Mercredi 10 janvier 2007

- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président. -

Agriculture - Elevage ovin - Audition de M. Jean-Marie Aurand, directeur général des politiques économique, européenne et internationale au ministère de l'agriculture, accompagné de M. Jérôme Gauthier, chef du bureau des bovins, ovins et industries de viande

La commission a procédé, dans le cadre du rapport d'information sur l'élevage ovin, à l'audition de M. Jean-Marie Aurand, directeur général des politiques économique, européenne et internationale au ministère de l'agriculture, accompagné de M. Jérôme Gauthier, chef du bureau des bovins, ovins et industries de viande

Après que M. Gérard Bailly, rapporteur, a rappelé le cadre général de l'audition, M. Jean-Marie Aurand a tout d'abord souligné le déclin dont était affecté l'élevage ovin français depuis plusieurs années, malgré les efforts consentis à travers plusieurs plans successifs de soutien ou de relance -le dernier ayant pris fin en 2006- et les actions diverses menées dans le domaine de la génétique, des investissements, de l'appui technique et de l'augmentation de la croissance des troupeaux.

La situation, a-t-il poursuivi, se caractérise par un taux de couverture du marché très faible, de l'ordre de 40 % au niveau national, sachant qu'il est de 80 % au niveau communautaire. L'Europe est déficitaire et importe le reste de la production essentiellement de Nouvelle-Zélande par contingents de 220.000, voire 230.000 moutons, ces flux commerciaux s'expliquant par les accords consolidés dans le cadre du GATT lors de l'entrée du Royaume-Uni dans l'Union européenne. Ce phénomène général de déclin, qui s'est accentué en France ces dernières années malgré le rôle important d'aménagement du territoire de l'élevage ovin, trouve son origine dans les années 1960-70, période à laquelle les exploitations ont commencé à se spécialiser. L'élevage ovin constituait alors un complément de revenu et était essentiellement géré par les grands-parents dans les fermes. A leur décès, le troupeau était supprimé au profit de la constitution d'un troupeau principal, souvent bovin, de lait ou de viande. Au fil des années, les petits élevages, qui représentaient une réelle part de la production, ont connu une véritable hémorragie.

La France compte aujourd'hui 43.000 éleveurs ovins, dont 18.000 possèdent plus de 100 brebis. Ces chiffres témoignent d'un certain degré de spécialisation, plus de 60 % des éleveurs étant en effet marginaux. Sachant par ailleurs que 61 % des exploitants ont plus de 50 ans, il est acquis que cette frange de petits éleveurs âgés est appelée à disparaître.

A M. Gérard Bailly, rapporteur, qui l'interrogeait sur l'existence d'éleveurs ovins n'ayant pas le statut d'agriculteur, M. Jean-Marie Aurand a répondu que de tels cas étaient très rares, l'essentiel des éleveurs étant constitué de petits producteurs. Si 60 % de la production de vaches allaitantes est couverte par les droits à primes, a-t-il continué, le secteur ovin possède quant à lui une marge réelle au niveau national. Le déclin de l'élevage ovin français et communautaire s'explique en partie par la stagnation, voire la baisse de la consommation ovine, du fait notamment du goût prononcé de la viande, peu recherché par les consommateurs actuels.

Il a indiqué que les prix, après de fortes chutes du fait de la crise de la fièvre aphteuse en 2001, avaient retrouvé un niveau correct et s'établissaient à plus de 5 euros au kilogramme. Estimant donc que le niveau des prix ne constituait pas un réel obstacle au développement de la filière, il a préféré expliquer son déclin par le caractère dissuasif du rapport entre la pénibilité du travail et la productivité, jouant en défaveur de l'élevage ovin au regard notamment de la filière bovine.

A M. Gérard Bailly, rapporteur, qui l'interrogeait sur ce point, M. Jean-Marie Aurand a répondu que l'équivalence en unités gros bétail (UGB) était fixée au niveau européen, à un coefficient de 0,15, et qu'elle ne semblait pas pouvoir faire l'objet de révision.

Après que M. Gérard Bailly, rapporteur, a souligné la faiblesse de cet équivalent par rapport au niveau des primes, appelant à trouver des formules permettant d'obtenir leur revalorisation, M. Jean-Marie Aurand a fait remarquer que l'équivalence était un critère technique, et non économique.

M. François Fortassin a observé qu'un troupeau de 300 brebis pouvait être élevé dans des endroits où, à l'inverse, il est impossible d'élever 25 vaches.

M. Jean-Marie Aurand a estimé qu'il s'agissait d'un autre problème, relevant de l'adaptation de l'élevage aux conditions climatiques. Raisonnant à des niveaux potentiels agronomiques comparables, il a considéré qu'il était plus facile, sur deux exploitations de même surface, de conduire un élevage de vaches allaitantes que de moutons, ce qu'il a souligné comme constituant un élément important du débat. Il a rappelé que les plans de relance, qui s'étaient succédé à un rythme triennal ou quinquennal en reprenant pour la plupart les idées des professionnels avec des moyens adaptés, n'avaient pas été pleinement sollicités en raison d'un manque de dynamisme dans le secteur. Se disant convaincu que l'élevage ovin conservait sa place sur le marché et jouait un rôle d'aménagement du territoire essentiel dans certaines régions, il a insisté, pour des raisons démographiques, sur la nécessité impérieuse d'assurer la transmission des exploitations viables, plutôt que de chercher à installer d'hypothétiques nouveaux exploitants. Il a recommandé de veiller à ce que les producteurs ovins spécialisés assurent la transmission de leurs exploitations, par une démarche volontaire de parrainage et un recours facilité à la formation professionnelle. Par ailleurs, il a préconisé une meilleure prise en compte de la pénibilité du travail dans les schémas de développement standardisés, lesquels assurent aujourd'hui le suivi économique de l'exploitation sans intégrer ce problème et ceux de la main d'oeuvre, des charges d'exploitation, des investissements et de la conduite de l'élevage.

Il a également appelé à une révision du système d'appui technique et à la mise au point d'un bilan de la politique menée jusqu'ici consistant à démarquer la production par des signes de qualité. Constatant que les démarches de certification et de labellisation s'étaient multipliées, avec parfois de bons résultats, il a néanmoins conseillé de s'interroger sur leur valorisation réelle et, le cas échéant, les avantages qu'elles procurent. Indiquant qu'il existait une dizaine de labels rouges et de nombreuses certifications conformité produit (CCP), il s'est interrogé sur leur degré de valorisation au regard de l'argent investi pour les accompagner.

