Sommaire

  • Mardi 4 mai 2004
    • Audition de M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères, sur la situation internationale.
  • Mercredi 5 mai 2004
    • Traités et conventions - Convention France-RFA relative aux lycées franco-allemands et au baccalauréat franco-allemand - Examen du rapport
    • Traités et conventions - Accord sur la conservation des albatros et des pétrels - Examen du rapport

Mardi 4 mai 2004

- Présidence de M. André Dulait, président -

Audition de M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères, sur la situation internationale.

La commission a procédé à l'audition de M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères, sur la situation internationale.

M. Michel Barnier a tout d'abord rappelé que la politique étrangère française, inspirée par le Président de la République, s'inscrirait dans la continuité, autour de trois axes majeurs :

- la mise en oeuvre d'une diplomatie de l'urgence, de l'initiative et de l'action, pour affirmer le rôle et l'influence de la France en Europe et dans le monde, afin de répondre aux défis du terrorisme, du choc des civilisations et du développement durable ;

- le développement d'une ambition française forte dans le projet européen, que la France a voulu et soutenu dans la continuité du projet de Robert Schuman ;

- la promotion d'un nouvel ordre international fondé sur le respect du droit et l'exigence de justice et de solidarité.

La diplomatie de l'urgence vise à anticiper sur les risques de conflits. Elle s'appuie sur le respect du droit, qui a d'ailleurs motivé le refus français de l'intervention américaine en Irak et sur la recherche du soutien le plus large de la communauté internationale. Cette conception est au coeur de l'action de notre pays dans trois grandes crises : l'Irak, le Proche-Orient et la Côte d'Ivoire.

En Irak, la diplomatie française poursuit un triple objectif : restaurer la souveraineté irakienne, permettre aux Nations unies de participer activement à la recherche d'une solution qui ne peut être que politique et appeler à la mobilisation pour la reconstruction politique et économique de ce pays. Au nombre des échéances importantes, celle du 30 juin doit marquer une rupture très nette par rapport à la situation actuelle, sur la base des propositions formulées par M. Brahimi au nom des Nations unies. Le gouvernement transitoire doit ainsi disposer des attributions les plus étendues possibles, ce que devra prévoir la résolution des Nations unies en cours d'élaboration.

Au Proche-Orient, il importe de conforter la « feuille de route », acceptée par les protagonistes et qui a fait l'objet d'un accord unanime des partenaires du quartet. C'est le message que Javier Solana délivre en ce moment même, au nom de l'Union européenne à la réunion ministérielle du quartet. Mais ce « quartet » ne doit pas être un « solo ». Il convient de ne remettre en cause ni la méthode, ni le chemin, ni l'objectif prévus par cette feuille de route, à savoir deux Etats vivant côte à côte, Israël, dont la sécurité doit être impérativement garantie, et un Etat palestinien viable.

En Côte d'Ivoire, la situation est plus complexe, comme le montre la publication du rapport des Nations unies sur les tueries du mois de mars. Avec les accords de Marcoussis, les parties disposent, là aussi, d'une forme de « feuille de route » qui sera prochainement confortée par le déploiement d'une force internationale, sous l'autorité des Nations unies.

M. Michel Barnier a ensuite évoqué un autre terrain de crise, Haïti, où une certaine stabilisation peut être observée. La force multinationale devrait être prochainement remplacée par une force de stabilisation et de police et l'appui de la communauté internationale aux efforts de reconstruction devrait être encouragé.

Le ministre a ensuite exposé ses projets de réforme de l'outil diplomatique et évoqué les questions budgétaires. Il a indiqué que les réformes seraient conduites en concertation avec les agents et par le dialogue social. A la lumière de son expérience précédente, à Bruxelles, il a considéré qu'une culture d'influence devrait venir compléter la culture de souveraineté du quai d'Orsay. Le ministre a souligné qu'il restait de réels progrès à accomplir au service d'une action extérieure de la France plus efficace sur le plan interministériel. Les axes stratégiques de cette politique devront être mieux définis pour prendre en considération l'européanisation croissante de nos politiques, la mondialisation et la constitution de pôles régionaux. En termes d'effectifs et de budget, il importait de mettre un terme à la tendance négative observée depuis des années, ce que venait de décider le président de la République.

