Mercredi 10 janvier 2007

- Présidence de M. Gérard Bailly, président du groupe d'études « Elevage ». -

Elevage ovin - Audition de M. Yves Simon, député, et de M. Raymond Figuet, ingénieur du Génie rural des eaux et forêts (Gref)

La commission a procédé, dans le cadre du rapport d'information sur l'élevage ovin, à l'audition de M. Yves Simon, député, accompagné de M. Raymond Figuet, ingénieur du Génie rural des eaux et forêts (Gref).

M. Yves Simon a d'abord souhaité décrire la situation difficile de l'élevage ovin, telle qu'elle résultera du rapport sur le sujet qu'il remettra prochainement au Premier ministre. La mise en place des droits à paiement unique (DPU) a, d'après lui, posé problème. En effet, ceux-ci s'élèvent, dans les zones herbagères, à environ 80 euros par hectare, alors qu'ils sont de 160 à 180 euros en bovins allaitants, et qu'ils atteignent même parfois plus de 350 euros en céréales.

Par ailleurs, a-t-il poursuivi, la production ovine est relativement disparate sur le territoire français. La filière enregistre des pertes de parts de marché depuis 20 ou 30 ans, de même qu'une réduction des droits à produire, l'image de la profession s'en trouvant dévalorisée.

M. Yves Simon a indiqué s'être rendu dans une coopérative, où il a pu constater que 20 % seulement des producteurs étaient spécialisés et que la section bovine renflouait la section ovine à hauteur de 100.000 euros par an. Il a estimé que ce manque d'organisation ne pourrait longuement perdurer, jugeant que la difficulté résidait dans un niveau de charges excessif, ainsi que dans le faible montant de l'aide aux ovins allaitants par rapport à celui octroyé aux bovins allaitants.

Il a par ailleurs souligné que l'élevage du mouton présentait un caractère très technique, bien plus que celui du bovin allaitant, et ce, pour des raisons tant sanitaires que génétiques. De plus, la production n'est pas répartie de manière équilibrée sur l'année : de forts pics d'activité succèdent à des périodes de très faible production, obligeant à recourir à l'importation. Or, celle-ci tend à tirer les prix vers le bas, alors qu'en période de faible activité, il faudrait au contraire les pousser vers le haut.

L'enseignement de l'élevage ovin, a insisté M. Yves Simon, devrait constituer une priorité, mais il a été progressivement abandonné : l'école de Rambouillet a disparu, le brevet professionnel ovin n'existe plus que sous la forme d'option, et aucun établissement public ou privé spécialisé dans ce domaine n'est recensé. Il n'existe donc pas de réel programme de recherche, alors que le développement de l'insémination artificielle et l'amélioration génétique constituent deux domaines à approfondir.

Souhaitant sélectionner des établissements en France en vue de créer un brevet professionnel ovin, il a estimé que celui-ci s'adresserait tant aux élèves de l'enseignement agricole qu'aux éleveurs souhaitant parfaire leur formation. Dans les établissements comme dans les exploitations, a-t-il regretté, lorsqu'il existe à la fois une troupe bovine et une troupe ovine, la première se développe, tandis que la seconde tend à disparaître au fil du temps. Il faudrait donc encourager les élèves à s'engager dans l'élevage ovin en valorisant ses attraits, notamment la souplesse de son organisation technique.

Abordant ensuite le thème des politiques contractuelles, qu'il a qualifiées de faibles pour le mouton, il a appelé à agir à différents niveaux en aidant, comme dans les années 1990, à la restructuration du cheptel ovin et en incitant à la création d'unités économiques. A cet égard, il a vu un objectif potentiel dans la définition d'un nombre minimum de brebis pour tout troupeau ovin allaitant.

Par ailleurs, a-t-il affirmé, il faudrait accompagner le développement de l'identification électronique. Le mouton est une race particulièrement exposée aux maladies, telles que la « tremblante » ou la fièvre catarrhale. Si sa traçabilité n'est actuellement pas assurée, le développement de l'identification électronique permettrait d'y pourvoir, mais également de réaliser des économies de main-d'oeuvre. L'identification et la traçabilité permettraient de constituer plus facilement des lots pour les abattoirs et de les suivre sur le marché, ouvrant ainsi de nombreuses perspectives dans l'amélioration de la production.

Précisant que l'identification de type manuel permettait de traiter 140 bêtes par heure, contre 180 pour celle de nature électronique, il a vu dans cette dernière un gain de rentabilité certain.

Après avoir souligné l'importance de la formation des bergers (l'élevage ovin se caractérisant par de grandes surfaces et se trouvant confronté à un manque de main-d'oeuvre qualifiée), il a abordé le problème des abattoirs. Si un certain nombre d'entre eux a une spécialisation ovine, ils ne sont pas forcément répartis sur le territoire au plus près du bassin de production, contraignant à transporter les animaux par camion, ce qui requiert des coûts importants d'alimentation en eau.

Comme l'a alors fait remarquer M. Gérard Bailly, président, M. Yves Simon a admis les contraintes qu'un tel transport posait en termes de bien-être animal et a préconisé un plan national qui permettrait, en outre, de créer des outils de découpe et de transformation plus proches de la production.

Soulignant le faible degré d'élaboration des produits ovins, contrairement aux produits laitiers et bovins, il a souligné que la vente continuait de se faire, comme il y a cinquante ans, en carcasses, puis en pièces et en barquettes, notamment en gigot, ce qui n'apporte aucune plus-value susceptible d'intéresser les abattoirs. Ni performants, ni rentabilisés, ces derniers sont sous-utilisés, a-t-il estimé, certains fonctionnant 28 heures par semaine, alors qu'ils pourraient être en activité jusqu'à 70 heures.

S'agissant du problème des prédateurs (ours dans les Pyrénées, loup dans les Alpes), il a jugé inacceptable que les commissions d'expertise soient uniquement composées de fonctionnaires et suggéré qu'elles comportent également, à parité, des éleveurs. Il a souligné que le quart des dégâts causés par des prédateurs donnait lieu à des semaines d'expertise et d'attente, le producteur se trouvant alors confronté à une situation budgétaire délicate ne lui permettant pas de remplacer les animaux détruits. Il conviendrait donc de hâter les procédures de compensation financière, mais également de prévoir à ce titre une majoration des indemnités compensatoires de handicaps naturels (ICHN), qui permettrait d'anticiper sur l'indemnisation dans les zones de présence avérée de prédateurs.

M. François Fortassin, rapporteur, a indiqué qu'une expérience positive avait été menée dans les Hautes-Pyrénées, où un ours a vécu sept ans sans poser le moindre problème, avant qu'une excessive médiatisation ne suscite la polémique.

M. Yves Simon a fait remarquer que si les ours relâchés étaient munis d'une puce électronique, permettant leur repérage à l'aide du GPS, la crainte des bergers n'était pas pour autant infondée en raison de leur présence à proximité des troupeaux. Il faudrait donc imaginer un système de prévision fondé sur le signalement aux éleveurs des prédateurs se trouvant à proximité des troupeaux.

M. François Fortassin, rapporteur, a indiqué que ceci avait été réalisé dans son département, où le personnel du « Plan ours » intervenait, en bonne intelligence avec les éleveurs, lorsqu'un ours était repéré près d'un troupeau.

M. Yves Simon a rapporté les propos d'un représentant du « Plan loup » selon lequel il serait difficile d'obtenir l'adhésion des éleveurs la première année, mais plus aisé par la suite. Selon cette même source, devrait être révisé le principe conditionnant le défraiement des dommages au fait d'avoir subi trois attaques consécutives en trois semaines, situation rarissime.

Puis il a abordé le thème du plan « Bâtiments d'élevage », dont il a expliqué qu'il visait à faciliter le travail des éleveurs et à améliorer le bien-être animal, et dont il a regretté la réduction du financement de 15.000 euros à 4.000 euros par dossier.

Il a indiqué que l'interprofession, dans le secteur lait des régions Pyrénées et Corse ainsi que du département de l'Aveyron, posait des difficultés. Dans ce dernier notamment, les structures d'aval tentent de court-circuiter les produits existants en proposant des produits similaires ou des sous-marques, rendant difficile la fixation du prix du lait. Les professionnels, qui souhaitent une redéfinition des stratégies, analysent la crise comme provenant, non d'une baisse des volumes de production, mais de la concentration des producteurs, qui provoque une réduction du nombre de points de collecte.

A M. Gérard Bailly, président, qui l'avait interrogé en ce sens, M. Yves Simon a indiqué que certains des producteurs bénéficiaient de l'appellation « Roquefort », peu protectrice toutefois. Il a souligné que les produits bénéficiant de signes de qualité, qui exigeaient beaucoup des éleveurs, n'étaient achetés que par un cinquième des consommateurs, pour des raisons financières.

Les Pyrénées et l'Aveyron partagent un autre problème portant sur la notion d'agneau de lait, a continué M. Yves Simon. Si celui-ci a par définition 45 jours, la Fédération nationale de la coopération bétail et viande milite pour que cette définition soit élargie à 80 jours, ce qui soulève une réelle opposition. En effet, l'agneau de lait est monogastrique, comme le veau de boucherie, tandis qu'un agneau de 90 jours est polygastrique. Un sous-produit laitier peut donc être concurrencé par une modification de la réglementation, justifiant le maintien de l'agneau de lait à 45 jours.

La production de lait pose également des problèmes de main-d'oeuvre et de marketing spécifiques, a estimé M. Yves Simon. Elle constitue souvent la principale source de revenu, la viande étant un complément. En termes de soutien, l'approche doit donc être différente pour le lait et pour les ovins allaitants.

A M. Gérard Bailly, président, qui l'interrogeait sur la situation dans le domaine génétique, M. Yves Simon a répondu qu'existaient deux schémas : l'un pour le lait, l'autre pour la viande. Le premier est plus avancé et performant, car il a bénéficié de moyens de recherche supérieurs, de meilleurs revenus et d'investissements plus élevés.

Les appuis techniques et les aides apportés par l'office des viandes devraient faire l'objet d'une constante justification, a-t-il estimé, jugeant pertinent d'adopter un système souple et léger proposant des indicateurs de production et d'installation, et surtout de faire en sorte que ces documents permettent d'atteindre les objectifs fixés et ne se réduisent pas uniquement à des instruments de certification des contrôles.

Abordant le point final, et essentiel, de son rapport, à savoir l'aide au secteur ovin, M. Yves Simon a fait état des statistiques ministérielles sur le secteur allaitant : celui-ci regroupe 6.700 exploitations ovines et 34.000 exploitations bovines, sur des surfaces de respectivement 72 et 76 hectares, soit 50 et 64 surfaces fourragères principales (SFP). Le résultat en aide totale directe par unité de gros bétail (UGB) est de 356 euros pour les ovins et de 411 euros pour les bovins, soit un différentiel de 55 euros.

Approuvant M. Gérard Bailly, président, qui avait noté que la situation était inverse il y a dix ans, M. Yves Simon a souligné que les éleveurs de bovins s'en sortaient mieux aujourd'hui. Les ovins ne représentent plus que 2 % du chiffre d'affaires français, a-t-il ajouté, et sont affaiblis par les avis divergents des producteurs de lait et de viande, ainsi que par le manque de structures. Les producteurs ovins souhaiteraient obtenir un système d'aide similaire à celui des pêcheurs, mais ne sont pas parvenus, faute d'une organisation suffisante, à communiquer de façon claire sur le sujet. Il pourrait être envisagé de résoudre le différentiel d'aides avec le secteur bovin en prévoyant une aide complémentaire dans les zones bénéficiant des primes herbagères ou de l'ICHN, qui regroupent en pratique les bassins de production ovins.

Rapportant avoir rencontré les présidents de la Commission européenne et du Parlement européen, ainsi que le directeur du secteur Elevage de la Commission, il a conclu à l'impossibilité d'agir sur le premier pilier, fondé sur la réforme de 1992 et sur un système de compensation des baisses de prix. Privilégiant dès lors une action, sans doute transitoire, sur le deuxième pilier, il a préconisé de se concentrer sur les aspects génétiques, en reconstituant un noyau dur de production et d'identification. Il a souligné, cependant, que l'Etat français avait largement anticipé sur les dépenses, et qu'il ne restait, par conséquent, que peu de financements.

Il a remarqué que le deuxième aspect de la politique de Mme Mariann Fischer Boel, commissaire européenne à l'agriculture, concernait justement le maintien de la diversité de production et de territoires, le troisième aspect portant sur la main-d'oeuvre, particulièrement sollicitée dans le secteur du mouton au regard d'autres productions. A partir de ces trois aspects (environnement, main-d'oeuvre et diversité), il est possible, a-t-il jugé, de bâtir un complément d'aide de 60 euros pour l'élevage ovin, couvrant au total 800.000 UGB.

M. Gérard Bailly, président, l'ayant questionné sur les éléments du rapport qui pourraient utilement faire l'objet d'approfondissements, M. Yves Simon a cité la formation et la recherche. Il a fait état, par ailleurs, de la tension existant sur le terrain et de la cristallisation des revendications des éleveurs sur des questions financières. Stigmatisant l'absence d'éléments pour le secteur ovin dans les contrats de plan Etat-régions, il a également exhorté les politiques à jouer leur rôle et les régions à faire remonter l'information dans ce domaine.

A M. Gérard Bailly, président, qui se demandait s'il existait des pôles d'excellence rurale spécialisés dans la production ovine, M. Yves Simon a indiqué qu'il en avait été institué un. Revenant sur le problème de l'identification, il a fait état de l'évasion de moutons jusqu'à 150 kilomètres autour des grandes villes, ainsi que de la multiplicité et de la diversité des réflexions conduites. Certains sont d'avis qu'il serait préférable d'accompagner vers la retraite les petits élevages, ces derniers étant inadaptables aux technologies récentes, tant techniques que financières. D'aucuns, comme dans l'Allier, où sont employés de nombreux salariés dont le départ entraînerait la fermeture d'élevages, suggèrent au contraire d'aider les retraités à garder des moutons, cette activité étant de nature à leur fournir un complément financier. D'autres, enfin, proposent de redistribuer l'aide européenne non utilisée entre les éleveurs restants, sachant que les montants répartis seront d'autant plus élevés que le nombre d'agriculteurs sera faible.

M. François Fortassin, rapporteur, s'est dit certes préoccupé par la situation, mais pas pour autant pessimiste, citant le dispositif d'aide au gardiennage mis en place il y a douze ans dans les Hautes-Pyrénées. M. Yves Simon lui ayant fait remarquer que la production de son département avait néanmoins diminué, de l'ordre de 400.000 brebis entre 1980 et 2005, tandis que celle de l'Auvergne se maintenait, M. François Fortassin, rapporteur, a précisé qu'elle ne se réduisait pas en transhumance, assurant que le nombre de bergers était passé de 6, il y a quelques années, à 35, aujourd'hui. Il a ajouté que les éleveurs de son département réalisaient de bonnes ventes, pour 5 à 10 % en barquettes, la plupart en label rouge.

Se rappelant avoir créé le premier label rouge ovin de France en 1988, mais avoir dû arrêter en avril 1989 par manque de production, M. Yves Simon a dit se méfier des labels, observant que leur part régressait de façon continue dans les ventes d'aliments. M. Bernard Barraux l'ayant approuvé pour ce qui est du secteur du poulet, M. Yves Simon a estimé que cette tendance dépassait largement cette seule filière. Rapportant s'être vu proposer une mission sur l'assurance dans le monde rural, il a dit l'avoir refusée du fait de l'impossibilité, selon lui, de mettre en place un tel dispositif sur les aides européennes, qui fournissent 100, voire 120 % des revenus des éleveurs de moutons, mais aussi en raison de la variabilité de la durée d'élevage des moutons, pouvant aller de 90 à 300 jours.

Approuvant la remarque de M. Gérard Bailly, président, qui avait observé que le différentiel d'aide entre élevage ovin et bovin était d'autant moins logique que le premier était concentré dans des zones difficiles, M. Yves Simon a souligné que la production française reposait aujourd'hui sur 50 races différentes, engendrant une insuffisante uniformité au niveau du poids des carcasses. Il serait opportun, a-t-il poursuivi, de réaliser un schéma national à partir de 5 à 10 races pour le marché et de protéger les autres pour maintenir la bio-diversité.

A M. Bernard Barraux, qui l'interrogeait sur le pourcentage des besoins nationaux assurés par la production ovine française, M. Yves Simon a indiqué que cette dernière répondait à 46 % de la demande intérieure, et les importations, à 54 %. Il y a trente ans, a-t-il rappelé, la production ovine française atteignait un taux de 75 % de couverture, mais la consommation était moins élevée. Depuis, les effectifs ont stagné et la consommation a augmenté, avant de baisser de nouveau depuis 10 ans, le cheptel se réduisant de 8 % chaque année.

M. François Fortassin, rapporteur, s'est alors demandé si l'aide préconisée serait définie à partir de la PHAE. M. Yves Simon lui a répondu affirmativement. L'obtention de cette prime par un exploitant signifie que l'éleveur exploite 75 % de sa surface en herbe, a-t-il indiqué. S'il n'atteint pas ce taux, cela signifie qu'il bénéficie des DPU céréales, lesquels atteignent parfois 400 euros par hectare et compensent les manques à gagner de l'élevage ovin.

Mme Sylvie Desmarescaux a, quant à elle, souhaité obtenir des précisions sur la dégressivité du dispositif proposé pour l'indemnisation des personnes en apprentissage. M. Yves Simon lui a exposé que cela dépendrait du niveau des apprentis : là où les titulaires d'un bac +3 ou d'un bac +4 pourraient valider un module de découverte professionnelle en un an, une personne titulaire d'un CAP aurait besoin de plus de temps.

M. Gérard Bailly, président, s'étant inquiété de savoir si les autres nations confrontées au découplage total avaient enregistré une chute de leur production, M. Raymond Figuet a répondu positivement, citant les cas de l'Irlande et de l'Angleterre. M. Yves Simon a ajouté que l'Espagne connaissait une situation identique à celle de la France. Puis il a insisté sur les contrats de plan, dont il a rappelé qu'ils seraient signés dans six mois pour une période allant jusqu'en 2013. S'il a estimé que cela permettrait d'agir rapidement, il a craint que les producteurs ovins ne soient insuffisamment réactifs à cet égard.

Mardi 23 janvier 2007

- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président, puis de M. Gérard Cornu, vice-président. -

Cycle d'auditions sur l'industrie automobile française - Introduction

La commission a procédé à un cycle d'auditions sur les défis du secteur automobile français.

A titre liminaire, M. Jean-Paul Emorine, président, a rappelé que le cycle d'auditions de la commission sur l'avenir du secteur automobile s'inscrivait dans la préparation d'un rapport d'information sur ce thème confié à M. Gérard Cornu. Il a aussi souligné l'attention toute particulière que la commission des affaires économiques prêtait à cette filière compte tenu notamment du rôle structurant qu'elle joue au sein de l'ensemble de l'économie français.