Recommandant par ailleurs d'améliorer la valorisation en aval des produits et de favoriser l'acte d'achat, il a cité en exemple la filière bovine, performante dans ce domaine, qui propose des plats cuisinés et des préparations diverses et variées.

Après avoir annoncé que l'identification électronique serait mise en place dès 2008 de manière à disposer d'outils sanitaires, génétiques et de traçabilité efficaces permettant ainsi de mener une véritable politique de segmentation du marché, il a évoqué la question des abattoirs. Estimant satisfaisante leur carte de répartition, il a souligné que les principales régions de production de viande et de lait étaient couvertes et que la capacité d'abattage ne constituait pas un vrai frein au développement de la production ovine, d'autant plus que les chaînes d'abattage ovin sont difficiles à rentabiliser et que le transport des animaux emprunte parfois des circuits sinueux. Plutôt que de mettre en place de nouveaux abattoirs de proximité, il a appelé au renforcement des outils existants afin d'aider les abattoirs à affronter de réels problèmes de rentabilité.

M. François Fortassin ayant fait remarquer que la saisonnalité du produit était une donnée importante, M. Jean-Marie Aurand a acquiescé, soulignant que les régions dans lesquelles la saisonnalité est marquée étaient davantage concernées.

M. Jérôme Gauthier a conseillé d'appuyer les outils existants et d'améliorer la qualité sanitaire.

M. Jean-Marie Aurand a ensuite évoqué le problème lié au différentiel de soutien public dans les primes à l'élevage ovin et bovin ramené à l'UGB, précisant que l'agglomération de toutes les aides des premier et deuxième piliers révélait une différence de soutien de l'ordre de 55 euros par UGB de l'ovin par rapport à la vache allaitante. Il a jugé qu'une compensation de ce différentiel, représentant 30 ou 40 millions d'euros, ne constituerait pas une solution suffisant à elle seule. Notant que la France avait conservé une aide partiellement couplée, il a rapporté que la Commission européenne, qui cherchait à atteindre à mi-parcours un découplage total, devrait être combattue à ce titre, de même que plusieurs Etats membres.

M. Gérard Bailly s'étant interrogé sur les motivations de la Commission européenne à poursuivre un processus de découplage dont il a jugé les résultats peu satisfaisants, M. Jean-Marie Aurand a mis en avant la compatibilité de ce dernier avec les règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), la partie couplée de l'aide ne figurant pas dans la « boîte verte ». Faisant observer que la France avait conservé une partie couplée de 50 %, afin de maintenir la production sur le territoire, il a précisé que le différentiel précédemment évoqué n'était qu'apparent, et qu'il s'effaçait dès lors que l'on ramenait le montant global de l'aide au troupeau, en intégrant les UGB. Appelant donc à relativiser cette prétendue distorsion, il a souligné par ailleurs qu'un éleveur de vaches allaitantes n'obtenait pas forcément de droits à primes, contrairement à un éleveur d'ovins, ces droits étant plafonnés à un niveau bien plus bas en bovins qu'en ovins. Enfin, il a rappelé l'interdiction de recourir à un complément national dans le cadre du premier pilier, n'envisageant donc, pour soutenir économiquement la filière ovine, qu'un renforcement du deuxième pilier sur le thème de l'aménagement du territoire.

M. François Fortassin, rapporteur, a suggéré de valoriser le lien « affectif » entre l'éleveur et son troupeau, qu'il a estimé unique, ainsi que la dimension environnementale de l'élevage.

M. Jean-Marie Aurand a souligné que les difficultés de la filière ne seraient pas résolues seulement avec l'aide et le soutien de l'Etat, en raison de la diversité des facteurs du déclin de l'élevage ovin. Il a appelé à assurer la pérennité de l'exploitation des 18.000 éleveurs spécialisés, en s'engageant dans la voie du parrainage et dans une démarche volontariste.

Précisant qu'il fallait quinze ans pour mettre en place un troupeau, M. François Fortassin, rapporteur, a rapporté une expérience menée par un éleveur dans son village, ayant mis en évidence l'influence positive de l'attention particulière portée par ce dernier à son cheptel.

Approuvant ce constat, M. Jean-Marie Aurand a fait observer la profonde différence entre le mode d'élevage français et celui de l'Australie, dont les exploitations sont très largement extensives et les coûts de production très réduits.

Suite à l'interrogation de M. Gérard Bailly, rapporteur, sur le suivi sanitaire des animaux dans un tel type d'élevage, M. Jérôme Gauthier a indiqué que les pertes étaient nombreuses et les animaux laissés à eux-mêmes. M. Jean-Marie Aurand a ajouté qu'ils étaient regroupés sur une île dont la réglementation de chasse est draconienne, et de ce fait protégés au niveau sanitaire, tout comme en Nouvelle-Zélande. Ces deux pays ont pour ambition de poursuivre leur développement, en demeurant la principale source d'approvisionnement du Royaume-Uni et en s'efforçant d'élargir l'accès au marché communautaire.

M. Gérard Bailly, rapporteur, ayant fait observer que la concurrence mondiale sur le marché de la viande ovine continuerait donc de s'intensifier, M. Jean-Marie Aurand l'a approuvé, tout en soulignant que le niveau des importations en France n'avait pas augmenté globalement. Il a expliqué la crise du secteur par le déclin de la production française -quoique compensé partiellement par la production du Royaume-Uni et de l'Irlande, qui pratiquent aussi l'élevage extensif- ainsi que par la stagnation de la consommation.

M. Gérard Bailly, rapporteur, a suggéré de relancer la consommation en France par des actions de promotion et par la valorisation de la qualité des produits.

M. Jean-Marie Aurand a opiné en ce sens, tout en notant que cela ne profiterait pas qu'à la seule production nationale, l'agneau anglais semblant désormais aussi bon au consommateur que l'agneau français.

Mettant en avant le fait que les producteurs bovins, confrontés au même problème, avaient su le résoudre, M. François Fortassin, rapporteur, s'est dit optimiste.

