Mercredi 3 mai 2006

- Présidence de M. Serge Vinçon, président -

Traités et conventions - Procédure d'examen simplifié en séance publique - Communication

La commission a entendu la communication de M. Serge Vinçon, président, sur l'expérimentation d'une procédure d'examen simplifiée, en séance publique, de projets de loi autorisant la ratification ou l'approbation d'un accord international.

M. Serge Vinçon, président, a rappelé que le Bureau du Sénat avait invité, au début de cette année, les présidents de commissions à formuler des propositions destinées à améliorer et rationaliser le travail parlementaire, notamment pour la séance publique. Il a précisé qu'il avait, le 13 avril dernier, réuni le bureau de la commission pour évoquer une proposition qu'il souhaitait soumettre, et tendant, d'une part, à donner une plus grande place, en séance publique, aux débats de politique internationale et de défense et, d'autre part, en contrepartie, à mettre en oeuvre, à titre expérimental, une procédure d'examen simplifié de certaines conventions internationales.

Expliquant les raisons de son initiative, M. Serge Vinçon, président, a estimé que les questions de politique étrangère et de défense devaient, beaucoup plus qu'aujourd'hui, faire l'objet de vrais débats en séance publique. Il s'agissait de donner aux membres de la commission et aux représentants des groupes l'opportunité d'intervenir solennellement sur ces sujets, en séance publique, et d'en débattre avec le gouvernement.

L'examen du budget se concentrant désormais sur les questions proprement financières, il n'était plus, comme auparavant, l'occasion d'aborder au fond ces questions. Il fallait donc trouver des moyens nouveaux. M. Serge Vinçon, président, a indiqué qu'il allait donc proposer à la Conférence des présidents que, deux à trois fois par an, un débat soit organisé sur les questions internationales et de défense, sous la forme d'une question orale avec débat, à l'instar de ce qui se fait, aujourd'hui, pour les sujets européens.

Abordant un second aspect de sa proposition, M. Serge Vinçon, président, a précisé que, en contrepartie du temps qui serait consacré à ces débats, dans un ordre du jour parlementaire toujours très chargé, il avait suggéré de mettre en place au Sénat, comme c'est le cas depuis 8 ans à l'Assemblée nationale, une procédure d'examen simplifié de certaines conventions internationales.

Se donner la possibilité de recourir à une telle procédure répondait à deux raisons principales :

- première raison, le président a rappelé que, chaque année, sur la quarantaine de projets de loi autorisant la ratification ou l'approbation de conventions ou traités internationaux, seul un nombre réduit d'entre eux entraînait, en séance publique, un vrai débat, impliquant d'autres orateurs que les seuls ministre et rapporteur. Les discours de ces derniers se recoupaient d'ailleurs souvent, dans la mesure où la plupart de ces projets de loi ne se prêtaient guère à des analyses partisanes ou politiques divergentes ;

- seconde raison, a poursuivi M. Serge Vinçon, président, lorsqu'une séance de convention était fixée par le Gouvernement, elle était bien souvent la variable d'ajustement de l'ordre du jour, entraînant le report des séances de conventions, bouleversant ainsi à chaque fois les agendas de nombreux rapporteurs et nécessitant souvent leur remplacement de dernière minute.

Puis M. Serge Vinçon, président, a détaillé le dispositif qui pourrait, à titre expérimental, être mis en oeuvre assez rapidement.

Le travail en commission ne changerait pas : le rapporteur continuerait de présenter le texte en commission et le débat aurait lieu, comme actuellement, figurant au compte rendu habituel au bulletin des commissions et annexé au rapport publié.

L'examen en séance publique se déroulerait de la façon suivante : la Conférence des présidents, sur proposition de la commission, entérinerait la liste des projets soumis à la formule « d'examen simplifié ». Dans ce cas, lors de la séance publique elle-même, le président de séance mettrait aux voix successivement les projets de loi, sans intervention, ni du ministre, ni du rapporteur. Au demeurant, comme à l'Assemblée nationale lorsqu'une séance de convention ne comporte que des projets débattus en procédure simplifiée, la présence du ministre responsable, en l'occurrence de l'une des deux ministres déléguées aux affaires étrangères, dont on connaît l'agenda international chargé, ne serait pas nécessaire.

