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DÉLÉGATION DU SÉNAT AUX DROITS DES FEMMES ET À L'ÉGALITÉ DES CHANCES ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES

Mercredi 29 janvier 2003

- Présidence de M. André Vallet, vice-président.

Egalité entre les hommes et les femmes en matière de retraite - Audition de Mme Dominique Arviset, présidente, et de Mme Andrée Mengin, secrétaire générale, de la Fédération des associations de conjoints survivants (FAVEC)

La délégation a procédé à l'audition de Mme Dominique Arviset, présidente, et de Mme Andrée Mengin, secrétaire générale, de la Fédération des associations de conjoints survivants (FAVEC).

Après avoir rappelé que les inégalités en matière de retraite constituent le prolongement des inégalités de carrière entre les sexes, Mme Dominique Arviset a souligné que la FAVEC se mobilisait actuellement en faveur des polypensionnés, dont les intérêts sont menacés par un projet de décret qui prévoit la validation de la méthode de calcul de la Caisse nationale d'assurance vieillesse, alors que la jurisprudence de la Cour de Cassation prévoit un système de plafonnement plus favorable.

Mme Andrée Mengin, s'appuyant sur une enquête de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) du ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a indiqué que le montant moyen des pensions perçues était, en 2001, de 848 € pour les femmes et de 1.461 € pour les hommes, ce qui correspond à une différence de 42 %. Elle a précisé que les plus fortes disparités frappaient les 5 % de femmes âgées qui n'ont jamais travaillé et ne bénéficient que d'une pension de réversion.

Elle a également noté que le montant des retraites perçues par les femmes avait connu, entre 1997 et 2001, une augmentation de 6,3 % (contre 4,7 % pour celles des hommes), ce qui s'expliquait notamment par la montée du taux d'activité des femmes.

Elle a ensuite évoqué les principales raisons expliquant la faiblesse relative du montant moyen des pensions de retraite perçues par les femmes :

- plus fréquemment que les hommes, les femmes n'ont pas effectué des carrières complètes, même si l'on constate un allongement progressif de ces carrières pour les générations successives ;

- leur salaire est, en moyenne, de 25 % inférieur à celui des hommes ;

- les femmes travaillent plus que les hommes à temps partiel, cette situation leur étant bien souvent imposée comme en témoigne, par exemple, le cas des caissières, à qui sont presque exclusivement proposées des durées de travail de l'ordre de 20 heures par semaine.

Après avoir précisé que, parmi l'ensemble des retraités, ce sont les générations de femmes âgées n'ayant pas travaillé qui ont acquis les droits directs les plus faibles, sauf dans certaines régions spécialisées dans des secteurs d'activité comme le textile, et rappelé que 36,2 % des femmes perçoivent une pension de réversion, contre 3,6 % des hommes, Mme Andrée Mengin a estimé préoccupante la situation des femmes dont le cumul entre les droits propres et les droits dérivés est soumis à un plafonnement, dont certaines modalités de calcul sont d'ailleurs remises en cause par un projet de décret du Gouvernement.

En outre, a-t-elle observé, la quasi-totalité des bénéficiaires de l'allocation de parent isolé et plus des deux tiers des bénéficiaires du minimum vieillesse sont des femmes.

Face à la diminution des ressources qu'entraîne le décès du conjoint, elle a souligné qu'un certain nombre de dépenses restaient incompressibles, comme les dépenses de logement ou de chauffage.

Elle a ensuite évoqué un certain nombre de pistes de réflexion pour améliorer la situation des retraités les plus démunis avec, en particulier, l'examen des bonifications et des majorations accordées aux mères de famille et l'augmentation du plafond en cas de cumul des droits. Elle a signalé que des décisions de jurisprudence récente tendaient à étendre aux hommes certains avantages de retraite réservés aux mères de famille.

Mme Dominique Arviset a alors insisté sur le fait que les inégalités de retraites sont la conséquence des inégalités salariales entre hommes et femmes.

Mme Janine Rozier a contesté l'utilisation de la formule « femmes qui ne travaillent pas » pour désigner les femmes au foyer et rappelé que l'activité de celles-ci -« cent professions » plutôt que « sans profession »- représentait en fait une charge de travail très lourde.

Mme Dominique Arviset a rappelé l'idée, lancée dans les années 1970, d'accorder un salaire aux mères de famille.

Mme Anne-Marie Payet a noté, à ce propos, qu'un certain nombre d'associations de femmes en contestaient le principe, en y voyant une incitation à détourner les femmes du marché de l'emploi.

