MISSION COMMUNE D'INFORMATION SUR LE FONCTIONNEMENT DES DISPOSITIFS DE FORMATION PROFESSIONNELLE

Mercredi 25 avril 2007

- Présidence de M. Jean-Claude Carle, président. -

Audition de M. Jacques Charlot, directeur général du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT)

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la mission d'information a procédé à l'audition de M. Jacques Charlot, directeur général du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT).

M. Jacques Charlot s'est, en premier lieu, réjoui que le CNFPT, établissement au service des collectivités territoriales, soit auditionné au Sénat et cela dans le cadre des travaux d'une mission d'information sur la formation professionnelle, soulignant que le CNFPT a longtemps souffert d'une posture plus proche de l'école et finalement un peu éloignée de la formation professionnelle. Il a considéré qu'une des grandes évolutions des dernières années a été concrétisée par l'adoption de la loi n° 2007-209 du 19 février 2007 dont un des objectifs essentiels est le développement et la valorisation de la formation professionnelle dans la fonction publique territoriale, et que cela représente un défi important pour le CNFPT.

M. Jacques Charlot a rappelé que le CNFPT, par la création en 1974 de sa structure d'origine, le centre de formation des personnels communaux (CFPC), et son mode de financement - prélèvement de 1 % de la masse salariale - est un établissement qui provient à l'évidence de la formation professionnelle. Il a souligné que dans le cadre de la construction de la fonction publique territoriale et des premières lois de décentralisation, le CFPC est devenu en 1987 le CNFPT, avec une multitude de missions complémentaires autour de l'emploi et des concours, et que c'est là que l'accrochage sur la formation professionnelle a commencé à se distancier.

M. Jacques Charlot a ensuite indiqué qu'une des missions du CNFPT est de donner une cohérence à une fonction publique qui compte entre 56 000 et 57 000 collectivités cotisant à l'établissement pour 1,8 million de fonctionnaires, précisant que l'élément d'unité et de cohésion est en grande partie apporté par la formation. Il a estimé que, globalement entre 1987 et 2006, le CNFPT a oscillé entre un statut d'administration de la fonction publique territoriale et une mission de réponse aux besoins de formation professionnelle, ajoutant que la loi de 2007 a clarifié cette situation.

M. Jacques Charlot a précisé que cette clarification est intervenue notamment en matière de formation, d'une part, pour certains cadres d'emploi, avec la création des statuts d'élèves avant recrutement par une collectivité territoriale et, d'autre part, par une transformation de l'offre de formation pour les fonctionnaires qui correspond au défi de demain et qui peut se traduire par l'expression : « un peu moins de formation en début de carrière et un peu plus de formation tout au long de la vie ». Il a souligné que les formations ne seront plus prescrites ou imposées mais négociées, consacrant la formation d'intégration plus réduite ainsi que le concept de la professionnalisation au profit de l'efficience de l'employabilité des personnels dans les collectivités.

Après trente années d'existence, M. Jacques Charlot a considéré que le CNFPT possède des bases solides pour relever ce défi. Il a souligné que l'établissement a su construire un mode de formation sans corps enseignant, s'appuyant sur 20 000 intervenants issus pour une moitié de la fonction publique et pour l'autre moitié de structures privées auxquelles il est fait appel par la procédure des marchés publics.

Puis M. Jacques Charlot a indiqué que la loi de 2007 a imposé également un autre défi, celui du principe des parcours de formation. Il a précisé qu'il s'agit de donner un objectif à l'ensemble des formations, les parcours permettant de reconnaître des acquis liés à l'expérience professionnelle et débouchant éventuellement sur un diplôme ou une qualification ouvrant l'accès à certains postes.

M. Jacques Charlot a souligné que ce principe de cycles professionnels aura des conséquences sur les catalogues de formations proposées par les vingt-neuf délégations du CNFPT. Ces catalogues vont se réduire au profit d'offres ciblées liées à des situations professionnelles, identifiées en fonction des besoins des collectivités. Il a ajouté qu'une autre demande, déjà forte mais en développement, va émerger : le « sur-mesure », collectivité par collectivité - ou par ensemble de collectivités - pour accompagner celles-ci sur leurs projets d'organisation et de politique publique. Il a précisé que d'ores et déjà 25 % de l'activité de l'établissement sont consacrés à ce type d'accompagnement.

M. Jacques Charlot a insisté sur l'aspect fondamental de cette démarche, le contexte actuel de la formation professionnelle plaçant la négociation entre le salarié et l'employeur au coeur du dispositif, le formé étant acteur de sa formation. Le droit individuel à la formation (DIF) en est un exemple.

Abordant la question de l'expertise professionnelle, M. Jacques Charlot a ensuite regretté que les services du monde de l'action publique fonctionnent en faisant encore et toujours référence à l'expertise des services de l'Etat. S'agissant de la situation des fonctionnaires territoriaux, il s'est interrogé sur la possibilité pour eux d'être reconnus comme experts sur un sujet, de faire partager leur expérience et de mutualiser les réflexions des uns et des autres.

Enfin, M. Jacques Charlot a présenté quelques éléments chiffrés : le budget du CNFPT est d'environ 300 millions d'euros ; l'établissement forme chaque année près de 617 000 stagiaires ; la durée moyenne d'une formation est légèrement inférieure à trois jours ; ces formations représentent 50 % des formations que les collectivités territoriales développent comme formation professionnelle, aussi bien en termes de coût que de journées. Il a précisé que les communes sont moins dépensières que les intercommunalités, elles-mêmes dépassées par les régions. Il a ajouté que le budget de formation du CNFPT est en croissance très forte, augmentation liée, d'une part, à la hausse de la masse salariale dans les collectivités territoriales - de l'ordre de 5 % par an - et, d'autre part, à la compression des frais de gestion de l'établissement.

