Mercredi 20 juin 2007

- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président. -

Union européenne - Réunion parlementaire sur l'alimentation et l'agriculture - Communication

La commission a tout d'abord entendu une communication de M. René Beaumont, représentant la commission à la réunion parlementaire de Berlin, sur l'alimentation et l'agriculture des 20 et 21 mai.

Précisant qu'il avait été accompagné, en tant que représentant de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, par M. Yves Simon, député de l'Allier, M. René Beaumont s'est félicité de la grande qualité de l'accueil germanique dans une ville dynamique symbolisant parfaitement la capacité de l'Allemagne à « digérer » la réunification et à retrouver un rôle moteur dans l'économie européenne.

Il a indiqué que la première journée avait été consacrée à des déplacements de terrain, avec la visite à Potsdam d'un institut d'agronomie spécialisé dans la mise au point de productions non alimentaires, pour certaines encore à un stade expérimental, pour d'autres déjà opérationnelles. Trois activités principales ont ainsi été présentées par les ingénieurs dirigeant les laboratoires : l'utilisation de la biomasse, en l'occurrence de déchets végétaux, pour produire, par fermentation et méthanisation, de l'énergie électrique ; la mise au point de matériaux de plaquage d'origine végétale pouvant être utilisés dans des productions industrielles ou la construction de logements ; et l'élaboration, à base de molécules contenues notamment dans le maïs et le blé, de plastiques végétaux biodégradables.

Ces productions non alimentaires, a-t-il souligné, parviennent à concurrencer celles issues de composés fossiles, en termes d'efficacité énergétique comme d'aspect ou de solidité. De plus, elles participent à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, puisqu'elles contiennent des végétaux ayant capté du CO2 durant leur croissance. Cependant, a nuancé M. René Beaumont, elles restent encore plus onéreuses à produire, et induisent de ce fait des programmes de développement qui, par une meilleure sélection des plants utilisés et une rationalisation des process, cherchent à en réduire les coûts.

La délégation a ensuite visité une exploitation agricole produisant de l'énergie électrique à partir de plants dédiés. Là encore, cette technique, bien qu'extrêmement moderne, n'apparaît pouvoir être rentabilisée qu'à l'horizon de 7 ou 8 ans et nécessite des subsides publics, l'électricité produite coûtant presque deux fois plus cher que celle d'origine nucléaire.

M. René Beaumont a ensuite indiqué qu'au cours du dîner offert par la présidente de la commission de l'agriculture et de l'alimentation et le ministre de l'agriculture du land de Berlin, il avait eu l'occasion de s'entretenir avec une représentante de la chambre des Lords britannique et de s'entendre confirmer les divergences de point de vue séparant, sur les dossiers agricoles et la politique agricole commune (PAC), la France de l'Angleterre.

La journée du 21 mai a ensuite été consacrée à deux tables rondes. Lors de la première, qui concernait le potentiel de l'espace rural, M. John Bensted Smith, directeur général des analyses économiques à la Commission européenne, a présenté le nouveau plan européen de développement rural 2007-2013 et exprimé sa déception de n'avoir obtenu que 76 milliards d'euros de financement, soit 20 de moins par rapport à la demande de la Commission. Il a souligné avec insistance qu'une plus grande libéralisation du cadre européen entraînerait d'importantes difficultés, se traduisant par des transferts démographiques au détriment du nord de l'Europe et par un abandon massif de terres.

M. René Beaumont a rapporté que le professeur Karlheinz Knickel, de l'institut de développement rural de Francfort, avait ensuite énuméré les « méga-tendances » influençant l'avenir de l'espace rural européen (exigences accrues en termes de qualité de vie, nouvelles relations villes-campagnes, prise de conscience environnementale et mutations démographiques), et appelé à développer davantage les potentiels existant en matière de production biologique et d'agrotourisme, ainsi qu'à mieux valoriser les fonctions écologiques des zones rurales. Il avait, en outre, souligné l'importance de l'approche territoriale dans le programme « Leader », insisté sur le nécessaire encouragement à la connaissance et à l'innovation, et plaidé pour la mise au point d'un cadre fiscal et règlementaire propice au développement rural.

