Mercredi 13 décembre 2006

- Présidence de M. Serge Vinçon, président -

Armes à sous-munitions - Examen du rapport d'information

La commission a procédé à l'examen du rapport d'information de M. Jean-Pierre Plancade et de Mme Joëlle Garriaud-Maylam sur les armes à sous-munitions.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur, a tout d'abord rappelé les raisons qui avaient conduit la commission, au mois de mars dernier, à décider la réalisation d'un rapport d'information sur les armes à sous-munitions, notamment la nécessité de clarifier les différents aspects d'un sujet d'actualité, mais encore peu connu et parfois mal compris, et de faire un point précis sur la situation de la France à l'égard de ces systèmes d'armes, en termes de détention et d'utilisation par les forces armées, de production par les industriels et d'action au plan international.

Elle a précisé que la préparation du rapport avait donné lieu à des entretiens avec plus d'une quarantaine de personnes : représentants des ministères des affaires étrangères et de la défense, organisations non gouvernementales françaises et étrangères, industriels français concernés et, à Genève, le Comité international de la Croix-Rouge, des organismes des Nations unies spécialisés dans le désarmement et les diplomates attachés à la Conférence du désarmement.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur, a ensuite précisé la notion d'armes à sous-munitions, appellation générique désignant tout système d'armes constitué d'un contenant, ou « munition-mère », pouvant être un missile, une bombe d'aviation, un obus ou une roquette, et destiné à disperser plusieurs munitions explosives, ou « sous-munitions », conçues pour fonctionner à l'impact.

Elle a précisé qu'une confusion était souvent faite, à tort, entre les armes à sous-munitions, qui dispersent plusieurs projectiles explosifs, et les armes à fragmentation, qui possèdent une charge unitaire produisant, lorsqu'elle explose, des éclats métalliques. Elle a également souligné que les sous-munitions sont conçues pour fonctionner à l'impact, l'explosion différée constituant un dysfonctionnement.

Elle a indiqué que l'on observait une évolution entre les premières générations d'armes à sous-munitions, conçues durant la guerre froide dans le but de stopper les grandes concentrations de blindés, et l'apparition récente d'armes de précision, caractérisées par un nombre plus réduit de sous-munitions et des systèmes sophistiqués de guidage et de neutralisation au cas où la cible n'est pas atteinte. Elle a toutefois souligné que des armes à sous-munitions de conception ancienne continuaient à être utilisées dans les conflits récents, et le plus souvent dans des configurations très différentes de celles envisagées lors de leur mise au point.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur, a rappelé que les armes à sous-munitions étaient critiquées pour leur principe de fonctionnement fondé sur la dispersion qui, s'il augmente les chances d'atteindre la cible, augmente aussi le risque de dommages collatéraux. Surtout, le risque est élevé de laisser sur le terrain, après les combats, un nombre important de sous-munitions non explosées. Elle a exposé les différents facteurs techniques à l'origine de la fréquence élevée de mauvais fonctionnement, constatée sur les sous-munitions, et les risques en résultant pour les populations civiles, notamment les enfants.

Elle a précisé que l'on comptait 23 pays affectés, à des degrés divers, par les sous-munitions non explosées. Les quantités les plus importantes ont été constatées dans les pays du sud-est asiatique, à la suite de la guerre du Vietnam, en Irak après les deux conflits de 1991 et 2003, ou encore au Liban, à diverses occasions depuis 1975 et, en dernier lieu, l'été dernier. Elle a souligné la difficulté d'établir un bilan chiffré des victimes, citant les conclusions d'une récente étude de Handicap international, qui répertorie 11 000 victimes confirmées de sous-munitions non-explosées depuis 1973, dont environ 40 % d'accidents mortels et 40 % d'accidents impliquant des moins de 18 ans. Elle a donné des indications sur les données recueillies au Liban où, depuis cet été, 22 tués et 134 blessés par explosion de sous-munitions défectueuses ont été recensés.

Abordant la situation de la défense française vis-à-vis des armes à sous-munitions, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur, a précisé qu'un seul cas d'utilisation par la France avait été signalé, à savoir, lors de la première guerre du Golfe, le tir de bombes d'aviation « Belouga » lors de deux missions opérationnelles. Depuis lors, la France n'a plus utilisé ce type d'armes, ni dans les opérations du Kosovo en 1999, ni dans les opérations d'Afghanistan, de 2001 jusqu'à aujourd'hui, ni dans les autres opérations où elle est engagée. Ce modèle de bombe a été depuis lors retiré du service et les stocks ont été détruits entre 1996 et 2002, l'armée de l'air ne disposant plus de bombes d'aviation à sous-munitions.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur, a indiqué que le seul système à sous-munitions en service dans l'aviation était le missile de croisière anti-piste Apache, qui emporte 10 sous-munitions Kriss destinées à la destruction des pistes d'aérodromes. L'Apache est destiné à être tiré en nombre très limité pour chaque mission et les sous-munitions possèdent un dispositif d'autoneutralisation. Il a été produit à 100 exemplaires pour la France et n'a pas été exporté. La chaîne de production a été arrêtée.

Parmi les systèmes d'artillerie à sous-munitions, le plus ancien est le lance-roquettes multiple (LRM), co-développé par les Etats-Unis et quatre pays européens, actuellement en service dans une douzaine d'armées occidentales ou alliées. Doté de 12 tubes lance-roquettes, le LRM utilise des roquettes à sous-munitions M-26 développées par l'industriel américain Lockheed Martin, qui contiennent elles-mêmes 644 sous-munitions ne disposant d'aucun dispositif d'autodestruction ou d'autoneutralisation. Les tests de l'armée américaine constatent des taux d'échec allant jusqu'à 23 % dans certaines conditions, les taux pouvant être encore supérieurs en conditions réelles d'utilisation. La France n'a jamais déployé, ni a fortiori utilisé, ses LRM. Le caractère dépassé de la roquette M-26 par rapport aux besoins actuels et son manque de fiabilité ont conduit à envisager son remplacement par une roquette à charge unitaire.

La France dispose également de deux modèles d'obus de 155 mm incorporant des sous-munitions. Le premier est l'obus à grenades OGR, qui comporte 63 sous-munitions dotées d'un dispositif d'autodestruction garantissant un taux d'échec de l'ordre de 1 %. Il n'a jamais été utilisé, ni exporté. Il répond par ailleurs à des hypothèses d'emploi précises : destruction d'objectifs militaires dans le cadre d'un combat symétrique de haute intensité, selon le principe de proportionnalité. Plus récent, l'obus antichar à effet dirigé Bonus, co-produit avec la Suède, est conçu pour l'attaque des blindés par le toit. Il contient 2 sous-munitions disposant d'un système de détection infrarouge, ainsi que d'un mécanisme d'autodestruction et d'un dispositif de neutralisation. Cet obus a été commandé à 3 750 exemplaires, n'a pas été utilisé, ni exporté.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur, a ajouté qu'aucun système à sous-munitions n'était en développement ou en projet dans l'industrie française et qu'aucune exportation, depuis plusieurs années, n'était relevée.

Elle a mentionné les efforts effectués par la France pour améliorer la fiabilité des munitions pour éviter les restes explosifs de guerre, ainsi que le respect par l'armée française de règles d'engagement qui prennent en compte les principes et exigences du droit humanitaire, notamment la discrimination entre civils et militaires.

M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur, a ensuite évoqué la prise en compte de la problématique des armes à sous-munitions par la communauté internationale.

Il a indiqué que certains Etats avaient pris, au cas par cas et en fonction de considérations militaires, des décisions de retrait du service ou de modernisation de certains systèmes d'armes à sous-munitions. Il a mentionné le cas particulier de la Belgique, seul pays à avoir adopté une législation générale sur le sujet. Une première loi, adoptée en février dernier, y pose le principe de l'interdiction de la fabrication, du commerce, de la détention et de l'utilisation des sous-munitions, puis une seconde loi, adoptée début mai, pour restreindre le champ de l'interdiction, tend, semble-t-il, à préserver la possibilité pour l'entreprise belge Forges de Zeebrugge, de développer une roquette à sous-munitions destinée à équiper l'hélicoptère Tigre de l'armée allemande.

M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur, a indiqué qu'à l'heure actuelle, aucun texte international n'interdisait ou ne réglementait l'usage des armes à sous-munitions, leur emploi étant soumis aux mêmes règles de droit international que celui des autres types d'armes, à savoir les principes posés par le protocole I du 8 juin 1977 sur la protection des victimes civiles dans les conflits armés internationaux.

Il a estimé qu'un pas important venait d'être franchi avec l'entrée en vigueur du protocole V relatif aux restes explosifs de guerre, adopté dans le cadre de la convention de 1980 sur certaines armes classiques. Ce texte, ratifié par 27 Etats dont la France, instaure une responsabilité de l'utilisateur pour l'enlèvement et la destruction des munitions non explosées laissées sur le terrain. Il impose l'obligation d'enregistrer et de conserver les données sur les munitions tirées, puis de les communiquer pour accélérer le marquage des zones polluées et le déminage. Enfin, il prévoit un volet relatif aux mesures techniques préventives, destinées à minimiser les risques de restes explosifs de guerre, la France s'étant particulièrement impliquée dans une démarche visant à améliorer la fiabilité de l'ensemble des munitions tout au long de leur vie, et notamment des sous-munitions.

