Sommaire

  • Mercredi 9 juin 2004
    • Traités et conventions - Protocole à la convention portant création d'un fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures - Examen du rapport
    • Mission d'information à l'étranger - Israël-Jordanie et Territoires palestiniens - Compte rendu
    • Traités et conventions - Convention France-Nouvelle-Zélande relative à l'emploi des personnes à charge des membres des missions officielles d'un Etat dans l'autre
    • Nomination de rapporteurs

Mercredi 9 juin 2004

- Présidence de M. André Dulait, président -

Traités et conventions - Protocole à la convention portant création d'un fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures - Examen du rapport

La commission a examiné le rapport de M. André Boyer sur le projet de loi n° 308 (2003-2004) adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation duprotocole à la conventiondu 27 novembre 1992 portant création d'un fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures.

M. André Boyer, rapporteur, a tout d'abord indiqué que le protocole adopté le 16 mai 2003 dans le cadre de l'Organisation maritime internationale (OMI) trouvait son origine dans les insuffisances flagrantes apparues, après la marée noire du Prestige, dans le traitement des demandes d'indemnisation. En effet, dans le cadre de la réglementation internationale en vigueur au moment du naufrage, les sommes disponibles au titre de l'assurance du pétrolier et du Fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures (FIPOL) n'ont permis de prendre en compte ces demandes qu'à hauteur de 15 % du préjudice subi. L'objet du nouveau protocole est de créer, en complément du FIPOL, un nouveau fonds international susceptible d'intervenir jusqu'à des montants du même ordre que ceux qui auraient été nécessaires pour le Prestige.

M. André Boyer, rapporteur, a rappelé l'architecture actuelle du régime international de responsabilité civile et d'indemnisation en cas de marée noire, qui fait intervenir, en premier lieu, la responsabilité de plein droit du propriétaire du pétrolier, jusqu'à hauteur d'un plafond variant en fonction du tonnage du navire, puis en second lieu le FIPOL, fonds international alimenté par les contributions des importateurs de pétrole, dont les indemnisations sont elles aussi plafonnées. Précisant qu'à la suite du naufrage de l'Erika, en 1999, les dommages n'avaient pu être entièrement couverts, il a ajouté qu'une augmentation d'environ 50 % des plafonds stipulés par les conventions internationales sur la responsabilité civile et sur le FIPOL avait été décidée en octobre 2000, mais qu'elle ne s'appliquait qu'aux sinistres survenus après le 1er novembre 2003. Depuis cette date, le montant total disponible s'élève à 296 millions de dollars, ce qui ne représente encore qu'environ 22 à 23 % des dommages liés au naufrage du Prestige.

Devant la difficulté de recueillir, au sein de l'OMI, un consensus parmi les 85 États parties aux conventions sur la responsabilité civile et le FIPOL sur une nouvelle augmentation des plafonds d'indemnisation, les pays européens ont proposé la création d'un « troisième étage » d'indemnisation, grâce à un fonds complémentaire auquel n'adhéreront que les États qui le souhaitent et qui portera le montant total disponible à 1,1 milliard de dollars. C'est l'objet du protocole du 16 mai 2003, qui entrera en vigueur après sa ratification par 8 Etats représentant au moins 450.000 tonnes de pétrole brut importé. Ces conditions devraient en principe être réunies d'ici la fin de l'année 2004.

M. André Boyer, rapporteur, a considéré que les pays signataires de ce protocole avaient fait prévaloir la recherche d'une indemnisation complète et rapide sur toute autre considération, mais qu'en dépit des améliorations apportées, il ne pouvait être considéré comme une réponse satisfaisante aux lacunes du régime international d'indemnisation des marées noires. Il a estimé que le protocole accentuait certains défauts de ce régime, notamment le déséquilibre de plus en plus fort entre la responsabilité limitée des propriétaires de navires et celle des importateurs. Rappelant que l'assureur du Prestige ne serait pas mis à contribution au-delà de 25 millions de dollars, somme qui aurait été portée à 37 millions de dollars avec les nouveaux montants applicables depuis fin 2003, il a souligné qu'avec le nouveau protocole, c'est la quasi-totalité de la charge qui pèserait sur la collectivité des importateurs, au travers des deux fonds internationaux d'indemnisation.

