Table des matières




Mardi 4 novembre 2003

- Présidence de M. Robert Del Picchia, vice-président -

PJLF pour 2004 - Audition de M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et à la francophonie

La commission a procédé à l'audition de M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

M. Pierre-André Wiltzer a rappelé que le projet de budget s'inscrivait dans la triple perspective de la réduction nécessaire de la dépense publique, de la modernisation du ministère et du soutien aux grandes priorités du gouvernement. Au nombre de ces priorités, le redressement de l'aide publique au développement et le soutien à la francophonie relèvent directement de son action sous l'autorité du ministre des affaires étrangères.

S'agissant de l'aide publique au développement, le projet de budget pour 2004 s'inscrit dans la perspective de l'objectif fixé par le Président de la République d'un effort d'aide publique au développement porté à hauteur de 0,5 % du PIB français en 2007. En dépit d'une conjoncture budgétaire difficile, le cap est tenu. Notre aide est passée de 0,32 % du PIB à 0,38 % en 2002. Elle devrait être de 0,43 % l'an prochain. Au sein de cet effort global, deux priorités ont été choisies : l'action bilatérale et la fidélité à nos partenaires traditionnels. Notre aide bilatérale poursuit sa progression en 2004. Elle devrait atteindre 72 % en 2004, contre 62 % en 2001, et ce, malgré l'augmentation de notre contribution au Fonds européen de développement. L'Afrique devrait recevoir une part croissante de notre aide bilatérale et représente d'ores et déjà 72 % des actions en 2002.

S'agissant plus précisément des crédits d'aide au développement du ministère des affaires étrangères, l'augmentation constatée est en grande partie due aux opérations d'allègement de dettes, en particulier dans le cadre multilatéral de l'initiative pour les pays pauvres très endettés (PPTE) et de son volet bilatéral, les contrats de désendettement et de développement.

A cet égard, le ministre délégué a rappelé que l'objectif de soutenabilité de la dette figurait au nombre des objectifs du millénaire fixés, en 2000, dans le cadre des Nations unies. Les montants consacrés au traitement de la dette s'élevaient à 470 millions d'euros en 2001. Ils seront de 1,9 milliard d'euros en 2003 et devraient dépasser 2 milliards d'euros en 2004.

Le ministre a précisé que ces allègements de dettes s'effectuaient dans un cadre de partenariat, en échange d'une stratégie de lutte contre la pauvreté mise en oeuvre par les pays bénéficiaires.

Pour autant, les autres formes d'aides publiques au développement progressent également au sein du budget 2004, et ce, à hauteur de 141 millions d'euros. Sur ces montants, 90 millions d'euros de reports de charges de 2003 sur 2004 seront prioritairement mis en oeuvre pour apurer une année rendue exceptionnellement difficile par les régulations budgétaires. La progression des crédits permettra, par ailleurs, d'aller au-delà, en faisant progresser les moyens d'action du ministère.

M. Pierre André Wiltzer a indiqué que la contribution française au fonds européen de développement enregistrait une forte progression, de près de 14 %. En dépit des imperfections, qui subsistent, la réforme du FED commence à porter ses fruits et les décaissements s'accélèrent.

Les crédits alloués à l'Agence française de développement et au Fonds de solidarité prioritaire progressent respectivement de 15 et 25 %. Les concours financiers enregistrent, quant à eux, une progression de 29 %, du fait de la montée en puissance des contrats de désendettement et développement. Les autorisations de programme ont connu un réajustement avec une baisse de 10 % ; une plus grande mise en cohérence avec les crédits de paiement ayant été jugée préférable.

M. Pierre-André Wiltzer a ensuite évoqué la mise en oeuvre du plan de relance de la francophonie annoncé par le Président de la République lors du sommet de Beyrouth. En 2004, l'augmentation prévue de 20 millions d'euros sera financée pour moitié par 10 millions d'euros de crédits supplémentaires et, pour moitié, par redéploiements, ce qui constitue la traduction financière de l'importance attachée par la France à son rayonnement culturel et à son influence.

A la suite de l'exposé du ministre, un débat s'est instauré avec les commissaires.

