Mercredi 17 janvier 2007

- Présidence de M. Jacques Valade, président. -

Audition de M. Benoît Yvert, président du Centre national du livre, de Mme Sophie Barluet, chargée de mission auprès du président, et de M. Guillaume Husson, chef du département de l'économie du livre

La commission a procédé à l'audition de M. Benoît Yvert, président du Centre national du livre, de Mme Sophie Barluet, chargée de mission auprès du président, et de M. Guillaume Husson, chef du département de l'économie du livre

M. Jacques Valade, président, a indiqué que la commission avait souhaité approfondir dans les prochains mois une réflexion sur un certain nombre de thèmes et notamment sur le problème du livre en France et dans le contexte européen et international.

M. Benoît Yvert a estimé que les mutations importantes qu'allait rapidement provoquer l'arrivée du numérique dans le domaine du livre rendaient urgente l'ouverture d'une réflexion sur la façon dont l'Etat devait reconsidérer sa politique dans ce domaine.

Il a indiqué que la réflexion d'ensemble conduite dans le cadre de la mission « Livre 2010 » reposait sur une série de rencontres réunissant les différents acteurs du livre sur des thèmes variés, abordés dans une approche décloisonnée.

Ces réflexions croisées sont organisées sur la base de courtes synthèses et d'un ordre du jour déterminé de façon à éviter tout risque de dispersion. Elles doivent déboucher sur des propositions concrètes.

M. Jacques Valade, président, a jugé intéressante cette approche méthodologique, soulignant qu'elle rejoignait dans une large mesure celle de la commission des affaires culturelles, qui procède à des auditions individuelles, mais également à des tables rondes réunissant les différents protagonistes intéressés sur un thème donné.

M. Benoît Yvert a d'abord décrit la problématique globale dans laquelle s'inscrit l'avenir immédiat du secteur de l'édition. Il a indiqué qu'après quatre ou cinq années de forte croissance, le secteur était aujourd'hui confronté à une stagnation, voire à une légère baisse de son chiffre d'affaires global, avec des variations d'un secteur à l'autre. Comme le montre une enquête conduite dans le secteur des sciences humaines, de la philosophie et de la littérature, le nombre de points de vente stagne, alors que dans le même temps le nombre de titres publiés augmente régulièrement et s'est établi à 53.000 en 2006 ; en conséquence, la durée d'exposition d'un ouvrage en librairie ne cesse de se réduire pour tomber aujourd'hui à une dizaine de semaines ; parallèlement, cet excédent de diversité s'accompagne d'un rétrécissement de la demande autour de quelques grands succès relayés par les médias.

Evoquant ensuite les inquiétudes que suscite l'essor des ventes par Internet, il a indiqué que celles-ci ne représentaient encore qu'une faible part du marché, évaluée à 4 %, contre 10 % au Royaume-Uni, mais que ses perspectives de développement constituaient une menace non négligeable pour le secteur de la librairie, dont le taux de rentabilité moyen, d'environ 1 %, est très réduit. Cette situation invitait donc à repenser la problématique des librairies indépendantes.

Abordant ensuite le domaine de l'édition proprement dit, il a jugé que celui-ci bénéficiait de trois phénomènes positifs : le phénomène de concentration se poursuit de façon plus maîtrisée (les deux groupes français dominants Editis et Hachette continuent de procéder à des acquisitions, mais à un rythme plus modéré et dans le cadre d'une stratégie économique bien définie) ; des maisons d'édition historiques comme Gallimard et les Editions de Minuit se portent bien ; enfin, la profession a bien pris conscience des conséquences du développement de l'économie numérique. A cet égard, il s'est félicité de ce que le président du syndicat national de l'édition ait accepté de présider une commission de réflexion sur la mise en place d'une offre numérique concertée.

Il a estimé, pour sa part, que le numérique allait affecter en tout premier lieu le livre de documentation et le livre scolaire, qui représentent près de la moitié du chiffre d'affaires de l'édition française, plutôt que la littérature et le livre de loisir en général, tout en présentant l'opportunité d'un élargissement de l'accès au public.

Quelque aventureux que soient les pronostics en ce domaine, il a considéré cependant qu'une période de transition devait s'ouvrir en 2008 et s'étendre sur quatre ou cinq ans.

