Mardi 23 octobre 2007

- Présidence de M. Nicolas About, président -

Bouclier sanitaire - Audition de MM. Bertrand Fragonard, président du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (Hcaam), et Raoul Briet, président de la commission de périmètre des biens et services remboursables de la Haute Autorité de santé (HAS)

La commission a procédé à l'audition de MM. Bertrand Fragonard, président du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (Hcaam), et Raoul Briet, président de la commission de périmètre des biens et services remboursables de la Haute Autorité de santé (HAS), venus présenter les conclusions de leur rapport sur les modalités de mise en oeuvre d'un bouclier sanitaire, remis aux ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, ainsi qu'au haut commissaire en charge des solidarités actives contre la pauvreté.

M. Bertrand Fragonard, président du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, a souligné que bien que l'analyse de certains aspects du sujet n'ait pas pu être approfondie faute de temps ou en raison de l'absence d'informations, notamment dans le domaine hospitalier, ce rapport permet d'éclairer les enjeux liés à l'instauration d'un bouclier sanitaire et les principales difficultés à surmonter pour sa mise en oeuvre.

Ce mécanisme a pour objectif de garantir aux assurés que leur participation à leurs propres dépenses de soins médicaux sera plafonnée. Au-delà d'un certain seuil, en effet, leurs dépenses de santé seraient intégralement prises en charge par l'assurance maladie ; la protection dont bénéficieraient les personnes malades serait ainsi assurée conformément à ce que signifie l'expression de « bouclier sanitaire ».

Ceci étant, le système d'assurance maladie permet déjà la prise en charge des dépenses de santé les plus onéreuses, comme celles liées aux affections de longue durée ou aux dépenses hospitalières, mais il recèle parfois quelques imperfections : par exemple, un malade hospitalisé sur une longue durée doit régler des forfaits journaliers dont le total cumulé peut atteindre une somme importante.

Il est vrai que cette situation ne concerne qu'une minorité de personnes, celles qui ne sont pas couvertes par un régime d'assurance complémentaire, soit environ 8 % des assurés. Pour les autres, en effet, le « reste à charge » qui n'est pas pris en compte par le régime obligatoire d'assurance maladie est remboursé, en tout ou partie, par les assureurs complémentaires.

L'intérêt du bouclier sanitaire serait donc de limiter le montant des dépenses restant à la charge des assurés. Cet objectif suppose de définir ses modalités d'application, et notamment de décider si le plafond doit être unique ou modulé en fonction des revenus de l'assuré.

Aujourd'hui, la prise en charge des dépenses d'assurance maladie n'est liée à aucune condition de ressources. Faire varier le bouclier sanitaire en fonction des ressources constituerait une mutation profonde du système d'assurance maladie, mais permettrait aussi d'assurer une meilleure couverture des assurés les plus modestes. Une décision aussi importante relève de la compétence du Gouvernement et du Parlement.

M. Bertrand Fragonard a observé que la mise en oeuvre du bouclier sanitaire aura des effets sur l'offre des assureurs complémentaires. Aujourd'hui, les contrats « Santé » proposés par les assureurs sont tarifés en fonction du risque, principalement l'âge, et non en fonction du revenu : les personnes âgées supportent les cotisations les plus élevées. Le législateur a d'ailleurs ébauché, notamment depuis 1991, les contours d'une protection spécifique de ces assurés en prévoyant que leurs cotisations ne doivent pas être plus de trois fois supérieures à celles des plus jeunes.

La mise en oeuvre du bouclier sanitaire va conduire les assureurs à modifier leur politique tarifaire pour tenir compte des nouvelles modalités de prise en charge des assurés par le régime obligatoire d'assurance maladie, ce qui devrait faciliter l'accès des ménages les plus modestes à une couverture santé complémentaire.

M. Raoul Briet, membre de la HAS, a observé que le bouclier sanitaire a vocation à se substituer à tous les dispositifs d'exonération de ticket modérateur existants, et donc au plus important d'entre eux : celui dont bénéficient les patients souffrant d'une affection de longue durée (ALD).

Le système actuel des ALD est conçu dans un double objectif : éviter aux malades de supporter une charge financière excessive, de nature à restreindre l'accès aux soins dont ils ont besoin ; grâce au protocole instauré par la loi du 13 août 2004, assurer l'insertion de ces patients dans le parcours de soins coordonné.