Revenant sur les annulations de dette et le refinancement par dons des échéances payées, Mme Paulette Brisepierre a souhaité qu'un mécanisme soit mis en place afin que les pays destinataires puissent honorer leurs engagements envers nos compatriotes victimes de spoliations ou du non-paiement d'une retraite pour laquelle ils ont pourtant cotisé.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga a jugé que la baisse annoncée des autorisations de programme était tout à fait réaliste, afin d'éviter les problèmes dans les postes que la régulation budgétaire a privés, cette année, de toute possibilité de programmation et d'évaluation, ce qui a considérablement nui à leur crédibilité. Un volume moindre d'autorisations de programme est préférable à un volume supérieur qui ne peut être mis en oeuvre. Elle a interrogé le ministre sur les reports de charges sur 2004, qui avaient été chiffrés, au mois de juin 2003, à 200 millions d'euros. Elle a également souhaité obtenir des précisions sur la date de départ en poste des assistants techniques dont le contrat a été retardé. Elle a enfin sollicité des précisions sur les moyens d'identifier, au sein du budget du ministère des affaires étrangères, les crédits consacrés à l'action culturelle et ceux relevant de l'aide au développement proprement dite.

M. Xavier de Villepin a relevé que la coopération française empruntait plusieurs canaux et a souhaité savoir celui qui était le plus efficace. Il s'est interrogé sur l'identification, par les destinataires, de l'aide française multilatérale, via le Fonds européen de développement ou celui des Nations unies.

M. Jean-Pierre Masseret a regretté une relative perte d'influence de la France en Europe centrale exprimé dans différentes instances internationales. Il a considéré que l'aide française à l'Afrique était certes historiquement justifiée mais qu'elle s'effectuait, en l'absence de résultats probants, au détriment d'autres zones et notamment de l'Europe où les enjeux restent importants. Il a souhaité connaître la stratégie mise en oeuvre pour développer la présence française aux nouvelles frontières de l'Union européenne.

Mme Hélène Luc a pris acte de l'augmentation des crédits, se félicitant de leur progression vers le niveau de référence fixé par l'ONU. Elle s'est cependant interrogée sur la réalité d'une aide qui s'effectue, pour l'essentiel, par le biais d'allègements de dettes et qui risque de souffrir de nouvelles régulations budgétaires. Evoquant la mission récente d'une délégation de la commission dans la Corne de l'Afrique, elle a déploré la faiblesse des montants alloués à cette zone, et en particulier au Soudan où l'aide américaine est plus significative. Elle a enfin souhaité une meilleure association des parlementaires à la politique d'aide au développement en dehors même des périodes d'examen du budget.

M. Louis le Pensec a souhaité savoir si les annonces du Président de la République, lors du sommet de Johannesburg, trouvaient une application dans le budget 2004. Il a également sollicité l'appréciation du ministre sur la coopération décentralisée.

M. Robert Del Picchia, président, a souhaité obtenir des détails sur les résultats de la Conférence de Madrid pour la reconstruction de l'Irak.

En réponse, M. Pierre-André Wiltzer a apporté les précisions suivantes :

- la revendication exprimée, de longue date, par les pays les plus défavorisés de voir allégé le fardeau que constitue pour eux leur dette extérieure, a trouvé une réponse au niveau international, avec l'initiative « pays pauvres très endettés », et au niveau français, avec les « contrats de désendettement-développement ». Un accord unanime s'est fait, notamment dans le cadre des objectifs du Millénaire du développement, sur l'opportunité d'alléger cette dette, ce qui permettra aux pays bénéficiaires d'accéder aux crédits internationaux dont ils sont actuellement privés ;

- la décision prise par la France d'annuler les dettes de certains pays pourrait permettre de reprendre les discussions sur une meilleure prise en compte, par ces pays, des légitimes compensations attendues par certains de nos compatriotes expatriés victimes de diverses spoliations ou du fonctionnement parfois aléatoire des caisses locales de maladie et de vieillesse  ;

- il a effectivement été décidé de réduire, en 2004, les autorisations de programme de 10 %, pour mieux les adapter au montant disponible des crédits de paiement, en croissance de 9,5 % ;

- la loi de finances initiale de 2003 a effectivement été amputée par divers gels et reports en cours d'année ; ceux-ci ont pu être estimés au mois de juin dernier à environ 200 millions d'euros, mais les dégels intervenus depuis cette date, les perspectives de la loi de finances rectificative et les annulations d'opérations permettent d'évaluer les reports de charges sur 2004 à, globalement, 90 millions d'euros. Ces reports seront financés en priorité par les 140 millions d'euros supplémentaires inscrits dans la loi de finances pour 2004 ;

- 359 postes d'assistant technique ont été touchés par ces gels, dont 259 agents civils, et 100 volontaires internationaux. Parmi les agents civils, 59 départs sont d'ores et déjà financés, et le solde devant l'être d'ici à la fin de l'année 2003. Il existe au total 1.600 postes d'assistant technique, dont 200 sont actuellement vacants, chiffre habituel en fin d'année. En attendant leur futur départ en poste, tous ces agents ont été réintégrés provisoirement dans leurs fonctions antérieures ;