Pour conclure, M. Jacques Charlot a souligné une spécificité de la fonction publique territoriale qui est le lien très fort entre la formation et l'emploi.

M. Jean-Claude Carle, président, a demandé des précisions sur le prélèvement de 1 % de la masse salariale des collectivités territoriales. Il s'est interrogé sur la manière de gérer, en termes de ressources humaines, le goulet d'étranglement que représentent les concours internes.

M. Bernard Seillier, rapporteur, a demandé s'il existe une évaluation de la masse salariale utilisée par les collectivités durant les temps de formation. Il a souhaité connaître la part consacrée à la préparation des concours internes. Il a également demandé s'il existe une analyse globale de l'organisation de la formation par les collectivités ainsi que des précisions sur l'ingénierie de la formation du CNFPT.

Mme Isabelle Debré a souhaité des précisions sur la validation des acquis de l'expérience (VAE), notamment dans le domaine de la petite enfance.

Mme Sylvie Desmarescaux a regretté que les formations présentées dans les catalogues du CNFPT soient toujours plus onéreuses que celles proposées par des organismes privés agréés. Elle a souligné que les fonctionnaires territoriaux se plaignent de ce que les formations qu'ils reçoivent ne leur apportent pas d'avancement de carrière.

En réponse à ces intervenants, M. Jacques Charlot a apporté les éléments de précision suivants :

- le 1 % prélevé sur la masse salariale des collectivités ayant au moins un emploi à temps plein constitue le budget de l'établissement ;

- lorsqu'un fonctionnaire est en formation au CNFPT son employeur continue à le rémunérer. Le calcul consolidé de la masse salariale utilisée par les collectivités durant les temps de formation est difficile à effectuer car il faudrait connaître la situation indiciaire de chacun des agents venant au CNFPT. Il faut également tenir compte de la masse salariale consacrée au remplaçant de la personne en formation ;

- l'établissement ne prétend pas au monopole de la formation ;

- la loi de 2007 prévoit que le CNFPT doit organiser la valorisation des acquis de l'expérience (VAE) dans la fonction publique territoriale. L'établissement est donc confronté à des milliers de possibilités de diplômes à délivrer. La priorité a été accordée aux secteurs concernant les personnes âgées et la petite enfance ;

- pour des formations techniques spécifiques, le CNFPT fait appel aux mêmes organismes privés agréés que ceux employés par les collectivités. Mais dans le cadre de la transparence et de la mise en concurrence, les frais de structures viennent augmenter le prix des formations proposées par l'établissement ;

-  la préparation des concours internes représente, pour le budget 2005, environ 30 % des actions de formation du CNFPT. La généralisation du DIF va probablement faire redémarrer cette activité avec un enjeu qui est la formation hors temps de travail ;

- s'agissant de l'organisation de la formation par les collectivités, l'importance de la formation initiale fausse complètement l'analyse. Ce sont les personnes les plus formées au départ qui bénéficient à nouveau de formations. Cependant, il faut noter une amélioration certaine des stratégies de formation du personnel avec une anticipation des besoins et une négociation en amont. Dans les années à venir, les questions de ressources humaines vont jouer un rôle très important dans les collectivités territoriales ;

- le CNFPT compte 2 000 agents, répartis sur vingt-neuf structures et qui ont deux tâches principales. La première est d'aller à la rencontre des collectivités afin de comprendre et de faire remonter les besoins de formation. La seconde concerne l'ingénierie de la formation, qui devient de plus en plus complexe ;

- un établissement comme le CNFPT est toujours obligé de trouver un équilibre précaire entre une logique de métiers et une logique de fonction publique de carrière. Il a fallu attendre 2004 pour que le CNFPT puisse produire un répertoire des métiers dans la fonction publique territoriale. La préparation au concours joue un rôle d'équilibre social ;

- la formation a comme premier objectif l'employabilité. Vient ensuite l'évolution dans cette employabilité. L'établissement est très réservé à l'égard d'un dispositif qui permettrait une progression de carrière des agents par l'intermédiaire des formations ou des labels. La progression serait liée à la formation et non pas à ce qui est réalisé dans le service. Il faut plutôt développer l'évaluation de l'impact des formations sur l'emploi.

Audition de MM.  Bernard Monteil, président, et Hervé Barbotin, secrétaire général de l'Office professionnel de qualification des organismes de formation et des conseils (OPQFC)

La mission a poursuivi ses travaux en entendant MM.  Bernard Monteil, président, et Hervé Barbotin, secrétaire général de l'Office professionnel de qualification des organismes de formation et des conseils (OPQFC).

M. Bernard Monteil a préalablement indiqué que l'OPQFC, dont l'objet est de délivrer des qualifications aux organismes de formation quels que soient leur statut et leur taille, est un organisme indépendant qui travaille avec les principaux acteurs de la formation professionnelle publics et privés.

M. Hervé Barbotin a fait l'historique de cet organisme, dont l'origine remonte à l'après-guerre, sous l'impulsion du ministère de l'équipement de l'époque qui souhaitait clarifier l'offre de formation dans le secteur du bâtiment. En 1949, est ainsi né un Office professionnel de qualification qui s'est progressivement étendu à différents secteurs et métiers. En 1994, la Fédération de la formation professionnelle a élaboré un protocole d'où est issu l'Office actuel, sous le statut d'association loi de 1901 sans but lucratif.

M. Bernard Monteil a insisté sur l'importance de l'évaluation du professionnalisme des organismes de formation pour garantir la qualité des prestations auprès des stagiaires, des financeurs et des entreprises. Le point-clé réside dans la qualité des personnes en charge de la formation et de la relation entre les formateurs et les personnes formées, cette fonction permettant d'arriver à une « coconstruction » de la prestation. Ceci renvoie donc à la fois au contenu et à l'ingénierie de la formation et éclaire les difficultés rencontrées pour concilier des objectifs parfois contradictoires, tant pour les salariés que pour les demandeurs d'emploi, par exemple entre ceux qui sont formés et ceux qui financent la formation.

