Mardi 30 mai 2006

- Présidence de M. Serge Vinçon, président -

Loi organique relative aux lois de finances - Bilan de la discussion budgétaire - Audition de M. Jean Arthuis, président de la commission des finances

La commission a procédé à l'audition de M. Jean Arthuis, président de la commission des finances du Sénat, sur les enseignements de la première mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF).

Accueillant M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, M. Serge Vinçon, président, a tout d'abord souligné que la commission des affaires étrangères et de la défense et, singulièrement, ses rapporteurs pour avis budgétaires s'étaient pleinement impliqués dans la nouvelle procédure, dans le souci d'utiliser au mieux les possibilités d'action offertes par la LOLF et d'aboutir à une allocation plus efficace des deniers publics.

Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, M. Jean Arthuis a estimé que l'opinion avait désormais pris la mesure de la situation des finances publiques, notamment, après la publication du rapport Pébereau sur la dette publique. Il a souligné que, dans ce contexte, la LOLF était un « instrument de lucidité », permettant de mieux mesurer l'impact des décisions prises.

Dressant un bilan de la première discussion d'un projet de loi de finances en application de la LOLF, il a tout d'abord souligné que tous les sénateurs s'étaient impliqués dans ce processus, en dépit du temps limité de préparation qui leur avait été accordé pour cet exercice. Une concertation, en amont de la discussion du projet de loi de finances, a pu avoir lieu sur les procédures, au sein de la commission des finances et des autres commissions permanentes. Le délai constitutionnel d'examen du texte a été respecté, malgré la perturbation provoquée par la discussion, dans cet intervalle, du projet de loi « engagement national pour le logement ». L'organisation de débats thématiques a été poursuivie et M. Jean Arthuis a estimé qu'il serait certainement opportun d'envisager un tel débat sur les dotations des collectivités territoriales, l'examen en séance publique des crédits de cette mission ayant donné lieu à un débat excessivement chargé.

M. Jean Arthuis s'est interrogé sur l'intérêt réel d'une longue discussion générale en matière budgétaire pour chaque mission. Le temps qui lui est consacré pourrait être mieux utilisé pour débattre des amendements. Dans le même sens, des rapports spéciaux plus courts permettent d'aller, plus rapidement, à l'essentiel. Il a ainsi indiqué qu'en 2006 l'objectif de la commission des finances était d'en réduire le volume de 20 %.

M. Jean Arthuis a ensuite considéré que les avancées réalisées lors de cette première mise en oeuvre devraient être consolidées et prolongées. Il a rappelé la réalité du pouvoir d'arbitrage parlementaire, 44 amendements ayant été adoptés sur les crédits des missions figurant dans le projet de loi de finances pour 2006, contre 12 sur le projet de loi de finances pour 2005. Cette comparaison doit toutefois être relativisée à la lumière du nombre d'amendements finalement retenus, à l'issue de la seconde délibération puis de la commission mixte paritaire. Ainsi, sur 14 amendements d'initiative sénatoriale adoptés par le Sénat, sur les crédits des missions du budget général ayant porté sur une somme de 700 millions d'euros, 12 avaient été confirmés, à l'issue de la seconde délibération, pour un montant de 400 millions d'euros. L'effet des amendements sénatoriaux s'était ainsi finalement limité à 30 millions d'euros, conséquence des 8 amendements effectivement retenus par la commission mixte paritaire. Evoquant la « maquette » budgétaire, M. Jean Arthuis a indiqué que le seul nouveau programme créé (audiovisuel extérieur) l'avait été à la suite d'une initiative gouvernementale. Pour ce qui concerne le plafond des emplois, seuls 112 emplois avaient été supprimés par le Sénat. Il a précisé les deux propositions qui avaient été formulées par la commission des affaires étrangères et de la défense. L'une, concernant les crédits de la mission « Action extérieure de l'Etat », consistait à transférer des crédits de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger vers le programme « Français à l'étranger et étrangers en France » ; l'autre, qui avait pour objectif une plus grande sincérité budgétaire pour la dotation des opérations de maintien de la paix, n'avait pas reçu, de la part du Gouvernement, de réponse satisfaisante. Sur ce dernier point, M. Jean Arthuis a considéré que la sous-dotation des opérations de maintien de la paix en loi de finances initiale demeurait une anomalie qu'il faudrait résolument combattre.

