Lundi 12 novembre 2007

- Présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président.

Polynésie française - Institutions et vie politique - Examen des amendements

La commission a procédé, sur le rapport de M. Christian Cointat, à l'examen des amendements sur le projet de loi organique n° 61 (2007-2008) et le projet de loi ordinaire n° 62 (2007-2008), tendant à renforcer la stabilité des institutions et la transparence de la vie politique en Polynésie française.

Sur le projet de loi organique, la commission a donné les avis suivants :

Article ou division

Objet de l'article

Numéro des amendements

Auteur des amendements

Avis de la commission

Article premier

Election et modalités d'intérim et de remplacement du président de la Polynésie française en cas d'empêchement

34

M. Gaston Flosse

Sagesse

61

Gouvernement

Favorable

Article 2

Cessation des fonctions gouvernementales exercées par des membres de l'assemblée de la Polynésie française

45

M. Gaston Flosse

Retrait

Article 3

Mode d'élection et inéligibilités des représentants à l'assemblée de la Polynésie française

57

M. Bernard Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés

Retrait

Article 5

Motion de défiance constructive et motion de renvoi budgétaire

46

M. Gaston Flosse

Retrait

Article 6

Renouvellement anticipé de l'assemblée de la Polynésie française

58

M. Bernard Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés

Défavorable

Article additionnel après l'article 9

Participation de la Polynésie française au capital de sociétés privées gérant
un service public

Promulgation des
« lois du pays »

47

M. Gaston Flosse

Avis du Gouvernement

48

M. Gaston Flosse

Retrait

Article 10

Association de l'assemblée de la Polynésie française à certaines attributions du conseil des ministres

56

M. Gaston Flosse

Favorable

55

M. Gaston Flosse

Satisfait

35

M. Gaston Flosse

Satisfait

36

M. Gaston Flosse

Satisfait

Article additionnel après l'article 11

Conditions d'exercice des mandats des représentants à l'assemblée de la Polynésie française

50

M. Gaston Flosse

Favorable

51

M. Gaston Flosse

Favorable

Article 13

Régime des questions orales et des questions écrites à l'assemblée de la Polynésie française

37

M. Gaston Flosse

Satisfait

54

M. Gaston Flosse

Retrait

Article additionnel après l'article 14

Approbation par l'assemblée de la Polynésie française des conventions conclues entre l'Etat et la collectivité

52

M. Gaston Flosse

Favorable

53

M. Gaston Flosse

Avis du Gouvernement

Article 15

Création d'un débat d'orientation budgétaire et consécration du principe de sincérité

38

M. Gaston Flosse

Retrait

39

M. Gaston Flosse

Retrait

49

M. Gaston Flosse

Satisfait

Article 16

Contrôle de légalité des actes des institutions de la Polynésie française

40

M. Gaston Flosse

Retrait

41

M. Gaston Flosse

Avis du Gouvernement

Article 18

Contrôle des actes budgétaires et exécution du budget de la Polynésie française

42

M. Gaston Flosse

Défavorable

62

Gouvernement

Favorable

Article 20

Nouvelles élections et modalités d'entrée en vigueur de certaines dispositions

59

 

Retrait

43

M. Gaston Flosse

Retrait

33

M. Gaston Flosse

Avis du Gouvernement

Sur le projet de loi, la commission a donné les avis suivants :

Article ou division

Objet de l'article

Numéro d'amendement

Auteur de l'amendement

Avis de la commission

Article premier

Diverses dispositions relatives à la campagne électorale

7

Gouvernement

Favorable

Article 4

Dispositions transitoires

8

Gouvernement

Favorable

6

M. Gaston Flosse

Défavorable

Mardi 13 novembre 2007

- Présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président.

Projet de loi de finances pour 2008 - Mission « Justice » - Audition de Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

La commission a entendu Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice, sur le projet de loi de finances pour 2008 (mission « Justice »).

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice, a rappelé que plusieurs affaires récentes avaient mis en lumière les failles de notre organisation judiciaire, imposant de la réformer en profondeur, notamment s'agissant de la carte judiciaire. Elle a noté les attentes fortes des Français à l'égard de leur justice. Ils la souhaitent compréhensible, rapide, ferme à l'égard des délinquants et humaine vis-à-vis des victimes.

