Mercredi 17 octobre 2007

- Présidence de M. Jacques Valade, président. -

Sport - Lutte contre le dopage - Audition de M. Pierre Bordry, président de l'Agence française de lutte contre le dopage, accompagné de M. Jean-Pierre Verdy, directeur du département des contrôles, et de M. Michel Rieu, conseiller scientifique

Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission a procédé à l'audition de M. Pierre Bordry, président de l'Agence française de lutte contre le dopage, accompagné de M. Jean-Pierre Verdy, directeur du département des contrôles, et de M. Michel Rieu, conseiller scientifique.

M. Pierre Bordry, remettant le premier rapport d'activité de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) au président de la commission, a tout d'abord rappelé que l'AFLD était une jeune autorité publique indépendante dotée de la personnalité morale, créée par la loi n° 2006-405 du 5 avril 2006 relative à la lutte contre le dopage et à la protection de la santé des sportifs, et dont l'activité a démarré en octobre de la même année. Il a également souligné l'étendue des compétences attribuées à l'AFLD par cette même loi, puisque cette dernière lui confie le soin d'élaborer et de mettre en oeuvre la politique de lutte antidopage au niveau national, de planifier et de réaliser les contrôles, de procéder aux analyses des échantillons recueillis et, le cas échéant, d'exercer le pouvoir de sanction disciplinaire à l'égard des sportifs convaincus de dopage, en régulant éventuellement les décisions prises par les fédérations.

Il a mis en avant la profondeur des changements ainsi opérés, dès lors que jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi n° 2006-405 du 5 avril 2006 précitée, la définition de la politique de contrôle relevait du ministère chargé des sports, qui exerçait de plus un pouvoir de tutelle à l'égard du Laboratoire national de dépistage du dopage (LNDD), alors que le Conseil de prévention et de lutte contre le dopage (CPLD), auquel l'AFLD s'est depuis substituée, n'était compétent qu'en matière de sanction.

En ce qui concerne les compétitions se déroulant sur le territoire français, mais organisées ou autorisées par une fédération sportive internationale, il a indiqué qu'il revenait à cette dernière de décider de mettre en place les contrôles en vertu des règlements internationaux applicables, l'AFLD pouvant alors intervenir comme prestataire de services pour le compte de celle-ci.

M. Pierre Bordry a ensuite tenu à souligner que la mise en place de l'AFLD a été facilitée par le climat de coopération et de bonne entente qui a présidé aux relations de l'agence avec l'ensemble de ses interlocuteurs naturels. Il a toutefois précisé qu'une courte période d'adaptation avait été nécessaire aux directions régionales de la jeunesse et des sports pour prendre la pleine mesure du nouveau cadre fixé par la loi n° 2006-405 du 5 avril 2006 précitée.

Il a également tiré un bilan très positif des rapports entretenus par les fédérations sportives nationales avec l'AFLD, et a en particulier mis l'accent sur l'existence d'un correspondant de l'agence au sein de chacune d'entre elles. Il a rappelé l'importance de tels contacts, la bonne transmission par chaque fédération du calendrier d'entraînement des athlètes permettant au directeur du département des contrôles au sein de l'AFLD d'organiser au mieux les contrôles inopinés. Il a fait part de l'importance qu'il attachait à l'entretien d'une relation de confiance mutuelle avec les fédérations sportives, qui constitue à ses yeux le meilleur gage d'un encadrement, fondé sur des sanctions administratives efficaces des pratiques dans le monde du sport, sans doute préférable dans son principe à une régulation judiciaire qui porte quelquefois préjudice à l'image publique des disciplines.

Il a ensuite signalé qu'il ne pouvait évoquer le déroulement et les résultats des contrôles effectués durant la Coupe du monde de rugby en raison des accords de confidentialité liant l'AFLD à la fédération internationale concernée, l'International Rugby Board (IRB).

M. Pierre Bordry a rappelé à cette occasion la qualité des relations entretenues par l'AFLD avec l'ensemble des fédérations internationales, tout en indiquant que certaines divergences pouvaient quelquefois voir le jour quant aux modalités de mise en oeuvre des contrôles et des analyses des échantillons. Il a ainsi déclaré que l'AFLD n'était pas intervenue à l'occasion des derniers Internationaux de France de Tennis, la Fédération internationale de tennis (FIT) ayant préféré recourir aux services de préleveurs non assermentés et d'un laboratoire canadien, dont les prestations seraient moins coûteuses.