Toutefois, jusqu'à 24 h au moins avant le jour de séance, un ou plusieurs groupes politiques pourraient demander que tel ou tel texte, initialement prévu en procédure simplifiée, fasse finalement l'objet d'un débat. Dans ce cas, soit ce ou ces textes seraient débattus, sous la forme habituelle, le jour prévu pour la séance, soit leur examen serait décalé à une séance ultérieure, en présence du ministre compétent.

Ce projet n'aurait, dans un premier temps, a conclu M. Serge Vinçon, président, qu'un caractère expérimental (le règlement du Sénat ne serait pas modifié à ce stade), et aurait donc pour contrepartie l'organisation des deux ou trois débats annuels en séance publique sur des sujets de politique internationale ou de défense. C'était d'ailleurs à cette dernière condition que le bureau de la commission avait donné son accord de principe à cette expérimentation.

Un débat a suivi la communication du président.

M. Robert Bret a relevé que le débat qui aurait lieu lors de la réunion de la Conférence des présidents du 31 mai prochain sur l'évolution du travail parlementaire, serait notamment l'occasion d'évoquer l'amélioration ou, au contraire, les restrictions des droits des parlementaires pour ce qui relève, par exemple, des règles de recevabilité des amendements.

Il a estimé que ce n'était pas à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées que l'on pouvait reprocher d'encombrer la séance publique. Pour autant, il reconnaissait l'intérêt d'une procédure permettant de prendre en compte l'importance des débats publics sur des questions internationales. Deux à trois débats annuels seraient-ils cependant suffisants ? Il a convenu qu'une grande majorité des conventions internationales ne posait pas de problèmes particuliers, tout en insistant sur la nécessité de prévoir la possibilité d'interventions en séance « au cas où... ».

M. Serge Vinçon, président, a indiqué que c'était précisément l'un des objets de la double proposition qu'il formulait, et qui n'enlevait aucune des prérogatives de la commission, mais, au contraire, tendait à la renforcer par l'organisation de débats sur des sujets internationaux ou de défense. Il a par ailleurs précisé que cette proposition était distincte des évolutions relatives aux règles concernant la recevabilité des amendements.

M. André Rouvière a reconnu qu'il était en effet souhaitable de prévoir plus de débats sur les sujets internationaux. Il s'est dit cependant réticent sur une procédure qui réduisait la part des conventions internationales en séance publique. Les rapporteurs risqueraient d'y voir leurs travaux dévalorisés et la commission de se marginaliser elle-même.

M. Serge Vinçon, président, a indiqué que les travaux des rapporteurs ne seraient en rien modifiés. Tout d'abord, tous les textes ne feraient pas l'objet de la procédure simplifiée, ensuite, chaque projet de loi autorisant l'approbation ou la ratification d'une convention internationale se verrait toujours désigner un rapporteur, dont le rapport continuerait d'être examiné et débattu en commission et publié, comme actuellement. Quant à la commission, il était particulièrement valorisant pour elle que ses membres puissent s'exprimer en séance publique sur des sujets de politique étrangère ou de défense dans le cadre de débats organisés chaque année.

Mme Hélène Luc a fait valoir l'attachement très fort de son groupe à l'expression en séance plénière. Elle s'est dite réservée sur toute formule allant vers la restriction du débat public et favorable, au contraire, à tout ce qui pouvait les développer. Elle a insisté sur l'importance d'une disposition laissant à un groupe politique, au plus tard 24 heures avant la séance publique, la possibilité de revenir, pour un projet particulier, et si l'actualité le justifiait, sur la formule d'examen simplifié.

M. Robert Del Picchia a marqué son plein soutien à la proposition présentée par le président. Celui-ci lui a par ailleurs précisé que si une demande était formulée par un groupe politique pour qu'une convention soit finalement débattue dans les conditions habituelles, le débat sur ce texte serait organisé soit le jour initialement prévu pour la séance d'examen simplifié, si le ministre compétent était présent, soit, dans le cas contraire, serait reporté à une séance ultérieure.