M. René Beaumont a rapporté être alors intervenu pour souligner quelques paradoxes observés dans les secteurs de l'énergie et des transports, en prise directe avec les problématiques de développement rural à l'échelle européenne. Après avoir rappelé que l'énergie d'origine nucléaire, qui évitait ou réduisait le recours à des énergies d'origine fossile, était à la base d'un réel développement durable, il a insisté sur la priorité que devrait constituer pour l'Union européenne le développement des transports ferroviaires et fluviaux, ainsi que la multi-modalité. Délaissés au profit de la route ou de l'aérien, ces deux modes de transport, pour lesquels l'Union possède des atouts technologiques et démographiques complémentaires, représentent en effet un potentiel d'économie d'énergie et de pollution évitée considérable, tout particulièrement en Allemagne et en France, deux pays frontaliers possédant des réseaux ferrés de qualité et de nombreux fleuves et canaux.

Il a évoqué ensuite la seconde table ronde, consacrée aux énergies renouvelables, et notamment un exposé de M. Luc Werring, directeur général « Transport et énergie » à la Commission européenne. Pour ce dernier, l'éolien et le photovoltaïque ont l'avantage de ne pas nécessiter d'investissements continus, et se prêter bien au chauffage, tandis que les biocarburants et les technologies à hydrogène favorisent la continuité d'approvisionnement, tout en donnant lieu à des émissions de gaz, et doivent être plutôt orientés vers les transports sur longue distance. S'agissant du développement des biocarburants, il a suggéré deux approches : l'une fondée sur les volumes, consistant à fixer des objectifs de production à atteindre à une date donnée, et l'autre -à laquelle il a donné sa préférence- tendant à jouer sur les prix, en instaurant un cadre fiscal et règlementaire adapté.

Se félicitant de l'intérêt de ces rencontres parlementaires, M. René Beaumont a indiqué qu'elles sont l'occasion de « prendre la température » sur un sujet communautaire et d'échanger avec d'autres représentants de l'Union, invitant pour cette raison ses collègues à y prendre part lorsque l'occasion se présenterait.

M. Jean-Paul Emorine, président, est intervenu pour confirmer qu'il était indispensable que le Sénat soit représenté et participe aux réunions organisées par le Parlement européen avec l'ensemble des Parlements nationaux des Etats membres. Ceci permet, sur les thèmes intéressant la commission des affaires économiques, d'avoir des échanges fructueux et de faire connaître la position du Sénat.

Il a par ailleurs annoncé que le bureau de la commission, réuni ce matin, avait décidé de la mise en place, au sein de la commission, d'une mission d'information sur les transports terrestres de marchandises. Cette mission, ouverte aux commissaires intéressés, devra faire le point sur les structures existantes (route, fer et voie d'eau) et faire des propositions sur des modalités de financement pérennes.

Mme Odette Herviaux, se référant à un entretien récent avec un membre de la Direction générale de l'agriculture à la Commission européenne, s'est interrogée sur la poursuite de la hausse des prix des produits agricoles. Cette évolution résulte tout à la fois des effets du changement climatique qui, dans certaines zones, induisent une baisse de la production et de la concurrence introduite par la forte progression des productions agricoles énergétiques.

Lui répondant, M. René Beaumont a rappelé que, malgré cette hausse, les prix mondiaux des produits agricoles alimentaires restent inférieurs aux prix de revient des productions agricoles françaises, ce qui incite les agriculteurs français à se tourner vers les cultures agricoles énergétiques plus rentables. Tant que persistera ce différentiel de prix, les tensions sur les marchés agricoles seront de plus en plus marquées.

M. Jean-Paul Emorine, président, est intervenu pour rappeler que le rapport sur l'avenir de la filière agricole à l'horizon 2050, déposé en janvier dernier, montrait que la question de l'équilibre entre les différentes productions agricoles ne serait pas résolue avant plusieurs années.

M. Jean Bizet a ajouté, citant le XIe rapport sur les cycles et les orientations des produits et des échanges (Cyclope 2007), que les marchés agricoles mondiaux, comme ceux des matières premières ou de l'énergie, reflètent, à travers la hausse des prix, la rareté des ressources naturelles et les craintes de pénurie.

Union européenne - Forum parlementaire sur le changement climatique - Communication

Puis la commission a entendu une communication de M. Jean Bizet, représentant la commission au Forum parlementaire G8 + 5 sur le changement climatique des 3 et 4 juin.