M. André Boyer, rapporteur, s'est référé à l'exposé des motifs du projet de loi, dans lequel le Gouvernement reconnaît le risque d'augmenter « l'irresponsabilité des propriétaires de navire ... en les déchargeant de presque tout le poids de l'indemnisation », dans l'hypothèse où ne serait pas engagée parallèlement une révision substantielle du régime international, et notamment de la convention sur la responsabilité civile des propriétaires de pétroliers. Il a rappelé que les différents travaux parlementaires réalisés à la suite des deux marées noires de l'Erika et du Prestige avaient plaidé en faveur d'un relèvement des plafonds de responsabilité des propriétaires de pétroliers, avec des modulations tenant à l'état d'entretien du bâtiment et à la dangerosité de la cargaison transportée. De même, il lui a paru nécessaire que le régime international permette de mieux responsabiliser tous les acteurs concernés.

Enfin, il a évoqué les efforts nécessaires en matière de réglementation de la navigation, de surveillance du trafic, d'organisation des secours ou de traitement des pollutions. Il s'est félicité, à cet égard, de la mise en place de l'Agence européenne de la sécurité maritime, de la publication, par les instances européennes, d'une liste noire de navires, et des premières mesures prises en vue de renforcer les procédures d'inspection des navires, d'accélérer le retrait des pétroliers à simple coque, d'améliorer les normes sociales applicables aux équipages et d'aggraver des sanctions pénales à l'encontre des pollueurs.

M. André Boyer, rapporteur, a estimé que ce protocole, par lui-même insuffisant, appelait certaines réserves, mais qu'il s'accompagnait de nombreuses actions menées à l'échelon national ou européen en vue de prévenir les marées noires. Tout en souhaitant que ces actions soient renforcées, il a proposé à la commission d'émettre un avis favorable à l'adoption du projet de loi.

À la suite de l'exposé du rapporteur, M. André Dulait, président, a souligné que la Chine était appelée à devenir l'un des principaux importateurs de pétrole et il s'est interrogé sur sa participation aux régimes d'indemnisation.

M. Louis Moinard, insistant sur la nécessité de mesures préventives, a souhaité savoir si les procédures d'inspection des navires avaient été renforcées depuis les dernières marées noires.

M. Jean-Guy Branger a considéré qu'en matière d'inspection de navires, de très minces progrès avaient été réalisés.

M. Ernest Cartigny s'est interrogé sur les raisons justifiant la mise en place, par les États-Unis, de leur propre régime d'indemnisation des pollutions maritimes par hydrocarbures, indépendamment du FIPOL.

M. André Boyer, rapporteur, a apporté les précisions suivantes :

- la Chine ne participe au FIPOL qu'au titre de la région administrative spéciale de Hong Kong ;

- un effort a été engagé pour renforcer le contrôle des pétroliers ; les effectifs étant insuffisants, des inspecteurs supplémentaires ont été recrutés ; des mesures d'organisation ont été prises pour accentuer le contrôle des navires à risque ; toutefois, ces dispositions ne produisent d'effets que très progressivement ;

- les Etats-Unis ont adopté en 1990 leur propre législation sur la réparation des dommages résultant de marées noires, deux ans avant la révision des conventions de l'OMI sur la responsabilité civile et le FIPOL ; elle se caractérise par la possibilité de mettre en jeu la responsabilité illimitée de l'armateur, ce qui engage ce dernier à veiller particulièrement sur la sécurité ; elle soumet également à certaines conditions préalables l'entrée des pétroliers dans les eaux territoriales américaines.

La commission a ensuite adopté le présent projet de loi.

Mission d'information à l'étranger - Israël-Jordanie et Territoires palestiniens - Compte rendu

La commission a ensuite entendu le compte rendu, par M. Guy Penne, d'une mission effectuée par une délégation de la commission en Israël, du 22 au 25 février 2004 et en Jordanie et dans les territoires palestiniens, du 17 au 25 avril 2004.

M. Guy Penne, rapporteur, a indiqué que cette mission avait pour objectif d'apprécier l'état du processus de paix après trois ans et demi d'Intifada. Il a mentionné les principales personnalités rencontrées par la délégation, qu'il présidait et qui comprenait également Mme Danielle Bidard-Reydet et M. Jean François-Poncet, indiquant que la délégation avait pu effectuer deux visites de terrain, à Bethléem et à Gaza.

M. Guy Penne, rapporteur, a rappelé les principales étapes du processus de paix israélo-palestinien, dont le blocage est manifeste. Le dernier accord, la « feuille de route », est aujourd'hui au point mort ; trois ans et demi d'Intifada et de répression ont réduit à néant la confiance réciproque entre les deux parties.