Le président de la commission des finances a ensuite formulé des propositions d'amélioration des procédures d'organisation du débat budgétaire. Ainsi l'inclusion des crédits des programmes dans l'état B du projet de loi de finances permettrait de faciliter l'exercice du droit d'amendement par les sénateurs. De même conviendrait-il de fixer une date d'examen des crédits des missions, en commission des finances et, probablement, en commissions pour avis, qui soit postérieure à l'examen en séance publique à l'Assemblée nationale. Par ailleurs, le délai entre la fin de la première lecture et la réunion de la commission mixte paritaire devrait être accru et porté à un minimum de 3 jours. Il a enfin souhaité que le domaine respectif des différentes lois (ordinaires, budgétaires...) soit mieux délimité, afin d'éviter que les ministres ne soient tentés de compenser la norme du « zéro volume » par l'inscription de dispositions fiscales dans des lois simples.

M. Jean Arthuis a ensuite proposé de rationaliser le calendrier d'examen de la loi de règlement et du débat d'orientation budgétaire. Une semaine devrait être consacrée, au printemps, à l'examen du projet de loi de règlement afin que le débat d'orientation budgétaire permette ensuite de tirer, pour l'année à venir, les enseignements de la loi de règlement. Il a rappelé que trois ministres gestionnaires avaient été entendus, en 2005, sur l'exécution des crédits 2004 de leur ministère. En 2006, une dizaine de ministres gestionnaires, dont le ministre des affaires étrangères et le ministre délégué à la coopération et à la francophonie, seraient au total conviés, pour cet exercice, dans un format plus souple et plus interactif. Deux dispositifs sont prévus. Tout d'abord, du mardi 20 au jeudi 22 juin, des réunions en commissions, élargies à l'ensemble des sénateurs, au public et à la presse, permettront, sans déclaration préalable du ministre, ni discussion générale, que le rapporteur général, le rapporteur spécial concerné et les rapporteurs pour avis interrogent les ministres sur l'exécution de leurs budgets. Puis, la semaine suivante, les mardi 27 et mercredi 28 juin, quatre autres ministres, dont celui de la défense, seront, quant à eux, invités à s'exprimer en séance publique selon le format retenu en 2005.

M. Jean Arthuis a enfin considéré que le travail budgétaire ne se résumait pas à l'intensité de la session d'automne, mais devait également s'exercer au printemps, avec le suivi de l'exécution des crédits, les annonces faites dans le projet de loi de finances initiale demandant à être vérifiées. Les commissions pour avis seraient associées à la commission des finances pour préparer ensemble cet exercice.

En conclusion, M. Jean Arthuis a estimé que le Parlement avait une part de responsabilité dans le bon fonctionnement de l'Etat. Il a rappelé que la LOLF ne constituait pas en elle-même une politique, mais bien un instrument. Il a souhaité une approche nouvelle de la discussion budgétaire, considérant qu'il revenait au Sénat d'exprimer sa spécificité par sa résolution à réformer l'Etat, ce qui supposait aussi une réforme du travail parlementaire.

Un débat s'est instauré au sein de la commission à la suite de l'exposé du président de la commission des finances.

Le président Serge Vinçon a souligné l'intérêt que présenterait, pour le contrôle budgétaire, un travail plus étroit entre les rapporteurs pour avis et les rapporteurs spéciaux. Il a approuvé le souhait exprimé par le président Jean Arthuis que l'examen de la loi de finances soit strictement dévolu à l'analyse budgétaire, et a rappelé que, dans cette perspective, il avait proposé à la conférence des présidents que plusieurs débats publics soient organisés durant l'année parlementaire sur la politique étrangère et de défense, parallèlement à une procédure de discussion simplifiée des conventions internationales.