- le Comité d'aide au développement (CAD), constitué au sein de l'OCDE, effectue un travail très précis de classement des dépenses réalisées par chacun des pays membres en matière d'aide publique au développement ; ce classement est effectué a posteriori. La réalisation d'un « tableau de bord » de notre action de coopération bilatérale et multilatérale, par grandes priorités et par pays destinataires est à l'étude. Cet instrument fournirait une meilleure appréciation de l'effort national qui comporte de multiples canaux et devrait être établi au fur et à mesure que les dépenses sont effectuées. En tout état de cause, les priorités de notre aide publique au développement recouvrent celles recensées dans le cadre de l'objectif du Millénaire défini par l'ONU : éducation, accès à l'eau potable, lutte contre les grandes pandémies, sécurité alimentaire ... ;

- l'efficacité des deux grands instruments de coopération nationaux directement gérés par le ministère des affaires étrangères, l'Agence française de développement (AFD), et le Fonds de solidarité prioritaire (FSP), est indéniable et facile à évaluer, même si cette efficacité a été limitée, durant l'année en cours, par une certaine insuffisance de moyens. L'appréciation est naturellement plus difficile à effectuer pour les instruments multilatéraux ; le Fonds européen de développement (FED), auquel la France contribue pour 24,6 % de son total et l'Allemagne pour 23,1 % -ce qui fait de ces pays les deux principaux contributeurs- est affecté par la lourdeur de ses procédures relevées, récemment encore, par le Président Jacques Chirac. La récente déconcentration des crédits en a cependant amélioré les décaissements ;

- la contribution française au Fonds mondial contre le sida, la tuberculose et le paludisme, d'un montant de 50 millions d'euros en 2003, sera triplée en 2004 pour atteindre 150 millions d'euros. Depuis sa création, il y a un an, ce fonds remplit ses objectifs avec efficacité. La « visibilité » de chaque aide nationale est en effet moindre dans les autres canaux multilatéraux, ce qui justifie notre effort accru d'aide bilatérale.

En réponse à M. Xavier de Villepin, M. Pierre-André Wiltzer a indiqué que les autorités nigériennes ont regretté, lors de la récente visite du Président de la République dans leur pays, la lenteur de mise en oeuvre d'un projet européen, dont toutes les demandes de garantie avaient été pourtant satisfaites dès juillet 2003. Il faut relever que nombre de ces projets réclament aussi, de la part des administrations locales, une expertise dont elles sont souvent dépourvues ;

- le continent africain reste prioritaire pour notre aide, non seulement du fait des liens historiques qui nous unissent à lui, mais également du fait de sa proximité géographique. Si ce continent devait être confronté, toujours davantage, à la violence et à la pauvreté, notre pays en serait le premier affecté. Les initiatives françaises doivent être cependant renforcées en direction d'autres zones comme l'Europe orientale, les Amériques et l'Asie. Ces efforts pourront être accomplis grâce à la croissance escomptée de notre aide publique au développement, qui devrait atteindre 0,5 % du PIB en 2007, et 0,7 % en 2012. Il faut souligner qu'en 1994, cette aide se montait à 0,63 % du PIB et qu'elle a fléchi à 0,31 % en 2001, le redressement ne peut donc qu'être progressif ;

- les annulations de dette ne constituent pas un simple jeu d'écritures : elles se traduisent par des dépenses définitives pour la France et, pour les pays destinataires, par une aide appréciable à la reconstruction de leurs secteurs éducatifs ou sanitaires ainsi qu'aux investissements productifs ;

- les efforts importants accomplis par la France en faveur du développement doivent être mieux connus de l'opinion publique française et le Parlement doit être pleinement associé à cette action d'information ;

- la France accomplit un travail constant de mobilisation de ses partenaires étrangers pour le financement du développement et les objectifs du Millénaire pour le développement qui correspondent à nos propres priorités en la matière ;

- le ministère des affaires étrangères est en contact avec les organisations représentatives des élus locaux qui mènent des actions de coopération décentralisée. Les priorités portent sur l'identification des besoins et sur la mise en place de synergies qui peuvent susciter des aides de l'Etat. C'est ainsi que le Premier ministre a récemment présidé la Commission nationale de la coopération décentralisée afin de donner à ce dossier une efficacité et une visibilité accrues ;

- la récente conférence réunie à Madrid sur la reconstruction de l'Irak a été marquée par la proposition de l'Union européenne d'y contribuer à hauteur de 200 millions d'euros. La France a rappelé, à cette occasion, les préalables indispensables que constituent à ses yeux la restauration de la souveraineté irakienne ainsi qu'une organisation davantage multilatérale de l'aide à ce pays, et n'envisage pas pour l'instant de financement bilatéral.