M. Jean Bizet a tout d'abord rappelé qu'il s'agissait d'une initiative britannique pour assurer le suivi du Sommet du G8 de Gleneagles de juillet 2005 et participer à l'élaboration d'un dispositif de lutte contre le changement climatique. Ce suivi se traduit tant par un processus intergouvernemental que par des réunions interparlementaires, réunissant, au-delà des membres du G8, les grands pays émergents et les principaux consommateurs d'énergie, soit au total une vingtaine d'Etats.

Il a ensuite exposé que M. Tony Blair, Premier ministre du Royaume-Uni, était intervenu pour introduire ce Forum et souhaiter que le G8 aboutisse à un accord sur lequel fonder les négociations de l'après 2012 en conservant le cadre du Protocole de Kyoto. Il a considéré comme possible la conclusion d'un accord global au niveau mondial, en évoquant l'éventualité d'engagements différenciés pour les pays en voie de développement et a insisté sur l'impact très positif en termes de croissance et d'emploi de la mise au point et de la diffusion des innovations technologiques tendant à la maîtrise des émissions de CO2.

Après avoir évoqué les thèmes abordés par le Forum, à savoir les éléments structurants du marché du carbone, les techniques de capture et de séquestration du carbone, l'efficacité énergétique, les énergies renouvelables, les mesures d'adaptation nécessaires ainsi que la lutte contre la déforestation massive et illégale, M. Jean Bizet a fait valoir que l'ensemble des participants partageait les conclusions des rapports établis par les trois groupes de travail du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), adoptés en 2007.

Le GIEC a été créé en 1988 à la demande des Nations Unies par l'Organisation météorologique mondiale et le Programme des Nations Unies pour l'environnement et il a déjà rendu trois rapports d'évaluation en 1990, 1995 et 2001. Son organisation permet de garantir la qualité et l'indépendance du travail scientifique, tout en exprimant un consensus reconnu par les gouvernements.

Au-delà de la confirmation de la responsabilité des activités humaines dans le réchauffement climatique établi par le groupe I, le rapport du groupe II anticipe sur les impacts négatifs du changement climatique sur le plan environnemental, mais aussi social et économique. Enfin, le rapport du groupe III est consacré aux atténuations possibles du changement climatique en identifiant clairement des mesures adoptables « à un coût modéré ». En effet, contenir la hausse des températures autour de 2° par rapport à 1990 suppose de stabiliser la concentration des gaz à effet de serre dans l'atmosphère entre 450 et 550 parties par million contre 380 ppm actuellement et 285 avant l'ère industrielle. Les mesures à prendre entraîneraient une baisse du taux de croissance annuelle du PIB de seulement 0,12 % à partir de 2030. Outre qu'une part substantielle de cette diminution devrait être compensée par l'effet positif sur la santé publique des actions entreprises, les marges de manoeuvre sont importantes dans le secteur du bâtiment en ce qui concerne les mesures d'atténuation possibles, et ce, à des coûts très modiques.

M. Jean Bizet a ensuite exposé quelques unes des idées fortes qui se sont dégagées au cours de ce Forum.

Premièrement, l'implication majeure des Etats-Unis dans la problématique du changement climatique appréhendé comme le défi mondial majeur est réelle et la délégation parlementaire américaine était très présente avec, à ses côtés, une forte représentation des industries et des producteurs d'énergie. L'accent a été mis sur l'ampleur des budgets de recherche consacrés à la mise au point de techniques de capture et de séquestration du carbone, de combustibles plus efficaces ou encore d'énergies alternatives à partir du solaire ou de l'hydrogène, les Américains étant convaincus que la mise au point et la diffusion des nouvelles technologies constituent des éléments essentiels de la lutte contre le changement climatique.

Deuxièmement, il faut raisonnablement admettre que le charbon va rester -et pour de longues années- la principale source de combustible, en particulier pour les Etats-Unis, la Chine et l'Inde, car il est disponible et bon marché. Ainsi, en 2006, l'augmentation des prix du pétrole a entraîné une forte hausse de la consommation de charbon au niveau mondial. L'enjeu technologique porte donc sur la capture et la séquestration du CO2 et la mise au point d'un charbon propre. Mais beaucoup de questions techniques sont encore à résoudre et les coûts restent très élevés. L'Union européenne estime ainsi nécessaire de développer 12 projets pilotes pour tester les différentes technologies de stockage du CO2.