Mme Sophie Barluet a rappelé que la chaîne économique du livre était fragmentée entre différentes catégories d'acteurs, les libraires, les éditeurs et les auteurs, qui avaient dans l'ensemble peu d'occasion d'échanger leurs points de vue. Elle a indiqué que le projet « Livre 2010 » avait précisément pour ambition de les faire se rencontrer et d'organiser des échanges interprofessionnels sur des sujets transversaux. Elle a jugé que ces tables rondes fonctionnaient bien et que les participants portaient une appréciation positive sur ces discussions, qui abordent aussi bien des sujets de société que des questions techniques. Evoquant ensuite les problèmes posés par le numérique, elle a distingué ceux qui se posent en amont de la distribution -et qui ont dans l'ensemble été bien anticipés par les éditeurs- et ceux de la distribution proprement dite, qu'il faut aujourd'hui traiter.

M. Jacques Valade, président, a souligné que ce problème se posait aussi pour la presse et sa diffusion.

M. Guillaume Husson a estimé que la problématique de la diffusion du livre devait prendre en compte les caractéristiques d'un secteur de l'édition marqué par une très grande diversité de l'offre, ce dont témoignent les 600.000 titres actuellement disponibles, les 50.000 nouveaux titres publiés chaque année et le niveau des ventes annuelles, qui s'établit à 450 millions d'exemplaires.

Il a ensuite précisé la configuration du secteur avec deux groupes, Hachette et Editis, qui représentent 40 % du marché, et les 7 premières maisons d'édition, qui occupent 65 % du marché, alors qu'il y a en France 4 à 5.000 éditeurs. Il a ensuite résumé les principales préoccupations de ce secteur professionnel face aux mutations en cours.

Il a rappelé, tout d'abord, que l'équilibre économique de la profession reposait sur une péréquation entre les titres les plus rentables et ceux qui le sont moins. Conscients que la perte d'un pan d'exploitation pourrait remettre en cause l'équilibre d'ensemble, les éditeurs sont donc soucieux de conserver la maîtrise sur la diffusion numérique des oeuvres, comme ils l'ont exprimé à l'occasion de la discussion du projet de loi sur le droit d'auteur et les droits voisins dans la société de l'information.

Ils redoutent, en second lieu, l'émergence d'un marché à deux ou trois vitesses, qui dissocierait trois catégories d'acteurs : les deux principaux groupes, engagés dans un parcours d'internationalisation et pour lesquels le livre ne serait plus qu'une déclinaison de leur stratégie globale ; les grandes maisons d'édition traditionnelles, toujours centrées sur le livre, et enfin, les petits éditeurs indépendants, qui auraient de plus en plus de mal à accéder au public.

Revenant sur le caractère préoccupant de la rotation rapide des livres sur les rayons des librairies, M. Jacques Valade, président, a demandé des précisions sur le montant des tirages moyens qu'engage un éditeur, ainsi que sur le nombre minimum de ventes qui permet un retour sur investissement.

Tout en estimant que ces paramètres pouvaient beaucoup varier en fonction des situations, M. Benoît Yvert a décrit quelques grandes tendances : les nouvelles technologies permettent de diminuer le coût de fabrication du livre, la rémunération des auteurs reste stable autour de 8 à 10 % du prix de vente, mais peut aller jusqu'à 15 voir 18 % pour les auteurs les plus recherchés, les transferts d'auteurs d'une maison d'édition à l'autre pouvant dans certains cas s'avérer très coûteux, un peu à l'image de ceux des footballeurs. En tout état de cause, un tirage à 2.000 exemplaires peut constituer une moyenne assez fréquente.

Mme Sophie Barluet a estimé que les à-valoir restaient dans l'ensemble modérés, mais que les éditeurs s'inquiétaient actuellement du rôle nouveau des agents littéraires, inspirés des pratiques américaines. Elle a indiqué que ces nouveaux acteurs, souvent issus du monde du cinéma, incitaient généralement les auteurs à conserver une partie de leurs droits et, par exemple, les droits de traduction et les droits d'adaptation cinématographique, ainsi qu'à imposer aux éditeurs, dans la négociation, un certain nombre d'obligations en matière de publicité, qui constituent des investissements lourds.

M. Yves Dauge a insisté sur la nécessité de prendre en compte le rôle très significatif que jouent les bibliothèques municipales et départementales, qui contribuent, à travers l'organisation d'événements, à mieux faire connaître les auteurs. Il a également souhaité que la politique du livre conduite par le ministère de la culture s'appuie sur le réseau culturel français à l'étranger, estimant que, dans ce domaine, le numérique pouvait également contribuer au développement de la diffusion.