M. Hervé Barbotin a mentionné le fait que la notion de professionnalisme comporte une part de subjectivité, soulignant l'existence de près de 150 certifications - de services et de personnes - différentes. Les référentiels sont variables, par exemple entre AFNOR (association française de normalisation) qui vise les prestations, et ISO qui concerne l'organisation interne. Par ailleurs, l'évaluation n'est qu'une photographie à un instant donné des compétences et du sérieux de l'organisme. C'est la raison pour laquelle elle doit être renouvelée : l'office limite la validité de cette qualification à trois ans.

M. Bernard Monteil a ensuite exposé la philosophie de l'OFPQFC, dont la démarche est articulée autour des phases d'instruction, de délibération et de décision.

Puis M. Jean-Claude Carle, président, l'a interrogé sur la possibilité d'une intervention de l'office plus en amont, au moment de la déclaration en préfecture, et sur la possibilité d'évoluer vers un régime d'agrément.

M. Bernard Monteil a indiqué que l'agrément est un débat ancien et que, pour l'office, la qualification ne peut être obtenue par un organisme qu'au bout de deux ans d'existence. Avant ce terme, il existe une qualification provisoire sous la forme d'un certificat probatoire. Par ailleurs, il a précisé que s'il existe 45 000 formateurs déclarés, seulement 6 ou 7 000 sont réellement actifs. En ce qui concerne l'office, le contrôle porte en particulier sur le niveau de chiffre d'affaires, qui doit être supérieur au minimum à 76 000 euros par an, ce qui permet de supposer l'existence d'une certaine valeur ajoutée de la structure et un minimum d'efforts de recherche et de développement. Il a estimé ensuite que l'office pourrait avoir une mission de contrôle d'ensemble, intégrant différents éléments qualitatifs déjà cités, notamment celui lié au chiffre d'affaires.

M. Bernard Seillier, rapporteur, s'est interrogé sur la pertinence d'un agrément préalable à la création de tout organisme de formation et sur la périodicité de trois ans pour le renouvellement de la qualification. Il s'est demandé également s'il ne faudrait pas hiérarchiser les différents labels existants, compte tenu de leur multiplicité.

En réponse, M. Bernard Monteil a estimé souhaitables un suivi et une continuité dans le contrôle, et a noté que l'évolution de certains organismes était quelquefois très rapide, avec la présence ou le départ de certains spécialistes dans un domaine pointu. Il a insisté également sur la nécessité d'une évaluation neutre et impartiale. Un suivi annuel est souhaitable pour signaler les changements survenus en cours d'année et appliquer, le cas échéant, le retrait des qualifications.

Par ailleurs, M. Hervé Barbotin a rappelé que le nouveau code des marchés publics prévoit la présentation des certificats de qualification professionnelle lorsque les organismes répondent aux appels d'offres. Il a estimé que la valeur d'un label dépendait aussi de l'appréciation des acteurs du marché de la formation : organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA), ministère de l'emploi, etc.

A une question de M. Jean-Claude Carle, président, M. Bernard Monteil a répondu que la qualification OPQFC intervient uniquement sur la formation professionnelle continue, tout en soulignant que certains départements au sein d'universités, les centres du CNAM et des chambre de commerce ont reçu cette qualification.

Sur la procédure de déclaration, M. Jean-Claude Carle, président, a évoqué l'idée de l'assortir éventuellement du dépôt d'une garantie bancaire.

En réponse, M. Bernard Monteil a estimé que ce qui aiderait à améliorer la qualité de l'offre de formation serait l'exigence d'un socle de références communes. Il est envisageable par exemple d'harmoniser les critères de qualification de l'office avec ceux de la certification ISO. Toutefois, pour les PME et les TPE, le problème est plus complexe car ces entreprises de formation n'ont pas toujours les moyens de se doter de ce type de garanties. Concernant la garantie bancaire, il a rappelé que l'office exerçait une exigence particulière sur le bilan et les comptes des trois dernières années, en vue d'évaluer les chances de pérennité de l'organisme.

M. Hervé Barbotin a ajouté que pour les sociétés de conseil en management, l'office exige des attestations d'assurance et des garanties financières. S'agissant des demandes de qualification, il a précisé que 5 % de dossiers sont écartés au niveau des comités de qualification dès l'instruction et que les retraits tournent autour de 10 à 15 %, pour des motifs essentiellement liés à la situation financière, l'absorption de l'organisme ou la demande d'abandon. Sont également pris en considération les signalements de dérives sectaires ainsi que l'avis des clients.

Mme Sylvie Desmarescaux s'est étonnée que la qualification des organismes déclarés n'intervienne pas avant une durée d'activité de deux ans, et a insisté sur le fait que les petites communes ne sont pas suffisamment informées sur la qualification réelle des prestataires privés auxquels elles ont souvent recours dans la mesure où ils sont moins onéreux que le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) .

M. Bernard Monteil a rappelé l'existence d'un certificat probatoire avant la période de deux ans et la possibilité de vérifier la qualification dans les documents officiels des organismes prestataires de formation.

Audition de MM. Christian Charpy, directeur général, et Jean-Marie Marx, directeur général adjoint, de l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE)

La mission d'information a ensuite procédé à l'audition de MM. Christian Charpy, directeur général, et Jean-Marie Marx, directeur général adjoint, de l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE).

M. Christian Charpy a dressé un bilan chiffré de la situation des demandeurs d'emploi au regard de la formation professionnelle. Il a observé que le nombre de demandeurs d'emploi entrant en formation connaît une diminution sensible depuis 2004 : elle s'établit à 9 % de 2005 à 2006. Cette évolution est en partie liée à l'amélioration de la situation de l'emploi. Parallèlement, les sorties du chômage pour cause d'entrée en formation sont en baisse. Aujourd'hui, parmi les personnes qui perdent la qualité de chômeur, 45 % retournent à l'emploi et 10 % entrent en formation.

