Mardi 30 octobre 2007

- Présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président.

Contrats d'assurance sur la vie - Examen du rapport

La commission a procédé, sur le rapport de M. Henri de Richemont, à l'examen de la proposition de loi n° 40 (2007-2008), adoptée par l'Assemblée nationale, permettant la recherche des bénéficiaires des contrats d'assurance sur la vie non réclamés et garantissant les droits des assurés.

M. Henri de Richemont, rapporteur, a souligné que 22 millions de personnes détenaient un contrat d'assurance sur la vie en France, mais que, malgré cet engouement, l'état du droit soulève deux types de difficultés liées au mécanisme juridique de la stipulation pour autrui sur lequel repose ce contrat :

- d'une part, de 150.000 à 170.000 contrats d'assurance, représentant, selon les sources, de 950 millions à 2 milliards d'euros, ne sont pas réclamés par leurs bénéficiaires au décès de l'assuré, les bénéficiaires n'ayant pas toujours connaissance de leur qualité, en particulier lorsque, pour 20 % d'entre eux, ils ne sont ni conjoint, ni héritiers de l'assuré ;

- d'autre part, les conditions et les effets de l'acceptation du bénéfice du contrat d'assurance sont mal définis, ce qui implique en particulier que le bénéficiaire peut accepter unilatéralement le bénéfice du contrat, sans l'accord ou contre la volonté du stipulant, rendant ainsi le capital investi indisponible pour celui-ci.

Le rapporteur a expliqué que, dès 2005, le législateur avait réagi à ces situations en prévoyant notamment un dispositif permettant à toute personne d'interroger les assureurs pour savoir si elle est bénéficiaire d'un contrat d'assurance et en mettant en place une obligation, quoique très limitée, de recherche des bénéficiaires.

Il a souligné que ces dispositions s'étaient avérées insuffisantes, bien que certains assureurs aient d'eux-mêmes entamé des campagnes de recherche pour les assurés d'âge très avancé.

M. Henri de Richemont, rapporteur, a indiqué que la proposition de loi prévoyait des évolutions significatives :

- en autorisant les entreprises et mutuelles d'assurances, les institutions de prévoyance ainsi que les mutuelles et unions régies par le code de la mutualité à obtenir, à partir du répertoire national d'identification des personnes physiques (RNIPP) géré par l'Insee, des données relatives au décès des assurés et des bénéficiaires ;

- en prévoyant une revalorisation du capital garanti intervenant après le premier anniversaire du décès du souscripteur ;

- en faisant courir des intérêts selon un taux progressif en fonction du temps, mis par l'assureur, à verser le capital ou la rente garantis au bénéficiaire du contrat ;

- en supprimant la possibilité d'accepter le bénéfice du contrat sans l'accord du stipulant et en prévoyant que l'acceptation ne peut intervenir avant l'expiration d'un délai de trente jours à compter de la signature du contrat ;

- en interdisant, après l'acceptation, les opérations de rachat, d'avance ou de nantissement sur le contrat au profit du stipulant sans l'accord du bénéficiaire.

Il a proposé à la commission de conforter ces dispositions par des règles sécurisant la position des intervenants au contrat d'assurance sur la vie afin d'améliorer la recherche des assurés et des bénéficiaires, de mieux équilibrer les droits de l'assuré, du stipulant et du bénéficiaire, et de rétablir un dispositif spécifique pour les majeurs protégés.

Après avoir relevé que le contrat d'assurance sur la vie était le placement privilégié des Français, M. Jean-Jacques Hyest, président, a interrogé le rapporteur sur l'application à la désignation d'un bénéficiaire à titre de libéralité, des dispositions du code civil relatives à la révocation des donations entre vifs acceptées par le donataire.

M. Henri de Richemont, rapporteur, a indiqué que, nonobstant l'acceptation du bénéfice du contrat, lorsque la désignation du bénéficiaire a été faite dans une intention libérale, il était possible de la révoquer dans les conditions prévues par le code civil, et en particulier pour cause d'ingratitude du bénéficiaire, M. Pierre Fauchon se félicitant d'une telle possibilité.

A la demande de M. Charles Gautier, M. Henri de Richemont, rapporteur, a ensuite précisé qu'un contrat d'assurance sur la vie pouvait avoir plusieurs bénéficiaires.

Puis la commission a examiné les amendements présentés par le rapporteur.

A l'article 1er A (revalorisation du capital garanti en cas de décès de l'assuré), la commission a adopté, outre un amendement de coordination, un amendement prévoyant l'entrée en vigueur différée d'un an à compter de la publication de la loi de l'obligation de revalorisation, afin de prendre en compte la question des contrats à tacite reconduction annuelle.

A l'article 1er B (délai de versement de la rente ou du capital au bénéficiaire - suppression de la possibilité de refuser le rachat en cas de paiement d'un pourcentage limité de primes), la commission a adopté un amendement supprimant la possibilité pour l'assureur de refuser le rachat du capital versé au contrat lorsqu'un faible montant de primes a été versé.

A l'article 1er (consultation du répertoire national d'identification des personnes physiques par les organismes professionnels de l'assurance et de la prévoyance - création de traitements de données ayant pour objet la recherche des assurés et bénéficiaires de contrats d'assurance sur la vie décédés), M. Henri de Richemont, rapporteur, a proposé un amendement tendant à imposer expressément aux assureurs de s'informer, grâce à l'interrogation des données du RNIPP, sur l'éventuel décès de leurs assurés.