M. Daniel Goulet a souligné l'opportunité que l'un des débats thématiques souhaités par la commission des finances porte sur l'important problème de la dette, avec la participation du ministre de l'économie et des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, a relevé qu'une prise de conscience s'effectuait dans l'opinion sur les conséquences négatives du poids de la dette publique, notamment à la suite de la publication du rapport de M. Michel Pébereau. Dans cette perspective, il a rappelé la nécessité d'obtenir du Gouvernement une présentation du patrimoine de l'Etat au premier janvier 2006. Seule cette opération comptable, sous la forme d'un « bilan d'ouverture », permettra une évaluation précise, réaliste et sincère des engagements financiers de l'Etat et donc de la dette, permettant de déterminer la politique adéquate pour la résorber. Il a estimé que la connaissance de l'état précis de la dette permettrait de fonder une politique réaliste pour la réduire.

M. André Dulait s'est interrogé sur les modalités retenues pour évaluer le patrimoine de l'Etat.

M. Jean Arthuis a souligné l'importance de la tâche restant à accomplir dans ce domaine par les différents ministères, notamment celui des affaires étrangères, sous le contrôle de la Cour des comptes, pour obtenir cette évaluation.

M. Yves Pozzo di Borgo a déploré le contraste entre la densité du travail d'analyse budgétaire accompli par le Parlement, et le caractère minime des ajustements financiers auxquels ce travail aboutissait. Il a estimé qu'il incombait au Parlement de participer à la réduction de la dette en indiquant celles des missions de l'Etat qui devaient être réduites ou supprimées. Dans cette perspective, il a émis le souhait que tous les parlementaires, et non plus les seuls membres de la commission des finances, puissent avoir le pouvoir d'effectuer des contrôles sur pièces et sur place.

M. Jean Arthuis a évoqué le succès déjà obtenu par les sénateurs lors de l'examen du budget 2006, avec la suppression du coûteux portail électronique « idéesdefrance », au sein du budget du ministère des affaires étrangères (mission « Action extérieure de l'Etat »). Il a souligné l'importance des travaux de contrôle menés par la commission des finances, qui, seuls, permettent d'avoir une vision précise et réaliste, sur le terrain, du fonctionnement de l'administration, et s'est dit favorable à ce que les rapporteurs spéciaux de la commission des finances puissent être accompagnés, lors de ces contrôles, par les rapporteurs pour avis qui le souhaiteraient.

M. Jean-Pierre Plancade a exprimé ses réserves sur la réduction du temps dévolu à la discussion générale des crédits des missions figurant dans le projet de loi de finances, proposée par le président Jean Arthuis. Il a relevé, par ailleurs, la faible influence budgétaire du Parlement, qui n'avait pu finalement porter que sur 30 millions d'euros. Evoquant ensuite les récents propos du premier président de la Cour des comptes sur la difficulté de l'exercice de certification des comptes de l'Etat, il a estimé qu'une volonté politique forte était nécessaire pour faire évoluer réellement l'équilibre budgétaire.