Puis M. Christian Charpy a fait état de certaines modifications de contexte, parfois substantielles, susceptibles d'inférer sur la situation des chômeurs au regard de la formation professionnelle continue. Il a rappelé le mouvement de décentralisation de la formation professionnelle ainsi que, depuis 2005, la suppression des stages d'accès à l'entreprise (SAE), qui représentaient 10 000 entrées par an. Par ailleurs, l'Union nationale pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (UNEDIC) privilégie désormais les stages conventionnés (42 000 entrées en 2006) par rapport aux stages homologués (14 000 entrées en 2006), ce mouvement se traduisant par une diminution de 50 % des bénéficiaires de stages de formation entre 2004 et 2006. Sur la demande de M. Jean-Claude Carle, président, M. Jean-Marie Marx a rappelé que les stages homologués correspondent à des formations préexistantes - par exemple, des formations organisées par l'Association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) - tandis que les formations conventionnées, qui privilégient un retour à l'emploi ciblé, correspondent à des achats classiques effectués par l'UNEDIC sur appels d'offres.

M. Christian Charpy, poursuivant l'énumération des éléments de contexte, a rappelé que le nombre de demandeurs d'emploi indemnisés était orienté à la baisse, puis a évoqué le recours à la convention de reclassement personnalisé (CRP), qui permet aux personnes victimes de licenciement économique de devenir stagiaires de la formation professionnelle continue, ainsi que la récente mise en place du contrat de transition professionnelle (CTP), qui reprend le principe de la CRP avec un volet incitatif renforcé.

M. Christian Charpy a ensuite abordé l'ensemble des interventions de l'ANPE dans le champ de la formation professionnelle. L'ANPE participe à la définition du plan régional de développement des formations (PRDF). Elle est surtout le premier prescripteur de formation en France, avec plus d'un million de stages en 2005 et encore 856 000 stages en 2006. A l'appui des projets professionnels des demandeurs d'emploi, l'ANPE a mis en place avec l'AFPA un « service intégré d'appui aux projets professionnels » qui a donné lieu à la fourniture de 187 000 prestations en 2006. Par ailleurs, les trois parcours spécifiques de retour à l'emploi mis en oeuvre par l'ANPE privilégient des approches différenciées du recours à la formation professionnelle. L'agence recourt enfin à des outils complémentaires tels que les actions de formation préalable à l'emploi (AFPE) au profit des chômeurs indemnisés et les actions préparatoires aux recrutements (APR) destinées aux chômeurs non indemnisés, dont l'objectif est de financer les dépenses de formation d'un demandeur d'emploi stagiaire, déjà présent dans une entreprise qui s'engage à l'embaucher en fin de stage. L'ANPE se livre parallèlement à une prospection des contrats de professionnalisation avec 57 000 offres collectées en 2006, soit 30 % à 40 % du total des offres.

M. Christian Charpy a enfin procédé à un inventaire des facteurs de progrès. En premier lieu, il convient de favoriser l'égalité de traitement des demandeurs d'emploi, quelle que soit leur situation au regard de l'allocation de chômage. La mise en place de l'allocation de préparation à la retraite (APR) participe à cette logique, de même que les actions auprès des conseils régionaux en faveur des allocataires du RMI ainsi que la mise en place de dispositifs d'accompagnement spécifiques aux personnes les plus éloignées de l'emploi. En second lieu, la coordination des financeurs doit être facilitée et organisée dans la perspective d'éviter à la fois les redondances et les lacunes. A cette fin, l'ANPE souhaite la mise en place d'une « conférence des financeurs », à laquelle elle participerait. En troisième lieu, il faut améliorer et renforcer la coordination des prescripteurs dans une logique de guichet unique et assurer une meilleure coordination entre les services d'orientation de l'AFPA d'une part, et l'ANPE d'autre part. La mise en place du dossier unique du demandeur d'emploi (DUDE) constitue une opportunité pour le suivi et l'organisation de la formation des chômeurs. En conclusion, la formation des demandeurs d'emploi constitue un enjeu primordial qui doit être apprécié en cohérence avec celui de la formation initiale, sachant que près de 150 000 jeunes débouchent chaque année sur le marché du travail sans aucun diplôme.

Un large débat s'est ensuite instauré.

M. Jean-Claude Carle, président, après avoir estimé que le PRDF constituait un outil à privilégier dans la perspective d'une meilleure coordination avec l'éducation nationale, s'est interrogé sur la mise en place effective d'une « conférence des financeurs » ainsi que sur l'évaluation des formations.

En réponse, M. Christian Charpy a indiqué que, depuis deux ans, l'ANPE participe plus régulièrement à l'élaboration des PDRF, précisant à titre d'illustration qu'elle va jusqu'à y affecter un emploi à temps plein en Basse-Normandie.

M. Jean-Marie Marx a, de son côté, mentionné le fait que l'ANPE contribue également aux travaux des observatoires régionaux « emploi-formation ». Il a ensuite indiqué que les contrats de transition professionnelle donnent lieu, pour leur mise en place et leur financement, à une réunion des ASSEDIC, des partenaires sociaux et de l'Etat, qui constituent ainsi une « conférence des financeurs » ad hoc. Par ailleurs, il a constaté que l'évaluation des résultats des formations ne donne pas lieu à des pratiques coordonnées.

M. Christian Charpy, confirmant l'existence de marges de progrès sensibles en ce qui concerne la mesure de l'efficacité des formations en termes de retour à l'emploi, a mentionné l'initiative de l'ANPE visant à reprendre contact avec tout demandeur d'emploi bénéficiant d'une formation à l'AFPA un mois avant son terme, dans la perspective d'optimiser son retour à l'emploi. Il a précisé à M. Jean-Claude Carle, président, que le pilotage d'une « conférence des financeurs » doit logiquement échoir au président de la région, dans la logique du mouvement de décentralisation qui s'achève.