Mercredi 5 novembre 2003

- Présidence de M. André Dulait, président -

Hommage à un sénateur décédé

Les membres de la commission, informés par M. André Dulait, président, du décès de leur collègue M. Emmanuel Hamel, ont observé une minute de silence.

PJLF pour 2004 - Crédits de la gendarmerie nationale - Examen du rapport pour avis

La commission a ensuite examiné le rapport de M. Philippe François sur les crédits du ministère de la défense inscrit dans le projet de loi de finances pour 2004 (Gendarmerie nationale).

Après avoir rappelé que les crédits de la Gendarmerie s'inscrivaient à la fois dans le cadre de la loi de programmation militaire pour les années 2003 à 2008 et de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (LOPSI) pour les années 2003 à 2007, M. Philippe François, rapporteur pour avis, a indiqué qu'ils s'élèveraient en 2004 à 4,3 milliards d'euros, en progression de 1,92 %, permettant une certaine consolidation du budget après une très forte augmentation en 2003.

Le titre III représente 3,9 milliards d'euros, les rémunérations et charges sociales en constituant près de 80 % avec 3,1 milliards d'euros. Ces crédits permettront de poursuivre le plan d'amélioration de la condition militaire, notamment en finançant l'intégration de l'indemnité pour sujétion de service de police (ISSP) dans le calcul de la pension dès 50 ans et non plus 55 ans. La Gendarmerie verra en outre ses effectifs militaires progresser de 1.200 postes budgétaires, autorisant la création effective de 1.171 emplois en raison de mesures de transfert et de repyramidage. Les effectifs civils seront en revanche légèrement décroissants, le ministère de la défense ne remplaçant pas un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Au total, en 2004, la Gendarmerie passera la barre symbolique des 100.000 hommes, confirmant sa place de deuxième force armée, en termes d'effectif, derrière l'armée de terre.

Les moyens de fonctionnement de l'Arme s'élèveront à 776 millions d'euros, en hausse de 1,25 %. Les crédits dévolus à l'informatique, à la bureautique et à la télématique progresseront plus rapidement afin de moderniser les équipements de la Gendarmerie. En outre, les crédits dédiés au paiement des loyers progresseront de 1,79 % afin de pérenniser le rebasage effectué les deux dernières années.

Les titres V et VI de la Gendarmerie s'élèveront à 445 millions d'euros de crédits de paiement (+ 5,4 %), soit 3 % des crédits d'investissement du ministère de la défense, les autorisations de programme régressant de 1,8 % à 518 millions d'euros. Cette évolution est le signe de la rigueur budgétaire imposée à la Gendarmerie par rapport à la progression initialement envisagée de ces crédits d'investissement dans le cadre de la LOPSI. Il conviendra donc d'être attentif à ce qu'en 2005, grâce au retour espéré de la croissance, un rattrapage soit effectué. Ces moyens financiers permettront de poursuivre le renouvellement rapide du parc automobile, des moyens de protection individuelle et de l'armement de poing. De même, l'effort entrepris en matière de reconstruction et de rénovation de logements sera poursuivi au même niveau qu'en 2003.

Abordant ensuite l'état d'esprit des militaires de la Gendarmerie, M. Philippe François, rapporteur pour avis, a fait part de son impression, au cours de ses déplacements, d'une évolution positive. Les gendarmes ont été renforcés dans leur mission grâce aux moyens financiers supplémentaires alloués à l'Arme.

Le rapporteur pour avis a en outre indiqué que la Gendarmerie était parvenue à inverser la tendance à la hausse de la délinquance dans sa zone de responsabilité (- 1,84 %) tout en affichant des résultats inférieurs à ceux de la police (- 4,87 %). En matière d'élucidations, la Gendarmerie progresse en revanche plus vite (34,5 % de crimes et délits élucidés soit + 16 %).

Au cours de l'année 2003, le redéploiement police-gendarmerie a commencé à être mis en oeuvre grâce à l'augmentation des effectifs. Des zones de compétence seront échangées dans 35 départements, 217 communes et 970.000 habitants seront concernés par le transfert en zone police, 115 communes et 785.000 habitants en zone Gendarmerie. Par ailleurs, les communautés de brigade sont déjà largement mises en place, 50 départements ayant fait l'objet d'une décision de la direction générale au 1er juillet.