Elle a souligné la participation du Parlement au renforcement de l'efficacité de la justice, comme en témoigne l'adoption de trois textes récents : la loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive, la loi du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté et plus récemment la loi tendant à renforcer la lutte contre la corruption, adoptée définitivement par le Sénat le 31 octobre dernier.

Elle a affiché la priorité du gouvernement accordée à la Justice au travers d'un effort budgétaire important, le budget de la mission « Justice » -dont les crédits s'élèveront en 2008 à 6,52 milliards d'euros- progressant plus que celui de l'Etat (+ 4,5 %, contre 1,6 %). Elle a ajouté que cette enveloppe permettrait de financer 1.615 créations d'emplois, alors même que l'Etat ne remplace pas 22.900 départs en retraite dans l'ensemble des ministères.

La garde des sceaux a mis en avant les trois axes prioritaires du mouvement de modernisation qui doit être engagé en 2008 : l'amélioration de l'organisation judiciaire, la modernisation du système pénitentiaire pour mieux enrayer la récidive et le renforcement de la prise en considération des victimes par l'institution judiciaire.

Elle a indiqué qu'un renfort de 400 emplois supplémentaires permettrait aux juridictions de fonctionner dans de meilleures conditions : outre le remplacement des départs en retraite, les juridictions bénéficieront de 187 emplois supplémentaires de magistrat et d'un nombre équivalent de greffiers supplémentaires. Elle a noté que ces emplois seront notamment localisés dans les pôles de l'instruction appelés à être mis en place à compter du 1er mars 2008. Elle a précisé que la promotion de 149 fonctionnaires de catégorie C et la création de 26 emplois de secrétaire administratif de catégorie B sont en outre prévues.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice, a salué le dévouement des personnels sur lesquels s'appuie l'institution judiciaire, ce qui impose de leur donner les moyens de leur action.

Elle a précisé qu'une enveloppe de 121 millions d'euros est inscrite au projet de budget pour permettre la rénovation de certains tribunaux, ainsi que la mise aux normes de sécurité incendie et d'accessibilité pour les handicapés. Afin d'éviter que des évènements dramatiques, comme ceux survenus récemment aux tribunaux de grande instance de Metz et de Laon, ne se reproduisent, elle a rappelé qu'une somme de 20 millions d'euros avait été débloquée en juin pour lancer un plan de sécurisation. Ainsi, grâce à cet effort, l'objectif d'équiper la plupart des juridictions de portiques de sécurité et de prévoir des personnels de surveillance est presque atteint. Elle a relevé que pour poursuivre cet effort, une dotation de 39 millions d'euros est inscrite au projet de budget pour 2008.

Elle a noté les moyens financiers notables consacrés au développement des nouvelles technologies, précisant que la numérisation des procédures pénales sera opérationnelle en 2008 et celles des procédures civiles en 2009. Elle a mis en avant les avantages de cette « révolution technologique » qui facilitera d'une part la communication électronique avec les auxiliaires de justice, qui pourront suivre ou consulter un dossier à distance, et permettra d'autre part aux greffes de gagner un temps précieux pour se consacrer à des travaux plus utiles que la reprographie des dossiers.

Elle a indiqué que la visioconférence laisse espérer un meilleur fonctionnement des tribunaux. La garde des sceaux a valorisé les résultats prometteurs des expérimentations actuellement conduites dans des sites pilotes. Elle a relevé que plus de 67 millions d'euros sont consacrés en 2008 aux programmes informatiques de la justice.

Abordant la réforme de la carte judiciaire inchangée depuis 1958, la garde des sceaux en a souligné l'obsolescence. Elle a fait valoir que le maintien d'une justice de proximité n'impose pas forcément de disposer d'un tribunal à une distance proche du domicile, mais qu'elle suppose plutôt de rendre des décisions rapidement et de les faire appliquer correctement, tout en sanctionnant les délinquants et en accueillant les victimes.

La garde des sceaux a rappelé que malgré la volonté de ses prédécesseurs de réformer la carte judiciaire, ce chantier n'avait pu être engagé en raison des résistances qu'il suscite, notamment au niveau local. Elle a expliqué qu'une évolution paraissait désormais possible pour répondre aux dysfonctionnements constatés de l'institution judiciaire, chacun s'accordant sur sa nécessité. Elle a fait valoir les inconvénients d'une organisation judiciaire dont les moyens sont disséminés dans 1.200 tribunaux, implantés sur 800 sites, après avoir mis en avant que pour être efficace, la justice doit tendre vers une spécialisation accrue. A cet égard, elle a souligné l'impact positif des pôles économiques financiers et des juridictions interrégionales spécialisées, qui démontre les avantages du regroupement des moyens, garantie d'une meilleure efficacité de la justice.