M. Jean Arthuis a rappelé que la principale nouveauté de la LOLF résidait dans les larges possibilités d'amendement budgétaire qu'elle permet, et qu'il importait d'allouer prioritairement un temps suffisant, au sein de chaque mission, à la discussion de ces amendements. En matière d'équilibre des comptes publics, il s'est dit convaincu que les Français aspiraient à un changement, auquel le Sénat devait apporter sa contribution spécifique par l'absence de complaisance à l'égard du Gouvernement, quel qu'il soit. Cette vigilance passait, également, par un accord, sur ce point, entre les différentes commissions permanentes du Sénat.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga s'est interrogée sur la possibilité d'établir, au moins en partie, des questionnaires budgétaires communs aux rapporteurs spéciaux et aux rapporteurs pour avis. Elle a déploré qu'au sein du budget du ministère des affaires étrangères (mission « Action extérieure de l'Etat »), la DGCID (direction générale de la coopération internationale et du développement) ait perdu 10 % de ses crédits d'action culturelle dans le budget 2006, et a exprimé ses craintes d'une éventuelle sous-estimation systématique, par le Gouvernement, des besoins prioritaires de ce secteur, comme ceux qui concernent l'AEFE (Agence pour l'enseignement français à l'étranger), pour pouvoir obtenir une réaffirmation, lors du débat parlementaire, à l'initiative des élus eux-mêmes.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, s'est dit favorable à un rapprochement des travaux des rapporteurs spéciaux et des rapporteurs pour avis, notamment en matière de questionnaires budgétaires. Il a indiqué, par ailleurs, que, dans le cadre des programmes d'action culturelle extérieure, la commission des finances avait demandé, en 2006, une enquête de la Cour des comptes sur l'Association française d'action artistique (AFAA), en application de l'article 58-2° de la LOLF.

M. Jean-Guy Branger a remercié le président Arthuis de ses propositions pour rationaliser la discussion budgétaire, qui auront pour effet de mieux mobiliser les parlementaires, co-responsables de la dépense publique. Il a salué le principe d'un rapprochement des rapporteurs spéciaux et des rapporteurs pour avis, et reconnu que la discussion générale des missions du projet de loi de finances pouvait être légitimement écourtée. Il s'est dit favorable à une amélioration du contrôle parlementaire, mais s'est interrogé sur la possibilité, pour les élus, d'y consacrer le temps requis.

M. Jean Arthuis a déploré, à titre personnel, qu'aucune véritable réflexion collective n'ait été menée sur les missions essentielles du Parlement. Un travail devait être conduit afin d'identifier clairement les objectifs essentiels et de s'organiser en conséquence pour les atteindre. La LOLF permettait de fournir les moyens nécessaires à cet exercice. Il a estimé, par exemple, qu'il serait difficile, financièrement, de réaliser tous les programmes d'équipements recensés dans la loi de programmation militaire et qu'il faudrait bien en prendre acte à un moment ou à un autre.

Mme Hélène Luc a exprimé sa réserve sur la multiplicité des projets de loi soumis au Parlement, et qui répondaient souvent à des motivations de circonstance ou d'opportunité. Elle a cependant estimé que la discussion budgétaire devait continuer à permettre d'évoquer les principes directeurs et les finalités de la politique gouvernementale. S'il y a, en effet, co-responsabilité Gouvernement-Parlement sur le budget, il incombe tout de même au Parlement d'assumer la responsabilité première du budget qu'il vote. Elle a déploré que la LOLF aboutisse à réduire des dépenses consacrées à des actions pourtant essentielles. Elle a enfin émis des réserves sur le fait que, préalablement au débat sur la loi de règlement, les auditions de certains ministres aient lieu en commission élargie, et non en séance publique.

M. Jean Arthuis a reconnu que certaines lois répondaient plus à un objectif de communication qu'à une ambition normative. Il a fait observer qu'un discours synthétique sur un amendement budgétaire ne nuisait pas forcément à l'argumentation, l'important étant d'aller, au plus vite, à l'essentiel. Loin de supprimer ou d'augmenter des dépenses, la LOLF a pour objectif de responsabiliser les gestionnaires et constitue, à cette fin, un instrument pertinent. L'audition de certains ministres en commission élargie, c'est-à-dire ouverte à tous les sénateurs, ainsi qu'à la presse et au public, n'a qu'un objectif d'information, permettant d'ailleurs une meilleure spontanéité dans les échanges qu'en séance publique. Au demeurant, le projet de loi de règlement lui-même, bien évidemment, restera débattu en séance publique.