Or, bien qu'ils soient exonérés de ticket modérateur, les patients souffrant d'une ALD supportent un reste à charge très élevé, supérieur à 600 euros par an pour un million d'entre eux. Ce dispositif de protection des assurés ne remplit donc qu'imparfaitement son rôle et justifie qu'on envisage de déterminer le montant de la participation de l'assuré sans prendre en compte le critère médical. Le bouclier sanitaire permet justement d'aborder cette question sous un angle social, à charge pour les autorités sanitaires d'organiser la prise en charge du patient autour du médecin traitant.

Ce dispositif pourrait être mis en oeuvre à compter du 1er janvier 2010, ce qui suppose d'établir des indicateurs de suivi du reste à charge de chaque assuré, de savoir gérer chaque dossier en temps réel pour que la prise en charge intégrale des dépenses de santé s'applique dès le plafond atteint, et d'intégrer dans le système d'information de l'assurance maladie les éléments relatifs aux revenus des assurés.

Dans ce contexte, le bouclier sanitaire est de nature à améliorer la prise en charge des assurés les plus modestes, ce dont il faudra informer clairement les assurés pour qu'ils ne s'inquiètent pas de ces modifications de l'architecture du système d'assurance maladie.

La Belgique et la République fédérale d'Allemagne ont su mettre en oeuvre des dispositifs de ce type sans déclencher l'hostilité des assurés disposant des revenus les plus élevés.

M. Nicolas About, président, a estimé que le dispositif ALD n'assure aux patients ni une prise en charge sanitaire optimale, ni une couverture suffisante de leurs dépenses de santé, notamment pour les assurés à revenus modiques, dénués d'assurance santé complémentaire. Le bouclier sanitaire constitue bien une réponse qui relève plus du domaine social que sanitaire. Ceci étant, la complexité technique du dossier suscite des réserves sur la possibilité de déployer ce bouclier en deux ans.

A son tour, M. Alain Vasselle, rapporteur pour l'assurance maladie, a douté de la capacité des opérateurs à mettre en oeuvre le bouclier sanitaire avant le 1er janvier 2010. Il s'est interrogé sur la manière dont s'articuleraient ce bouclier sanitaire, la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-c) et le dispositif d'aide à l'acquisition d'une complémentaire réservée aux ménages modestes par crédit d'impôt.

M. Jean-Pierre Godefroy a souligné le fait que 9 % des assurés hospitalisés aient à prendre à leur charge des dépenses supérieures à 1 000 euros, d'autant que les malades hospitalisés en longue durée ou en psychiatrie sont soumis à un dispositif complexe de reste à charge comprenant le ticket modérateur de 20 %, le ticket modérateur de 18 euros sur les actes importants et le forfait journaliser de 16 euros. Cette situation rend indispensable le plafonnement de la participation versée par les assurés dans le cadre d'une hospitalisation.

M. François Autain a rappelé son opposition aux mécanismes de franchise qui remettent en cause les principes de la sécurité sociale en rompant le principe de solidarité.

Il a observé que le dispositif du bouclier sanitaire ne prend pas en compte les dépassements d'honoraires pratiqués par les médecins, qu'un récent rapport de l'Igas évalue à deux milliards d'euros. Ces pratiques tarifaires ont un impact important sur les dépenses demeurant à la charge des assurés : celles-ci sont alors évaluées, en moyenne, à 400 euros, contre 260 euros si l'on ne tient pas compte des dépassements. Dès lors, il convient que le bouclier sanitaire tienne compte de ces dépassements ainsi que des sommes restant à la charge des assurés dans le domaine de l'optique et des soins dentaires.

Il s'est étonné de ce que le bouclier sanitaire, dont l'objectif est d'assurer une meilleure protection des assurés les plus modestes, puisse être la cause d'une augmentation des dépenses demeurant à la charge des assurés.

M. Claude Domeizel a voulu connaître les modalités de financement de ce bouclier sanitaire.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle s'est interrogée sur la contribution apportée par le bouclier sanitaire à la maîtrise des dépenses de santé. Elle a voulu connaître l'appréciation que MM. Bertrand Fragonard et Raoul Briet portent sur les propositions de bouclier sanitaire émises par le haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté.