S'agissant du cyclisme, il a souligné que la coopération entre l'Union cycliste internationale (UCI), Amaury Sport Organisation (ASO) et l'AFLD avait été remarquable tout au long du dernier Tour de France. Il a ainsi noté que l'UCI, dont relevait l'organisation des contrôles, avait été extrêmement attentive aux propositions de l'AFLD à ce sujet et que ce dialogue avait permis à la lutte contre le dopage d'enregistrer les progrès significatifs dont les médias ont largement rendu compte.

Mettant ensuite l'accent sur l'organisation des contrôles, il a précisé qu'elle relevait de la compétence du directeur du département des contrôles, le collège de l'AFLD fixant quant à lui les grandes orientations. Il a fait observer qu'une telle indépendance garantissait l'efficacité de la mise en oeuvre de la politique de lutte anti-dopage.

M. Pierre Bordry a illustré ses propos en évoquant le cas de M. Floyd Landis, vainqueur du Tour de France de cyclisme en 2006 et contrôlé positif à la testostérone à l'issue d'une des étapes. Il a relevé que de tels événements et les procédures qui s'ensuivaient mettaient en évidence l'intérêt de pouvoir s'appuyer sur des préleveurs d'un très grand professionnalisme. Il a également indiqué que l'AFLD était saisie des agissements de M. Floyd Landis en vertu des textes applicables à l'époque des faits, qui prévoyaient la compétence du CPLD pour toutes les manifestations sportives organisées sur le territoire français, y compris celles relevant des fédérations internationales.

Après avoir évoqué ces événements, il s'est félicité de l'étroite collaboration qui s'est établie à cette occasion entre l'agence américaine de lutte contre le dopage, l'United States Anti-Doping Agency (USADA), et l'AFLD. Il a notamment rappelé que les deux agences avaient oeuvré de concert pour comprendre pourquoi un seul des contrôles-tests auxquels M. Floyd Landis avait été soumis durant le Tour de France 2006 s'était révélé positif, ce qui s'était traduit par un réexamen, sur la demande de l'USADA et après accord mûrement réfléchi de l'AFLD, des échantillons B correspondant aux échantillons A négatifs prélevés. M. Pierre Bordry a noté que ces analyses complémentaires avaient été réalisées dans son département des analyses, l'un des rares au monde à pratiquer les analyses isotopiques, et qu'elles avaient permis de mettre en évidence des traces de testostérone exogène dans les prélèvements. Il a signalé que grâce à ces résultats, l'USADA avait eu les moyens de démontrer qu'un sportif pouvait, s'il maîtrisait le protocole de dopage, utiliser de la testostérone de manière régulière sans franchir pour autant les seuils de détection.

Il a indiqué qu'il voyait dans cette coopération, exemplaire à ses yeux, un témoignage de l'efficacité croissante de la lutte internationale contre le dopage. Il a souligné toutefois qu'il était sans doute nécessaire d'aller plus loin, en examinant l'opportunité pour les instances disciplinaires françaises d'interdire, si nécessaire, à un athlète contrôlé positif et sanctionné par sa fédération internationale, de participer à des compétitions en France non seulement dans sa discipline, mais aussi dans des disciplines proches, à l'instar du triathlon pour un cycliste.

M. Pierre Bordry a présenté, ensuite, les réflexions que lui inspirait le projet de budget pour 2008 présenté par le Gouvernement, s'agissant de la lutte contre le dopage. A titre préliminaire, il a insisté sur le caractère partiel des informations dont il disposait, celles-ci étant uniquement issues de la conférence de presse donnée par Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.

Traçant tout d'abord les grandes lignes du budget de l'AFLD, il a rappelé que celui-ci reposait pour une large part sur une subvention versée par l'Etat, qui s'élevait pour 2007 à 7,18 millions d'euros. Il a ensuite estimé que le montant de ce concours, calculé à partir des sommes consacrées aux activités comparables qu'exerçaient auparavant le CPLD, le LNDD et le ministère chargé des sports ne permettrait pas à l'AFLD de faire face dans de bonnes conditions à l'ensemble de ses missions.

Il a, en premier lieu, évoqué la charge de la délivrance des autorisations d'usage thérapeutique (AUT), de plus en plus nombreuses. Il a ainsi évalué à 800 le nombre de demandes d'AUT déposées entre mai et septembre, avec une forte croissance depuis la rentrée.

A ce sujet, il a rappelé l'existence de deux types d'AUT, les premières, dites « abrégées », étant réputées acquises dès que l'AFLD a reçu la demande complète, les secondes, dites « standard », supposant une décision expresse de l'agence, prise sur avis conforme d'un comité d'au moins trois médecins. Il a indiqué à cet égard que l'Agence mondiale antidopage s'orientait vers une suppression de la procédure des AUT « abrégées », ce qui permettrait de bénéficier d'un regard médical sur chaque demande.