Mme Catherine Tasca a exprimé ses sentiments partagés sur la proposition, redoutant que l'espace de l'expression parlementaire ne se trouve toujours plus réduit. Elle a souhaité que la formule d'examen simplifié soit l'exception et non pas la règle. Elle a par ailleurs estimé que la commission devait être assurée par un engagement clair du gouvernement sur l'organisation de débats sur les sujets internationaux qui, en effet, étaient actuellement indigents.

M. Serge Vinçon, président, a indiqué qu'il ferait part de ces diverses observations en conférence des présidents et que, si un consensus se dégageait à la commission en faveur de cette proposition, la contrepartie en serait l'engagement à ce que des débats sur les sujets internationaux et de défense soient inscrits à l'ordre du jour.

M. Charles Pasqua a souligné que cette proposition d'examen simplifié devait en effet avoir pour contrepartie l'organisation d'au moins deux débats annuels sur les questions de politique étrangère et de défense, qui permettent d'aller au fond de problèmes avec les ministres compétents.

M. Serge Vinçon, président, a rappelé que cet aspect de « contrepartie » allait de soi dans sa proposition qui avait précisément un double aspect : la possibilité d'une procédure d'examen simplifié de conventions internationales qui représentent, chaque année, environ 8 heures de séance et l'organisation, en séance publique, de débats portant sur les compétences de la commission. Il a conclu en indiquant qu'il ferait part, le 31 mai prochain, en conférence des présidents, des détails de sa proposition et des commentaires qu'elle a suscités de la part des membres de la commission.

Traités et conventions - Responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire - Examen du rapport

La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport de M. Roger Romani sur le projet de loi n° 293 (2005-2006), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation d'accords internationaux sur la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire.

M. Roger Romani, rapporteur, a tout d'abord estimé que l'examen de ces accords destinés à améliorer le système de responsabilité civile en matière nucléaire mis en place dans le cadre de l'OCDE prenait un relief particulier, vingt ans après la catastrophe de Tchernobyl, survenue le 26 avril 1986. Il a rappelé la gravité exceptionnelle et sans équivalent dans l'histoire de l'énergie nucléaire de cet accident, dont le bilan demeure aujourd'hui encore difficile à établir. Il a cité une étude réalisée sous l'égide des Nations unies et de l'AIEA, publiée en septembre 2005, et faisant état d'un total d'environ 4 000 décès par cancer, dont 60 déjà constatés et 3 940 pouvant potentiellement survenir au cours des prochaines années. Il a précisé que l'Organisation mondiale de la santé évoquait pour sa part 9 000 décès potentiels pour les populations d'Ukraine, de Biélorussie et de Russie, l'une de ses agences spécialisées, le Centre international de recherche sur le cancer, considérant quant à elle que 16 000 décès pourraient intervenir dans l'ensemble de l'Europe.

La rapporteur a estimé que les conséquences d'un tel accident dépassaient largement les frontières d'un Etat, rendant de ce fait nécessaires des règles internationales, tant en matière de prévention que de réparation des dommages. Il a ajouté que les deux protocoles soumis à l'approbation du Parlement portaient sur le régime de responsabilité civile applicable en cas d'accident, et visaient à l'améliorer, même si ce système de réparation ne peut prétendre à couvrir intégralement les dommages d'une catastrophe d'ampleur comparable à celle de Tchernobyl. Il a également rappelé qu'en 1986, la question de la réparation des dommages aux pays tiers ne s'était pas posée, puisque l'URSS ne souscrivait à aucun instrument international.

M. Roger Romani, rapporteur, a présenté le cadre régissant, sur le plan international, la responsabilité civile pour les dommages nucléaires. Ces questions ont été débattues dans deux enceintes internationales distinctes - l'Agence de l'énergie nucléaire (AEN) de l'OCDE et l'Agence internationale pour l'énergie atomique (AIEA) - jusqu'à la conclusion de deux conventions internationales : la convention de Paris du 29 juillet 1960 sur la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire, qui relève de l'OCDE et à laquelle la France est partie, et la convention de Vienne relative à la responsabilité civile en matière de dommages nucléaires du 21 mai 1963, qui relève de l'AIEA.