Puis M. Gérard Cornu, rapporteur, a débuté son intervention en rappelant que les travaux de la commission portaient sur l'ensemble du secteur de l'automobile et non sur sa seule composante industrielle, précisant que la filière comportait une part importante d'activités de services.

Il a ensuite indiqué que le cycle d'auditions avait pour objectif de répondre à deux questions principales, la première portant sur la définition des défis auxquels notre filière automobile devait faire face. A ce titre, il a rappelé que les élus étaient confrontés aux conséquences de la situation actuelle, marquée par la perte de près de 5.000 emplois chez les équipementiers en 2006. S'agissant des causes perceptibles, il a estimé utile de réfléchir à l'existence d'une difficulté structurelle touchant les deux constructeurs nationaux et consistant en un problème de positionnement à la fois géographique et commercial.

S'agissant du positionnement géographique, il a regretté que nos entreprises soient principalement présentes sur les marchés déjà matures et trop peu sur les marchés émergents où le parc automobile est en phase d'expansion rapide, comme tel est le cas en Chine où les ventes d'automobiles progressent de 25 à 30 % par an. Il a d'ailleurs noté que dans ce pays le marché était loin de ne concerner que les petits véhicules, comme en témoignent les succès commerciaux remportés par le groupe Audi. Il a dès lors considéré que rien ne justifiait a priori l'absence de nos deux constructeurs nationaux d'un marché si prometteur.

Au sujet des difficultés de positionnement commercial des constructeurs français, il a rappelé que l'on assistait à une bipolarisation du marché automobile avec le développement parallèle de la gamme des véhicules de plus de 30.000 euros, sur lequel les constructeurs allemands demeurent presque sans rivaux et de celle des petits véhicules urbains de moins de 15.000 euros. S'il a noté que ce dernier segment était en proie à l'émergence d'une forte concurrence asiatique, il a souligné que les marques françaises y disposaient d'atouts réels, même si elles ne s'avéraient malheureusement pas toujours capables de proposer des politiques de prix adaptées aux attentes des consommateurs, citant les exemples récents de la Renault Modus et de la 1007 de Peugeot. Il a d'ailleurs considéré que le succès de la vente par Internet d'un des deux véhicules cités illustrait clairement que les progrès réalisés en matière commerciale pouvaient être très rapidement payants.

Aux défis commerciaux liés aux différents problèmes de positionnement, il a estimé que s'ajoutait un défi organisationnel identifié par l'étude récente du cabinet McKinsey « Donner un nouvel élan pour l'industrie automobile en France. », publiée en octobre 2006, selon laquelle l'intégration industrielle des sous-traitants et des constructeurs est insuffisante, en particulier si on la compare au cas japonais qui fait figure d'exemple.

Il en est ensuite venu au second ordre de questions que la commission pourrait examiner à l'occasion de ce cycle d'auditions, à savoir l'analyse des politiques à mener et des solutions à apporter. Il a considéré que bien qu'il s'agisse, pour l'essentiel, de sujets relevant de la compétence des entreprises, les travaux de la commission avaient pour objectif de réfléchir à l'action possible des pouvoirs publics. A ce propos, il a rappelé l'importance du plan de soutien à l'automobile annoncé le 29 novembre 2006 et portant sur 400 millions d'euros, sur lesquels il a précisé que 250 millions d'euros étaient consacrés au soutien à l'innovation, au travers des pôles de compétitivité et de l'agence de l'innovation industrielle, et que 150 millions d'euros seraient affectés à la reconversion de 20.000 salariés de l'automobile touchés par les fermetures d'usines et les délocalisations. Il s'est aussi félicité que le Gouvernement ait fortement incité les acteurs de la filière à négocier un raccourcissement des délais de paiement des constructeurs vis-à-vis de leurs sous-traitants, estimant qu'il s'agissait d'un problème crucial, même s'il ne concernait pas uniquement le secteur automobile, l'objectif étant de se rapprocher d'un délai de 60 jours et non plus de 90 jours. Il a souscrit à l'idée selon laquelle la voie législative pourrait être envisagée en cas d'échec des négociations, compte tenu du caractère très pénalisant du problème pour les fournisseurs concernés.

Industrie automobile - Audition de M. Xavier Horent, délégué général du CNPA

Puis la commission a entendu M. Xavier Horent, délégué général du CNPA, représentant M. Roland Gardin, président du CNPA et membre du Conseil économique et social.

L'objet de cette première audition étant de présenter le rapport déposé par M. Roland Gardin au Conseil économique et social (CES), le 5 juillet 2006, et intitulé « L'automobile française : une filière majeure en mutation », M. Xavier Horent s'est proposé de revenir sur la situation de l'industrie automobile, avant d'en exposer les principales mutations et de faire état des préconisations du CES.

S'agissant du poids de l'industrie automobile dans l'économie française, M. Xavier Horent a indiqué que cette dernière représentait aujourd'hui 10 % du produit intérieur brut (PIB) avec un chiffre d'affaires de la construction automobile de 105 milliards d'euros, dont 23,5 milliards d'euros réalisés par les équipementiers, auxquels s'ajoutaient 114 milliards d'euros pour les activités de commerce et de réparation automobile. Il a attiré l'attention des commissaires sur cette performance de la distribution et des services, composante probablement la moins connue de la filière automobile, bien que son chiffre d'affaires soit pourtant du même ordre de grandeur que celui des constructeurs automobile et de l'ensemble de leurs sous-traitants.

Procédant ensuite à l'analyse du marché de l'automobile, il s'est félicité que la vente de voitures françaises ait représenté environ 10 % de la production totale mondiale et 25 % de la production européenne en 2004 et 2005, années de référence pour les travaux du Conseil économique et social. Il a, en outre, souligné l'importance de la contribution du secteur automobile au solde de la balance commerciale durant les trois dernières années.

Puis, s'agissant des 35,6 millions de véhicules composant le parc français, il a indiqué que 80 % des ménages français disposaient d'une automobile et que 32 % en possédaient au moins deux, rappelant que 89 % des transports intérieurs de voyageurs s'effectuaient par la route. Il a, par ailleurs, fait valoir que les véhicules produits aujourd'hui étaient dix fois moins polluants que ceux de 1990, ajoutant que les véhicules de 2010 devraient à leur tour polluer dix fois moins que ceux mis sur le marché en 1995.

M. Xavier Horent a poursuivi cette présentation chiffrée en évoquant la situation de l'emploi dans le secteur. Il a souligné que, dans notre pays, un emploi sur dix était directement ou indirectement lié au secteur automobile, 800 000 dans les activités de production du secteur automobile et 700 000 liés aux activités de ventes, de réparation, d'assurance, ou de financement, et un million dans des activités rattachées aux transports, au réseau routier ou à l'administration.

M. Xavier Horent a ensuite abordé les mutations de l'industrie automobile. Il a vanté les bonnes performances de la filière française dans un contexte de forte compétition mondiale, faisant valoir que si dix groupes de constructeurs et trois équipementiers produisent à eux seuls 80 % des 60 millions de véhicules fabriqués dans le monde aujourd'hui, 10 % de cette production étaient assurée par deux constructeurs français, Renault et PSA-Peugeot-Citroën. Il a estimé que les marchés étrangers représentaient aujourd'hui les trois quarts des débouchés des constructeurs français, soulignant que le dynamisme tenait à des méthodes industrielles fondées sur la qualité et l'innovation qui étaient mises en oeuvre en lien direct avec les équipementiers, ainsi qu'à une faculté importante d'anticipation de la demande des consommateurs, elle-même accompagnée par un réseau dynamique d'entreprises de distribution et de services

Poursuivant son propos sur la compétitivité internationale, M. Xavier Horent, a évoqué le partage de la demande mondiale entre, d'une part, les marchés de renouvellement et, d'autre part, ceux caractérisés par de nombreuses premières acquisitions, indiquant que le marché européen appartenait désormais à la première catégorie, eu égard à la faible croissance du revenu des ménages, à la fiabilité croissante des véhicules et à la saturation du taux d'équipement. Il a insisté sur le fait que la priorité donnée aux marchés émergents était devenue l'un des axes majeurs des stratégies appliquées par les constructeurs français. Dans cette perspective, il a noté que si un peu plus de la moitié des modèles français avaient été produits dans des sites implantés en France, le cap du million de voitures de marques françaises fabriquées en Europe centrale ou orientale serait probablement franchi d'ici à 2010.

M. Xavier Horent a d'ailleurs tenu à opérer une distinction entre le phénomène de délocalisation et celui de la simple localisation de la production. Sans en minimiser le risque pour l'emploi, il a relevé que les localisations de production étaient justifiées par une implantation des usines au plus proche des nouveaux marchés, ce qui entraîne que le phénomène de délocalisation à proprement parler se trouve, en tout état de cause, limité. En appui de ce constat, il a relativisé l'importance des différentiels de coût de la main-d'oeuvre entre les différents pays, précisant que ce coût ne représentait que 10 % du coût d'assemblage d'un constructeur automobile.

Puis il a décrit le processus actuel de recomposition de l'industrie automobile, rappelant que le fordisme avait été successivement remplacé par le toyotisme, puis par le concept de « l'entreprise élargie », ce qui obligeait à repenser tous les schémas industriels de fabrication d'un véhicule et des fonctions de travail, notamment s'agissant des rôles respectifs des constructeurs et des équipementiers.

Abordant ensuite l'impact des nouvelles attentes des consommateurs sur la filière, il a observé que s'étaient développés les concepts de la voiture comme « espace à vivre » ainsi que celui de « la voiture pour chacun », ce dernier se substituant au modèle de « la voiture pour tous ».

Il a exposé les contraintes particulières de cet impact sur les constructeurs, en relevant la nécessité de « produire ce que l'on vend » et non de « vendre ce que l'on produit », comme cela était classiquement le cas depuis les années cinquante.

A propos de la réorganisation structurelle de la filière, il a fait état d'une mutation des rapports de force entre les différents acteurs du marché depuis les années quatre-vingt-dix, soulignant que son issue restait difficilement prévisible. Il a ainsi confirmé que si les constructeurs conservaient la place principale au coeur de ce système, en raison notamment du pouvoir de la marque sur les utilisateurs, ils ne bénéficiaient plus d'une situation de domination. A l'appui de sa démonstration, il a pris l'exemple des distributeurs de véhicules dont la taille s'est fortement accrue et qui bénéficient désormais d'un pouvoir de négociation. Quant aux équipementiers, il a fait valoir qu'ils étaient devenus les interfaces de l'ensemble du système automobile, dans la mesure où ils étaient à l'origine des deux tiers de la valeur ajoutée industrielle de la filière.

M. Xavier Horent a ensuite évoqué la question de l'innovation en considérant qu'elle constituait à la fois une des mutations structurelles du secteur et la condition essentielle au maintien de la filière dans la compétition mondiale. Sur ce point, il a présenté les recommandations du rapport du Conseil économique et social consistant à renforcer le potentiel d'innovation de l'industrie automobile française face à la multiplication des laboratoires en Inde, en Chine ou au Brésil, précisant par ailleurs que les recherches actuelles portent de façon privilégiée sur l'environnement, la sobriété des moteurs ou encore la sécurité du véhicule et l'utilisation de nouveaux matériaux.

Comme annoncé, il en est ensuite venu à exposer les principales préconisations du Conseil économique et social à destination de l'ensemble de la filière. A ce titre, il a insisté sur la poursuite d'un objectif comprenant quatre composantes, à savoir : la création d'un « socle fort », intégré et homogène, apte au développement international et soucieux de concilier le développement durable avec la mobilité des français.

Il a insisté sur l'enjeu de la création d'un « socle fort » favorable à la compétitivité dans le cadre d'un marché européen homogène, face à la pression concurrentielle provenant en particulier des pays émergents qui bénéficient de niveaux de coûts sans comparaison avec l'Europe, ainsi que des constructeurs japonais, qui combinent une politique industrielle d'excellence et une politique monétaire offensive.

Soulignant la double nature du secteur automobile, à la fois industrie capitalistique et secteur de production de masse, il a fait part de préconisations du CES en faveur de la création d'un marché européen de l'automobile homogène au moyen d'une harmonisation fiscale, considérant sur ce point que l'absence de convergence des taux d'imposition nationaux constituait un obstacle à la politique commerciale des constructeurs et débouchait in fine sur un fractionnement du marché européen.

Parallèlement à l'harmonisation fiscale, il a jugé que la recherche de l'efficacité réglementaire constituait un second motif de création d'un marché automobile européen, dans la mesure où le cadre réglementaire communautaire constitue un paramètre important de la compétitivité du secteur. Conformément aux recommandations du CES, il a fait valoir que ce cadre juridique devait, d'une part, être adapté aux spécificités du marché mondial et d'autre part, être stable et cohérent, illustrant son propos par l'exemple de l'initiative européenne « Cars 21 » ou « l'automobile du XXIe siècle » grâce à laquelle un groupe de travail a pu formuler des propositions de réglementations visant à favoriser la compétitivité de la filière automobile ainsi que la recherche, le développement et l'innovation, dans le respect des contraintes environnementales. Il a rappelé que le CES avait considéré que les propositions de ce groupe de travail, traduites dans un rapport de juin 2006, étaient pertinentes et méritaient tout l'appui des autorités françaises. M. Xavier Horent en a ainsi appelé, conformément aux recommandations du CES, à ce qu'une évaluation des règles nationales soit lancée afin de déceler les évolutions nécessaires et les possibilités de simplification.

Il a ensuite exposé le second élément de l'objectif préconisé par le CES, portant à la fois sur le renforcement de l'intégration de la filière automobile et de son attractivité. Constatant que l'évolution structurelle de cette filière traditionnellement très hiérarchisée s'était traduite par une redistribution importante des rôles au profit des équipementiers et des fournisseurs, il a appelé de ses voeux une nécessaire conciliation des stratégies des constructeurs avec celles des équipementiers et de leurs fournisseurs. Le CES a, en conséquence, souligné la nécessité que la filière surmonte la vision unilatérale et asymétrique des rapports entre acteurs afin d'assurer sa pérennité.

Après avoir mentionné la troisième composante de l'objectif du CES qui concerne la promotion du développement international de la filière française, M. Xavier Horent a abordé son quatrième et dernier aspect, visant à une meilleure conciliation entre la mobilité des Français, d'une part, et l'impact de la filière automobile sur le développement durable, d'autre part. Il a confirmé que l'enjeu n'était évidemment pas de diminuer la demande d'automobiles des Français ou des Européens, mais de dégager des solutions de promotion d'un développement durable de la filière. Rappelant que la technologie était l'une de ces solutions, il s'est félicité du fait que le niveau des émissions ait été divisé par deux tous les quatre ans depuis 1970, et constatant que les derniers véhicules non équipés d'un pot catalytique ne disparaîtront qu'en 2012, il a rappelé la préconisation du CES visant à accélérer le rajeunissement du parc actuel et la sortie des véhicules anciens les plus polluants au profit de véhicules plus respectueux de l'environnement.

A l'issue de cette présentation, M. Gérard Cornu, rapporteur, s'est interrogé sur la difficulté de faire évoluer la réglementation.

En réponse, M. Xavier Horent a jugé que la filière automobile souffrait de changements trop erratiques et d'une certaine imprévisibilité du cadre juridique qui nuisaient à sa compétitivité. Il a regretté, en outre, que la réglementation ne prenne pas suffisamment en compte le rythme des évolutions technologiques et leur intégration par la filière automobile. Rappelant la nécessité d'une concrétisation de l'initiative Cars 21, il a indiqué que la Commission européenne travaillait actuellement sur l'évolution de cette réglementation.

M. Gérard Cornu, rapporteur, a aussi interrogé l'intervenant sur le fait que la main-d'oeuvre ne représentait, selon ce dernier, que 10 % des coûts de construction d'une automobile, alors même qu'il était fréquemment admis que le différentiel de salaire avec les pays émergents pesait sur la compétitivité de l'Europe occidentale.

M. Xavier Horent a renvoyé aux précisions qu'il donnerait sur la structure des coûts de construction lors de son audition suivante en sa qualité de représentant des constructeurs.

M. Daniel Dubois a lui aussi fait part de sa surprise quant à la faible part des salaires, en se demandant quelles étaient les raisons conduisant à des modifications de localisation des unités de production si la part du coût salarial était si peu élevé. Il s'est demandé si le seul objectif de positionnement au plus près des clients suffisait dès lors à justifier des délocalisations qui ne disent pas leur nom.

Il a poursuivi en notant que, dans le contexte général de la chute des ventes des constructeurs européens en 2006, les entreprises allemandes avaient obtenu des résultats relativement satisfaisants en dépit des coûts de production élevés.

Il a demandé si cela n'était pas lié au haut niveau de qualité de véhicules d'outre-Rhin et si plus généralement, ce souci de qualité ainsi que l'innovation et l'anticipation des attentes des consommateurs pouvaient vraiment être regardées comme les meilleurs gages d'une stratégie évitant les délocalisations.

Abordant un deuxième aspect, M. Daniel Dubois a fait part de ses interrogations quant aux raisons de la très grande prudence des constructeurs français en matière de recherches sur les nouveaux carburants et plus généralement sur le concept de « voiture propre ».

M. Jean Desessard s'est, quant à lui, interrogé sur la place occupée dans la production par les robots, qui permettent de produire sans main d'oeuvre et font appel à de nombreuses recherches.

Puis revenant sur les différences de fiscalité automobile au sein de l'Europe, il a demandé des précisions sur le point de savoir en quoi, par exemple, le très haut niveau des taxes danoises sur l'automobile handicapait les constructeurs français plus que leurs concurrents, dans la mesure où ces taxes s'appliquent à tous les intervenants sur ce marché.

De même, il a émis des interrogations sur le fait que les normes qualités européennes puissent désavantager les constructeurs français, ou les autres constructeurs européens, dans la mesure où ces normes s'imposent à toutes les entreprises, notamment japonaises, dès lors qu'elles souhaitent commercialiser des véhicules en Europe.

M. Xavier Horent a tout d'abord répondu au sujet d'un éventuel retard français en matière de recherche, en particulier dans le domaine du développement durable, en faisant valoir que les constructeurs équipementiers et français avaient, à sa connaissance, fait des efforts considérables et relativement bien connus dans le domaine de l'environnement ainsi d'ailleurs que dans celui de la sécurité routière.

Il a ainsi rappelé que plus de 24 milliards d'euros étaient investis en moyenne chaque année en Europe dans le domaine de la recherche et du développement, tout en estimant qu'il existait probablement encore beaucoup de pistes, notées par le CES, sur la manière dont le potentiel de recherche de la filière pouvait encore être amélioré, notamment s'agissant du cloisonnement excessif entre la recherche publique et la recherche privée.

A ce titre, il a estimé que de nombreux efforts restaient à accomplir dans le cadre des pôles de compétitivité qui venaient d'être mis en place, la filière automobile participant à cinq d'entre eux.