M. Jacques Valade, président, a insisté à son tour sur le rôle que joue le réseau des bibliothèques municipales et départementales, ainsi que celui de la Bibliothèque nationale de France en matière de numérisation.

M. Benoît Yvert a déploré que les bibliothèques locales, dont il a comparé le rôle positif à celui des professeurs des écoles, ne fassent pas l'objet d'une reconnaissance suffisante par la République, alors qu'elles constituent de véritables poumons dans la respiration de la vie culturelle.

Il a indiqué que la direction du livre avait engagé une réflexion sur la promotion des fonctions des bibliothécaires, avec le souci d'éviter que la numérisation ne suscite une fracture entre les anciennes et les nouvelles générations de conservateurs. Evoquant ensuite le problème de l'accès au livre des publics les plus défavorisés, il a estimé que, malgré certains succès partiels, cette politique n'était pas parvenue à dissiper le caractère intimidant du livre, un rapprochement entre les bibliothèques et les services d'aide sociale constituant cependant pour l'avenir une piste de réflexion intéressante. La politique de numérisation engagée par la Bibliothèque nationale de France devrait permettre de conjurer le risque de numérisation désordonnée qui résulterait de l'addition des initiatives.

M. Jack Ralite a déploré l'importance croissante, pour ne pas dire totalitaire, que prend l'approche marchande dans les divers aspects de la culture, qu'il s'agisse de la gestion des musées, de la restauration des monuments historiques, où les crédits sont affectés en fonction du taux de fréquentation, et dans le domaine du livre, comme le montrent les tendances décrites par les personnes auditionnées : développement du rôle des agents littéraires, augmentation de la vitesse de rotation des livres en librairie et diminution du poids relatif du livre dans la stratégie des grands groupes.

Il a jugé cette évolution d'autant plus alarmante que ces tendances, qui n'ont cependant rien d'inévitable, ont encore reçu récemment l'encouragement du rapport sur la gestion des biens immatériels rédigé à la demande du ministre de l'économie et des finances.

Il a estimé que le livre, avec sa valeur symbolique, devait rester au coeur de la résistance à la marchandisation.

Il jugé que l'ouverture d'une librairie constituait pour un quartier un élément d'attraction propre à dynamiser son animation et justifiait l'appui que leur apportent certaines municipalités, comme celle d'Aubervilliers ; il s'est demandé, en conséquence, si l'on ne pouvait faire bénéficier ce type d'établissement d'aides sélectives, à l'image de ce qui se pratique pour les salles de cinéma.

M. Jacques Valade, président, a insisté sur l'importance du rôle de conseil et de médiation que peuvent jouer les pages littéraires de la presse nationale ou régionale, sans parler des émissions littéraires à la télévision, en dépit de leur diffusion souvent tardive. Il a également souligné la place que peut tenir une grande librairie comme élément symbolique et pôle de rayonnement en centre-ville, notamment dans une ville comme Bordeaux.

M. Jack Ralite a estimé que le raccourcissement de la durée d'exposition des livres en librairie constituait une menace pour la diversité culturelle, et donnait une nouvelle illustration des déséquilibres que provoquait une utopie technologique lorsqu'elle ne s'accompagnait pas d'une utopie sociale.

M. Yves Dauge a demandé des informations sur la problématique actuelle de la traduction.

M. Christian Demuynck a estimé que le commerce des livres par voie électronique, qui ne représente en France que 4 % de l'ensemble des ventes, contre 10 % au Royaume-Uni, était promis à un développement rapide. Il a considéré qu'il présentait l'avantage de permettre aux éditeurs d'écouler les ouvrages de fond qui ne seraient plus disponibles en librairie, et l'inconvénient de concurrencer les librairies indépendantes, sauf à ce que celles-ci mettent en place un site centralisé qui leur serait propre.

Considérant que les librairies indépendantes ne pouvaient que pâtir aujourd'hui de leur isolement, M. André Vallet a plaidé en faveur de leur regroupement. Insistant sur leur rôle social, il a cité le cas de la librairie de Banon, dont la notoriété et le succès ont permis la renaissance de ce petit village de 300 habitants en Haute-Provence.

