les prochaines réunions du quartet et la mise en place du mécanisme de supervision de la feuille de route, devront donc être exploitées pour réinsérer les Européens dans le processus de paix.

L'Union européenne a vocation à partager les responsabilités dans le règlement de la question israélo-palestinienne. Il appartiendra à la présidence italienne de jouer un rôle majeur sur ce sujet, a rappelé le ministre des affaires étrangères qui a affirmé la détermination et la vigilance françaises, ainsi que la volonté des pays européens de préserver le statut de Yasser Arafat comme interlocuteur dans les pourparlers.

Un débat avec les commissaires a suivi l'intervention du ministre.

M. Louis Mermaz a évoqué la découverte de charniers en Irak qui confirme la nature du régime de Saddam Hussein. Il a souhaité connaître le nombre de victimes civiles causées par les bombardements de la coalition. En évoquant le débat sur les armes de destruction massive qui fait actuellement l'objet d'une polémique au Royaume-Uni, il a souhaité savoir ce qu'il en était aux Etats-Unis. Il a souhaité savoir de quelle façon seraient préservés les intérêts français dans le secteur du pétrole et comment avait été appréciée la position française dans le monde arabe. Enfin, il s'est interrogé sur l'évolution de la situation dans le secteur kurde de l'Irak.

M. Claude Estier s'est associé aux interrogations concernant les armes de destruction massive.

M. Christian de La Malène s'est inquiété de la représentation des intérêts français en Irak.

Mme Danielle Bidard-Reydet a salué la détermination des Européens à considérer Yasser Arafat comme un interlocuteur crédible. Elle s'est interrogée sur la remise en cause, ces derniers jours, des espoirs mis dans le processus de paix. Elle a décrit les événements récents comme la répétition d'un même scénario suivant systématiquement une période de calme : l'assassinat ciblé d'une personnalité palestinienne issue des milieux extrémistes, suivi d'une riposte sous forme d'attentat qui déchaîne à nouveau l'engrenage de la violence. La répétition de ce scénario doit conduire à une prise de conscience par les Etats-Unis de leur instrumentalisation par Israël.

Mme Hélène Luc s'est associée aux interrogations sur les armes de destruction massive. Elle a considéré que la résolution 1483 votée à l'unanimité n'apportait pas de garanties suffisantes pour l'autorité de l'ONU en Irak. Elle s'est interrogée sur les modalités d'une assistance française à l'Irak et notamment sur la réouverture du centre culturel français à Bagdad.

M. Robert Del Picchia s'est interrogé sur les conditions du déploiement des troupes polonaises et ukrainiennes en Irak et a souhaité savoir si l'OTAN était impliquée.

M. Guy Penne a évoqué le sentiment anti-français ressenti actuellement en Israël. Il s'est interrogé sur l'ampleur véritable du démantèlement des colonies.

Mme Maryse Bergé-Lavigne a souhaité savoir quelle voie pourrait emprunter la réinsertion de l'Europe dans le processus de paix. Elle s'est interrogée sur la présence, parmi les réserves israéliennes formulées à l'encontre de la feuille de route, de la question de l'eau. Elle a enfin évoqué l'expulsion de plus en plus fréquente, par les Israéliens, d'étrangers présents dans les territoires palestiniens.

M. Didier Boulaud s'est interrogé sur les informations dont disposait la France avant la guerre sur la réalité de la présence en Irak d'armes de destruction massive.

M. André Dulait, président, a enfin interrogé le ministre sur les intentions réelles du président américain quant à la nature de l'Etat palestinien.

M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères, a rappelé l'accord intervenu sur la notion de « territoire palestinien viable ». Il a rappelé que la référence pour la définition des frontières était la ligne de 1967.

S'agissant des victimes civiles des bombardements américains en Irak, les évaluations sont encore difficiles et les chiffres fiables ne sont pas disponibles.

Le ministre a rappelé que la résolution 1441 avait été votée sur le fondement du risque potentiel de la possession par l'Irak d'armes de destruction massive et que la doctrine française visait à confier aux inspecteurs la responsabilité d'apporter les informations nécessaires, étapes par étapes, pour éclairer le Conseil de sécurité. La France, lorsqu'elle assumait la présidence du Conseil de sécurité, avait sollicité par écrit tous les membres du Conseil pour qu'ils apportent leur concours à l'action des inspecteurs en leur fournissant toutes les informations dont ils pouvaient disposer. L'ensemble des éléments apportés par les Américains lors de la réunion du 5 février du Conseil de sécurité avait été expertisé sans résultat par les inspecteurs.

L'augmentation considérable du nombre d'experts sur le terrain, désormais considéré comme insuffisant par les Américains, constitue une validation a posteriori de la position française, qui plaidait, en février dernier, pour un accroissement du nombre des inspecteurs des Nations unies.

M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères, a rappelé que la résolution 1483 prévoyait le réexamen des mandats de l'AIEA et de la CCVINU. Par ailleurs, les pressions restent fortes aux Etats-Unis comme en Grande-Bretagne pour que la lumière soit faite sur la réalité des armes de destruction massive.