Les escadrons de Gendarmerie mobile sont désormais prioritairement employés dans leur zone de défense de cantonnement et plus fréquemment en soutien de la Gendarmerie départementale dans les zones sensibles. Cette nouvelle doctrine d'emploi a contribué à maintenir un très haut niveau d'activité ne leur permettant pas de disposer des 35 jours nécessaires à leur entraînement en unités constituées.

Abordant la parité police-gendarmerie, M. Philippe François, rapporteur pour avis, a relevé que la Gendarmerie s'était vu confier la direction de trois offices centraux relatifs à la délinquance itinérante, aux atteintes à l'environnement et à la santé publique, ainsi qu'au trafic des biens culturels. Sa position a également été reconnue dans le cadre de la mise en place du réseau, commun avec la police, des attachés de sécurité intérieure dans nos ambassades.

Enfin, la Gendarmerie a participé à plusieurs opérations extérieures. 343 gendarmes sont en mission sous l'égide de l'OTAN ou de l'ONU, notamment en ex-Yougoslavie ; 88 accomplissent des missions de prévôté aux côtés des forces armées déployées et 562 sont employés à la sécurité des ambassades et des communautés françaises, dont deux escadrons de gendarmerie mobile en Côte d'ivoire. Ces expériences ont incité le ministre de la défense à proposer la création d'un corps européen de gendarmerie dont les missions devront être précisées afin de s'articuler avec la force de police européenne définie lors du Sommet de Feira en juin 2000 et d'ores et déjà employée en Bosnie.

En conclusion, M. Philippe François, rapporteur pour avis, a proposé de donner un avis favorable au projet de budget pour 2004 du ministère de la défense.

A la suite de l'exposé du rapporteur, un débat s'est engagé avec les commissaires.

M. Xavier de Villepin a souhaité obtenir des précisions sur les nouvelles armes individuelles en dotation dans la Gendarmerie ainsi que sur le rôle et la composition du corps européen de Gendarmerie.

M. Philippe François, rapporteur pour avis, a indiqué que la décision de remplacer les armes de poing avait été prise en faveur du pistolet automatique fabriqué par la firme allemande SIG-SAUER, les anciennes armes étant mises en réserve au profit des unités les moins sollicitées.

Le corps européen de Gendarmerie devrait regrouper les pays ayant une force de police sous statut militaire comme l'Espagne, le Portugal, l'Italie ou les Pays-Bas. Ses missions sont en cours de définition. M. André Dulait, président, a par ailleurs précisé qu'il interviendrait essentiellement dans des contextes de sortie de crise pour maintenir l'ordre à l'exemple de ce qu'accomplit la Gendarmerie au Kosovo.

M. Robert Del Picchia s'est interrogé sur le rôle des attachés de sécurité intérieure dans les ambassades et a souhaité savoir sur quel budget étaient financés les nouveaux radars automatiques.

M. Philippe François a indiqué que les attachés de sécurité intérieure issus de la Gendarmerie auraient notamment pour mission d'assurer le contact avec les forces de police locales, notamment celles à statut militaire. Il a en outre indiqué que l'acquisition des radars automatiques étaient financés sur les budgets du ministère de la défense et de l'intérieur, rappelant que la Gendarmerie avait la responsabilité de la plus grande part du réseau autoroutier.

Répondant à M. Christian de La Malène qui s'inquiétait de la sécurité des communications dans la mise en place d'un réseau internet propre à la Gendarmerie, MM. Philippe François, rapporteur pour avis, et Robert Del Picchia ont indiqué que les autres forces armées avaient dû faire face au même défi et qu'il s'agissait, pour la Gendarmerie, de mettre en place, dans l'année à venir, un réseau intranet et un réseau internet cryptés.

M. Daniel Goulet, tout en se félicitant des bons résultats obtenus grâce au redéploiement, a souhaité que la commission assure un suivi de la mise en place des communautés de brigades, s'inquiétant des conditions dans lesquelles serait assurée la sécurité à la périphérie des zones urbaines et du plus grand nombre de brigades fermées le week-end.

M. André Dulait, président, a regretté une insuffisante explication du nouveau dispositif du système des permanences, notamment en direction des maires.

M. Philippe François, rapporteur pour avis, a estimé que les commandants de groupements étaient conscients de ces difficultés et que dans certains départements, ils avaient organisé des réunions avec les élus.

M. Daniel Goulet s'est en outre inquiété que les redéploiements ne diminuent la disponibilité, la proximité et la capacité de couverture du territoire de la Gendarmerie.

M. Philippe François, rapporteur pour avis, a alors rappelé que la notion de disponibilité avait évolué et qu'il fallait maintenant prendre en considération la rapidité avec laquelle le Centre opérationnel de la Gendarmerie (COG) était à même, dans chaque département, de déployer une patrouille sur un événement signalé par téléphone.