M. Bertrand Fragonard a estimé que le développement des aides permettant aux ménages les plus modestes d'accéder à une assurance complémentaire peut constituer une alternative à la mise en oeuvre du bouclier sanitaire, sans toutefois offrir les mêmes avantages.

Les propositions formulées dans le rapport n'entraînent pas de dépenses supplémentaires pour l'assurance maladie mais redistribuent, selon de nouveaux critères, le montant des dépenses demeurant à la charge des assurés. Elles ne constituent pas non plus une recette miracle pour résorber les déficits.

Enfin, la non-prise en compte des dépassements d'honoraires limite effectivement la protection offerte par le bouclier, sans qu'il soit possible d'y remédier dans l'immédiat. Le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie a estimé le montant annuel de ces dépassements à dix milliards d'euros et a appelé les pouvoirs publics à prendre des mesures pour limiter cette évolution des pratiques tarifaires, et en premier lieu dans les établissements de santé.

Mercredi 24 octobre 2007

- Présidence de M. Nicolas About, président -

PLFSS pour 2008 - Audition de MM. Jean-Louis Deroussen, président du conseil d'administration, et Philippe Georges, directeur de la Caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf)

Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission a tout d'abord procédé à l'audition de MM. Jean-Louis Deroussen, président du conseil d'administration, et Philippe Georges, directeur de la Caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf).

M. Jean-Louis Deroussen, président du conseil d'administration de la Cnaf, a indiqué que la branche famille reviendra à l'équilibre en 2008 grâce à la fin de la montée en charge de la prestation d'accueil du jeune enfant (Paje) et à des recettes dynamiques dues à la baisse du chômage. Ceci étant, les caisses d'allocations familiales ne pourront continuer à assurer un service de qualité que si les demandes qui leur sont adressées n'évoluent pas trop rapidement.

M. André Lardeux, rapporteur pour la branche famille, a rappelé que la Cour des comptes n'a pas certifié les comptes 2006 de la branche famille. Quelles sont les dispositions prises par la Cnaf, notamment en matière d'instauration d'un fichier unique et de lutte contre les fraudes, pour remédier à cette situation ?

Il a également souhaité connaître la position de la Cnaf sur trois nouvelles mesures prévues par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 : la modulation de l'allocation de rentrée scolaire en fonction de l'âge de l'enfant (ARS), l'extension de la prestation de compensation du handicap aux enfants et la proposition de majoration unique des allocations familiales. N'y a-t-il pas de contradiction entre le fait d'instaurer une modulation de l'ARS à onze et seize ans et de ne plus prévoir qu'une majoration unique des allocations familiales à quatorze ans ?

Enfin, il s'est préoccupé de l'évolution du mode de financement de la branche famille.

M. Jean-Louis Deroussen a fait valoir que la Cnaf a entrepris des efforts importants pour mettre en place un numéro d'allocataire unique d'ici la fin de l'année 2007. Il a également considéré que la fraude doit être relativisée, rappelant qu'elle représenterait seulement 35 millions d'euros sur 50 milliards de prestations versées.

En ce qui concerne la modulation de l'allocation de rentrée scolaire en fonction de l'âge de l'enfant, il a estimé ne pas avoir suffisamment d'informations pour porter un jugement, le montant de la modulation devant être fixé par décret.

Enfin, il a affirmé que, si le financement de la branche famille constituera un sujet central de réflexion pour le nouveau conseil d'orientation des politiques familiales, la Cnaf reste attachée au mode de financement actuel fondé sur les cotisations sociales patronales.

M. Philippe Georges, directeur de la Cnaf, a confirmé que la caisse travaille depuis plusieurs mois en collaboration étroite avec la Cour des comptes pour définir les mesures à prendre après l'absence de certification de ses comptes.

M. Alain Vasselle a souhaité connaître l'état financier de la branche, en stock et non en flux. Il s'est également inquiété du transfert éventuel de la dernière tranche de 40% du fonds de solidarité vieillesse (FSV) sur la branche famille, dès lors que celle-ci affichera à nouveau une situation excédentaire.

M. Jean-Louis Deroussen a signalé que la branche famille est structurellement excédentaire en raison de son mode de financement et qu'il peut être effectivement tentant de lui imputer de nouvelles dépenses.