M. Pierre Bordry a également fait part de la nécessité de prévoir des investissements matériels et humains substantiels pour étendre les capacités d'analyses isotopiques utilisées notamment dans le cas de M. Floyd Landis, qui avaient à cette occasion démontré toute leur efficacité. Il a ensuite fait part des difficultés rencontrées par l'AFLD pour mener à bien sa mission de localisation des sportifs de haut niveau, celle-ci supposant des moyens humains substantiels pour gérer les informations concernées et surtout leur mise à jour. Il a néanmoins informé les membres de la commission de la décision de l'AFLD de mettre en oeuvre cette mission dans le cadre de la préparation olympique des athlètes français, l'Agence partageant avec le Comité national olympique et sportif français et son président, M. Henri Serandour, le souci de préserver l'image du sport français. Il a de plus indiqué qu'il avait saisi le ministère de la santé, de la jeunesse et des sports d'une demande d'informations sur le dispositif de la préparation olympique, sans avoir obtenu de réponse à ce jour.

Il a ensuite présenté les modalités choisies par l'AFLD pour la localisation des athlètes, en faisant en particulier observer que l'Agence avait décidé de recourir au système d'administration et de gestion anti-dopage ADAMS, développé par l'Agence mondiale anti-dopage (AMA) pour l'ensemble des fédérations internationales et des agences nationales intéressées. Il a déclaré que l'AFLD avait obtenu l'accord de la Commission nationale informatique et libertés (CNIL) ainsi que celui de l'AMA, qui a autorisé l'AFLD à user du système ADAMS, à la condition que celle-ci s'engage à accepter à cette occasion le code mondial de la lutte anti-dopage, ce qu'elle a fait, du moins dans les limites de ses propres compétences. Désireux de préciser la position de l'AFLD sur ce point, il a notamment rappelé que le collège de l'agence avait émis un avis favorable sur la révision en cours de ce code, qui permet de véritables avancées, notamment dans le sens d'une plus grande personnalisation des sanctions disciplinaires en matière de dopage. Il a signalé que, sur ce point, l'évolution en cours du code mondial rapproche les normes internationales des positions prises par le Conseil d'Etat et tranche avec la doctrine appliquée jusque-là dans les pays de culture anglo-saxonne.

M. Pierre Bordry a ensuite estimé que la subvention de 7,3 millions d'euros inscrite dans le projet de loi de finances pour 2008 contraindrait l'AFLD à faire des choix difficiles dans l'élaboration de sa politique de contrôle, dès lors que l'augmentation de 120 000 euros du concours de l'État ne permettrait de tenir que les engagements déjà pris, notamment envers les personnels de l'Agence ou liés aux coûts des réactifs du laboratoire. Il a en particulier souligné que le fonctionnement du département des analyses de l'Agence reposait sur des agents particulièrement qualifiés et jugé indispensable que leurs rémunérations soient établies en conséquence.

Il a jugé cela d'autant plus nécessaire que les personnels de ce département des analyses ont souvent fait l'objet d'une très forte pression médiatique, voire de menaces. C'est pourquoi le renforcement de la sécurité est prioritaire, en particulier contre les risques d'intrusion informatique. A titre d'exemple, il a fait état des attaques de ce type dont a été victime le laboratoire l'année dernière, qui ont conduit l'agence à recourir aux services spécialisés du secrétariat général de la défense nationale, afin de renforcer sa protection informatique.

Il a ensuite élargi son propos à la question du dialogue social au sein de l'AFLD, soulignant notamment qu'une commission paritaire y avait été créée et qu'elle permettait des échanges réguliers avec les représentants des personnels.

Souhaitant conclure son intervention par l'évocation des activités de l'AFLD en matière de recherche, M. Pierre Bordry a signalé l'existence auprès de l'agence d'un conseil scientifique, qui existait d'ailleurs antérieurement auprès du Laboratoire national de dépistage du dopage et qu'il importait de conserver pour être crédible vis-à-vis de l'AMA. Il a également observé que si l'AFLD n'avait pas vocation à disposer de structures de recherche qui lui soient propres, en dehors de son département des analyses, elle soutenait financièrement les travaux qui lui paraissaient susceptibles de faire progresser la lutte contre le dopage. Il a insisté sur l'intérêt de ces projets, auxquels s'associent souvent des fédérations sportives. Il a notamment cité à l'appui de son propos l'intérêt manifesté par la Ligue de football professionnel (LFP) pour des travaux scientifiques portant sur la mort subite des sportifs, engagés par le CPLD et poursuivis par l'agence. Il a également souhaité mentionner les nombreux partenariats établis entre l'AFLD et les grands organismes de recherche français et rappelé que l'AMA avait décidé de financer intégralement l'un des projets soutenus par l'Agence.

