Mardi 22 mai 2007

- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président-

Nominations de rapporteurs

La commission a tout d'abord procédé à la nomination de M. Jean Bizet comme rapporteur du projet de loi n° 288 (2006-2007) relatif à la responsabilité environnementale et de M. Henri Revol sur le projet de loi n° 297 (2006-2007) relatif aux opérations spatiales.

Désignation d'un commissaire

La commission a désigné M. Jean Bizet, commissaire chargé de représenter la Commission au Forum parlementaire du G8 + 5 sur le changement climatique, à Berlin les 3 et 4 juin.

Résolutions européennes - Organisation commune des marchés dans le secteur agricole - Nomination d'un rapporteur et examen du rapport

Puis la commission a désigné M. Benoît Huré rapporteur de sa proposition de résolution n° 300 (2006-2007) sur la proposition de règlement du Conseil portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce secteur (E 3423), confirmant ainsi sa désignation officieuse effectuée depuis la dernière réunion de la commission par son président et ses vice-présidents.

La commission a ensuite entendu M. Benoît Huré présenter son rapport.

Rappelant que la politique agricole commune (PAC) ferait, en 2008-2009, l'objet d'un « bilan de santé », avant d'être réformée en 2013, soit dix ans après les accords de Luxembourg de 2003 ayant jeté les bases de l'actuelle PAC, il s'est refusé à ce qu'il soit anticipé sur ces échéances et que soient dès à présent démantelés les systèmes de régulation des marchés, estimant que cela serait contraire à l'intérêt communautaire et contre-productif pour le secteur agricole.

Présentant le texte sur lequel portait sa proposition de résolution, appelé couramment règlement « OCM unique », il a reconnu qu'il n'avait apparemment que des objectifs louables : répondre aux critiques de lourdeur et de bureaucratie formulées à l'encontre de la PAC en regroupant en un seul texte ses 21 organisations communes de marché (OCM) et la quarantaine de règlements les régissant, sans les modifier sur le fond, mais en les harmonisant et en les codifiant.

Néanmoins, le projet de texte présenté par la Commission européenne fin 2006 et applicable au 1er janvier 2008 ne semble pas à même, en l'état, d'atteindre ces objectifs. Ainsi, il a suscité dès l'origine l'hostilité de la France, bientôt rejointe par une majorité de pays producteurs, qui, tout en étant favorables au principe même d'une rationalisation et d'une clarification de la PAC, estiment en revanche que le contenu du texte est critiquable, tant sur la forme que sur le fond.

Il a alors exposé trois critiques formelles :

- le manque de clarté de la proposition de règlement, regroupant près de 200 articles traitant de presque toutes les productions et comportant de nombreux changements de vocabulaire, sources de confusion et d'ambiguïté , ce qui constitue un paradoxe pour un texte visant à simplifier ;

- la fragilisation de la base juridique, seuls, 102 « considérants » ayant été retenus parmi les centaines existantes dans les OCM d'origine, et l'absence de toute étude d'impact, juridique comme économique ;

- le non respect du calendrier de réforme des OCM fruits et légumes d'une part, vin de l'autre, intégrés dans le texte de l'OCM unique alors qu'ils font, par ailleurs, l'objet de révisions sectorielles.

Il a ensuite présenté les remontrances de fond soulevées à l'encontre du texte de la Commission :

- la suppression, sous couvert d'une harmonisation formelle, de nombreuses dispositions spécifiques à certaines OCM. C'est ainsi que le mécanisme d'intervention dans le secteur porcin a été supprimé, sous prétexte qu'il était inutilisé depuis plusieurs décennies. Par ailleurs, les dispositions relatives aux organisations de producteurs et interprofessions ont vu leur champ d'application être limité de façon extrêmement stricte ;

- les très nombreux transferts de compétences réalisés au profit de la Commission et au détriment du Conseil. Concernant des aspects en apparence purement techniques, mais en réalité politiquement très sensibles, ils tendent à priver le Conseil, représentant les intérêts des Etats membres, de beaucoup de ses compétences, et à laisser un blanc seing à la Commission, dont l'approche de la PAC est très libérale ;

- la substitution d'un unique comité de gestion aux 21 comités gérant chacun une OCM. Existant depuis 45 ans et représentant les Etats membres, ces comités donnent à la Commission des avis éclairés sur la gestion quotidienne de la PAC et permettent d'éviter une déconnexion complète avec les réalités nationales.