M. Philippe Nogrix a souhaité obtenir rapidement le calendrier des futures auditions en commission élargie. Il s'est interrogé, par ailleurs, sur les critères pertinents à utiliser pour évaluer l'efficacité de la dépense en matière de politique étrangère ou de défense. Il s'est déclaré très favorable à des contrôles menés en commun entre rapporteurs spéciaux et rapporteurs pour avis, relevant cependant qu'en matière d'équipements militaires, les grands choix d'investissements étaient bien souvent décidés à l'avance et que le Parlement était placé devant le fait accompli.

Le président Jean Arthuis a insisté sur l'importance nouvelle, issue de la LOLF, du débat sur la loi de règlement, importance comparable à celle de la loi de finances initiale. Il a estimé que les indicateurs de performance contenus dans les différentes missions mises en place par la LOLF étaient d'inégale pertinence, et que certains d'entre eux devraient gagner en précision. Il a rappelé que la loi de finances initiale était largement « virtuelle » et que, seul, l'examen de son exécution permettait donc d'en avoir une vision réaliste. Il a considéré que l'autorité du Parlement sortirait renforcée d'un examen plus attentif de l'exécution des lois de finances, ce qui justifiait la volonté de la commission des finances de donner plus de place à l'examen du projet de loi de règlement et d'y associer, que ce soit lors des débats en séance publique ou lors des auditions préalables des ministres, l'ensemble des commissions permanentes concernées.

M. Didier Boulaud a exprimé son accord sur les nouvelles modalités de travail proposées et a souhaité que soit constitués des « binômes » entre rapporteurs pour avis et rapporteurs spéciaux. Il s'est par ailleurs interrogé sur les modalités d'examen de l'exécution du budget 2005, dont la présentation relevait du cadre antérieur à celui, par mission, prévu par la LOLF.

M. Jean Arthuis a rappelé que, pour certains ministères, le budget 2005 contenait des préfigurations de ces missions, même si, pour l'essentiel, pour cette année transitoire, il conviendrait de s'accommoder des deux présentations.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga s'est interrogée sur la nature des documents préparatoires qui permettraient à la commission des affaires étrangères d'effectuer un examen approfondi de la loi de règlement 2005.

M. Jean Arthuis a précisé que cet examen se fonderait, d'une part, sur le projet de loi de règlement lui-même et, d'autre part, sur le rapport de la Cour des comptes qui venait d'être déposé.

M. Serge Vinçon, président, s'est interrogé sur la cohérence financière entre lois de finances annuelles, lois de programmation et contrats d'objectifs et de moyens.

M. Jean Arthuis a reconnu que ces différents textes engageaient l'Etat, sans que les gouvernements aient une claire vision des contraintes financières qu'ils impliquent. Il a donc souhaité que les lois de programmation soient systématiquement accompagnées d'éléments précis permettant une projection annuelle, en lois de finances, des enjeux budgétaires induits pour les exercices concernés.

Mercredi 31 mai 2006

- Présidence de M. Serge Vinçon, président, puis de M. Robert Del Picchia, vice-président -

Résolutions européennes - Instrument de stabilité - Examen du rapport, d'un amendement et adoption de la proposition de résolution

La commission a tout d'abord procédé à l'examen du rapport de  M. Robert Del Picchia, et d'un amendement, sur la proposition de résolution n° 336 (2005-2006), présentée par M. Serge Vinçon au nom de la délégation pour l'Union européenne en application de l'article 73 bis du Règlement, sur la proposition de règlement du Conseil instituant un instrument de stabilité (E 2727).

M. Robert Del Picchia, rapporteur, a tout d'abord souligné qu'avec le développement de l'action extérieure de l'Union européenne, les instruments financiers s'étaient multipliés, tant sur des bases thématiques que géographiques. Ainsi, dans le cadre des négociations sur les perspectives financières 2007-2013, la Commission européenne avait proposé une simplification et une rationalisation de ces différents instruments autour de six thématiques.