M. Philippe Georges a indiqué que la branche bénéficie d'un stock de 3,6 milliards d'euros de réserves mais que cette réserve est en réalité théorique puisque la trésorerie des caisses nationales est commune.

Mme Bernadette Dupont a constaté que les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) sont souvent sous-dotées en moyens humains et que de nombreuses familles ne perçoivent pas les allocations en temps voulu car les Caf ne reçoivent pas l'ordre de paiement de la part des MDPH. Ne serait-il pas légitime que les personnes handicapées pour lesquelles l'état de santé ne laisse aucun espoir d'amélioration obtiennent automatiquement le renouvellement de leurs allocations sans être obligées de reconstituer régulièrement un dossier de demande ?

M. Paul Blanc a indiqué que la secrétaire d'Etat en charge des personnes handicapées, Valérie Létard, est consciente du problème et fera rapidement des propositions en ce sens.

M. Guy Fischer s'est inquiété de l'insuffisance de la revalorisation des prestations familiales et de la baisse du pouvoir d'achat des familles qui en découle. Il a, par ailleurs, dénoncé une campagne de presse contre les fraudes qui stigmatise les personnes les plus pauvres.

M. Nicolas About, président, a objecté que la fraude porte gravement atteinte au principe de solidarité et d'équité, et qu'il n'est pas concevable de s'opposer à la conduite de campagnes anti-fraude.

M. Jean-Louis Deroussen a rappelé que 15 % des familles les plus démunies dépassent le seuil de pauvreté grâce aux allocations familiales.

Mme Marie-Thérèse Hermange a souhaité savoir comment la Cnaf intègre les recommandations du Haut conseil de la famille.

M. Alain Milon a regretté le brutal ralentissement du financement par les caisses des structures collectives d'accueil des jeunes enfants.

Mme Esther Sittler a demandé que l'on puisse instituer un crédit d'impôt en faveur des ménages à faibles revenus employant une garde à domicile et ne pouvant pas bénéficier du chèque emploi-service. Elle a aussi souhaité que les structures d'accueil collectives élargissent leurs horaires d'ouverture afin de mieux prendre en compte les contraintes professionnelles des parents.

Mme Isabelle Debré a objecté qu'il est à son sens déraisonnable d'élargir à l'excès les horaires d'ouverture des structures d'accueil car la présence prolongée des jeunes enfants en dehors de leur foyer porte atteinte à leur équilibre.

M. Jean-Louis Deroussen a confirmé que les crèches reçoivent beaucoup de demandes d'extension de leurs horaires d'ouverture.

M. Philippe Georges a rappelé que les Caf ont réduit leur contribution au financement de structures collectives en raison du dérapage du coût unitaire des places, qui a conduit à une augmentation de plus de 15 % du budget d'action sociale. Ceci étant, le budget du fonds national d'action sociale continue d'augmenter de 8 % par an.

- Présidence de M. Nicolas About, président, puis de M. Bernard Seillier, vice-président -

PLFSS pour 2008 - Audition de MM. Laurent Degos, président du Collège, et François Romaneix, directeur de la Haute Autorité de santé (HAS)

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition de MM. Laurent Degos, président du Collège, et François Romaneix, directeur de la Haute Autorité de santé (HAS).

M. Laurent Degos, président du Collège de la Haute Autorité de santé, a précisé que la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie a fait de la Haute Autorité de santé (HAS) une structure collégiale et indépendante. Afin de conserver son indépendance et sa rigueur scientifique, celle-ci accorde une grande attention à la transparence de ses travaux. Dans ce contexte, les experts qui interviennent en son sein doivent faire connaître d'éventuels conflits d'intérêts entre les dossiers qui leur sont confiés et leurs activités pour le compte d'autres opérateurs, notamment privés. Un groupe de travail, présidé par un conseiller d'Etat, est chargé d'assurer le respect de ces règles déontologiques.

Cette rigueur méthodologique et la publicité qui accompagne les travaux renforcent la légitimité scientifique et morale des recommandations et avis rendus par la HAS. Son indépendance lui permet également de favoriser les partenariats et le dialogue entre les différents acteurs du monde de la santé, par exemple celui mené sur la délégation de tâches entre professions de santé.