M. Jean-Marie Aurand a observé que la crise de l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) avait permis aux producteurs et à l'ensemble de la filière bovine de réaliser d'énormes progrès, en favorisant la segmentation de la consommation et de la production et la reconnaissance de la qualité par le consommateur, ce qui n'a pas été le cas dans la filière ovine.

Se rapportant à une expérience familiale, M. François Fortassin, rapporteur, a regretté que les signes de qualité ne soient pas davantage valorisés.

Indiquant qu'il était chargé par le ministère de l'agriculture de faire le point sur l'assurance agricole, M. Dominique Mortemousque s'est dit frappé par l'élargissement des mécanismes liés aux dommages aux animaux en Espagne.

M. Jean-Marie Aurand a expliqué l'évolution de l'assurance agricole en se référant à celle de la PAC, reposant à l'origine sur un système très protecteur de régulation par des prix garantis, progressivement démantelé en restreignant les interventions aux cas de crise extrême tels que l'épisode de grippe aviaire ou de fièvre aphteuse. Devant la nécessité de créer un « filet de sécurité » pour aider le secteur agricole à faire face aux aléas climatiques, le gouvernement français a demandé, à l'occasion de la réforme de la PAC en 2003, l'instauration de mécanismes de gestion de crise. Il a obtenu une déclaration de principe en ce sens au Conseil ainsi que la possibilité de consacrer 20 % des aides classiques du premier pilier à une politique de crise et de régulation du marché, tout en cherchant à convaincre la Commission de mettre en place des instruments nouveaux : caisse de péréquation, retraits préventifs de marchandises, ou encore dispositifs assurantiels. L'Europe est actuellement divisée entre des pays du Sud favorables à ce dernier type d'instruments, et des pays du Nord qui y sont hostiles, estimant que l'agriculture doit assumer les risques sans que les pouvoirs publics interviennent. Si l'Espagne a pris un peu d'avance, la France a encouragé un système assurantiel global dont les principales difficultés restent d'ordre budgétaire, notamment dans la phase d'initialisation, du fait du coût de souscription pour l'agriculture.

M. Jean-Marie Aurand a ajouté que si l'ensemble de ces considérations concernant l'assurance récolte valaient spécifiquement pour les aléas climatiques, elles s'appliquaient également à ceux de nature sanitaire.

Une mission travaillant actuellement sur ce sujet, des éléments de réponse sectoriels devraient être mis au point cette année dans les domaines des fruits et légumes et du vin. Les propositions de réforme de la Commission européenne, à paraître en 2007, devraient en tenir compte et revêtir un caractère horizontal.

M. Dominique Mortemousque a souligné qu'existait en France toute une série d'interventions représentant d'importants financements.

M. Jean-Marie Aurand a préconisé le maintien du système ancien de la solidarité nationale aux côtés de celui, en développement actuellement, de l'assurance récolte.

M. Dominique Mortemousque a pointé l'inéquité entre des exploitants vertueux ayant alimenté les fonds d'assurance sans rien recevoir en contrepartie, et des agriculteurs laxistes n'ayant pas fourni cet effort et ne développant qu'une seule production, certains de bénéficier d'une aide en cas de besoin grâce au système reposant sur la solidarité nationale. Il a jugé les agriculteurs insuffisamment responsabilisés et les critères des assurances problématiques.

M. Jean-Marie Aurand a persisté à juger que les deux systèmes n'étaient pas incompatibles, à condition qu'ils soient soutenus par des fonds communautaires.

M. Jérôme Gauthier a mis l'accent sur les difficultés spécifiques des crises sanitaires qui provoquent des pertes directes liées aux mesures de restriction et des pertes indirectes, pour l'ensemble de la filière, liées à la réaction du marché et à la peur des consommateurs. Les assureurs parviendraient à « gérer » le premier cercle des éleveurs, relativement structuré, mais sont démunis face aux réactions des consommateurs dont les variables psychologiques invalident toute prévision, le système assurantiel ne pouvant répondre à l'ensemble des besoins de la profession.

M. Jean-Marie Aurand a jugé nécessaire d'élargir les possibilités d'intervention au niveau communautaire et d'obtenir qu'elles ne soient pas plafonnées.

A M. Gérard Bailly, rapporteur, qui l'interrogeait sur l'organisation économique de la filière ovine, M. Jean-Marie Aurand a répondu qu'elle faisait l'objet d'un débat entre ceux estimant qu'elle constituait un échec et ceux jugeant qu'elle représentait une voie d'avenir. Pour sa part, il a considéré que certaines organisations de producteurs étaient des coopératives efficaces jouant pleinement leur rôle et contribuant à organiser la production et la mise en marché, tandis que d'autres se révélaient inefficaces. Estimant que les deux systèmes -celui de la coopération d'une part, et celui de la mise directe sur le marché de l'autre- avaient leur place et coexistaient déjà, il y a vu la source d'une saine émulation dans certaines régions.

M. Jérôme Gauthier a jugé que les organisations de producteurs, dont il a reconnu qu'elles avaient contribué à renforcer l'appui technique, n'avaient pas vocation à couvrir l'intégralité de la production ovine, la concurrence entre différentes structures restant souhaitable.

M. Jean-Marie Aurand a précisé que les organisations de producteurs avaient également contribué à structurer la recherche génétique.

M. Gérard Bailly, rapporteur, a relevé que les éleveurs ovins étaient plus individualistes que les céréaliers ou les laitiers.

Convenant de l'insuffisant degré d'organisation, M. Jean-Marie Aurand a reconnu l'importance du déséquilibre permanent dans le rapport de force entre le secteur de la production et celui de la distribution. Il a souligné que les pouvoirs publics soutenaient les organisations de producteurs, à charge pour elles de démontrer leur efficacité économique.

M. Dominique Mortemousque a jugé leur bilan incontestablement positif dans le domaine de la génétique et sur les aspects techniques, mais bien moins satisfaisant en termes de réactivité commerciale et d'implication. Il a préconisé une plus grande responsabilisation des acteurs ajoutant que la concentration de la distribution ces dernières années avait rendu encore plus criante l'insuffisante organisation de la production.

Convenant que les organisations de producteurs avaient beaucoup apporté en technique et en génétique M. Jean-Marie Aurand a souligné qu'il leur était impossible de « tricher » avec le marché et que les éleveurs se tournaient directement vers ce dernier si elles s'avéraient inefficaces.