Elle a plaidé pour le regroupement des plus petits tribunaux au siège d'une juridiction ayant une activité suffisante pour assurer un service permanent de qualité. Après avoir rappelé que dans le cadre de la concertation engagée depuis le 27 juin, cette réforme avait été largement débattue dans le ressort des cours d'appel, elle a précisé que, sur la base des propositions recueillies, un schéma d'organisation prenant en compte, région par région, l'impératif d'équilibre des territoires avait été défini.

La garde des sceaux a annoncé qu'elle achèverait dans quelques jours le tour des régions de France entamé au début du mois d'octobre pour entendre les observations des élus et des acteurs du monde judiciaire, ajoutant que dans la mesure du possible, les remarques formulées à cette occasion avaient été prises en compte. Elle s'est défendue d'avoir décidé un schéma préétabli. Elle a mis en avant que la concertation avait été permanente, ajoutant que tous les syndicats des personnels de la justice, les représentants des barreaux avaient été entendus et que les propositions des élus, des professions et des organisations représentatives avaient largement nourri la réflexion du ministère.

Elle a précisé que la réforme, étalée sur trois ans, commencerait en 2008 par la mise en place des pôles de l'instruction, se poursuivrait en 2009 avec le regroupement des tribunaux d'instance et des tribunaux de commerce pour s'achever en 2010 avec la nouvelle carte des tribunaux de grande instance.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice, a noté l'impact immobilier de ce chantier, certains bâtiments devant être restructurés ou agrandis, de nouveaux palais de justice construits, avant de souligner qu'il s'agissait d'un processus au long cours.

Elle a évoqué le rôle des magistrats et des fonctionnaires, qui seront les acteurs de cette réforme, soulignant que ces personnels bénéficieraient, dans le cadre de sa mise en oeuvre, d'un accompagnement individuel et social pour faciliter les transports, les déménagements et le relogement de ceux qui choisiront de se déplacer. Elle a annoncé que ces dispositifs feraient l'objet d'une vaste concertation avec les organisations syndicales. Elle a souligné que le projet de budget pour 2008 prévoit une provision d' 1,5 million d'euros au titre de l'accompagnement social des personnels des juridictions.

La ministre a ensuite évoqué le système pénitentiaire en soulignant qu'une politique pénale n'était légitime que si elle reposait sur le strict respect de la personne humaine en détention. Elle a relevé à cet égard que le Contrôleur général des lieux de privation de liberté disposerait d'un budget de 2,5 millions d'euros (2,05 millions d'euros en crédits pour les personnels et 450.000 euros en crédits de fonctionnement). Elle a ajouté que le futur projet de loi pénitentiaire améliorerait la prise en charge des détenus et les conditions de travail des personnels.

Par ailleurs, Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice, a indiqué qu'en 2008, 1.100 postes supplémentaires seraient créés dans l'administration pénitentiaire et sept nouveaux établissements ouvriraient leurs portes, dont trois spécialement conçus pour les mineurs. Elle a souligné sa volonté de développer des mesures d'aménagement de peine en observant notamment que 5,4 millions d'euros seraient consacrés au financement des bracelets électroniques fixes ou mobiles.

S'agissant des mineurs, elle a estimé que les centres éducatifs fermés avaient montré leur efficacité, puisque 61 % des sortants ne récidivaient pas. Elle a indiqué que dix nouveaux centres ouvriraient en 2008, qui permettraient de porter à quarante-trois, le nombre total de ces structures. Par ailleurs, cinq centres à dimension pédo-psychiatrique seraient opérationnels afin d'assurer une prise en charge plus spécifique des mineurs atteints de troubles mentaux. Elle a ajouté que cent emplois supplémentaires permettraient de renforcer l'action de la protection judiciaire de la jeunesse dans les centres fermés et dans les établissements pour mineurs.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice, a enfin souligné l'attention particulière accordée aux victimes. Elle a relevé les progrès déjà accomplis avec la mise en place des bureaux de l'exécution des peines. Elle a estimé néanmoins que de nouvelles mesures devaient être prises en 2008 afin de garantir l'exécution des peines prononcées et d'améliorer les conditions d'indemnisation. Elle a indiqué qu'un juge délégué aux victimes serait créé -la fonction en étant confiée au président de la Commission des victimes d'infractions- afin de donner aux victimes un interlocuteur pour assurer leurs droits et coordonner les différents dispositifs existants. De même, un service d'assistance au recouvrement des indemnisations allouées aux victimes non éligibles à la commission d'indemnisation serait mis en place. Elle a précisé également que les crédits consacrés aux associations augmenteraient de près de 15 %.