Confrontée à ces critiques, a poursuivi M. Benoît Huré, rapporteur, la présidence allemande de l'Union européenne, désireuse de mettre la réforme de l'OCM unique à son actif, a présenté fin mars des propositions de compromis. Plusieurs avancées ont été enregistrées :

- la limitation des dispositions relatives aux OCM en cours de réforme -fruits et légumes, et vin- à une seule, concernant le comité de gestion, les autres devant attendre la fin de leur révision sectorielle pour être intégrées dans le texte unique ;

- le recul de la Commission sur la majeure partie des compétences qu'elle entendait s'attribuer au détriment du Conseil ;

- la reconnaissance des organisations de producteurs et des interprofessions dans un nombre étendu de secteurs.

Malgré ces progrès notables, a estimé M. Benoît Huré, rapporteur, le projet de texte souffre encore d'au moins deux handicaps : d'une part, la question du comité de gestion unique n'est pas encore réglée et, d'autre part, certaines définitions et notions juridiques n'ont toujours pas été précisées.

Afin de soutenir le Gouvernement dans ses ultimes négociations européennes au mois de juin, il a proposé d'adopter sa proposition de résolution, qui intègre quatre nouveaux éléments tenant compte de l'état d'avancement le plus récent des négociations et visant respectivement à :

- rappeler le bien-fondé et la spécificité des OCM, qui ont fait la preuve de leur efficacité depuis 1961 et dont le démantèlement serait catastrophique ;

- s'assurer des avancées obtenues s'agissant de l'exclusion partielle des deux OCM en cours de révision, ainsi que de la limitation des transferts de compétences ;

- proposer une alternative au comité de gestion unique, la solution pouvant être d'en conserver un nombre limité correspondant à des catégories de productions au profil similaire ;

- s'assurer de la lisibilité juridique du texte, afin que les professionnels, mais aussi le grand public, puissent y accéder aisément, conformément à ses objectifs initiaux.

Précisant avoir consulté, lors de l'instruction de son rapport, les principaux organismes représentant le monde agricole, et soulignant que le Parlement européen avait présenté une analyse du texte relativement analogue à la sienne, il a estimé que l'adoption de cette proposition de résolution ainsi amendée exprimerait le souhait du Sénat de conserver l'esprit même des OCM, tout en en simplifiant la lettre.

Après que M. Jean-Paul Emorine, président, eut dit accueillir très favorablement son rapport, M. Benoît Huré, rapporteur, a souhaité replacer la proposition de réforme dans le cadre, plus général, des cinq dernières années de négociation agricole au sein de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Voyant dans l'agriculture une activité pleinement moderne d'un point de vue économique et stratégiquement essentielle, comme en témoignent les enjeux actuels en matière de conflit d'usage entre productions alimentaires et non alimentaires, d'augmentation des besoins due aux évolutions démographiques, de réduction des superficies agricoles, de changement des conditions climatiques ou de diminution inquiétante des stocks, il a regretté que la Commission européenne ne tienne pas suffisamment compte de ces multiples aspects.

Après que M. Jean-Paul Emorine, président, eut expliqué à M. Jean Desessard que la nomination de M. Benoît Huré comme rapporteur sur sa propre proposition de résolution le jour même de la présentation de son rapport était due à la rareté des réunions de commission en période électorale et à l'urgence de l'examen du texte, ce dernier a dit se féliciter de ce que le rapporteur adopte une position qu'il a qualifiée d'hostile à l'approche libérale de l'agriculture par la Commission européenne.