Il a enfin mis en avant la convergence existant entre la lutte contre le dopage et la recherche médicale et a fait état de l'intention de l'AFLD d'utiliser les demandes d'AUT pour recenser les pathologies dont souffrent les athlètes et analyser les pratiques thérapeutiques en matière de médecine du sport. Il a ainsi déploré un recours massif aux infiltrations de corticoïdes et exprimé son inquiétude devant les traitements prescrits à des jeunes sportifs mineurs souvent épuisés par un entraînement intensif. Il s'est toutefois réjoui de l'attention croissante accordée à ces questions au niveau international, tout en regrettant que le ministère de la santé, de la jeunesse et des sports n'ait pas jusqu'ici jugé utile de renforcer les délégations françaises qui participent aux réunions sur ces sujets, alors même que les questions de médecine du sport relèvent pleinement de sa compétence.

Un large débat a suivi l'intervention de l'orateur.

Après avoir remercié M. Pierre Bordry de la qualité, de la densité et de la précision de son propos, M. Jacques Valade, président, a réaffirmé l'intérêt que revêt à ses yeux la recherche en matière de dopage et plus largement de médecine du sport. Il a estimé que le soutien apporté par l'AFLD à des projets scientifiques se justifiait pleinement et qu'il n'était dès lors pas utile de créer un organe supplémentaire chargé de la recherche. A ce sujet, il a mis l'accent sur la nécessité d'une bonne coordination entre tous les acteurs de la lutte contre le dopage, rappelant l'objectif de moralisation du sport qu'elle poursuit.

M. Bernard Murat a souhaité interroger l'orateur au sujet du retrait par M. Jean-François Lamour de sa candidature à la présidence de l'AMA. Il a indiqué qu'elle témoignait peut-être de l'existence d'un clivage au sein de l'agence entre les représentants des pays anglo-saxons et ceux des pays latins, dont les pratiques en matière de lutte contre le dopage divergent parfois.

Il a observé que la présence d'un grand nombre de joueurs de l'hémisphère sud dans le Top 14, avec des habitudes peut-être différentes de celles de nos joueurs, risquait de contribuer au développement du dopage dans le rugby français.

Il a également insisté sur la « dynamique » du dopage, qui progresse d'autant plus dans une discipline que la médiatisation s'accroît et que la concurrence entre athlètes, et notamment entre les plus jeunes, se fait plus vive. Il a observé que les agences de lutte contre le dopage n'étaient pas les seules à miser sur les progrès de la recherche, mais que les équipes de soigneurs accompagnant les sportifs dopés faisaient de même. Il s'est inquiété, à cet égard, des pratiques se développant dans le rugby.

M. Alain Dufaut a tout d'abord regretté le retrait de la candidature de M. Jean-François Lamour, estimant que son élection à la tête de l'AMA aurait eu des effets très positifs.

Il a ensuite signalé l'intérêt du recours aux prélèvements sanguins et souligné leur importance dans le cadre de la lutte anti-dopage. Il a également rappelé que les contrôles hors compétition étaient quatre fois plus rares que les prélèvements effectués durant les compétitions et a formé le voeu de voir la localisation se développer, avant de s'interroger sur la portée du renforcement de l'examen des AUT, compte tenu des moyens dont disposera l'AFLD en 2008. A ce sujet, il a indiqué que la commission était soucieuse de garantir à l'agence un budget suffisant pour lui permettre d'exercer ses missions dans de bonnes conditions.

M. Jean-Marc Todeschini, après avoir exprimé son étonnement devant l'apparente concentration des cas de dopage dans quelques disciplines bien déterminées, comme le cyclisme ou l'athlétisme, a souhaité que l'orateur puisse apporter des précisions aux membres de la commission sur la prégnance du dopage dans d'autres sports.

Il a également formulé ses doutes quant au caractère réellement dissuasif des sanctions sportives actuelles et a évoqué la possibilité de les assortir d'importantes pénalités financières. A l'appui de son propos, il a relevé le fait qu'un athlète convaincu de dopage était certes déchu de ses titres, mais que pour l'heure il ne pouvait être privé des bénéfices financiers qu'il avait retirés de ses performances douteuses.

