ARTICLE  5 BIS A (NOUVEAU) : MAJORATION DE L'IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS ACQUITTÉ PAR LES COMPAGNIES PÉTROLIÈRES

I. DÉBATS SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE (SÉANCE DU LUNDI 21 NOVEMBRE 2011)

Article additionnel après l'article 5

M. le président. L'amendement n° I-128 rectifié, présenté par M. Marc, Mme M. André, MM. Frécon, Miquel, Berson, Botrel et Caffet, Mme Espagnac, MM. Germain, Haut, Hervé, Krattinger, Massion, Patient, Patriat, Placé, Todeschini, Yung, Teston, Filleul, Ries et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :

Après l'article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Le code général des impôts est ainsi modifié :

1° Après l'article 39 ter C, il est inséré un article 39 ter D ainsi rédigé :

« Art. 39 ter D. - 1° Les sociétés dont l'objet principal est d'effectuer la première transformation du pétrole brut ou de distribuer les carburants issus de cette transformation sont autorisées à déduire de leur contribution à l'impôt sur les sociétés, dans la limite de 20 % de cette contribution, une provision pour le développement de la recherche dans les énergies renouvelables ainsi que pour les moyens modaux alternatifs au transport routier.

« 2° Les bénéfices affectés à cette provision à la clôture de chaque exercice doivent être employés, dans un délai de deux ans à partir de cette date, à des travaux de recherche réalisés pour le développement des énergies renouvelables.

« 3° À l'expiration du délai de deux ans, les sommes non utilisées dans le cadre prévu au 2° sont rapportées au bénéfice imposable de l'exercice en cours. » ;

2° Après l'article 219, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. ... - À compter du 1 er janvier 2012, lorsque leur bénéfice imposable déterminé conformément à l'article 209 est, au titre de l'année considérée, supérieur de plus de 10 % au bénéfice de l'année précédente, les sociétés dont l'objet principal est d'effectuer la première transformation du pétrole brut ou de distribuer les carburants issus de cette transformation sont assujetties à une contribution égale à 40 % de l'impôt sur les sociétés calculé sur leurs résultats imposables aux taux mentionnés aux I et IV de l'article 219. »

II. - Les modalités d'application du I sont fixées par décret. Il précise la nature des dépenses ouvrant droit à la provision pour le développement de la recherche dans les énergies renouvelables ainsi que pour les moyens modaux alternatifs au transport routier.

III. - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. François Marc.

M. François Marc. Cet amendement est relatif au contexte du prix du pétrole et à la répartition du surplus de productivité. Il comporte deux aspects : le premier a trait aux prix ; le second vise à inciter les sociétés pétrolières à modifier leur comportement.

Tout le monde le voit bien, le pétrole est aujourd'hui particulièrement cher, et tout indique que ce prix ne va pas diminuer. Pour s'en convaincre au besoin, il suffit de se reporter aux déclarations d'avril 2011 de M. Christophe de Margerie, le P-DG de Total : « Le super à 2 euros, cela ne fait aucun doute. La vraie question, c'est : quand ? ». Il ajoutait, le 9 juillet dernier : « Les prix vont devenir élevés, il va falloir s'y habituer. »

Imaginons quelques instants, chers collègues, quelle a pu être la réaction de nos concitoyens face à ces déclarations lorsque, dans le même temps, Total annonçait un bond de 17 % de son bénéfice net et une hausse de 15 % de son chiffre d'affaires au troisième trimestre. Sur neuf mois, de janvier à septembre 2011, cette entreprise a déjà enregistré un bénéfice de 10 milliards d'euros.

Si l'on doit se réjouir du succès d'une grande entreprise française, on ne peut que dénoncer sa politique tarifaire et l'absence de répercussion des variations des prix du pétrole brut sur ceux des carburants à la pompe. Une étude, qui a été rendue au Gouvernement sur ce point au mois de juillet dernier, indiquait que la diminution des prix du gazole à la pompe était proportionnellement bien inférieure à la baisse de la cotation du gazole.

Face à ce constat, le Gouvernement reste inactif, nous semble-t-il. Or cette hausse constante des tarifs pèse fortement sur le pouvoir d'achat de nos concitoyens, particulièrement les plus modestes d'entre eux.

Certes, dans la loi de finances rectificative pour 2011, le Gouvernement a imaginé une contribution exceptionnelle sur la provision pour hausse des prix, mais cette mesure nous paraît bien modeste. C'est ce qui nous a conduits à proposer, au travers de cet amendement, une contribution supplémentaire pérenne, et non pas provisoire comme celle du Gouvernement, sur l'impôt sur les sociétés acquitté par les entreprises pétrolières lorsque leur bénéfice augmente de plus de 10 % sur un an.