M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur, a indiqué qu'au sein de la communauté internationale, et notamment de la centaine d'Etats parties à la convention sur certaines armes classiques, le débat était désormais ouvert sur la nécessité d'aller plus loin sur les armes à sous-munitions. Lors de la conférence d'examen de la convention sur les armes classiques, en novembre dernier, un clivage est apparu entre, d'une part, un groupe de 25 Etats souhaitant engager une négociation sur un futur instrument international visant à interdire l'usage d'armes à sous-munitions dans les zones où il y a des concentrations de civils et à interdire celles des armes à sous-munitions qui présentent les plus graves dangers en raison de leur manque de fiabilité ou de précision et, d'autre part, une majorité d'Etats membres refusant l'idée de tout nouvel instrument international, notamment les Etats-Unis, la Russie, la Chine, l'Inde, le Pakistan et Israël. La conférence a adopté un mandat en vue de la poursuite des discussions sur l'emploi des armes à sous-munitions au regard du respect du droit humanitaire international et sur les facteurs affectant leur fiabilité.

M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur, a précisé que le Comité international de la Croix-Rouge avait lancé l'idée d'une réunion internationale qui viserait à identifier les éléments d'un futur instrument international de réglementation des armes à sous-munitions. Celui-ci pourrait porter sur leur emploi dans les zones habitées et sur l'élimination des modèles non précis et non fiables. La Norvège entend, pour sa part, organiser à la fin du premier trimestre 2007 une conférence internationale qui aurait clairement pour objet la négociation d'un instrument international d'interdiction des armes à sous-munitions engendrant des conséquences humanitaires inacceptables.

M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur, a estimé que, sur le plan international, deux voies étaient désormais ouvertes : d'un côté, la poursuite des travaux dans le cadre de la convention sur certaines armes classiques, qui fonctionne selon la règle du consensus et où sont représentées les puissances militaires significatives non européennes ; de l'autre, la négociation, sous l'impulsion de la Norvège, d'un instrument entre pays qui partagent le même objectif, mais qui ne pourrait rallier, dans un premier temps, qu'un nombre limité d'Etats.

M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur, a estimé que la négociation d'un futur texte exigerait un accord préalable sur une définition commune des armes à sous-munitions et soulèverait plusieurs questions. Les normes internationales devraient-elles viser toutes les armes à sous-munitions ou certaines d'entre elles seulement ? Dans cette dernière hypothèse, faudrait-il considérer les armes à sous-munitions selon leur vocation (fonction anti-blindés, anti-matériel, anti-piste) ou plutôt selon leurs caractéristiques techniques (précision, taux de fiabilité, nombre de sous-munitions) ? Enfin, pour les armes entrant dans le champ d'un futur accord, faudrait-il viser leur emploi en général ou uniquement dans certaines circonstances particulières, notamment lors des combats en zone urbaine ?

M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur, a souligné la complexité du sujet, les armes à sous-munitions ne constituant pas une catégorie homogène, mais une large gamme de systèmes d'armes n'ayant en commun que leur principe de fonctionnement. Par ailleurs, il a observé que beaucoup d'Etats se déterminaient en fonction des systèmes dont ils disposent ou qu'ils entendent conserver.

M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur, a ensuite indiqué qu'au terme de leur travail de synthèse et d'analyse, les rapporteurs étaient parvenus aux principales conclusions suivantes :

- les conditions dans lesquelles des armes à sous-munitions ont pu être massivement utilisées par certaines armées ont engendré, dans les zones de conflit concernées, des dommages humanitaires disproportionnés ; au sein des populations civiles, des sous-munitions non explosées continuent de provoquer des accidents graves et souvent mortels des années après la cessation des hostilités, les enfants constituant une forte proportion des victimes ;

- nombre d'armes à sous-munitions, actuellement en service, présentent un degré de risque humanitaire plus élevé que d'autres types d'armes en raison de leurs caractéristiques propres (effet de dispersion, taux de non-fonctionnement importants sur nombre de modèles, dangerosité des sous-munitions non explosées), ce risque étant lui-même fonction de nombreux facteurs (condition d'emploi et précision de l'arme, nombre de sous-munitions, présence ou absence de mécanismes d'autodestruction ou d'autoneutralisation, vieillissement de l'arme) ;

- la France fait preuve d'une extrême retenue vis-à-vis des armes à sous-munitions et ne peut être mise en cause dans les dommages humanitaires qu'elles ont provoqués ; en effet, un seul cas d'utilisation par l'armée française a été répertorié, en 1991, avec une bombe à sous-munitions qui n'est plus en service aujourd'hui et dont les stocks ont été détruits ; la situation de la France à l'égard des armes à sous-munitions se caractérise par un nombre très réduit de systèmes actuellement en service dans l'armée française, dont aucun n'a d'ailleurs été exporté par notre pays, des stocks limités et une doctrine d'emploi très restrictive ; aucun système d'armes à sous-munitions n'est actuellement en développement ou en projet en France ;

- pour autant, la France doit continuer à toujours mieux concilier impératifs militaires et impératifs humanitaires, notamment dans le domaine des armes à sous-munitions.

M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur, a ensuite présenté les différentes recommandations soumises par les rapporteurs à l'appréciation de la commission.

Il a indiqué que la première série de préconisations proposées visait, au plan national, à se conformer à des objectifs élevés de précision et de fiabilité des armes à sous-munitions et à conserver une doctrine d'emploi restrictive, de nature à minimiser les risques pour les populations civiles. Considérant qu'en raison de leurs caractéristiques, le missile de croisière anti-piste Apache et l'obus antichar Bonus échappent à la problématique des risques humanitaires, il a précisé que ces préconisations portaient tout d'abord sur l'obus à grenades OGR. Ce dernier est destiné à des usages essentiellement défensifs ou préemptifs, et ses emplois devraient clairement rappeler que son usage est réservé à la destruction d'objectifs exclusivement militaires, dans le cadre d'un combat symétrique de haute intensité et dans le respect du principe de proportionnalité. M. Jean-Pierre Plancade a estimé que pour parer aux risques liés aux sous-munitions non explosées, une mention figurant sur la sous-munition et indiquant clairement le danger encouru serait également nécessaire. D'autre part, s'agissant de la roquette de conception américaine M-26, qui équipe actuellement les lance-roquettes multiples (LRM), il a considéré qu'elle n'était plus adaptée aux engagements actuels, du fait de son imprécision manifeste, du nombre excessif de sous-munitions et de taux d'échec impressionnants. Aussi a-t-il souhaité qu'en l'attente de l'entrée en service d'une nouvelle roquette à charge unitaire, la France prenne l'engagement immédiat de ne pas utiliser les roquettes M-26 et fixe un calendrier précis de leur destruction. Enfin, M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur, a mentionné des préconisations plus générales, visant à renforcer la fiabilité et la précision des munitions, à maintenir l'actuelle pratique restrictive en matière d'exportation d'armes à sous-munitions et à continuer à prendre en compte les exigences du droit international humanitaire, notamment dans les règles d'engagement en opérations.

M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur, a ensuite précisé qu'une seconde série de préconisations souhaitées par les rapporteurs portait sur l'action internationale. Il s'agit tout d'abord d'agir pour l'universalisation et la mise en oeuvre du protocole V sur les restes explosifs de guerre et de poursuivre le travail, accompli par la France, en faveur de la définition et de la promotion des mesures techniques préventives, visant à renforcer la fiabilité des armes à sous-munitions. Il paraît également nécessaire d'appeler les Etats parties au protocole I de 1977 sur la protection des victimes civiles des conflits armés, à en respecter pleinement les stipulations en se dotant de règles d'engagement adaptées et d'inciter les Etats qui ne l'ont pas encore ratifié à rejoindre ce protocole. Enfin, compte tenu de la grande imprécision et des taux d'échec importants constatés sur nombre d'armes à sous-munitions utilisées dans les conflits récents, il paraît légitime de définir, au plan international, des critères permettant d'écarter les armes dont les caractéristiques techniques les rendent, de facto, peu compatibles avec le respect des exigences humanitaires.

M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur, a ajouté qu'à ce titre, les rapporteurs souhaitaient que la France puisse faire valoir les mesures qu'elle a prises à titre national, qu'elle reste attentive et réactive à toutes les initiatives internationales, d'où qu'elles viennent, et qu'elle s'implique activement dans les réflexions à venir sur l'évolution du droit international, par exemple en contribuant à identifier des éléments constitutifs d'une future régulation internationale des armes à sous-munitions. Il a indiqué qu'une telle démarche supposait de s'accorder sur une définition commune des armes à sous-munitions et de favoriser l'implication des principaux pays producteurs ou utilisateurs d'armes à sous-munitions qui participent à la convention sur certaines armes classiques dans un instrument à vocation universelle.

A l'issue de la présentation des recommandations des rapporteurs, M. Serge Vinçon, président, s'est félicité de l'important travail de clarification et d'analyse accompli dans le cadre de ce rapport d'information sur les armes à sous-munitions. Il a souligné qu'une commission pour la première fois au sein du Parlement menait un travail approfondi sur ce sujet sensible et d'actualité. Il a estimé que les conclusions proposées par les rapporteurs étaient à la fois équilibrées et responsables. Il a observé que la situation de la France à l'égard des armes à sous-munitions pouvait être considérée comme exemplaire, puisque tout en assumant des responsabilités internationales qui l'amènent à intervenir sur de nombreux théâtres d'opérations, et parfois dans des conditions difficiles, elle avait su faire preuve en la matière d'une grande retenue en ne se dotant que d'un nombre très limité de systèmes d'armes à sous-munitions, en s'imposant des règles d'engagement très strictes, comme en témoigne l'unique cas d'utilisation en 1991, et en s'abstenant, depuis plusieurs années, de toute exportation.

M. Robert Del Picchia a lui aussi souligné qu'en matière d'armes à sous-munitions, la France faisait plutôt figure de « bon élève » et qu'il y avait lieu de le mettre en exergue dans le rapport. S'agissant des discussions sur une future réglementation internationale des armes à sous-munitions, il a estimé que les différentes voies méritaient d'être explorées, tout en gardant à l'esprit que l'intérêt d'un éventuel nouveau traité dépendrait de sa capacité à réunir un nombre significatif de pays, notamment parmi les détenteurs et utilisateurs d'armes à sous-munitions. Il a également souhaité savoir comment des estimations précises avaient pu être effectuées sur l'utilisation des armes à sous-munitions lors des différents conflits, et notamment en dernier lieu au Liban.