En réponse aux différents intervenants, M. Pierre Bordry a tout d'abord indiqué qu'il ne disposait d'aucune information particulière au sujet du retrait de la candidature de M. Jean-François Lamour à la présidence de l'AMA. Il a observé que les divergences de vue au sein des instances mondiales de lutte contre le dopage étaient de moins en moins nombreuses, et que cette plus grande unité commençait à porter ses fruits.

Il a ensuite rendu hommage au travail exemplaire de la Fédération française de rugby (FFR) et de son président, M. Bernard Lapasset. Il a rappelé que la collaboration entre la FFR et l'AFLD avait permis de mettre en place une campagne de contrôle extrêmement élaborée qui a débouché sur des sanctions rapides et proportionnées.

Il a également reconnu la difficulté posée par le détournement des progrès de la recherche par l'entourage des sportifs dopés. Il a cependant confirmé que la lutte contre le dopage avançait elle aussi à un rythme significatif, avant de mettre l'accent sur la possibilité de conserver des échantillons afin de les soumettre à des tests, une fois ceux-ci mis au point.

Il a exprimé le souhait de voir la réglementation progresser aussi vite que les procédés de détection et les stratégies de dopages. S'appuyant sur l'exemple de l'érythropoïetine, dite « EPO », il a regretté qu'un sportif contrôlé positif à l'EPO biosimilaire ne puisse pas aujourd'hui être sanctionné, alors qu'il le serait s'il avait eu recours à de l'EPO exogène classique, et a précisé aux membres de la commission qu'il avait eu connaissance d'une dizaine de cas de ce type. Il a en revanche ajouté que, si les moyens financiers nécessaires lui étaient accordés, l'agence mettrait en place des tests pour détecter l'hormone de croissance dans le sang, ce qui devrait en principe être possible au début 2008. Il a ajouté que certaines fédérations internationales avaient déjà pratiqué des prélèvements, dans cette perspective, pour des événements sportifs majeurs, ces échantillons demeurant dans l'attente stockés au département des analyses.

M. Jean-Pierre Verdy, directeur du département des contrôles de l'Agence française de lutte contre le dopage, a ensuite insisté sur l'intérêt des prélèvements d'urine, qui permettent aujourd'hui de détecter un plus large spectre de produits dopants que les tests réalisés sur des échantillons de sang.

S'agissant des AUT, M. Pierre Bordry a observé que l'AFLD faisait preuve d'une grande rigueur, un tiers des demandes relevant de la procédure « standard » ayant été refusées.

Quant à l'impression de concentration du dopage dans certaines disciplines, il a considéré qu'elle tenait largement à la focalisation des médias sur certains sports et sur certains athlètes. Il a signalé que, par exemple au deuxième trimestre 2007, 3,2 % des contrôles révélaient une infraction, avant de préciser que des cas de dopage étaient relevés dans de nombreuses disciplines, citant par exemple les 9 contrôles positifs sur les 290 que l'AFLD a organisés dans le milieu du volley-ball. A ce sujet, il a mis en exergue le problème de la consommation de cannabis, apparemment assez fréquente parmi les pratiquants de sports collectifs.

Il a également rappelé que l'efficacité des contrôles dépendait largement de leurs modalités d'organisation. Il a illustré son propos en se référant aux nets progrès de la lutte contre le dopage au cours du dernier Tour de France cycliste, dus pour une large part à la stratégie adoptée, qui consistait notamment à contrôler chaque jour un nombre variable de coureurs, ce qui empêchait les sportifs et leurs équipes médicales de prévoir les tests et éventuellement de s'y adapter. Il s'est félicité de l'efficacité de cette politique de contrôle, étendue également l'année dernière aux rencontres de Ligue 1 de football ou du Top 14 de rugby.

M. Pierre Bordry a enfin fait état de l'élargissement de la compétence de l'AFLD au dopage animal, regrettant cependant que les décrets d'application de la loi n° 2006-405 du 5 avril 2006 précitée aient tardé à être publiés. Il a mis l'accent sur les difficultés qui accompagnaient l'exercice de cette nouvelle mission, compte tenu non seulement des nouvelles capacités d'expertise qu'elle requiert, mais encore de l'insuffisance apparente de culture de la lutte anti-dopage dans le monde de l'équitation, contrairement sans doute au cas des courses hippiques.

M. Michel Rieu, conseiller scientifique de l'Agence française de lutte contre le dopage, est ensuite intervenu afin de faire part aux membres de la commission des difficultés rencontrées par les instances de dopage dans la détection des transfusions sanguines autologues, dites « autotransfusions », alors que les transfusions homologues entre donneurs différents, mais compatibles, étaient parfaitement détectables. Il a également indiqué que des études étaient en cours afin de surmonter ces obstacles. Il a de plus souligné que les sportifs et leur entourage maîtrisaient désormais par exemple très bien les protocoles d'utilisation de l'EPO au regard de sa vitesse d'élimination dans les urines, rendant d'autant plus difficile sa détection.