Evoquant ensuite la place de la France dans le projet européen, le ministre a identifié deux enjeux majeurs : tout d'abord l'importance du retour de la croissance et de l'emploi sur le territoire européen pour réduire les fractures sociale, territoriale et économique, fractures qui, dans les Etats d'Europe centrale et orientale se seraient accrues sans l'élargissement. Ensuite, l'aboutissement de la Constitution est essentiel pour montrer que l'Union européenne est en ordre de marche face aux défis à relever.

Le ministre a considéré qu'une solution sur la Constitution est à portée de main, même si des ajustements sont encore nécessaires. Face au terrorisme et à l'inquiétude sociale, les blocages institutionnels ne seraient pas compris par les citoyens. Sur la question de la double majorité et la composition de la commission, les discussions progressent. La France pourrait proposer d'améliorer le texte sur le plan social par l'insertion d'une « clause sociale transversale », la mention du dialogue social et le passage à la majorité qualifiée sur la protection sociale des travailleurs migrants. Le ministre a indiqué qu'un accord pouvait être espéré le 18 juin prochain, lors du Conseil européen, et qu'un signal, en ce sens, avant les élections européennes, serait le bienvenu.

Un débat a suivi l'exposé du ministre des affaires étrangères.

Evoquant la situation en Irak, M. Xavier de Villepin a souhaité obtenir des précisions sur les négociations menées par les forces américaines avec des anciens membres de l'armée irakienne à Fallouja et sur la volonté de la coalition d'affronter le chef chiite Moqtada Al Sadr à Najaf. Il a souhaité savoir quel pouvait être le rôle de l'Iran dans le processus.

M. Guy Penne a interrogé le ministre sur la situation en Afrique, considérant que la politique française devait y être maintenue, pas uniquement dans les cas de conflits. La France se devait d'agir pour rendre l'aide de l'Union européenne plus efficace. Il a cité le cas du Togo, où notre pays devrait accentuer ses efforts.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga a souhaité la communication aux parlementaires des projets de restructuration du réseau diplomatique. Les capacités au service de la diplomatie d'urgence et des Français de l'étranger souffrent d'une situation matérielle très difficile. Elle a ainsi évoqué le cas de l'Allemagne, où la fermeture de quatre consulats obère les capacités des autorités consulaires françaises à délivrer, à nos compatriotes résidents, des pièces d'identité, dans des délais convenables.

M. Jean-Marie Poirier évoquant sa récente mission effectuée en Serbie Monténégro, en compagnie de M. Didier Boulaud, s'est dit préoccupé des menaces d'instabilité pesant toujours sur cette région des Balkans, comme l'ont démontré les incidents sanglants du mois de mars dernier au Kosovo. Il a souhaité recueillir les enseignements que le ministre tirait de ces affrontements, notamment quant à l'action future et au rôle de la MINUK.

M. Jean-Pierre Plancade s'est interrogé sur un éventuel engagement militaire et économique de la France en Irak, si l'ONU prenait la responsabilité de ce pays. Il a évoqué le rôle joué par l'Iran, qui affirme vouloir contribuer à une restauration de la paix régionale, et s'est interrogé sur le crédit à apporter à ces engagements. Il a enfin évoqué le projet américain de « Grand Moyen-Orient », qui vise à démocratiser le monde arabe et musulman avec des moyens qui semblent peu adaptés et a interrogé le ministre sur le contenu d'un projet franco-allemand allant dans le même sens.

M. Jean François-Poncet a relevé l'attachement du Quartet, et en particulier de la France, à la feuille de route dont il a cependant constaté, pour le déplorer, qu'il n'en restait aujourd'hui presque rien. Il a estimé que la politique conduite par Israël tourne le dos à la feuille de route, que ce soit par la poursuite de la colonisation ou de l'édification de la clôture de sécurité, dont le tracé morcelle le territoire palestinien et entrave la création d'un futur Etat. Il a déploré que le Président Bush ait publiquement cautionné cette politique, et s'est déclaré d'un grand pessimisme pour l'avenir, alors que la majorité du Likoud vient de rejeter une évacuation, pourtant à l'évidence positive pour Israël, de la bande de Gaza et que certaines colonies de Cisjordanie constituent désormais de véritables villes.