Troisièmement, le mécanisme du marché du carbone est une composante essentielle pour déterminer le coût de la tonne de carbone et des émissions de CO2, mais les marchés actuels ne sont pas assez incitatifs et doivent être soutenus par un plafonnement des émissions. A terme, a souligné M. Jean Bizet, il faudra, par des rapprochements régionaux successifs, parvenir à un marché unique au niveau mondial.

Il a également considéré qu'à titre transitoire, des subventions pouvaient être nécessaires pour soutenir l'émergence de technologies innovantes ainsi qu'une réglementation des émissions dans certains secteurs si le signal-prix de la tonne de carbone évitée n'était pas assez significatif. Les acteurs économiques ont besoin d'une visibilité à long terme sur l'évolution de ce signal-prix afin de s'engager dans des technologies innovantes à forte intensité capitalistique.

Quatrièmement, le progrès en matière d'efficacité énergétique constitue un levier majeur pour réduire les consommations de CO2 et a des effets immédiats, puisque 45 % des économies de CO2 pourraient provenir de gains en efficacité énergétique, le secteur du bâtiment offrant un potentiel énorme. La question reste posée de la fixation, au niveau mondial, de normes d'efficacité énergétique pour les produits.

Enfin, M. Jean Bizet a indiqué que les délégations chinoise, indienne et des autres pays émergents avaient vivement insisté sur la nécessité d'encourager des transferts massifs de technologies propres et innovantes vers les pays émergents, tout en restant opposées à toute contrainte à leur égard en matière d'émissions de CO2. D'une part, l'enjeu crucial de ces pays est la lutte contre la pauvreté qui les « oblige » à des taux de croissance élevés et, d'autre part, la responsabilité historique des pays développés dans l'accumulation des émissions de CO2 justifie les engagements de restriction auxquels ils ont consentis.

Evoquant ensuite la déclaration finale, adressée aux chefs d'Etat et de gouvernement du G8, qui souligne en particulier la nécessité de définir, à long terme, des objectifs de stabilisation des émissions de gaz à effet de serre, de promouvoir un marché du carbone et d'accroître les financements pour développer les nouvelles technologies, le rapporteur a indiqué être intervenu à plusieurs reprises pour faire figurer l'énergie nucléaire au titre des technologies à faible teneur en carbone et mentionner la nécessité de poursuivre les recherches sur des « process » plus économes en combustible nucléaire et produisant moins de déchets. Sans pouvoir obtenir que l'énergie nucléaire soit explicitement citée comme pouvant faire partie du mix-énergétique d'un état, il a été acté que la question de l'énergie nucléaire devait faire l'objet d'un prochain débat au sein du Forum.

L'opposition à cette mention a été surtout le fait des délégués du Parlement européen et, de façon atténuée, des délégués allemands, alors qu'au cours des deux jours de débat, nombre d'intervenants -notamment les américains et les indiens- avaient souligné l'impact positif de l'énergie nucléaire dans la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre.

M. Jean Bizet a également regretté de n'avoir pu obtenir qu'il soit recommandé d'intégrer les normes environnementales dans le socle de règles établi par l'Organisation mondiale du commerce afin de lutter efficacement contre le dumping environnemental dans le commerce international.

Abordant, en conclusion, le contenu de l'accord intervenu au Sommet du G8 reconnaissant la nécessité de stabiliser puis ensuite de « réduire substantiellement » les émissions de gaz à effet de serre, il a considéré que les Etats-Unis validaient ainsi le processus de négociation climatique de l'ONU à travers le protocole de Kyoto, acceptant, de facto, de participer d'ici à 2009 à l'élaboration d'un nouvel accord sur le changement climatique, entrant en vigueur en 2012. Même en l'absence d'engagements chiffrés et d'échéances clairement identifiées, les négociations peuvent donc démarrer en décembre 2007 à Bali. Il s'agit d'un signal clair adressé à l'ensemble des acteurs économiques sur la pérennité, au niveau mondial, d'un engagement politique de lutte contre le changement climatique, ce dont il faut se féliciter.

M. Daniel Raoul s'est interrogé sur le plafond de 450 ppm retenu pour stabiliser la concentration des gaz à effet de serre, alors qu'on mesure déjà les effets négatifs d'une concentration évaluée à 380 ppm aujourd'hui. Il s'est demandé s'il ne fallait pas se fixer des objectifs plus ambitieux.