M. Dominique Mortemousque ayant jugé que la plupart des certifications de conformité produits (CCP) étaient pilotées par la grande distribution, M. Jean-Marie Aurand a indiqué qu'il s'agissait d'un point complexe au sujet duquel la discussion sur la loi d'orientation agricole avait duré longtemps avant que soit trouvé un équilibre.

M. Gérard Bailly, rapporteur, a remercié M. Jean-Marie Aurand pour sa présentation. Il a indiqué qu'il chercherait, dans le cadre du rapport d'information, à étudier les pôles d'excellence rurale et à favoriser l'apprentissage et la formation de la main-d'oeuvre.

M. Jean-Marie Aurand l'a informé que quelques-uns de ces pôles s'étaient engagés dans la filière ovine, ajoutant que des productions suivant des circuits courts et localisés survivaient encore, tout comme des productions de niche. Convenant de l'importance des aspects liés à l'insertion professionnelle, il a réitéré son invitation à favoriser la transmission des exploitations par le biais du parrainage.

Agriculture - Elevage ovin - Audition de Mme Marie-Agnès Vibert, sous-directrice des exploitations agricoles au ministère de l'agriculture

La commission a ensuite auditionné, toujours dans le cadre du rapport d'information sur l'élevage ovin, Mme Marie-Agnès Vibert, sous-directrice des exploitations agricoles au ministère de l'agriculture.

M. Gérard Bailly, rapporteur, a remercié l'intervenante de sa présence et lui a précisé le contexte de son audition, avant de lui céder la parole.

Mme Marie-Agnès Vibert a tout d'abord tenu à excuser l'absence de M. Alain Moulinier, directeur général de la forêt et des affaires rurales, mandaté par le ministre en charge de l'agriculture pour le représenter auprès des institutions communautaires.

Elle a ensuite indiqué que plusieurs dispositifs gérés par la direction générale de la forêt et des affaires rurales (DGFAR) concouraient, au sein du ministère en charge de l'agriculture, au soutien de l'élevage extensif. Ainsi, dans le cadre du premier pilier de la PAC, ont été mises en place des aides à vocation structurelle cofinancées par l'Union européenne et les fonds nationaux, dans le but d'améliorer la structuration de la production agricole, y compris dans le secteur de l'élevage ovin.

La prime herbagère agro-environnementale (PHAE), principal dispositif à vocation environnementale, a succédé à la prime à l'herbe instaurée en 1992 sous la forme d'une prime fixée à l'hectare, cofinancée par l'Union européenne jusqu'en 2003. Il s'agit d'une prime pluriannuelle de cinq ans, laps de temps nécessaire pour s'assurer d'un effet durable sur l'environnement. Reposant sur l'engagement des agriculteurs à gérer leurs terres selon certains principes tels que le non-retournement des prairies permanentes et le retournement limité des prairies temporaires, elle s'est vue conditionnée, afin d'assurer le caractère extensif des élevages, à un taux de chargement maximum. D'un point de vue environnemental, les exploitations s'engagent à limiter la fertilisation. Lancé en 2003, le dispositif prendra fin cette année, une réflexion étant actuellement menée sur le dispositif qui lui succèdera pour une nouvelle période de 5 ans à partir de 2008. Ce dernier devrait en être très proche, tout en cherchant à la simplifier. Il existe en effet aujourd'hui de multiples cahiers des charges différents selon les départements, voire au sein même d'un département. La prochaine génération d'aides s'appuiera sur un cahier des charges uniformisé sur toute la France. Un montant unique de 76 euros par hectare a été fixé. Les remarques de la Commission européennes ont été anticipées pour donner toutes les chances à cette nouvelle prime d'être acceptée, notamment en renforçant son incidence environnementale : le cahier des charges inclut désormais le maintien d'éléments de biodiversité -bosquets, mares, haies à maintenir et non à supprimer, prairies remarquables d'un point de vue environnemental devant représenter 20 % de la surface d'exploitation-.

Notant que ces éléments étaient auparavant exclus des surfaces primées, au risque pour l'éleveur d'être pénalisé, M. Gérard Bailly, rapporteur, a demandé à l'intervenante s'il était possible de les inclure de nouveau dans les surfaces primées.

Mme Marie-Agnès Vibert lui a répondu de façon affirmative, lesdits éléments étant éligibles.

A M. François Fortassin, rapporteur, qui remarquait la complexité du dispositif, Mme Marie-Agnès Vibert a indiqué que l'intention du ministère était de faire en sorte que l'exploitant puisse justifier lors d'un contrôle la présence de mares, de haies ou de bosquets dans son exploitation, afin de rendre possible le calcul de l'équivalent en surface, converti en hectares.

M. François Fortassin, rapporteur, a jugé peu cohérent d'avoir, par le passé, recommandé aux éleveurs de faire disparaître les mares et les haies, avant de les encourager désormais à les conserver.

Mme Marie-Agnès Vibert a indiqué qu'il leur avait été conseillé dès 2003 de ne pas les supprimer, mais au contraire de les maintenir en raison de leur intérêt environnemental, la politique actuellement menée s'inscrivant donc cette continuité.

Rapportant le moral dégradé des éleveurs, M. François Fortassin, rapporteur, a dit craindre qu'ils ne reçoivent mal ces nouvelles directives et ne perçoivent les directions départementales de l'agriculture (DDA) uniquement comme des organismes de contrôle. S'il est toujours intéressant de proposer une prime, a-t-il ajouté, il faut tenir compte de ces différents éléments ; la disparition d'un élevage ovin supprimerait le problème, mais ne jouerait pas en faveur de la biodiversité.

Mme Marie-Agnès Vibert l'a assuré que l'administration s'attachait à ce que cette contrainte n'exclue pas les bénéficiaires actuels, tout en simplifiant le cahier des charges et en limitant les points de contrôle, au sein d'un dispositif allégé.

M. François Fortassin, rapporteur, a jugé que les éleveurs, déjà démoralisés dans leur activité, risquaient fort de percevoir ces modifications comme des contraintes supplémentaires et être tentés de les refuser.

S'appuyant sur un exemple familial, M. Gérard Bailly, rapporteur, l'a approuvé, en faisant remarquer que l'administration demandait aujourd'hui aux exploitants de réintégrer ce qu'ils avaient dû faire disparaître. Il a interrogé l'intervenante sur les modalités de la prise de décision au niveau communautaire.