En réponse à ces questions, le ministre a apporté les précisions suivantes :

- en Irak, il semble que les Américains aient décidé de confier à des responsables militaires irakiens la responsabilité de mettre en oeuvre l'accord mettant fin aux affrontements autour de la ville de Fallouja. Quant à la rébellion menée par Moktada Al Sadr depuis Najaf, la population locale pourrait témoigner d'une lassitude croissante ;

- il n'y aura pas, dans les circonstances actuelles, de soldats français en Irak, que ce soit sous le drapeau national ou celui de l'OTAN. Pour autant, la France est prête, le moment venu, à prendre sa part à la reconstruction politique et économique de l'Irak, notamment par la formation de forces de police ou de gendarmerie, en participant également à l'allègement de la dette et à la reconstruction économique, en liaison avec l'Union européenne ;

- inquiet du risque de déstabilisation, l'Iran entend jouer un rôle spécifique et souhaite la reconnaissance de son statut de puissance régionale. La France est par ailleurs attentive à ce que ce pays tienne tous les engagements qu'il a pris récemment en matière nucléaire ;

- le ministre a souligné que le continent africain, pour la France, n'était pas seulement le continent des crises ou du sous-développement. Il a relevé que, dans 20 ans, l'Afrique aurait un milliard d'habitants, très majoritairement jeunes, avec un revenu moyen de moins d'un dollar par jour. Face à cet enjeu, le ministre a souligné l'intérêt de renforcer, au sein de l'Union européenne, nos différentes politiques africaines nationales. Soulignant l'intérêt de réfléchir à la mise en place d'instruments complémentaires du FED, il a évoqué l'exemple des politiques régionales ;

- le renforcement des initiatives régionales, le rôle des organisations régionales africaines et la mise en oeuvre du NEPAD constituent autant de facteurs d'évaluation positifs, sur lesquels doit s'appuyer l'évolution de notre politique bilatérale ;

- les crédits de l'aide publique au développement (APD) française seront « sanctuarisés » dans le cadre du projet de loi de finances pour 2005. Quant à la situation du Togo, le dialogue avec l'Union européenne a récemment repris ;

- il sera important de faire le point sur les modes de fonctionnement du réseau diplomatique, son redéploiement et son efficacité. Il est essentiel de faire cesser la tendance régulière depuis plusieurs années à la réduction des effectifs et des moyens financiers du ministère. Les réformes nécessaires se feront dans le souci du dialogue social et les avis des commissions compétentes des deux assemblées sur les évolutions du réseau seront les bienvenus ;

- les difficultés rencontrées auprès de certains consulats par certains de nos compatriotes, pour obtenir des cartes d'identité ou des passeports, sont liées à la nécessité de nous doter de documents non falsifiables. Plus généralement, les regroupements de consulats répondent à un souci de rationalisation qui ne remet pas en cause les fonctions qu'ils exercent. Enfin, l'idée de regrouper des consulats entre pays membres de l'Union européenne devrait être à nouveau approfondie ;

- le Kosovo est incontestablement le dossier le plus brûlant des Balkans. La France y attache d'autant plus d'intérêt qu'elle doit prendre, en septembre prochain, le commandement de la KFOR. L'incertitude qui pèse sur le statut final de cette province entretient une tension que seule une perspective politique claire sera de nature à dissiper. A cet égard, la perspective d'une future intégration, même à long terme, dans l'Union européenne contribuerait à apaiser ces tensions et à assurer un comportement politique répondant aux exigences européennes ;

- le plan de retrait unilatéral de la bande de Gaza ne saurait constituer un substitut à la feuille de route. L'Union européenne veut peser de tout son poids au sein du Quartet pour que cette feuille de route reste le cadre prioritaire. L'alternative à cette feuille de route est le chaos et l'alternative à la négociation avec les Palestiniens est l'intensification des violences.