Parmi les pistes d'amélioration, il a rappelé que le CES estimait qu'une des voies à explorer était l'intégration des métiers de la réparation et de la distribution automobile dans les activités de recherche et développement, l'automobile constituant en soi une filière cohérente.

Il a ajouté que le CES formulait aussi des recommandations visant à améliorer l'efficacité du crédit d'impôt recherche, compte tenu notamment de la révision récente de ses paramètres de calcul.

Revenant sur la fiscalité, il a estimé que cette dernière était en soi un facteur de compétitivité, et que la différence de niveau d'impôt en Europe privait nos industriels d'un marché aux dimensions réellement continentales, alors qu'une fiscalité uniformisée permettrait de fluidifier les échanges et d'inscrire les politiques commerciales des constructeurs dans un cadre européen. Il a rappelé que l'enjeu pour les constructeurs européens était de pouvoir se lancer dans la compétition mondiale en s'adossant au marché-socle le plus unifié et le plus cohérent possible, non seulement au plan fiscal, mais aussi au plan réglementaire.

Industrie automobile - Audition de M. Manuel Gomez, président du comité des constructeurs français d'automobiles (CCFA)

Puis la commission a entendu M. Manuel Gomez, président du comité des constructeurs français d'automobiles (CCFA).

M. Manuel Gomez a débuté son intervention en revenant sur le contexte actuel du marché automobile français, en se fondant sur les résultats publiés par le CCFA au début du mois de janvier. Il a annoncé d'entrée que ces données faisaient apparaître que notre industrie traversait effectivement une période difficile.

S'agissant en premier lieu des ventes, il a indiqué que le marché des véhicules particuliers avait eu grand peine à franchir la barre symbolique des 2 millions d'immatriculations et que les marques françaises avaient continué de voir leurs parts de marché s'effriter à un rythme de deux points par an depuis 2003, le taux de pénétration du marché national étant, sur cette période, revenu de 60 % à 54 %.

De même, il a signalé qu'en Europe, où les constructeurs français, qui détenaient auparavant 25 % du marché n'en représentent plus désormais que 22 %, le seul sujet de satisfaction provenait des ventes de petits véhicules utilitaires, pour lesquels le nombre d'immatriculations a atteint le niveau record de 440.000 immatriculations, alors que deux véhicules sur trois de ce segment de marché sont de marque française.

Evoquant en second lieu le niveau de production, il a rappelé que celui des usines françaises avait fortement chu, connaissant une baisse de plus de 10 % par rapport à 2005, équivalent à une diminution de 300.000 véhicules sur l'année. Il a précisé que la production des usines situées en France, qui avaient réalisé 54 % du total de la production des constructeurs français en 2005, n'en représentait plus aujourd'hui qu'à peine 50 %.

Il a dès lors considéré que si la filière automobile française n'était pas en péril, sa situation était de nature à alerter l'ensemble des acteurs, tout en rappelant que l'automobile française avait connu, dans son histoire, des crises bien plus graves que celle traversée actuellement. Il a observé, en revanche, que ces crises passées étaient limitées dans le temps et que les causes en étaient relativement connues, alors que la situation actuelle se caractérise par un manque de visibilité.

En contrepartie de ces éléments globalement défavorables, M. Manuel Gomez a aussi tenu à mettre en avant les aspects plus positifs de la situation.

D'une part, il a fait valoir que le développement à l'international était un sujet de satisfaction pour les constructeurs, dans la mesure où les ventes de voitures particulières hors d'Europe occidentale représentaient près de 30 % des ventes totales, soit une part des exportations supérieure aux résultats enregistrés en France. Il a considéré que cette croissance à l'international était un élément extrêmement positif, dans la mesure où le marché européen était désormais adulte, les perspectives de développement se situant essentiellement en Asie, en Amérique du Sud, au Proche et au Moyen-Orient, ainsi qu'en Europe centrale et orientale. Il a estimé que du temps serait nécessaire pour que les nouveaux marchés d'expansion arrivent à maturité, ce qui impose aux constructeurs français de rester vigilants sur les marchés matures de renouvellement en Europe.

D'autre part, il a rappelé l'importance de la filière automobile dans l'emploi national. Il a aussi rappelé que la filière représentait 11 % de la production industrielle française et 17 % des investissements industriels. Il a insisté sur le fait que l'industrie automobile contribuait à hauteur de 13 % au commerce français et rapportait 8,7 milliards d'euros de recettes pour la balance commerciale.

Sur ce dernier point, il a d'ailleurs indiqué que le secteur automobile était, il y a encore deux ans, le premier contributeur aux exportations françaises, avec un total de plus d'11 milliards d'euros, tout en notant que ces performances étaient trop méconnues, sans doute du fait d'un manque de communication.

Au vu de cette situation d'ensemble, il a considéré que si l'industrie automobile pouvait paraître puissante, elle n'était pas, pour autant, insubmersible. Il a d'ailleurs rappelé que cette industrie avait failli disparaître dans les années 80, mais que cela avait pu être évité, car les acteurs de la filière, ainsi que les pouvoirs publics, avaient contribué à son redressement. Il a fait remarquer que, dans le même temps, cette industrie avait pratiquement disparu en Grande-Bretagne.

Il a estimé que l'industrie automobile, dans son ensemble, se caractérisait toujours par des équilibres extrêmement fragiles, qu'il convenait de ne pas voir remis en cause par des modifications brutales des règles du jeu. Il a en effet rappelé que les marges opérationnelles et la rentabilité du secteur étaient modestes et que, parallèlement, ce secteur présentait la spécificité d'être à la fois un secteur de grande consommation et une industrie à très forte intensité capitalistique.

Il s'est ensuite proposé d'établir une comparaison avec le secteur automobile allemand. Il a estimé que la différence avec la France ne portait pas sur la qualité des produits, l'ensemble des études et analyses révélant que les constructeurs français n'avaient rien à envier sur ce point à leurs concurrents d'outre-Rhin. Il a plutôt considéré que la grande différence tenait à la fois au niveau de vie général dans les deux pays et à des histoires nationales, qui avaient abouti à ce que la France soit un pays où l'on vende essentiellement des véhicules de taille moyenne, alors même que les véhicules de haut de gamme -principalement allemands- étaient davantage susceptibles de susciter des profits.

Evoquant ensuite la question du cadre réglementaire, il a considéré que l'industrie automobile souffrait d'un discours à la fois faussement moderniste et faussement écologique.

Il a ainsi fait valoir que la réglementation européenne était la plus exigeante au monde, ce qui aboutissait à donner un avantage compétitif à ceux dont les marchés de base ne sont pas situés en Europe. Il a en effet estimé que, n'étant pas soumis aux mêmes contraintes, ces constructeurs extra-européens disposaient de moyens leur permettant de concurrencer nos entreprises sur leur marché domestique.

Il a ajouté que le secteur était confronté à une abondance de règles et à l'accélération du rythme de parution de celles-ci, alors que l'amortissement des efforts de développement et d'investissement de notre industrie nécessitait des périodes relativement longues.

Il a en outre considéré que le marché-socle de nos entreprises était régi par des mesures nationales différentes, souvent pesantes en matière de fiscalité, de protection de l'environnement ou de sécurité et que cet environnement juridique, fiscal et réglementaire manquait souvent de visibilité. Illustrant son propos par l'exemple de la fiscalité, il a fait remarquer que celle-ci était non seulement très hétérogène selon les Etats européens, mais aussi particulièrement lourde, puisqu'elle représente plus de 40 milliards d'euros en 2005. Il a fait remarquer que les prélèvements étaient bien moindres en Amérique ou en Asie, qui constituent les marchés-socle des concurrents les plus menaçants de nos entreprises.

S'agissant enfin des questions d'environnement, M. Manuel Gomez a estimé que la réglementation avait été incontestablement bénéfique au progrès, dans la mesure où elle avait stimulé les constructeurs. Il a ainsi rappelé que, depuis 1970, la filière avait intégré et appliqué huit réglementations successives, comportant pour chacune une obligation de diviser par deux le volume des émissions polluantes. Il a noté que l'industrie automobile n'avait pas seulement suivi le rythme, mais qu'elle l'avait précédé pour des raisons de concurrence. Il a ainsi pris l'exemple de la sécurité routière, pour lequel la concurrence a conduit à aller au-delà de la réglementation, notamment par des initiatives incitatives telles que l'attribution d'étoiles récompensant les véhicules les plus sûrs. Il a ensuite rappelé que la prise en compte des émissions de gaz à effet de serre était actuellement en préparation au travers d'une réglementation qui devrait entrer en vigueur en 2009 et ce, alors que les émissions des véhicules à essence et à diesel devraient pourtant être proches de zéro. Il a en effet signalé que les véhicules construits aujourd'hui polluent dix fois moins que ceux fabriqués dans les années 90, notant que l'une des difficultés était que demeurent encore en circulation un grand nombre de véhicules datant des années 90. Aussi s'est-il demandé s'il ne conviendrait pas d'accélérer le rythme de disparition de ces véhicules.

M. Jean Desessard a fait observer que le discours tenu par M. Manuel Gomez au nom des constructeurs était en apparence très soucieux d'environnement en général et de la qualité de l'air en particulier.

M. Manuel Gomez a estimé que cette préoccupation était constante, en dépit d'une communication manifestement insuffisante. A ce titre, il a cité l'exemple de la qualité de l'air à Paris, dont les analyses font ressortir que 6 % de l'amélioration observée est imputable à la politique municipale et 26 % aux constructeurs d'automobiles par la diminution des émissions des véhicules, ce dont les médias se sont très peu fait l'écho.

Poursuivant sur les gaz à effet de serre, il est ensuite revenu sur l'argument selon lequel les constructeurs n'étaient pas assez imaginatifs, en déclarant que ces derniers étaient au contraire extrêmement attentifs aux avancées technologiques. Il a estimé que la priorité était de généraliser des moyens permettant de régler le plus vite possible les problèmes d'émissions, plutôt que de mettre continuellement en avant certaines technologies, qui ne concernent pour le moment qu'une infime partie du parc.

Il a d'ailleurs fait état de l'existence d'une ligne de partage existant entre l'Europe du nord et celle du sud en matière d'émission de CO2 pour les véhicules neufs. Il a ainsi noté que le niveau d'émission admis dans un pays comme la Suède, apparemment vertueux, était de 198 grammes de CO2 au kilomètre, contre 151 grammes en France. Ainsi, la moyenne d'émission des voitures françaises neuves s'établit à 145 grammes de CO2 au kilomètre, contre 160 grammes environ dans les pays d'Europe du nord.

Il a ensuite évoqué le cas, très souvent cité, d'une voiture concurrente qui porte un nom latin et émane d'un constructeur non européen, faisant valoir que 4.000 tonnes de CO2 par an avaient été économisées par ce véhicule, alors que 300.000 tonnes de CO2 l'ont été par les voitures françaises émettant en moyenne 120 grammes au kilomètre. Il a regretté que ces chiffres, provenant de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), soient insuffisamment connus.

Il s'est ensuite opposé à l'idée selon laquelle les émissions de CO2 ne cessaient de croître, indiquant que si cela avait été vrai pendant de nombreuses années, ces émissions étaient stables depuis quatre ans. Il a estimé que les modifications de comportement, notamment en matière de limitation des vitesses, avaient certainement joué un rôle dans ce phénomène, mais aussi que la performance énergétique de nos véhicules demeurait le principal facteur de cette évolution.

Il a ensuite ajouté que le recyclage constituait l'autre sujet environnemental majeur, faisant observer que certains secteurs d'activité se présentaient comme particulièrement vertueux, dans la mesure où ils recyclaient 35 % de leurs emballages, alors que le secteur automobile recycle aujourd'hui plus de 85 % de ses productions et poursuit même un objectif de recyclage de 95 %.

M. Manuel Gomez a ensuite complété son propos en revenant sur les problèmes de concurrence au niveau international. Il a considéré que la concurrence pouvait toujours constituer un danger dès lors que l'on se trouvait en mauvaise posture, mais qu'elle constituait aussi un irremplaçable stimulus. A ce titre, il a indiqué que les entreprises chinoises représentaient des concurrents importants, venant d'ailleurs de ravir à notre pays la quatrième place des pays producteurs d'automobiles. Il a indiqué que si le potentiel de développement de ce pays était immense, sa capacité à consommer sa propre production était relativement limitée en raison de ses infrastructures.

Il a estimé que les Chinois tendraient vraisemblablement à s'inspirer des modèles japonais et coréens qui leur sont proches.

Quant à l'Inde, il a noté qu'elle connaissait aussi une croissance remarquable, qui devrait bientôt dépasser celle de la Chine.

Dans ce contexte, il a rappelé quelles avaient été les interrogations des constructeurs français sur leurs contre-performances conjoncturelles. Plutôt qu'un moindre intérêt pour les véhicules de nos constructeurs, il a attribué les difficultés rencontrées à une accélération de la segmentation de l'offre, particulièrement sensible sur les marchés de renouvellement. A titre d'illustration de ce phénomène, il a rappelé qu'il y a une vingtaine d'années, 20 modèles étaient proposés pour un même type de véhicule, alors qu'aujourd'hui ce chiffre est en moyenne compris entre 50 et 60.

Il a dès lors jugé nécessaire de promouvoir la diversité en produisant à la fois des modèles « tout technologie » très riches et des véhicules à bas coûts dits « low cost », qui constituent peut-être l'un des termes de l'alternative aux tout petits véhicules.

Enfin, M. Manuel Gomez a ajouté que, dans le pays qui avait vu naître l'automobile, cette industrie avait toujours montré sa capacité à s'adapter, au cours de son siècle d'existence. Aussi, en reconnaissant que la filière traversait un moment difficile, il a estimé qu'une façon de l'aider était de la montrer davantage en exemple, à l'instar de la façon dont elle est promue et considérée comme un motif de fierté nationale chez nos voisins allemands.

A ce propos, M. Gérard Cornu, rapporteur, a rappelé que le Sénat soutenait résolument l'industrie automobile française, à travers non seulement sa commission des affaires économiques, mais encore son groupe d'études sur l'automobile. Il a encouragé les constructeurs à continuer de valoriser les efforts accomplis en matière de qualité et de préservation de l'environnement.

M. Yves Krattinger a fait part de son sentiment selon lequel les difficultés des deux années écoulées étaient dues pour une part à un renouvellement rapide des gammes de véhicules.

Toutefois, tout en reconnaissant l'effet positif que devrait avoir le lancement de nouveaux véhicules, il a noté que les comportements attentistes des consommateurs -qui conservent leur ancien véhicule dans l'attente du nouveau modèle- expliquaient le faible dynamisme du marché.

Il a ensuite abordé la question des relations entre les constructeurs et les sous-traitants, en se demandant si la réduction globale du nombre des sous-traitants et leur intégration plus grande dans l'ingénierie générale du véhicule n'étaient pas à l'origine de problèmes rencontrés ces dernières années.

Il a demandé si la nécessité de réduire les coûts ne conduisait pas les constructeurs à s'ouvrir à de nouveaux sous-traitants, ce qui pourrait revenir, si tel était le cas, à opérer indirectement des délocalisations. Il s'est interrogé sur le point de savoir s'il s'agissait d'une réalité tangible ou simplement de rumeurs. Il a conclu en rappelant qu'au-delà de ces questions relatives à l'impact très important du secteur automobile sur l'activité économique générale, il convenait aussi de considérer de façon très sérieuse le sujet de la relation que les Français entretiennent avec ce produit si particulier que constitue l'automobile.

En réponse, M. Manuel Gomez est revenu sur la question du rythme d'accélération du renouvellement du parc automobile. Il a fait observer que le marché était beaucoup plus difficile qu'il ne l'avait été, du fait de la diversité des modèles ou encore de l'agressivité commerciale dont témoignent les offres pour les reprises de véhicules. Il a d'ailleurs noté que ces pratiques auraient dû disparaître, compte tenu de la plus grande flexibilité dans la production que l'industrie avait su atteindre, puisqu'il était désormais moins nécessaire qu'auparavant de procéder à des opérations de déstockage. Il a regretté que ces pratiques de remises ou de reprises perdurent, car elles participent d'une stratégie qui consiste à aller porter des attaques sur le terrain privilégié d'un concurrent afin de l'affaiblir, alors qu'en définitive, tout euro donné au client représente autant de perdu pour l'industrie.

S'agissant des causes d'insuccès des produits, il a estimé que le taux de fidélisation à une marque ayant diminué, la réaction des consommateurs apparaît dès lors moins prévisible et si l'innovation est un impératif, elle apparaît aussi parfois comme une prise de risque qui peut s'avérer de plus en plus pénalisante. Il a imputé en particulier ces changements à la multiplication de versions différentes, voire des modèles nouveaux en plus grand nombre et qui répondent aux attentes des clients tout en diversifiant ou en répartissant les risques. Il a fait valoir que ces méthodes permettaient de mieux répondre aux souhaits du consommateur sur un marché désormais très segmenté. Il a indiqué que ceci avait eu pour conséquence une nette accélération des cycles de renouvellement.

Répondant ensuite sur le thème des localisations et des délocalisations, il a tenu à préciser que la main-d'oeuvre représentait bien 10 % des coûts du seul constructeur, mais qu'il était essentiel de rappeler que 70 % du véhicule n'étaient pas fabriqués chez le constructeur lui-même et que, dès lors, le coût salarial demeurait un élément déterminant.

Il a estimé que le faible nombre de délocalisations ne devait pas pour autant occulter la question du niveau élevé du coût salarial, ce dernier tendant, en France, à se rapprocher du niveau allemand. Il a attribué le faible nombre de délocalisations stricto sensu à l'existence d'une forte contrainte de logistique qui affecte cette industrie, faisant valoir que l'absence d'obstacle logistique concernait des secteurs produisant des biens d'une valeur très élevée et d'un volume très faible, ce qui n'est pas le cas de la production automobile. D'ailleurs, il a même considéré que pour l'automobile la question des coûts de transport demeurait un élément stratégique.

Il a conclu en répondant à la question sur les robots. Il a fait valoir que ces derniers ne sauraient être regardés comme la panacée, même s'il est vrai que les usines étaient aujourd'hui largement mécanisées, la pression concurrentielle conduisant à rechercher les modes de production les plus compétitifs. Il a noté en outre que l'industrie automobile était parfois critiquée sur ce point par des acteurs qui ne sont pas soumis aux mêmes contraintes.

M. Gérard Cornu, président, a alors remercié M. Manuel Gomez de la qualité des informations qu'il avait communiquées à la commission.

Industrie automobile - Audition de M. Thierry Morin, président de Valeo

Puis la commission a entendu M. Thierry Morin, président de Valeo.

M. Thierry Morin a tout d'abord annoncé qu'il s'exprimerait sur la situation actuelle des équipementiers ainsi que de la filière en général, dont les difficultés résultent de la coexistence de phénomènes déjà anciens et d'évolutions plus récentes.