Les instruments consacrés à l'aide humanitaire et à l'assistance macrofinancière restent inchangés, tandis que quatre nouveaux instruments sont créés : l'instrument de pré-adhésion, l'instrument de voisinage et de partenariat, l'instrument de coopération au développement et de coopération économique, enfin l'instrument de stabilité.

M. Robert Del Picchia, rapporteur, a rappelé que la proposition de règlement instituant l'instrument de stabilité avait été adoptée le 29 septembre 2004 par la Commission et transmis, par le Gouvernement, au Sénat, le 21 octobre suivant. Il a indiqué que, le 4 mai dernier, la délégation du Sénat pour l'Union européenne avait adopté une proposition de résolution, à l'initiative du président Serge Vinçon, demandant au Gouvernement de veiller à ce que le champ d'application de l'instrument de stabilité reste compatible avec les compétences reconnues aux institutions communautaires par les traités.

Il a précisé que la création de l'instrument de stabilité était, tout d'abord, le fruit d'une prise de conscience récente, au sein de la communauté des bailleurs et plus particulièrement de l'Union européenne, du lien indissociable entre stabilité et développement. Cette création répond également au constat de l'existence d'une « zone grise » de l'aide européenne, dans les pays en « sortie de conflit », où les besoins sont immenses, mais où les conditions ne sont pas encore réunies pour l'intervention des acteurs de développement. Enfin, dans une perspective de plus long terme, l'instrument vise à lutter contre des menaces d'ordre sanitaire ou sécuritaire qui, non seulement pèsent sur le développement, mais peuvent aussi avoir des conséquences transfrontalières.

M. Robert Del Picchia, rapporteur, a souligné l'importance du champ d'application de l'instrument de stabilité, concernant en effet potentiellement tous les Etats tiers et couvrant des domaines aussi divers que la prévention des conflits, le soutien à des opérations de maintien de la paix, la lutte contre la dissémination des armes légères ou encore la promotion des droits de l'homme.

M. Robert Del Picchia, rapporteur, a relevé que le budget proposé par la Commission pour cet instrument était très important, mobilisant en effet 4,5 milliards d'euros pour la période 2007-2013. Il a précisé que le montant qui sera finalement arrêté dépendrait à la fois des derniers ajustements sur les perspectives financières et du périmètre finalement retenu pour l'instrument.

Il a indiqué que l'échéance de mise en oeuvre de ce texte était proche, certains des textes qu'il vise à remplacer n'étant plus applicables au 31 décembre 2006.

Les objectifs de simplification et de rationalisation des instruments de l'aide extérieure de l'Union européenne, a poursuivi M. Robert Del Picchia, rapporteur, ne pouvaient qu'être partagés par la France. De même, chacun convient que les politiques communautaires de développement nécessitent, pour être efficaces, le rétablissement d'un environnement sécurisé et stabilisé.

En l'état actuel des traités, le futur instrument de stabilité soulevait néanmoins certaines difficultés qui tiennent, pour l'essentiel, à son articulation avec le deuxième pilier de l'Union européenne, la politique étrangère et de sécurité commune.

M. Robert Del Picchia, rapporteur, a ainsi rappelé que la politique étrangère et de sécurité commune relevait de « l'intergouvernemental ». Avec la création d'un ministre des affaires étrangères européen, à la fois membre de la Commission et rattaché au Conseil, le traité constitutionnel prévoyait certes de renforcer la cohérence et l'efficacité de la politique extérieure, mais, en l'absence de ce lien, toute « incursion » des politiques communautaires dans le domaine de la PESC pose la question des procédures et, par là même, du contrôle des Etats membres.