Lui répondant, M. Jean Bizet a fait valoir qu'il s'agissait d'un scénario de stabilisation à un niveau « relativement bas » par rapport à ce que serait l'évolution des concentrations de gaz à effet, si rien n'était fait.

Il a souligné que cet objectif nécessite d'adopter des mesures dès maintenant et qu'il tient compte des taux de croissance prévisibles des pays émergents comme la Chine et l'Inde, émetteurs importants de gaz à effet de serre. Il a considéré enfin qu'il fallait proposer des objectifs « acceptables » sur le plan économique et social.

Mme Evelyne Didier a estimé que les Etats-Unis, au-delà du réalisme politique dont doit désormais faire preuve le président George Bush, mènent une politique pragmatique et ambitieuse de recherche et développement sur des technologies innovantes limitant les émissions de gaz à effet de serre, afin d'imposer à terme leurs normes et leurs brevets.

Elle a souhaité que soit menée une réflexion sur les mesures à mettre en oeuvre pour permettre aux citoyens français de s'adapter aux conséquences de la hausse des températures et du renchérissement prévisible des coûts de l'énergie et des carburants.

M. Jean-Paul Emorine, président, a proposé d'organiser prochainement les auditions de MM. Nicolas Hulot et Claude Allègre pour approfondir la réflexion sur les enjeux du réchauffement climatique.

OCM vitivinicole - Examen du rapport d'information

La commission a enfin examiné le rapport d'information de M. Gérard César sur l'organisation commune du marché (OCM) vitivinicole.

M. Gérard César, rapporteur, a introduit son propos en rappelant que le vin est, pour tous les Européens et a fortiori pour les Français, un produit noble, riche d'une histoire remontant à l'Antiquité et porteur d'une culture d'excellence enviée par le monde entier. C'est aussi un produit agroalimentaire spécifique et le support d'un secteur économique essentiel pour l'Union européenne, première productrice de vin au monde. Il a cependant observé que, si pendant longtemps le continent européen avait fait figure de leader incontesté et de référence absolue dans ce secteur, la filière vitivinicole européenne connaît aujourd'hui des difficultés importantes et même une véritable crise, dont il a brièvement rappelé les principales raisons :

- une surproduction chronique due, en dépit de la stabilisation du vignoble, qui a même régressé en France, à l'augmentation des rendements (+ 50 % en Espagne sur la dernière décennie), génératrice de surplus que ne sont pas parvenues à résorber les distillations de crise pratiquées ces dernières années ;

- la diminution en volume de la consommation, revenue en France, depuis 1960, de 135 à 57 litres par an et par habitant ;

- la montée en puissance de nouveaux pays producteurs - l'Australie, le Chili, les Etats-Unis ou l'Afrique du Sud - qui réalisent aujourd'hui 20 % du commerce mondial du vin.

M. Gérard César, rapporteur, a observé que la réforme opérée en 1999 de l'OCM vitivinicole n'avait pas été en mesure de répondre à ces nouveaux enjeux : le déséquilibre entre l'offre et la demande s'est maintenu ou accru, provoquant une diminution des prix, des pertes de parts de marché et une baisse substantielle du revenu des viticulteurs, qui a ainsi régressé de 56 % en France en 2005 par rapport à l'année précédente.

Cependant, a-t-il souligné, si la nécessité d'une nouvelle réforme est largement admise, des clivages profonds sur la méthode à suivre opposent les pays producteurs, qui ne font pas tous le même usage des instruments communautaires, les pays consommateurs, favorables à une diminution des dépenses communautaires, et enfin la Commission européenne, qui joue de ces oppositions pour tenter de faire prévaloir une réforme d'inspiration très libérale remettant en cause les principaux instruments de régulation du marché.

M. Gérard César, rapporteur, a donc estimé qu'il importait que la commission et le Sénat prennent position par rapport au projet de réforme dont la Commission européenne a annoncé les grandes lignes en juin 2006, qu'elle doit préciser le 4 juillet prochain et dont elle entend qu'il soit adopté avant la fin de cette année en vue d'une application dès les vendanges de l'année prochaine, soit en septembre 2008.

Il a indiqué qu'il avait entendu, conformément au mandat que lui avait confié la commission au début de cette année, une trentaine de représentants de l'ensemble de la filière et de l'administration dans le cadre du groupe d'études de la vigne et du vin, saluant à ce propos la participation à ces auditions des membres du groupe d'études, et qu'il s'était également rendu en Italie pour rencontrer des représentants de la filière, de l'administration et des autorités politiques, dont les points de vue convergeaient largement avec ceux de la France.