M. Pierre Biarnès a estimé que notre outil diplomatique se trouvait dans un état calamiteux, faute d'attribution de crédits appropriés depuis près de 20 ans. Par ailleurs, il s'est inquiété de la situation en Côte d'Ivoire et de ses conséquences sur la situation de nos compatriotes résidant dans ce pays.

M. Pierre Mauroy a évoqué le succès de la coopération décentralisée qui s'est considérablement développée depuis plus de 20 ans. Cette « diplomatie des villes » se substitue progressivement à une coopération entre les Etats qui tend à s'estomper. Il a souhaité savoir par quel moyen le ministère des affaires étrangères entendait soutenir cette forme de diplomatie. Il a par ailleurs regretté l'insuffisante présence d'élus locaux français dans les réunions internationales organisées dans ce cadre.

Mme Paulette Brisepierre a salué la qualité de l'action des forces militaires françaises présentes en Côte d'Ivoire, grâce auxquelles nos compatriotes présents dans ce pays restent protégés des menaces sur leur vie. Elle s'est cependant interrogée sur la stabilité du gouvernement en place à Abidjan et sur l'avenir de ce pays.

Mme Danielle Bidard-Reydet a regretté que l'action de l'Union européenne au sein du Quartet soit si faiblement efficace sur la situation au Proche-Orient, faute de capacité concrète à se faire respecter. Elle s'est interrogée sur la meilleure manière de convaincre les Etats-Unis de réintégrer pleinement le Quartet, au lieu de faire cavalier seul. Elle a déploré que la construction du mur conduise, si elle était menée à terme, à une annexion de fait de 40 % de la Cisjordanie par Israël, et s'est interrogée sur les possibilités, pour l'Union européenne, de s'opposer à cette situation de fait. Elle a souhaité que la même Union européenne se mobilise activement pour favoriser la tenue d'élections palestiniennes qui permettraient de faire émerger de nouveaux responsables.

M. Jean-Guy Branger a rappelé la nécessité d'une plus grande attention de la diplomatie française à l'égard de l'Ukraine.

Mme Hélène Luc a souhaité recueillir l'avis du ministre sur les faits impliquant des soldats américains dans des sévices qui auraient été infligés à des prisonniers irakiens.

M. Robert Del Picchia a évoqué l'importance de la diplomatie parlementaire à laquelle concourt activement l'Union interparlementaire, dont la dernière réunion, à Mexico, a été l'occasion de votes de résolution en faveur de l'action de la politique française dans divers endroits du monde, et notamment le Proche-Orient. Il a souhaité que l'UIP puisse bénéficier d'une coopération accrue avec le gouvernement.

Le ministre a apporté les précisions suivantes :

- le réseau diplomatique doit être rationalisé, une meilleure répartition des effectifs entre Paris et les postes, entre les expatriés et les recrutés locaux, ainsi qu'entre les différents services de l'Etat à l'étranger, est souhaitable. Pour autant, il importe de redresser la tendance budgétaire ancienne à la baisse des effectifs et aux restrictions financières. Les crédits du ministère des Affaires étrangères doivent constituer une des priorités du budget 2005. Par ailleurs, à l'heure actuelle, le ministère n'est pas concerné par les mesures de régulation budgétaire ;

- la France est attachée à ses liens privilégiés avec la Côte d'Ivoire, où vivent encore près de 10 000 de nos compatriotes. Dans cette crise, la détermination de la France reste entière. Au nombre des chemins à explorer, figure le parrainage des pays voisins pour conforter la crédibilité des accords de Marcoussis. Il n'y a pas de solution militaire durable dans ce conflit, seule une solution politique est possible. L'objectif est d'aboutir aux élections prévues à la fin de l'année 2005, de préserver l'intégrité du territoire et la stabilité régionale. La France continue à conforter les efforts de la CEDEAO et à mobiliser la communauté internationale dans le cadre fixé par les Nations unies ;