Abordant les conséquences de l'Intifada en Israël, M. Guy Penne, rapporteur, a précisé qu'à la différence de la première Intifada, limitée, dans ses actions, aux territoires palestiniens, la seconde affectait directement le territoire israélien et avait conduit à placer au premier rang les questions de sécurité dans le débat public israélien, permettant au Likoud, parti du premier ministre Ariel Sharon, d'affirmer sa suprématie.

Cette perception de la mise en cause de l'existence même d'Israël conduit à un raidissement idéologique, sensible à la fois dans les discours et dans les moyens mis en oeuvre.

Sur le terrain économique, il a indiqué qu'Israël avait subi le contrecoup du ralentissement de la croissance mondiale, aggravé par la détérioration de la situation sécuritaire, ce qui se traduit par des taux de chômage et de pauvreté très importants.

Abordant la situation des territoires palestiniens, M. Guy Penne, rapporteur, a indiqué que l'autorité palestinienne se trouvait dans une impasse, invalidée par le pouvoir israélien et tiraillée entre deux légitimités, celle d'embryon d'Etat et celle de la résistance à l'occupant. Des problèmes de gouvernance ajoutent à cette crise de légitimité, alors que l'Autorité est dans l'impossibilité de pourvoir aux besoins élémentaires des populations.

M. Guy Penne, rapporteur, a fait état de la situation économique des territoires qui, en dépit d'un dynamisme indéniable, se paupérisent de façon croissante, en raison de l'incertitude politique et des restrictions qui affectent la circulation des biens et des personnes. Il a précisé que le revenu national des territoires avait reculé d'un niveau équivalent à celui de la Tunisie à celui d'un PMA (Pays les moins avancés) et que le taux de chômage y était en moyenne de 40 %. Les territoires ne vivent que grâce à une aide internationale massive, la nature de cette aide étant passée de l'aide au développement à l'assistance humanitaire.

M. Guy Penne, rapporteur, a souligné que cette absence de perspectives nourrissait des explosions de violence et accroissait le crédit de l'alternative islamiste à l'Autorité palestinienne, avec la montée en puissance du mouvement islamiste Hamas, corrélée à la dégradation sécuritaire et sociale.

M. Guy Penne, rapporteur, a ensuite exposé la nouvelle initiative d'Israël, sous la forme d'un plan de retrait unilatéral de Gaza.

Il a souligné qu'Israël disposait, à cette fin, d'un faisceau de circonstances favorables : une situation stratégique meilleure que jamais, le soutien inconditionnel des Etats Unis et une altération profonde de l'image de l'Autorité palestinienne, liée aux attentats suicides. Les motivations du plan de retrait unilatéral tiennent à des considérations démographiques et de politique intérieure et à la multiplication des initiatives internationales, comme le « plan de Genève ».

M. Guy Penne, rapporteur, a souligné que le plan de séparation, symbolisé notamment par la construction du mur, représentait une conversion, avec des modalités différentes, à des idées travaillistes. Il signifie le renoncement à la constitution du Grand Israël par l'annexion de la totalité des territoires palestiniens. Ce renoncement n'a cependant pas pour corollaire la constitution d'un Etat palestinien et le plan de retrait ne peut, par conséquent, s'inscrire dans le cadre de la feuille de route.

Le rapporteur a exposé les grandes lignes du plan de retrait et indiqué que la construction du mur de séparation s'inscrivait dans la même philosophie. Le mur façonne la frontière et les paysages de façon irréversible et traduit la tentation « insulaire » d'Israël de se séparer du Proche-orient pour se tourner vers l'Europe.

M. Guy Penne, rapporteur, a ensuite évoqué les limites du plan de retrait, qui laisse de côté des questions non réglées.

La sécurité d'Israël ne pourrait être garantie en l'absence de règlement durable. La séparation effective des populations est illusoire en raison du maintien des colonies en territoire palestinien, mais aussi de la présence, en Israël, de plus d'un million de citoyens arabes. Surtout, la viabilité de l'Etat palestinien dessiné par ce plan n'est pas envisageable. Cet Etat serait constitué de territoires morcelés, dépourvu de continuité territoriale, dont les accès seraient contrôlés par Israël, sans aucun débouché économique. Le quotidien des populations, dont la délégation a pu avoir un aperçu en rencontrant elle-même des difficultés de circulation, est source d'humiliation, ce qui ne peut laisser espérer une paix durable.