Bien que distincts pour des raisons historiques, ces deux dispositifs se sont considérablement rapprochés. Un protocole commun entré en vigueur en 1992 établit une « passerelle » entre les deux conventions, de sorte que les victimes de dommages nucléaires subis dans un Etat partie à l'une de ces deux conventions bénéficient d'un droit à réparation même si l'accident est survenu dans un Etat partie à l'autre convention. D'autre part, les deux conventions reposent sur les mêmes principes de base, qui sont les suivants :

- la responsabilité objective, c'est-à-dire indépendante de toute faute, de l'exploitant en cas de dommage nucléaire, afin d'éviter aux victimes d'avoir à établir la preuve d'une faute ;

- la responsabilité exclusive de l'exploitant, toute action ne pouvant être intentée qu'à son encontre afin d'éviter la multiplication des procédures impliquant le constructeur, les fournisseurs ou des sous-traitants ; l'exploitant n'est exonéré de sa responsabilité que dans des cas très limités, comme l'action intentionnelle d'un tiers ;

- la limitation de la responsabilité de l'exploitant en montant, par la définition d'un plafond d'indemnisation, et en durée, les actions en réparation devant être intentées dans un délai de 10 ans après l'accident ;

- l'obligation pour l'exploitant de couvrir sa responsabilité par une assurance ou toute autre garantie financière ;

- l'unité de juridiction, les seuls tribunaux compétents étant ceux situés sur le territoire où s'est produit l'accident ;

- enfin, l'égalité de traitement entre toutes les victimes, quel que soit leur Etat d'appartenance.

Abordant les deux protocoles adoptés le 12 février 2004, M. Roger Romani, rapporteur, a indiqué qu'ils modifiaient la convention de Paris de l'OCDE, à laquelle adhèrent la France et les autres pays d'Europe occidentale. Il a précisé qu'une mise à jour comparable avait été effectuée par l'AIEA pour les pays de la convention de Vienne, les deux régimes internationaux continuant d'évoluer en parallèle et de manière cohérente.

Le rapporteur a énuméré une première série d'améliorations apportées par les protocoles s'agissant de l'étendue du risque couvert. Ainsi, le champ des activités concernées est élargi à toutes les installations en lien avec une activité nucléaire, comme celles dédiées à l'évacuation des déchets radioactifs ou celles en cours de démantèlement. La notion de dommage comprend désormais le coût des mesures de sauvegarde prise par les autorités, celui de la restauration de l'environnement, ainsi que les dommages économiques dits « immatériels », c'est-à-dire par exemple le manque à gagner en relation directe avec la dégradation de cet environnement. Certains pays qui ne disposent pas d'installations nucléaires et ne sont donc partie ni à la convention de l'OCDE, ni à celle de l'AIEA, pourront demander réparation des dommages subis sur leur territoire, par exemple en cas d'accident lié à un transport international de matières nucléaires. Enfin, le délai de prescription des actions en responsabilité reste de 10 ans dans le cas général, mais il est porté à 30 ans lorsque l'action concerne un décès ou un dommage aux personnes.

M. Roger Romani, rapporteur, a indiqué qu'une seconde série d'améliorations portaient sur le montant des indemnisations. Les trois niveaux de réparation existant, à savoir l'intervention successive de l'exploitant, de l'Etat de l'installation puis d'un fonds international, sont maintenus, mais le montant de chacune des trois tranches d'indemnisation est revalorisé. La responsabilité de l'exploitant, dont le montant minimal est actuellement de 18 millions d'euros, est portée à 700 millions d'euros au minimum. Celle de l'Etat de l'installation est désormais comprise entre les 700 millions à charge de l'exploitant et 1,2 milliard d'euros. Le fonds international interviendra entre 1,2 et 1,5 milliard d'euros, soit une garantie maximale de 300 millions d'euros au lieu de 152 millions d'euros dans le régime actuel.