M. Bernard Seillier s'est alors interrogé sur la démarche prospective de l'ANPE en matière de contenu des emplois, sur l'opportunité d'un transfert d'une partie des moyens de la formation professionnelle des salariés au profit des chômeurs, ainsi que sur la portée du rapprochement de l'ANPE et de l'UNEDIC au travers des maisons de l'emploi, alors que d'aucuns estiment qu'une fusion pure et simple des deux organismes serait finalement opportune.

En réponse, M. Christian Charpy a estimé, en premier lieu, qu'il convenait de distinguer les « métiers qui vont gagner des emplois » des « métiers qui vont recruter ». Le danger serait de concentrer les moyens sur les métiers qui vont gagner des emplois alors que de nombreux métiers traditionnels vont procéder à de forts recrutements dans les prochaines années, notamment en raison de départs en retraite, et que le nombre global d'emplois concernés stagne. Dans cette perspective, l'ANPE a mis en place un outil permettant de circonscrire, par bassin d'emplois, les opportunités à venir.

En second lieu, si les moyens en formation destinés aux demandeurs d'emplois sont effectivement restreints à la « portion congrue », il convient de mobiliser plus utilement les outils existants, particulièrement le droit individuel à la formation (DIF), qui fait généralement l'objet, pour les salariés quittant l'entreprise, d'une liquidation monétaire.

En troisième lieu, l'ANPE est présente dans l'ensemble des 200 maisons de l'emploi labellisées et il se trouve aujourd'hui 157 guichets uniques ANPE/UNEDIC opérationnels. En additionnant les effectifs de l'ANPE (28 000), des ASSEDIC (15 000), des missions locales (11 000), et de divers autres intervenants, environ 50 000 personnes travaillent à l'accompagnement des chômeurs en France. Ces moyens sont probablement suffisants, même s'ils restent inférieurs aux effectifs constatés en Grande-Bretagne (70 000) ou en Allemagne (75 000). La véritable difficulté provient plutôt de l'éclatement des acteurs. Dans l'hypothèse d'une fusion de l'ANPE et de l'UNEDIC, la question se pose de l'intégration ou, plus précisément, du degré d'intégration de l'AFPA. S'il ne semble pas opportun d'intégrer l'AFPA en tant qu'organisme de formation, il ne paraîtrait pas déraisonnable de rattacher à la structure fusionnée les 2 000 personnes qui s'occupent de l'orientation au sein de cet organisme.

M. Jean-Claude Carle, président, a voulu connaître l'explication de la différence du coût de l'accompagnement des chômeurs, qui s'élève à environ 700 euros pour l'ANPE et à 3 000 euros pour l'UNEDIC au travers d'entreprises sous-traitantes. En réponse, M. Christian Charpy a indiqué que l'essentiel de la différence provient de la nature de la prestation, qui comporte une obligation de résultat pour les sous-traitants de l'UNEDIC, à l'inverse de l'ANPE. Par ailleurs, le coût pour l'agence est calculé de manière assez fruste, en divisant son budget par le nombre de personnes suivies. Pour ses propres sous-traitants, l'ANPE concède une rémunération de 1 400 à 1 500 euros par personne suivie, mais sans paiement au résultat. Il demeure que le coût avancé par l'UNEDIC semble élevé, nonobstant les évaluations consolidées produites par ailleurs, dont certaines tendent à montrer que les expérimentations menées par l'UNEDIC aboutissent à une économie compte tenu de l'arrêt de l'indemnisation consécutif à l'entrée dans l'emploi des chômeurs concernés. Ces évaluations comportent, cependant, de nombreux biais. D'ici à la fin de l'année, une véritable évaluation sera mise en place avec un outil de sélection aléatoire des chômeurs concernés de manière à constituer des cohortes homogènes. Il n'est pas indifférent de constater, dans cette perspective, que 50 % des chômeurs refusent aujourd'hui l'accompagnement renforcé, qui concerne ainsi les demandeurs d'emplois les plus motivé

M. Jean-Claude Carle, président, a alors fait état des protestations formulées par certains organismes de formation qui se sont trouvés récemment écartés de la commande de l'UNEDIC pour l'extension de ses expérimentations. M. Christian Charpy a indiqué qu'un récent décret permet que l'UNEDIC refuse de contracter avec des organismes de formation pour effectuer les prestations d'accompagnement. L'ANPE n'est cependant pas touchée par ces restrictions.

Audition de MM. Claude Cochonneau et Christian Decerle, vice-présidents, Patrick Ferrere, directeur général, et Mme Sylvie Giraud, chargée de mission, de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA)

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, sous la présidence de M. Jean-Claude Carle, président, puis de M. Jean-François Humbert, vice-président, la mission d'information a procédé à l'audition de MM. Claude Cochonneau et Christian Decerle, vice-présidents, Patrick Ferrere, directeur général, et Mme Sylvie Giraud, chargée de mission, de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA).

M. Patrick Ferrere a tout d'abord fait observer que les problématiques de la formation professionnelle étaient distinctes pour les salariés et les exploitants agricoles. Il a indiqué que, d'ici à 2010, 30 % des actifs agricoles atteindront l'âge de la retraite ce qui constitue un défi majeur pour la formation.

Evoquant les particularités de l'emploi agricole, il a précisé qu'on dénombrait :

- 145 000 entreprises agricoles employant des salariés, seules 3 500 d'entre elles en ayant plus de dix ;

- et 1,2 million de salariés dans l'agriculture, correspondant à 300 000 « équivalents temps plein », et incluant 850 000 saisonniers qui ont vocation à devenir les « permanents de demain ».