M. Guy Penne, rapporteur, a souligné que la charge symbolique de ce conflit alimente le rejet de la politique des Occidentaux et de leurs valeurs, aggravé encore par la situation en Irak. Les frustrations des populations locales risquent de faire basculer ce qui est encore un islamisme nationaliste vers un jihadisme international incontrôlable. Il a par ailleurs précisé que le gouvernement israélien s'est récemment prononcé sur un plan de retrait profondément remanié qui prévoit un désengagement à la fois retardé, limité et fractionné, ce qui risque d'alimenter encore les rancoeurs des Palestiniens.

Le rapporteur a considéré qu'il était urgent de redonner une crédibilité au discours et à l'action de la communauté internationale, ce qui implique, au premier chef, de faire revenir les Etats-Unis au sein du Quartet. De vraies garanties doivent être données à Israël sur sa sécurité afin que cette question ne serve pas d'alibi à une politique du fait accompli. Il est indispensable qu'un travail multilatéral soit effectué sur la question des accès aux territoires palestiniens. Il importe aussi de redonner aux Palestiniens d'autres perspectives que le seul bénéfice d'une aide internationale massive.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

Mme Danielle Bidard-Reydet a souligné que le conflit israélo-palestinien occupait une place particulière dans les crises du Moyen-Orient et constituait un épicentre qui nécessite de concentrer sur lui tous les efforts. Pour sortir d'un face à face déséquilibré, une intervention internationale est indispensable, comme l'avait préconisé un précédent rapport adopté par la commission, sur ce conflit. Cette intervention est urgente, les limites du supportable ayant été franchies. La volonté politique permettrait de résoudre des questions considérées comme insolubles. Evoquant ainsi une réunion récemment tenue au Sénat en présence de MM. Yossi Beilin et Yasser Abed Rabbo, elle a rappelé que leurs approches s'appuyaient sur le contenu des pourparlers de Taba et qu'ils étaient parvenus à un accord sur des questions difficiles.

Elle a considéré que les difficultés rencontrées par le Premier ministre israélien pour faire aboutir son plan d'évacuation de Gaza confirmaient ses doutes quant à la réalité des intentions de M. Ariel Sharon. L'échéance du retrait a en effet été repoussée à 2005, date initialement prévue, par la feuille de route, pour la proclamation d'un Etat palestinien. Ce report permet aux colonies de se développer et au mur de séparation d'être construit dans sa totalité. Elle a par ailleurs considéré que le mur ne séparait pas tant les Israéliens des Palestiniens que les Palestiniens des Palestiniens. Elle a appelé à une implication européenne renforcée, un réengagement de la communauté internationale étant indispensable. L'Europe a une responsabilité historique à l'égard d'Israël et de sa sécurité mais elle doit également intervenir dans l'intérêt du peuple palestinien. Il importe de redonner corps à la feuille de route, dans le respect du droit international. A défaut, les rapports de force s'imposeraient sur le terrain.

M. Jean François-Poncet ayant indiqué qu'il ne s'était pas rendu depuis longtemps en Israël et dans les territoires palestiniens, s'est déclaré très préoccupé par ce qu'il avait pu observer lors du déplacement. Il a considéré que les deux niveaux du conflit, la dimension internationale et diplomatique d'une part, et la situation de terrain d'autre part, avaient évolué et qu'aujourd'hui c'est cette dernière qui était déterminante, la dimension internationale étant devenue « platonique ». Sur le terrain, ce n'est pas la feuille de route qui s'applique, mais les plans d'Ariel Sharon, qui supposent la destruction systématique de l'Autorité palestinienne, le développement des colonies et la construction du mur, ces trois axes conduisant à l'impossibilité évidente de construire un Etat viable sur la partie résiduelle des Territoires palestiniens.