M. Jean-Guy Branger a insisté sur la nécessité de mieux connaître, en relation avec les maires, les conditions dans lesquelles la réforme était mise en oeuvre.

M. André Boyer s'est interrogé sur la manière dont était ressentie, à l'intérieur même de l'Arme, cette nouvelle organisation, en raison notamment des transferts de responsabilités qu'elle entraîne entre brigades. Il s'est en outre demandé quelles seront, à terme, les conséquences immobilières de cette réforme. La question se pose en effet lorsque les collectivités doivent investir pour construire ou rénover des brigades participant ou dirigeant une communauté.

Enfin, M. Philippe François, rapporteur pour avis, en réponse à M. Louis Moinard, a indiqué que la Gendarmerie nationale s'efforçait d'améliorer le suivi des appels téléphoniques par les COG.

PJLF pour 2004 - Crédits des forces terrestres - Examen du rapport pour avis

La commission a ensuite examiné le rapport pour avis de M. Serge Vinçon sur les crédits du ministère de la défense inscrits dans le projet de loi de finances pour 2004 (Terre).

M. Serge Vinçon, rapporteur pour avis, a présenté les principales caractéristiques du budget des forces terrestres pour 2004 qui s'inscrit dans la continuité du redressement opéré en 2003, en pleine conformité avec la loi de programmation militaire votée au début de l'année.

Avec près de 8 milliards d'euros, les crédits de l'armée de terre progressent de 4 % par rapport à 2003, ce qui les situe, compte tenu de l'érosion monétaire, à un niveau comparable à celui des années 1997-1999.

Les dépenses de personnel et de fonctionnement seront en légère diminution. Conformément à la loi de programmation militaire, la composante « engagés volontaires de l'armée de terre » (EVAT) sera renforcée de plus de 2000 postes, par redéploiement de postes de sous-officiers et de volontaires. En revanche, 340 postes de personnels civils seront supprimés. Le rapporteur pour avis a précisé à ce propos que plus d'un millier de postes de civils demeuraient actuellement non pourvus, ce qui limitera l'impact des suppressions prévues en 2004. Il a toutefois souhaité que l'on ne s'écarte pas trop des objectifs qui avaient été retenus dans le format initial de l'armée de terre, car cela impliquerait de détourner des militaires de tâches opérationnelles.

Dans le cadre de moyens de fonctionnement stables par rapport à l'an passé, les économies réalisées sur certains postes tels que l'alimentation ou les produits pétroliers permettront de renforcer les crédits relatifs aux entraînements et à la sous-traitance. Le rapporteur pour avis a évoqué à ce sujet la volonté du gouvernement d'explorer des voies nouvelles pour optimiser les budgets de fonctionnement et il a cité l'exemple du projet d'externalisation de la formation initiale des pilotes d'hélicoptères.

Les crédits de paiement du titre V progresseront pour leur part de 14 % pour atteindre 3 milliards d'euros, ce qui correspond au niveau prévu pour la deuxième annuité de la loi de programmation militaire et aux besoins de paiement prévisibles compte tenu des livraisons attendues. L'entretien programmé des matériels ainsi que les crédits de développement et de fabrication absorbent l'essentiel de cette augmentation. Les autorisations de programme resteront identiques à 2003, la passation des commandes selon l'échéancier prévu impliquant toutefois un besoin supplémentaire de 500 millions d'euros, qui doit être couvert en puisant dans les autorisations de programme mises en place sur les exercices antérieurs et disponibles à l'engagement.

Abordant le déroulement des principaux programmes, le rapporteur pour avis a évoqué l'avant-dernière tranche de livraison des chars Leclerc prévue en 2004 et la poursuite des premières livraisons de l'hélicoptère Tigre. Il a précisé à ce sujet que la décision de l'Espagne d'acquérir 24 appareils allait rendre possible le développement d'une version polyvalente du Tigre dite « appui destruction » (HAD) amenant la France à réorienter son programme et à abandonner la version exclusivement antichars qui était prévue pour la prochaine décennie. M. Serge Vinçon, rapporteur pour avis, a souligné l'intérêt de cette version « HAD » au plan opérationnel et en matière de maintenance, ainsi que pour les perspectives à l'exportation.

Il a signalé que l'année 2004 verrait le lancement du programme Félin d'équipement complet du fantassin ainsi que la finalisation des commandes du système de défense sol-air moyenne portée (SAMP/T), articulé autour du missile Aster 30. Il a insisté sur les enjeux très importants de ce programme qui doit doter la France, à l'horizon 2008, d'une première capacité de défense antimissile de théâtre contre des missiles de courte portée (600 km).