M. André Vallet, président, a observé que toute la législation semblait construite sur le postulat du travail des hommes, les textes semblant ne pas prendre en compte la forte montée de l'activité féminine constatée depuis une trentaine d'années. Il a ensuite évoqué la différence entre les concubins, les « pacsés » et les couples mariés face au problème du maintien du droit à réversion.

Mme Andrée Mengin a précisé que le remariage postérieur au décès du conjoint interrompait la pension de réversion au titre de la retraite complémentaire, mais que la réversion subsistait au titre du régime de base. En outre, l'allocation veuvage ne peut être perçue qu'en cas de mariage antérieur.

En réponse à Mme Annick Bocandé qui demandait des précisions sur le problème des polypensionnés, Mme Dominique Arviset a rappelé que la pension d'invalidité de veuve ou de veuf et la pension de réversion, accordées au conjoint survivant en cas de décès de l'assuré, peuvent être cumulées avec des avantages personnels de vieillesse dans certaines limites prévues à l'article D. 355-1 du code de la sécurité sociale : soit 52 % des avantages personnels d'invalidité ou de retraite des deux conjoints (limite « calculée ») ; soit 73 % du montant maximum de la pension de vieillesse du régime général liquidée à 65 ans (limite « forfaitaire »).

En cas de dépassement de la limite la plus avantageuse, la pension d'invalidité de veuve ou de veuf et la pension de réversion sont réduites en conséquence.

Elle a précisé que deux cas peuvent être distingués concernant cette possibilité de cumul : en cas de réversion unique, seules les dispositions de l'article D. 355-1 s'appliquent ; en cas de polyréversion, s'ajoutent celles de l'article D. 171-1 prévoyant que pour le calcul de la limite de cumul (« limite calculée »), le montant total des avantages personnels du conjoint survivant est divisé par le nombre de régimes débiteurs de pensions de réversion. Cet article ne comporte aucune disposition prévoyant la division de la limite forfaitaire de cumul.

Or, la pratique actuelle de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (SNAVTS) consiste à fractionner également le plafond dans certaines conditions.

Mme Dominique Arviset a observé que la Cour de Cassation avait condamné cette pratique et même interprété les textes comme fixant un minimum et non pas seulement un plafond de réversion. Or, un projet de décret prévoit de valider la méthode de calcul moins favorable utilisée par la CNAVTS.

Mme Andrée Mengin a illustré avec un calcul concret les effets des deux modes de calcul.

Mme Dominique Arviset a rappelé que les ayants droit disposaient d'un délai de deux mois pour contester le calcul de leur pension.

Mme Janine Rozier a regretté, sur la base de son expérience personnelle, le défaut d'information des retraités en la matière.

Mme Anne-Marie Payet a, pour sa part, souligné que le même défaut d'information pénalisait les femmes qui travaillent à temps partiel et ne connaissent pas les conséquences de ce statut en matière de retraite.

M. André Vallet, président, a rappelé que, sur les douze millions de retraités que compte notre pays, 800.000 perçoivent une allocation de réversion.

Mme Andrée Mengin, observant que 5 % des femmes âgées perçoivent uniquement une pension de réversion, a souhaité qu'une place particulière soit accordée à la question des réversions dans la réforme générale des retraites.

Mme Valérie Létard est revenue sur le problème des interruptions de carrière et des carrières courtes des femmes et a mentionné la situation difficile dans laquelle se trouvent les épouses dont le conjoint exerce une profession libérale et qui ont travaillé sans être payées ni déclarées.

Mme Michèle André, évoquant la question des conjoints collaborateurs, a noté que 6 à 8 % des femmes d'artisans ou de commerçants ont opté pour le statut de conjoint collaborateur créé par la loi du 10 juillet 1982, notamment en raison du poids des cotisations sociales.

M. André Vallet, président, s'est interrogé sur l'existence d'un volet législatif ou parlementaire à la réforme des retraites.

Mme Annick Bocandé a souligné la nécessité d'une intervention du législateur.

Mme Dominique Arviset a indiqué que, selon le Gouvernement, la réforme des retraites comportait un volet consacré à la réversion.

M. André Vallet, président, pour conclure, a rappelé la volonté manifestée par Mme Gisèle Gautier, présidente de la délégation, de poursuivre la réflexion de celle-ci sur l'égalité des chances entre les hommes et les femmes en matière de retraite.