En conclusion, le rapporteur a précisé que les deux protocoles imposaient à la France de revoir sa législation sur la responsabilité civile en matière nucléaire, et qu'à cet effet, le Sénat avait adopté le 8 mars dernier un amendement au projet de loi relatif à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire. Il a souligné que, d'une manière plus générale, la France continuait d'améliorer le cadre législatif, réglementaire et administratif, déjà très étoffé, régissant les activités nucléaires, notamment par le projet de loi sur la transparence et la sécurité et par le projet de loi sur la gestion des déchets radioactifs. Il a jugé indispensables l'amélioration des législations nationales et le renforcement de l'encadrement international des activités nucléaires, alors que l'on constate, de par le monde, un regain d'intérêt pour cette forme d'énergie. Il a cité à ce propos les débats en cours dans plusieurs pays européens.

M. Roger Romani, rapporteur, a souligné que les deux protocoles du 12 février 2004 modifiant les conventions de l'OCDE sur la responsabilité civile nucléaire constituaient une avancée positive, tout en considérant que leur élaboration aurait sans doute mérité d'être plus rapide. Il a demandé à la commission d'adopter le projet de loi autorisant leur approbation.

A la suite de cet exposé, M. Serge Vinçon, président, a constaté que la question de l'énergie revêtait aujourd'hui un caractère essentiel et qu'il était tout aussi important d'accorder à la sûreté et à la sécurité des installations, notamment nucléaires, toute l'attention qu'elles méritent. Il a évoqué l'émotion ressentie à l'occasion du vingtième anniversaire de l'accident de Tchernobyl et a estimé que les deux protocoles adoptés en février 2004 constituaient un pas positif pour améliorer le régime de responsabilité civile en cas d'accident.

M. André Trillard s'est félicité des progrès du cadre juridique encadrant les activités nucléaires, en particulier en ce qui concerne la responsabilité de l'exploitant, mais il a considéré qu'en dépit du relèvement des tranches d'indemnisation prévues par les protocoles, les montants restaient largement en-deçà du niveau des dommages susceptibles d'être provoqués par un accident nucléaire.

Mme Dominique Voynet a observé qu'à l'instar de celle sur les transports maritimes, la réglementation internationale relative à la prévention et à la réparation des accidents nucléaires n'avait pu évoluer que sous la pression d'une grave catastrophe, et après des années de négociations. Elle s'est néanmoins réjouie de l'aboutissement du travail de renforcement du régime international de responsabilité civile, même si les nouveaux montants d'indemnisation demeurent très insuffisants au regard des coûts effectivement engendrés par un accident comme celui de Tchernobyl. Elle a noté que les conséquences de la dislocation de l'URSS sur la gestion et le suivi de cette catastrophe étaient souvent évoquées, mais que la France n'avait pour sa part jamais mené de travail sérieux sur l'évaluation de la contamination du territoire national et sur le suivi épidémiologique des populations concernées. Se référant aux orientations actuelles de la politique nucléaire française, elle a contesté la réalité des avancées supposées résulter des projets de loi sur la sécurité et la transparence en matière nucléaire et sur la gestion des déchets radioactifs, estimant que ces textes n'atténuent en rien le poids déterminant des acteurs qui, depuis des décennies, fixent, sans réel contrôle démocratique, les choix dans le domaine nucléaire. Elle a également relativisé l'idée d'une relance du nucléaire au niveau mondial, observant qu'aucune décision n'était intervenue en ce sens depuis 6 ans aux Etats-Unis et que les projets chinois et indiens ne conduiraient qu'à réserver une place infime à l'énergie nucléaire dans l'approvisionnement des deux pays. Elle s'est prononcée en faveur de la définition, après un large débat public, d'une véritable politique européenne de l'énergie.

M. Roger Romani, rapporteur, a cité les déclarations de responsables politiques allemands, britanniques ou italiens montrant que chez nos voisins, le rôle de l'énergie nucléaire est considéré plus favorablement que par le passé.