M. Philippe Nogrix a considéré que malheureusement, aucune guerre ne pouvait être qualifiée d'humanitaire. Il a également jugé légitime que chaque Etat puisse se doter des moyens d'assurer sa défense. Il a estimé que s'il était envisageable de s'accorder, au plan international, sur l'élimination de certains types d'armes à sous-munitions, notamment celles qui ne sont pas pourvues de mécanismes d'autodestruction ou d'autodésactivation, on ne pouvait en revanche remettre en cause l'intérêt des armes à sous-munitions pour des usages spécifiques, tels que la destruction des pistes d'aviation ou la défense d'unités face à une attaque massive et imprévue. Il a par ailleurs effectué une distinction entre les différents types d'utilisation des armes à sous-munitions, les frappes aériennes permettant notamment un degré de précision supérieur à celui de l'artillerie. Enfin, il a demandé des détails sur l'utilisation d'armes à sous-munitions au Sud-Liban, les autorités israéliennes ayant indiqué que leur artillerie avait agi en contradiction avec les directives reçues.

M. Roger Romani a estimé que l'attitude responsable de la France à l'égard des armes à sous-munitions méritait d'être saluée, puisque nos armées n'ont pratiquement jamais utilisé ce type d'armements dans les conflits où elles ont été engagées. Aussi lui a-t-il paru nécessaire de parvenir à convaincre les autres Etats d'adopter des pratiques analogues, ce qui favoriserait le cas échéant l'adoption d'une réglementation internationale de l'usage de ces armes. En revanche, il a considéré qu'il n'y avait pas lieu pour la France de décider de se priver de certaines armes ou de s'en restreindre les possibilités d'utilisation. Il a jugé que toute injonction en ce sens adressée aux autorités gouvernementales et aux armées était inopportune, dans la mesure où elle laisserait penser, de manière injustifiée, que la France pourrait contrevenir aux exigences humanitaires, alors que la pratique constante de nos forces armées prouve que ces exigences ont toujours été prises en compte et respectées.

Mme Hélène Luc a tout d'abord regretté que la préparation du rapport d'information n'ait été confiée qu'à deux sénateurs issus des deux principaux groupes politiques du Sénat. Elle a estimé que l'intérêt et l'importance du sujet auraient mérité une association beaucoup plus large de tous les groupes politiques. Elle a également rappelé qu'en sa qualité de représentante du Sénat à la Commission nationale pour l'élimination des mines antipersonnel, elle s'était impliquée de longue date sur la question des armes à sous-munitions. Elle a pris acte du travail effectué par les rapporteurs et estimé qu'un tel rapport d'information répondait à une évidente nécessité. Tout en reconnaissant que la France n'avait pratiquement jamais utilisé d'armes à sous-munitions, elle a jugé nécessaire que notre pays s'implique beaucoup plus activement en faveur de l'interdiction d'armes qui ont été employées en dehors de leur vocation originelle et ont causé des dégâts humanitaires considérables au Vietnam, en Afghanistan, en Irak ou au Liban. Evoquant la législation adoptée par la Belgique, elle a convenu qu'un pays, sauf à se placer dans une position d'infériorité, pouvait difficilement agir indépendamment des autres et sans tenir compte du cadre international. Aussi bien, après avoir regretté l'absence de résultats significatifs lors de la conférence d'examen de la convention sur certaines armes classiques à Genève en novembre dernier, a-t-elle insisté sur l'objectif de parvenir à une interdiction mondiale des armes à sous-munitions, en soulignant qu'un tel processus serait sans doute long et difficile mais paraissait néanmoins réaliste, comme l'avait prouvé il y a quelques années la démarche ayant conduit à l'interdiction des mines antipersonnel. Considérant que, de ce point de vue, les conclusions du rapport n'étaient pas suffisamment à la mesure du problème posé, elle a indiqué que le groupe communiste républicain et citoyen s'abstiendrait. Par ailleurs, elle a souhaité l'inscription à l'ordre du jour du Sénat de sa proposition de loi tendant à élargir aux armes à sous-munitions le champ d'application du dispositif de contrôle et d'interdiction des mines antipersonnel.

M. Serge Vinçon, président, a rappelé que le choix des rapporteurs avait été effectué selon les règles habituellement pratiquées par la commission pour tous les rapports d'information. Il a rappelé que les rapporteurs ne s'exprimaient pas au nom d'un groupe en particulier et qu'ils soumettaient leurs conclusions à l'ensemble de la commission, chacun de ses membres pouvant marquer ses points d'accord ou de désaccord.

M. André Dulait a ajouté qu'un membre du groupe communiste, républicain et citoyen avait participé à l'élaboration du récent rapport sur la gestion des crises en Afrique.

Mme Catherine Tasca s'est félicitée de ce que la commission se soit saisie d'un sujet sensible touchant à la politique de défense et au droit humanitaire. Elle a estimé que le fait pour le Parlement, et en l'occurrence pour le Sénat, d'aborder ce type de question constituait un progrès. Elle a souhaité que les objections soulevées par Mme Hélène Luc puissent être examinées dans le cadre plus général des méthodes de travail de la commission. Elle a indiqué que les membres du groupe socialiste adopteraient les conclusions présentées par les rapporteurs, jugeant, sur un sujet aussi difficile et complexe, qu'elles étaient raisonnables, puisqu'elles ne mettaient pas en cause la politique de défense de la France, qui peut être qualifiée d'exemplaire en matière d'armes à sous-munitions, tout en cherchant à faire progresser une cause juste. Elle a estimé que ce rapport d'information sur les armes à sous-munitions devait être replacé dans la problématique plus générale de l'évolution des conflits au 21è siècle. Elle a constaté que par le passé, les guerres impliquaient essentiellement les militaires alors qu'aujourd'hui, les populations civiles se retrouvent de plus en plus systématiquement en première ligne. Aussi a-t-elle estimé que la protection des populations civiles dans les conflits armés devenait un objectif prioritaire, au même titre que l'amélioration des capacités de défense.

M. Robert Bret a souhaité un rôle plus actif du Parlement sur les questions de défense et a estimé que le rapport d'information allait en ce sens. Il a considéré que le travail effectué par les rapporteurs permettait de faire le point sur la question des armes à sous-munitions et montrait que la France avait un comportement responsable en la matière. Il lui a toutefois paru que la France ne pouvait se limiter à faire valoir sa situation exemplaire et qu'elle avait une responsabilité particulière pour agir, au plan international, en faveur de l'interdiction d'armes qui ont été détournées de leur vocation première et ont surtout frappé les populations civiles. Il a ajouté que l'abstention des membres du groupe communiste républicain et citoyen sur les conclusions du rapport d'information traduisait son souhait d'aller plus loin que ne le proposent les rapporteurs.

M. André Dulait a salué la qualité du travail des rapporteurs et la démarche entreprise par la commission pour mieux appréhender la question des armes à sous-munitions et de leurs conséquences humanitaires. Il a indiqué que les membres du groupe de l'Union pour un mouvement populaire, comme ceux du groupe Union centriste - UDF, souscrivaient à l'orientation générale des recommandations formulées par les rapporteurs, notamment la nécessité pour la France de se conformer à des objectifs élevés de précision et de fiabilité des armes à sous-munitions et de conserver une doctrine d'emploi restrictive de nature à minimiser les risques pour les populations civiles. Il s'est en revanche demandé si, dans ces conditions, il était nécessaire de formuler des prescriptions aussi précises que le souhaitaient les rapporteurs au sujet des roquettes M-26 du lance-roquettes multiple et de l'emploi de l'obus à grenades OGR.

M. Philippe Nogrix a précisé que les membres du groupe Union centriste - UDF s'associaient aux observations formulées par M. André Dulait. Il a également estimé que la question de la non-utilisation ou du retrait des roquettes M-26 du lance-roquettes multiple concernait au premier chef les pays qui, à la différence de la France, ont utilisé cet armement dans les conflits récents.

M. Roger Romani a rappelé que la défense et les conditions de mise en oeuvre de la force armée relevaient de la responsabilité de l'exécutif, le travail d'analyse du Parlement ne pouvant aller jusqu'à fixer des règles pour l'utilisation de tel ou tel armement.

M. Gérard Roujas a considéré que la réalisation d'un rapport d'information sur un tel sujet était à l'honneur du Parlement. Il a demandé des précisions sur les pays producteurs d'armes à sous-munitions.