S'agissant des évolutions observées sur une longue période, il a souligné la tendance à la délégation des activités industrielles des constructeurs, illustrant cette idée par le fait qu'un certain nombre de constructeurs demandaient désormais qu'une partie du développement soit assurée par les équipementiers. Il a aussi mis en avant la montée en puissance du rôle des équipementiers pour un nombre croissant de tâches telles que le développement des produits ou l'assemblage de modules complets des véhicules.

Pour ces raisons, il a estimé nécessaire de revenir sur le terme de sous-traitant et de lui substituer celui de « composantier » ou de « systémier », plus représentatif des nouvelles fonctions assurées par les équipementiers.

Toujours au titre des évolutions constatées sur une longue période, il a cité le raccourcissement de la durée de vie des véhicules qui contraint les équipementiers à amortir leurs investissements sur des séries de 300.000 ou 400.000 exemplaires, alors que les modèles de véhicules précédents portaient sur un nombre d'unités comprises entre 700.000 et un million.

Il a ajouté que cette difficulté était encore plus aiguë pour certains équipements particuliers comme les éclairages à l'avant des véhicules ou la signalisation à l'arrière, dont le cycle de vie pouvait désormais être inférieur à deux ans.

Il en est ensuite venu à l'évocation de problèmes plus récents, parmi lesquels il a fait valoir la hausse du prix de l'électricité ainsi que l'envolée du prix des matières premières -le prix du cuivre ayant été multiplié par cinq en trois ans, celui de l'aluminium par deux en deux ans et celui du zinc par cinq en deux ans- rappelant que ces dernières représentent 40 à 55 % des coûts de production des équipementiers. Il a ajouté qu'il était très difficile aux entreprises de répercuter ces hausses sur leurs prix de vente, dans la mesure où une forte pression à la baisse des coûts était exercée par les constructeurs automobiles eux-mêmes confrontés à une situation de surcapacité du marché, l'offre excédant aujourd'hui la demande pour environ quinze millions de véhicules.

Il a attribué à deux ordres de raisons le fait que le prix des équipements constitue la principale variable d'ajustement des coûts de la production automobile. La première tient au fait que c'est aujourd'hui chez les équipementiers que se réalise la plus grande part de la valeur ajoutée d'un véhicule, et la seconde est que la quasi-totalité de leurs clients sont les constructeurs eux-mêmes.

Il a achevé sa description des difficultés récentes en citant les surcoûts engendrés par la mondialisation des échanges, qui exige la création d'un plus grand nombre d'implantations industrielles qu'auparavant de façon à produire au plus près des marchés nationaux ou régionaux, dont le nombre s'est d'ailleurs fortement accru.

Il a souligné que, conséquence de ces tensions, près de trente-cinq équipementiers américains parmi ceux affichant un chiffre d'affaires supérieur à un milliard de dollars étaient désormais sous la protection du chapitre 11 relatif aux faillites. Tout en notant que tel n'était pas encore le cas en Europe, il a rappelé qu'un grand équipementier allemand du domaine de l'éclairage avait annoncé l'an dernier qu'il subirait des pertes, et ce, pour la première fois de son histoire.

Concentrant ensuite son exposé sur le cas de Valeo, il a commencé par rappeler qu'en 2001 l'entreprise avait subi 700 millions d'euros de pertes, soit 7 % de son chiffre d'affaires. Il a fait valoir que, du fait de son indépendance, le groupe Valeo s'était trouvé dans la nécessité de ne compter que sur ses propres forces pour combler au plus vite les pertes réalisées et ce, au travers d'un plan de redressement.

Il a signalé que ce plan avait été réalisé à effectifs à peu près constants, les opérations ayant consisté non seulement en la fermeture de 52 sites sur 170, mais aussi en l'ouverture de 29 nouvelles implantations ainsi qu'en la cession de 26 sites et la réalisation de 13 acquisitions. Il a indiqué que cette restructuration avait permis au groupe Valeo de disposer de sites de très haute technologie capables de maîtriser les techniques de différenciation des produits en Europe de l'ouest, aux Etats-Unis et au Japon, ainsi que d'usines répondant aux besoins d'autres marchés exigeant des produits moins sophistiqués mais beaucoup plus compétitifs en termes de prix, comme tel est le cas des unités de production du groupe basées en Chine et en Europe centrale.

Après ce rappel du plan de redressement, il a indiqué que l'année 2001 avait aussi été marquée par la mise en place d'une stratégie articulée autour de trois axes : l'action sur les coûts, la recherche d'une « qualité totale » et l'innovation.

S'agissant de la diminution des coûts, il a rappelé que Valeo avait optimisé les actifs industriels en recourant, entre autres, à des actifs plus légers, c'est-à-dire à des outillages moins coûteux, grâce à une démarche visant à redéfinir les processus de fabrication. Il a indiqué que cette méthode avait permis d'obtenir aujourd'hui des coûts situés aux meilleurs niveaux mondiaux.

Pour ce qui concerne l'objectif de qualité, il a rappelé qu'avant l'entrée en vigueur du plan, les équipes de Valeo mesuraient la qualité des productions par des pourcentages de défaut inférieurs, selon les cas, à 1 % ou à 0,1 %, trop élevés à ses yeux.

Il a indiqué que le nouveau système de comptabilisation portait sur le nombre de défauts par millions d'unités produites, réservant à la commission la primeur de l'information selon laquelle Valeo avait atteint au 31 décembre 2006 la moyenne très faible de quinze défauts par million d'unités produites, quinze usines du groupe affichant même en 2006 une absence totale de produits défectueux, et ce, alors même qu'il y a encore quelques années, il était parfois considéré que -pour certaines productions- il serait très coûteux de descendre en dessous d'1 % de défaut.

Cette exigence de qualité va au-delà des seuls produits, puisqu'elle intègre, par exemple, le paramètre du nombre d'accidents du travail, la poursuite de l'objectif de « qualité totale » signifiant ainsi l'absence d'accidents de ce type.

Puis M. Thierry Morin, président de Valeo, a exposé le troisième axe de la stratégie d'innovation de son entreprise. Il a tout d'abord rappelé qu'en 2001 il avait été conduit à ré-étudier l'ensemble du portefeuille des produits du groupe, en se fondant principalement sur l'analyse et l'anticipation des besoins du marché. Il en a déduit qu'un utilisateur d'automobile souhaitait des véhicules à la fois plus confortables, de plus en plus sûrs, moins polluants et plus agréables à conduire.

C'est dès lors dans ces différentes directions que Valeo avait décidé d'orienter le développement de ses nouveaux produits. Rappelant qu'une voiture de cylindrée d'1,5 litre consommait à peu près sept litres de carburant pour cent kilomètres, ce qui représente deux tonnes de CO2 par an, M. Thierry Morin a jugé absolument indispensable une diminution des émissions et a déclaré ne pas partager l'opinion de M. Manuel Gomez selon laquelle il serait souhaitable que le législateur s'abstienne de poser de nouvelles obligations dans ce domaine. Il a estimé qu'il convenait au contraire de continuer d'augmenter la pression environnementale, qui est seule en mesure d'amener les industriels à progresser. Il a fait valoir que Valeo s'efforçait d'être en pointe sur ce sujet, l'objectif étant de réconcilier l'automobile et la cité.

Il a d'ailleurs affirmé que les équipementiers disposaient aujourd'hui de la capacité de diviser par deux la consommation des véhicules et il a indiqué que ce résultat ne se limitait pas à la prise en compte des seules émissions de CO2, citant l'exemple des produits tels que des systèmes à soupapes électromagnétiques réduisant de 40 % la consommation totale de l'automobile ou encore le système STARs, dont la troisième génération, qui sera commercialisée dans près d'un an, permettra de récupérer toute l'énergie cinétique produite par le ralentissement de l'automobile au moyen d'ultra-capaciteurs.

Précisant les conditions de la mise en oeuvre opérationnelle de cette politique d'innovation, il a indiqué que Valeo lui consacrait 6 à 7 % de son chiffre d'affaires depuis 2001 et que cette activité occupait aujourd'hui 5.000 ingénieurs du groupe. Il a signalé que le groupe avait ainsi pu l'an dernier figurer au quatrième rang des entreprises françaises pour les dépôts de brevets, avec plus de 600 brevets derrière Renault, L'Oréal et PSA.

Il a aussi mis en avant la création par Valeo d'un concept de gestion du projet « autour du cadran » (en anglais : « round the clock ») reposant sur l'idée que l'innovation de Valeo ne s'interrompt jamais, puisque les travaux d'études d'un même projet sont réalisés en Asie le matin, en Europe le midi et aux Etats-Unis le soir avant de recommencer en Asie le lendemain.

M. Thierry Morin a précisé que ce système de travail en continu permettait à la fois de travailler plus vite et de travailler mieux. Au-delà des gains de temps, le fait de confier un projet d'études à plusieurs équipes rend en effet nécessaire la mise en place de procédures internes incitant au respect des délais, qui constitue souvent le point faible de ce type de travaux. En définitive, le temps consacré à la coordination des travaux demeure négligeable par rapport au temps gagné grâce à ce mode de travail « autour du cadran » et à la mise en place de règles et de procédures rigoureuses de gestion du projet.

Pour M. Thierry Morin, le groupe Valeo a mis sur le marché, pour chacun de ses domaines d'activité, des produits que n'offre aucun autre équipementier au monde : il a évoqué STARs qui équipe les Citroën C2 et C3 et permet d'interrompre automatiquement le fonctionnement du moteur lorsque la voiture s'arrête à un stop ou un feu rouge, celle-ci ne redémarrant que lorsque le conducteur sollicite l'accélérateur. Cette technologie permet d'obtenir 80 % des résultats environnementaux atteints par un moteur hybride pour un coût cinq à six fois plus faible et ce, alors même que les véhicules équipés de ce dernier type de moteurs bénéficiaient de subventions, ce qui n'est pas le cas pour le système de Valeo.

Un autre système très novateur mis au point par l'entreprise Valeo permet, quant à lui, de garer le véhicule de manière automatique, sans que le conducteur ait besoin de toucher au volant.

M. Thierry Morin a par ailleurs estimé que la promotion de l'innovation exigeait surtout aujourd'hui de convaincre le marché, tant le secteur automobile faisait parfois preuve de conservatisme du fait notamment de l'obligation de résultat en termes de qualité des véhicules. Il a ainsi estimé qu'un des risques de l'innovation était d'aboutir à ce que, dans un premier temps, son groupe soit fragilisé par le fait d'investir davantage en recherche et développement, sans être certain que les nouveaux produits représenteront une part importante des ventes.

Enfin, s'agissant de la façon dont les équipementiers peuvent relever l'ensemble des défis exposés, il a fait valoir qu'une des forces des groupes tels que Valeo était de posséder et de développer des actifs industriels dont la valeur est beaucoup plus tangible que celles des éléments immatériels qui constituent par exemple l'essentiel de l'actif des entreprises du secteur tertiaire. Il a indiqué que c'est ce qui expliquait que certains de ses concurrents puissent accumuler des pertes pendant une longue période avant de se trouver en situation de faillite. Il a ajouté que ceci se vérifiait par exemple aux Etats-Unis, où Delphi et Visteon avaient subi perte sur perte sans pour autant disparaître. Il a toutefois signalé que ces entreprises avaient, du fait de leur situation financière, une tendance regrettable à se livrer à des pratiques de dumping leur permettant de conserver une part de marché importante. Il a ensuite précisé que, conformément aux exemples cités, ce phénomène était plus américain qu'européen, dans la mesure où General Motors avait initié les baisses de prix très fortes il y a deux ans. Il a toutefois pronostiqué que ces tensions pourraient se produire en Europe l'année prochaine du fait des difficultés des constructeurs français et de l'intensification de la compétition qui devrait en découler. Dans un tel contexte, il a estimé que la consolidation de la filière des équipementiers était un des éléments majeurs de la recherche d'un nouvel équilibre dans les relations avec les constructeurs.

M. Gérard Cornu, président, a tenu à remercier M. Thierry Morin pour le message positif porté par son témoignage.

M. Paul Raoult s'est, quant à lui, interrogé sur le point de savoir si l'innovation ne revenait pas en fait à rendre les véhicules plus complexes, ce qui exposait le marché au risque d'aller à l'encontre des souhaits réels du client.

M. Thierry Morin, tout en reconnaissant que les voitures étaient de plus en plus sophistiquées, a estimé que cette évolution ne devait pas représenter une difficulté pour le client, rappelant que Valeo disposait d'un laboratoire d'ergonomie et citant en exemple des micro-caméras fixées sur les yeux du conducteur pour vérifier s'il doit quitter la route des yeux pour atteindre son autoradio. Il a fait valoir que si les constructeurs utilisaient les nouveaux systèmes, c'était précisément pour simplifier l'utilisation des véhicules. Il s'est aussi déclaré très attaché à la notion d'intuition du conducteur, estimant tout à fait anormal qu'un automobiliste ait besoin de consulter un manuel de cent cinquante pages pour utiliser son véhicule.

Répondant à une intervention de M. Paul Raoult relative à un cas concret de difficulté de dépannage d'un véhicule du fait de la complexité des systèmes électroniques, M. Thierry Morin a répondu que si l'intérêt de l'électronique avait pu être remis en cause à quelques reprises par la presse, les apports de ces nouveaux équipements avaient été occultés. Quant à l'une des affaires qui avait défrayé la chronique, il a rappelé qu'il s'était finalement avéré que le véhicule était hors de cause, le conducteur ayant trafiqué sa voiture pour tenter de se la faire rembourser.

Il a en revanche reconnu que pouvaient survenir des problèmes de fiabilité, en particulier au niveau des moyens de réparation dont disposent les garagistes. A ce titre, il a rappelé que les constructeurs d'automobiles menant entre eux une vive compétition avaient, par le passé, une tendance naturelle à ne pas communiquer les codes source de leurs équipements électroniques à leurs concurrents. Il a ajouté que, bien que le droit communautaire ait désormais contraint les constructeurs à le faire à destination de l'ensemble des entreprises, il pouvait encore demeurer des difficultés liées au fait que ces transmissions d'informations s'effectuaient avec un peu de retard.

Après avoir noté que l'exposé de M. Thierry Morin avait clairement permis de comprendre la stratégie mise en oeuvre pour le redressement de son groupe, M. Jean Desessard a fait remarquer qu'il percevait une certaine divergence entre ces propos et ceux tenus par M. Manuel Gomez au sujet des exigences environnementales.

Sur ce point, il s'est inscrit en faux contre la thèse selon laquelle il ne fallait pas être plus exigeant en termes de normes environnementales, alors même que ces dernières sont une préoccupation croissante des consommateurs comme des responsables politiques. Il s'est d'ailleurs félicité de ce que les constructeurs français mettent au point des véhicules qui comptent aujourd'hui parmi les plus économes en consommation et les moins polluants.

Il a toutefois tenu à faire part de sa surprise quant au fait que ces performances soient trop peu connues, aussi bien du grand public que des pouvoirs publics, prenant l'exemple du Conseil régional d'Ile-de-France, au sein duquel le groupe des Verts avait demandé que la collectivité achète des voitures propres, produits pour lesquels il n'avait pas été possible de proposer de voitures françaises. Il a fait valoir que ce cas était illustratif de l'existence d'un problème d'information, car il lui a paru particulièrement étonnant que les services spécialisés du Conseil régional ne soient pas capables d'identifier l'existence d'une offre nationale de véhicules peu polluants. Il a d'ailleurs regretté que le président du Comité des constructeurs français d'automobiles (CCFA) ait donné le sentiment de rester sur la défensive, et non de valoriser le fait que les Européens, en raison de leur histoire et de leurs préoccupations environnementales, avaient édicté des normes ambitieuses, dont ils assumaient le coût financier.

M. Jean Desessard a ensuite interrogé M. Thierry Morin sur le point de savoir en quoi les normes européennes étaient pénalisantes, dans la mesure où les constructeurs non européens y étaient soumis eux aussi dès lors que leurs véhicules étaient exportés vers le vieux continent.

En réponse, M. Thierry Morin a estimé qu'à l'inverse, l'engagement de plus en plus marqué de l'Europe dans la production de véhicules peu polluants pourrait revenir à mettre en place indirectement l'équivalent d'une protection du marché intérieur, idée à laquelle M. Jean Desessard a adhéré.

Puis M. Daniel Dubois est revenu sur la stratégie de redressement de Valeo en demandant si la forte priorité donnée à l'innovation permettait au groupe de faire face à ses concurrents pratiquant le dumping sur les prix. Il s'est demandé si une des réponses appropriées ne consisterait pas plutôt à conclure des partenariats plus forts avec les producteurs automobiles et à être davantage intégré dans le processus d'assemblage.

M. Thierry Morin a répondu en rappelant qu'il était fortement attaché à l'idée d'indépendance de Valeo qui lui permettait de vendre ses produits à tous les constructeurs du monde, tout en admettant que les rumeurs d'OPA sur le groupe n'avaient jamais cessé ces dernières années.

Il a ajouté que, dès lors que cette indépendance était maintenue, la principale réponse de l'entreprise à ses défis consistait en une intensification de l'effort d'innovation, afin d'être en position plus favorable dans les discussions sur les prix menées avec les constructeurs. Il a d'ailleurs indiqué que son objectif était que Valeo n'ait pas de compétiteurs pour 15 % de ses produits et que tel était déjà le cas d'une dizaine d'équipements dont le système STARs.

M. Daniel Dubois a toutefois fait observer que ces produits très innovants ne représentaient aujourd'hui que 2 % du chiffre d'affaires du groupe.

M. Thierry Morin a répondu d'une part, que les produits innovants avaient représenté 27 % dans le carnet de commandes de Valeo en 2006 et il a fait valoir d'autre part, que cette stratégie d'intensification de l'innovation avait débuté il y a seulement un peu plus de trois ans. Par ailleurs, il a estimé que les pratiques de dumping manifeste constatées dans le secteur n'étaient probablement pas appelées à durer, dans la mesure où les entreprises concernées avaient plutôt vocation à être rachetées dans le cadre de la nécessaire consolidation du secteur de l'équipement automobile.

M. Yves Krattinger a fait part de ses interrogations sur le fait que la voiture à bas coût puisse prendre une place importante sur le marché de l'Europe de l'ouest et que les composants de ce type de véhicules puissent éventuellement provenir des pays émergents.

M. Thierry Morin a répondu que l'origine des équipements d'une voiture à bas coût dépendait elle-même du lieu de fabrication, précisant que si cette dernière était fabriquée en Roumanie, il y avait peu de chances pour que ses composants soient produits en France et ce, en raison de problèmes de compétitivité. Il a estimé qu'en revanche, si la voiture était fabriquée en France, elle pourrait bénéficier des composants produits dans notre pays, tant il y existait une capacité de fabrication d'équipements à un bon niveau de coût.

S'agissant de la question plus générale des perspectives de réussite des voitures à bas coût, il a estimé que celles-ci étaient très réelles, rappelant que l'achat automobile n'était pas d'abord un achat rationnel motivé par le besoin, mais un achat réalisé en fonction d'autres critères tels que l'envie ou les moyens financiers, ce qui laissait une place aux véhicules à bas coût.