Soucieuse d'améliorer le fonctionnement du système de l'aide juridictionnelle et d'en stabiliser le coût pour l'Etat, elle a indiqué que les suggestions de M. Roland du Luart présentées dans son récent rapport d'information sur l'aide juridictionnelle seraient examinées.

Elle a conclu que la réforme de la justice demanderait encore de grands efforts, mais qu'à ce prix la justice pourrait être rapprochée de nos concitoyens.

Après avoir souligné deux des principales avancées du projet de budget pour 2008, à savoir la refonte de la carte judiciaire et le renforcement des effectifs des juridictions, à parité pour les magistrats et les fonctionnaires des greffes, M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis des crédits de la justice et de l'accès au droit, a souhaité savoir si le décrochage constaté ces dernières années entre les créations de postes de magistrat et celles de fonctionnaire serait rattrapé. Il a demandé à la garde des sceaux si des recrutements en plus grand nombre interviendraient pour compenser les départs à la retraite des fonctionnaires des greffes, dont le rythme allait s'accélérer à compter de 2008.

Notant la modicité de la provision inscrite au projet de budget pour 2008 destinée à financer la réforme de la carte judiciaire (1,5 million d'euros), il a demandé à la garde des sceaux si des moyens supplémentaires seraient mobilisés pour financer la montée en puissance de cette réforme, notamment s'agissant des mesures statutaires et d'accompagnement social.

Il a souhaité savoir si la garde des sceaux comptait concrétiser les propositions du groupe de travail publiées en février dernier sur le recrutement et la formation des chefs de juridiction présidé par M. Guy Canivet, alors premier président de la Cour de cassation.

En réponse, Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice, a reconnu que la réalisation de la loi d'orientation et de programmation pour la justice adoptée en 2002 s'est révélée décevante en termes de créations d'emplois de fonctionnaires des greffes, alors que le renforcement des effectifs de magistrats est, lui, plus satisfaisant. Elle a annoncé l'arrivée de 250 greffiers dans les juridictions en 2008, qui compenserait largement les 230 départs à la retraite prévisibles. Elle a plaidé pour une stricte parité entre les créations de postes de magistrats et celles de fonctionnaires, expliquant que sans greffier, une décision de justice n'est pas notifiée et ne peut donc être appliquée. Elle a assuré que tous les départs à la retraite des greffiers en chef en 2008 seraient remplacés par des recrutements en nombre équivalent.

Elle a souligné que de nombreuses réformes récentes (mise en place du juge des libertés et de la détention, création d'une procédure de rétablissement personnel) avaient été mises en oeuvre à moyens constants, ce qui avait alourdi les tâches des greffes. Elle a toutefois estimé que la pénurie actuelle des effectifs serait compensée par la réforme de la carte judiciaire qui permettra des économies d'échelle grâce au regroupement des moyens et les gains de productivité que pouvait laisser espérer le développement des technologies nouvelles. Elle a également affirmé son intention de combler tous les postes vacants d'ici à la fin de l'année prochaine.

A propos de la carte judiciaire, elle a annoncé que le ministère de la justice s'inspirerait des mesures d'accompagnement social déjà mises en oeuvre par le ministère de la défense qui avait connu une mutation comparable ces dernières années -la provision prévue pour 2008 correspondant à la première tranche de financement qui avait été inscrite à l'époque pour ce ministère. Elle a ajouté que les véritables changements n'interviendraient pas avant la fin de l'année prochaine, le premier semestre devant encore être consacré aux négociations.

La garde des sceaux s'est déclarée attachée à la formation des magistrats, chantier essentiel de modernisation, précisant qu'elle avait chargé le directeur de l'Ecole nationale de la magistrature récemment nommé de réfléchir à la mise en place d'une formation au management et à la gestion tant au stade de la formation initiale qu'à certaines autres étapes de la carrière, comme la nomination à la tête d'une juridiction. Les propositions du groupe de travail présidé par M. Guy Canivet devraient donc être largement reprises.