Soulignant que les orientations qu'il soumet à la commission traduisent l'ensemble des préoccupations de l'ensemble de la filière, il a espéré qu'elles pourraient faire l'objet d'un consensus.

M. Gérard César, rapporteur, a en premier lieu relevé la nécessité de conserver une OCM spécifique au secteur vitivinicole, prenant en compte les caractéristiques particulières du vin et de ses procédés d'élaboration : il a rappelé, à cet égard, les termes de la résolution européenne du Sénat (n° 102, 2006-2007) sur la proposition de règlement du Conseil portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce secteur (E3423), adoptée par la commission à l'initiative de M. Benoît Huré.

Il a ensuite articulé autour de cinq thèmes ses observations sur la réforme proposée de l'OCM vitivinicole et ses propres propositions :

- sur la gestion du potentiel de production, M. Gérard César, rapporteur, a estimé contradictoires les propositions de la Commission européenne tendant à la fois à procéder à des arrachages massifs et à « ouvrir » entièrement le régime des droits à plantation.

Evoquant l'importance des plantations illicites, le rapporteur a pour sa part préconisé le maintien du système actuel d'encadrement des droits à produire, l'établissement d'un cadastre viticole européen et la mise en place d'un dispositif nouveau d'arrachage temporaire, permettant de geler la production pendant une période donnée tout en conservant les droits à plantation, qui pourraient être réactivés si l'évolution de la demande le justifiait ;

- sur les mécanismes de régulation des marchés, M. Gérard César, rapporteur, s'est élevé contre la proposition de la Commission européenne tendant à supprimer les régimes de distillation, et à en renvoyer éventuellement le financement aux Etats membres. Il a notamment jugé indispensable de maintenir le régime des prestations viniques, qui impose la distillation des sous-produits de la vinification, insistant sur les très graves conséquences pour l'environnement d'un épandage de ces sous-produits, capable de susciter une pollution équivalente aux rejets d'une ville de 6 millions d'habitants. Il a également jugé indispensable de maintenir le régime de distillation de crise, en le rendant plus réactif, obligatoire pour les Etats membres qui le souhaiteraient et réellement incitatif ;

- sur la structuration de l'offre, M. Gérard César, rapporteur, s'est déclaré favorable à des mécanismes réglementaires ou financiers incitant les acteurs de la filière à se regrouper pour mieux gérer les excédents anticipés ou effectifs, à mieux s'organiser afin de favoriser l'exportation et la promotion des produits ;

- sur la politique de la qualité, dont il a souligné l'importance, le rapporteur ne s'est pas opposé à une éventuelle simplification des signes et indications de qualité, dès lors que seraient conservées les spécificités des appellations d'origine contrôlée (AOC) françaises, et il s'est prononcé en faveur de l'autorisation d'apposer la mention du cépage et du millésime sur l'ensemble des vins. En ce qui concerne les pratiques oenologiques, M. Gérard César, rapporteur, s'est dit favorable à un alignement sur les prescriptions de l'organisation internationale du vin (OIV) ; il s'est en revanche élevé avec vigueur contre toute levée de l'interdiction de vinifier des moûts importés et de mélanger des vins communautaires avec des vins de pays tiers, au nom de la préservation de l'identité de la production, de la protection des consommateurs et de la traçabilité des produits. M. Gérard César, rapporteur, a par ailleurs souhaité un maintien du statu quo en matière d'enrichissement ;

- enfin, en ce qui concerne la promotion des produits, il a relevé que la Commission européenne entendait en faire une priorité, mais il a souligné que les moyens prévus - 120 millions d'euros par an selon certaines informations - seraient notoirement insuffisants pour rivaliser avec nos concurrents des pays tiers, surtout s'ils ne devaient pas être réservés à une politique de promotion spécifique au secteur vitivinicole, et il a ajouté que la politique de promotion communautaire devrait aussi se préoccuper du marché intérieur, qui représente 70 % des débouchés des vins français. Il a également insisté sur la nécessité d'associer, à la politique de promotion, une politique d'éducation à une consommation responsable et raisonnée du vin.