L'engagement dans une négociation internationale, a poursuivi M. Jean François-Poncet, oblige à prendre comme base de discussion les résolutions des Nations unies. Du point de vue d'Israël, ce « retour en arrière »le contraindrait à des concessions que la stratégie unilatérale permet d'éviter. En réalité, il ne pourra y avoir d'Etat palestinien : les territoires non occupés ne communiqueront pas entre eux, les frontières resteront contrôlées par Israël qui pourrait même créer une zone militarisée le long du Jourdain. Israël n'entend certes pas occuper en totalité la Cisjordanie, car les Israéliens deviendraient alors démographiquement minoritaires dans cet ensemble. L'évacuation de Gaza s'inscrit dans ce scénario. Aussi bien, si elle rencontre tant d'oppositions, signifie-t-elle le renoncement au « grand Israël » et constitue-t-elle un précédent pour l'évacuation de colonies. Cette stratégie, rationnelle, donne le sentiment de créer l'irréversible et, pour la première fois, le Président des Etats-Unis a reconnu cette irréversibilité, position qui les prive désormais de leur rôle d'arbitre.

S'interrogeant sur l'avenir de la région, M. Jean François-Poncet a considéré que le passage d'une résistance palestinienne laïque à un mouvement d'islamisation menaçait les Territoires palestiniens tout comme l'ensemble du Moyen-Orient. Aussi bien ce conflit est-il l'un des éléments clé de l'avenir des relations entre l'Occident et le monde arabe. Enfin, si, pendant de nombreuses années, les Israéliens ont vécu aux côtés des Palestiniens, aujourd'hui la séparation est totale. Le « mur » s'inscrit ainsi dans une logique qui consiste, pour Israël, à « tourner le dos » au monde arabe, pour regarder vers l'Europe. Il a souhaité que la commission se donne pour tâche, au cours de la prochaine session, de tenter d'élaborer une synthèse sur le Moyen-Orient et son devenir.

Mme Monique Cerisier ben Guiga s'est demandé si l'on pouvait considérer que le processus de conquête territoriale était parvenu à son terme dans ce conflit. Elle s'est également interrogée sur les difficultés rencontrées par les Palestiniens chrétiens.

M. Guy Penne, rapporteur, a souligné que ces difficultés étaient réelles, comme a pu le constater la délégation lors d'une visite à Abou Dis, auprès d'une congrégation religieuse. Un accord entre Israël et le Vatican est d'ailleurs en cours de négociation actuellement.

M. Xavier de Villepin s'est interrogé sur la capacité de la communauté internationale à trouver des solutions à ce conflit. Le calendrier des élections américaines ne permettra aucun mouvement significatif avant la fin du mois de janvier 2005. Il convient de parvenir à une concomitance d'actions extérieures et de réformes intérieures. Une nouvelle pensée politique palestinienne doit émerger et les vicissitudes du gouvernement d'Ariel Sharon montrent qu'il faudrait de nouvelles élections en Israël. Il s'est également interrogé sur l'opportunité des aides budgétaires européennes aux Palestiniens, qui permettent de reconstruire des infrastructures qui sont systématiquement détruites à nouveau. Enfin, la mise en place d'un Etat palestinien non viable n'affecterait-elle pas, à terme, la viabilité d'Israël même ?

M. Serge Vinçon s'est interrogé sur la possibilité d'une intervention européenne, dans la mesure où les Etats-Unis se sont départis de leur rôle d'arbitre. Il a souhaité savoir si le retour des réfugiés palestiniens restait envisageable, notamment pour ceux qui résident au Liban ou en Jordanie.

M. Jean-Guy Branger a considéré que, dans ce conflit, aucun des accords signés n'avait jamais été respecté. Le « pourrissement » de la situation laisse ainsi place à l'imposition d'un rapport de forces. Il a souligné les difficultés matérielles pratiquement insurmontables auxquelles se heurterait l'organisation d'élections dans les territoires palestiniens, du fait des limitations imposées au déplacement des populations par les autorités israéliennes. Il s'est demandé dans quelle mesure la détérioration continue de la situation sur le terrain ne la rendrait pas irréversible, éliminant toute perspective crédible de création d'un Etat palestinien viable. Enfin, il a estimé que si l'Union européenne parvenait à témoigner d'une volonté politique forte, ses positions seraient de nature à créer un contexte nouveau et à faire progresser la recherche d'un règlement politique.

M. Jean-Pierre Plancade, relevant l'approche équilibrée retenue par les membres de la délégation, a souligné la responsabilité de chaque partie au conflit dans la détérioration de la situation, qu'il s'agisse de Yasser Arafat ou du gouvernement Sharon. Il a estimé que le soutien dont ce dernier bénéficie de la part des Etats-Unis paralysait l'action de la communauté internationale et s'est demandé comment celle-ci pourrait effectuer des propositions ayant une chance d'être entendues.