A la suite de ces différentes interventions, M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur, a rappelé le travail très approfondi qui avait précédé la présentation du rapport d'information, notamment l'audition de tous les acteurs concernés. Il a précisé qu'au cours de leurs travaux, et en fonction des différents points du vue qui ont enrichi leurs réflexions, les rapporteurs avaient évolué dans leur perception d'une question complexe. Il a souligné que les conclusions proposées étaient nécessairement le fruit d'un compromis entre la prise en compte de problèmes humanitaires incontestables et les nécessités de défense, qui ne devaient en rien être négligées, mais aussi entre la satisfaction que pouvait légitimement inspirer le comportement responsable de l'armée française en la matière et le souhait de progresser sur la voie d'une meilleure protection internationale des populations civiles. S'agissant des roquettes à sous-munitions du lance-roquettes multiple, M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur, a précisé que leur remplacement à terme était envisagé et que la recommandation des rapporteurs visait à officialiser et accélérer cette évolution. En ce qui concerne l'obus à grenades, il a indiqué qu'il paraissait utile de préciser les règles d'emploi, qui correspondent actuellement à la pratique de l'armée française. Enfin, il a considéré que le Parlement pouvait légitimement s'intéresser aux types d'armement en service dans les armées et aux conditions de leur emploi.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur, a précisé que les chiffres cités dans le rapport d'information au sujet des quantités d'armes à sous-munitions utilisées dans les conflits récents constituaient des estimations ou des évaluations, et non des données vérifiées. Dans la plupart des cas, en effet, les belligérants n'indiquent pas le nombre de munitions tirées. Elle a ajouté qu'il en était ainsi pour le récent conflit du Liban, à l'issue duquel l'armée israélienne n'a pas confirmé les quantités de munitions tirées, les seuls chiffres disponibles résultant des estimations effectuées sur le terrain par les organismes des Nations unies en charge du déminage, qui n'ont d'ailleurs pas encore quantifié l'étendue exacte de la pollution par des sous-munitions non explosées. Elle a confirmé que les autorités israéliennes avaient déclaré que des armes à sous-munitions avaient été utilisées par l'artillerie, en contravention avec les directives reçues, et qu'une commission d'enquête avait été instituée à ce sujet. S'agissant des pays producteurs d'armes à sous-munitions, elle a précisé qu'ils étaient au nombre d'une trentaine, une majorité écrasante des armes à sous-munitions utilisées dans les conflits contemporains étant toutefois d'origine américaine. Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur, a ensuite souligné que le rôle de la France dans le combat contre les mines antipersonnel était reconnu et salué sur le plan international et indiqué qu'à titre personnel, elle aurait souhaité que notre pays prenne la tête de nouvelles initiatives sur les armes à sous-munitions. Elle a cependant ajouté que les conclusions proposées par les rapporteurs cherchaient à prendre en compte et concilier les différents aspects, militaires et diplomatiques, de la question des armes à sous-munitions. Elle a insisté sur le caractère concret de certaines des préconisations, notamment l'accélération du remplacement de la roquette à sous-munitions du lance-roquettes multiple par une nouvelle roquette à charge unitaire. Enfin, elle a souligné que les armées sont parfois les premières victimes des sous-munitions non explosées laissées sur le terrain, notamment lors des opérations de déminage.

A la suite d'un débat auquel ont participé MM. André Dulait, Philippe Nogrix et Roger Romani, M. Jean-Pierre Plancade et Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteurs, ont récapitulé les différentes préconisations proposées, et notamment, s'agissant des mesures à prendre au plan national, l'accélération du remplacement des roquettes à sous-munitions du lance-roquettes multiple par de nouvelles roquettes à charge unitaire et le maintien de règles d'emploi strictes et claires pour l'utilisation de l'obus d'artillerie à grenades OGR.

Mme Hélène Luc a de nouveau indiqué que les membres de son groupe s'abstiendraient sur les conclusions du rapport et a demandé qu'ils puissent annexer leurs observations dans le document écrit.

La commission a adopté les conclusions et préconisations des rapporteurs à l'unanimité des suffrages exprimés, les membres du groupe communiste républicain et citoyen s'abstenant.

A l'issue de ce débat, la commission a donné acte aux rapporteurs de leur communication et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information.

Mercredi 20 décembre 2006

- Présidence de M. Serge Vinçon, président.

Nucléaire - Commission d'enquête sur les conséquences sanitaires et environnementales des essais nucléaires en Polynésie - Suivi sanitaire des essais nucléaires français - Examen du rapport

Lors d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. André Dulait sur la proposition de résolution n° 247 (2005-2006) de Mme Dominique Voynet et des membres du groupe socialiste tendant à la création d'une commission d'enquête sur les conséquences sanitaires et environnementales des essais nucléaires, menés en Polynésie entre 1966 et 1996, sur la santé des populations exposées et sur l'environnement et sur la proposition de loi n° 488 (2004-2005) de Mme Hélène Luc et des membres du groupe communiste républicain et citoyen relative au suivi sanitaire des essais nucléaires français.

M. André Dulait, rapporteur, a tout d'abord rappelé qu'il n'appartenait pas à la commission d'évaluer les effets des essais nucléaires français sur la santé et l'environnement, mais qu'elle devait statuer sur la nécessité et l'opportunité de créer une commission d'enquête. Il a indiqué avoir rencontré de nombreux acteurs concernés par le dossier et a rappelé que la commission avait procédé le 9 novembre dernier à l'audition du délégué à la sûreté nucléaire de défense, M. Marcel Jurien de la Gravière, chargé par le gouvernement de concourir à l'établissement des faits et de leur impact sur l'environnement et la santé publique en Polynésie française.

Il a également mentionné en préalable les principales données relatives aux 41 essais atmosphériques réalisés par la France en Polynésie de 1966 à 1974 et aux 137 essais souterrains réalisés dans le sous-sol profond des atolls de 1974 à 1996, ajoutant que la question des conséquences sanitaires éventuelles concernait deux catégories de personnes : d'une part, les personnels relevant de statuts divers qui ont participé aux essais, au nombre de 130 000 pour le Centre d'expérimentation du Pacifique, mais dont tous n'ont pas été affectés à des postes comportant un risque d'exposition aux rayonnements, et, d'autre part, les populations locales. Il a rappelé à ce propos que le site de Mururoa avait été choisi en raison de son isolement, du très faible peuplement à proximité et du régime de vents dominants qui minimisait les risques de retombées sur des zones habitées. On comptait ainsi environ 2 000 habitants dans un rayon de 500 km et moins de 5 000 habitants dans un rayon de 1 000 km. Tahiti, principal centre de population de la Polynésie, est situé à 1 200 km à l'ouest des sites d'essais.

M. André Dulait, rapporteur, a ensuite indiqué que la proposition de résolution tendant à créer une commission d'enquête invoquait, de manière générale, la nécessité de pratiquer la transparence sur le déroulement des essais nucléaires français. Il a convenu que durant toute la période de la guerre froide, le secret absolu était de règle, non seulement en France, mais dans tous les pays ayant procédé à des essais nucléaires, la transparence et la communication étant exclues dans le contexte stratégique de l'époque. Il a néanmoins considéré que depuis lors, la situation avait radicalement changé, la France ayant au contraire diffusé un grand nombre d'informations et mis en oeuvre une politique de transparence sans équivalent dans aucune autre puissance nucléaire.

M. André Dulait, rapporteur, s'est étonné de certains arguments évoqués dans l'exposé des motifs de la proposition de résolution. Il a notamment indiqué que les anciens personnels ayant participé aux essais pouvaient bien accéder aux données médicales et radiologiques les concernant, les organismes détenteurs des dossiers traitant en moyenne 300 à 400 demandes de communication chaque année, ainsi que l'avait confirmé devant la commission M. Jurien de la Gravière. De même, il a souligné que si le rapporteur de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, M. Christian Bataille, député, avait pu juger insuffisantes les informations disponibles en 1997, il avait en revanche établi en 2002 avec M. Henri Revol, sénateur, un nouveau rapport effectuant un point complet sur les incidences environnementales et sanitaires des essais nucléaires, ce rapport concluant d'ailleurs au caractère très limité de ces effets et à l'impossibilité d'en établir des incidences sanitaires significatives. Il a estimé que ce rapport de l'Office parlementaire, tout comme le rapport sur la situation radiologique de Mururoa et Fangataufa établi par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) en 1998, qui avait conclu à l'absence d'effets avérés ou potentiels rendant inutile la poursuite de la surveillance radiologique des sites, avaient constitué deux étapes très importantes dans le domaine de l'information du public sur les conséquences des essais nucléaires.

M. André Dulait, rapporteur, a souligné que la politique de transparence ne s'était pas limitée à ces deux documents majeurs.

Il a cité en premier lieu la création au mois de janvier 2004 du Comité de liaison interministériel de suivi sanitaire des essais nucléaires français, placé sous la responsabilité des ministères de la défense et de la santé. Ce comité s'intéresse aux pathologies susceptibles d'être radio-induites, en étudiant l'incidence de l'irradiation sur l'augmentation de la fréquence de certaines pathologies, principalement les cancers. Il a constitué pour cela un groupe de travail formé de médecins spécialistes d'horizons divers. Il a également mission de réaliser un recensement exhaustif des catégories de personnes concernées par les essais nucléaires et d'étudier les données dosimétriques et médicales disponibles. Il a remis un rapport d'étape en mars 2005 et a fourni à cette occasion des indications sur les personnels ayant participé à l'ensemble des essais nucléaires français, au nombre de 101, qui ont reçu des doses cumulées supérieures à 50 millisieverts, limite de dose réglementaire annuelle pour les travailleurs à l'époque des essais. Le Comité de liaison interministériel de suivi sanitaire des essais nucléaires français doit publier un rapport d'ensemble et effectuer des recommandations au gouvernement à la fin de l'année 2006 ou au début de l'année 2007.

M. André Dulait, rapporteur, a ensuite mentionné la mission confiée à l'automne 2005 par le ministre de la défense à M. Jurien de la Gravière en vue de présenter les faits liés aux essais nucléaires en Polynésie et à leur incidence radiologique. Il a rappelé qu'en à peine plus d'un an, M. Jurien de la Gravière s'était rendu quatre fois en Polynésie, qu'il avait rendu public un volume considérable d'informations et avait aussi communiqué de nombreuses données complémentaires aux autorités de Polynésie. Il a notamment cité un premier document publié en mai 2006 exposant les différentes mesures prises à l'occasion des essais - prise en compte des prévisions météorologiques, définition de zones d'exclusion, mesures de protection des personnels et des populations - et récapitulant, pour chacun des 41 essais aériens, les informations météorologiques, les informations sur le tir et les retombées proches ou différées sur les îles ou atolls de Polynésie. Un second document publié en octobre retrace quant à lui le bilan définitif et complet des doses établies, concluant que les six essais ayant donné lieu aux retombées les plus significatives se situaient dans la gamme des faibles et des très faibles doses. L'ensemble des éléments communiqués entre le mois de mai et le mois d'octobre 2006 n'a fait l'objet à ce jour d'aucune contestation.