La loi charge la HAS d'évaluer les médicaments, les dispositifs médicaux implantables et les actes médicaux, d'établir des recommandations de bonne pratique et lui confie l'évaluation des pratiques professionnelles, ainsi que la certification des établissements de santé et la diffusion de l'information médicale, toutes missions autrefois exercées par des structures distinctes. La création de la HAS a permis de développer une approche intégrée du fonctionnement du système sanitaire et de la prise en charge des pathologies.

Cela étant, l'optimisation et l'amélioration de la qualité du système de santé supposent de prendre en compte d'autres paramètres que la seule dimension médicale. Pour cette raison, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 propose que la HAS puisse émettre des recommandations et des avis médico-économiques sur les stratégies de soins, de prescription et de prise en charge les plus efficientes. Cette compétence est déjà exercée par des structures comparables en Grande-Bretagne ou en République fédérale d'Allemagne et, en France, les professionnels de santé attendent que cette dimension médico-économique soit prise en compte afin d'évaluer les stratégies de soins dans leur globalité. Au-delà de l'efficacité thérapeutique, la HAS doit pouvoir émettre des recommandations sur les volets économiques, sociétaux ou éthiques de la prise en charge d'une pathologie. Il s'agit, par exemple, d'évaluer un médicament dans son environnement pour analyser non seulement son intérêt thérapeutique, mais aussi son impact sur l'organisation des soins.

M. Laurent Degos a indiqué que, depuis un an, la HAS a mis en place un groupe de réflexion chargé de définir un modèle français d'évaluation médico-économique et d'évaluer le service rendu à la collectivité par les stratégies thérapeutiques disponibles. Ces évaluations ne doivent pas servir une ambition comptable à court terme mais s'inscrire dans un objectif d'optimisation globale, indispensable à la qualité et la pérennité du système d'assurance maladie.

Il a jugé nécessaire de maintenir une distinction claire entre, d'une part, la mesure de l'efficacité clinique qui doit toujours faire l'objet d'une évaluation scientifique, d'autre part, la mesure de l'impact économique des stratégies thérapeutiques disponibles. Concrètement, cela signifie que le rôle et les modalités de travail de la commission de la transparence, qui est chargée d'évaluer le service médical rendu des médicaments, demeureront inchangés.

M. Nicolas About, président, a voulu savoir si la rédaction initiale du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 permet à la HAS de poursuivre ces objectifs ou s'il est nécessaire de procéder à d'autres aménagements législatifs.

M. Laurent Degos a jugé la rédaction proposée par le texte satisfaisante car elle permet à la HAS de développer cette nouvelle approche médico-économique, par exemple en procédant à des études sur l'efficacité des médicaments considérés comme innovants, deux ans après leur première commercialisation.

Par ailleurs, la HAS souhaite disposer de sources de financement simplifiées et mieux adaptées à ses besoins et envisage un statut plus uniforme de ses commissions de la transparence (CT) et d'évaluation des produits et prestations (CEPP), qui relèvent de dispositions législatives et réglementaires spécifiques antérieures à la création de la HAS. Cette situation pose la question de la place et du rôle du collège de la HAS dans le processus de validation des évaluations réalisées par ces commissions.

M. Nicolas About, président, a voulu savoir si, à l'issue de cette refonte administrative, la commission de la transparence continuerait à rendre ses avis sur les médicaments ou si cette compétence serait transférée au collège de la HAS.

M. Laurent Degos a indiqué que la commission de la transparence doit conserver toutes ses prérogatives, mais que le statut administratif des commissions doit être uniformisé afin d'assurer une meilleure intégration des services.

La HAS a renforcé son action en matière d'information sur le médicament. Elle transmet ses avis et recommandations aux professionnels de santé sous forme de fiches de bon usage des produits, suffisamment simples et lisibles pour être intégrées dans les logiciels de prescription médicale. Dans ce domaine, il serait d'ailleurs souhaitable de clarifier la répartition des compétences entre l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) et la HAS sur l'établissement des recommandations de bonne pratique relatives aux produits de santé.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour l'assurance maladie, a souhaité connaître les recommandations de la HAS pour améliorer la prise en charge des patients souffrant d'une affection de longue durée (ALD). Il a par ailleurs indiqué que certains acteurs du système de santé s'inquiètent de l'introduction d'un critère médico-économique dans les recommandations de la HAS et craignent que cette évolution se fasse au détriment de la qualité des soins.