M. Benoît Huré, rapporteur, a précisé qu'il était tout aussi hostile à un libéralisme débridé, inapte selon lui à fournir à l'agriculture le cadre d'un développement harmonieux et durable, qu'à des positions alter-mondialistes, jugeant nécessaire de conserver un système équilibré de régulation des marchés.

Approuvant l'objectif d'une plus grande simplification de la PAC, M. Jean Bizet s'est dit toutefois sceptique quant à la capacité de la proposition de règlement à l'atteindre, ajoutant l'avoir indiqué lors d'une rencontre avec la commissaire européenne en charge de l'agriculture, Mme Mariann Fischer Boel, à Helsinki en octobre dernier. Soulignant la nécessité de réduire les compétences de la Commission au profit du Conseil et du Parlement européen, il a mis en garde contre le risque que soit utilisé le prochain « bilan de santé » de la PAC pour lui donner une orientation plus nettement libérale. Se disant préoccupé par la stagnation du budget européen qui, du fait des dernières adhésions, devrait conduire à une diminution de la part relative du budget consacrée à l'agriculture et pourrait aboutir à une re-nationalisation des politiques agricoles, il s'est félicité de la nomination de Mme Christine Lagarde comme nouveau ministre en charge de l'agriculture et a renvoyé au discours du précédent président de la République, lors du sommet de l'élevage d'octobre 2006, constituant selon lui une véritable « feuille de route » stratégique pour l'agriculture française des prochaines années.

Après que M. Jean-Paul Emorine, président, eut souscrit à ses propos, la commission a adopté la proposition de résolution amendée par son rapporteur, les groupes socialiste et communiste, républicain et citoyen s'abstenant.

Résolutions européennes - Troisième paquet de sécurité maritime - Nomination d'un rapporteur et examen du rapport

La commission a tout d'abord désigné M. Charles Revet rapporteur de la proposition de résolution n° 306 (2006-2007) présentée par M. Charles Revet en application de l'article 73 bis du Règlement, relative au troisième paquet de sécurité maritime (E 3067, E 3074, E 3080, E 3081, E 3086, E 3091, E 3092).

M. Charles Revet, rapporteur, a précisé en préambule que le troisième paquet de sécurité maritime, ou paquet Erika III, serait examiné par le Conseil Transports du 6 juin 2007. Rappelant que les deux premiers paquets avaient été adoptés à la suite du naufrage du pétrolier Erika à l'hiver 1999, il a indiqué que la demi-douzaine de textes qu'ils comportaient avait ensuite été renforcée à la suite du naufrage du Prestige.

Précisant que l'ensemble de sept textes (six propositions de directive et une proposition de règlement) formant le paquet Erika III s'inscrivait dans la prolongation des précédents, il a souligné qu'il exprimait aussi une ambition nouvelle, en renforçant notablement les dispositions existantes et en abordant la question de la réparation des catastrophes maritimes. Il a fait valoir que la France est particulièrement intéressée à ce dossier, de par la longueur de ses côtes et l'importance du trafic maritime qui traverse ses eaux, ce qui a motivé le dépôt de sa proposition de résolution.

Renvoyant au rapport écrit pour la description détaillée de ces textes, M. Charles Revet, rapporteur, a souligné les principaux points qui ressortaient de la négociation. En premier lieu, il a estimé qu'il importait de ne pas disloquer le paquet, certains Etats membres voulant discuter séparément les différents textes. Il a fait part de sa crainte qu'un tel éclatement puisse conduire à renoncer aux textes les plus ambitieux, partagée par le Parlement européen.