Abordant la situation de l'armée de terre et ses perspectives à moyen terme, le rapporteur pour avis a rappelé qu'au cours de la période 2003-2008, les effectifs militaires de l'armée de terre devaient être ajustés pour renforcer le nombre d'EVAT. Il a souligné que la professionnalisation avait notablement augmenté la capacité de projection de l'armée de terre. De l'été 2002 à l'été 2003, le volume des forces terrestres engagées hors de métropole s'est accru de 2.800 hommes. En outre, comme l'a rappelé devant la commission le chef d'Etat-major de l'armée de terre, aux 20.000 hommes actuellement engagés hors métropole pouvaient encore être ajoutés 6.000 hommes si la nécessité s'en faisait sentir. La consolidation de cette capacité passe par un recrutement suffisant et la fidélisation des personnels, ce qui implique de poursuivre l'amélioration de la condition militaire, d'adapter le dispositif de reconversion et de mettre en place les actions prévues dans le cadre de fonds de consolidation de la professionnalisation.

M. Serge Vinçon a ensuite rappelé l'effort très important accompli pour restaurer la disponibilité des matériels. Il a souligné le coût croissant à la maintenance, en grande partie du fait de l'ancienneté de beaucoup d'équipements et de leur sollicitation soutenue lors des opérations extérieures.

Quant aux équipements neufs qui doteront les forces terrestres de capacités réellement supérieures, leurs échéances de livraisons demeurent tardives. Il s'est félicité que le programme de véhicule blindé de combat d'infanterie (VBCI), après de nombreux retards, puisse désormais s'engager sur des bases stables, mais il a rappelé que les premières livraisons interviendraient au mieux en 2008, l'arrivée de VBCI n'étant réellement sensible qu'en 2012, lorsque trois régiments pourront être équipés. Il a estimé qu'une situation similaire se présentait pour les capacités aéromobiles, avec une livraison de l'hélicoptère de transport NH90 qui ne débutera qu'en 2011.

Le rapporteur pour avis a mentionné les programmes palliatifs de rénovation ou de valorisation entrepris dans les domaines des blindés légers (chars à roues AMX 10 RC, transports de troupes chenillés AMX 10 P) et des hélicoptères (Puma) afin d'atténuer l'affaiblissement capacitaire provoqué par le vieillissement et l'usure des matériels actuels. Il a souligné le coût non négligeable de ces mesures qui n'éviteront pas une détérioration de nos capacités dans deux domaines -l'aéromobilité et les capacités blindées dites « médianes »- où l'armée de terre française disposait d'une position relative plutôt favorable en Europe.

En conclusion, M. Serge Vinçon, rapporteur pour avis, a rappelé la nécessité d'un rattrapage de l'effort de défense après l'érosion constatée jusqu'en 2002 et il s'est félicité que le projet de budget pour 2004 traduise fidèlement le cap défini par la loi de programmation militaire. Il a invité la commission à émettre un avis favorable sur le budget de la défense pour 2004.

A la suite de l'exposé du rapporteur pour avis, M. Xavier de Villepin a souligné la nécessité d'évaluer les conséquences de la professionnalisation sur le lien armée-nation. Il s'est interrogé sur les conditions dans lesquelles seraient financées les opérations extérieures, en souhaitant qu'il n'en résulte pas d'amputation des crédits prévus dans les budgets initiaux. Il a demandé des précisions sur les capacités de protection contre les missiles balistiques qu'offrirait le futur système de défense sol-air moyenne portée. Il a enfin demandé les perspectives d'équipement de l'armée de terre en drones.

M. Christian de La Malène s'est demandé dans quelle mesure la généralisation des opérations extérieures conduisait à privilégier certains types de matériels au détriment d'autres.

M. Robert Del Picchia, à propos des opérations extérieures, a demandé si le ministère de la défense percevait des remboursements des organisations internationales. Il a souhaité savoir si l'évolution des crédits de la défense depuis 2002 avait eu un effet positif sur l'évolution du moral des armées. Il a demandé en quoi le budget des forces terrestres contribuait à la politique européenne de défense et de sécurité.

M. André Boyer a souhaité connaître le montant du surcoût des opérations extérieures pour l'armée de terre en 2003.

M. André Dulait, président, a observé qu'à travers les opérations extérieures, le ministère de la défense contribuait à la stabilisation de nombreux pays, notamment en Afrique, ce qui confortait nos actions d'aide au développement.