M. André Dulait, président, a souhaité savoir si l'ensemble des mesures prises par le gouvernement israélien pouvaient provoquer, à moyen terme, un départ des Palestiniens des territoires occupés.

M. Guy Penne, rapporteur, en réponse aux différentes interventions, a effectué les commentaires suivants :

- on doit s'inquiéter de l'écho grandissant que pourrait trouver l'islamisme radical dans la jeunesse palestinienne, alors que l'Autorité palestinienne fonctionne selon le principe de laïcité ;

- tous les réfugiés palestiniens ne se trouvent pas dans une même situation, le sort de ceux qui résident au Liban étant beaucoup plus difficile que celui des réfugiés en Jordanie, qui ont accès à la nationalité jordanienne et ne subissent pas d'entrave à leur insertion professionnelle ;

- si la viabilité d'un futur Etat palestinien est aujourd'hui clairement remise en cause, on peut également se poser la question de la viabilité d'Israël, à moyen terme, dans un environnement qui deviendrait de plus en plus hostile du fait du non-règlement de la question palestinienne ;

- certaines organisations juives américaines exercent une forte influence sur l'administration actuelle, mais il n'est pas certain qu'un changement de Président, après les élections de novembre, modifierait la ligne politique des Etats-Unis.

M. Jean François-Poncet a lui aussi considéré que la perspective d'un Etat palestinien viable s'éloignait de jour en jour. Il s'est en revanche montré dubitatif sur la possibilité de voir la viabilité d'Israël elle-même remise en cause par la persistance du conflit. Il a souligné, sur ce point, que la construction du mur de sécurité avait permis une nette diminution du nombre d'attentats suicides, qui sont le fait de Palestiniens infiltrés. La sécurité d'Israël ne deviendrait réellement menacée que dans l'hypothèse où les Palestiniens de l'intérieur prendraient fait et cause pour ceux des territoires. Il a observé qu'une telle situation pourrait d'ailleurs se retrouver en Europe, si les communautés musulmanes étaient gagnées par l'islamisme radical.

S'agissant de la question des réfugiés, il a insisté sur la nécessité de distinguer le « droit au retour », qui ne semble pas envisageable dans le périmètre de l'Etat d'Israël pour des raisons démographiques, et d'autres éléments qui peuvent, pour leur part, faire l'objet d'une négociation, notamment le versement d'indemnités à des réfugiés qui demeureraient dans leur pays d'accueil. Il a par ailleurs jugé peu probable le départ massif des Palestiniens des territoires, dans la mesure où peu de pays de la région seraient disposés à les recevoir. Aussi bien peut-on craindre, pour cette raison, de voir se perpétuer un foyer de tension et d'instabilité, dont les effets seront ressentis non seulement dans la région, mais également dans l'ensemble du monde occidental.

Évoquant les perspectives d'action diplomatique, M. Jean François-Poncet a considéré que l'Union européenne devait éviter de formuler des propositions qu'elle ne serait pas en mesure de mettre en oeuvre. Il a en revanche plaidé en faveur d'un sommet Union européenne - Etats-Unis sur la question israélo-palestinienne. S'agissant de la politique américaine, il a cité les différents facteurs pouvant influer, dans un sens ou dans un autre, sur son évolution. Dans l'hypothèse d'une réélection du Président Bush, on peut penser que le poids de certains lobbies, qu'ils relèvent de la communauté juive ou de groupes chrétiens conservateurs du sud, demeurera important. Mais à l'opposé, le fait que le Président ne soit pas rééligible, lui donnant une marge d'action plus large, pourrait l'amener à exercer des pressions plus fortes sur le gouvernement israélien. Enfin, désormais conscients des limites politiques, militaires et financières à leur puissance, les Etats-Unis pourraient également reconsidérer leur approche des questions de la région. En tout état de cause, il serait extrêmement utile, pour les parlementaires français, d'établir, sur ce point, un dialogue avec leurs homologues du Congrès.