M. Laurent Degos a présenté les trois recommandations émises sur la prise en charge des ALD : la première incite les caisses d'assurance maladie à développer une approche individualisée des dossiers des patients ; la deuxième propose que soient dissociées les prises en charge médicale et sanitaire des assurés car ces deux volets ne doivent pas être confondus : une couverture financière adaptée ne garantit pas la qualité des soins, ainsi que l'a étudié le rapport de MM. Bertrand Fragonard et Raoul Briet sur les modalités de mise en oeuvre d'un bouclier sanitaire ; enfin, la troisième plaide pour une nouvelle définition des pathologies valant ALD car la liste actuelle est inadaptée aux réalités sanitaires. Le principe même d'une liste des pathologies ouvrant droit à une prise en charge intégrale est obsolète ; par ailleurs, le dispositif de prise en charge des ALD ne prévoit pas qu'un patient perde le bénéfice de ce dispositif une fois guéri.

M. François Autain a fait valoir que le dernier rapport de la Cour des comptes consacré à la sécurité sociale indique que les déclarations de conflits d'intérêts que devraient produire les experts de la HAS ne sont ni systématiques, ni actualisées.

Ayant rappelé que la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie accorde des pouvoirs importants à la HAS, il a voulu savoir si son budget est en adéquation avec ses missions, notamment dans le domaine de l'information où elle est confrontée aux actions de communication des entreprises pharmaceutiques.

Il a également voulu savoir si les visiteurs médicaux employés par les entreprises pharmaceutiques ont effectivement pour tâche de distribuer l'information établie par la HAS et s'est interrogé sur le respect de cette obligation et son effet sur les professionnels de santé.

Il a rappelé qu'aucune base de données publique consacrée aux médicaments n'a été développée pour assurer l'information des médecins et pour être mise à disposition des éditeurs de logiciels de prescription.

Il a observé que sur les 131 études post-AMM commandées ces dernières années, seules seize ont été menées à bien, ce qui pose la question de l'utilité et de la pertinence de ce dispositif.

Enfin, M. François Autain a voulu savoir si les propos précédemment tenus par M. Laurent Degos sur l'évolution de la situation administrative de la commission de la transparence doivent être rapprochés de ceux du directeur général de la santé qui, lors d'une audition à l'Assemblée nationale, s'est prononcé en faveur d'une profonde transformation de cette commission.

Après avoir souligné l'exception française en matière de consommation de médicaments, M. Marc Laménie s'est interrogé sur la possibilité de réaliser des économies supplémentaires grâce à la promotion des médicaments génériques.

M. Gilbert Barbier a rappelé que, très souvent, les experts interviennent pour plusieurs organismes scientifiques et il a voulu savoir si les déclarations sont communes ou propres à chaque structure. Il s'est également enquis de l'opinion de M. Laurent Degos sur les programmes d'accompagnement des patients, sur l'automédication et sur la possibilité de commercialiser, en supermarché et non plus seulement en pharmacie, les produits en vente libre.

M. Jean-Claude Etienne a voulu savoir si la clarification des compétences entre l'Afssaps et la HAS requiert une modification législative. Il s'est interrogé sur l'effet des recommandations de la HAS sur la prise en charge des patients par les médecins traitants.

M. Alain Milon a rappelé que la prise en charge des patients souffrant d'une ALD pèse lourdement sur les comptes de l'assurance maladie. Il s'est interrogé sur l'opportunité de redéfinir une prise en charge globalisée des maladies chroniques.

M. Laurent Degos a indiqué que les conflits d'intérêts déclarés par les experts intervenant pour le compte de la HAS sont régulièrement actualisés et font l'objet d'un contrôle continu. Le président de chaque commission en a connaissance et vérifie, à chaque séance, en fonction de l'ordre du jour, que les experts présents peuvent se prononcer en toute indépendance sur le dossier étudié. En outre, les comptes rendus des réunions des différentes commissions sont publiés. Ces mesures ont nettement amélioré la transparence des travaux de la HAS. En revanche, il n'a pas encore été mis en place de formulaire de déclaration des conflits d'intérêt commun à la HAS et à l'Afssaps.