Au sujet du dispositif pétrolier, M. Dominique de Villepin a rappelé que le maintien pour six mois du programme « pétrole contre nourriture » permettait l'exécution des contrats en cours. La Banque mondiale, le FMI et l'ONU seront présents à côté des puissances occupantes au sein du mécanisme de supervision. Cette transparence est dans l'intérêt de tous et garantit une visibilité pour les acteurs économiques.

M. Dominique de Villepin a considéré que la position française était aujourd'hui bien comprise en Irak et rappelé la réouverture de la section des intérêts français.

Le ministre des affaires étrangères est revenu sur la situation dans les différentes régions irakiennes signalant que le calme prévalait dans le secteur kurde alors que le secteur chiite restait vulnérable et que les sunnites, grands perdants du conflit, vivent mal leur perte de suprématie. Le ministre des affaires étrangères a indiqué que l'OTAN était effectivement présente sur le terrain, mais uniquement sous la forme d'arrangements techniques au bénéfice du contingent polonais et sans déploiement de troupes, selon des modalités comparables à celles qui prévalent en Afghanistan.

Revenant sur le processus de paix au Proche-Orient, M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères, a affirmé qu'une politique axée sur la seule sécurité n'avait pas de chance d'aboutir dans la mesure où elle alimente les réactions des plus extrémistes.

Evoquant le sentiment anti-français en Israël, il a estimé qu'il s'agissait plutôt de malentendus et rappelé les mesures prises par la diplomatie française pour renforcer la relation bilatérale avec Israël, essentielle à une bonne compréhension mutuelle. Il a souligné la qualité du dialogue qu'il avait ressentie lors de son récent déplacement en Israël. Il a notamment évoqué la création d'un groupe de travail de haut niveau, placé sous la présidence du Professeur Khayat, pour identifier des projets d'intérêt commun.

Il a rappelé que la feuille de route était largement issue de propositions européennes, auxquelles se sont ralliés les Etats-Unis. La présence européenne est indispensable à l'instauration effective d'un climat de confiance et les Européens sont unis sur ce sujet par une même volonté.

M. Dominique de Villepin a considéré que les expulsions d'étrangers reflétaient la sensibilité particulière des Israéliens à une présence considérée comme complice de groupes radicaux palestiniens.

S'agissant des réserves israéliennes à la feuille de route, la stratégie américaine consiste à ne pas se concentrer d'emblée sur les points de difficultés, qui touchent essentiellement au statut de Jérusalem et à la question du droit au retour des réfugiés, mais à chercher à avancer par ailleurs avant de les prendre en compte le moment venu.

Le ministre des affaires étrangères a ensuite évoqué les derniers développements de l'actualité en Afrique.

S'agissant de l'intervention militaire de la France à Bunia, dans le Nord-Est de la République démocratique du Congo, il a souligné qu'elle répondait à un double objectif : éviter un désastre humanitaire et appuyer un processus de paix aujourd'hui menacé. La situation à Bunia s'est en effet considérablement dégradée au début du mois de mai, à la suite du retrait des troupes d'occupation ougandaises. Les combats interethniques ont provoqué, depuis cinq ans, la mort de 50.000 personnes et l'exode de 500.000 autres, les parties au conflit en Ituri n'ayant pas participé à l'accord de paix signé fin 2002 à Pretoria entre les principaux partis congolais. L'intervention française, décidée en réponse à une demande du Secrétaire général des Nations unies, se situe dans un cadre bien défini : celui d'une force multinationale intérimaire, dotée d'un mandat précis défini par la résolution 1484 du Conseil de sécurité, limité jusqu'au 1er septembre, date de l'arrivée prévue des renforts de la MONUC, et visant à sécuriser Bunia et son aéroport. Cette force multinationale a pris la forme d'une opération militaire européenne, décidée le 5 juin par le Conseil de l'Union européenne, la première hors du sol européen. La France en assurera le commandement, et devrait développer 1.500 hommes à cette occasion, dont 700 à Bunia, et 500 à Entebbe, utilisée comme base logistique.

Le ministre a souligné que l'objet fondamental de cette opération était de conforter le processus de paix et non de s'y substituer. De fait, il a indiqué que, parallèlement au déploiement militaire, la France accentuait ses efforts diplomatiques pour faire avancer le processus politique en Ituri, ainsi qu'à Kinshasa pour mener à bien la mise en place du gouvernement et des institutions de transition. Il a également jugé indispensable de préparer, dès maintenant, la relève effective de la force européenne, le 1er septembre, par une MONUC renforcée dont le mandat et les moyens gagneraient à être redéfinis par le Conseil de sécurité. Enfin, l'Union européenne pourrait mobiliser ses moyens d'aide humanitaire et de soutien au développement pour faciliter la sortie de crise.

M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères, a ensuite évoqué la tentative de coup d'Etat intervenue le 8 juin en Mauritanie. Il a précisé que le calme s'était progressivement rétabli à la suite de la reprise de contrôle de la situation par les forces loyalistes.