Mme Danielle Bidart-Reydet a souligné que la nécessité d'un profond renouvellement du personnel politique était reconnue par beaucoup de Palestiniens, mais que les restrictions apportées à la liberté de circulation des populations rendaient matériellement très difficile l'organisation d'élections, initialement envisagées pour le mois de juin. En ce qui concerne le rôle de l'Union européenne, elle a estimé qu'il ne devait pas se réduire à celui de « banquier », nombre de Palestiniens estimant au demeurant qu'elle serait plus utile en pesant sur le plan politique qu'en apportant son soutien financier. Elle a rappelé à ce titre la clause relative aux droits de l'homme incluse dans les accords de partenariat et de coopération de l'Union européenne, et notamment dans celui conclu avec Israël, considérant qu'il y avait là un moyen d'exercer des pressions et, le cas échéant, d'appliquer des sanctions. Citant l'exemple de Bethléem, elle s'est vivement inquiétée du flux constant de départs vers l'étranger dans la communauté chrétienne de Palestine, en se demandant si certains ne pourraient pas tirer avantage de cette situation en réduisant le conflit à un affrontement entre le monde arabo-musulman et le monde occidental.

S'agissant de la sécurité, Mme Danielle Bidard-Reydet a reconnu qu'il s'agissait d'une question centrale pour Israël, mais s'est étonnée que les autorités israéliennes n'aient jamais donné suite à des propositions répondant à leurs préoccupations, comme, par exemple, le plan suggéré en 2002 par le prince Abdallah d'Arabie saoudite, qui tendait à faire reconnaître Israël et son droit à la sécurité par tous les pays arabes en échange d'un retrait des territoires occupés. Enfin, elle a souligné la montée de l'opposition à la politique du gouvernement Sharon au sein de l'opinion israélienne, en souhaitant, de la part de la France et de l'Europe, un soutien plus affirmé à cette composante pacifiste.

La commission a ensuite autorisé la publication de cette communication sous forme d'un rapport d'information.

Traités et conventions - Convention France-Nouvelle-Zélande relative à l'emploi des personnes à charge des membres des missions officielles d'un Etat dans l'autre

Puis la commission a examiné le rapport de M. Jean-Guy Branger sur le projet de loi n° 256 (2003-2004), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Nouvelle-Zélande relative à l'emploi des personnes à charge des membres des missions officielles d'un Etat dans l'autre.

M. Jean-Guy Branger, rapporteur, a rappelé que l'accord conclu entre la France et la Nouvelle-Zélande en 1999, complété par un échange de lettres entre les deux pays en 2002, vise à permettre aux personnes à charge des membres des missions diplomatiques de pouvoir occuper un emploi salarié dans le pays de résidence. Cet accès à l'emploi se heurte aux dispositions des conventions de Vienne de 1961 et 1963 qui établissent des privilèges et immunités en faveur des personnels diplomatiques et de leurs familles. Ces privilèges et immunités ont pour but de garantir la sécurité juridique de ces personnes lorsqu'elles sont en poste à l'étranger, et sont donc entièrement justifiées, mais induisent l'impossibilité pour les membres des familles d'occuper un emploi salarié dans le pays de résidence. Le présent accord vise donc à établir un cadre juridique adéquat pour permettre l'accès à l'emploi salarié des familles des diplomates, au cas où cet accès serait souhaité.

M. Jean-Guy Branger, rapporteur, a rappelé que des accords de ce type avaient été déjà conclus avec l'Argentine, l'Australie, le Brésil, le Canada, les Etats-Unis et la Roumanie. Il a ensuite décrit le dispositif de l'accord, qui établit les modalités de délivrance, par le pays d'accueil, d'une autorisation de travail à titre dérogatoire au bénéfice des personnes à charge, et dispose que seules celles qui remplissent les conditions en vigueur pour l'exercice de la profession envisagée peuvent y prétendre. Néanmoins, ces personnes restent dispensées de toutes formalités relatives à l'immatriculation des étrangers et au permis de séjour. Il a ajouté que l'accord était conclu pour une durée indéterminée, mais pouvait être dénoncé, par écrit, par chacun des partenaires. Il a conclu en recommandant son adoption.

M. Guy Penne a souligné l'intérêt de tels accords, notamment pour les Français expatriés.

Puis la commission a adopté le projet de loi.

Nomination de rapporteurs

Puis la commission a procédé à la désignation de rapporteurs. Elle a désigné :

- M. André Boyer sur le projet de loi n° 1549 (AN - 12e législature), modifiant la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994 relative aux modalités de l'exercice par l'Etat de ses pouvoirs de contrôle en mer (en cours d'examen par l'Assemblée nationale) ;

- M. Philippe François sur le projet de loi n° 307 (2003-2004), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre la France et la Russie relatif à la coopération en matière desécurité intérieure et de lutte contre la criminalité.