Evoquant la proposition de résolution adoptée par la délégation, M. Robert Del Picchia, rapporteur, a noté que l'on observait une nette tendance de la Commission à interpréter, de façon très extensive, les compétences communautaires du premier pilier. Il a relevé que l'interventionnisme de la Commission allait de pair avec l'indécision ou l'absence de consensus au sein du Conseil, mais pouvait aller jusqu'à la contestation des compétences mêmes du Conseil, alors que le budget de la PESC (60,7 millions d'euros) est très modique au regard de l'enveloppe consacrée aux actions extérieures (5,3 milliards d'euros) ou même des relations extérieures (2,9 milliards d'euros).

Pour cette raison, le champ d'application très large de l'instrument de stabilité peut constituer un problème.

M. Robert Del Picchia, rapporteur, a indiqué qu'au cours des négociations, le texte, qui a fait l'objet d'une nouvelle proposition de la présidence autrichienne le 15 mars dernier, avait évolué sur plusieurs points : les dispositions relatives à la lutte contre la prolifération nucléaire ont ainsi été retirées et feront l'objet d'un texte séparé ; de même, la base juridique du projet de règlement a été adaptée : la Commission ne se fonde plus sur l'article 308, relatif à l'amélioration du marché commun, mais sur les articles 179 et 181 relatifs à l'aide au développement. En conséquence, le texte est soumis à une procédure de codécision avec le Parlement européen.

M. Robert Del Picchia, rapporteur, a indiqué que la proposition de résolution visait à demander au Gouvernement de veiller à limiter le champ d'application de l'instrument de stabilité afin de préserver le périmètre de la PESC et le caractère intergouvernemental qui s'y attache en l'état actuel des traités.

Il a considéré que le risque était réel de voir les Etats membres privilégier d'autres cadres d'intervention que le cadre européen pour l'appui à des opérations de maintien de la paix, alors que tel est précisément ce que la France cherche à promouvoir.

En concluant, M. Robert Del Picchia, rapporteur, a proposé d'adopter la proposition de résolution présentée par M. Serge Vinçon au nom de la délégation pour l'Union européenne, sous réserve d'un amendement de précision.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

M. Serge Vinçon, président, a considéré que la rédaction actuelle de la proposition de règlement instituant l'instrument de stabilité ouvrait un risque de confusion entre le premier et le deuxième pilier et risquait d'entamer la capacité des Etats membres à mettre en oeuvre la politique étrangère et de sécurité commune et de nourrir leur réticence à engager des troupes dans un cadre européen.

Mme Maryse Bergé-Lavigne a souhaité savoir si les procédures prévues dans le cadre de l'instrument de stabilité auraient pu permettre que soit traité différemment le dossier de la suspension de l'aide aux territoires palestiniens.

M. Robert Del Picchia, rapporteur, a considéré que la décision n'aurait certainement pas été différente, mais que la proposition de résolution visait à préserver le domaine de compétences des Etats membres et du Conseil et, par là même, des Parlements nationaux. Il a estimé qu'en l'absence d'évolution des traités, il n'était pas souhaitable d'étendre à l'excès le domaine du premier pilier.

La commission a ensuite adopté la proposition de résolution assortie de l'amendement proposé par le rapporteur.

Traités et conventions - Sauvegarde du patrimoine culturel immatériel - Examen du rapport

Puis la commission a examiné le rapport de Mme Joëlle Garriaud-Maylam sur le projet de loi n° 292 (2005-2006), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de la convention internationale pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel.

Mme Garriaud-Maylam, rapporteur, a précisé que la présente convention, adoptée par l'UNESCO en 2003, visait à compléter la notion de patrimoine culturel mondial tel qu'il avait été antérieurement défini par la convention de 1972. Ce dernier texte, en effet, visait essentiellement à protéger des biens culturels bâtis, grâce notamment à leur inscription sur une liste de chefs-d'oeuvre culturels à préserver. Au fil de la pratique, il est apparu que certaines civilisations, s'exprimant par d'autres types de créations que les oeuvres bâties, n'étaient pas représentées dans cette liste. La convention de 2003 vise donc à compléter cette approche en y intégrant le patrimoine culturel immatériel, défini comme « les pratiques, représentations, expressions, connaissances et savoir-faire que des communautés reconnaissent comme faisant partie de leur patrimoine culturel ». C'est à la demande d'Etats du Sud, exprimée pour la première fois par la Bolivie en 1973, que cette notion de patrimoine immatériel, caractérisée par sa vulnérabilité, a été prise en compte par l'UNESCO.