Il a d'ailleurs fait observer qu'il existait en France, comme en Italie, une tradition de voitures à bas coût, citant en exemple la Fiat 500, la 4 CV Renault, la 2 CV ou encore la 4L, qui avaient toutes remporté un grand succès. Quant à l'actuel succès d'estime dont bénéficie la Logan, il a rappelé qu'il n'était pas aujourd'hui suffisant pour en faire un produit leader du marché. Il a attribué cette situation au fait que ce véhicule n'avait pas été construit pour la France, alors même qu'une voiture à bas coût pourrait être très bien accueillie, dès lors qu'elle contiendrait les fonctionnalités auxquelles les consommateurs occidentaux se sont désormais habitués. Il s'est ainsi déclaré favorable à l'idée de voitures à bas coût, tout en estimant que ce serait une erreur de les assimiler à des voitures « sans rien » et en précisant qu'il devait s'agir d'un véhicule moderne, avec de bonnes performances en termes de tenue de route et de confort et capable de garantir un très haut niveau de sécurité.

M. Jean Desessard a ensuite posé deux questions, l'une sur l'existence en France d'un avantage lié à l'utilisation de robots dans le processus de fabrication et l'autre sur le point de savoir si les véhicules utilitaires faisaient partie de la gamme de véhicules équipés par les industriels français.

M. Thierry Morin a tout d'abord indiqué que Valeo fabriquait effectivement des équipements pour les véhicules de transports en commun ou les petits véhicules utilitaires, tout en s'estimant moins compétent qu'en matière de voitures particulières pour décrire la stratégie des clients constructeurs. Il a ajouté que le secteur recourait de plus en plus à la mécanisation, les voitures elles-mêmes étant très largement assemblées par des machines. Il a précisé que Valeo utilisait un grand nombre de robots en particulier pour les assemblages des systèmes de transmission, d'embrayage ou de phare. Il a fait observer que les usines de certains de ses clients japonais étaient aujourd'hui plutôt moins automatisées que les usines françaises, tant les industriels japonais focalisent davantage leur attention sur le suivi de production que sur l'automatisation du processus.

Il a conclu sur ce point en estimant que le coût de revient de l'automobile dépendait beaucoup plus de l'utilisation optimale de l'ensemble de l'actif industriel des entreprises que de la présence d'un équipement de production exceptionnel à un endroit donné.

M. Yannick Texier a estimé que, d'une façon générale, si les voitures étaient de plus en plus complexes, elles étaient aussi de plus en plus pratiques et de plus en plus sûres, les voitures françaises n'ayant dans ces domaines rien à envier aux autres.

Au sujet du système « stop and go » qui équipe déjà les véhicules du groupe PSA, il a posé une question sur les possibilités de voir des véhicules BMW ou d'autres marques étrangères prochainement équipées de ce système. Il a par ailleurs souhaité savoir si, aux yeux de M. Thierry Morin, la communication des constructeurs autour de ce système était bonne, notamment au sujet des économies d'émission de CO2.

Sur ce point, M. Thierry Morin a fait remarquer que la communication que pouvait réaliser un équipementier par rapport à un produit monté sur automobile était, par définition, limitée, même s'il a indiqué que Valeo parvenait davantage à faire passer ses messages au travers de la communication des constructeurs, citant l'exemple des phares au xénon. S'agissant des systèmes tels que le « stop and go », il a toutefois indiqué que le principal problème rencontré était l'inquiétude du constructeur par rapport aux habitudes de conduite.

Il a confirmé que ce produit donnait lieu à des projets avec plusieurs constructeurs, le système en question étant d'ailleurs lui-même en constante amélioration. Il a ainsi précisé que la fonction du système de démarrage et de charge de la batterie venait d'être changé à travers le remplacement de l'alternateur et du démarreur par une seule machine réversible. Il a aussi annoncé que dans une deuxième génération cette machine serait capable de récupérer l'énergie du freinage et que, dans une troisième génération, elle permettrait à la voiture de disposer d'un moteur plus petit, et donc de diminuer consommation et pollution. Il a estimé être en mesure d'imposer ce processus comme un nouveau standard dans un délai de cinq à six ans.

En conclusion de cette audition, M. Gérard Cornu, président, a rappelé tout l'intérêt porté par la commission à la défense de l'industrie nationale et des innovations technologiques françaises, jugeant que, de ce point de vue, le langage volontariste tenu par M. Thierry Morin était très rassurant.

Industrie automobile - Seconde audition de M. Xavier Horent, délégué général du conseil national des professionnels de l'automobile (CNPA)

Puis la commission a de nouveau entendu M. Xavier Horent, cette fois en qualité de délégué général du conseil national des professionnels de l'automobile (CNPA), représentant M. Roland Gardin, président du CNPA.

Présentant les services liés à l'automobile, M. Xavier Horent a souligné le poids économique et social du secteur, qui représente 480 000 salariés pour un chiffre d'affaires de 114 milliards d'euros, comparable à celui des constructeurs et de l'ensemble de leurs fournisseurs.

Précisant que le secteur regroupait une pluralité d'acteurs, dont les concessionnaires en véhicules particuliers et en véhicules industriels, les agents de marque, les réparateurs agréés, mais aussi les contrôleurs techniques ou encore les ramasseurs d'huiles usagées et les collecteurs de pneus, il a aussi fait valoir qu'il était aussi composé, d'une part, d'importants groupes de distribution représentant tels que REA Groupe, filiale de Renault qui réalise 23 % des ventes de la marque sur l'ensemble de l'Europe et, d'autre part, de très petites entreprises, prenant l'exemple du domaine du recyclage, où 90 % des structures emploient moins de 10 salariés.

Enumérant les contraintes que constituent la politique de sécurité routière, les mutations technologiques ou encore l'exigence du développement durable, M. Xavier Horent a souligné la nécessaire restructuration du secteur, qui fait face à deux défis principaux :

- d'une part, la montée en puissance de la collecte et du recyclage d'un nombre croissant de véhicules, un million de voitures par an étant actuellement traités en France ;

- et, d'autre part, la forte évolution du secteur, du fait notamment du règlement européen sur la vente et l'après-vente qui devrait mécaniquement induire une concentration de ces activités commerciales.

Relayant des inquiétudes sociales fortes, M. Xavier Horent a pronostiqué la disparition de près de 8.000 entreprises dans les cinq années à venir, ainsi que des difficultés liées à la transmission des sociétés, la question se posant à très court terme pour 25.000 d'entre elles dans un contexte démographique défavorable et un lourd handicap en termes d'image des métiers de services à l'automobile.

Il a attribué cette mauvaise image à la représentation traditionnelle du garagiste vivant les mains dans le cambouis, l'absence d'attractivité du secteur aboutissant à une pénurie structurelle de main-d'oeuvre évaluée, elle aussi, à 25.000 personnes depuis le passage aux 35 heures.

Il a regretté, en outre, que les efforts des professionnels pour recruter ne soient pas suffisamment récompensés, puisque 52 % des jeunes formés initialement pour cette filière d'activité choisissent finalement de s'en détourner, alors même que les entreprises du secteur ont conclu des accords paritaires novateurs en termes de rémunération, de développement des compétences et d'évolution de carrière dont le but était non seulement d'attirer, mais aussi de fidéliser les jeunes collaborateurs qualifiés.

M. Xavier Horent a conclu en s'interrogeant sur les évolutions de ce secteur en France. S'agissant des nouveaux modes de distribution des véhicules, il a estimé que la commercialisation en grande surface ne devrait probablement pas connaître de réel développement, du fait de la nécessaire spécialisation des personnels de vente et d'après vente. De même, il a affiché une certaine réserve quant à la place que pouvait prendre la vente par Internet, en indiquant que même aux Etats-Unis, les ventes par ce biais ne parvenaient pas à représenter plus de 2 ou 3 % du volume global des transactions.

M. Jean-Paul Emorine, président, l'a alors remercié de la qualité de sa double intervention devant la commission.

Mercredi 14 février 2007

- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président -

Déplacement au Brésil - Communication

Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission a tout d'abord entendu M. Marcel Deneux sur son déplacement au Brésil dans le cadre d'un voyage effectué avec le pôle de compétitivité Champagne-Ardennes.

Il a d'abord précisé que cette mission du pôle « Industries & Agro-Ressources » des régions françaises Champagne-Ardennes et Picardie s'était déroulée du 27 novembre au 1er décembre 2006, en deux phases, à savoir un colloque de trois jours à Brasilia sur les biocarburants et un programme de visite dans la région de Sao Paulo. Précisant que la délégation française se composait d'une cinquantaine de personnes issues, notamment, de trois universités, de l'Institut français du pétrole, des ministères du développement durable et de l'agriculture, il a expliqué que l'objectif de cette mission était de mieux appréhender la réalité des biocarburants dans un pays qui est le leader mondial pour l'éthanol, carburant à base de canne à sucre, et de détecter, également, des possibilités de collaboration scientifique, technologique, voire industrielle à différents niveaux de la chaîne de valeur des biocarburants.

Il a déclaré que la politique brésilienne dans le domaine des biocarburants se caractérisait à la fois par son ambition -satisfaire, à terme, 5 à 10 % du marché mondial des carburants liquides- et sa cohérence, qui portait la marque du très influent ministère des affaires étrangères brésilien.

Il a ensuite présenté les grands chiffres caractérisant le Brésil : une population de 180 millions d'habitants, un PIB par tête de 3.100 dollars (à comparer au chiffre français de 26.000 dollars), une croissance économique annuelle de 5 % depuis quelques années, une inflation égale à 7,6 %, un chômage de 12 %, prévu pour revenir à 9 % en 2007, un budget en équilibre et un commerce extérieur excédentaire de 33 milliards de dollars, le déficit des échanges extérieurs de la France avec le Brésil atteignant 700 millions de dollars. Afin de donner quelques ordres de grandeur en matière agricole, il a indiqué que la superficie totale du pays était de 850 millions d'hectares (contre 30 en France) et que la surface agricole utile atteignait 360 millions d'hectares, dont 200 millions d'hectares de prairies, 22 millions d'hectares de soja et 6 millions d'hectares de canne à sucre. Il a fait observer que la conquête des terres « vierges » du Brésil n'était pas terminée, même si elle était en train de se ralentir.

S'agissant de la situation des biocarburants, M. Marcel Deneux a souligné que la production d'éthanol à partir de la canne à sucre était ancienne, mais qu'elle avait connu trois accélérations successives : en 1972-73, suite au premier choc pétrolier, au cours des années 90 avec le développement des exportations du sucre, et depuis le début des années 2000, avec le développement de la production de l'alcool lié à la crise pétrolière mondiale et l'apparition de véhicules « flexfuel ». Il a noté qu'il y avait aujourd'hui 346 usines en fonctionnement, que 46 étaient en construction et que 47 nouveaux projets venaient d'être approuvés. Précisant que la production annuelle actuelle était d'environ 386 millions de tonnes de canne à sucre débouchant, outre le sucre, sur 170 millions d'hectolitres d'alcool, il a relevé que le coût de production de l'hectolitre d'alcool était revenu en vingt ans de 90 dollars par tonne à 30 euros par tonne, grâce aux gains de productivité obtenus sous l'effet d'une politique sans commune mesure avec celle, pourtant active, déployée par la France en matière de biocarburants.

Il a expliqué que la production s'organisait sous forme de « clusters » autour d'une sucrerie associée à une distillerie, ce qui permettait d'ajuster la production en fonction des marchés du sucre et de l'alcool. Il a relevé que la vinasse était la plupart du temps recyclée dans les champs proches de l'usine, mais les incidences environnementales de cette pratique conduisaient de plus en plus à une valorisation énergétique par méthanisation.

Il a ensuite précisé que la production de biodiesel s'était développée de manière beaucoup plus récente et restait encore très modique par rapport à la production d'éthanol. Après avoir rappelé que le diesel était réservé au Brésil aux véhicules utilitaires, il a fait état d'un changement politique à l'égard du biodiesel, aujourd'hui seulement conseillé aux utilitaires et aux camions, mais destiné à devenir obligatoire pour 5 % d'entre eux à partir de 2013. Concernant le rendement de cette production, il a indiqué que l'ambition était de passer d'une production moyenne de 600 litres à 6.000 litres par hectare. Quant à la valorisation de la glycérine, il a relevé qu'elle faisait l'objet de recherches actives. Observant enfin qu'une sole d'oléagineux pouvait être placée entre deux cultures de canne à sucre et avait souvent des effets très bénéfiques, il a jugé que cela pouvait inciter les complexes sucriers à implanter un atelier dédié au biodiesel.

Abordant enfin les carburants de deuxième génération, il a estimé qu'ils faisaient l'objet d'un vif intérêt de la part de l'administration brésilienne, qui avait lancé des programmes de recherche concernant l'hydrogénisation de l'huile végétale non raffinée et la fabrication de biodiesel à partir d'huile de ricin et d'alcool.

M. Marcel Deneux a ensuite insisté sur ce que la délégation française avait pu percevoir à travers ses rencontres au Brésil. Il a relevé que le ministre brésilien de l'agriculture avait présenté la question des biocarburants comme une « cause nationale » et profité de la présence d'une délégation française importante pour faire passer plusieurs messages, notamment sur la capacité de son pays à produire et exporter des biocarburants dans des conditions « socialement et écologiquement soutenables ». Il a notamment fait observer que le ministre avait déclaré que le développement de la culture de canne ne se ferait pas au détriment de la déforestation de la forêt amazonienne. Mettant en doute le caractère irréprochable, sur le plan environnemental, de l'agriculture brésilienne, M. Marcel Deneux a remarqué que des voix s'élevaient, même au Brésil, pour dénoncer les atteintes à l'environnement de l'agriculture intensive. Il a néanmoins noté le souci de la part des représentants des pouvoirs politiques brésiliens de placer la question des biocarburants dans le contexte des grands enjeux environnementaux auxquels l'ensemble de la planète devra faire face.

Revenant sur le sujet de l'éthanol, il a fait valoir l'augmentation de la productivité en sucre de 1 % par an depuis 30 ans et jugé que le Brésil était entré « dans l'âge mûr » du bioéthanol de première génération, le marché intérieur de l'alcool-carburant correspondant actuellement à 35 % en volume des carburants des véhicules légers. Il a jugé que c'était désormais vers l'exportation que s'orientaient maintenant les ambitions brésiliennes, comme le prouvaient la construction d'infrastructures spécifiques de transport par pipelines et d'un terminal d'exportation, l'idée étant d'affréter au retour les pétroliers venus d'Arabie Saoudite aux Etats-Unis.

S'agissant de la production d'éthanol de deuxième génération, il a estimé que l'hydrolyse enzymatique de la cellulose représentait un enjeu mondial, auquel serait d'ailleurs consacré le futur centre de recherches sur la fermentation enzymatique destiné à s'implanter en Haute-Marne, mais que les Brésiliens, sans attendre, s'étaient engagés dans l'hydrolyse acide et avaient développé le concept de « bio-raffinerie », orienté essentiellement sur la production d'éthanol.

M. Marcel Deneux a conclu en indiquant que le développement fulgurant des véhicules de type « flexfuel » -fonctionnant à 85 % à l'éthanol-, qui représentaient 80 % des ventes de véhicules neufs aujourd'hui, attestait du choix politique du Brésil de miser prioritairement sur l'éthanol pour les années à venir. Il a jugé que la France aurait tout intérêt à soutenir activement la mise en place d'une politique européenne de l'énergie, où elle jouerait un rôle actif.

M. Claude Saunier a rebondi sur l'intervention de M. Marcel Deneux, s'appuyant sur son propre séjour d'une semaine, effectué au Brésil le mois dernier, dans le cadre d'un travail sur la biodiversité entrepris avec le sénateur Laffitte. Il a assuré qu'il tirait de son voyage les mêmes conclusions que M. Marcel Deneux, jugeant que le Brésil représentait un grand partenaire mondial dans l'approvisionnement alimentaire et énergétique de la planète. S'agissant de la culture de soja et des recherches en la matière, il a précisé qu'il convenait de se défaire d'une image du Brésil comme d'un pays en développement. Il a déclaré avoir établi des contacts avec plusieurs instituts de recherche de taille équivalente, pour l'un à l'Institut national de recherche agronomique (INRA), pour l'autre à l'Institut Pasteur, dont la plupart des chercheurs avaient d'ailleurs été formés en France.

Concernant la dimension environnementale du développement brésilien, il a estimé que l'objectif affiché était de développer, dans le respect de l'environnement, une production massive, le développement agricole étant officiellement identifié comme levier du développement global du pays. S'il est convenu de l'existence de programmes de recherche sur les méthodes de gestion durable de la forêt amazonienne et d'un souci affiché d'exploitation raisonnée de l'environnement, il a considéré que subsistaient beaucoup de zones de non-droit, certains acteurs économiques utilisant d'importants moyens financiers pour défricher sauvagement certains territoires, puis pour régulariser juridiquement leur situation en se faisant attribuer de faux droits par le biais de réseaux véreux.

En matière de biodiversité, M. Claude Saunier a relevé l'attachement manifesté par les Brésiliens au principe de souveraineté. Sans nier que l'Amazonie représentait le poumon de la planète, les interlocuteurs brésiliens se sont montrés très inquiets de toute ingérence dans la gestion de l'Amazonie, malgré l'existence avérée d'une « bio-piraterie » pillant la biodiversité. Il en a conclu que l'idée d'une organisation des Nations-Unies de l'environnement, si souhaitable fût-elle, devrait être promue avec la plus grande diplomatie afin d'assurer l'intégration des grands espaces brésiliens comme élément du patrimoine mondial, dans le respect de l'indépendance nationale. S'appuyant sur les échanges qu'il avait pu avoir avec l'ambassadeur de France au Brésil, il a mis en avant le bénéfice qu'il y aurait, pour la France, à multiplier les échanges avec le Brésil, naturellement francophile, par exemple par le biais du développement de relations interparlementaires.

M. Jean-Paul Emorine, président, a abondé en ce sens et évoqué son propre souvenir de la capacité d'adaptation des Brésiliens dans le domaine économique, notamment automobile, comme l'illustrait la construction en 18 mois d'une usine Renault employant des personnes d'une moyenne d'âge de 26 ans, d'une formation supérieure de deux ans après le baccalauréat, formation que les employés complétaient le soir par des cours financés sur leurs propres deniers.

M. Gérard Bailly s'est interrogé sur la part de la population active brésilienne employée dans l'agriculture.

M. Marcel Deneux lui a répondu que l'agriculture représentait 13 % du PIB.

M. Gérard Bailly a ensuite souhaité avoir des informations sur l'élevage, puisque M. Marcel Deneux avait évoqué les 200 millions d'hectares répertoriés en prairies, ainsi que sur les organismes génétiquement modifiés (OGM). Il s'est également demandé si la France, en matière de biocarburants, n'avait pas une bataille de retard.