En réponse aux commissaires, M. Benoît Yvert et Mme Sophie Barluet ont apporté les informations suivantes :

- la direction du livre s'est récemment rapprochée du ministère des affaires étrangères pour rationaliser leurs actions et mettre en commun leurs équipes ;

- la librairie est actuellement le maillon faible de la chaîne du livre ; la direction du livre explore actuellement plusieurs pistes de soutien possible, et notamment une application dérivée de la loi Sueur relative au cinéma d'art et d'essai pour compenser la hausse des loyers en centre-ville, et améliorer leurs conditions d'occupation ; la mise en oeuvre de ce dispositif d'appui supposerait au préalable une labellisation des véritables librairies, qu'il conviendrait de distinguer des simples points de vente ne proposant qu'un maigre choix de titres ; une autre piste est à explorer en matière de fiscalité, notamment en matière de droits de succession et de taxe professionnelle ;

- la diffusion du livre français à l'étranger est rarement satisfaisante, y compris dans les pays francophones ; on peut vérifier d'expérience que l'offre proposée est généralement réduite, et que les prix demandés sont très supérieurs à ceux qui se pratiquent en France ; malgré les efforts réalisés par les éditeurs français, cette situation ne nous permet pas d'être concurrentiels face à la puissance de l'offre commerciale américaine ;

- il convient de faire une priorité de la traduction en anglo-américain de la littérature française, car c'est aujourd'hui la condition de l'élargissement de sa diffusion ;

- ce que l'on appelle improprement « librairie électronique » ne comporte aucun des services que l'on attend d'une véritable librairie, et s'apparente à de la simple vente par correspondance ; pour autant, ces formes de vente peuvent être très précieuses pour la diffusion du livre français à l'étranger ;

- l'analyse des comportements d'achats électroniques fait apparaître deux phénomènes simultanés : une concentration des chiffres d'affaires sur un plus petit nombre de livres ; des phénomènes de longue traine qui permettent à des livres peu connus et peu disponibles de redevenir accessibles.

Traités et conventions - Convention internationale contre le dopage dans le sport - Examen du rapport pour avis

La commission a procédé ensuite à l'examen du rapport pour avis de M. Alain Dufaut sur le projet de loi n° 153 (2006-2007) autorisant la ratification de la convention internationale contre le dopage dans le sport.

M. Jacques Valade, président, s'est félicité tout d'abord de l'existence de ce rapport pour avis, dans la mesure où la convention internationale contre le dopage dans le sport entre au premier chef dans les compétences de la commission et qu'il permet d'assurer une continuité dans le suivi par la commission de la lutte antidopage.

M. Alain Dufaut, rapporteur pour avis, a déclaré, citant le baron de Coubertin, que le « sport va chercher la peur pour la dominer, la fatigue pour en triompher, la difficulté pour la vaincre ». Il a souligné que les tentatives menées pour supprimer la peur, la fatigue et la difficulté risquaient de remettre en cause l'existence du sport. L'enjeu de la lutte contre le dopage est précisément de préserver ces aspects qui en font son essence.

Pourtant, a-t-il constaté, c'est l'omerta qui a longtemps prévalu dans le milieu sportif sur les questions du dopage, notamment dans les compétitions internationales où certaines nations organisaient le dopage collectif de leurs sportifs à des fins de gloire nationale. Il s'est étonné du caractère tardif des réactions internationales, alors même que des sportifs admettaient explicitement les faits.

Il s'est félicité, toutefois, de ce qu'après plusieurs scandales médiatiques, notamment l'affaire Festina lors du Tour de France 1998, plusieurs Etats, au premier rang desquels la France, aient fait de la lutte antidopage une priorité. Jouer franc jeu est devenu un mot d'ordre. Il a insisté sur l'actualité de l'impératif de lutte contre le dopage, au moment où l'affaire Cofidis est jugée et alors que les vainqueurs du Tour de France depuis 8 ans sont contestés. Il a rappelé qu'en mars 2003, près de 80 gouvernements, dont la France, ont témoigné, en signant la « Déclaration de Copenhague », de leur volonté d'appuyer un processus débouchant sur une convention internationale de lutte contre le dopage, qui serait exécutée au moyen d'instruments propres aux contextes constitutionnel et administratif de chaque gouvernement. C'est sur la base de cette intention qu'a été engagée, sous l'égide de l'UNESCO, l'élaboration de la convention internationale contre le dopage dans le sport.

