III. RAPPORT SÉNAT N° 107 (2011-2012) TOME III

Commentaire : le présent article propose que le Gouvernement remette au Parlement un rapport, avant le dépôt du projet de loi de finances pour 2013, sur l'opportunité et la possibilité de transformer en dotations budgétaires tout ou partie des dépenses fiscales rattachées à la mission « Outre-mer ».

I. LE DROIT EXISTANT

Les dépenses fiscales constituent un outil privilégié d'action de l'Etat en faveur des collectivités territoriales d'outre-mer. En effet, comme l'indique le tableau ci-dessous, le montant total des niches fiscales rattachées à la mission « Outre-mer » s'élèvera, en 2012, à 2,9 milliards d'euros .

Ce montant est à comparer à celui des crédits inscrits dans la mission elle-même, qui atteindra, en 2012, 2,18 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 2,03 milliards d'euros en crédits de paiement. Le coût des dépenses fiscales rattachées à la mission « Outre-mer » est donc largement supérieur à celui des crédits budgétaires inscrits dans le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2012.

Le coût des principales dépenses fiscales rattachées à la mission « Outre-mer »

(en millions d'euros)

Dispositif

Base légale

Impôt concerné

Chiffrage
pour 2011

Chiffrage pour 2012

Taux de TVA minoré

Art. 296 du code général des impôts (CGI)

TVA

1 100

1 100

Défiscalisation des investissements productifs

Art. 199 undecies B du CGI

IR

730

470

Défiscalisation des investissements en matière de logement

Art. 199 undecies A et 199 undecies D du CGI

IR

360

315

Réduction du barème de l'impôt sur le revenu

Art. 197-I-3 du CGI

IR

300

310

Défiscalisation des investissements productifs

Art. 217 undecies et 217 duodecies du CGI

IS

220

non chiffrable

Exonération de certains produits et matières premières ainsi que des produits pétroliers

Art. 295 du CGI

TVA

158

158

TVA dite « non perçue récupérable »

Art. 295 A du CGI

TVA

100

100

Réduction de base fiscale pour les exploitations situées dans les départements d'outre-mer

Art. 217 bis du CGI

IS

100

-

Exclusion du champ d'application de la TIPP

Art. 267 du code des douanes

TIPP

99

99

Autres dépenses fiscales rattachées à la mission

141

154

Total (en estimant constant, en 2012, le coût de la défiscalisation à l'IS des investissements productifs, non chiffré)

3 308

2 926

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2012

Or, l'évaluation de l'efficacité des dépenses fiscales en direction des territoires ultramarins est difficile à mettre en oeuvre .

En effet, d'une part, on peut s'interroger sur la fiabilité des chiffrages effectués par le Gouvernement . En effet, comme le relèvent nos collègues Georges Patient et Eric Doligé, rapporteurs spéciaux, « entre les évaluations présentées en 2011 et 2012, certains montants varient de manière significative sans explication. C'est le cas, par exemple, du coût de l'exonération de TVA dont bénéficient certains produits et matières premières ainsi que les produits pétroliers dans les départements de Martinique, de Guadeloupe et de La Réunion, qui était évalué à 65 millions d'euros en 2011 dans le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2011 et dont le montant s'élève à 158 millions d'euros, au titre de la même année, dans le projet annuel de performances annexé au présent projet de loi de finances » 1 ( * ) .

D'autre part, comme le relève le rapport « Guillaume » 2 ( * ) , l'évaluation de la défiscalisation est rendue particulièrement complexe , d'une part, « par la multiplicité et le manque de cohérence des objectifs qui lui ont été assignés par le législateur » et d'autre part, par « le suivi incomplet et imparfait de l'utilisation des mécanismes de défiscalisation, [qui] se traduit par le manque de disponibilité et l'hétérogénéité des données ».

II. LE DISPOSITIF INTRODUIT PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'Assemblée nationale a adopté, avec l'avis favorable du Gouvernement, un amendement de sa commission des finances proposé par nos collègues députés Jérôme Cahuzac, président, Gilles Carrez, rapporteur général, et Claude Barolone, rapporteur spécial de la mission « Outre-mer », visant à ce que le Gouvernement remette au Parlement, avant le dépôt du projet de loi de finances pour 2013, un rapport étudiant l'opportunité et la possibilité de transformer en dotations budgétaires tout ou partie des dépenses fiscales rattachées à titre principal à la mission « Outre-mer » 3 ( * ) .

Le présent article prévoit par ailleurs que « ce rapport insiste en particulier sur les dispositifs prévus aux articles 199 undecies B, 199 undecies C et 217 undecies du code général des impôts », c'est-à-dire sur les dispositifs de défiscalisation des investissements productifs et du logement social en outre-mer.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

L'incapacité à évaluer avec précision l'efficacité de dépenses fiscales, qui constituent un axe privilégié d'action de l'Etat en faveur des territoires ultramarins, pose problème .

Par ailleurs, comme le relèvent nos collègues Georges Patient et Eric Doligé dans leur rapport spécial précité, « si [la politique de réduction des niches fiscales] peut se justifier au regard de l'impératif de réduction du déficit budgétaire de l'Etat, elle ne pèse pas de manière identique sur l'ensemble des territoires français ». Elle touche particulièrement les collectivités pour lesquelles l'Etat a historiquement choisi de faire de la dépense fiscale un de ses principaux outils d'action.

Dans ce contexte, le rapport proposé par le présent article est utile est permettra d'analyser comment les dépenses fiscales rattachées à la mission « Outre-mer » pourraient être transformées en dotations budgétaires.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter le présent article sans modification.


* 1 Tome III - Annexe n° 18 du présent rapport.

* 2 Rapport du comité d'évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales présidé par M. Henri Guillaume, juin 2011.

* 3 Cette idée figurait dans le rapport de la commission des finances du Sénat en vue du débat d'orientation des finances publiques de juillet 2010 (n° 616, 2009-2010), dans lequel il était proposé d' « envisager la transformation de crédits d'impôt en subventions budgétaires ».