M. Jackie Pierre a souhaité savoir si les chiffres de production de canne cités par M. Marcel Deneux visaient bien la production annuelle par hectare.

M. Marcel Deneux lui a répondu par l'affirmative. Puis après avoir évoqué les tensions sur les prix agricoles mondiaux, il a estimé qu'il existait des interférences entre les domaines alimentaire et non alimentaire, comme le prouvait l'exemple français, où l'équilibre de la filière éthanol reposait sur les co-produits, et donc sur la participation financière des éleveurs. Concernant les OGM, il a rappelé que les essais se développaient en France, et que 50 % d'entre eux portaient sur les betteraves à sucre.

Union européenne - Stratégie de Lisbonne - Communication

La commission a poursuivi l'audition de M. Marcel Deneux à propos de son déplacement à Bruxelles, les 5 et 6 février, à l'occasion de la IIIe rencontre parlementaire, associant le Parlement européen et les Parlements nationaux sur la mise en oeuvre de la stratégie de Lisbonne.

Ayant rappelé que la stratégie de Lisbonne, adoptée en mars 2000, tend à faire de l'économie européenne la plus dynamique et la plus compétitive au monde à l'horizon 2010, en impliquant toute une série de domaines politiques comme la recherche, l'éducation, l'environnement et l'emploi, M. Marcel Deneux a indiqué qu'en novembre 2004, la Conférence des Présidents du Parlement européen avait décidé de mettre en place un groupe responsable du suivi de la position du Parlement européen sur la stratégie de Lisbonne. Ce groupe, composé de 33 membres, représente les différentes commissions concernées, et a pour mandat de faire des propositions à la Conférence des Présidents et d'organiser des réunions avec les Parlements nationaux, afin de renforcer le dialogue parlementaire sur ce sujet.

Après deux réunions tenues en 2005 et 2006, cette IIIe rencontre organisée conjointement par le Parlement européen et le Bundestag allemand, et donc coprésidée par M. Hans-Gert Pöttering, nouveau président élu du Parlement européen, et M. Norbert Lammert, président du Bundestag, a vu la participation de tous les Etats membres et de représentants du Parlement turc, de la Croatie et de la Macédoine.

M. Marcel Deneux a indiqué que les trois sujets traités, à savoir marché intérieur et innovation, énergie durable et enfin capital humain à travers l'éducation, la création d'emplois et les aspects sociaux, avaient donné lieu à des ateliers distincts et qu'il avait participé à celui consacré à l'énergie durable.

Présentant les conclusions du groupe de travail consacré au marché intérieur et à l'innovation, il a fait valoir qu'un très net consensus s'était dégagé pour recommander l'achèvement du marché intérieur afin d'améliorer la compétitivité de l'Union européenne et répondre dans les meilleures conditions à la mondialisation alors que, trop souvent dans l'opinion publique, cet achèvement apparaît comme son corollaire négatif. Il a précisé que cet achèvement devait concerner tous les secteurs, le marché de l'énergie, les marchés financiers, les services postaux et les télécommunications ayant été cités comme les plus importants, ainsi que celui des transports et du tourisme. Il a été également mis en avant le lien existant entre l'achèvement du marché intérieur et le processus de ratification du traité institutionnel.

M. Marcel Deneux a indiqué que la question des petites et moyennes entreprises avait également été abordée pour recommander un allègement de leurs charges administratives, leur faciliter l'accès au marché intérieur et renforcer leur implication en matière d'innovation.

Sur ce dernier point, a-t-il fait remarquer, le débat a porté sur les moyens de mieux diffuser le savoir et l'innovation au niveau des entreprises et dans les circuits économiques. Le rôle positif des pôles de compétitivité régionaux a été souligné, ainsi que l'intérêt de mieux utiliser les outils disponibles pour assurer leur développement, notamment en matière fiscale.

Il a ensuite exposé que le deuxième groupe de travail consacré au capital humain, à travers l'éducation, l'emploi et les aspects sociaux, s'était surtout attaché, d'une part, à vérifier si des mesures concrètes nationales étaient prises pour mettre en oeuvre la stratégie de Lisbonne et, d'autre part, à définir le bon niveau d'exécution des programmes nationaux.

Parmi les principales recommandations émanant du groupe de travail, il a cité la lutte contre les discriminations, avec une attention particulière portée à l'accès au marché du travail des jeunes salariés et des travailleurs âgés, un investissement dans un dialogue social approfondi qui doit aller de pair avec le développement économique, le renforcement de la formation professionnelle tout au long de la vie et le rapprochement entre les universités et le monde du travail.

Le groupe de travail a aussi débattu de la « flexi-sécurité », en soulignant la nécessité d'une approche équilibrée entre un marché du travail flexible favorisant la mobilité professionnelle et une meilleure allocation des compétences et un niveau adapté de protection et de droit sociaux.

Il a souligné que l'Union européenne devait jouer un rôle essentiel en définissant un niveau minimum de protection sociale à respecter par tous, l'amélioration des standards de protection devant se faire sur un jeu gagnant-gagnant pour l'ensemble des intervenants.

Le groupe de travail a aussi souhaité que la stratégie de Lisbonne intègre spécifiquement l'évolution de la démographie dans les Etats membres, en développant des politiques prenant en compte le vieillissement de la population.

M. Marcel Deneux a ensuite présenté la synthèse du groupe de travail, consacré à l'énergie durable, en soulignant qu'un large consensus s'était dégagé sur la nécessité d'une politique commune au niveau européen sur la sécurité des approvisionnements et d'un engagement européen fort dans la lutte contre le changement climatique. Plus généralement, a-t-il ajouté, les intervenants ont insisté sur la nécessité d'une politique communautaire en matière d'énergie, tout en indiquant que des divergences subsistaient entre les Etats membres et le Parlement européen sur les mesures à adopter au niveau communautaire.

En ce qui concerne la lutte contre le changement climatique, tout le monde est d'accord pour souhaiter que l'Europe joue un rôle précurseur et pour accroître les actions conduites dans ce domaine. Bien que les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre aient été jugés difficiles à atteindre pour beaucoup d'Etats-membres, la volonté exprimée est d'engager les négociations sur l'après-Kyoto en persuadant d'autres pays de rejoindre la table des négociations.

Il a relevé que beaucoup avaient souligné la nécessité de prendre en compte le secteur des transports, contributeur important en matière d'émissions de gaz à effet de serre, et qu'il s'agissait également d'améliorer l'efficacité énergétique, car des marges de progrès importantes pouvaient être obtenues, tant du côté des producteurs d'énergie que du côté des consommateurs.

Tous les participants ont été également d'accord pour encourager la diversification des sources d'énergie afin de diminuer la dépendance énergétique de l'Union européenne, mais aussi de contribuer à la lutte contre le changement climatique. Si une très grande majorité, a-t-il fait valoir, approuve le renforcement des objectifs à atteindre en matière d'énergies renouvelables, la majorité considère que chaque Etat membre doit définir le mix-énergie qui lui est plus adapté et, en particulier, aucun consensus ne s'est dégagé sur le recours à l'énergie nucléaire.

Il y a, en revanche, un consensus sur la nécessité d'achever le marché intérieur de l'énergie pour améliorer sa compétitivité, son efficacité, ainsi que la sécurité des approvisionnements, même si des divergences importantes subsistent sur la manière d'y parvenir. Si certains considèrent qu'il est important de mettre en place un régulateur de concurrence, tous ne partagent pas la proposition du Parlement européen sur la séparation totale de la propriété des réseaux et son impact sur les prix n'a pas été réellement examiné.

Après avoir insisté sur la nécessité de renforcer la recherche sur le développement des nouvelles technologies en matière d'énergie, tant en ce qui concerne le stockage des énergies renouvelables que la 4e génération des réacteurs nucléaires, les participants ont considéré, en conclusion, que les propositions faites par la Commission en janvier 2007 sur une nouvelle politique de l'Union européenne dans le domaine de l'énergie pouvaient contribuer aux objectifs de la stratégie de Lisbonne en matière de croissance et de création d'emplois qualifiés.

M. Marcel Deneux a ensuite évoqué l'intervention de M. José Manuel Barroso, président de la Commission européenne, qui a déclaré prendre bonne note du souhait exprimé en faveur du renforcement de la coopération au niveau communautaire, notamment en matière de recherche.

Il a souligné, également, l'urgence des réformes à entreprendre au sein de l'Europe pour que celle-ci s'adapte au contexte de la mondialisation et sur la nécessité de mieux communiquer sur les avantages que l'Union européenne tire de l'élargissement en termes de marchés et d'emplois.

En matière de coopération et de solidarité intracommunautaire, le président de la Commission européenne a insisté sur le bon usage des fonds structurels, pour améliorer la compétitivité des Etats-membres, d'où la nécessité de leur fléchage « stratégie de Lisbonne ».

Après avoir rappelé qu'historiquement les questions énergétiques avaient joué un rôle fondamental dans la construction européenne, à travers la CECA et Euratom, il a considéré que la sécurité de l'approvisionnement énergétique et la lutte contre le changement climatique constituaient désormais des enjeux essentiels. Il a souhaité que l'Union européenne soit à l'avant garde dans les propositions de réduction des émissions de gaz à effet de serre et s'est déclaré convaincu d'un changement d'attitude des Etats-Unis.

Enfin, il a considéré que l'économie mondiale était confrontée à une nouvelle révolution post-industrielle, moins consommatrice en carbone, et qu'il fallait accompagner ce changement de façon collective.

En conclusion, M. Marcel Deneux a jugé très important que les parlementaires nationaux participent à ce genre de réunions même si, sur le fond, le débat apporte peu d'éléments novateurs.

En effet, a-t-il ajouté, il convient d'oeuvrer pour favoriser l'appropriation nationale de la stratégie de Lisbonne, car ses objectifs en matière de croissance économique, d'emploi qualifié, d'investissement dans le capital humain, de renforcement de la cohésion sociale et de prise en compte de la dimension internationale influent durablement sur l'avenir de tous. Aussi bien a-t-il suggéré, pour une meilleure information des commissaires, d'entendre, une fois par an, le ministre en charge de la mise en oeuvre de la Stratégie de Lisbonne -actuellement, il s'agit de Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes- afin de faire le point sur les mesures concrètes adoptées par la France pour parvenir aux objectifs fixés dans la stratégie et sur l'évaluation des résultats obtenus.

M. Jean-Paul Emorine, président, a confirmé que beaucoup de secteurs relevant de la compétence de la commission des affaires économiques étaient influencés par les objectifs de la stratégie de Lisbonne et il s'est déclaré favorable à l'audition, par la commission, du ministre en charge de sa mise en oeuvre.

M. François Fortassin s'est interrogé sur le bien-fondé des objectifs de la stratégie de Lisbonne, en se demandant s'il ne s'agissait pas plutôt de la réflexion d'une « société savante » cherchant à se donner conscience. Il a considéré, en effet, que ni les responsables politiques, ni les acteurs économiques n'étaient prêts à recommander une diminution de la consommation énergétique, l'abandon de l'énergie nucléaire ou encore l'interdiction des transports aériens « inutiles », et plus généralement à prôner une décroissance économique, pour lutter efficacement contre le changement climatique.

Lui répondant, M. Marcel Deneux, tout en déclarant partager certaines de ses interrogations, s'est déclaré convaincu que la croissance économique pouvait être plus économe en énergie grâce à une véritable révolution technologique, en citant l'exemple des bio-carburants. Il a considéré, en outre, que les pays industrialisés devront prendre des engagements de réduction plus importants afin de préserver les marges de croissance économique des pays en voie de développement.

Audition de M. Patrick Kron, président-directeur général d'Alstom

La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Patrick Kron, président-directeur général d'Alstom.

M. Jean-Paul Emorine, président, a souhaité la bienvenue à l'intervenant, au nom de la commission des affaires économiques, mais également du groupe d'amitié France-Canada, présidé par M. Marcel-Pierre Cléach, présent à ses côtés. Rappelant que M. Patrick Kron avait été nommé à la tête de la société Alstom en 2003, alors que cette dernière connaissait de grandes difficultés, il a souligné l'importance actuelle du groupe que la délégation en Chine de la commission, en 2005, avait constatée en rencontrant plusieurs de ses représentants à Shanghai.

Précisant qu'il était accompagné par M. Maurice Benassayag, directeur des relations publiques d'Alstom-Transport et par M. Fred Einbinder, directeur juridique d'Alstom, M. Patrick Kron a tout d'abord présenté le groupe Alstom. Employant 60.000 à 65.000 personnes dans le monde, celui-ci concentre les deux tiers de son activité dans la fabrication et la maintenance de centrales électriques. Alimentées par des ressources extrêmement diversifiées (gaz, charbon, énergie nucléaire ou hydroélectrique) et représentant 25 % de l'énergie électrique produite sur la planète, elles font de la société le deuxième ou troisième groupe mondial du secteur. Le transport ferroviaire, constituant la seconde activité d'Alstom, offre une large gamme allant de la fabrication des matériels roulants -TGV, tramways, métros, trains régionaux et interrégionaux, locomotives de fret ...- à la fourniture de services, en passant par la construction d'infrastructures et la signalisation. Présent dans 60 pays, Alstom possède 25 % de ses effectifs en France, où il réalise 10 % de ses ventes et investit 50 % de ses dépenses de recherche et développement, son activité sur notre territoire ayant donc un rôle d'entraînement majeur à l'international.

Rappelant les difficultés rencontrées par le groupe en 2003, M. Patrick Kron a rappelé que ce dernier avait dû vendre une partie substantielle de ses activités, notamment à la demande de la Commission européenne, perdant ainsi 35.000 de ses salariés, mais également se restructurer industriellement, perdant de ce fait 15.000 employés supplémentaires. Dans le cadre de la restructuration financière du groupe, l'Etat a pris une participation de 20 % au capital, mais a souscrit auprès des autorités communautaires l'engagement de céder ses parts au plus tard en 2008. Il a donc revendu celles-ci à Bouygues, qui en possède désormais 25 %. Les pouvoirs publics ont réalisé, à cette occasion, une plus-value appréciable, en récupérant 2 milliards d'euros, après en avoir investi 800 millions deux ans auparavant. La reprise des marchés a ensuite permis au groupe de se redresser et de se développer, jusqu'à recruter 7.000 personnes en 2006, dont un millier en France et la moitié pour des postes d'ingénieurs et cadres, prouvant ainsi que les difficultés rencontrées trois ans auparavant n'avaient été qu'accidentelles et que la société était restée viable sur le long terme.

Evoquant ensuite les problèmes rencontrés plus récemment au Canada, M. Patrick Kron a tout d'abord précisé qu'il était par principe favorable à l'ouverture des marchés et à la libéralisation des échanges internationaux. Soulignant qu'ils n'avaient pas nécessairement pour conséquence une destruction des emplois sur notre territoire, et qu'ils donnaient même lieu à un accroissement des effectifs nationaux du groupe, il a précisé que deux tiers d'entre eux travaillaient à l'export et que, de même, le tiers de ce que produisait le groupe dans l'Union européenne était commercialisé dans des pays tiers. Il a néanmoins conditionné cette libéralisation à l'existence de règles communes et réciproquement appliquées, disant accepter pleinement l'idée que l'entreprise canadienne Bombardier remporte des appels d'offre en France pour la fournitures de trains en région d'Ile-de-France dès lors qu'une mise en concurrence symétrique serait pratiquée au Canada à l'égard des entreprises étrangères. Or, cela n'a pas été le cas, a-t-il estimé, indiquant que le groupe canadien s'était vu accorder des contrats de gré à gré à Toronto et Montréal lui permettant d'accroître ses marges sur le marché intérieur, et donc de proposer ensuite une offre plus compétitive que celle de ses concurrents, à l'international. Le Canada a considéré, en effet, que les autorités provinciales -celles du Québec, en l'occurrence- pouvaient s'exonérer des règles générales d'appel d'offres et passer des marchés de gré à gré. Considérant que la procédure suivie à cet effet n'était même pas conforme au droit local, Alstom à porté l'affaire devant les juridictions canadiennes.

Certes, a poursuivi M. Patrick Kron, l'Union européenne a prévu un dispositif écartant l'application des règles générales de mise en concurrence à des entreprises relevant d'un pays ne respectant pas ces mêmes règles à l'égard d'entreprises européennes sur son propre territoire. Néanmoins, ces mesures n'ont, à l'heure actuelle, pas encore été intégrées dans l'ordre juridique communautaire et n'ont donc pas été appliquées, du fait notamment d'arguments portant sur la nationalité du groupe Bombardier. Si cette carence n'indispose pas les pays qui, comme le Royaume-Uni, d'ailleurs aujourd'hui dépourvu d'industrie ferroviaire, y voient un moyen de bénéficier de prestations plus compétitives de la part d'un groupe étranger comme Bombardier, il serait cependant opportun, a-t-il conclu, de donner aux autorités européennes et nationales les instruments juridiques leur permettant de s'assurer que les règles de passation des marchés publics soient appliquées de façon symétrique sur le territoire communautaire et extra-communautaire.

Convenant que la restructuration du groupe Alstom, bien que difficile, avait été indispensable, et que les difficultés qu'il avait rencontrées au Canada constituaient une réelle anomalie à laquelle l'Organisation mondiale du commerce (OMC) devrait remédier, M. Jean-Paul Emorine, président, a dit partager entièrement l'avis de l'intervenant et appelé les élus à réagir pour préserver l'activité de l'entreprise.

Assurant ses collègues du plaisir qu'il avait à revenir devant la commission des affaires économiques, dont il avait été membre, M. Marcel-Pierre Cléach a félicité l'intervenant pour le redressement de son entreprise. Estimant que les autorités européennes et nationales avaient fait preuve d'une certaine naïveté, il s'est dit interloqué par l'absence d'instruments juridiques permettant d'encadrer les marchés publics, aboutissant à ce que des constructeurs asiatiques aient été retenus, après adjudication par le ministère de la défense, pour fournir en automobiles la gendarmerie française. Puis il a interrogé l'intervenant sur sa vision de l'avenir du groupe Alstom, eu égard notamment à sa diversification vers les énergies nouvelles, ainsi que sur le dossier du TGV pendulaire.

Soulignant que le parcours boursier d'Alstom n'avait pas systématiquement correspondu à son activité réelle, M. Marcel Deneux souscrit à l'opinion de l'intervenant sur la naïveté dont avaient fait preuve l'Union européenne et la France, ajoutant qu'elle n'était pas partagée, loin s'en faut, par des pays comme les Etats-Unis ou le Japon. Puis il l'a également questionné sur la façon dont il entendait concilier objectifs économiques et contraintes écologiques, ainsi que sur l'importance des recherches consacrées à l'amélioration de l'efficacité énergétique des produits vendus par le groupe.

Rappelant que le Sénat avait lancé une réflexion, par le biais d'une mission d'information, sur les notions de centre de décision économique et d'attractivité du territoire, M. Christian Gaudin a interrogé l'intervenant sur ce sujet, ainsi que sur la pertinence du concept de nationalité d'une entreprise.

