ARTICLE  5 SEXIES B (NOUVEAU) : APPLICATION DU TAUX NORMAL DE TVA AUX PRODUITS PHYTOSANITAIRES

I. DÉBATS SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE (SÉANCE DU LUNDI 21 NOVEMBRE 2011)

Article additionnel après l'article 5 quinquies

M. le président. L'amendement n° I-132, présenté par Mme Rossignol, M. Marc, Mme M. André, MM. Frécon, Miquel, Berson, Botrel et Caffet, Mme Espagnac, MM. Germain, Haut, Hervé, Krattinger, Massion, Patient, Patriat, Placé, Todeschini, Yung et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :

Après l'article 5 quinquies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le d du 5° de l'article 278 bis du code général des impôts est abrogé.

La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Mme Laurence Rossignol. Les produits phytosanitaires bénéficient actuellement, au même titre que les produits de première nécessité ou les livres, d'un taux réduit de TVA. Cet amendement vise à leur appliquer le taux normal de 19,6 %.

Lors du Grenelle de l'environnement, puis dans la loi dite « Grenelle 1 », le Gouvernement s'est engagé à soutenir au niveau européen l'instauration d'un taux réduit de TVA sur les produits à faible impact sur la biodiversité.

Or, non seulement cet engagement n'a pas été suivi d'effets et les préparations naturelles peu préoccupantes n'ont pas reçu, dans la loi « Grenelle 2 », le statut dont elles auraient pu bénéficier en tant qu'alternatives aux produits phytosanitaires, mais nous continuons à encourager l'usage de ces derniers par le biais d'un taux de TVA réduit.

Les herbicides, les fongicides aussi bien que les insecticides ont pourtant des conséquences directes et négatives sur notre environnement, sur les espèces sauvages, sur l'ensemble de chaîne alimentaire et sur la santé humaine.

La France figure parmi les derniers pays européens qui appliquent un taux réduit de TVA sur les pesticides et, surtout, le taux d'utilisation des produits phytosanitaires y est très élevé.

Nous proposons donc d'assujettir ces produits au taux normal de TVA, afin de cesser d'encourager leur usage.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Avis défavorable.

Premièrement, nous estimons que cet amendement n'aurait pas d'effet sur les gros producteurs, mais pénaliserait les particuliers et les tout petits exploitants.

M. Jean-Pierre Caffet. Incroyable !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Deuxièmement, les ventes d'engrais, d'amendements calcaires, de soufre, de cuivre et de grenaille utilisés pour la fabrication du sulfate de cuivre continueront à bénéficier du taux réduit de TVA, alors qu'un certain nombre de ces produits ont un impact négatif sur l'environnement.

Troisièmement, enfin, le Gouvernement a préféré recourir à une mesure plus large : l'augmentation du taux réduit de TVA de 5,5 % à 7 %, sauf pour les biens et services de première nécessité.

M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.

M. François Marc. Je croyais que tout le monde était aujourd'hui convaincu de la nécessité de prendre des mesures pour réduire l'utilisation des produits phytosanitaires !

De multiples études ont en effet révélé à quel point ces produits étaient nocifs pour la santé des usagers, qu'il s'agisse des agriculteurs ou des jardiniers du dimanche. Il paraît évident qu'il faut trouver des solutions pour restreindre le champ d'application de ce type de produits et diminuer les incitations à les acheter.

Franchement, pourquoi leur appliquer le taux réduit de TVA ? S'agit-il de produits de première nécessité pour les jardiniers du dimanche ? Nous sommes tout de même en droit de nous étonner ! Il est donc parfaitement logique de proposer de leur appliquer le taux normal de TVA, afin notamment de décourager les consommateurs, et nous devrions tous, me semble-t-il, nous rallier à cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.

Mme Marie-Christine Blandin. Pour soutenir cet amendement, j'enchaînerai sur ce que vient de dire M. Marc des dégâts occasionnés par les produits phytosanitaires, en rappelant qu'ils sont cancérigènes, mutagènes, reprotoxiques et provoquent de surcroît des désordres dans l'embryogenèse, responsables de drames dans les familles quand naissent des enfants souffrant de problèmes rénaux ou génitaux.

Sur un plan purement financier ensuite, croyez-moi, si ces substances ne circulaient pas aussi librement, nous ferions de sacrées économies dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale !

Dernier point : on peut se passer de ces produits. Dans plus de la moitié des grandes collectivités, les services chargés des espaces verts ont démontré que l'on pouvait très bien se « débrouiller » et embellir les villes sans y avoir recours. Depuis que cette option a été prise, la Mutualité sociale agricole enregistre énormément moins de déclarations émanant des jardiniers salariés des villes sur son site dédié aux accidents phytosanitaires. Les « petits » jardiniers ne sont donc pas les seuls concernés !

Un autre exemple m'est inspiré par le salon Vinexpo, à Bordeaux : alors que la viticulture française commence à s'interroger sur l'avenir de ses exportations, on constate que tous les producteurs en culture « bio » ou en biodynamique obtiennent actuellement des taux de croissance phénoménaux : eux n'utilisent pas de produits phytosanitaires !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. C'est vrai !

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.

Mme Laurence Rossignol. Je crains de ne pas avoir été totalement convaincue par les arguments de M. le secrétaire d'État, et cela pour deux raisons.

D'abord, si cet amendement était adopté, nous ne ferions pas de tort aux particuliers qui utilisent des produits phytosanitaires ; au contraire, nous leur rendrions service, car ils sont les principales victimes des effets toxiques résultant de l'usage de ces produits.

Ensuite, s'agissant de conséquences financières de l'utilisation des produits phytosanitaires, je rappelle que 100 % des eaux de surface, en Île-de-France, doivent être traitées pour être rendues potables, ce qui représente un coût de 20 milliards d'euros par an.

Prendre une mesure qui aurait pour effet d'attirer l'attention des usagers sur la toxicité et le coût environnemental de ces produits me paraît donc utile.

M. le président. La parole est à M. Jacques Gillot, pour explication de vote.

M. Jacques Gillot. Monsieur le secrétaire d'État, vous n'ignorez certainement pas les dégâts causés par l'utilisation du chlordécone outre-mer, en particulier en Guadeloupe et en Martinique, où il est responsable de nombreux cancers de la prostate et du sein. Il me semble que toute mesure qui contribuerait à réduire l'utilisation de produits de ce type devrait trouver votre assentiment et je vous demande d'accepter de revoir votre position.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Si les collectivités territoriales ont effectivement pu, en règle générale, s'adapter et passer, par exemple, à des procédés thermiques pour l'entretien des espaces verts, est-il totalement certain, mes chers collègues, qu'une augmentation aussi forte de la TVA soit, comme le disent les auteurs de l'amendement, sans effet en matière agricole ?

Mme Laurence Rossignol. Bien sûr, puisque la TVA est récupérée !

M. François Marc. Et tant mieux s'ils consomment moins !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Pour ma part je suis quelque peu sceptique, l'écart entre un taux de 5,5 % et un taux de 19,6 % me paraissant très important, mais ce n'est qu'une question que je tenais à poser...

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-132.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 5 quinquies .

II. TEXTE ADOPTÉ PAR LE SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE

Article 5 sexies B (nouveau)

Le d du 5° de l'article 278 bis du code général des impôts est abrogé.