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DÉLÉGATION DU SÉNAT AUX DROITS DES FEMMES ET À L'ÉGALITÉ DES CHANCES ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES

Mardi 28 mars 2000

- Présidence de Mme Dinah Derycke, présidente.

Audition de Mme Chantal Foulon, directeur adjoint des relations sociales du Mouvement des entreprises de France (MEDEF)

La délégation a tout d'abord procédé à l'audition de Mme Chantal Foulon, directeur adjoint des relations sociales du Mouvement des entreprises de France (MEDEF).

Mme Dinah Derycke, présidente, a rappelé que si cette audition se tenait dans le contexte de l'examen, par le Parlement, de la proposition de loi de Mme Catherine Génisson, députée, et plusieurs de ses collègues, relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, la délégation souhaitait examiner ce thème dans un cadre très large.

Mme Chantal Foulon a indiqué en introduction que, par un accord du 3 février 2000 entre les organisations syndicales et le MEDEF, la question de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes avait été retenue parmi les neuf thèmes devant être étudiés dans le cadre paritaire de la " refondation sociale " proposée par le MEDEF et qu'elle serait examinée au cours du second semestre 2000. Elle a fait part des craintes du MEDEF qu'une intervention précipitée du législateur ne vienne contrarier l'évolution du dossier.

Mme Chantal Foulon a estimé qu'au plan normatif, il " ne restait pas grand chose à faire " : les textes existent, a-t-elle souligné, sous réserve de la transposition d'ici janvier 2001 de quelques dispositions communautaires. Elle a déclaré qu'il existait en matière de lutte contre les discriminations un arsenal de textes déjà fort complet et qu'en faisant peser de nouvelles obligations et contraintes sur les entreprises privées, la proposition de loi de Mme Catherine Génisson ne semblait pas appropriée.

Prenant pour exemple le rapport de situation comparée entre les femmes et les hommes, l'un des instruments de la loi Roudy de 1983 que la proposition de loi de Mme Catherine Génisson vise à rénover, Mme Chantal Foulon a indiqué qu'il semblait préférable au MEDEF de s'interroger d'abord sur les raisons pour lesquelles ce rapport n'est établi par l'employeur que dans environ 50 % des entreprises, sans que les syndicats n'utilisent pour autant sur le terrain les moyens légaux qui leur sont reconnus pour en imposer la présentation. Evoquant un avant-projet de décret récemment présenté au Conseil supérieur de l'égalité professionnelle sur les indicateurs pertinents qui seraient imposés aux entreprises, elle a estimé que plus on compliquait les textes sur le rapport de situation comparée, moins il y aurait de chances de les voir appliqués.

Mme Chantal Foulon a ensuite indiqué que la principale réserve du MEDEF à l'égard de la proposition de loi de Mme Catherine Génisson portait sur la nouvelle obligation de négocier chaque année sur les objectifs d'amélioration de l'égalité professionnelle et les mesures permettant de les atteindre, obligation dont l'inobservation est assortie de sanctions pénales. L'hostilité du MEDEF résulte tant de considérations de principe -" ce n'est pas avec la création de nouveaux délits que l'égalité progressera "- que du flou de la formulation retenue pour cette nouvelle obligation, flou qui semble particulièrement dommageable, dès lors que sont prévues des sanctions pénales.

Après avoir indiqué que le MEDEF était en revanche favorable au principe " d'approche intégrée ", qui vise à examiner l'objectif d'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes dans tout le champ de la négociation collective, et qu'il n'était pas opposé non plus à l'extension de l'accès aux contrats d'égalité, Mme Chantal Foulon a souhaité que l'examen de la proposition de loi de Mme Catherine Génisson soit reporté à l'issue des discussions que les partenaires sociaux entameront prochainement en suggérant, en outre, d'introduire dans ce texte les mesures de transcription communautaire auxquelles la France sera en tout état de cause contrainte.

Un débat s'est ensuite instauré.

M. Gérard Cornu, rapporteur, a tout d'abord estimé que, s'il était concevable que le MEDEF demande que l'on fasse confiance à la négociation sociale avant de légiférer, il l'était tout autant de reconnaître la vocation du législateur à intervenir au préalable pour favoriser l'égalité de représentation dans les structures de concertation. A titre d'exemple, il a cité une loi allemande de 1972 qui assure aux femmes une représentation dans les comités d'entreprise proportionnelle à leur présence dans l'entreprise, permettant ainsi une meilleure prise en compte de leurs préoccupations. Il a fait état de sa proposition de loi relative à l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives dans les élections professionnelles et relevé que, pour favoriser l'égalité professionnelle et l'accession des femmes aux postes de responsabilité, il convenait de soulager leur double, voire triple vie familiale, professionnelle, politique ou syndicale.