Mme Marie-Agnès Vibert a rapporté que la Commission européenne n'accepterait plus la PHAE sous sa forme actuelle et préconisait de mettre en oeuvre des mesures environnementales plus exigeantes, en complément de l'indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN).

M. Gérard Bailly, rapporteur, a estimé que le dispositif de remplacement évoqué semblait moins strict que le précédent, en n'exigeant pas l'entretien des haies, par exemple. Il a jugé qu'un tel changement d'attitude pourrait être mal perçu par les instances communautaires.

Notant que l'entretien des haies devait figurer dans les contrats, M. Gérard Bailly, rapporteur, a considéré que les exigences se contredisaient parfois de façon absurde.

Mme Marie-Agnès Vibert a indiqué que l'ICHN devait être renégociée avec la Commission européenne pour la période 2007-2013. Elle a souligné l'espoir de la France d'obtenir son accord sans proposer de modifications, étant donné que tous les gouvernements avaient fixé au Conseil un rendez-vous en 2010 pour modifier le zonage. La Commission, a-t-elle toutefois ajouté, critique sévèrement les zones défavorisées simples qui doivent être redéfinies, les gouvernements devant déterminer celles qui méritent d'être ainsi répertoriées et celles qui ne peuvent plus y prétendre. Le Gouvernement entend modifier le moins possible l'ICHN, tout en veillant à la revaloriser régulièrement, de 5 % en général et de 25 % en zones de montagne. Les zones défavorisées simples étant fortement critiquées par la Commission, il ne souhaite en effet pas approfondir ce point, et se limitera à des modifications marginales consistant essentiellement en des simplifications de détails.

A M. Gérard Bailly, rapporteur, qui l'interrogeait sur la répartition de la participation financière entre Etat et Union européenne, Mme Marie-Agnès Vibert a indiqué qu'elle était paritaire et que le Gouvernement espérait obtenir pour la période 2007-2013 un financement provenant à 55 % de l'Union Européenne et à 45 % du niveau national, comme l'autorise le nouveau règlement en matière de mesures environnementales. Elle a précisé que le montant de l'ICHN était défini à l'hectare et qu'elle représentait 500 millions d'euros en 2006, dont les trois quarts ont été attribués à des zones de montagne et le quart à des zones défavorisées simples. Elle a souligné que le montant en était plus élevé pour les ovins en raison du dispositif de transhumance ovine.

A M. Gérard Bailly, rapporteur, qui l'interrogeait sur ce point, Mme Marie-Agnès Vibert a répondu qu'elle s'appliquait, non pas uniquement sur les 25 premières UGB, mais sur l'intégralité du cheptel.

Observant que les autres primes ne faisaient pas de différences entre ovins et bovins, M. François Fortassin, rapporteur, lui a demandé ce que l'ICHN représentait pour les ovins spécifiquement.

Mme Marie-Agnès Vibert a indiqué que la PHAE n'établissait pas de différence pour la période 2007-2013 et que le montant était défini à l'hectare, dès lors que le minimum n'était pas atteint. L'ICHN, a-t-elle poursuivi, représente un revenu à l'hectare depuis 2001. Toute différenciation selon la nature du bétail est interdite. Il serait possible de contourner ce problème en proposant une surprime pour le bétail transhumant, en grande majorité ovin, à condition de ne pas la dénommer « prime ovine ».

Observant que l'élevage ovin était un élevage environnemental par excellence, M. François Fortassin, rapporteur, a estimé que la Commission européenne devrait y être davantage sensible, en raison de ses préoccupations écologiques.

Mme Marie-Agnès Vibert a souligné que la Commission fondait son approche, non pas sur le type d'espèce, ce qui serait discriminatoire, mais sur l'impact environnemental éventuel des pratiques agricoles.

Notant que l'élevage ovin était la dernière activité avant la friche du fait que les moutons peuvent accéder à des pâturages inaccessibles aux bovins, M. François Fortassin, rapporteur, a insisté sur le fait que l'Etat français comme l'Union européenne devraient davantage en tenir compte.

Mme Marie-Agnès Vibert a indiqué qu'il était impossible de faire prendre en compte cet élément ainsi, et qu'il fallait nécessairement parvenir à le caractériser par d'autres arguments, liés soit aux zones, soit aux pratiques, mais en aucun cas à la race.

M. François Fortassin, rapporteur, a rapporté que 80 % des exploitations des Pyrénées élevaient les deux types de troupeaux, ovin et bovin, très peu étant spécialisées dans un seul type de bétail. Il a cependant précisé que ces animaux ne pâturaient pas sur les mêmes espaces.

Mme Marie-Agnès Vibert a estimé que le suivi d'une telle logique impliquait un zonage très complexe, en fonction duquel serait accordé un montant précis d'ICHN. Elle a estimé qu'il serait impossible de convaincre la Commission sur la base d'une argumentation où la prime serait liée à l'espèce, car elle ne constituerait alors plus une aide découplée ressortant de la « boîte verte ».

M. François Fortassin, rapporteur, ayant fait remarquer que son argumentation reposait, non sur l'espèce, mais sur le fait de faire pâturer du bétail sur des zones fragiles, Mme Marie-Agnès Vibert a indiqué qu'il faudrait alors établir un zonage rassemblant de tels espaces fragiles.

Faisant observer que les zones de montagne, définies comme telles à partir de 600 mètres, n'étaient pas accessibles à d'autres animaux que les ovins, M. Gérard Bailly, rapporteur, a estimé qu'il y avait sans doute moyen de s'appuyer sur ce critère pour définir de façon non discriminatoire une aide qui, matériellement, profiterait à l'élevage ovin.

M. François Fortassin, rapporteur, a regretté que la suppression des ovins de certaines zones de transhumance dans les Alpes et dans les Pyrénées ne les transforme systématiquement en zones d'avalanche, alors que leur présence permettait, du fait qu'ils y broutaient l'herbe, de favoriser l'adhésion de la neige au sol.

Mme Marie-Agnès Vibert a estimé qu'il serait opportun de définir des zones à risque pour cibler une surprime liée à ce type de zone.