M. Jean-Pierre Verdy, directeur du département des contrôles de l'Agence française de lutte contre le dopage, a témoigné pour sa part de l'efficacité des contrôles ciblés, qui ont permis notamment de déceler des cas d'utilisation d'EPO, jusqu'ici rarement détectés, puisqu'impossibles à repérer plus de 72 heures après l'injection.

Il a jugé nécessaire de poursuivre dans cette voie et a souligné à ce propos l'intérêt des contrôles inopinés, en compétition comme à l'entraînement, indiquant qu'il avait choisi de modifier régulièrement le nombre de sportifs contrôlés dans les compétitions, ce qui garantissait à son sens de plus grandes performances dans la lutte contre le dopage, ainsi qu'une meilleure utilisation de l'argent public qui lui est consacré.

Audition de M. Nicolas de Tavernost, président du directoire de Métropole Télévision M6

Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition de M. Nicolas de Tavernost, président du directoire de Métropole Télévision M6.

M. Jacques Valade, président, a indiqué que cette audition était destinée à informer la commission sur la situation de M6 et à faire le point sur l'avenir d'un secteur qui pourrait être à nouveau reformé dans les mois à venir.

Se félicitant de l'invitation de la commission, M. Nicolas de Tavernost a souhaité détailler l'évolution rapide du paysage audiovisuel français et tracer les perspectives d'un secteur caractérisé par une concurrence de plus en plus intense.

Il a d'abord souligné que la concurrence était liée à la multiplication des modes de diffusion et des chaînes proposées aux téléspectateurs. Ce phénomène est d'autant plus pénalisant que la consommation télévisuelle est, sauf exception, liée à la diffusion d'un événement sportif majeur, insensible à l'offre : un téléspectateur moyen passe, en effet, le même temps devant son écran, quel que soit le nombre de chaînes télévisées dont il dispose.

Il a ensuite rappelé que des concurrents extérieurs au secteur audiovisuel réduisaient également le temps passé par le téléspectateur devant son écran. La France étant le pays du monde le mieux équipé en haut débit, l'internet en fait partie.

Il a précisé que ces évolutions n'étaient pas spécifiques à la France, mais qu'elles étaient néanmoins significatives dans un contexte tout à fait particulier, marqué par un marché publicitaire morose et une augmentation des coûts de production.

S'agissant du marché publicitaire, il a noté que les recettes publicitaires des chaînes de télévision françaises devaient progresser de seulement 0,5% en 2007, malgré l'autorisation donnée au secteur de la grande distribution de recourir à la publicité télévisée.

Après avoir fait remarquer que, contrairement à ce que certains laissaient entendre, les chaînes finançaient la production audiovisuelle et non l'inverse, il a relevé deux facteurs conduisant à l'augmentation du coût des programmes : la multiplication des canaux de diffusion qui a renforcé la concurrence en matière d'acquisition de droits et la multiplication des mesures sociales.

A ces différents éléments susceptibles de déséquilibrer l'économie du secteur, il a ajouté l'ambigüité de la politique suivie par les chaînes du service public. Il a notamment fait part de son incompréhension quant à la décision de France Télévisions de surenchérir sur l'offre d'une chaîne commerciale pour l'obtention des droits de diffusion d'une émission consacrée aux résumés des rencontres du championnat français de football professionnel au moment même où le groupe public réclamait une augmentation de ses ressources.

Devant ces évolutions, il a proposé quelques pistes de réflexion « iconoclastes » destinées à renforcer la compétitivité des groupes audiovisuels français sur la scène européenne.

Observant que les groupes audiovisuels français ne parvenaient à exporter ni leur savoir faire ni leurs programmes, il a souhaité la remise en cause de la réglementation relative à la séparation de la production et de la diffusion audiovisuelle. A cet égard, il a précisé que les Etats-Unis étaient revenus sur l'interdiction d'intégration verticale des groupes audiovisuels depuis 1994 et que les chaînes britanniques, allemandes et espagnoles disposaient toutes d'importantes sociétés de production.

Il a précisé que l'intégration des sociétés de production aux chaînes ne remettait pas en cause l'indépendance des auteurs et permettait, au contraire, de lutter contre l'atomisation des sociétés de production françaises à l'échelle européenne.

Après avoir indiqué que les groupes audiovisuels étaient les plus à même de commander, de distribuer et d'exporter leurs programmes, il a insisté sur la nécessité de rendre à ceux-ci l'ensemble des droits relatifs aux programmes qu'ils sont amenés à produire.