Mme Chantal Foulon a estimé en réponse qu'une part significative du problème de l'égalité professionnelle relevait des mentalités, que le législateur pouvait agir sur d'autres leviers que le code du travail et qu'il pouvait aussi intervenir, en amont de l'entreprise, au niveau de la formation. Elle a par ailleurs considéré qu'à l'exception d'une position de principe défavorable à toute mesure coercitive en la matière, le MEDEF pouvait difficilement exprimer une opinion sur la parité dans les élections professionnelles, question qui intéresse les syndicats. Elle a ajouté qu'à sa connaissance, l'avis des syndicats était plutôt négatif pour ce qui concerne la parité pour les élections prud'homales. Enfin, si elle s'est déclarée favorable aux mesures matériellement concrètes pour aider les femmes à concilier vie professionnelle et vie familiale, telles que le développement des chèques emploi-service ou l'accroissement du nombre des crèches ou l'extension de leurs horaires d'ouverture, elle a attiré l'attention de la délégation sur les effets pervers que pouvaient éventuellement provoquer de telles dispositions sur le partage des tâches ménagères et familiales dans les couples.

Mme Annick Bocandé, rapporteur pour la commission des affaires sociales, s'est interrogée sur l'implication des entreprises, au-delà de l'intervention du législateur ou des collectivités locales, pour aider les femmes à mieux concilier vie professionnelle et vie familiale, sur la capacité de la seule négociation collective à parvenir à des résultats satisfaisants et sur l'état actuel des inégalités de carrière et de salaire entre les hommes et les femmes dans les entreprises.

Prenant appui sur le précédent de la loi " de Robien ", Mme Chantal Foulon a tout d'abord réaffirmé que l'intervention du législateur pouvait venir gêner la négociation paritaire. Elle a rappelé que, traditionnellement, les entreprises ont toujours souhaité se maintenir dans une stricte position de neutralité au regard de la conciliation des vies familiale et professionnelle, et observé que la situation ne devait pas être si défavorable en France puisque le taux d'activité des femmes ayant deux ou trois enfants y est l'un des plus élevés.

S'agissant des inégalités salariales ou de carrière entre les femmes et les hommes, Mme Chantal Foulon a estimé que si la situation était encore loin d'être satisfaisante, notamment en ce qui concerne les femmes cadres, les études démontraient que les écarts continuaient à se réduire. Elle a ajouté qu'il n'existait pas à proprement parler de discrimination, mais des distinctions de fait qui résultaient de facteurs nombreux et disparates : secteurs professionnels, catégories d'emplois, tailles des entreprises, filières de formation, etc.

Après que Mme Gisèle Printz eut exprimé sa préférence pour la modification législative par rapport à la négociation collective pour faire appliquer la loi Roudy, Mme Chantal Foulon a redit que, du point de vue du MEDEF, il convenait d'abord, avant de la modifier, de s'interroger sur la pertinence de cette loi. Elle a souligné encore une fois que rarement les salariés avaient demandé sur le terrain l'application de la législation sur le rapport de situation comparée de la situation des femmes et des femmes dans l'entreprise alors qu'ils en avaient les moyens. Observant par ailleurs que le code du travail prévoit déjà la mise à disposition des comités d'entreprise de nombreux outils et éléments d'information, elle a jugé inopportun d'imposer de nouvelles obligations aux entreprises sans coordination avec les dispositions existantes. Elle a réclamé une approche globale et, plus généralement, un " audit " du code du travail.

Mme Dinah Derycke, présidente, a estimé que la crise économique avait sans doute contrarié la mise en oeuvre de la loi Roudy, le chômage et les difficultés des salariés ayant relégué la question de l'égalité professionnelle au rang des problèmes moins importants, y compris pour les syndicats. Après avoir considéré que de nombreux rapports de situation comparée entre les femmes et les hommes ne méritaient pas ce qualificatif en raison de leur indigence, elle a rappelé que tous les indicateurs démontraient que la formation professionnelle des femmes à l'intérieur des entreprises posait, à tous les niveaux hiérarchiques, un véritable problème. Enfin, si elle a admis qu'il fallait parfois du temps pour qu'une législation produise ses effets, elle a estimé que près de vingt ans après l'adoption de la loi Roudy, la situation en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ne s'était pas substantiellement améliorée, ce qui justifiait une nouvelle intervention du législateur.