Soulignant qu'il n'entendait entrer en conflit avec quiconque, et surtout pas avec les autorités canadiennes, M. Patrick Kron s'est dit favorable à la création d'un organisme comme l'Observatoire de la concurrence. Estimant que les Etats -et non des entreprises, pas même publiques- devaient seuls avoir compétence pour décider si les règles de mise en concurrence étaient ou non symétriquement appliquées, il a incité à plaider en ce sens auprès des institutions communautaires.

Considérant que la protection de l'environnement constituait une problématique fondamentale, il a estimé qu'il était possible de trouver un nouvel équilibre entre besoins énergétiques et contraintes écologiques, en particulier en augmentant l'efficacité des centrales électriques déjà installées. Rapportant que les experts prévoyaient une répartition à parts égales de la production d'électricité entre le gaz et le pétrole d'une part, le charbon d'autre part, et enfin les autres formes d'énergie, il a assuré que des recherches étaient actuellement menées pour améliorer l'efficacité énergétique des centrales électriques. Ajoutant que l'augmentation de 2 % seulement du rendement du parc installé produisant de l'électricité à partir du charbon, actuellement estimé à environ 30 %, réduirait de 5 % l'ensemble des émissions de gaz carbonique, il a escompté que les clients souhaitant acquérir des équipements sûrs et respectueux de l'environnement s'adressent préférentiellement à des entreprises offrant ces technologies innovantes plutôt qu'à celles de pays émergents, moins chères, mais moins performantes. S'agissant de l'énergie hydraulique, principale énergie renouvelable, il a souligné qu'Alstom, avec 30 % du marché, était leader mondial, ajoutant qu'il serait à présent opportun pour le groupe de pénétrer sur le marché de l'éolien.

Répétant qu'il était vain d'opposer développement des échanges internationaux et maintien d'une base européenne forte, l'un alimentant l'autre, il a indiqué que l'existence d'un marché domestique et le développement de la base industrielle d'un pays étaient attentivement examinés avant de décider d'y implanter des unités de production en vue d'honorer un contrat d'approvisionnement. Enfin, précisant que la langue de travail du groupe était l'anglais, il a néanmoins insisté sur la nécessité de développer des lycées français partout dans le monde, regrettant à cet égard la réduction des financements publics leur étant consacrés.

M. Gérard Cornu a considéré que le marché remporté par la société Bombardier pour les transports en Ile-de-France était pénalisant pour Alstom, tant sur le plan économique que psychologique. Après s'être interrogé sur l'organisation de la chaîne de fournitures dans le secteur ferroviaire, il a souhaité savoir si le contrat décroché par Bombardier en Ile-de-France allait profiter aux équipementiers français et connaître le montant des cotisations de taxe professionnelle acquitté respectivement par Alstom et Bombardier à la région d'Ile-de-France. Enfin, après avoir évoqué la restructuration de l'entreprise Alstom, notamment par la vente de la branche des chantiers navals, il s'est demandé si l'entrée de Bouygues dans le capital du groupe, à hauteur de 25 %, mettait Alstom à l'abri d'une opération d'offre publique d'achat.

M. Michel Teston a déclaré partager entièrement les propos de M. Patrick Kron sur l'exigence de règles symétriques dans les conditions d'accès aux marchés publics des pays industrialisés. Mais faisant valoir que le siège mondial de Bombardier Transport, filiale de Bombardier, était localisé à Berlin et que l'usine française de Bombardier située à Crespin (59) allait fabriquer et assembler une partie du matériel permettant d'honorer le contrat remporté par Bombardier en Ile-de-France, il a considéré que les interrogations de la Commission européenne sur l'identité de ce groupe pouvaient être légitimes.

Evoquant les activités du groupe Alstom dans le secteur de l'énergie, et notamment l'équipement de la partie conventionnelle des installations nucléaires, il s'est demandé si l'entrée de Bouygues dans le capital du groupe ne constituait pas le prélude à des rapprochements avec d'autres entités présentes dans le secteur.

Tout en rappelant qu'Alstom avait connu un grand succès avec le TGV, caractérisé par la technique d'une rame articulée entre deux motrices, ce qui avait permis le développement des TGV en duplex, il a fait valoir qu'en ce qui concerne les trains à grande vitesse à un niveau, la demande portait sur du matériel ferroviaire à motorisation répartie sur l'ensemble de la rame, ce qui permettait d'augmenter le nombre de places disponibles. Soulignant que Siemens, sur ce segment, disposait actuellement d'une avance technique, il a voulu savoir à quelle date Alstom serait en mesure de commercialiser la technologie innovante de l'AGV (automotrice à grande vitesse), fondée sur le concept d'une rame entièrement articulée et à motorisation répartie.

M. André Ferrand, rappelant qu'il avait été chargé d'une mission temporaire par les ministres en charge des affaires étrangères, de l'éducation nationale et de l'économie sur les modes de financement de l'enseignement français à l'étranger, s'est félicité de ce que les ambassadeurs soient désormais chargés de bâtir un plan Ecole sur trois ans en associant à ce projet toutes les composantes de la communauté française concernée. Il a fait valoir toute l'importance des lycées français pour contribuer au rayonnement de la culture et de la langue française dans le pays d'accueil et a regretté la faible implication des entreprises françaises implantées à l'étranger sur le plan élaboré par les ambassades de France.

Il s'est ensuite interrogé, à propos de la branche Transports du groupe, sur les marges de progrès identifiées par Alstom pour tendre vers l'excellence, à travers le « benchmarking » pratiqué vis-à-vis des entreprises concurrentes.

Evoquant l'expansion du secteur ferroviaire en Afrique du Sud, il a regretté qu'Alstom n'ait pas été retenu dans le contrat concernant la réalisation de la ligne Johannesbourg-Prétoria.

Leur répondant, M. Patrick Kron a apporté les éléments d'information suivants :

- Alstom emploie en France 7.500 salariés dans l'activité Transport et Bombardier six fois moins, ce qui se répercute sans doute sur les montants de taxe professionnelle acquittés par les deux entreprises ;

- la qualité de la chaîne de fournitures est un élément essentiel pour le groupe Alstom, qui achète 50 % des produits qu'il vend ; il ne s'agit cependant pas de la même organisation que dans le secteur automobile, les séries produites étant plus courtes dans le domaine ferroviaire ;

- Alstom entend développer sa capacité d'adaptation aux besoins spécifiques de ses clients, à partir de « composants génériques » compétitifs et d'une compétence ingénierie permettant de répondre précisément à la demande ;

- l'intérêt du plan Ecole développé par les ambassades de France à l'étranger est réel et justifie pleinement que l'Etat français supporte financièrement ce projet ;

- Alstom s'est engagé dans des projets importants en Afrique du Sud dans le secteur de l'énergie, tant sur des centrales thermiques au charbon que sur des installations nucléaires ;

- Bouygues et Alstom n'ont pas d'obligation d'intégration verticale dans leur démarche commerciale, mais mettent en oeuvre des partenariats lorsque cela est opportun ;

- le débat sur la nationalité de l'entreprise Bombardier s'est enlisé au niveau européen, alors même qu'au Canada, celle-ci est clairement et légitimement considérée comme une entreprise canadienne ;

- Alstom intervient dans le secteur nucléaire, un tiers des centrales nucléaires au niveau mondial étant équipé d'un matériel conventionnel qu'il fabrique, mais il n'existe pas de projet de rapprochement avec Areva, car l'ouverture du capital de cette entreprise n'est pas à l'ordre du jour ; il s'est néanmoins déclaré favorable à une réflexion sur la filière nucléaire ;

- la technologie innovante de l'AGV doit permettre de produire un prototype d'ici à la fin de l'année 2007 permettant des gains de place importants et offrant plus de souplesse sur la taille des trains, mais il s'agit d'un produit haut de gamme sur lequel les grandes compagnies de transport ferroviaire ne se sont pas encore prononcées pour le lancement.

M. Jean Desessard s'est déclaré très intéressé par l'affirmation qu'un groupe industriel peut produire en France, en intégrant des préoccupations sociales et en cherchant à concilier activité économique et normes environnementales. Il a souhaité savoir quelle avait été la position adoptée par le président de la région Ile-de-France à propos du contrat remporté par Bombardier. Il s'est demandé si l'évolution morphologique des personnes impliquait une adaptation des normes de fabrication du matériel ferroviaire. Evoquant enfin le démarrage difficile du ferroutage en France, il a voulu savoir si cela était lié à des difficultés techniques concernant le matériel disponible.

M. Claude Saunier s'est demandé si, dans sa démarche de développement durable, le groupe Alstom allait intégrer la technique de capture du CO2 dans ses développements futurs. Jugeant inéluctable un rééquilibrage des différents modes de transport en faveur du ferroviaire, il a souhaité savoir quels étaient les projets du groupe en ce qui concerne le TGV pendulaire pour répondre aux attentes des élus de l'ouest de la France et s'il était envisageable qu'Alstom, seul ou avec ses partenaires européens, développe une stratégie ferroviaire commune sur des matériels exportables dans le monde entier.

M. Paul Raoult, rappelant l'implantation de Bombardier dans le Nord de la France et les coopérations développées entre Alstom et ce groupe industriel, a mis en garde contre les excès d'un patriotisme économique à l'encontre d'un concurrent qui pourrait nuire à une entreprise installée et produisant en France.

Il a considéré que le contrat remporté par Bombardier s'inscrivait dans le cadre de la libre concurrence, que le Gouvernement français ainsi que les autorités européennes n'avaient pas souhaité exiger des règles de symétrie dans les conditions d'ouverture des marchés publics au Canada et qu'il s'agissait d'une décision politique qui s'imposait ensuite à tous les opérateurs économiques. Il a fait valoir qu'Alstom, historiquement, avait également bénéficié des procédures du marché de gré à gré passé avec la SNCF et que le lancement du TGV avait bénéficié en son temps de soutiens publics.

S'appuyant sur son implication en tant que président d'une commission de concertation à propos de l'installation d'une boucle d'essai ferroviaire dans la région Nord-Pas-de-Calais, il a fait valoir tout l'intérêt de ce projet pour permettre à Alstom de tester son matériel, dès lors que l'entreprise ne peut plus utiliser les sillons dont la SNCF est propriétaire. Il s'est demandé qui aurait la maîtrise d'ouvrage entre l'Etat, la région Nord-Pas-de-Calais ou alors Alstom, en coopération éventuellement avec Bombardier et Siemens pour assurer la rentabilité du dispositif. Relevant, en outre, l'impact environnemental du projet et l'émotion légitime des populations concernées par le tracé, il a souhaité avoir des informations précises sur le degré d'engagement d'Alstom, craignant que le choix d'un autre pays de l'Union européenne n'entraîne des délocalisations ultérieures, alors même qu'en matière de recherche, des synergies fortes existent entre ce projet et le pôle universitaire de Valenciennes.

Relevant enfin que le TGV, malgré son succès indéniable en France, avait été finalement peu exporté en raison des contraintes liées à l'obligation de construction de voies nouvelles, il a fait valoir tout l'intérêt de l'alternative offerte par le train pendulaire qui ménage plus de flexibilité dans le tracé et les voies utilisées, ainsi que des performances très intéressantes en matière de vitesse.

M. François Fortassin s'est félicité du partenariat exemplaire entre les collectivités territoriales, l'université et le laboratoire Pearl de l'usine Alstom de Tarbes intervenant dans le domaine de l'électronique embarquée et il s'est demandé si ceci avait été généralisé sur d'autres sites.

En réponse, M. Patrick Kron a réaffirmé ne pas vouloir opposer développement international et délocalisations dans le secteur ferroviaire, dès lors que la France conserve une avance technologique. De même, en matière de protection sociale et de préservation de l'environnement, dès lors qu'on reste vigilant sur l'exigence de symétrie dans une économie de plus en plus ouverte.

Il a déclaré n'avoir pas encore obtenu de rendez-vous avec le président de la région d'Ile-de-France s'agissant du contrat remporté par Bombardier et reconnu, à ce propos, que la proposition faite par Alstom ne correspondait pas exactement aux besoins de la SNCF, qui recherchait un matériel ferroviaire plus standard pour ses lignes de banlieue ; le train proposé par Alstom s'est avéré plus performant, mais plus cher.

Il a considéré que le développement du ferroutage n'était pas obéré par des questions techniques, mais par un problème de solvabilité de la filière, alors qu'elle peut jouer un rôle structurant pour l'aménagement du territoire.

Il a considéré comme inopportun la création d'un « Airbus ferroviaire », mais souligné que la réflexion était largement engagée sur un indispensable travail de normalisation, relevant, à titre d'exemple, qu'il fallait embarquer sept systèmes de signalisations sur le tracé Paris-Amsterdam.

M. Patrick Kron a également soutenu tout l'intérêt du projet de boucle d'essai ferroviaire défendu par la région Nord-Pas-de-Calais comme pôle d'excellence ferroviaire, souhaitant qu'une juste répartition des financements puisse être définie et M. Maurice Benassayag a ajouté que la région était prête à financer le projet à hauteur de cent millions d'euros et que des modifications du tracé initial étaient envisageables pour tenir compte des remarques des élus et éviter des zones fortement urbanisées.

M. Patrick Kron, rappelant qu'Alstom proposait une gamme de trains couvrant les segments de la très grande et de la grande vitesse a jugé que, dans certaines régions, la difficulté résidait dans la combinaison de tronçons associant TGV et train pendulaire, la SNCF ne souhaitant légitimement pas que les sillons dédiés au TGV soient utilisés par les trains pendulaires. Il a indiqué que les recherches portaient notamment sur l'augmentation de la puissance d'un train pendulaire pour le faire aller plus vite sur des lignes dédiées au TGV.

Il a enfin souhaité que les liens avec l'université du laboratoire Pearl de l'Usine Alstom à Tarbes soient maintenus.

Puis M. Jean-Paul Emorine, président, a remercié M. Patrick Kron de la clarté et de la franchise de ses propos, en soulignant que son audition avait suscité beaucoup d'intérêt.

Audition de Mme Anne-Marie Idrac, présidente de la SNCF

Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition de Mme Anne-Marie Idrac, présidente de la SNCF, accompagnée de M. Olivier Marambaud, directeur général délégué au fret.

Mme Anne-Marie Idrac, présidente de la SNCF, a indiqué en préambule que le groupe SNCF employait 206.000 personnes, dont 160.000 dans la maison mère. Il comptait 35 filiales et était, après Air France-KLM, le deuxième groupe de transport français. Il avait réalisé un chiffre d'affaires de 21 milliards d'euros en 2005 dont 16 milliards d'euros pour la seule maison mère et ce chiffre avait encore progressé en 2006. Elle a précisé qu'elle espérait parvenir à l'autofinancement des investissements en 2008, l'objectif initial de 2007 n'ayant pu être atteint en raison des difficultés du fret. Il convenait enfin de noter que le groupe avait dégagé un résultat courant de 500 millions d'euros en 2005. L'activité de la SNCF se découpait en quatre branches :

- l'activité Voyageurs France-Europe (VFE), c'est-à-dire le transport de voyageurs sur les grandes lignes connaissait de très bons résultats et sa dimension européenne ne cessait de se renforcer à la suite des projets définis par Réseau Ferré de France (RFF), l'Etat et les collectivités territoriales, par exemple avec l'ouverture du TGV Est européen prévu pour le 10 juin 2007 ou les projets Perpignan-Figueras et Rhin-Rhône. Mme Anne-Marie Idrac, présidente de la SNCF, a estimé que la qualité du service et la relation aux clients étaient au centre de cette activité qui connaîtrait en 2010 une ouverture à la concurrence du transport international de voyageurs, ce qui inclut le cabotage national sur les lignes internationales de l'entreprise ;

- l'activité transport public, qui regroupait les Trains express régionaux (TER) et le Transilien d'Ile de France. Cette activité était en réalité la première du groupe, d'une part pour son importance pour la maison-mère et, d'autre part, avec le développement de filiales comme Keolis. Rappelant que les conventions TER entre la SNCF et les régions étaient en cours de renouvellement, elle a précisé qu'une dizaine de conventions avaient déjà été conclues et avaient permis de revenir sur les situations déficitaires induites par les conventions précédentes. La renégociation de ces conventions avait amené à définir la marge bénéficiaire que les régions étaient prêtes à accepter et à mettre en évidence les questions de l'innovation et de la qualité. Elle a estimé que pour ces deux premières branches, l'accessibilité des personnes à mobilité réduite (PMR) était un sujet majeur. Elle a souligné que la loi sur le handicap, récemment votée, n'était absolument pas financée, en particulier pour ce qui concernait les milliards d'euros de dépenses qui allaient incomber à RFF ;

- la troisième branche d'activité consistait dans la réalisation et l'entretien des infrastructures. Faisant valoir que c'était la première fois qu'autant d'argent était consacré à la régénération du réseau, Mme Anne-Marie Idrac, présidente de la SNCF a estimé que se posaient les questions de la productivité de cet effort, d'une part, et de l'impact de ces travaux importants sur le trafic, d'autre part. Elle a indiqué qu'elle avait souhaité créer une filiale d'ingénierie de la SNCF, afin que le groupe puisse participer aux projets ouverts dans le cadre de partenariats public-privé (PPP) ;

- la dernière branche d'activité était celle de la logistique et du fret. Rappelant qu'elle avait nommé M. Olivier Marambaud le 1er décembre 2006 pour remplacer M. Marc Véron, elle a déclaré que cette nomination était une réponse à la gravité de la situation de cette branche. Un comité spécialisé du conseil d'administration sur cette question avait pointé la conjonction de problèmes de production et de difficultés économiques. Elle a estimé que l'impact financier de ces difficultés était dramatique, puisqu'il était prévu, pour 2007, 350 millions d'euros de pertes pour un chiffre d'affaires de cette activité de 1,7 milliard d'euros. Il était donc clair qu'avec des pertes représentant 20 % du chiffre d'affaires, la situation actuelle n'était pas tenable.

Abordant ensuite les éléments de la stratégie générale qu'elle avait définie pour la SNCF, elle a identifié trois défis auxquels la SNCF devrait répondre :

- le premier défi était celui de l'ouverture à la concurrence. L'ouverture des activités de fret et de maintenance annonçait celle, à terme, du marché du transport de voyageurs. Or, l'entreprise, dans ses différentes composantes, n'y était aujourd'hui pas préparée. Elle a illustré ce point en rappelant que, dans le domaine social, une directive avait été transposée en 2004 qui prévoyait un temps de travail différent pour le secteur privé et pour la SNCF. Elle a fait valoir que l'ouverture à la concurrence n'en était, en France, qu'à ses débuts, puisqu'on y comptait 7 entreprises ferroviaires contre 300 en Allemagne. Elle a estimé que le transport ferroviaire français manquait d'une régulation clairement organisée et se caractérisait par un entrelacs d'autorités ;

- le deuxième défi était celui de la compétitivité. Celle-ci dépendait, d'une part, des coûts, ceux de la SNCF dans le fret étant, par exemple, supérieurs de 25 % à ceux de ses concurrents, et d'autre part, de la qualité des services et de l'innovation. Il convient donc d'agir sur les deux tableaux ;

- le dernier défi était d'ordre manageurial et social. Après avoir estimé que la situation de la SNCF différait de celle de la RATP, elle a jugé que beaucoup avait été fait par son prédécesseur Louis Gallois et a souhaité rendre hommage à son action. La nécessité se faisait cependant sentir d'un dialogue social renouvelé. Reconnaissant la difficulté des évolutions dans ce domaine, elle a jugé que les torts étaient sans doute partagés. Elle a estimé en particulier que beaucoup restait à faire en matière de décentralisation du dialogue social et a précisé qu'elle était en train de dresser le bilan de l'accord de 2004 sur le dialogue social.