Il a par ailleurs regretté que les pouvoirs publics se soient préoccupés de la nature des programmes devant être diffusés et produits par les chaînes.

Citant le caractère contre-productif de la réglementation relative à la diffusion des longs métrages, il a reconnu le bien-fondé des obligations de production et de diffusion, mais s'est prononcé contre la définition législative des programmes concernés.

Il a ainsi souligné que l'interdiction de programmer des longs métrages certains jours de la semaine et de pratiquer deux coupures publicitaires lors de leur diffusion avait une double conséquence :

- des audiences réduites pour chacun des films diffusés au même moment entraînant une diminution du nombre de films programmés chaque année ;

- la tentation de programmer deux épisodes de 52 minutes permettant d'accroître le nombre de coupures publicitaires.

Il a conclu que la réglementation avait ainsi facilité la diffusion des séries américaines sur les antennes des principales chaînes hertziennes françaises.

Dans le même sens, il a regretté l'attribution de la ressource hertzienne pour la diffusion des chaînes de la télévision numérique terrestre chaîne par chaîne et non multiplexe par multiplexe. La France est ainsi un des seuls pays où il appartient au régulateur de fixer une fois pour toutes le contenu des chaînes diffusées sur le spectre hertzien. Ce cadre réglementaire rigide fait que M6 n'est toujours pas autorisée à faire diminuer la part de programmes musicaux qu'elle est obligée de diffuser, en dépit de la multiplication de l'offre de chaînes musicales sur la TNT.

Il a fait observer que ces choix réglementaires étaient d'autant plus regrettables que la France dispose de quelques atouts non négligeables en matière audiovisuelle : des talents reconnus à l'échelle européenne et des chaînes prêtes à investir massivement dans le développement des nouvelles technologies de diffusion, telles que la télévision mobile personnelle ou la haute définition.

Dans ces conditions, il a annoncé un appauvrissement du secteur si des mesures n'étaient pas prises rapidement non pas pour alléger la réglementation, mais pour l'adapter à la nouvelle donne du marché audiovisuel français.

Un débat s'est ensuite engagé.

M. Jacques Valade, président, a souhaité connaître l'évolution de l'audience des chaînes de la télévision numérique terrestre en général et de W9, la chaîne éditée par le groupe M6 sur ce support, en particulier. Après s'être interrogé sur les projets de M6 en matière de diffusion en haute définition et de télévision mobile personnelle, il s'est déclaré convaincu par l'argumentation de M. Nicolas de Tavernost concernant la nécessaire modification des décrets « Tasca ».

M. Jacques Valade, président, a enfin demandé au président du directoire de M6 d'énumérer les principales dispositions qu'une loi réformant la législation audiovisuelle devrait contenir.

M. Jack Ralite a indiqué que la disposition législative relative aux sous-quotas audiovisuels avait fait l'objet de débats intenses et contradictoires. Le Parlement ayant tranché, il a estimé que cette disposition devait désormais être appliquée. Il a ajouté qu'il serait préférable que le décret d'application de cette mesure concerne également les chaînes diffusées sur la télévision numérique terrestre afin que cette disposition ne disparaisse pas au moment de l'extinction de la diffusion analogique.

Après avoir regretté que les contenus artistiques soient systématiquement agressés et que les programmes télévisés s'uniformisent pour plaire au plus grand nombre, il a souhaité que la commission organise une audition contradictoire des principaux dirigeants de l'audiovisuel public et privé.

M. Jacques Valade, président, a précisé que la commission organiserait une table ronde dès le début de l'année 2008, après la présentation publique des conclusions de la mission confiée par la ministre de la culture à MM. David Kessler et Dominique Richard sur les relations entre les producteurs et les diffuseurs.

M. Jean-Marc Todeschini a souhaité connaître les ambitions de M6 en matière de télévision mobile personnelle.

M. Louis Duvernois a insisté sur les difficultés rencontrées par les chaînes françaises pour exporter leurs programmes. Il a déclaré que cette situation était paradoxale, compte tenu du nombre important de services télévisés tournés vers le marché international dont dispose ou auxquels participe notre pays.

M. Serge Lagauche a souhaité avoir des précisions concernant les atouts de l'audiovisuel français à l'échelle européenne et internationale.