- les potentialités de la diplomatie parlementaire et de l'action internationale des collectivités territoriales sont importantes. L'efficacité, la proximité et la continuité, qui caractérisent la coopération décentralisée, doivent être soulignées. Dans le cadre de l'Union européenne et de la réforme de la politique régionale, le développement des moyens d'Interreg et des objectifs I et II pour favoriser ce type de coopérations au sein de l'Europe élargie a été proposé. Le ministère des Affaires étrangères va par ailleurs améliorer ses méthodes pour favoriser une meilleure concertation avec les acteurs de la coopération non gouvernementale. Une cartographie des coopérations sera établie, afin d'identifier les manques et les redondances. La coopération décentralisée doit constituer un axe majeur de motivation des ambassadeurs, et, au-delà, le travail avec les organisations non gouvernementales et le secteur privé ;

- le dispositif de protection de nos compatriotes en Côte d'Ivoire a été renforcé dès le début de la crise et 4 500 militaires français, dont c'est l'une des missions essentielles, sont déployés au titre de l'opération « Licorne » ;

- les Etats-Unis ne peuvent pas résoudre, à eux seuls, le conflit israélo-palestinien. Il convient de les encourager à se mobiliser au sein du Quartet, qui doit constituer un lieu privilégié des négociations. Il importe de refuser les modifications unilatérales des frontières, la France et l'Union européenne considèrent comme illégal le tracé du mur de séparation ;

- située aux frontières de l'Europe élargie, l'Ukraine a toute sa place au sein de la politique de nouveau voisinage qui se met en place ;

- le traitement infligé aux prisonniers irakiens est inadmissible. Les pays directement concernés l'ont eux-mêmes dit. Le droit international, notamment les Conventions de Genève, s'applique naturellement en Irak, et doit être respecté.

Mercredi 5 mai 2004

- Présidence de M. André Dulait, président -

Traités et conventions - Convention France-RFA relative aux lycées franco-allemands et au baccalauréat franco-allemand - Examen du rapport

La commission a tout d'abord procédé à l'examen du rapport de Mme Jacqueline Gourault sur le projet de loi n°187 (2003-2004), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne relative aux lycées franco-allemands et au baccalauréat franco-allemand.

Mme Jacqueline Gourault, rapporteur, a précisé que la convention relative aux lycées et au baccalauréat franco-allemands, signée lors du sommet de Schwerin, le 30 juillet 2002, visait à remplacer et actualiser la convention conclue trente ans auparavant, en février 1972, qui instaurait le baccalauréat franco-allemand et fondait le cadre juridique des établissements binationaux préparant à cet examen commun aux deux pays.

Elle a retracé l'historique de cette formule originale d'intégration scolaire, initiée par la transformation d'un établissement français en Allemagne, le lycée Maréchal Ney de Sarrebruck, en lycée franco-allemand à partir de la rentrée scolaire de 1961. Ce lycée fut par la suite pris pour modèle dans la perspective d'un renforcement des liens entre les deux systèmes éducatifs, conformément aux objectifs fixés par le traité de l'Elysée de 1963 sur la coopération franco-allemande. Les réflexions communes aboutirent, en février 1972, à la signature d'une convention définissant la notion de lycée franco-allemand et créant un baccalauréat franco-allemand. Outre l'établissement de Sarrebruck, deux autres lycées franco-allemands ont été créés, l'un à Fribourg en Brisgau, dans le Bade-Würtenberg, l'autre au Buc, près de Versailles.

Mme Jacqueline Gourault, rapporteur, a indiqué que les trois lycées franco-allemands constituaient des établissements publics reposant sur une organisation pédagogique commune, distincte de celle en vigueur dans chacun des systèmes d'enseignement des deux pays. Au sein de chaque lycée, les élèves sont répartis en deux sections - une section allemande et une section française - en fonction de leur langue maternelle, mais ils reçoivent une partie des enseignements dans la langue du pays partenaire. Au fil des années d'étude, l'intégration devient de plus en plus complète dans la totalité des matières.

Les trois lycées binationaux comptent aujourd'hui près de 2.600 élèves. Ces derniers y sont préparés, à travers une scolarité commune, à un examen commun et biculturel : le baccalauréat franco-allemand. Délivré pour la première fois en juin 1972, ce diplôme est reconnu de plein droit par la France et par l'Allemagne. Il permet à tous les élèves de continuer leurs études dans ces deux pays sans exigences supplémentaires. Sur le plan international il est reconnu comme un diplôme français ou allemand.