Enfin, M. Jean-Paul Emorine, président, l'ayant interrogée sur le service garanti, Mme Anne-Marie Idrac, présidente de la SNCF, a indiqué que la SNCF avait conclu des accords de service garanti avec les régions Alsace et Ile de France. Elle a relevé à cette occasion l'exigence croissante des clients et a précisé que la plupart des conventions avec les régions contenait désormais des clauses techniques relatives au service rendu. Elle a alors souhaité céder la parole à M. Olivier Marambaud pour les questions relatives au fret.

M. Olivier Marambaud, directeur général délégué au fret, a souligné tout d'abord le paradoxe entre une demande de fret croissante et les difficultés très importantes de l'activité fret de la SNCF. Il a rappelé que Fret SNCF était une quasi entreprise, puisque ses comptes étaient clairement identifiés en contrepartie de l'autorisation, par l'Union européenne, des aides publiques reçues dans le cadre du plan fret. Ce plan avait représenté 1,5 milliard d'euros et s'était achevé le 31 décembre 2006. Alors que l'activité avait perdu 240 millions d'euros en 2006, les pertes s'aggravaient encore, à 350 millions d'euros prévus pour 2007. Il convenait de rapporter la proportion de 20 % du chiffre d'affaires perdus aux 2 à 3 % de bénéfices que l'activité de fret ferroviaire pouvait permettre de gagner au maximum. Il était indispensable de reconfigurer le système pour rapprocher l'entreprise de ses clients majeurs. Il a précisé que les 70 premiers clients de Fret SNCF représentaient 80 % de son chiffre d'affaires et que l'entreprise devait donc apprendre à travailler avec eux. Elle y était fortement incitée par le développement rapide de ses concurrents, qui mettait en évidence son manque de compétitivité. L'entreprise se caractérisait en particulier par la lourdeur de son organisation, par exemple s'agissant des conditions d'emploi, qui n'étaient pas aussi protectrices que l'opinion commune le pensait, mais qui étaient très rigides. Il a indiqué qu'il présenterait dans les semaines à venir un plan intégrant quatre éléments :

- le premier aspect concernait la qualité, ce qui amenait à travailler avec le personnel sur le processus industriel lui-même, et la reconfiguration de l'organisation, avec un rapprochement entre les fonctions commerciales et celles de production, à l'image de ce qui avait été fait pour le transport combiné ;

- la deuxième question était celle du traitement du wagon isolé. En raison de son coût, il fallait redéfinir de nouveaux processus plus proches des attentes des clients ;

- le troisième élément du plan consistait en une négociation collective d'ampleur qui permettrait de reposer la question de l'organisation du travail en fonction des besoins des clients ;

- enfin, le dernier aspect était relatif à la dimension internationale de l'activité, les clients souhaitant avoir un interlocuteur qui ne soit pas limité aux frontières d'un seul pays.

Il a estimé en conclusion que les clients de Fret SNCF attendaient un véritable sursaut de l'entreprise.

Mme Anne-Marie Idrac, présidente de la SNCF, a souhaité souligner l'importance et la gravité du sujet, d'une part du point de vue du développement durable et, d'autre part, du fait que l'effondrement de l'activité fret pouvait entraîner tout le groupe dans le gouffre. Il convenait, sur ce point, de rapporter les 350 millions d'euros de pertes du fret aux 500 millions d'euros de bénéfices de la SNCF. Elle a enfin estimé que des éléments positifs existaient, à commencer par l'énergie dont les cheminots faisaient preuve et la sympathie des Français pour le fret ferroviaire.

M. Jean-Paul Emorine, président, a abondé dans le sens de Mme Anne-Marie Idrac quant à la nécessité de développer le fret ferroviaire afin d'éviter la saturation totale du réseau routier.

M. Charles Revet, après s'être félicité des performances techniques du TGV Est, dont la presse indiquait qu'il avait battu un nouveau record de vitesse, a remercié Mme Anne-Marie Idrac pour sa franchise. Il a estimé qu'une prise de conscience de la nécessité de faire évoluer l'entreprise était intervenue chez les personnels de la SNCF. Il a souhaité savoir dans quel délai interviendraient les nécessaires restructurations de l'entreprise, les perspectives de développement des trams-trains et les conditions d'un développement harmonieux du TGV et des liaisons Intercités. Il a enfin déclaré souscrire pleinement à l'idée que le fret était un enjeu vital pour la SNCF.

M. Michel Teston a déclaré ne pas partager l'optimisme de Mme Anne-Marie Idrac sur les opérations de régénération. Il a estimé qu'il manquait des dizaines de millions d'euros pour répondre aux préconisations de l'audit sur le réseau. Quant au fret, il a souhaité savoir si le nouveau plan serait une simple adaptation du plan précédent ou une véritable redéfinition. Il a également souhaité obtenir des précisions sur le traitement du wagon isolé et sur l'éventualité d'une filialisation du fret à laquelle il s'est déclaré, pour sa part, tout à fait opposé. Enfin, il a estimé que la SNCF ne faisait pas les efforts nécessaires pour les liaisons Intercités et qu'elle laissait les régions traiter chacune le problème de la desserte de leurs villes moyennes.

M. Marcel Deneux, après avoir salué la franchise de Mme Anne-Marie Idrac, a souhaité obtenir des précisions sur le ferroutage, sur le vieillissement du parc des tracteurs diesel, sur la position de la SNCF par rapport aux évolutions intervenues récemment à la tête de la Fédération nationale des transporteurs routiers (FNTR) et sur les perspectives d'électrification de la liaison Amiens-Boulogne et de réalisation du barreau Amiens-Londres.

M. Jean-Pierre Vial a estimé que les questions ferroviaires nécessitaient une réelle ambition politique. Rappelant que le transport de fret dans l'arc alpin était passé en vingt ans de 60 millions de tonnes à 110 millions de tonnes, il a souligné l'attachement des élus locaux au projet Lyon-Turin. Il s'est félicité, de ce point de vue, de la volonté politique manifestée par le Gouvernement pour réaliser ce projet mais il a souhaité cependant savoir si la SNCF ferait également preuve d'ambition en matière de fret.

En réponse à ces différents intervenants, Mme Anne-Marie Idrac, présidente de la SNCF, a précisé les points suivants :

- le TGV Est n'a pas établi officiellement de nouveau record de vitesse, dans la mesure où les conditions d'homologation d'un tel record n'avaient pas été remplies, même si un essai à 554 kilomètres/heure avait effectivement été réalisé le 13 février ;

- Intercités et les liaisons transversales ne s'inscrivent pas dans les modèles économiques de VFE, ou de la branche « Transport public ». En effet, dans le cas de VFE, le modèle économique est celui d'un client rentable et, dans le cas du transport public, le modèle économique repose sur la convention entre la SNCF et la région concernée. Il faut donc définir un modèle économique propre à la branche Intercités qui se porte mieux, puisqu'elle perd moins d'argent. En outre, la SNCF étant une seule entreprise, il convient de préserver la première intermodalité établie entre les différentes activités du groupe. Il n'est donc pas question de « saucissonnage » des liaisons transversales, mais plutôt d'un nouvel effort pour définir des partenariats avec les élus concernés même s'il n'en reste pas moins que cette activité n'est pas tout à fait durable. Aucune date n'a encore été arrêtée au niveau européen pour l'ouverture à la concurrence du transport national de voyageurs ;

- la SNCF a lancé un appel d'offres pour disposer d'un matériel moins cher et polyvalent lui permettant de développer de nombreux projets de trams-trains. Cet appel d'offres a été défini en partenariat avec l'Association des Régions de France (ARF) et les résultats de cette démarche sont attendus avec intérêt ;

- concernant la régularité des trains, des inégalités régionales existent, la situation étant insatisfaisante dans les deux régions normandes et catastrophique sur la liaison Paris-Bâle. Pour remédier à cette situation, 2007 sera l'année de la régularité ;

- il n'est pas question de filialisation du fret mais de tout faire pour gagner le pari de redressement du fret et en faire une activité équilibrée, voire rentable. Ce pari n'étant pas gagné, la question qui pourrait se poser ne sera pas celle de la filialisation du fret, mais celle de sa disparition ;

- le fret est une priorité pour la SNCF, compte tenu de la mobilisation de moyens financiers importants et de ses meilleures ressources humaines. L'effort de redressement du fret s'accompagne d'une très importante opération de ressources humaines. Le fret ferroviaire perd de l'argent dans tous les pays d'Europe, comme par exemple en Belgique où la restructuration de cette activité a conduit à diminuer les effectifs de 50 %. La restructuration intervenant plus tard en France, elle s'inscrit dans une période où l'Union européenne est plus exigeante quant aux aides d'Etat ;

- concernant le réseau, il n'y a jamais eu autant de crédits de régénération mais néanmoins cet effort demeure insuffisant et les crédits de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) seront largement insuffisants en 2008.

M. Olivier Marambaud, directeur général délégué au fret, a indiqué, quant à lui, que le ferroutage se développait en France, en particulier sur la liaison entre la France et l'Italie, avec quatre rotations quotidiennes. En juin, l'autoroute ferroviaire reliant Bettembourg, au Luxembourg, et Perpignan serait ouverte avec un aller-retour quotidien. Le ferroutage était donc encore expérimental, mais il commençait à prendre forme. Quant au plan d'achat de nouvelles locomotives pour le fret, il n'avait pas permis pour l'heure de réduction de l'âge moyen des tracteurs dans la mesure où les nouveaux commençant tout juste à être livrés. Concernant enfin le plan de relance du fret, il a déclaré partager les grandes lignes du plan défini par M. Benedikt Weibel, membre du conseil d'administration de la SNCF et ancien président des chemins de fer suisses.

M. Gérard César, après avoir salué la clarté et le courage de la position de Mme Anne-Marie Idrac, a souhaité savoir comment seraient financés les investissements nécessaires après 2008. Il a également demandé si les entreprises ne trouvaient pas que la programmation du fret SNCF était trop rigide par rapport à leurs besoins. Il a enfin souhaité obtenir des précisions sur l'évolution du régime spécial de retraites de la SNCF.

M. François Fortassin a souhaité savoir s'il existait des comptes fiables de l'activité TER. Il s'est également interrogé sur l'opportunité que Paris participe au financement de la ligne à grande vitesse (LGV) Ouest vers Bordeaux et Toulouse et que, par ailleurs, un barreau desservant le bassin Tarbes-Lourdes-Pau soit mis en place. Il a enfin souhaité savoir si une traversée des Pyrénées centrales était possible pour le transport du fret.

M. Roland Ries a déclaré que l'opinion publique alsacienne était troublée par l'idée que le trajet entre Paris et Strasbourg coûterait 25 % plus cher dès lors que cette desserte serait réalisée par le TGV Est. Rappelant que les régions concernées avaient contribué au financement de cette LGV, il s'est étonné que l'on puisse vouloir taxer encore le voyageur, ce qui était d'autant plus problématique que celui-ci ne disposerait pas de la possibilité de trajets moins chers et moins rapides. Il a également souhaité savoir comment ces tarifs avaient été calculés et a estimé qu'il était nécessaire que la SNCF communique sur ce point, sous peine que le public soit déçu, à la mise en place du TGV Est.

M. Jackie Pierre a déclaré souscrire pleinement aux propos de M. Roland Ries et a fait part d'estimations parues dans la presse selon lesquelles le coût kilométrique du TGV Est pour le voyageur était supérieur de 18 % à celui du TGV Atlantique et de 38 % à celui du TGV Sud.

Mme Evelyne Didier a rappelé à son tour les contributions des collectivités territoriales à la LGV Est, tout en prenant acte de la différence entre la SNCF et RFF. Elle a également souhaité savoir quelle serait l'évolution des lignes d'aménagement du territoire qui desservaient les villes moyennes. Elle a estimé que leur rationalisation aboutissait à une diminution du service rendu à la population. Elle a également souhaité savoir comment les calculs de rentabilité de ces lignes étaient établis et si l'évolution qu'elles connaissaient était réversible.

Mme Elisabeth Lamure a souhaité obtenir des précisions quant à la réalisation du TGV Rhin-Rhône.

M. Paul Raoult a souhaité savoir quel était l'état des relations entre la SNCF et RFF et entre la SNCF et les régions, en particulier concernant les arbitrages entre les dessertes locales et les grandes lignes. Estimant que les régions devaient pouvoir négocier avec RFF et la SNCF pour restructurer le réseau, il a pris l'exemple de la desserte Lille-Maubeuge, où la vitesse était limitée par 71 passages à niveau. Il a également demandé si l'ouverture à la concurrence n'entraînerait pas la tentation pour RFF de relever ses prix et s'est interrogé sur la régulation des péages ferroviaires. Il s'est ensuite interrogé sur l'absence de promotion commerciale du réseau Intercités qui l'amenait à penser que la SNCF attendait sa disparition. Enfin, il a regretté que des gares puissent rester sans personnel, devenant des espaces abandonnés et donc livrés aux dégradations. Il en a conclu qu'il devait y avoir des limites aux réductions de personnels.

M. Rémy Pointereau a estimé que les raisons des difficultés du fret tenaient largement à l'incapacité de la SNCF d'assurer un transport avec des horaires fiables et compatibles avec les contraintes de production des chargeurs. Il a déclaré souscrire à l'idée défendue par M. Dominique Perben de développer le fret rapide en utilisant les lignes TGV disponibles la nuit. Puis, il a fait part de sa conviction que le ferroutage n'avait de sens que sur de longs trajets. Il a souhaité savoir quel était l'état d'avancement du projet Nantes-Tours-Vierzon. Il a également voulu connaître l'évolution du projet de barreau TGV entre Poitiers et Limoges, auquel il s'est déclaré pour sa part résolument opposé, dans la mesure où celui-ci écarterait définitivement l'axe Paris-Orléans-Vierzon-Clermont des moyens ferroviaires modernes.

M. Jean Desessard a souhaité savoir si le fret, même réorganisé et pourvu de nouveaux matériels, pouvait atteindre la rentabilité. Celle-ci ne supposait-elle pas une taxation du transport routier ou une aide au ferroviaire ? Il en a conclu que, si le futur plan de M. Olivier Marambaud ne suffisait pas, il faudrait en venir à de tels transferts. Il a enfin estimé qu'il serait utile aux membres de la commission de visiter des sites de ferroutage et de fret pour apprécier la réalité concrète de cette activité, M. Jean-Paul Emorine, président, souscrivant à cette demande.

En réponse aux différents intervenants, Mme Anne-Marie Idrac, présidente de la SNCF, a indiqué que :

- plusieurs des questions s'adressant à RFF ou à l'Etat, en particulier celles concernant les différents tracés envisagés, elle ne pouvait y répondre. La SNCF n'est pas juge de l'opportunité de la construction de lignes nouvelles mais, en revanche, elle peut apporter des estimations de trafic et ses filiales peuvent participer aux projets faisant l'objet de PPP ;

- les relations entre RFF et la SNCF sont normales, RFF ayant été créé pour porter la dette ferroviaire, être maître d'ouvrage des lignes nouvelles et gestionnaire du réseau. La SNCF étant gestionnaire délégué du réseau, ses relations avec RFF s'inscrivent largement dans ce cadre. L'équilibre du système est assuré, sous réserve que l'Etat cesse de réduire ses subventions au fur et à mesure que les péages augmentent. Quant à la détermination du prix des péages, il est logique que la SNCF et RFF aient des points de vue différents sur leur niveau optimal. Les péages doivent refléter l'évolution de facteurs économiques et non constituer une variable d'ajustement budgétaire et il conviendrait qu'ils fassent l'objet d'une régulation accrue et que le système soit simplifié ;

- le régime spécial de retraite fait l'objet d'une attention nouvelle dans le cadre du passage de l'entreprise aux normes comptables IFRS (International Financial Reporting Standards) et il convient de préciser le traitement juridique et technique d'une charge de 106 milliards d'euros. Les avantages perçus par les cheminots sont beaucoup moins importants que ce qui est parfois avancé et il convient de les prendre en compte dans un équilibre global. La contribution de l'Etat au régime de retraite de la SNCF, qui est de 2,5 milliards d'euros par an, porte sur la seule compensation du déséquilibre démographique, les spécificités du régime étant, elles, supportées par l'entreprise. Le déséquilibre démographique du régime se réduira fortement en 2015 ;

- un dossier explicatif des tarifs du TGV Est sera transmis aux membres de la commission, un important travail de définition de ces tarifs ayant été réalisé en amont, avec des consultations de consommateurs et d'élus locaux, et l'équilibre obtenu paraît acceptable. La ligne sera néanmoins déficitaire de 100 millions d'euros et 75 % des clients bénéficieront de tarifs particuliers. Les comparaisons avec les autres TGV montrent que le TGV Est se situe plutôt dans une moyenne basse de tarifs. La suggestion de M. Roland Ries apparaît pertinente et la SNCF communiquera davantage sur cette question ;

- la taxation des poids-lourds est une nécessité et il convient également de ne pas autoriser la circulation de véhicules de 44 tonnes, parfois demandée car ceci aurait un effet négatif sur la compétitivité du fret ferroviaire. En outre, la SNCF ne peut plus bénéficier de subventions pendant dix ans, conformément à ce qui a été stipulé dans les accords passés avec la Commission européenne lors de l'approbation du plan Fret. En revanche, les pouvoirs publics peuvent soutenir le fret ferroviaire en favorisant l'émergence de clients rentables par l'organisation d'une massification locale ;

- il existe effectivement un potentiel de sillons exploitables de nuit sur les lignes TGV pour le transport du fret, mais cela soulève deux difficultés : d'une part, les travaux d'entretien s'effectuent la nuit sur ces lignes et, d'autre part, le trafic nocturne peut être source de nuisances pour les riverains.

En conclusion, Mme Anne-Marie Idrac, présidente de la SNCF a déclaré que ses collaborateurs étaient, aux niveaux national ou local, à la disposition des élus pour répondre à leurs questions et prendre en compte leurs observations.

M. Jean-Paul Emorine a encore une fois remercié Mme Anne-Marie Idrac pour la clarté et la précision de son intervention et de ses réponses, relevant que cette audition avait intéressé un nombre particulièrement important de commissaires.