La HAS ne certifie que le contenant des logiciels d'aide à la prescription et non le contenu de leurs données. Ces logiciels ne seront diffusés que lorsqu'ils pourront s'appuyer sur la base de données « médicaments » constituée par l'Afssaps ou, à tout le moins, sur des bases de données privées utilisant les informations de cette agence.

M. François Autain a estimé que ces logiciels ne seront pas disponibles avant longtemps, dans la mesure où l'Afssaps doit encore rédiger plusieurs milliers de fiches avant que sa base de données soit exhaustive.

M. François Romaneix, directeur de la HAS, a considéré qu'il ne revient pas à la HAS de juger du contenu des bases de données privées. Son rôle est de déterminer des critères de qualité pour leur mise en place. Il conviendra donc de certifier les logiciels d'aide à la prescription mais aussi les bases de données.

M. Laurent Degos a indiqué que le fonctionnement de la commission de la transparence ne sera pas modifié par les dispositions de l'article 29 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 : elle continuera à évaluer les produits selon des critères médicaux. En revanche, la prise en compte, par la HAS, des données économiques et sociétales relatives aux produits devrait renforcer la qualité des évaluations post-AMM.

Il a également estimé que l'automédication, qui rend le patient acteur de sa santé, constitue un changement culturel considérable dans un pays où les patients sont traditionnellement invités à suivre strictement les prescriptions médicales. L'automédication doit donc être favorisée, grâce à des actions d'éducation thérapeutique auprès de la population et à la mise en oeuvre de programmes d'observance.

M. Nicolas About, président, a rappelé que le choix, par le patient, de son traitement, est prévu par la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.

M. Laurent Degos a ensuite fait valoir que des économies peuvent encore être réalisées en réduisant le prix des génériques et des médicaments dénommés « me too ». A titre d'exemple, il a indiqué que les génériques coûtent à peine un cent aux Etats-Unis et que l'Allemagne considère les « me too » au même titre que les génériques pour la fixation de leur prix. A cet égard, le travail effectué par la HAS pour fixer le service médical rendu (SMR) et l'amélioration du service médical rendu (ASMR) des médicaments devrait conduire le comité économique des produits de santé (CEPS) à baisser le prix de certains produits.

En matière de commercialisation du médicament, il a jugé efficient le système français qui répartit les étapes de la procédure entre trois instances - l'Afssaps pour la mise sur le marché, la HAS pour l'évaluation du SMR et de l'ASMR et le CEPS pour la fixation du prix.

Concernant l'éducation thérapeutique des patients, il s'est déclaré en faveur d'une information et de programmes d'observance établis et diffusés par des professionnels indépendants, contrairement à la proposition du forum pharmaceutique européen favorable à la communication directe des laboratoires à destination des patients.

Il a également indiqué que la HAS soutient une évaluation des pratiques professionnelles (EPP) indépendante de l'industrie et détachée de toute influence extérieure.

Il a enfin rappelé que tous les pays développés sont confrontés à une forte augmentation de la part des ALD dans les dépenses de santé. Selon les pays, elles expliquent 90 % à 95 % de l'augmentation des dépenses. La France n'est pas, sur ce point, dans la position la plus critique puisque le taux d'obésité, qui constitue un facteur majeur de déclenchement d'une ALD, y est encore relativement faible.

M. François Autain a souhaité obtenir des réponses plus précises aux questions qu'il a précédemment posées sur les études post-AMM et les visites médicales.

M. Laurent Degos est convenu que le système actuel de lancement et de suivi des études post-AMM mérite d'être amélioré. Une première étape devrait être franchie avec la prise en compte de critères médico-économiques dans les évaluations post-AMM de la HAS.

M. François Autain s'est interrogé sur le nombre important d'études post-AMM commandées depuis 1997 mais non encore effectuées.

M. Laurent Degos a estimé que cette situation s'explique par l'absence de sanctions en cas de non-réalisation des études prévues.

Concernant la visite médicale, il a fait valoir que les médecins lisent rarement l'intégralité des avis de la commission de la transparence transmis par les visiteurs médicaux. La HAS travaille donc à la rédaction de fiches de bon usage plus courtes et facilement utilisables.