Considérant que cet ensemble de documents et de données, appelé à être complété d'ici à quelques jours par le rapport du comité de liaison interministériel, représentait un niveau d'information conséquent et étayé, il a estimé que la constitution d'une commission d'enquête parlementaire ne se justifiait pas.

Signalant que les auteurs de la proposition de résolution souhaitaient la communication d'informations couvertes par le « secret-défense », M. André Dulait, rapporteur, a rappelé que la constitution d'une commission d'enquête serait inopérante, puisque l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires dispose explicitement que les commissions d'enquête ne peuvent pas obtenir communication des documents « revêtant un caractère secret et concernant la défense nationale ». S'agissant des documents émanant du service mixte de sécurité radiologique et du service mixte de contrôle biologique, le ministère de la défense a exclu la levée du « secret défense », car ils comportent des indications sur la méthode des essais, sur le fonctionnement des armes et sur leur format et sont, de ce fait, extrêmement sensibles du point de vue de la prolifération nucléaire. M. André Dulait, rapporteur, a en revanche rappelé que Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, avait déclaré devant le Sénat le 10 octobre dernier qu'elle permettrait à des scientifiques dûment habilités et travaillant dans un cadre précis d'accéder à ces dossiers, ce qui devrait permettre notamment aux experts effectuant des études épidémiologiques de consulter les données relatives aux retombées radiologiques sur l'environnement nécessaires à leurs études.

M. André Dulait, rapporteur, a invité la commission a rejeter la proposition de résolution, tout en souhaitant qu'elle continue à se tenir largement informée par tous les moyens qui sont déjà à sa disposition, comme elle l'a fait jusqu'à présent avec, notamment, l'audition du délégué à la sûreté nucléaire de défense.

Il a particulièrement souligné la nécessité d'étudier attentivement les conclusions que le Comité de liaison interministériel sera prochainement amené à formuler. Il a indiqué que certaines d'entre elles devraient répondre concrètement aux attentes des populations de Polynésie, M. Jurien de la Gravière ayant invoqué la mise en oeuvre d'un « plan santé » centré sur les quatre atolls concernés par les retombées radiologiques et comportant trois volets : la réalisation d'un bilan de santé des populations, la mise en place, en collaboration entre l'Etat et le territoire, d'un suivi médical périodique pour ces populations, ce suivi pouvant également être étendu aux anciens travailleurs résidant à Tahiti, et le lancement d'études à caractère sanitaire afin de déterminer si certaines pathologies présentent une fréquence particulière chez ces populations et si une relation peut être établie avec les retombées radiologiques constatées.

M. André Dulait, rapporteur, a jugé que ces trois orientations paraissaient très positives et qu'il faudrait veiller à leur mise en oeuvre rapide et effective.

S'agissant des études à caractère épidémiologique, il a rappelé que les travaux déjà effectués sur la mortalité par cancer entre 1984 et 1992 et sur l'incidence des cancers en Polynésie française entre 1985 et 1995 n'avaient pas mis en évidence de lien entre la répartition géographique des cancers et la localisation par rapport aux sites d'essais, mais que l'on constatait un taux de cancers de la thyroïde chez la femme plus élevé que la moyenne et comparable à celui observé chez les Mélanésiens de Nouvelle-Calédonie et les Philippins d'Hawaï. Il a mentionné les déclarations effectuées dans un organe de presse l'été dernier par le responsable de ces études, M. Florent de Vathaire, directeur de l'unité d'épidémiologie des cancers à l'INSERM, selon lesquelles une nouvelle étude serait susceptible de mettre en évidence un lien entre certains de ces cancers de la thyroïde et le niveau de dose radiologique consécutive aux essais nucléaires. Il a souligné que cette étude n'était toujours pas publiée et que le ministre de la défense avait demandé aux académies des sciences et de médecine d'en effectuer une évaluation.

M. André Dulait, rapporteur, a fait état d'un entretien avec M. de Vathaire au cours duquel celui-ci a confirmé que les cancers de la thyroïde constatés en Polynésie étaient essentiellement féminins, leur fréquence élevée pouvant sans doute être reliée à des facteurs génétiques ou alimentaires. Il a précisé que la nouvelle étude en cours d'achèvement émettait l'hypothèse d'un lien entre certains cancers de la thyroïde en excès et les doses reçues pour un groupe très spécifique de femmes : celles qui étaient enfant à l'époque des essais puis ayant eu, à l'âge adulte, plus de quatre enfants, chaque grossesse accentuant l'effet de l'irradiation. La population concernée se situerait entre 5 et 15 femmes sur l'ensemble de la Polynésie.

M. André Dulait, rapporteur, a considéré que lorsque cette étude serait parvenue à son terme et que ses conclusions seraient validées par la communauté scientifique, il conviendrait d'examiner les conséquences à en tirer éventuellement pour les personnes concernées.

Abordant la proposition de loi de Mme Hélène Luc et des membres du groupe communiste républicain et citoyen, M. André Dulait, rapporteur, a indiqué qu'elle visait à établir une présomption d'imputabilité au service pour des pathologies en lien avec les essais nucléaires et figurant sur une liste établie par décret.

Il a rappelé qu'à l'heure actuelle, les droits à pension étaient examinés sur la base de deux types de législation :

- le code des pensions militaires d'invalidité pour les militaires ; il ne prévoit pas de liste limitative des maladies susceptibles d'être radio-induites et l'intéressé doit apporter la preuve du lien avec le service ; toutefois, en l'absence de preuve indiscutable, le droit à pension peut être reconnu à partir d'un faisceau de présomptions ;

- le code de la sécurité sociale qui s'applique, quant à lui, à certains agents civils de l'Etat et aux salariés de droit privé ; dans sa partie relative aux maladies professionnelles, il comporte une liste limitative des maladies susceptibles d'être radio-induites.

M. André Dulait, rapporteur, a ajouté que sur la base des dispositions actuelles, une vingtaine de décisions d'attribution de pensions au titre des conséquences des essais nucléaires étaient intervenues.

Il a reconnu que ces demandes de pensions suivaient généralement un long parcours, compte tenu de la difficulté d'apporter la preuve requise pour des maladies déclarées si longtemps après les faits. Mais il a estimé que l'impossibilité d'établir l'origine de la maladie ne pouvait pas pour autant justifier son imputation systématique à la participation aux essais nucléaires, une telle solution risquant d'apparaître comme injuste au regard du reste de la population atteinte de pathologies comparables.

M. André Dulait, rapporteur, a également souligné les différences fondamentales entre le système de prise en charge français, où l'octroi éventuel d'une pension se cumule avec la gratuité des soins, et les solutions mises en place aux Etats-Unis, où il n'y a pas de système d'assurance maladie obligatoire et universel.

Il a précisé que le Comité de liaison interministériel de suivi sanitaire des essais nucléaires français devait faire un point complet sur l'état des connaissances scientifiques actuelles au sujet des pathologies pouvant être liées à des radiations, une étude internationale menée par le Comité scientifique des Nations unies sur les effets des radiations atomiques (UNSCEAR) étant également attendue à ce sujet prochainement. Jusqu'à présent, les études scientifiques ne semblent pas avoir pu mesurer la relation entre l'exposition à de faibles et très faibles doses, comme celles constatées à l'occasion des essais, et le développement ultérieur d'une pathologie radio-induite chez un sujet considéré.

M. André Dulait, rapporteur, a estimé qu'en l'absence d'éléments nouveaux permettant de mieux cerner les liens entre exposition à de faibles doses et développement de pathologies ultérieures, il était difficile d'admettre la présomption d'imputabilité qui entraînerait l'attribution systématique de pensions d'invalidité.

Proposant que la commission continue à se tenir informée des développements de ce dossier, il a donné un avis défavorable à la proposition de loi.

A la suite de cet exposé, M. Serge Vinçon, président, a lui aussi jugé nécessaire que la commission poursuive son travail d'information sur ce dossier, au vu notamment du rapport définitif qui sera prochainement établi par le Comité de liaison interministériel de suivi sanitaire des essais nucléaires français.

Mme Hélène Luc a remercié le rapporteur pour son exposé très documenté. Elle a rappelé qu'au cours de la séance du Sénat du 10 octobre dernier, Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, avait déclaré, en réponse à sa question orale, que la France n'avait rien à craindre de la transparence, qu'un ouvrage sur l'ensemble des essais nucléaires français dans le Pacifique serait publié par le ministère de la défense et le commissariat à l'énergie atomique d'ici à la fin de l'année et que les académies des sciences et de médecine étaient saisies des travaux épidémiologiques de M. de Vathaire. Elle a regretté que le ministre de la défense n'ait pas accepté la levée du « secret défense » sur l'ensemble des documents émanant du service mixte de contrôle biologique et du service mixte de sécurité radiologique, mais elle a jugé positif l'engagement de Mme Alliot-Marie d'autoriser des scientifiques dûment habilités à accéder à ces documents dans le cadre de leurs travaux.

Mme Hélène Luc a également évoqué l'intérêt de l'audition par la commission, le 9 novembre, du délégué à la sûreté nucléaire de défense, M. Marcel Jurien de la Gravière, qui a reconnu la réalité des retombées radiologiques, alors que les autorités évoquaient jusqu'alors des essais nucléaires « propres » et la nécessité du suivi médical des populations, qui s'était brutalement interrompu après l'arrêt des essais.