M. Robert Bret s'est félicité des avancées permises par les deux protocoles du 12 février 2004, même si les montants de réparation peuvent toujours paraître trop limités. Il a souligné la nécessité d'un large débat sur les perspectives mondiales en matière d'énergie, au vu notamment de l'épuisement prévisible des sources d'énergie fossile. Il a souligné la contradiction de certains pays adoptant une position de principe hostile au nucléaire, mais prêts à se fournir en électricité d'origine nucléaire auprès de pays comme la France.

M. Roger Romani, rapporteur, a convenu que les montants de réparation prévus par le nouveau régime international demeuraient limités et, en tout état de cause, sans commune mesure avec les dommages se chiffrant probablement en centaines de milliards d'euros provoqués par une catastrophe de grande ampleur comme celle de Tchernobyl. Il a néanmoins souligné que la mise en jeu de la responsabilité civile pouvait intervenir dans des accidents de portée plus limités et que, dans de tels cas, les protocoles apportent une réelle amélioration.

M. André Trillard a évoqué la récente chute des cours des permis d'émission de gaz carbonique, estimant qu'elle traduisait une moindre consommation d'énergie fossile du fait, notamment, du recours à l'énergie nucléaire.

M. André Vantomme a estimé que les deux protocoles ne pouvaient recueillir qu'un large consensus et a appelé à une pleine cohérence entre cette démarche de progrès au plan international et l'approche des questions nucléaires au plan national. Il a ainsi observé que l'amélioration du régime international de réparation doit aller de pair avec une plus grande transparence des pouvoirs publics en cas d'accident, à l'inverse de l'attitude prise par les pouvoirs publics français lors de la catastrophe de Tchernobyl.

Mme Catherine Tasca, faisant allusion à la mise en oeuvre de procédures simplifiées pour l'examen en séance publique des conventions internationales, a noté que ces textes, et singulièrement ceux portant sur les accidents nucléaires, pouvaient appeler des débats plus larges que leur objet premier. Elle y a vu la nécessité d'obtenir davantage de temps pour débattre des questions internationales en séance publique.

Mme Dominique Voynet a contesté que la chute des cours des permis d'émission de gaz carbonique puisse être inscrite à l'actif de l'énergie nucléaire. Elle a rappelé qu'aucune centrale nucléaire nouvelle n'avait été mise en service en Europe depuis des années, la réduction des émissions de gaz carbonique étant à ses yeux liée au ralentissement de la croissance et aux efforts des industries en matière d'économies d'énergie.

M. Jean-Louis Carrère s'est déclaré sceptique sur les perspectives de réduction durable des émissions polluantes, citant notamment le manque de volontarisme pour développer les modes de transport les moins polluants. Il a reconnu les aspects positifs des protocoles soumis à l'examen du Sénat, tout en observant qu'ils s'inscrivaient dans une logique globale de développement de l'énergie nucléaire qui mériterait pour sa part un débat préalable plus global.

M. Roger Romani, rapporteur, a souligné l'ampleur des efforts accomplis en France pour renforcer la sûreté et la sécurité des installations nucléaires. Il a rendu un hommage particulier à EDF, qui a développé des procédures de contrôle interne extrêmement approfondies.

A la suite de ce débat, la commission a adopté le projet de loi autorisant l'approbation d'accords internationaux sur la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire.

Traités et conventions - Droit des marques - Examen du rapport

Puis la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Philippe Nogrix sur le projet de loi n° 295 (2005-2006), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation du traité sur le droit des marques.

M. Philippe Nogrix, rapporteur, a souligné que la protection des marques avait toujours constitué un enjeu commercial important, et que son caractère stratégique s'accentuait avec l'ouverture des marchés, le développement des échanges et la diffusion des technologies et des procédés industriels. Il a précisé que l'élaboration d'un traité international sur le droit des marques constituait une initiative de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), en vue de favoriser une harmonisation des différentes législations nationales sur l'enregistrement et la protection des marques. L'objectif était d'améliorer la cohérence globale entre les différents systèmes nationaux, mais aussi d'en faciliter l'accès aux entreprises en incitant les Etats à se doter d'une législation interne plus claire et plus simple.