A M. Gérard Bailly, rapporteur, qui l'interrogeait sur la prise en compte des contrats Natura 2000 dans ce dispositif, Mme Marie-Agnès Vibert a répondu qu'ils pouvaient s'ajouter à d'autres types de contrats sur une même surface. A titre d'illustration, une surface herbeuse ayant droit à la PHAE pour un montant de 76 euros par hectare peut souscrire un contrat Natura 2000 et obtenir ainsi un montant d'aides de 150 à 200 euros par hectare, en contrepartie toutefois d'un cahier des charges plus contraignant.

M. François Fortassin, rapporteur, a rapporté que les stations de ski espagnoles rémunéraient les bergers dont l'activité permettait l'entretien des pistes. Il a également souligné la nécessité d'une réflexion sur l'utilisation des contrats Natura 2000.

Mme Marie-Agnès Vibert a souligné que le plan de modernisation des bâtiments d'élevage (PMBE) n'établissait pas de distinction selon les espèces. Adopté en 2005 et poursuivi en 2006, il s'avère victime de son succès, les demandes dépassant les moyens disponibles, bien que l'enveloppe budgétaire soit la plus importante jamais accordée par l'Etat au secteur de l'élevage. 200 millions d'euros ont ainsi été engagés depuis le début du plan, provenant de l'Etat et de l'Union Européenne, complétés à hauteur de 100 millions d'euros par les collectivités territoriales. Malgré cette enveloppe globale de 300 millions d'euros, 5.000 à 6.000 dossiers n'ont pu être traités. En 2007, l'effort sera poursuivi, l'Union européenne et l'Etat prévoyant de verser 120 millions d'euros.

M. François Fortassin, rapporteur, a souligné l'absence d'effluents en élevage ovin, seuls de la paille et de la litière étant requis. M. Gérard Bailly, rapporteur, a fait remarquer qu'il en résultait un nombre bien moins élevé de mises aux normes.

Mme Marie-Agnès Vibert a opiné, en rapportant n'avoir reçu que 6 % de dossiers concernant le PMBE pour l'élevage ovin.

M. François Fortassin, rapporteur, a indiqué que la plupart des élevages de grande taille avaient déjà réalisé leurs installations, mais ne pratiquaient pas l'élimination des effluents.

Mme Marie-Agnès Vibert a confirmé qu'ils étaient en effet beaucoup moins concernés par le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole (PMPOA). Elle a précisé que ce dispositif arrivait à terme, du fait de l'obligation de mettre aux normes toutes les exploitations avant la fin de l'année 2006, ajoutant que les dossiers acceptés en 2007 seraient les derniers.

M. Gérard Bailly, rapporteur, l'a interrogée sur le seuil de fixation de l'obligation de mise aux normes, disant craindre que les éleveurs ne s'abstiennent de la respecter dès lors qu'ils seront privés d'aides, au risque d'abandonner leur exploitation face au montant des taxes à payer.

Mme Marie-Agnès Vibert a indiqué que le ministère continuerait à prendre en charge les jeunes éleveurs pour une période de trois ans, et aiderait également les éleveurs situés dans les zones récemment définies comme vulnérables. A M. Gérard Bailly, rapporteur, qui l'interrogeait sur l'existence d'aides à la mise en marché et au soutien des cours, elle a répondu que ces dispositifs relevant, au sein du ministère en charge de l'agriculture, de la direction générale des politiques économique, européenne et internationale (DGPEI), avaient vu leur nombre diminuer au cours des dernières années.

Prenant l'exemple de la filière bovine, qui avait été capable de traverser une grave crise en faisant preuve d'imagination, M. François Fortassin, rapporteur, a dit espérer la même issue favorable pour la filière ovine.

A M. Gérard Bailly, rapporteur, qui l'interrogeait sur le degré de sensibilisation des institutions européennes aux problématiques de l'élevage ovin, Mme Marie-Agnès Vibert a répondu que si l'Union européenne avait conscience de la nécessité d'aider la filière ovine à se maintenir plutôt que de la laisser disparaître, l'idée d'une aide ovine spécifique n'était pas encore à l'ordre du jour.

M. François Fortassin, rapporteur, s'est dit interloqué par l'absence de prise en compte de la spécificité environnementale de l'élevage ovin. Il a estimé que la production de viande ovine, même diminuant, était en mesure de satisfaire la demande.

Mme Marie-Agnès Vibert a indiqué que l'élevage ovin bénéficiait en grande partie de l'ICHN, de nombreux élevages étant concentrés dans les zones difficiles, et que la Commission européenne considérait cette réponse comme suffisante.

M. François Fortassin, rapporteur, a jugé qu'elle ne l'était en rien. Il a souligné que l'abandon par les éleveurs possédant un troupeau bovin et un troupeau ovin de ce dernier, en raison de sa moindre rentabilité, avait des conséquences néfastes sur la préservation des paysages.

A M. Gérard Bailly, rapporteur, qui requérait de sa part d'éventuels propositions et conseils, Mme Marie-Agnès Vibert a spécifié que la direction dont elle relevait raisonnait globalement et non pas par filière, en concevant des politiques horizontales et structurelles. Elle a néanmoins suggéré de travailler sur le zonage, et notamment les zones difficiles, afin d'y prendre en compte l'apport positif des ovins. Pour les cas particuliers, a-t-elle indiqué, les mesures agro-environnementales offrent une rémunération substantielle en échange d'indemnités environnementales importantes.

Elle a annoncé que le ministère développait, pour la prochaine programmation, un nouveau cadre de mesures agro-environnementales adaptées aux territoires en ayant le plus besoin. Elle y a vu une occasion à saisir pour l'élevage ovin, en cherchant à le positionner sur certaines zones concernées par des mesures agro-environnementales bien rémunérées prenant en compte sa spécificité ovine. Néanmoins, elle a jugé que persisteraient des difficultés budgétaires. Si des sommes importantes sont affectées à l'ICHN et à la PHAE, les montants affectés aux mesures de nature plus environnementales comme Natura 2000 ou ciblées sur les zones pour lesquelles est attendu un apport environnemental supérieur sont faibles, seuls 25 millions d'euros étant mobilisés à cet effet. Il serait sans doute opportun, a-t-elle conclu, de réfléchir à quelques mesures agro-environnementales qui, sans être extensibles à l'infini, peuvent être ciblées sur les zones en ayant besoin et ainsi adaptées au secteur ovin.