En réponse, Mme Chantal Foulon a estimé que la formation professionnelle s'était beaucoup développée depuis quinze ans et qu'on notait actuellement une montée en puissance de la formation professionnelle des femmes. Elle a toutefois reconnu que les congés individuels de formation, destinés à favoriser les reconversions ou la progression des carrières, étaient moins demandés par les femmes, sans doute parce que les efforts et les investissements professionnels qu'ils demandent sont difficilement conciliables avec la vie familiale. Elle a par ailleurs considéré que les dispositions de la " loi Roudy ", qui avaient échoué, s'appuyaient sur le concept anglo-saxon de l' " affirmative action ", profondément étranger à notre culture, en ce qu'il tend à imposer des discriminations positives.

Audition de Mme Huguette Delavault, représentante de l'Association française des femmes diplômées d'université au réseau " Demain la parité "

Puis la délégation a entendu Mme Huguette Delavault, représentante de l'Association française des femmes diplômées d'université (AFFDU) au réseau " Demain la parité ".

Mme Huguette Delavault
a tout d'abord souligné l'inégal accès des enseignants chercheurs de sexe féminin au grade de professeurs des universités : si les universités parisiennes enregistrent des chiffres satisfaisants en ce domaine, avec un taux de professeurs de sexe féminin souvent supérieur à la moyenne nationale, la situation est différente en province, notamment pour les sciences, où l'on constate que les femmes comptent parfois pour moins de 5 % des professeurs.

L'analyse des causes de cette situation insatisfaisante est complexe, mais l'orientation des jeunes filles après le baccalauréat est cruciale : la plupart rejoignent l'université plutôt que les grandes écoles, qui privilégient nettement le " profil masculin ". De façon générale, les jurys des concours se déterminent essentiellement sur le brio et la rapidité de décision, apanages des garçons a estimé Mme Huguette Delavault. Elle a rappelé, à cet égard, que le nombre des filles admises aux concours des écoles normales supérieures (ENS) se raréfiait depuis l'instauration de la mixité de leurs épreuves (1981 pour l'ENS de Fontenay-Saint-Cloud, 1986 pour celle d'Ulm-Sèvres).

Elle en a conclu que les critères retenus pour opérer la sélection à l'entrée des grandes écoles devraient être modifiés pour donner toutes leurs chances aux candidates féminines, et que les jurys des concours d'entrée devaient être totalement paritaires.

S'agissant des carrières universitaires, Mme Huguette Delavault a estimé que la composition du comité national des universités (CNU) correspondait bien, pour ceux de ses membres nommés, à la place relative des femmes dans les disciplines considérées ; il n'en est pas de même pour les membres désignés par les syndicats, qui sont majoritairement masculins.

Evoquant la composition des jurys mis en place pour les concours administratifs, Mme Huguette Delavault s'est fermement prononcée pour une composition réellement paritaire, et non pas simplement mixte, la mixité pouvant, suivant les critères retenus par le Conseil d'Etat, se résumer à la présence d'une seule femme dans un jury, ce qui la conduit alors à jouer un rôle " d'alibi ".

Mme Huguette Delavault a reconnu l'existence de difficultés d'application de cette inflexion vers une stricte parité, notamment pour certains corps techniques, mais a souligné qu'elles étaient loin d'être insurmontables : dans les catégories de niveau " A ", le vivier de recrutement des membres des jurys est certes limité, mais n'est pas nul. Quant aux catégories " C ", il serait possible de faire appel à des experts extérieurs à l'administration. Ces suggestions s'ajoutent à celles contenues dans le rapport récemment rédigé par Mme Anne-Marie Colmou sur la fonction publique, qui valorise les perspectives interministérielles.

A l'issue de cet exposé, un débat s'est engagé.

M. Gérard Cornu, rapporteur, a dit ne pas partager toutes les affirmations de Mme Huguette Delavault, notamment sur un supposé brio réservé aux garçons. Evoquant la place minoritaire des femmes dans les professions scientifiques, il a souhaité connaître le sentiment de Mme Huguette Delavault sur ses causes. Constatant que les jurys des concours universitaires et administratifs étaient, en effet, peu féminisés, il l'a interrogée sur les actions que pourrait entreprendre le législateur pour y remédier.

En réponse, Mme Huguette Delavault a précisé que, dès l'enseignement secondaire, on constatait l'émergence de deux filières distinctes dont l'une, scientifique, était plutôt masculine, et l'autre, littéraire, plutôt féminine.