Elle a considéré que l'exposé du rapporteur se fondait largement sur les études et informations publiées par le ministère de la défense, alors que c'est précisément le fait que les informations proviennent de cette source unique qui est contesté par les associations. Elle a souligné la nécessité d'actions concrètes pour évaluer les conséquences sanitaires et environnementales des essais nucléaires, pour réparer les dommages sur la santé, pour achever le nettoyage des plages et la rénovation de certains sites. Elle a rappelé la fréquence de certaines pathologies, notamment les cancers de la thyroïde, du poumon et de la peau, parmi les anciens travailleurs et les vétérans des essais comme dans la population locale. Elle a constaté une évolution dans le sens d'une reconnaissance des conséquences des essais et de la mise en place d'un dialogue, alors que les archives seront ouvertes à certains chercheurs, qu'un suivi sanitaire sera mis en place et qu'un programme de travaux de réhabilitation est prévu sur certains sites.

Mme Hélène Luc a rappelé que la proposition de loi relative au suivi sanitaire des essais nucléaires français s'articulait autour de trois mesures principales : l'instauration du principe de présomption du lien avec le service pour les maladies dont souffre toute personne, civile ou militaire, ayant participé à une activité liée aux essais lorsqu'elle était en service actif ; la création d'un fonds d'indemnisation des victimes civiles et militaires de ces essais et d'un droit à pension pour les personnels civils et militaires et leurs ayants droit ; la création, auprès du premier ministre, d'une commission nationale de suivi des essais nucléaires composée de représentants du gouvernement et du Parlement, du gouvernement de la Polynésie française, des associations concernées et des organisations professionnelles et syndicales.

Elle a annoncé que son groupe déposerait prochainement deux autres propositions de loi. La première visera à modifier le code des pensions militaires d'invalidité pour permettre à la présomption d'imputabilité de jouer pour les maladies constatées au-delà du soixantième jour suivant le retour de mission. La seconde vise à créer un fonds d'indemnisation, à l'instar de celui établi pour les victimes de l'amiante.

Elle s'est déclarée déçue que le rapporteur ait émis un avis défavorable sur sa proposition de loi, estimant qu'une réponse rapide aux attentes des personnes malades était nécessaire, compte tenu de leur âge. Elle a souscrit à la proposition de poursuivre le travail d'information entrepris par la commission et proposé la constitution d'un groupe de travail formé d'un représentant de chaque groupe politique.

En réponse à cette intervention, M. André Dulait, rapporteur, a précisé que le suivi sanitaire des populations avait été assuré par les moyens de l'Etat durant la période des essais nucléaires, mais que la santé publique relevait de la compétence territoriale et que dans ce cadre, aucun dispositif particulier n'avait été mis en place après l'arrêt des essais. Il a aussi rappelé que l'Etat versait une compensation financière à la Polynésie depuis la fermeture du Centre d'expérimentation du Pacifique, cette contribution, initialement prévue pour une durée de deux années, étant désormais pérennisée et s'élevant à plus de 150 millions d'euros par an. Il a constaté que les îles et atolls les plus proches des sites d'essais n'avaient visiblement pas obtenu de dotations provenant de ces concours financiers. Enfin, il a indiqué que le délégué à la sûreté nucléaire de défense avait évoqué la possibilité d'une aide de l'Etat aux actions de réhabilitation qui seraient menées par le gouvernement de Polynésie ou les collectivités locales sur certains sites relevant désormais de leur responsabilité.

S'agissant des informations publiées par le ministère de la défense sur l'estimation des retombées les plus significatives, il a considéré qu'il était fallacieux de les présenter comme un aveu, qui interviendrait après des années de dénégations, de l'existence même de retombées lors des essais nucléaires. Il a en effet rappelé que le choix des sites d'essais, les prévisions météorologiques effectuées avant chaque tir, la définition de zones d'exclusion, la mise en oeuvre de mesures de protection pour les personnels et les populations, l'existence d'un suivi dosimétrique et la réalisation de mesures à la suite de chaque tir montraient bien que l'existence de retombées radiologiques était pleinement intégrée dans la conception même des essais nucléaires et de leur déroulement.

M. Jean Puech s'est déclaré choqué par certaines présentations visant systématiquement à culpabiliser l'Etat, alors que la France a pris, lors de la réalisation des essais nucléaires, des précautions sans aucune mesure avec celles, minimales, que l'on pouvait constater dans d'autres pays, notamment l'Union soviétique.

Mme Hélène Luc a déclaré que les membres du groupe communiste républicain et citoyen s'abstiendraient sur les conclusions du rapporteur.

La commission a alors décidé de rejeter la proposition de résolution n° 247 (2005-2006) de Mme Dominique Voynet et des membres du groupe socialiste tendant à la création d'une commission d'enquête sur les conséquences sanitaires et environnementales des essais nucléaires, menés en Polynésie entre 1966 et 1996, sur la santé des populations exposées et elle a également rejeté la proposition de loi n° 488 (2004-2005) de Mme Hélène Luc et des membres du groupe communiste républicain et citoyen relative au suivi sanitaire des essais nucléaires français.

Traités et conventions - Convention de Budapest relative au contrat de transport de marchandises en navigation intérieure - Examen du rapport

Puis la commission a examiné le rapport de M. André Boyer sur le projet de loi n° 457 (2005-2006) autorisant la ratification de la convention de Budapest relative au contrat de transport de marchandises en navigation intérieure (CMNI).

M. André Boyer, rapporteur, a tout d'abord rappelé que la responsabilité du transport de marchandises par voie fluviale n'était pas régie, en France, par un texte spécifique. Le principe général du droit français de non-limitation de la responsabilité civile s'appliquait donc. Cette situation, a précisé le rapporteur, diffère de celle prévalant dans l'ensemble des pays européens frontaliers, où existe une responsabilité limitée du transporteur fluvial international.

La Convention de Budapest, signée en juin 2001 par la France, instaure un régime juridique unifié, à l'échelle européenne, en matière de transport fluvial. La France a donc mis à profit le délai séparant cette signature et la présente demande de ratification soumise au Parlement pour mettre au point un compromis entre sa traduction juridique et celles d'autres pays d'Europe. Le rapporteur a souligné que cette convention était, d'ores et déjà, entrée en vigueur le 1er avril 2005 à la suite de sa ratification par 5 Etats riverains du Rhin ou du Danube : la Hongrie, la Suisse, la Roumanie, le Luxembourg et la Croatie.

M. André Boyer, rapporteur, a rappelé que le développement de modes de transport alternatifs aux transports routiers était fortement encouragé, tant par les instances européennes que nationales, du fait des bénéfices écologiques qu'ils présentent. Il a souligné que la France était engagée dans un projet d'envergure avec la perspective de mise en service, à l'horizon 2012, du Canal Seine-Nord Europe, qui reliera l'Ile-de-France au bassin de l'Escaut, débouchant ainsi sur les grands ports d'Anvers ou de Rotterdam. Ce canal offrira une capacité annuelle de transport de 32 millions de tonnes, ce qui correspond aux chargements d'environ un million et demi de poids lourds. Dans cette perspective, il devenait nécessaire pour la France d'adopter le régime juridique régissant les pays du Nord de l'Europe en matière de transports fluviaux internationaux, tel qu'établi par la convention de Budapest.

M. André Boyer, rapporteur, a précisé que cette convention s'appliquait aux transports pour lesquels le port de chargement, ou le lieu de prise en charge d'une part, et le port de déchargement ou le lieu de livraison, d'autre part, étaient situés dans deux Etats différents, dont l'un au moins est partie à la convention. Ceci exclut le transport de cabotage, effectué à l'intérieur d'un même Etat, qui restera régi en France par les règles traditionnelles.

En conclusion, M. André Boyer, rapporteur, a donc fait valoir la nécessité, pour la France, de ratifier cette Convention. Il a évoqué, à cet égard, sa récente entrevue avec le commissaire français chargé des transports, M. Jacques Barrot, qui lui avait confirmé l'intention des instances européennes de moderniser l'ensemble des réseaux des canaux du nord de l'Europe.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission a alors adopté le projet de loi et proposé qu'il fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifiée en séance publique.

Missions d'information pour 2007 - Communication

La commission a ensuite entendu une communication de M. Serge Vinçon, président, sur les propositions du bureau de la commission pour les prochaines missions d'information.

M. Serge Vinçon, président, a indiqué que la réunion du bureau de la commission avait conduit à identifier quatre thèmes de travail pour l'année à venir.

Le président a tout d'abord évoqué l'évolution politique et économique de l'Amérique du sud, qui plantait des défis stratégiques et énergétiques pour le continent américain, mais aussi pour l'Europe. Deux délégations comportant un nombre réduit de commissaires pourraient se rendre, l'une au Brésil et en Argentine, l'autre au Venezuela et en Bolivie.

Un second sujet de réflexion porterait sur le lien entre migration et codéveloppement. La commission confierait ce rapport à deux de ses membres - un pour la majorité, l'autre pour l'opposition - qui pourraient se rendre dans deux pays emblématiques sur ce sujet : le Maroc et le Mali.

Un troisième thème permettrait à la commission d'étudier l'avenir de l'OTAN, son rôle, ses rapports avec la Défense européenne et la place qu'y tient la France.

Enfin, le président Serge Vinçon a indiqué qu'il souhaitait conduire une étude sur les priorités à venir en matière d'équipements militaires.

Le président Serge Vinçon a par ailleurs précisé qu'il avait l'intention d'effectuer, avec un certain nombre de ses collègues, un déplacement au Liban, en particulier pour rencontrer les militaires français déployés dans la FINUL.

Nominations de rapporteurs

La commission a nommé rapporteurs :

- Mme Gisèle Gautier sur le projet de loi n° 3039 (AN - XIIè législature), en cours d'examen par l'Assemblée nationale, autorisant l'adhésion au protocole relatif à la convention internationale de Torremolinos sur la sécurité des navires de pêche ;

- M. Gérard Roujas sur le projet de loi n° 3119 (AN - XIIè législature), en cours d'examen par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord de sécurité sociale entre le gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Corée ;

- M. Xavier Pintat sur le projet de loi n° 3156 (AN - XIIè législature), en cours d'examen par l'Assemblée nationale, autorisant l'adhésion au protocole à la convention de 1979 sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance relatif à la réduction de l'acidification, de l'eutrophisation et de l'ozone troposphérique ;

- M. André Vantomme sur le projet de loi 3274 (AN - XIIè législature), en cours d'examen par l'Assemblée nationale, autorisant l'accord entre la France et les Etats-Unis du Mexique sur le mécanisme de développement propre dans le cadre du protocole de Kyoto ;

- Mme Paulette Brisepierre sur le projet de loi n° 3276 (AN - XIIè législature), en cours d'examen par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc relatif au statut de leurs forces armées.