Il a fait observer que la formation professionnelle agricole constituait un bon outil d'insertion des jeunes en les préparant à des métiers très variés, et utilisait les mécanismes du contrat de professionnalisation et du certificat de qualification professionnelle (CQP). Il a également souligné que la formation avait également pour but de fidéliser les travailleurs agricoles saisonniers.

Pour parvenir à ces objectifs, il a indiqué que la branche agricole avait notamment :

- assoupli le dispositif du congé individuel de formation ouvert aux salariés sous contrat à durée déterminée (CIF-CDD) ;

- mis en place un système de transférabilité et de majoration de la durée du droit individuel à la formation (DIF) ;

- et progressé dans le domaine de la validation des acquis de l'expérience (VAE).

S'agissant de la mise en oeuvre de cette stratégie, il a évoqué l'efficacité du fonctionnement de l'organisme paritaire collecteur agréé (OPCA) de branche que constitue le fonds national d'assurance formation des salariés des exploitations et entreprises agricoles (FAFSEA), en précisant notamment qu'un mécanisme spécifique de mutualisation permettait de répondre aux besoins des très nombreuses petites entreprises agricoles. Il a également fait observer, en ce qui concerne le rôle des partenaires sociaux, que le FAFSEA ne rémunérait pas les représentants syndicaux qui participent à sa gestion et que la collecte des financements de la formation professionnelle était maîtrisée par le canal de la Mutualité sociale agricole (MSA).

M. Patrick Ferrere a conclu son propos en indiquant que le besoin de main-d'oeuvre qualifiée pourrait constituer un des freins au développement de l'agriculture de demain, ce qui justifie un effort particulier pour améliorer l'attractivité des métiers agricoles.

M. Claude Cochonneau a rappelé que le métier d'agriculteur était en pleine transformation, qu'il était, en particulier, tributaire de décisions nationales ou internationales complexes et que la formation professionnelle était, dans ces conditions, une nécessité.

Il a évoqué la fécondité de l'enseignement agricole, qui a prouvé son efficacité sur l'ensemble du territoire en s'efforçant de permettre à chaque exploitant de trouver dans son environnement géographique immédiat une formation adaptée. Il a signalé que se profilait, pour l'avenir, une tendance croissante des chefs d'exploitation à déléguer à des intervenants extérieurs des tâches de gestion et d'administration. Il a précisé que le niveau traditionnellement exigé pour l'installation comme exploitant était le niveau du baccalauréat mais que de plus en plus d'agriculteurs étaient titulaires d'un brevet de technicien supérieur (BTS) ou d'un diplôme d'ingénieur. Il a enfin souligné la nécessité de rester très attentif au maintien d'une formation tout au long de la vie.

En réponse à une demande de précision de M. Jean-Claude Carle, président, M. Christian Decerle a indiqué qu'une des originalités du système de formation professionnelle agricole était le prélèvement de la cotisation de formation professionnelle par la Mutualité sociale agricole dans des conditions efficaces. Il a signalé qu'une difficulté était née du fait que les petits contributeurs n'avaient pas à acquitter la cotisation afférente au congé individuel de formation (CIF) mais que le législateur avait autorisé la mutualisation et la « fongibilité » des crédits consacrés aux diverses actions de formation, ce qui permet de continuer à financer ces stages de longue durée.

Il a ensuite évoqué les efforts de la branche agricole pour aider les multiples petites entreprises à prendre conscience de la nécessité de la formation, en prenant l'exemple de stages destinés à progresser dans l'accueil du public pour faciliter la vente directe des produits agricoles au consommateur.

Il s'est félicité de la croissance des actions bénéficiant de cofinancements régionaux et a rappelé le rôle pionnier de l'agriculture, qui a institué, dès 1982, la mutualisation des fonds consacrés au plan de formation.

Il a enfin signalé que la dissémination des partenaires de formation suscitait des difficultés notamment pour répondre aux besoins spécifiques, en zone de montagne,  des bi-actifs - agriculteurs et moniteurs de sport, par exemple - qui relèvent d'organismes collecteurs ayant des logiques de fonctionnement mal articulées.

M. Bernard Seillier, rapporteur, s'est interrogé sur les perspectives d'emploi dans l'agriculture et sur les mécanismes de reconversion.

M. Patrick Ferrere a évoqué la raréfaction du vivier traditionnel de personnes susceptibles d'être employées dans l'agriculture, qui s'explique notamment par les besoins de main-d'oeuvre concurrents des secteurs du bâtiment et des travaux publics. Il a observé que les difficultés de l'agriculture ne permettaient pas d'offrir des salaires aussi attractifs que dans ces secteurs. Puis en se fondant sur des exemples concrets, il a montré le caractère bénéfique des travaux agricoles saisonniers pour l'insertion de certains jeunes.

M. Claude Cochonneau a précisé que 80 % des jeunes issus de l'enseignement professionnel agricole trouvaient, dans les quatre années suivant leur formation, un emploi stable dans le secteur agricole ou para-agricole.

M. Bernard Seillier, rapporteur, a posé des questions sur les mesures de lutte contre l'illettrisme, sur la mutualisation des financements, sur la certification des formations et sur la régulation du nombre de diplômes de l'enseignement agricole.

M. Claude Cochonneau a brossé un rapide tableau du processus d'adaptation des diplômes délivrés par l'enseignement agricole en lien avec le ministère de l'agriculture. Puis il a analysé les divers mécanismes permettant de personnaliser les parcours de formation et de les faire déboucher sur l'acquisition d'un diplôme, en particulier à l'aide de la validation des acquis professionnels.

Mme Sylvie Giraud a insisté sur la mise en place, par la branche agricole et la commission paritaire nationale de l'emploi (CPNE), de modules de certifications professionnels à but essentiellement pratique, adaptés aux spécificités régionales, et qui se distinguent des diplômes d'Etat. Elle a en outre précisé que la validation des acquis professionnels bénéficiait de financements dédiés par le FAFSEA.