Sur la question du suivi du trafic maritime et en particulier de l'obligation de systèmes de balise pour les navires de pêche, il a précisé qu'il y avait un débat entre la Commission européenne et la France, d'une part, et certains autres Etats membres et le Parlement européen, d'autre part, sur la taille des bateaux de pêche à partir de laquelle une obligation d'installer un système de repérage pour éviter les collisions serait imposée. La Commission européenne avait proposé 15 mètres, mais le Parlement européen a fait une contre proposition à 24 mètres. Soutenant la position de la Commission européenne, il a fait valoir que si cette obligation ne s'appliquait qu'aux bateaux de plus de 24 mètres, 84 % des bateaux de pêche français seraient exclus du dispositif. Convaincu de la nécessité d'agir résolument pour réduire la dangerosité du métier de marin-pêcheur, il a estimé que le dispositif proposé apporterait une amélioration, dès lors qu'il reposerait bien sur un seuil de 15 mètres.

Par ailleurs, cette même proposition de directive relative au suivi du trafic pose la question de la procédure de détermination des lieux de refuge pour les navires en détresse. La Commission européenne souhaite que l'autorité responsable de ce choix soit indépendante. Sans envisager une indépendance organique, M. Charles Revet, rapporteur, a jugé que l'on pouvait, à bon droit, accroître l'autonomie du préfet maritime, en le rendant pleinement responsable de ce choix, et ce d'autant plus qu'une telle évolution serait de nature à accroître l'efficacité de la procédure. Il a déploré, à cette occasion, l'enchevêtrement des responsabilités administratives qui existe parfois en matière maritime, par exemple dans le domaine de la sécurité à l'intérieur des ports.

Quant aux contrôles par les Etats, il a précisé que le troisième paquet de sécurité maritime accordait une importance accrue au contrôle par l'Etat du pavillon et s'en est félicité, soulignant toutefois que la négociation serait particulièrement âpre sur ce point. Indiquant que les travaux qu'il avait menés depuis le dépôt de la proposition de résolution initiale avaient clairement mis en valeur l'importance du contrôle par l'Etat du pavillon, il a précisé que le renforcement du contrôle par l'Etat du port, pour être utile, est toutefois limité puisqu'il se fait à quai et avec un bateau chargé. De manière à mieux responsabiliser les Etats du pavillon à l'amélioration de la sécurité maritime, il a avancé l'idée que les Etats du pavillon soient responsables, à terme, des erreurs ou manquements des sociétés de classification qu'ils auraient agréées. Il a ajouté qu'une réglementation rigoureuse en matière de sécurité maritime ne peut par ailleurs qu'améliorer la compétitivité du pavillon français.

M. Charles Revet, rapporteur, a ensuite rapidement proposé, pour reprendre ces éléments, quelques modifications au texte initial de la proposition de résolution. En conclusion, il s'est déclaré convaincu que ce dossier allait dans la bonne voie, mais qu'il ne fallait pas se masquer les difficultés. Il a jugé que l'amélioration de la sécurité maritime ne serait obtenue que par un combat de longue haleine et, pour cette raison, il lui paraissait tout à fait utile de rappeler aux partenaires européens de la France et à la Commission européenne la position du Parlement français.

Après que M. Jean-Paul Emorine, président, a déclaré partager pleinement l'analyse du rapporteur, M. Thierry Repentin a souhaité savoir si une responsabilité des chargeurs pouvait être envisagée. M. Charles Revet lui a répondu que cette question n'était pas couverte par les textes du paquet Erika III, mais qu'elle se posait en effet et méritait réflexion.

M. Jean Desessard, rappelant la perte de compétitivité du pavillon français, a souligné que celle-ci s'expliquait largement par le respect insuffisant des règles de sécurité par certains pavillons de complaisance. Approuvant le contenu de la proposition de résolution, il a regretté que certains de ses aspects ne soient pas plus détaillés, en particulier quant au champ de l'indemnisation des conséquences environnementales des catastrophes maritimes. En réponse, M. Charles Revet, rapporteur, a rappelé que beaucoup de pays européens s'engagent pour le respect des règles de sécurité maritime, en particulier à travers la mise en oeuvre du Memorandum of Understanding (MOU) de Paris qui dresse des listes de navires bannis des eaux et ports de l'Union européenne.

Puis la commission a adopté la proposition de résolution dans la rédaction proposée par son rapporteur.