Mais notre amendement ne s'arrête pas là ; il tient compte aussi du constat qui est fait depuis déjà plusieurs années sur les conséquences pour l'atmosphère des émissions de gaz à effet de serre et du réchauffement climatique. Je tire d'ailleurs argument du rapport, publié aujourd'hui même, de l'Organisation météorologique mondiale dans lequel celle-ci note que « les principaux gaz à effet de serre à l'origine du réchauffement climatique ont franchi de nouveaux records de concentration dans l'atmosphère en 2010 ». C'est bien sûr le dioxyde de carbone qui explique l'essentiel de cette inquiétante et nouvelle dégradation relative au réchauffement climatique.

Dans ces conditions - c'est le second objet de cet amendement -, il convient d'inciter les sociétés pétrolières à entreprendre plus de recherches sur les énergies alternatives par la mise en place d'un dispositif fiscal.

Tel est, mes chers collègues, le double objet de cet amendement, qui appelle de notre part un vote favorable, car il prévoit une incitation forte en direction des sociétés pétrolières.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Dès lors que l'amendement a été rectifié pour tenir compte de la demande que j'avais formulée en commission et qu'il favorise les investissements verts des compagnies pétrolières, j'y suis favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Le Gouvernement considère que cet amendement est largement satisfait puisque l'article 16 de la loi de finances rectificative pour 2011 a d'ores et déjà institué une contribution exceptionnelle à la charge des entreprises du secteur pétrolier. Je crois qu'il faut, de temps en temps, s'arrêter de taxer toujours et encore, notamment les entreprises du secteur industriel et surtout cette année.

M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.

M. François Marc. Je remercie la rapporteure générale d'apporter le soutien de la commission des finances à cet amendement.

Je n'ai pas grand-chose à ajouter à l'argumentation que j'ai déjà développée, sinon pour préciser que cet amendement ne sera pas forcément coûteux puisque nous l'avons gagé, ce qui sous-entend qu'il pourrait être source de recettes supplémentaires pour l'État.

En premier lieu, notre préoccupation est de mettre en place une mesure fiscale afin d'inciter les sociétés pétrolières à s'orienter davantage vers la recherche sur les énergies alternatives.

En second lieu, il s'agit de mieux répartir le gâteau des bénéfices supplémentaires tirés par les sociétés pétrolières du fait de l'augmentation des tarifs à la pompe. Si elles engrangent des bénéfices, il nous semble légitime - d'autant que leur impôt n'est majoré que si leur bénéfice est supérieur de plus de 10 % à celui de l'année précédente - qu'elles en restituent une part à la collectivité : sur 10 milliards ou 15  milliards d'euros de bénéfices, Total peut donner un petit peu à la collectivité.

Ces deux raisons justifient pleinement le vote de cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Je voudrais simplement clarifier un point.

Cet amendement tend à instituer « une contribution égale à 40 % de l'impôt sur les sociétés » : il s'agit bien d'une surtaxe de 40 % à l'impôt sur les sociétés, la déduction pour investissement dans les énergies renouvelables étant limitée à 20 % de la contribution due. Cela représente tout de même 80 % de taxes supplémentaires pour le secteur pétrolier !

Par ailleurs, je précise à l'attention de M. Marc, qui le sait d'ailleurs très bien, que cette contribution ne s'appliquera bien évidemment pas à Total, puisque cette société ne paie pas d'impôt sur les sociétés en France.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C'est purement symbolique !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-128 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 5.

II. TEXTE ADOPTÉ PAR LE SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE

Article 5 bis A (nouveau)

I. - Le code général des impôts est ainsi modifié :

1° Après l'article 39 ter C, il est inséré un article 39 ter D ainsi rédigé :

« Art. 39 ter D. - I. -°Les sociétés dont l'objet principal est d'effectuer la première transformation du pétrole brut ou de distribuer les carburants issus de cette transformation sont autorisées à déduire de leur contribution à l'impôt sur les sociétés, dans la limite de 20 % de cette contribution, une provision pour le développement de la recherche dans les énergies renouvelables ainsi que pour les moyens modaux alternatifs au transport routier.

« II. - Les bénéfices affectés à cette provision à la clôture de chaque exercice doivent être employés, dans un délai de deux ans à partir de cette date, à des travaux de recherche réalisés pour le développement des énergies renouvelables.

« III. - À l'expiration du délai de deux ans, les sommes non utilisées dans le cadre prévu au II sont rapportées au bénéfice imposable de l'exercice en cours. » ;

2° Après l'article 219, il est inséré un article 219 A ainsi rédigé :

« Art. 219 A. - À compter du 1 er janvier 2012, lorsque leur bénéfice imposable déterminé conformément à l'article 209 est, au titre de l'année considérée, supérieur de plus de 10 % au bénéfice de l'année précédente, les sociétés dont l'objet principal est d'effectuer la première transformation du pétrole brut ou de distribuer les carburants issus de cette transformation sont assujetties à une contribution égale à 40 % de l'impôt sur les sociétés calculé sur leurs résultats imposables aux taux mentionnés aux I et IV de l'article 219. »

II. - Les modalités d'application du I sont fixées par décret. Il précise la nature des dépenses ouvrant droit à la provision pour le développement de la recherche dans les énergies renouvelables ainsi que pour les moyens modaux alternatifs au transport routier.

III. - La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.