Avant même l'adoption de cette convention, l'UNESCO avait déjà défini successivement en 2001, 2003 et 2005 trois listes de chefs-d'oeuvre immatériels. Le présent texte vise donc à formaliser juridiquement cette évolution, dans un souci de préservation de la diversité culturelle. L'effort de la France a conduit, au cours de la négociation, à une définition précise du patrimoine immatériel, dont les expressions doivent revêtir un caractère de tradition vivante et continue pour les populations qui les pratiquent, pour exclure les dérives folkloriques. Notre pays a également veillé à ce que la convention n'instaure que des contributions volontaires.

La convention est d'ores et déjà entrée en vigueur en avril 2006, trois mois après sa ratification par 30 Etats. Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur, a souligné l'importance que revêtait une rapide ratification par la France, qui lui permettrait de siéger au sein du comité directeur créé par le présent texte, et en a donc recommandé l'adoption.

La commission, suivant les recommandations de Mme Garriaud-Maylam, a alors adopté le projet de loi.

Traités et conventions - Protection juridique des services à accès conditionnel et d'accès conditionnel - Examen du rapport

Enfin la commission a examiné le rapport de M. Joseph Kerguéris sur le projet de loi n° 448 (2004-2005), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de la convention européenne sur la protection juridique des services à accès conditionnel et des services d'accès conditionnel.

M. Joseph Kerguéris, rapporteur, a souligné le développement des fraudes et du piratage qui accompagne la multiplication des offres de programmes de télévision payants, au sein du paysage audiovisuel européen. Du fait de la diffusion transfrontalière de ces programmes, il était nécessaire d'apporter à ce problème une réponse à l'échelle du continent. Aussi bien le Conseil de l'Europe a-t-il établi, en octobre 2000, la présente convention, qui a été signée par la France en janvier 2001. Approuvée par 5 Etats, elle est entrée en vigueur à compter de la troisième ratification.

Le texte a pour objet d'offrir aux éditeurs et aux distributeurs de services de radiodiffusion payants une protection à l'échelle européenne contre toute réception frauduleuse. M. Joseph Kerguéris, rapporteur, a précisé que la France disposait déjà d'un arsenal répressif complet dans ce domaine, mais que la convention apportait une définition normalisée, dans tous les Etats membres du Conseil de l'Europe, des activités illicites en matière d'accès à des programmes de radiodiffusion, de télévision ou de services électroniques. Ce texte prévoit également un arsenal répressif minimal, assorti de mesures de confiscation des dispositifs illicites ainsi que des bénéfices et gains financiers qui en résultent. Il organise la mise en oeuvre d'une coopération européenne facilitant cette répression, appuyée sur des consultations entre les Etats parties tous les deux ans sur les modifications à apporter éventuellement au texte. M. Joseph Kerguéris, rapporteur, a jugé cette stipulation tout à fait opportune, car permettant la prise en compte du caractère très évolutif des mécanismes de fraude, et donc des modalités de leur répression. Il a donc recommandé l'adoption du projet de loi.

M. Robert Del Picchia, président, s'est interrogé sur la zone d'application de cette convention, relevant que certains pays du Proche et du Moyen-Orient pratiquaient ouvertement la diffusion gratuite de programmes à accès payant.

M. Joseph Kerguéris, rapporteur, a précisé que la convention s'appliquait dans la zone couverte par les Etats signataires membres du Conseil de l'Europe.

Puis, suivant les recommandations du rapporteur, la commission a adopté le projet de loi.