Il a souligné qu'avait été menée parallèlement, par le comité international olympique, une consultation transnationale sur la question du dopage, qui a abouti à la création de l'Agence mondiale antidopage en 1999 et à l'adoption du code mondial antidopage en 2003. Ce code détermine les compétences et fixe des règles en matière d'organisation des contrôles antidopage, d'analyse des échantillons, de mise en oeuvre des procédures disciplinaires, de régime de sanctions, de prévention et de recherche scientifique dans le domaine de la lutte contre le dopage. Emanant d'une fondation de droit privé, il n'a pas de force juridique s'imposant aux Etats. Par conséquent, si l'ensemble des fédérations internationales des sports « olympiques » ont souscrit au code mondial antidopage avant les Jeux olympiques d'Athènes de 2004, puisqu'il s'agissait d'une des conditions de participation à ces Jeux, les fédérations nationales obéissent, en revanche, aux règles fixées par la loi interne. Il a fait valoir que l'un des objectifs de la loi du 5 avril 2006 relative à la lutte contre le dopage et à la protection de la santé des sportifs a précisément été d'aligner la législation française sur certaines dispositions du code mondial antidopage.

Il a soutenu que, dans un contexte de sport mondialisé, pour assurer une égalité de tous les sportifs, sur tous les terrains de jeux, c'est bien le droit international qu'il fallait « doper » avec deux impératifs : harmoniser les règles et les rendre contraignantes.

Le rapporteur pour avis a considéré que la convention internationale contre le dopage dans le sport, élaborée sous l'égide de l'UNESCO et adoptée par les Etats membres à l'unanimité en octobre 2005, répond pleinement à ces exigences.

Elle fournit, en effet, un cadre juridique reconnu au niveau international, qui permet de s'assurer que les Gouvernements agissent contre le dopage dans le sport, en coopération avec le mouvement sportif, par des actions nationales et internationales de contrôle, de prévention, d'éducation, de formation et de recherche, et qui apporte un appui au code mondial antidopage et aux normes internationales développées par l'Agence mondiale antidopage, en reconnaissant l'importance de ces documents dans l'harmonisation des politiques et des pratiques au sein du mouvement sportif international.

M. Alain Dufaut, rapporteur pour avis, a conclu que la Convention est nécessaire pour que les gouvernements appliquent les principes déterminés dans le code mondial antidopage et pour faciliter, en conséquence, l'alignement des réglementations internationales et nationales.

Il a constaté que cette volonté d'harmonisation des différentes normes sur le dopage est visible sur plusieurs points. Est ainsi considérée comme une violation des règles antidopage, aux termes de l'article 2 de la convention, mais aussi de l'article 2 du code mondial antidopage, la présence d'une substance interdite, de ses métabolites ou de ses marqueurs dans le corps d'un sportif. C'est le cas le plus courant, celui dans lequel le sportif est « déclaré positif », comme Floyd Landis à la testostérone, par exemple, pour le Tour de France 2006. Il a noté, avec intérêt, que la convention reprend la règle de la responsabilité objective, existant dans le code mondial et en droit français : il y a violation lorsque le sportif a, intentionnellement ou non, fait usage d'une substance interdite, a fait preuve de négligence, ou qu'un autre manquement est survenu. Lorsqu'un échantillon positif a été décelé en compétition, les résultats du sportif dans cette compétition sont automatiquement annulés. Il a rappelé que cette même disposition est inscrite à l'article L. 232-9 du code du sport.

Il a déclaré, par ailleurs, que le refus de se soumettre à un prélèvement d'échantillons, la violation des exigences de disponibilité des sportifs pour les contrôles hors compétition, la falsification d'un élément du processus de contrôle du dopage, le trafic de toute substance et l'administration de produits interdits sont également des violations des règles antidopage. Ce n'est ainsi pas seulement le sportif qui peut être concerné, mais aussi les entraîneurs et médecins, comme dans les affaires Balco et Puerto.

Il a souligné, ensuite, que les articles 3 et 4 de la convention affirment clairement que le code mondial antidopage est le texte de référence en matière de lutte contre le dopage. Aux termes de ces articles, les Etats parties doivent « adopter des mesures appropriées aux niveaux national et international qui soient conformes aux principes énoncés dans le code », et « s'engagent à respecter les principes énoncés dans le code ». Il s'est félicité de ce que la convention ne réinvente pas le droit de la lutte contre le dopage, mais promeuve des principes et des règles déjà existants.