En réponse à des questions de M. Jean-Claude Carle, président, sur la frontière entre le secteur agroalimentaire et la branche agricole et sur la prise en compte des besoins des travailleurs saisonniers pluriactifs, M. Patrick Ferrere, après avoir rappelé la diminution générale depuis 1994 du nombre d'organismes collecteurs, a précisé que relevaient du FAFSEA : certaines entreprises de l'agroalimentaire comme les grandes maisons de vins et spiritueux, les entreprises forestières, l'Office national des forêts (ONF), l'ensemble du secteur du cheval, y compris les courses et les hippodromes, ainsi que certaines activités annexes à l'agriculture comme les parcs zoologiques ou les entreprises du paysage. Il a signalé que l'agroalimentaire se divisait en deux secteurs, coopératif et privé, qui relèvent d'organismes collecteurs distincts.

Il a observé que les entreprises de certains secteurs cotisaient à des organismes collecteurs interprofessionnels en dépit de la logique de branche qui avait inspiré la réforme de la collecte.

Puis il a signalé qu'à la différence des autres organismes collecteurs qui financent les organisations syndicales, le FAFSEA se limitait à rembourser les frais de déplacement des personnes participant au fonctionnement de l'organisme paritaire. Il s'est enfin félicité de la présence d'un contrôleur d'Etat et d'un commissaire du Gouvernement auprès du FAFSEA.

M. Alain Gournac s'est interrogé sur la prise en charge des formations liées à la sophistication croissante des matériels agricoles, à la protection de l'environnement, et destinées à faciliter la reprise des exploitations agricoles. Il a demandé des précisions sur la procédure concrète d'information et d'accès à ces formations.

M. Patrick Ferrere a précisé qu'en règle générale, ce n'est pas le fournisseur du matériel mais l'exploitant qui doit se charger de la formation à son utilisation et que les programmes de formation prenaient en compte cette nécessité, la décision de formation relevant du niveau régional. Il a ensuite évoqué les formations à l'environnement et à la santé, qui tiennent compte de l'évolution rapide de la réglementation dans ce domaine. Il a enfin mentionné les CIF, susceptibles de préparer des salariés à la reprise d'une entreprise agricole et à l'installation.

A ce sujet, M. Jean-François Humbert, président, a évoqué les programmes régionaux d'aide à l'installation agricole créés en Franche-Comté.

M. Christian Decerle a apporté des précisions sur le caractère de plus en plus sophistiqué et performant des stages de formation aux nouveaux matériels, en signalant que certains agriculteurs acceptaient de jouer un rôle de formateur.

Mme Isabelle Debré a signalé le cas d'agriculteurs bénéficiant de formations de reconversions de haut niveau.

Mme Sylvie Desmarescaux s'est interrogée sur les formations s'adressant aux agriculteurs pour faire face à la complexité réglementaire.

M. Claude Cochonneau a indiqué que les agriculteurs pouvaient bénéficier de financement pour faire face à de tels besoins.

M. Christian Decerle a précisé qu'il convenait de distinguer la formation et ce qui relève du « développement », c'est-à-dire l'accompagnement à la gestion, la vulgarisation ou la recherche appliquée. Il a précisé qu'une contribution spécifique finançait ces dernières actions, en prenant l'exemple de l'assistance aux agriculteurs devant remplir une déclaration spécifique liée à la politique agricole commune.

En réponse à une interrogation de M. Yann Gaillard sur le rattachement de l'ONF au FAFSEA, M. Christian Decerle a indiqué que les 6 000 ouvriers salariés de droit privé de cet établissement public sont rattachés à la branche agricole à la différence des cadres qui relèvent, pour la plupart, d'un statut public.

Audition de Mme Laurence Paye-Jeanneney, administratrice générale, et M. le recteur Jérôme Chapuisat, directeur délégué, du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)

La mission d'information a procédé, enfin, à l'audition de Mme Laurence Paye-Jeanneney, administratrice générale, et M. le recteur Jérôme Chapuisat, directeur délégué, du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM).

Mme Laurence Paye-Jeanneney a rappelé que le CNAM, fondé par l'abbé Grégoire en 1794, est un établissement d'enseignement supérieur placé sous la tutelle du ministère de l'éducation nationale. Dédié à la formation professionnelle supérieure des adultes ayant au moins le niveau baccalauréat, le CNAM assure également une mission de recherche technologique et de diffusion de la culture scientifique et technique. L'établissement public, financé par l'Etat, fonctionne en réseau avec les vingt-huit centres régionaux répartis sur l'ensemble du territoire de métropole et d'outre-mer, organisés sous la forme d'associations. Cet établissement public, qui dispose d'un corps spécifique de professeurs titulaires de chaires, est chargé de la définition de l'offre de formation et du contrôle de la qualité des formations dispensées sur l'ensemble du territoire. Elle a précisé que les enseignants du CNAM sont tous affectés à l'établissement public et que les centres régionaux doivent faire appel à des personnels compétents en fonction de leurs besoins, ce qui leur assure une capacité d'adaptation plus forte.

Mme Laurence Paye-Jeanneney a considéré que le CNAM, premier établissement de formation tout au long de la vie dans le domaine professionnel, était à la fois une université des métiers, un « Collège de France des techniques » et une université de la deuxième chance. Accueillant plus de 85 000 auditeurs, le CNAM peut délivrer les diplômes d'Etat licence-master-doctorat ainsi que des certifications professionnelles et des titres propres à l'établissement. Les formations dispensées, qui recouvrent l'ensemble des champs de métiers tertiaires et industriels, répondent à un souci permanent d'adaptation aux besoins et aux demandes locales émanant des 150 centres d'enseignement qui assurent un maillage du territoire. Les formations peuvent être assurées à distance, grâce aux technologies de l'information, mais tout en conservant un nécessaire accompagnement, dispensées en dehors du temps de travail et sous la forme de modules courts, selon un système d'unités de valeur.