M. François Fortassin, rapporteur, s'est dit très sensible au fait que le ministère en charge de l'agriculture prenne conscience de cette réalité. Il a insisté sur l'existence d'un certain nombre d'élevages de plus de 100 brebis, concernant environ 200 personnes par département, dont la pérennité de l'activité se trouve menacée, en provoquant d'importants problèmes sociaux et humains. S'il a estimé possible de les gérer, il a jugé que la suppression de l'élevage ovin en France obligerait à débloquer des financements importants de remise en état des terrains fragiles et des paysages.

Mardi 16 janvier 2007

- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président. -

Nomination d'un rapporteur

La commission a tout d'abord désigné M. Pierre Hérisson rapporteur sur sa proposition de résolution n° 148 (2006-2007) sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 97/67/CE en ce qui concerne l'achèvement du marché intérieur des services postaux de la communauté (E 3285).

La commission a ensuite décidé de fixer le délai limite au mardi 30 janvier à 12 heures pour le dépôt des amendements à la proposition de résolution.

Entreprises et établissements publics - Création d'un établissement public de gestion des équipements publics du quartier d'affaires dit de « La Défense » - Examen des amendements

Puis la commission a examiné les amendements à ses conclusions sur la proposition de loi n° 140 (2006-2007) portant création d'un établissement public de gestion des équipements publics du quartier d'affaires dit de « La Défense ».

M. Dominique Braye, rapporteur, a rappelé que, lors de la présentation de son rapport, le 10 janvier, il avait indiqué que le Gouvernement serait vraisemblablement conduit à déposer un amendement visant à rétablir les dispositions de la proposition de loi de M. Roger Karoutchi, que les conclusions de la commission ne pouvaient reprendre en raison des règles de recevabilité financière des initiatives parlementaires.

Après avoir souligné que l'interrogation principale tenait à la méthode que le Gouvernement allait retenir (soit un amendement rétablissant le dispositif, soit un amendement demandant une habilitation législative pour procéder par ordonnance), il a relevé qu'avec l'amendement n° 1, le Gouvernement avait choisi la première solution, les analyses menées par ses services, ceux du ministère de l'équipement comme ceux de la direction générale des collectivités locales, ayant démontré la viabilité juridique du dispositif envisagé.

Il a observé que celui-ci reprenait en effet, pour l'essentiel, le mécanisme adopté par le Parlement lors de la réforme du Syndicat des transports d'Ile-de-France (le STIF), en particulier sur les trois points qui pouvaient susciter quelques interrogations : la création d'un établissement public local par la loi, la composition du conseil d'administration et la procédure retenue pour modifier la répartition des contributions obligatoires des membres.

S'agissant du premier point, M. Dominique Braye, rapporteur, a rappelé que l'article 38 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales avait retiré l'Etat du conseil d'administration du STIF, qui n'est donc plus qu'un établissement public local, similaire à ce que sera l'établissement public de gestion du quartier d'affaires de La Défense aux termes des articles L. 328-1 et L. 328-5 du code de l'urbanisme tels qu'ils sont proposés par l'amendement n° 1. Ce précédent exclut donc tout problème de constitutionnalité sur ce point, le Conseil constitutionnel ayant validé la disposition relative au STIF lors de son examen de la loi du 13 août 2004 (décision n° 2004-503 du 12 août 2004).

En ce qui concerne la composition du conseil d'administration du nouvel établissement public de gestion, la question pouvait se poser de savoir si le fait que le département des Hauts-de-Seine dispose de la majorité des sièges, comme le prévoit la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 328-5 du code de l'urbanisme, posait un problème au regard des relations entre collectivités territoriales. Là encore, l'exemple du STIF apporte clairement la réponse, puisque la région Ile-de-France détient 15 des 29 sièges du conseil d'administration du STIF, ce que ni le Conseil d'Etat, ni le Conseil constitutionnel n'ont contesté.

Restait enfin la fixation d'une majorité qualifiée des deux tiers des voix pour procéder à une modification de la répartition initiale des contributions des collectivités territoriales membres de l'établissement public visant à couvrir ses charges. Cette majorité est également prévue par la loi de 2004 pour le STIF, et a du reste été confirmée par la loi n° 2006-438 du 14 avril 2006 relative au fonctionnement du STIF.

Observant que ces raisons avaient conduit le Gouvernement à déposer l'amendement n° 1, M. Dominique Braye, rapporteur, a précisé que celui-ci présentait quelques différences mineures avec le texte des articles 1 à 9 de la proposition de loi déposée par M. Roger Karoutchi, différences qui étaient pour l'essentiel rédactionnelles et amélioraient pleinement la clarté et le caractère opérationnel du dispositif. En outre, celui-ci est codifié dans le code de l'urbanisme, ce qui n'était pas le cas avec la proposition de loi initiale. Enfin, l'amendement du Gouvernement ajoute à l'article L. 328-5 un élément nouveau, que M. Dominique Braye, rapporteur, a jugé intéressant : la création d'un comité consultatif représentant les personnes physiques et morales utilisatrices régulières des équipements et espaces publics gérés par l'établissement public. Ce comité sera consulté, à un rythme fixé par le conseil d'administration et au moins annuel, sur les orientations retenues par l'établissement public pour l'exercice de ses compétences.

Puis M. Dominique Braye, rapporteur, a expliqué que l'amendement n° 2 visait à supprimer le gage de la proposition de loi, c'est-à-dire son article 3, et que l'amendement n° 3 était un amendement de conséquence visant à modifier l'intitulé de la proposition de loi pour tenir compte de la création de l'établissement public de gestion du quartier d'affaires de La Défense.

En conclusion, il a invité ses collègues à donner un avis favorable à chacun de ces trois amendements.

M. Jean Desessard s'est interrogé sur la méthode de travail à laquelle était soumis le Sénat, observant qu'après que la commission eut vidé la proposition de loi initiale d'une partie essentielle de sa substance, un amendement du Gouvernement venait la rétablir, rendant problématique l'exercice du droit d'amendement par les parlementaires. Relevant que ceux-ci ne disposaient donc plus que de 48 heures, seulement, pour déposer d'éventuels sous-amendements, il a estimé que cette contrainte ne répondait guère aux exigences posées par le Conseil constitutionnel en matière de temps laissé aux parlementaires pour exercer leur droit d'amendement et qu'elle n'honorait pas la démocratie.