Mme Huguette Delavault a souhaité que les personnels chargés de l'orientation des élèves soient mieux informés de la vie professionnelle actuelle, alors que leurs connaissances n'intègrent pas toujours la réalité de l'évolution des métiers.

Mme Hélène Luc a fait valoir son plein accord sur l'intérêt de la présence des femmes pour le développement de l'industrie et des services, mais a souligné le besoin qu'éprouvaient les jeunes filles d'être fortement encouragées dans cette voie. Elle a relevé l'absence des femmes de la plupart des jurys d'examen, et a considéré que les élèves de sexe féminin étaient souvent plus travailleuses que les garçons, mais moins sûres d'elles-mêmes. Elle a conclu en souhaitant qu'une mixité équilibrée soit instaurée dans tous les métiers, y compris ceux aujourd'hui majoritairement féminins, comme la magistrature et la profession d'instituteur.

Mme Annick Bocandé a interrogé Mme Huguette Delavault sur l'apport du législateur à la souhaitable féminisation des jurys. Elle a souhaité recueillir également son avis sur les causes de la faible présence de professeurs d'université de sexe féminin dans les disciplines scientifiques, notamment en pharmacie et biologie, et sur les inégalités de rémunération entre hommes et femmes.

M. Patrice Gélard s'est inscrit en faux contre les thèses développées par Mme Huguette Delavault qui relèvent, selon lui, d'une époque révolue. Il a cité l'exemple du concours sanctionnant la première année des études de médecine, dont la réussite est plus marquée chez les filles que chez les garçons.

Abordant le cas spécifique des professeurs d'université, M. Patrice Gélard a estimé qu'une des raisons majeures, et passagère, de la faible féminisation de ce corps est sa moyenne d'âge élevée. Il a rappelé son expérience de membre du CNU, qui le conduisait à affirmer avec force que la communauté universitaire n'était pas sexiste, et que les femmes réussissaient au moins aussi bien que les hommes en matière de recherche. Un des freins à la promotion des femmes réside cependant dans leur moindre acceptation de la mobilité géographique.

Il s'est élevé contre l'idée d'un " profil masculin " que privilégierait les concours, et a estimé que les propositions de Mme Huguette Delavault en matière de parité, et non de mixité, des jurys des ENS conduiraient, si elles étaient suivies, au rétablissement de concours spécifiques à chaque sexe.

En réponse, Mme Huguette Delavault a précisé que :

- le fonctionnement actuel des jurys d'université constitue un frein considérable à la présence des femmes. Elle a ainsi cité l'exemple d'un jury de sciences physiques qui avait choisi de siéger sept jours sur sept ;

- les promotions dans l'enseignement supérieur sont fondées sur les travaux de recherche, à l'exclusion de ceux d'enseignement et de gestion ;

- les inégalités de salaire entre hommes et femmes sont marquées dans le secteur industriel, à l'exception d'un petit nombre de femmes qui se sont distinguées par la qualité de leur réussite universitaire.

Audition de Mme Marie-France Boutroue, représentante titulaire de la Confédération générale du travail au Conseil supérieur de l'égalité professionnelle

Puis la délégation a reçu Mme Marie-France Boutroue, représentante titulaire de la Confédération générale du travail (CGT) au Conseil supérieur de l'égalité professionnelle.

Dans un propos liminaire, Mme Marie-France Boutroue a rappelé que la loi " Roudy " de 1983 avait instauré des bilans d'égalité professionnelle qui, après une longue éclipse, avaient été récemment " redynamisés ". Elle a précisé qu'une centaine d'entreprises avaient été rappelées à leur obligation d'établir de tels bilans, ce qu'avait fait une soixantaine d'entre elles ; elle a estimé souhaitable de réaffirmer cette obligation légale, les bilans d'égalité professionnelle fournissant ainsi la base d'une négociation annuelle obligatoire.

Mme Marie-France Boutroue a rappelé que la priorité, selon la CGT, était d'utiliser les moyens légaux et réglementaires déjà existants, comme ces bilans, plutôt que de créer de nouveaux instruments. Evoquant les bilans récemment obtenus, elle en a précisé les limites, tenant au fait que les employeurs ne disposent pas toujours de chiffres récents pour les rédiger, et a rappelé que leur exploitation statistique se heurte au caractère hétérogène des données fournies par les chefs d'entreprise, car laissées à leur seule appréciation. La priorité en la matière, a estimé Mme Marie-France Boutroue, est donc d'instaurer l'obligation de bilans précis et concrets.