Mme Jacqueline Gourault, rapporteur, a ensuite présenté les trois principales séries de modifications apportées par la nouvelle convention du 30 juillet 2002 au dispositif des lycées franco-allemands.

Tout d'abord, elle permet de créer, aux côtés des séries littéraire et scientifique, une série économique et sociale (ES) qui n'existait pas jusqu'à présent, bien qu'elle représente, dans le système éducatif français, plus de 30 % des reçus au baccalauréat général.

Deuxièmement, la convention simplifie les procédures de modification des programmes d'enseignement qui ne nécessiteront plus un accord intergouvernemental, de manière à s'adapter plus rapidement aux évolutions de l'enseignement scolaire dans les deux pays.

Enfin, la nouvelle convention modifie les règles de passation du baccalauréat franco-allemand afin d'apporter des garanties supplémentaires sur le plan juridique. Le jury commun aux trois établissements comportera notamment un nombre accru de professeurs extérieurs aux trois lycées, afin de renforcer l'impartialité de l'examen.

En conclusion, Mme Jacqueline Gourault, rapporteur, a constaté que les modifications prévues par la nouvelle convention restaient relativement limitées. Elle a ajouté que les lycées franco-allemands demeuraient des exemples plutôt isolés d'intégration scolaire. Le nombre de leurs élèves n'a guère augmenté et il n'a pas été envisagé de créer sur ce modèle des établissements supplémentaires.

Elle a évoqué les divers dispositifs destinés à renforcer l'apprentissage mutuel des deux langues, tels que les sections préparant à la délivrance simultanée du baccalauréat et de l'Abitur ou les sections européennes d'allemand prévoyant un enseignement renforcé dans cette langue. Elle a souligné qu'en dépit de ces différentes formules, la place de chacune des deux langues dans le système scolaire du pays partenaire avait constamment reculé au cours des dernières années. Ainsi, en France, on ne compte que 8% d'élèves apprenant l'allemand en 1re langue, contre 14 % il y a 30 ans, et la chute est plus spectaculaire encore pour la 2e langue, puisque l'on est revenu de 36 % en 1970 à 13 % aujourd'hui.

Mme Jacqueline Gourault, rapporteur, a rappelé que cette situation préoccupante figurait régulièrement à l'ordre du jour des rencontres franco-allemandes. Considérant que la convention allait dans le sens d'un renforcement de la coopération éducative et linguistique entre la France et l'Allemagne, elle a proposé à la commission d'émettre un avis favorable à l'adoption du projet de loi.

À la suite de l'exposé du rapporteur, M. Xavier de Villepin a approuvé les observations relatives au déclin de l'étude de la langue allemande en France. Il a jugé cette situation étonnante et regrettable, dans la mesure où l'on ne peut contester l'utilité de connaître la langue de notre premier partenaire économique. Par ailleurs, tout en approuvant pleinement la convention du 30 juillet 2002, M. Xavier de Villepin a regretté que la France et l'Allemagne n'aient pas été beaucoup plus loin dans la coopération éducative. Face aux difficultés financières auxquelles se heurtent l'entretien, et a fortiori l'expansion, du réseau d'enseignement français à l'étranger, il aurait été utile que les deux pays réfléchissent à une mise en commun de leurs moyens. La transformation d'écoles françaises à l'étranger en écoles franco-allemandes, ou en écoles européennes associant d'autres pays, permettrait sans doute de donner une plus large surface à notre enseignement à l'étranger et de répondre ainsi à une demande en augmentation. Enfin, M. Xavier de Villepin s'est interrogé sur le maintien de la gratuité de la scolarité dans des établissements tels que les lycées franco-allemands, observant qu'il deviendra de plus en plus difficile de concilier ce principe avec les exigences toujours plus fortes de l'investissement dans l'enseignement et la formation.