Abordant la situation au Liberia, il a indiqué que les négociations entre les mouvements rebelles et le Président Taylor avaient été interrompues depuis l'édiction, à l'encontre de ce dernier, d'un mandat d'arrêt international émanant du tribunal spécial pour crimes de guerre en Sierra Leone. L'intensification des combats et le risque humanitaire élevé dans une région déjà fortement déstabilisée ont conduit la France à procéder à l'évacuation des ressortissants français et étrangers souhaitant quitter Monrovia. 535 personnes, parmi lesquelles 133 Américains, 120 Libanais et 18 Français, ont été transférées sur le transport de chalands de débarquement « l'Orage », qui est arrivé à Abidjan ce mercredi. La France continue d'appuyer les efforts engagés par la CEDEAO pour obtenir un cessez-le-feu et éviter la poursuite d'une guerre civile qui provoquerait des effets dévastateurs sur l'ensemble de la sous-région.

Le ministre des affaires étrangères a enfin fait état des progrès enregistrés dans la stabilisation de la Côte d'Ivoire. Celle-ci a rétabli ses relations politiques et commerciales avec ses voisins. Une importante opération de normalisation est en cours à l'ouest, sous l'égide du dispositif Licorne et de la CEDEAO, avec la participation conjointe des FANCI et des forces nouvelles. Des étapes importantes ont été franchies dans la mise en oeuvre des accords de Marcoussis, notamment avec la mise en place d'un gouvernement de réconciliation nationale. Il reste à rétablir l'administration sur l'ensemble du territoire et à effectuer le désarmement des rebelles. Il convient toutefois de demeurer vigilant face à la poursuite des livraisons d'armements et du maintien des milices. Des contacts réguliers se poursuivent avec les autorités ivoiriennes, y compris avec le Président Gbagbo, pour qui les échéances électorales de 2005 paraissent constituer un objectif important.

A la suite de l'exposé du ministre, M. Robert Del Picchia s'est interrogé sur le rôle du Royaume-Uni dans l'opération en Ituri et sur le risque d'avoir à reconduire l'opération décidée par l'Union européenne après le 1er septembre. Il a également demandé au ministre des précisions sur les mouvements rebelles agissant au Liberia.

M. Christian de La Malène s'est demandé si l'intervention d'une force européenne constituait la formule la plus efficace pour une situation aussi dramatique que celle de l'Ituri.

M. André Dulait, président, a demandé quelle serait l'attitude de la force multinationale en Ituri si la situation se dégradait hors de Bunia. En ce qui concerne la Côte d'Ivoire, il a souhaité savoir si la situation économique s'était améliorée et permettait aux entreprises françaises ou dirigées par des ressortissants français de reprendre une activité normale.

M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères, a alors apporté les précisions suivantes :

- un hommage particulier doit être rendu au comportement et au savoir-faire des forces françaises engagées dans les différentes crises du continent africain car, sans leur haut degré de professionnalisme, aucune des opérations passées ou en cours n'auraient pu être conduites avec succès ;

- la force européenne en Ituri s'en tiendra au mandat clair et précis fixé par le Conseil de sécurité des Nations unies ; si la situation venait à se dégrader hors de Bunia, il appartiendrait à la MONUC de réagir et, éventuellement, au Conseil de sécurité, de prendre ses responsabilités et des décisions adaptées ;

- les troupes françaises constituent l'armature de la force européenne en Ituri, la France étant nation-cadre pour cette opération ;

- l'opération en Ituri a reçu l'accord explicite de l'Ouganda et du Rwanda ; il est important que le Royaume-Uni y participe ; les conditions sont réunies pour donner toute la légitimité nécessaire à cette action, la légitimité étant pour la diplomatie française un critère essentiel pour toute action politique, diplomatique ou militaire ;

- au Liberia, la priorité doit être d'éviter une aggravation de la guerre civile ;

- en Côte d'Ivoire, les conditions semblent se confirmer pour que la réconciliation s'opère, sous l'égide du gouvernement de réconciliation, et pour que la confiance reprenne et favorise la reprise de l'activité économique. Les établissements scolaires français seront réouverts pour l'essentiel à la rentrée prochaine.

Le ministre des affaires étrangères a ensuite évoqué, avec M. Didier Boulaud et Mme Danielle Bidard-Reydet, les perspectives de succession de l'actuel Secrétaire général des Nations unies, ainsi que la situation de Mme Aung San Suu Kyi en Birmanie et de Mme Amina Lawal au Nigeria.

Enfin, répondant à une demande de M. André Dulait, président, M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères, a souligné les avancées récentes des travaux sur la Convention de l'avenir de l'Europe, un accord sur les grandes lignes institutionnelles étant intervenu au sein du praesidium. Cet accord s'est réalisé autour d'un renforcement des principales institutions : le Conseil européen, dont la présidence serait exercée à plein temps pour une durée de deux ans et demi, la commission dont l'effectif serait resserré et dont le président verrait son autorité accentuée, enfin le parlement dont les pouvoirs seraient accrus. La mise en place d'un ministre européen des affaires étrangères placé sous la double autorité du Conseil et de la Commission semble également s'imposer.