Traités et conventions - Traité entre la France, l'Espagne, l'Italie et le Portugal portant statut de l'Eurofor - Examen du rapport

Lors d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Philippe Nogrix sur le projet de loi n° 487 (2005-2006) autorisant la ratification du protocole additionnel au traité entre la République française, le Royaume d'Espagne, la République italienne, la République portugaise portant statut de l'EUROFOR.

M. Philippe Nogrix, rapporteur, a tout d'abord rappelé que les « euroforces » (Eurofor et son équivalent maritime, Euromarfor) avaient été créées en mai 1995 par une déclaration commune des ministres des affaires étrangères et de la défense d'Espagne, de France et d'Italie, lors d'une réunion ministérielle de l'Union de l'Europe occidentale (UEO).

Il a souligné qu'Eurofor et Euromarfor avaient été constituées selon le principe des « réservoirs de forces », et qu'elles ne disposaient pas d'unités affectées en permanence. Le commandement de l'Euromarfor était assuré à tour de rôle par des états-majors des marines des quatre pays-membres. En revanche, l'Eurofor dispose d'un état-major permanent de près d'une centaine de militaires, installé à Florence.

M. Philippe Nogrix, rapporteur, a rappelé que, pour régler notamment le statut des personnels de cet état-major, un Traité quadripartite avait été conclu en juillet 2000.

Il a souligné que le Traité portant statut de l'Eurofor avait cependant omis de régler le cas des personnels de la seule structure permanente d'Euromarfor, la cellule permanente d'état-major, composée d'un officier de chaque nation et placée auprès du commandement opérationnel d'Euromarfor.

Il a précisé que le Protocole additionnel au Traité, signé à Lisbonne le 12 juillet 2005 et portant statut de l'Eurofor, étendait donc aux personnels de la cellule permanente l'application de douze articles du Traité, relatifs à la dispense des formalités d'entrée et de séjour, aux conditions du port d'armes, au règlement des dommages ou encore au régime fiscal des personnels. Le rapporteur a conclu que ce texte comblait une lacune dommageable au bon fonctionnement de l'Euromarfor et prenait la suite de dispositions transitoires insatisfaisantes.

La commission a alors adopté le projet de loi et proposé qu'il fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifiée en séance publique.

Traités et conventions - Protection des personnes concernant les autorités de contrôle et les flux transfrontières de données - Examen du rapport

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Philippe Nogrix sur le projet de loi n° 37 (2006-2007) autorisant l'approbation du protocole additionnel à la convention pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel, concernant les autorités de contrôle et les flux transfrontières de données.

M. Philippe Nogrix, rapporteur, a tout d'abord souligné que l'accélération des évolutions technologiques dans le traitement des données et le développement de leur utilisation en matière de sécurité avaient des répercussions directes sur les droits et libertés des personnes, illustrées récemment par le dossier PNR (Passenger Name Record) sur le transfert des données passagers par les compagnies aériennes aux autorités américaines.

Il a indiqué que cette question avait été abordée pour la première fois par un instrument international au début des années 1980, dans le cadre du Conseil de l'Europe. La Convention pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel a été signée le 28 janvier 1981 à Strasbourg.

Prenant acte du développement du traitement informatique des données, cette convention a pour objet de protéger les personnes contre l'usage abusif du traitement automatisé des données à caractère personnel et de réglementer les flux transfrontaliers de données. La Convention garantit également le droit des personnes à connaître les informations stockées les concernant et à exiger, le cas échéant, des rectifications.

M. Philippe Nogrix, rapporteur, a précisé que la Convention était entrée en vigueur le 1er octobre 1985 et que 38 Etats, sur les 46 que compte le Conseil de l'Europe, l'avaient ratifiée.

Il a indiqué que le Protocole additionnel avait été ouvert à la signature le 8 novembre 2001. Il vise à renforcer la mise en oeuvre de la Convention en imposant l'institution d'une autorité de contrôle et en encadrant les flux de données à caractère personnel vers les pays non Parties à la Convention.

Il a précisé que l'article premier du Protocole prescrivait la mise en place d'une ou plusieurs autorités chargées de la protection des individus dans le traitement des données à caractère personnel. Il prévoit, de façon précise, que ces autorités doivent disposer de pouvoirs d'investigation et d'intervention, ainsi que de la capacité d'ester en justice ou de porter d'éventuelles violations devant la justice. Ces autorités doivent pouvoir être saisies par les particuliers, exercer leurs fonctions en toute indépendance et leurs décisions faisant grief pouvoir faire l'objet d'un recours juridictionnel.

M. Philippe Nogrix, rapporteur, a indiqué que l'article 2 concernait les flux transfrontières de données à caractère personnel vers un destinataire n'étant pas soumis à la juridiction d'une Partie à la Convention. Il pose le principe qu'un tel transfert ne peut être effectué que si l'Etat destinataire des données « assure un niveau de protection adéquat pour le transfert réalisé ».

Des dérogations à ce principe sont possibles, si le droit interne le prévoit, pour les intérêts spécifiques de la personne concernée ou lorsque des intérêts légitimes prévalent, en particulier des intérêts publics importants. Des garanties peuvent également résulter de clauses contractuelles fournies par la personne responsable du transfert si elles sont jugées suffisantes par les autorités compétentes, conformément au droit interne.

M. Philippe Nogrix, rapporteur, a précisé que l'entrée en vigueur du Protocole, subordonnée à la ratification de cinq signataires, était intervenue le 1er juillet 2004.

Il a indiqué que le Conseil des ministres avait adopté le projet de loi de ratification le 24 octobre 2006, soit cinq ans après la signature du Protocole par la France. Il a souligné que la France se conformait d'ores et déjà aux obligations du protocole additionnel. Elle avait d'ailleurs été, en 1978, l'un des premiers Etats à s'être doté d'une loi « informatique et libertés » et d'une autorité de contrôle indépendante, la CNIL.

M. Philippe Nogrix, rapporteur, a indiqué que le niveau de protection des données personnelles dans l'Union européenne avait été harmonisé par une directive du 24 octobre 1995, transposée en droit français par la loi 2004-801 du 6 août 2004 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel. Cette loi a accru les pouvoirs de la CNIL afin de lui permettre d'assurer un contrôle a posteriori efficace de la mise en oeuvre des fichiers et des traitements informatisés. Ses pouvoirs d'investigation ont été rendus contraignants et ses pouvoirs d`intervention et de sanction, étendus. La loi traite également des transferts de données en direction d'Etats n'appartenant pas à l'Union européenne en prévoyant, dans son article 68, que ces transferts ne peuvent s'effectuer que si l'Etat « assure un niveau de protection suffisant de la vie privée et des libertés et droits fondamentaux de la personne à l'égard du traitement dont ces données font l'objet ou peuvent faire l'objet ».

Il a précisé que le pouvoir d'apprécier si un pays accordait une « protection adéquate ou suffisante » appartenait à la Commission européenne.

Il a noté que parmi les pays « non-adéquats » figuraient des Etats ayant ratifié le Protocole additionnel comme l'Albanie, la Bosnie-Herzégovine, la Croatie ou encore la Roumanie.

La CNIL, a poursuivi le rapporteur, pouvait néanmoins autoriser un transfert vers un pays tiers ne disposant pas d'un niveau de protection adéquat lorsque « le traitement garantissait un niveau de protection suffisant en raison des clauses contractuelles ou règles internes dont il fait l'objet ».

D'autres dérogations sont possibles si la personne concernée a consenti au transfert ou si le transfert est nécessaire à la sauvegarde de la vie de la personne, à la sauvegarde de l'intérêt public, au respect d'obligations permettant d'assurer l'exercice d'un droit en justice, à la consultation d'un registre public, à l'exécution d'un contrat ou à sa conclusion.

Le rapporteur a considéré que la ratification du protocole additionnel ne devrait rien changer à la pratique des transferts de données vers les Etats non-membres de l'Union européenne, puisque la qualification du caractère adéquat ou non du pays destinataire avait été communautarisée et relevait de la Commission européenne.

M. Philippe Nogrix, rapporteur, a estimé qu'indirectement, ce Protocole posait la question de la juxtaposition et de la superposition partielle des deux espaces de droit que sont d'une part le Conseil de l'Europe et d'autre part l'Union européenne dans les domaines où ils interviennent concurremment.

Il a cependant considéré que le protocole additionnel à la Convention pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel avait le mérite d'élargir le champ géographique de la protection des données personnelles. Il restait à en garantir l'effectivité, certains pays Parties à la Convention et à son Protocole, étaient considérés comme n'assurant pas un niveau de protection adéquat.

Au demeurant, la question de l'effectivité de la protection des personnes n'était pas propre aux Etats tiers. Elle était aujourd'hui soumise au double défi de la technologie et de l'acceptation des citoyens eux-mêmes d'atteintes à leur vie privée face aux exigences de la lutte contre le terrorisme.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

M. André Trillard s'est demandé si le niveau de protection accordé aux citoyens ne nuisait pas dans certains cas à l'intérêt de l'Etat. Il a ainsi considéré que l'adjonction du numéro de sécurité sociale dans les fichiers relatifs au revenu minimum d'insertion permettrait de réduire notablement la fraude sans nuire aux droits des personnes. Estimant que l'usage abusif fait, aux Etats-Unis, des fichiers de données personnelles devait susciter la vigilance, il a considéré que, dans la nécessaire recherche d'un équilibre, le droit d'accès et de rectification des données par les personnes concernées était un droit absolu.