M. Philippe Nogrix, rapporteur, a rappelé que pour assurer la protection de sa marque, une entreprise disposait principalement de deux possibilités : soit déposer une demande d'enregistrement auprès des offices nationaux des différents pays dans lesquels elle souhaite obtenir la protection, soit recourir au système international de protection des marques mis en place par l'OMPI qui permet, par une démarche unique, d'obtenir une protection dans l'ensemble des pays qui y adhérent. En atténuant les disparités entre législations nationales, le traité sur le droit des marques réduira les obstacles procéduraux qui caractérisent certaines d'entre elles. Ainsi, le traité détermine de manière limitative ce qu'un office national est en droit d'exiger d'une société souhaitant effectuer une demande initiale d'enregistrement ou en obtenir ultérieurement la modification ou le renouvellement. Le principe retenu est celui de l'autorisation expresse par le traité de toute exigence procédurale à l'égard des entreprises. De manière générale, les stipulations du traité vont dans le sens d'un allègement des formalités, que ce soit en termes de types de renseignements à fournir, d'exigences de certification de certaines pièces ou de possibilités, par une seule demande, d'enregistrer des marques portant sur plusieurs classes de produits ou services. En outre, le traité uniformise la durée de validité de l'enregistrement initial et celle des périodes de renouvellement, fixées à 10 ans.

M. Philippe Nogrix, rapporteur, a précisé que les normes de procédure définies par le traité sur le droit des marques étaient déjà en vigueur dans le droit interne français. Il a observé que le traité avait été signé par la France en avril 1995, mais que le projet de loi autorisant son approbation n'avait été déposé qu'en mars 2005. Il a estimé que cette situation ne pouvait perdurer, quand bien même la législation française se conformait déjà au traité, car dans le même temps, l'OMPI avait engagé des négociations sur un nouveau traité venant d'être adopté le 28 mars dernier, à Singapour. Ce nouveau traité tient compte des avancées technologiques en permettant les procédures par voie électronique. Il met également en place une Assemblée du traité sur le droit des marques qui examinera périodiquement les mises à jour à effectuer.

M. Philippe Nogrix, rapporteur, a ajouté que le traité révisé adopté à Singapour n'était pas appelé à remplacer le traité de 1994, les deux textes constituant deux instruments juridiques distincts qui continueront chacun à exister. Il est de ce fait important que la France, qui est considérée au niveau international comme un pays garantissant un niveau de protection élevée des droits de propriété intellectuelle, soit partie aux deux instruments afin de bénéficier de la couverture géographique la plus large possible. En conséquence, il a invité la commission à adopter le projet de loi.

A l'issue de cet exposé, et en réponse à M. Robert Bret, M. Philippe Nogrix, rapporteur, a précisé que le délai important écoulé entre la signature du traité par la France et la procédure de ratification pouvait s'expliquer par l'absence d'urgence, la législation française sur l'enregistrement des marques intégrant déjà les dispositions prévues au plan international. Il a toutefois rappelé que l'adoption, ce printemps, d'un traité révisé, tout comme l'utilité d'une pleine participation à des instruments internationaux protecteurs pour les entreprises françaises justifiaient aujourd'hui pleinement l'achèvement de la procédure de ratification.

La commission a alors adopté le projet de loi autorisant l'approbation du traité sur le droit des marques.

Nomination de rapporteurs

La commission a procédé à la désignation de rapporteurs. Elle a nommé :

- M. Daniel Goulet sur le projet de loi n° 2827 (AN - XIIe législature), en cours d'examen à l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Bulgarie relatif à la mise à disposition d'un immeuble à des fins de coopération culturelle ;

- Mme Catherine Tasca sur le projet de loi n° 2978 (AN - XIIe législature), en cours d'examen à l'Assemblée nationale, autorisant l'adhésion à la convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles ;

- M. André Dulait sur la proposition de résolution n° 247 (2005-2006) tendant à la création d'une commission d'enquête sur les conséquences sanitaires et environnementales des essais nucléaires, menés en Polynésie entre 1966 et 1996, sur la santé des populations exposées et sur l'environnement.