Il a précisé, toutefois, le texte du code ne faisant pas partie intégrante de la convention, qu'il existait donc une réelle marge pour les Etats signataires de la convention entre l'application mot à mot du code et l'application des principes qu'il pose. Il a jugé que cette précision était d'autant plus utile que le code mondial antidopage est un texte amené à être modifié. Aux termes de l'article 4, rien n'empêche en outre les Etats d'adopter des mesures additionnelles ou complémentaires au code. Il s'est réjoui, à ce titre, de ce que la France ait mis en place un dispositif spécifique de lutte contre le dopage animal.

Il a rappelé, en outre, que la convention précise qu'elle ne s'oppose pas aux textes européens en vigueur.

Il a tenu ensuite à souligner que la législation et la pratique françaises répondent pleinement aux exigences de la convention, notamment grâce à l'adoption de la loi du 5 avril 2006. S'agissant de la législation, le droit français a mis en place, d'une part, une autorité indépendante aux compétences accrues, l'Agence française de lutte contre le dopage, et d'autre part, les règles de territorialité prévues par le code mondial antidopage ont également été reprises : les instances internationales ont la compétence pour contrôler les compétitions internationales et les autorités françaises celle de contrôler les manifestions nationales, régionales ou départementales. Il a ainsi expliqué que lors de la prochaine Coupe du monde de rugby, les sportifs contrôlés seraient soumis aux procédures disciplinaires de « l'International Rugby Board » (IRB), et non à celles de la fédération française ou de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD). Cette dernière n'aura comme pouvoirs de contrôle que ceux que lui a délégués l'IRB.

Par ailleurs, il a indiqué que le droit français prévoit, comme la convention dans son article 8 et le code mondial, la délivrance d'autorisations à usage thérapeutique. Il a salué l'opportunité du choix de l'ensemble des acteurs de n'utiliser qu'une liste des substances et procédés dont l'usage peut être autorisé, à savoir celle de l'Agence mondiale antidopage, qui devient un standard international.

Il a remarqué, également, que les prescriptions relatives à l'éducation et la formation en matière de lutte antidopage que comprend la convention sont déjà, pour la plupart, mises en oeuvre en France, grâce aux différentes actions menées par le ministère des sports. Il a salué le soutien de la convention à la politique de recherche sur le dopage. Constatant que le nombre de contrôles augmente et que le nombre de sportifs déclarés positifs diminue, il lui a semblé utile de clarifier les causes de cette situation, notamment en améliorant en permanence la pertinence des contrôles.

Enfin, mettant en valeur un apport original de la convention, il a cité son article 17, qui prévoit la création d'un « Fonds pour l'élimination du dopage dans le sport », alimenté par des contributions volontaires et utilisé pour l'application de la convention.

M. Alain Dufaut, rapporteur pour avis, a informé ses collègues qu'en dépit des nombreuses convergences constatées, la compatibilité entre le code mondial antidopage, largement repris par la convention, et le droit français, a été remise en question par la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale sur deux points.

Le premier point d'achoppement est la fixation par le code mondial antidopage de sanctions automatiques en cas de violation du code (2 ans à la première infraction, suspension à vie à la deuxième). Il a paru à la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale que cela pourrait être contraire au principe de personnalisation et de proportionnalité des peines existant en droit français. M. Alain Dufaut, rapporteur pour avis, a signalé, toutefois que l'article 10.2 du même code prévoit des possibilités d'annulation ou de réduction des périodes de suspension, dans certains cas, ce qui rend certainement compatibles les normes nationale et internationale sur ce point. Il a cependant exprimé le souhait que l'article 10.2 soit clarifié dans le cadre de la procédure de révision du code mondial antidopage, qui devrait aboutir d'ici à la fin de 2007.