Tout en reconnaissant que l'examen de la proposition de loi, entre son dépôt juste avant Noël et son passage en séance publique à la mi-janvier, avait été mené très rapidement et dans des conditions difficiles, M. Jean-Paul Emorine, Président, a estimé que le travail du rapporteur avait permis d'apporter à la commission tous les éléments utiles à sa compréhension du texte et de ses enjeux. S'agissant plus particulièrement de l'amendement principal de la série déposée par le Gouvernement, il a d'abord relevé qu'il reprenait pour l'essentiel le dispositif suggéré par la proposition de loi initiale, que les sénateurs avaient eu le temps d'examiner attentivement. En outre, il a observé que les sous-amendements qui pourront être déposés d'ici à jeudi après-midi auront techniquement autant d'efficacité que s'il s'était agi d'amendements à un texte de la commission.

Après avoir rappelé qu'il avait évoqué dès la semaine dernière la perspective d'un amendement du Gouvernement rétablissant le dispositif des articles 1er à 9 de la proposition de loi de M. Roger Karoutchi, sur les objectifs desquels il s'était déclaré favorable, M. Dominique Braye, rapporteur, a estimé que ce dispositif était relativement simple et observé qu'à la différence des amendements, les sous-amendements n'étaient soumis à aucun délai limite, même s'il convenait, pour permettre leur examen satisfaisant par la commission, qu'ils puissent être déposés avant l'examen du texte.

Puis M. François Fortassin a demandé comment serait déterminée la clé initiale de répartition des contributions entre les différentes collectivités membres du nouvel établissement public de gestion, clé qui pourrait être ultérieurement modifiée par un vote de son conseil d'administration à la majorité qualifiée des deux tiers.

En réponse, M. Dominique Braye, rapporteur, a fait observer que l'article L. 328-6 du code de l'urbanisme prévoyait que la répartition initiale des contributions serait fixée par les statuts de l'établissement public et qu'en vertu de l'article L. 328-5, lesdits statuts seraient fixés par décret en Conseil d'Etat. Il a ajouté que, selon les indications qui lui avaient été données, la répartition initiale serait fixée à hauteur de 50 % pour le conseil général des Hauts-de-Seine et de 25 % pour chacune des deux communes de Courbevoie et de Puteaux.

Enfin, à M. Jean Desessard qui l'interrogeait sur la perspective d'examen des éventuels sous-amendements par la commission, le président Jean-Paul Emorine a indiqué que si ceux-ci étaient déposés avant le début de l'examen des conclusions de la commission en séance publique, une suspension de séance serait demandée à l'issue de la discussion générale pour réunir la commission et les examiner, ce que M. Dominique Braye, rapporteur, a confirmé souhaiter.

Puis, conformément aux propositions de son rapporteur, la commission a donné un avis favorable, le groupe socialiste et le groupe communiste républicain et citoyen votant contre, à :

- l'amendement n° 1 visant à insérer un article additionnel après l'article 1er pour créer un établissement public de gestion du quartier d'affaires de La Défense (articles L. 328-1 à L. 328-10 nouveaux du code de l'urbanisme) ;

- l'amendement n° 2 de suppression de l'article 3 (gage) ;

- l'amendement n° 3 tendant à compléter l'intitulé de la proposition de loi.

Evolution de la situation d'EADS - Désignation de rapporteurs

La désignation de rapporteurs pour le rapport d'information sur l'évolution de la situation d'EADS a été reportée.

Jeudi 18 janvier 2007

- Présidence de M. André Ferrand, président d'âge. -

Entreprises et établissements publics - Création d'un établissement public de gestion des équipements publics du quartier d'affaires dit de « La Défense » - Examen des sous-amendements

La commission a examiné les sous-amendements à l'amendement n° 1 du Gouvernement, tendant à insérer un article additionnel après l'article 1er (articles L. 328-1 à L. 328-10 nouveaux du code de l'urbanisme), sur les conclusions de la commission sur la proposition de loi n° 140 (2006-2007) portant création d'un établissement public de gestion des équipements publics du quartier d'affaires dit de « La Défense ».

A titre liminaire, M. Dominique Braye, rapporteur, a rappelé que, lors de l'examen des amendements extérieurs, l'avant-veille, le président Jean-Paul Emorine et lui-même s'étaient engagés à faire examiner par la commission les éventuels sous-amendements déposés sur les amendements du Gouvernement, en convoquant une réunion à l'issue de la discussion générale de la proposition de loi en séance publique.

Puis, après que M. Jean Desessard eut indiqué qu'il retirait le sous-amendement n° 5 qu'il avait présenté avec plusieurs de ses collègues pour modifier la composition du conseil d'administration de l'établissement public d'aménagement de La Défense (EPAD), afin notamment de diminuer la représentation actuellement majoritaire de l'Etat et de supprimer celle des villes de Paris et de Nanterre et des départements de la région d'Ile-de-France, à l'exception de celui des Hauts-de-Seine, la commission, suivant les recommandations de son rapporteur, a donné un avis défavorable aux sous-amendements suivants des mêmes auteurs :

- le n° 4, visant à transformer l'EPIC de gestion en établissement public de l'Etat et à y faire participer par ailleurs la région d'Ile-de-France ;

- après des interventions de MM. André Ferrand, président d'âge, Dominique Braye, rapporteur, Jean Desessard, Michel Houel et Yannick Texier, le n° 9, proposant de soumettre au respect de normes de haute performance énergétique le bénéfice des aides publiques susceptibles d'être mises en oeuvre lors d'opérations menées sur le site de La Défense ;

- le n° 6, tendant à faire participer le nouvel EPIC à l'effort de construction de logements sociaux dans la région d'Ile-de-France ;

- le n° 7, visant à le faire participer également au budget du Syndicat des transports d'Ile-de-France ;

- le n° 8, proposant d'imposer aux communes de Puteaux et Courbevoie la construction de 25 % de logements sociaux, au motif qu'elles sont membres de l'EPIC ;

- et enfin le n° 10, tendant à abroger l'article 151 de la loi de finances rectificative pour 2006, récemment adopté pour exonérer partiellement de la redevance sur les bureaux les opérations de reconstruction d'un immeuble dans la région d'Ile-de-France.