M. Philippe Nogrix, rapporteur, a rappelé que le texte examiné était relatif aux transferts transfrontaliers de données. Il a souligné que si l'adéquation des données figurant sur un fichier donné par rapport à ses objectifs pouvait être appréciée relativement facilement, cet exercice était beaucoup plus complexe lors du croisement de plusieurs fichiers. En réponse à M. André Trillard, qui estimait que la constitution de fichiers par des multinationales pour les besoins de leur gestion des ressources humaines ne lui semblait pas injustifiée, il a précisé que ce type de demande était généralement accepté, sous réserve que ne figurent dans le fichier que les seules données strictement nécessaires. Il a souligné qu'une réticence spécifique se manifestait à l'égard des demandes formulées par les Etats-Unis, l'usage des données pouvant permettre des intrusions dans la vie privée des personnes, sans leur accord.

En réponse à M. André Dulait, qui s'interrogeait sur la possibilité de disposer d'informations relatives aux condamnations individuelles prononcées, M. Philippe Nogrix, rapporteur, a indiqué que l'absence de ce type de données dans un fichier poursuivant un tout autre objet n'excluait pas la coopération judiciaire.

La commission a alors adopté le projet de loi et proposé qu'il fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifiée en séance publique.

Traités et conventions - Convention d'entraide judiciaire France-Principauté de Monaco - Examen du rapport

La commission a procédé à l'examen du rapport de M. André Trillard sur le projet de loi n° 53 (2006-2007) autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Son Altesse Sérénissime le Prince de Monaco.

M. André Trillard, rapporteur, a tout d'abord rappelé que la France et Monaco sont liés actuellement par la convention franco-monégasque sur l'aide mutuelle judiciaire du 21 septembre 1949. En 2001, les deux Etats sont convenus de la nécessité d'engager un processus de modernisation de leurs relations politiques bilatérales en vue d'instaurer une coopération judiciaire en matière pénale conforme aux standards les plus récents admis au sein de l'Union européenne et par la plupart des Etats membres du Conseil de l'Europe, dont la Principauté est d'ailleurs membre depuis le 5 octobre 2004.

Dans ce cadre, des négociations en vue de conclure une convention d'entraide judiciaire en matière pénale devant se substituer à celle du 21 septembre 1949 (qui couvre également l'entraide judiciaire en matière civile et commerciale) ont été engagées en octobre 2001. Il s'agissait de l'une des contreparties demandées par la France au renforcement de la reconnaissance internationale de la souveraineté monégasque.

M. André Trillard, rapporteur, a indiqué que l'objet de la convention était de moderniser les règles communes actuellement applicables à l'entraide judiciaire en matière pénale. A cette fin, les deux parties s'accordent mutuellement l'entraide la plus large possible dans toute procédure pénale conduite par une autorité judicaire et visant des infractions pénales, y compris celles pouvant engager la responsabilité d'une personne morale. Il a ajouté que le champ de l'entraide couvrait les procédures d'indemnisation ou de grâce et la notification de communications judiciaires relatives à l'exécution d'une peine.

Les deux Etats ont également procédé à un échange de lettres concernant la garantie des investisseurs.

Le rapporteur a insisté sur l'importance, pour un pays qui posait des problèmes particuliers en matière de secret bancaire et de blanchiment d'argent, de cet accord d'entraide judiciaire en matière pénale, qui prévoit que cette entraide revêt toute forme n'étant pas incompatible avec la législation de la partie requise, en indiquant les formes principales que prend habituellement la coopération judiciaire en matière pénale, y compris le caractère essentiel du recueil d'informations en matière bancaire.

M. André Trillard, rapporteur, a indiqué que la convention envisageait les cas dans lesquels l'entraide pouvait être refusée : pour les infractions politiques et les infractions connexes à une infraction politique, les infractions militaires, si l'exécution de la demande est susceptible de porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité, à l'ordre public ou à d'autres intérêts essentiels de l'Etat requis, ou si elle se rapporte à une infraction pour laquelle la personne poursuivie avait été définitivement jugée dans la partie requise ainsi que pour les infractions fiscales. Il a précisé qu'une exception restreignait la possibilité de recourir à ce motif de refus, lorsque les demandes portent sur des faits relatifs à des impôts et taxes mentionnés dans les conventions fiscales franco-monégasques. En revanche, le secret bancaire ne pourrait être invoqué pour justifier un refus d'entraide.

Le rapporteur a en outre indiqué que la convention régissait les conditions de divulgation et d'utilisation des éléments communiqués en appui ou en exécution d'une demande d'entraide ; qu'elle posait le principe du respect, par la partie requise, de la confidentialité de la demande afin d'éviter de compromettre les investigations ; qu'elle permettait, par ailleurs, de doter d'un cadre juridique la coopération bilatérale pour le recours aux « livraisons surveillées » effectuées dans le cadre d'une enquête pénale relative à une infraction susceptible de donner lieu à une extradition ; que les « équipes communes d'enquête  permettaient une coopération opérationnelle entre les services d'enquête, dans le cadre d'infractions ayant une dimension transfrontière, les « enquêtes discrètes » étant menées par des agents relevant de l'autorité judiciaire, qui interviennent en secret ou sous identité fictive ; enfin, que la convention prévoyait la transmission et l'échange des avis de condamnations et d'extraits de casier judiciaire.

En conclusion, le rapporteur a fait remarquer que « les projets pour développer la place financière de Monaco en insistant sur la transparence et la lutte contre le blanchiment » présentés, en novembre 2005, lors de son entretien avec le Président de la République, par le Prince Albert de Monaco, étaient en bonne voie de réalisation.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission a alors adopté le projet de loi et proposé qu'il fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifiée en séance publique.

Traités et conventions - Accord d'entraide judiciaire France-Chine - Examen du rapport

La commission a enfin procédé à l'examen du rapport de M. Didier Boulaud sur le projet de loi n° 52 (2006-2007) autorisant l'approbation de l'accord d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République populaire de Chine.

M. Didier Boulaud, rapporteur, a tout d'abord rappelé que la France et la Chine avaient signé à Paris, en avril 2005, un accord d'entraide judiciaire pénale, issu de négociations entamées en 1998. L'entraide judiciaire entre ces deux pays ne reposait jusqu'alors que sur le principe de la réciprocité dans le cadre classique de la courtoisie internationale, insuffisant pour garantir l'exécution des demandes d'entraide, du fait des profondes disparités entre les systèmes judiciaires et les traditions juridiques des deux pays.

Le rapporteur a indiqué que ce nouvel accord définissait largement le champ de cette entraide, incluant les enquêtes et poursuites d'infractions, y compris en matière fiscale. L'exécution de décisions d'arrestation et de condamnation en est cependant exclue.

Il a précisé que, de manière courante en droit international, la convention prévoyait des motifs de restriction à l'entraide, particulièrement tout ce qui pourrait porter atteinte à la souveraineté des Etats ou à leur sécurité, et qu'il excluait les demandes présentées en considération de la race, de la religion ou des opinions politiques de la personne poursuivie.

Toutefois, M. Didier Boulaud, rapporteur, a fait remarquer qu'à la demande de la France, la partie requise pouvait refuser l'entraide lorsqu'elle estimait que l'exécution de la demande « serait incompatible avec les principes fondamentaux de sa législation ». Cette stipulation vise à prendre en compte, par la partie requise, la nature des peines encourues dans la partie requérante, tout spécialement du fait de l'application, en Chine, de la peine de mort. Pour éviter tout risque d'interprétation, la seconde session de négociation a prévu que la France refuserait l'entraide inscrite dans le présent traité lorsque la peine encourue serait « par sa nature » incompatible avec les principes généraux de sa législation, citant expressément la peine capitale.

La convention reprend des dispositions d'ordre général telles que l'échange d'informations, l'accent mis sur la recevabilité des éléments de preuve recueillis, la possibilité de différer la demande d'entraide lorsque son exécution risque d'entraver une enquête pénale en cours, le respect par la partie requise de la confidentialité d'une demande d'entraide, afin d'éviter de compromettre les investigations.

M. Didier Boulaud, rapporteur, a indiqué que l'accord comportait des stipulations spécifiques à certaines formes d'entraide : audition de personnes, transmission des objets, remise d'actes de procédure, transfèrement de témoins détenus, comparution de témoins ou experts, demandes de perquisition, de gel et de saisie, recherche, appréhension et confiscation des produits d'une infraction et enfin échanges d'avis de condamnations.

Il a ajouté que cet accord comportait, par ailleurs, des clauses importantes touchant aux conditions de divulgation des éléments échangés, qu'il posait le principe du respect, par la partie requise, de la confidentialité de la demande et, à l'inverse, et enfin qu'il permettait à la partie requise de poser des conditions à l'utilisation ou la divulgation, par la partie requérante, des éléments de preuve recueillis en exécution d'une demande d'entraide.

M. Didier Boulaud, rapporteur, a toutefois indiqué que cet accord formalisait des rapports et échanges qui ne reposaient alors sur aucune base juridique internationale, mais sur le simple principe de courtoisie internationale et qu'il permettait de concrétiser des relations bilatérales entre les deux pays. Cette convention donnait enfin à la Chine la possibilité d'observer progressivement les normes du droit international.

Après l'exposé du rapporteur, M. Philippe Nogrix a estimé que la Chine s'efforçait de progresser vers davantage de démocratie mais que cette demande était d'autant plus complexe que le pays évoluait sur deux voies concurrentes, celle du libéralisme le plus total sur le plan économique et celle d'un régime politique qui reste largement autoritaire.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission a alors adopté le projet de loi et proposé que ce texte fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifiée en séance publique.