Il a indiqué, cette obligation étant générale, qu'elle s'appliquerait à l'ensemble des contrats en cours, à venir et échus qui n'auraient pas été réclamés par leurs bénéficiaires. Il a précisé s'être interrogé sur l'opportunité de fixer une périodicité à cette obligation d'information. Il a souligné qu'il reviendrait aux assureurs de définir eux-mêmes les modalités de mise en oeuvre de cette obligation.

M. Michel Dreyfus-Schmidt a estimé qu'une telle obligation devrait être assortie d'une sanction, notamment financière, ce qui n'était pas prévu par l'amendement.

M. Charles Gautier a regretté que les dispositions proposées reposent essentiellement sur la bonne volonté des assureurs.

M. Henri de Richemont, rapporteur, rejoint dans ses propos par M. Jean-Jacques Hyest, président, a indiqué que, s'agissant d'une obligation légale pour les assureurs, il reviendrait à l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles (Acam) d'en contrôler le respect et qu'elle disposait du pouvoir d'infliger des sanctions administratives. Il a insisté sur le fait que certains assureurs avaient déjà devancé cette obligation, mais que leurs efforts étaient restés sans effets importants en l'absence d'une possibilité de consulter le RNIPP.

Puis la commission a adopté cet amendement.

A l'article 2 (consultation du répertoire national d'identification des personnes physiques par les organismes professionnels représentatifs des mutuelles et de leurs unions - création de traitement de données ayant pour objet la recherche des assurés et bénéficiaires de contrats d'assurance sur la vie décédés), la commission a adopté un amendent tendant :

- d'une part, à imposer une obligation d'information sur l'éventuel décès de l'assuré, à la charge des mutuelles et unions régies par le code de la mutualité ;

- d'autre part, à restreindre la communication des informations du RNIPP aux seules mutuelles et unions ayant pour objet de proposer des opérations d'assurances relatives à la vie humaine et des opérations de capitalisation, M. Henri de Richemont, rapporteur, soulignant que cette mesure permettrait de respecter les principes de finalité et de proportionnalité dans l'accès et le traitement des données à caractère personnel prévus par la loi du 7 janvier 1978 relative à l'informatique et aux libertés.

A l'article 4 (encadrement des conditions et des effets de l'acceptation du bénéfice d'un contrat d'assurance sur la vie - situation du bénéficiaire ayant donné la mort à l'assuré ou au stipulant), la commission a adopté deux amendements tendant :

- d'une part, à réintroduire un dispositif de protection au profit du majeur protégé, supprimé par l'Assemblée nationale ;

- d'autre part, à limiter l'application du délai de latence de 30 jours pour l'acceptation du bénéfice du contrat au seul cas où la désignation du bénéficiaire intervient à titre gratuit, M. Henri de Richemont, rapporteur, précisant que cette restriction était nécessaire pour prendre en considération l'hypothèse où l'attribution du bénéfice du contrat intervient à titre de garantie d'une créance, notamment dans le cadre d'une opération de prêt.

Après l'article 4, la commission a adopté un amendement tendant à réintroduire, avec une entrée en vigueur immédiate à compter de la publication de la loi, un dispositif de protection du majeur en tutelle ou curatelle en prévoyant, dans ce dernier cas, la possibilité d'effectuer des opérations sur le contrat d'assurance ainsi que sur la clause bénéficiaire avec la simple assistance du curateur.

La commission a ensuite adopté la proposition de loi ainsi modifiée.

Mercredi 31 octobre 2007

- Présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président.

Lutte contre la corruption - Examen des amendements

La commission a procédé, sur le rapport de M. Hugues Portelli, à l'examen des amendements sur le projet de loi n° 28 (2007-2008), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la lutte contre la corruption.

Avant l'article premier, la commission a donné un avis défavorable à l'amendement n° 5, présenté par M. Robert Badinter et les membres du groupe socialiste apparentés et rattachés, ayant pour objet d'ajouter un article additionnel pour rendre possible la poursuite du complice d'un crime ou d'un délit commis à l'étranger alors que l'infraction n'a pas été constatée par une décision de justice définitive de la juridiction étrangère.

M. Robert Badinter a regretté que les poursuites judiciaires françaises soient subordonnées à l'autorité de la chose jugée étrangère, alors même que, dans certains pays, la justice n'est pas rendue dans des conditions impartiales.

La commission a également donné un avis défavorable aux amendements n°s 6 et 7 des mêmes auteurs tendant à ajouter un article additionnel avant l'article premier pour le premier en vue de limiter les raisons d'un refus opposé à une demande de déclassification, pour lever le secret de la défense nationale, formulée par l'autorité judiciaire au seul motif de mise en péril des intérêts de la France dans le domaine de la défense nationale et, pour le second, à imposer la motivation d'un refus de déclassification.

Reconnaissant que ces amendements dépassaient la portée du projet de loi, M. Robert Badinter a jugé nécessaire d'ouvrir le débat sur l'étendue du champ du secret de la défense nationale, notamment en ce qui concerne les marchés de l'armement.

A l'article 2 (renforcement de la répression des faits de corruption d'agents publics étrangers relevant d'une organisation internationale publique), la commission a donné un avis défavorable aux amendements n°s 1 à 4 des mêmes auteurs tendant à étendre le champ d'application du trafic d'influence aux agents publics étrangers, le rapporteur ayant mis en avant les risques de distorsion de concurrence.

M. Robert Badinter a déploré que le secteur public des Etats étrangers soit écarté du trafic d'influence, faisant valoir que la législation française s'alignait sur le « moins disant » répressif. Il a regretté que le projet de loi aboutisse à légaliser le trafic d'influence international, objectant pourtant qu'il s'agissait de la forme -la plus moderne- de corruption.