En conclusion, M. Gérard César, rapporteur, réitérant le souhait que ses propositions puissent être adoptées par la commission de manière consensuelle, a fait part de son intention de présenter le rapport de la commission à la commissaire européenne en charge de l'agriculture, Mme Mariann Fischer Boel, après la publication prévue le 4 juillet de ses dernières propositions, soulignant qu'il importait que la France se mobilise pour que la réforme de l'OCM viticole ne se traduise pas par un démantèlement des instruments de régulation et de soutien, mais permette de promouvoir un modèle de développement équilibré et durable et soit porteuse d'un véritable espoir d'avenir pour tous les viticulteurs.

La commission a alors procédé à un long débat.

S'associant au souhait du rapporteur que la commission adopte une position consensuelle, M. Jean-Paul Emorine, président, l'a approuvé d'avoir rappelé qu'au-delà de son importance économique, la viticulture faisait partie de notre histoire et notre culture.

M. Roland Courteau a jugé nécessaire et urgent, dans un contexte de crise, que la commission intervienne pour adresser un signal fort au Gouvernement et aux instances européennes, soulignant que la réforme de l'OCM conditionnait l'avenir de la viticulture.

Il a exprimé son accord avec les positions prises par le rapporteur sur l'arrachage, en particulier sur la mise en place d'un dispositif d'arrachage temporaire, et il a comme lui jugé indispensable de maintenir les prestations viniques et la possibilité de recours aux distillations de crise.

Il s'est également dit opposé à la libéralisation du droit de plantation, dont les effets néfastes ont pu être observés en Australie, comme à l'autorisation de la vinification de moûts importés ou du coupage avec des vins provenant de pays tiers, ce qui irait à l'encontre de l'assainissement du marché, de la protection des consommateurs et de celle de l'identité viticole européenne.

Observant que si la consommation de vin baisse en France, elle augmente dans le monde, il s'est prononcé en faveur du développement des crédits consacrés au soutien à l'exportation et à la promotion des produits, promotion qui doit permettre à la fois de valoriser le vin et de satisfaire à l'impératif d'une consommation modérée. Soulignant que la viticulture trouverait son salut dans l'exportation, il a rejoint M. Gérard César pour estimer insuffisants les moyens que la Commission européenne envisageait de consacrer à la promotion et à l'exportation du vin.

Il a également approuvé les propositions d'établissement d'un cadastre viticole européen, soulignant qu'il s'agissait d'une ancienne revendication de la France.

Indiquant que les commissaires du groupe socialiste approuvaient l'ensemble des propositions du rapporteur, il a cependant exprimé une réserve sur la défense du statu quo en matière d'enrichissement, se disant favorable à l'interdiction de la chaptalisation, dont il a rappelé qu'elle n'était pas pratiquée en Languedoc-Roussillon.

M. René Beaumont a relevé que les propositions de la Commission européenne traduisaient une profonde méconnaissance de la culture du vin et de la vigne. Il a estimé, s'il fallait pouvoir recourir à l'arrachage, qu'il fallait aussi, dans certains terroirs dont la production est inférieure à la demande, pouvoir pratiquer de nouvelles plantations et il a proposé de conditionner, par pays, l'octroi de nouveaux droits à plantation à l'arrachage dans les zones de production excédentaire, jugeant par ailleurs excellentes les préconisations du rapporteur relatives à l'arrachage temporaire.

Souhaitant que les propositions du rapporteur puissent faire l'objet d'un accord unanime, il s'est pour sa part déclaré favorable au statu quo en matière d'enrichissement, afin de ne pas remettre en cause certaines pratiques locales, de portée d'ailleurs limitée, et il a insisté sur la nécessité de mettre l'accent sur la qualité, observant que la chaptalisation ne pouvait permettre de compenser une médiocre vinification.

M. Benoît Huré a rappelé la nécessité, déjà affirmée par la commission, de conserver des organisations communes de marché spécifiques dans certains secteurs, notamment celui de la viticulture. Il a invité le rapporteur à mettre l'accent sur l'importance économique, en particulier en France, de la viticulture, rappelant que les exportations record de vin français, qui se sont élevées à 8,7 milliards d'euros en 2006, équivalent à 150 Airbus ou 270 rames de TGV. A propos de la nécessité de développer ces exportations, il s'est dit persuadé que le consommateur mondial était attentif à l'origine des produits et à l'identification des terroirs de production, et il a considéré qu'il n'était « pas imaginable » d'autoriser les coupages entre des vins de provenances diverses.