Il a évoqué, ensuite, le second point d'achoppement, relatif à la procédure d'appel des décisions disciplinaires. Il a rappelé que, selon l'article 13.2.1 du code mondial antidopage, sont portées en appel devant le tribunal arbitral du sport (TAS) les décisions sanctionnant les violations intervenues lors d'une manifestation sportive internationale, ce qui ne pose pas de problème juridique particulier, mais aussi celles concernant les sportifs internationaux. Or il a remarqué que le droit français n'apporte pas de définition du sportif international et qu'une procédure revenant à faire réformer par une instance étrangère (en fait le tribunal arbitral du sport, et en cassation le tribunal fédéral suisse) une décision prise par une fédération sportive française ou par l'AFLD à l'encontre d'un sportif français, pour une infraction commise sur le territoire français, pourrait être considérée inconstitutionnelle. S'opposant à cette interprétation, le rapporteur pour avis a cité l'argumentation développée par M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse et des sports. Au nom du principe selon lequel « chacun est maître chez soi », les sanctions prises par les fédérations nationales contre un sportif participant à une compétition nationale seront, le cas échéant, frappées d'appel, voire d'un recours en cassation, devant le juge français (tribunal administratif et Conseil d'Etat), selon les règles ordinaires du contentieux administratif. Si la fédération internationale décide à son tour de prendre une sanction contre le sportif incriminé, au motif que ce dernier a participé à une compétition qui, bien que nationale, détermine sa participation à des compétitions internationales (tel est le cas pour les meetings d'athlétisme, par exemple), c'est la chaîne fédération internationale/tribunal administratif du sport /tribunal fédéral suisse qui s'appliquera, que notre droit reconnaît depuis l'intervention de la loi du 5 avril 2006 sur la lutte contre le dopage.

M. Alain Dufaut, rapporteur pour avis, a conclu que les deux chaînes de décision étant autonomes, le principe de souveraineté n'était pas remis en cause. Il a constaté au demeurant que la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale a finalement adopté ce projet de loi, suivie à l'unanimité en séance plénière.

Il a observé, ensuite, que le groupe socialiste a regretté en séance que la commission des affaires culturelles, familiales et sociales n'ait pu, faute de temps, être saisie et s'est par conséquent félicité de ce que la commission des affaires culturelles du Sénat ait pu, quant à elle, donner un avis sur ce texte.

Estimant que le débat juridique engagé ne doit pas amener à repousser l'adoption de ce projet de loi de ratification, il s'est déclaré pleinement favorable au texte, surtout dans un contexte où 41 pays ont ratifié la convention en seulement deux ans, ce qui constitue presque un record en la matière.

Il a soutenu que la ratification permettrait notamment à la France de continuer à jouer un rôle moteur en matière de lutte antidopage et, plus prosaïquement, de participer aux travaux du comité de suivi de la convention, dont les membres seront désignés les 5, 6 et 7 février prochains à Paris. Il a fait observer que la convention entrait en vigueur le 1er février prochain, à la suite de sa ratification par le Luxembourg le 11 décembre dernier, et que la Conférence des parties devrait rapidement désigner les membres d'un comité de suivi.

Il a souhaité rappeler que la procédure d'actualisation du code mondial antidopage, qui devrait aboutir lors de la Conférence mondiale de Madrid, en novembre prochain, devrait être l'occasion de revenir sur l'interprétation des dispositions litigieuses.

M. Pierre Martin s'est inquiété du fait qu'un médecin généraliste faisant un constat de prise de produits dopants n'ait pas l'obligation de transmettre cette information aux autorités de lutte contre le dopage. Il s'est interrogé, ensuite, sur le faible nombre de contrôles positifs relevés sur le tennis et le football comparé au cyclisme, alors même que les calendriers sont très chargés. Il s'est demandé comment les autorités antidopage pouvaient connaître les lieux d'entraînement des sportifs qui sont aujourd'hui extrêmement mobiles à l'international. Il a jugé, enfin, que les sportifs, déclarés positifs devraient perdre plus systématiquement leurs gains, d'autant plus que la médiatisation du contrôle positif peut leur apporter des avantages financiers.

M. Alain Dufaut, rapporteur pour avis, a répondu que la loi du 5 avril 2006 sur la lutte contre le dopage et la santé des sportifs avait largement amélioré le contrôle médical des athlètes. Il a souligné que si un médecin espagnol avait laissé entendre que des footballeurs ont profité de ses services, aucune preuve n'avait été faite à ce jour d'un système généralisé de dopage des footballeurs. Il a rappelé qu'au début de l'année, les sportifs devaient déposer devant les autorités de lutte contre le dopage leur programme et leurs lieux d'entraînement pour l'année. Chaque modification de ce calendrier doit être immédiatement signalée, sous peine de sanctions disciplinaires. Il a relevé, enfin, que certaines fédérations organisaient la procédure de retrait des gains, notant ainsi que le joueur de tennis Mariano Puerta avait dû rembourser une grande partie de ses gains de l'année 2005.

Suivant les conclusions de son rapporteur pour avis, la commission a donné, à l'unanimité, un avis favorable à l'adoption du projet de loi n° 153 (2006-2007) autorisant la ratification de la convention internationale contre le dopage dans le sport.