M. André Dulait, président, a estimé qu'il était du devoir de la collectivité d'assurer aux familles les moins favorisées l'accès à l'enseignement, mais qu'il ne serait pas anormal de solliciter des autres une participation, même minime, aux coûts du système éducatif. S'agissant des lycées franco-allemands, il a constaté que l'impulsion d'origine n'avait pas été suivie par un développement de ce type d'établissements, peut-être faute de volonté politique. Il a considéré que la mise en commun, entre Européens, de leurs moyens d'enseignement à l'étranger, relevait d'une problématique analogue à celle de l'évolution de notre réseau diplomatique et consulaire, qui gagnerait lui aussi à intégrer la dimension européenne.

M. Xavier de Villepin a lui aussi regretté qu'aucun progrès n'ait été réalisé sur la voie d'un rapprochement de notre réseau diplomatique et consulaire avec celui de nos partenaires européens, ce qui aurait sans doute permis de dépasser les contraintes financières que nous connaissons actuellement.

À la suite de ces interventions, Mme Jacqueline Gourault, rapporteur, a estimé que l'apprentissage de l'allemand avait certainement été pénalisé par l'image élitiste qui s'attachait à cette langue à l'époque où elle constituait un critère de sélection et était censée être choisie par les meilleurs élèves. Elle a souligné la nécessité, pour l'éducation nationale française, de bien mieux prendre en compte les scolarités effectuées dans les établissements d'autres pays européens. Enfin, elle a pleinement approuvé les suggestions de M. Xavier de Villepin visant à envisager en commun avec nos partenaires européens le développement de notre réseau d'établissements à l'étranger.

La commission a ensuite adopté le projet de loi.

Traités et conventions - Accord sur la conservation des albatros et des pétrels - Examen du rapport

Puis la commission a examiné le rapport de M. Louis Moinard sur le projet de loi n° 45 (2003-2004) autorisant l'approbation de l'accord sur la conservation des albatros et des pétrels.

M. Louis Moinard, rapporteur, a indiqué que l'accord avait été conclu en 2001 par sept Etats riverains, ou possédant des territoires, dans l'Atlantique Sud, dont la France. Les mesures que ce texte préconise visent à juguler la baisse continue des populations d'albatros et de pétrels constatée, dans l'Atlantique Sud, depuis une vingtaine d'années. Le rapporteur a précisé que les études scientifiques menées sur ce phénomène inquiétant avaient fait apparaître le fort taux de mortalité entraîné, chez ces oiseaux, par la pêche à la palangre. Cette forme de pêche se pratique à l'aide de lignes pourvues de nombreux hameçons appâtés avec des poissons, et couramment utilisés pour la capture d'espèces de grands fonds, comme le thon ou la légine. Ces lignes attirent, le temps de leur mise à l'eau, les oiseaux de mer qui saisissent les appâts et se prennent fréquemment aux hameçons qui les supportent. Cette conséquence non recherchée d'une forme de pêche qui, par ailleurs, est respectueuse des ressources halieutiques, a un double effet négatif : elle nuit à la rentabilité des flottes par l'encombrement des lignes par les cadavres d'oiseaux et elle menace des espèces d'oiseaux caractérisées par leur faible fécondité.

M. Louis Moinard, rapporteur, a rappelé que ces conséquences économiques et écologiques avaient été étudiées par la FAO, qui a élaboré en 1999 un « plan d'action international visant à réduire les captures accidentelles des oiseaux de mer par les palangriers ». Ce document présente les diverses méthodes utilisables pour réduire les captures accidentelles d'oiseaux, dont certaines sont d'un coût très limité. Le rapporteur a par ailleurs rappelé que les flottes de pêche enregistrées dans les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) utilisaient déjà des méthodes de pêche visant à préserver les albatros et les pétrels.

Puis le rapporteur a précisé que le présent accord était déjà entré en vigueur après sa ratification par cinq des Etats signataires : l'Afrique du Sud, l'Equateur, l'Espagne, la Grande-Bretagne et la Nouvelle-Zélande. Il a estimé que notre pays avait tout à gagner à ratifier rapidement ce texte, ses principales dispositions étant, d'ores et déjà, respectées par notre pays et il en a donc recommandé l'adoption.

A l'issue de cet exposé, M. Guy Penne a souligné l'importance que revêtait, tant pour l'image de la France que pour la protection des espèces menacées, la ratification de cet accord.

La commission a alors adopté le projet de loi.