Mme Laurence Paye-Jeanneney a fait observer que ce modèle, encore trop peu connu car souffrant d'un manque de lisibilité, n'avait pas d'équivalent à l'étranger. Le CNAM a ouvert, toutefois, des centres à l'étranger, dans le cadre de partenariats avec les collectivités locales et le milieu économique et social.

M. Jérôme Chapuisat a ensuite insisté sur le concept de formation professionnelle supérieure, qui fait l'originalité du CNAM en dépassant la distinction entre formation initiale et continue et en se rapprochant de la notion de formation professionnelle tout au long de la vie. Il a indiqué qu'il s'agissait d'un enseignement supérieur, mais non d'un enseignement supérieur professionnel ou de formation continue au sens strict, dans la mesure où l'établissement peut délivrer des diplômes.

Nombre des auditeurs, qui viennent sur leur initiative ou celle de leur employeur, s'engagent dans un parcours de formation conduisant à l'obtention d'un diplôme, même si cela n'était pas leur première intention. En effet, le diplôme apporte une plus-value à la formation et constitue une condition de sa transférabilité.

M. Jérôme Chapuisat a ajouté qu'une autre spécificité du CNAM tient aux méthodes employées, qui s'écartent des pratiques académiques et font intervenir en majorité des professionnels, puisque seuls 500 enseignants sur 5 500 sont des universitaires.

M. Bernard Seillier, rapporteur, a demandé des précisions sur le profil des publics accueillis en formation, avant de s'enquérir des solutions permettant de réduire, à partir de l'expérience du CNAM, la césure entre formation initiale et continue. Relevant, de façon générale, une tendance à la prédominance de l'offre de formation sur la demande, il s'est interrogé sur les moyens d'inverser cette situation. En outre, il a demandé si le CNAM proposait des services d'anticipation des besoins en compétences et formation ainsi que de conseil et d'aide à l'orientation. Enfin, considérant le CNAM comme un établissement de référence dans le domaine de la formation, il s'est demandé s'il pourrait devenir un modèle de bonnes pratiques.

M. Alain Gournac s'est interrogé sur les contacts que le CNAM entretient avec l'éducation nationale, avant de demander si les enseignants étaient des professionnels exerçant encore une activité. Il a souhaité connaître, en outre, le coût des formations délivrées pour les entreprises.

M. Yann Gaillard a voulu savoir si le CNAM avait des relations avec la Cité des sciences. Il s'est demandé, ensuite, où s'inscrivait le CNAM dans le cadre de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF).

En réponse à ces intervenants, Mme Laurence Paye-Jeanneney a apporté les éléments de précision suivants :

- le CNAM accueille des publics très divers, âgés de vingt à soixante-cinq ans environ, avec une moyenne d'âge de trente-trois ans ; ce sont en majorité des hommes, à 70 % ;

- la logique d'offre est un risque qu'il faut combattre en permanence ; la structure d'association des centres régionaux permet d'introduire davantage de souplesse ; par ailleurs, des assises régionales sont actuellement organisées en vue de mieux analyser les besoins, au contact direct du terrain ;

- le CNAM travaille avec des branches pour leur apporter une aide en matière d'ingénierie de formation, comme c'est le cas actuellement avec le secteur automobile par exemple, en vue d'adapter les compétences des garagistes ;

- le CNAM est placé sous la tutelle du ministère de l'éducation nationale ; il est en contact permanent avec les autres établissements relevant de ce ministère, dont sont issus ses enseignants ; toutefois, face aux difficultés rencontrées, il faudrait définir un accord-cadre afin de faciliter ces échanges ; la tutelle unique pose problème au CNAM dans la mesure où la formation professionnelle relève du ministère de l'emploi ; il serait donc utile d'envisager une double voire une triple tutelle ;

- les formations sont facturées aux entreprises à des tarifs en général plus élevés que ceux proposés aux personnes venant de leur propre initiative.

Complétant ces propos, M. Jérôme Chapuisat a apporté les éléments de réponse suivants :

- la notion de formation tout au long de la vie n'aura pas de réelle portée tant que l'on continuera de considérer la formation initiale comme un produit fini ; au contraire, le CNAM propose à chacun de s'engager dans une formation « continuée » ; ce « modèle CNAM » pourrait être amené à jouer un rôle-clé dans le cadre de la montée en puissance des compétences des régions en matière de formation professionnelle ;

- on déplore de façon générale un manque de relation entre l'éducation nationale et le monde de la formation professionnelle, duquel le CNAM se sent souvent mieux compris ; c'est pourquoi il serait plus adapté d'élargir sa tutelle aux ministères en charge de la formation professionnelle et de l'industrie.

S'interrogeant sur les éventuelles contraintes que susciterait une triple tutelle, M. Jean-Claude Carle, président, s'est demandé s'il ne serait pas préférable, au contraire, de renforcer l'autonomie du CNAM. Il a souhaité savoir, ensuite, si les personnes venaient au CNAM avec un projet, et si ces projets étaient mis en phase avec les débouchés.

Mme Laurence Paye-Jeanneney a partagé le souhait que l'établissement bénéficie d'une plus grande autonomie, notamment dans le recrutement de ses enseignants. Elle a évoqué, ensuite, un projet en cours permettant à des étudiants des filières littéraires de s'engager dans un parcours de professionnalisation, en leur proposant une formation adaptée aux besoins des entreprises, dans des secteurs techniques. En outre, elle a souligné que le CNAM, parce qu'il apparaît plus accessible pour certains publics, accueillait près de 30 % d'auditeurs issus de l'immigration, contre 2 à 3 % seulement dans les universités. A cet égard, une réflexion est en cours sur un projet d'école de l'intégration. Enfin, si la plupart des auditeurs venant au CNAM ont un projet, l'établissement propose des services de conseil et d'accompagnement.