Puis Mme Marie-France Boutroue a retracé l'évolution de la place des femmes au sein du bureau confédéral de la CGT : de 27 % de l'effectif, elles sont passées, en six ans, à une quasi-égalité, cette instance comptant 43 femmes et 47 hommes. Cette situation, satisfaisante, est renforcée par le bon nombre de candidatures féminines enregistrées lors du dernier renouvellement : 83 femmes se sont alors présentées, sur 180 candidats ; la preuve est ainsi faite que la féminisation du bureau confédéral est fondée sur un mouvement durable, et ne constitue donc pas un pur effet de mode. Mme Marie-France Boutroue en a conclu que l'imposition de la parité entre hommes et femmes par des voies autoritaires n'était pas souhaitable, car cette démarche aboutirait à des résultats biaisés.

Puis une discussion s'est ouverte au terme de cet exposé.

M. Gérard Cornu, rapporteur, a constaté que les propos de Mme Marie-France Boutroue démontraient que l'instauration de la parité à marche forcée n'était pas souhaitable, mais a plaidé pour l'instauration progressive d'une égalité au sein des structures de représentation des salariés. Il a rappelé l'exemple allemand, qui prévoit le recours à la représentation proportionnelle par sexe, notamment au sein des comités d'entreprise. Il a souhaité savoir si Mme Marie-France Boutroue estimait que la réalisation des bilans d'égalité professionnelle avait été entravée par le caractère majoritairement masculin des syndicats.

En réponse, Mme Marie-France Boutroue a rappelé que le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle préconisait une parité généralisée dans toutes les instances représentatives du personnel, ce qui lui semblait peu réaliste.

S'agissant de la parité au sein des comités d'entreprise, Mme Marie-France Boutroue a rappelé la difficulté de l'imposer, notamment parce que les candidatures au deuxième tour des délégués du personnel à ces comités pouvaient émaner d'organisations non représentatives au plan national, auxquelles aucune contrainte légale ne pouvait être imposée.

Rappelant que la CGT rassemblait 700 000 salariés, Mme Marie-France Boutroue a évoqué une récente enquête statistique menée sur 230 000 d'entre eux, dont 30 % de femmes ; ses résultats démontrent qu'il existe, chez de nombreux salariés syndiqués, une réticence à se présenter aux élections dans l'entreprise, le syndicalisme y demeurant " mal vu ". Cette constatation, a-t-elle estimé, différencie le contexte des candidatures syndicales et politiques, et démontre l'extrême difficulté à appliquer un système paritaire propre aux élections syndicales.

Toujours en réponse à M. Gérard Cornu, Mme Marie-France Boutroue a confirmé que l'engagement syndical était plus difficile à réaliser pour les femmes que pour les hommes, ne serait-ce que parce que les femmes ont à assumer conjointement vie professionnelle et familiale. Selon elle, il conviendrait, à tout le moins, d'améliorer les capacités de garde des enfants pour égaliser les situations.

Mme Annick Bocandé a fait valoir que ce type de difficultés entravait également l'engagement des femmes en politique. Elle s'est également interrogée sur le caractère prématuré de la proposition de loi sur l'égalité professionnelle, qui précède la négociation prévue pour l'automne 2000 sur ce sujet entre syndicats et patronat.

En réponse, Mme Marie-France Boutroue a rappelé que des discussions s'étaient déjà ouvertes au sein des instances européennes sur ce problème, et que l'égalité professionnelle entre hommes et femmes constituait également un des éléments des négociations sur les 35 heures.

Elle a estimé que les bilans d'égalité professionnelle permettaient d'évoquer l'ensemble des questions intéressant les salariés, et pas seulement les femmes ; ils peuvent également permettre une dynamisation du dialogue social, grâce à leur démarche globale et transversale.

A M. Gérard Cornu, rapporteur, qui relevait que la proposition de loi pouvait être considérée comme prématurée au regard du calendrier de négociation des organisations professionnelles, Mme Marie-France Boutroue a rappelé que, si des discussions étaient bien prévues avec le patronat sur ce sujet pour le mois de septembre prochain, il était toujours bon d'anticiper.

A Mme Gisèle Printz, qui rappelait la revendication des syndicats belges en faveur de la possibilité pour les hommes de bénéficier, au même titre que les femmes, d'un congé parental, Mme Marie-France Boutroue a répondu que les conventions collectives françaises permettaient déjà cette possibilité. Mais l'on constate que sur 500 000 femmes ayant pris un congé parental, 120 000 d'entre elles ne reprennent pas leur travail à son terme, ce qui constitue un effet pervers de ce dispositif, qui ne doit pas non plus freiner la nécessaire extension des infrastructures de garde.