En réponse aux différents intervenants, M. Nicolas de Tavernost a apporté les précisions suivantes :

- dans les pays où la télévision numérique a été lancée, elle a capté aux alentours de 50 % de l'audience totale. Cette tendance devrait se confirmer en France si les chaînes diffusées sur ce support sont en mesure de s'adapter à leur environnement concurrentiel. L'offre de télévision numérique terrestre payante complète le bouquet de chaînes de Canal+ et reste, pour le moment, marginale. Pour l'heure, les chaînes analogiques conservent les trois quarts de l'audience totale et les chaînes de la télévision numérique terrestre enregistrent un quart de celle-ci. Avec 3,6 % de part d'audience, W9 est leader des nouveaux entrants sur la TNT et se place en cinquième position, toutes chaînes TNT confondues ;

- la haute définition est une évolution technologique naturelle qui doit bénéficier gratuitement à l'ensemble de la population française et doit donc se développer sur le réseau hertzien. Si M6 diffuse déjà ponctuellement certains programmes en haute définition sur le câble et le satellite, elle est néanmoins candidate, comme TF1, Canal+ et AB, à l'attribution d'un des deux autres canaux hertziens disponibles afin de diffuser dans ce format les rencontres de l'Euro 2008 de football. Il convient de rappeler que l'Etat a préempté un canal pour la diffusion de France 2 dans ce format ;

- une éventuelle réforme du cadre juridique applicable à l'audiovisuel devrait comporter un certain nombre de mesures techniques aisées à mettre en oeuvre comme le passage au système dit de « l'heure d'horloge » pour le décompte des obligations publicitaires, l'autorisation de la promotion croisée pour les différentes chaînes d'un même groupe privé ou l'application souple de la disposition législative relative aux sous-quotas afin d'éviter l'uniformisation des grilles de programmes. Cette réforme devrait aussi comporter des décisions plus fondamentales, comme la remise en cause de la proportion de productions dites « indépendantes » dans les obligations des chaînes ou la possibilité donnée aux services de télévision de contrôler les droits de diffusion des oeuvres qu'ils produisent. Parallèlement, il conviendrait que les chaînes publiques offrent aux téléspectateurs une véritable alternative aux programmes proposés par les services commerciaux. A cet égard, on peut s'interroger sur la valeur ajoutée d'une chaîne comme France 4, qui diffuse sur la télévision numérique terrestre un nombre important d'anciennes séries américaines ;

- la modification de certaines dispositions réglementaires est aujourd'hui réclamée par ceux qu'elles étaient censées protéger : les représentants du secteur de l'exploitation cinématographique demandent ainsi l'abolition des dispositions interdisant la diffusion des longs métrages à la télévision certains jours et à certains horaires et l'Union syndicale de la production audiovisuelle (USPA) réclame l'assouplissement des dispositions interdisant une deuxième coupure publicitaire des films ;

- les diffuseurs privés ne contestent pas le principe des obligations de réinvestissement d'une partie de leur chiffre d'affaires dans la production d'oeuvres européennes et françaises en contrepartie de l'utilisation gratuite de la ressource publique. Ils s'opposent en revanche au fait que le législateur définisse unilatéralement le type de programmes devant bénéficier de ces sommes ;

- M6 sera candidate à l'appel d'offres lancé par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) en matière de télévision mobile personnelle afin de garantir la continuité du service à ses téléspectateurs. Il s'agit d'un complément indispensable à la diffusion de salon dont le coût est estimé à 8 millions d'euros par chaîne et par an. Si le modèle économique de ce nouveau support doit encore faire l'objet de négociations avec les opérateurs de télécommunications, celui-ci devrait néanmoins comporter un coût d'accès technique supporté directement par l'abonné ;

- certains programmes français sont exportés, mais les contraintes réglementaires internes en limitent le nombre à l'échelle européenne. Ainsi des producteurs de contenus comme Lagardère souffrent de ne pas disposer de chaînes pour la diffusion de leurs programmes, alors que les chaînes ne peuvent tirer pleinement profit de leurs sociétés de production intégrées et s'imposer sur le marché international. M6 a ainsi dû renoncer à acheter la société de production française Marathon, désormais passée sous capitaux italiens ;

- compte tenu de la réglementation en vigueur, les chaînes de télévision françaises ne sont pas en mesure d'aller capter de nouvelles ressources publicitaires. L'augmentation des recettes publicitaires permettrait pourtant d'enclencher un cercle vertueux en garantissant la croissance du chiffre d'affaires et par conséquent la progression des investissements dans les programmes au titre des obligations de production ;

- l'excès de chaînes dans un pays peut entraîner une surenchère inquiétante au niveau du contenu des programmes, chaque chaîne souhaitant se différencier par tous les moyens de ses concurrentes. Les caractéristiques du paysage télévisuel hollandais permettent ainsi de comprendre l'apparition des programmes de télé-réalité.