M. Jean Boyer a posé des questions sur la proportion des AOC dans la production nationale et sur le recours aux mécanismes d'intervention. Il a aussi demandé si, comme cela avait été affirmé il y a une trentaine d'années, les excédents sont imputables aux productions méridionales de mauvaise qualité.

Après avoir précisé que les AOC représentent 50 % de la production viticole française, M. Gérard César, rapporteur, a indiqué, en réponse à la dernière question de M. Jean Boyer, qu'à l'époque où elles avaient été formulées, les critiques portant sur la qualité de certaines productions viticoles n'étaient déjà plus fondées, affirmation corroborée par M. Jean-Paul Emorine, président, qui a évoqué les considérables progrès réalisés dans le domaine de la qualité, et par M. Roland Courteau, qui a souligné que la politique de qualité menée dans les régions méridionales, et notamment en Languedoc-Roussillon, pourrait être un exemple pour d'autres régions viticoles.

Approuvant les propositions formulées par le rapporteur, M. Bernard Piras a exprimé sa stupéfaction face à la méconnaissance des problèmes de la viticulture dont témoignait la réforme proposée par la Commission européenne et il a relevé la nécessité d'une certaine cohérence entre les préoccupations financières et environnementales de cette dernière, soulignant que la suppression des prestations viniques provoquerait des pollutions d'une ampleur catastrophique.

Il a par ailleurs estimé difficile de rouvrir le débat sur la chaptalisation, et de remettre en question un équilibre qui avait été très difficile à trouver, se prononçant en conséquence en faveur du statu quo, sous réserve de l'existence de contrôles et de la sanction de tout excès.

Mme Evelyne Didier s'est interrogée sur les propositions de la Commission européenne et sur les objectifs qu'elles poursuivaient réellement, notant qu'elles mettaient en évidence les aberrations auxquelles pouvait conduire la notion de « concurrence libre et non faussée ». Observant que la vigne est liée à un terroir, à un savoir-faire et à une histoire, et qu'elle est indispensable à l'économie et à l'emploi de certaines régions, elle s'est dite favorable à la défense d'une production de qualité et au développement d'une politique d'éducation à une consommation modérée, indiquant que les commissaires du groupe communiste républicain et citoyen approuveraient les propositions du rapporteur.

En réponse aux intervenants et après avoir exprimé son accord avec les suggestions qu'ils avaient formulées, M. Gérard César, rapporteur, a notamment apporté les précisions suivantes :

- les propositions formulées par Mme Mariann Fischer Boel méconnaissent effectivement les réalités du secteur vitivinicole et sont empreintes d'un libéralisme excessif qui ignore la nécessité d'une organisation des marchés ;

- la viticulture est un secteur important pour l'économie et l'emploi : un hectare de vigne correspond à un emploi direct ou indirect ;

- les importations européennes de vin en provenance des pays dits du « Nouveau monde » ont plus que doublé depuis une dizaine d'années et représentent aujourd'hui plus de 12 millions d'hectolitres par an, équilibrant presque les exportations - 13 millions d'hectolitres. Il est donc essentiel que les Etats membres producteurs, et en particulier la France, aient les moyens de développer leurs exportations sur les marchés porteurs, aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'Union européenne.

Notant que l'avenir de la viticulture européenne ne doit pas être arbitré par les pays d'Europe du Nord, M. Gérard César, rapporteur, a jugé indispensable que la France adopte une position susceptible de fédérer les pays producteurs. Estimant que le Sénat doit contribuer à définir cette position, il a souhaité qu'un accord se manifeste au sein de la commission sur un certain nombre de propositions. En conclusion, il a fait part à la commission de son intention, si les dernières propositions de la Commission européenne demeuraient en décalage avec les préoccupations de la France et de nombre d'autres pays producteurs, de déposer une proposition de résolution européenne reprenant les conclusions de son rapport.

La commission a ensuite adopté à l'unanimité les conclusions et les propositions de son rapporteur et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information.

Organismes extraparlementaires - Commission de concertation des risques miniers - Nomination de candidats

Au cours de la même réunion, M. Philippe Leroy et Mme Evelyne Didier ont été proposés à la nomination du Sénat comme membres titulaires de la commission de concertation des risques miniers.