M. François Romaneix a rappelé que, s'agissant de la visite médicale, la certification de la HAS porte sur les méthodes de diffusion de l'information et de formation des visiteurs par le laboratoire, et non sur le contenu de l'information. Un observatoire de la visite médicale sera prochainement installé pour mesurer l'impact de cette certification sur la qualité de la visite médicale.

M. Laurent Degos a indiqué que la limitation de la certification aux procédures - ou contenants - s'applique également aux sites Internet e-santé. Il convient toutefois d'informer les usagers sur les limites de certification de la HAS, afin qu'ils ne s'estiment pas dupés en cas de défaillance du contenu.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour l'assurance maladie, a demandé quels sont les moyens d'assurer aux Français un contenu de qualité des informations diffusées sur la santé.

M. Laurent Degos a proposé la création d'un label de la HAS opposable aux données.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour l'assurance maladie, a estimé que les pouvoirs publics doivent s'engager à ce que l'information sanitaire proposée par les sites certifiés soit de qualité.

M. Jean-Claude Etienne a souhaité connaître l'opinion de la HAS sur les références médicales obligatoires (RMO).

M. Laurent Degos a considéré que les RMO ont constitué une expérience difficile. Il existe, selon lui, trois moyens de changer les comportements : la recommandation, la comparaison et la punition, cette dernière solution étant généralement mal supportée par la société française. Or, les RMO ont été jugées trop contraignantes pour les médecins, qui ont déjà eu du mal à accepter le principe de l'évaluation des pratiques professionnelles. Il a rappelé que la HAS impose une obligation de moyens et non de résultats aux professions de santé. Ce n'est pas le cas pour les établissements de santé.

M. François Autain a estimé que les RMO ne sont pas réellement opposables car il n'existe pas de sanctions en cas de non-application.

M. Jean-Claude Etienne a ensuite interrogé M. Laurent Degos sur les perspectives en matière de démographie médicale.

M. Laurent Degos a annoncé que la HAS éditera prochainement une recommandation sur les délégations d'actes entre professionnels de santé.

Cela étant, le problème de la diminution du nombre de professionnels ne concerne pas les infirmières ni les pharmaciens, mais les seuls médecins, et ce dans les quinze prochaines années. Il ne se pose pas non plus entre les régions mais, au sein de chaque région, entre les grandes villes, les villes moyennes et les zones rurales.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour l'assurance maladie, a souhaité connaître l'opinion de M. Laurent Degos sur les dispositions du projet de loi de financement de la sécurité sociale relatives à la démographie médicale.

M. Alain Milon a fait valoir que la situation est préoccupante en psychiatrie, où certains services ferment par manque d'infirmiers. Il s'est interrogé, à cet égard, sur l'opportunité de remettre en place une formation spécifique pour les infirmières psychiatriques. Il a également estimé que la question des inégalités de répartition de l'offre de soins doit être traitée en priorité par rapport à celles relatives au développement de l'automédication et aux transferts de tâches entre professionnels de santé.

M. François Autain a demandé quel est le montant du budget consacré chaque année par la HAS à la communication.

M. François Romaneix a précisé que ce budget, 60 millions d'euros par an, est équitablement réparti entre les activités de recommandation, de certification et d'évaluation, qui comportent toutes des actions de communication. Quoi qu'il en soit, la somme qui est consacrée à ce poste est bien inférieure au budget de communication de l'industrie pharmaceutique.

M. François Autain a rappelé que M. Etienne Caniard, président de la commission qualité et diffusion de l'information médicale de la HAS, avait indiqué à la mission d'information « médicaments » de la commission que la HAS consacrait 14 millions d'euros par an à la communication.

M. François Romaneix a estimé ce chiffre exact s'agissant du médicament, mais il a fait valoir que les actions de communication de la HAS couvrent bien d'autres domaines.

M. Laurent Degos a considéré que cette somme doit être mise en perspective avec les efforts de communication déployés par les laboratoires, notamment les 120 000 visites médicales réalisées quotidiennement.

M. François Autain a estimé que la HAS doit mettre en place une visite médicale indépendante, à l'instar de ce qui est fait par l'assurance maladie.

M. Laurent Degos a considéré que la HAS est déjà synonyme d'indépendance et de crédibilité, pour les professionnels de santé comme pour le grand public.