M. Serge Vinçon, rapporteur pour avis, a apporté les précisions suivantes :

- de nombreux signes positifs montrent que de nouvelles formes de lien sont en voie de se tisser entre la nation et l'armée professionnelle ; ainsi, sous l'impulsion des délégués militaires départementaux et des associations départementales de maires, le rôle des correspondants « défense » désignés au sein de chaque conseil municipal se précise ; ceux-ci sont associés à des manifestations et commencent à bénéficier d'une information régulière sur la défense et ses enjeux ; la mise en place de la réserve constitue ainsi un volet essentiel de ce nouveau lien ; le succès de la journée du réserviste illustre les perspectives encourageantes que l'on peut raisonnablement entrevoir dans ce domaine, même si une adaptation de la loi sur les réserves semble à terme nécessaire ;

- le projet de loi de finances rectificative pour 2003 qui sera prochainement déposé au Parlement devra financer les opérations extérieures de cette année ; ainsi que l'ont indiqué devant la commission le ministre de la défense et le chef d'Etat-major des armées, ces crédits supplémentaires devront être ouverts sans annulation concomitante sur les crédits d'équipement ;

- le surcoût des opérations extérieures pour 2003 est actuellement estimé à 630 millions d'euros pour l'ensemble des armées, dont près de 430 millions d'euros pour la seule armée de terre ;

- l'armée de terre a bénéficié en 2002 d'un remboursement de près de 11 millions d'euros de l'ONU au titre d'opérations extérieures de la précédente décennie ; les remboursements d'organisations internationales sont donc tardifs et limités, étant précisé que la plupart de nos opérations sont conduites à titre national ou sous couvert de l'OTAN ;

- l'exigence d'un haut niveau de disponibilité pour les matériels utilisés en opérations extérieures a pour contrepartie des niveaux bien moins satisfaisants dans certaines unités de métropole ;

- la capacité antimissiles des 6 futurs systèmes de défense sol-air moyenne portée de l'armée de terre, articulée autour de l'Aster 30, permettra de protéger une force projetée sur un théâtre d'environ 80 kilomètres sur 100 kilomètres ;

- l'armée de terre dispose actuellement de drones rapides CL239 et de drones lents Crécerelle et Sperwer ; ils seront remplacés à compter de 2008 par le drone tactique multi-capteurs multi-missions qui permettra des missions de recueil de renseignements, de désignation d'objectifs et de guerre électronique ;

- si les personnels de l'armée de terre demeurent préoccupés par l'insuffisante disponibilité des matériels, qui ne s'améliore que lentement, ils sont pleinement conscients de l'effort de redressement accompli dans le cadre de la loi de programmation militaire 2003-2008 ; la présentation d'un projet de budget pour 2004 conforme à cette loi de programmation ne peut que renforcer la motivation des personnels ;

- le redressement du budget français de la défense a constitué un signal très positif à l'égard de nos partenaires européens et crédibilise le projet d'édification d'une défense européenne ; le projet de budget de l'armée de terre pour 2004 permet à la France d'honorer les engagements qu'elle a souscrits vis-à-vis de la force de réaction rapide de l'Union européenne, tant en matière d'effectifs que de matériels.

M. André Dulait, président, a alors indiqué que le vote sur l'ensemble des crédits du ministère de la défense pour 2004 aurait lieu le mercredi 26 novembre, à l'issue de l'examen des différents rapports pour avis.

Missions d'information à l'étranger - Programme pour l'année 2004 - Echange de vues

Puis, M. André Dulait, président, a proposé à la commission, qui l'a accepté, d'effectuer, lors des suspensions des travaux parlementaires au cours du premier semestre 2004, trois missions d'information : en Israël et dans les territoires palestiniens ; en Russie ; en Serbie Monténégro.

Mme Maryse Bergé-Lavigne a alors souligné l'importance du « Pacte de Genève » établi par des parties non officielles, israéliennes et palestiniennes en faveur de la paix. Elle a souhaité que, lors de la signature formelle de ce document, la France soit représentée en signe de soutien à cette initiative.

Nomination de rapporteurs

Enfin, la commission a désigné :

- M. Michel Pelchat sur le projet de loi 438 (2002-2003) autorisant l'approbation de l'accord sur les privilèges et immunités de la Cour pénale internationale ;

- M. Xavier Pintat sur le projet de loi n° 439 (2002-2003) autorisant la ratification de l'accord entre la République française, la Communauté européenne de l'énergie atomique et l'Agence internationale de l'énergie atomique relatif à l'application de garanties dans le cadre du traité visant l'interdiction des armes nucléaires en Amérique latine et dans les Caraïbes (ensemble deux protocoles).