Elle a évoqué les efforts d'adaptation de l'Ecole nationale de la magistrature en faveur d'une plus grande ouverture sur le monde, précisant que le corps enseignant s'est diversifié pour accueillir des magistrats en poste dans les juridictions ou des professionnels extérieurs au milieu judiciaire (médecin légiste, psychologue). Elle a annoncé que le directeur de cet établissement devait lui remettre en janvier prochain un rapport sur la formation dressant le bilan des réformes engagées.

Après s'être félicité de l'apurement de la dette de l'Etat à l'égard du secteur associatif habilité en 2007 et avoir relevé le ralentissement en 2008 de la progression des crédits alloués à la protection judiciaire de la jeunesse, M. Nicolas Alfonsi, rapporteur pour avis des crédits de la protection judiciaire de la jeunesse, a souhaité savoir si les instructions données en 2005 aux juges des enfants de réduire le nombre des mesures de protection judiciaire des jeunes majeurs avaient été suivies d'effet et si les services de l'aide sociale à l'enfance avaient pris le relais pour assurer la prise en charge de ces jeunes.

Notant que la création d'un panel des mineurs, destiné à évaluer l'efficacité de la protection judiciaire de la jeunesse, était intervenue en 2007 après avoir été décidée en 2000, il a interrogé la ministre sur les premiers enseignements pouvant en être tirés.

Enfin, il a souligné la nécessité, évoquée par la ministre, de renforcer les moyens de prise en charge psychiatrique des mineurs faisant l'objet de mesures de protection judiciaire.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice, a indiqué que la loi du 5 mars 2007 renforçant la protection de l'enfance avait confirmé la compétence des départements pour assurer la prise en charge des jeunes majeurs qui ne sont ni délinquants, ni en danger. Elle a précisé que le panel des mineurs était effectivement exploitable depuis le début de l'année 2007 et s'est engagée à communiquer au rapporteur pour avis les premiers résultats de son exploitation.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice, a par ailleurs marqué sa volonté de définir une politique pénale à l'égard des mineurs délinquants, indiquant qu'une circulaire avait été diffusée dans les juridictions pour qu'une réponse soit rapidement apportée à chaque infraction.

Elle a également annoncé que l'organisation territoriale de la protection judiciaire de la jeunesse serait réformée en janvier 2008 pour faire coïncider ses périmètres régionaux, ainsi que ceux de l'administration pénitentiaire, avec les ressorts des cours d'appel et mobiliser davantage d'agents sur le terrain.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a mis en exergue l'intérêt du maintien de directions départementales de la protection judiciaire de la jeunesse compte tenu de l'indispensable coopération entre les services de l'Etat et ceux des conseils généraux.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis des crédits de l'administration pénitentiaire, a demandé à la ministre de dresser un premier bilan des établissements pénitentiaires pour mineurs récemment ouverts et de préciser le sort réservé aux quartiers mineurs existant au sein des établissements pénitentiaires. Il l'a également interrogée sur l'appareil statistique pénitentiaire, et plus particulièrement sur les conditions dans lesquelles les taux de récidive pourraient être évalués en fonction des grandes catégories d'établissements pénitentiaires où la peine d'emprisonnement pour la condamnation précédente a été exécutée. Il a observé que ces données permettraient d'apprécier plus précisément l'impact des conditions de détention sur la réinsertion des détenus. Enfin, il a souhaité des précisions sur l'état actuel de la concertation conduite avec le ministre de la santé sur l'évolution du nombre de psychiatres dans les prisons, ainsi qu'avec le ministre du travail sur les moyens budgétaires dévolus à la formation des détenus.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice, a relevé que l'outil statistique dont disposait le ministère de la justice était encore insuffisant et qu'il convenait de se doter d'une source unique afin de disposer de critères d'évaluation totalement homogènes, ce qui n'était pas actuellement le cas. Elle a relevé cependant qu'il n'était pas envisagé d'établir des éléments statistiques par grandes catégories d'établissements pénitentiaires. Elle a rappelé, s'agissant des établissements pénitentiaires pour mineurs, que les normes d'encadrement prévoyaient 120 agents pour 60 détenus. Elle a relevé que sur 75 quartiers mineurs, 21 devaient fermer et 9 l'étaient déjà. Elle a estimé que des quartiers mineurs restaient nécessaires pour assurer un maillage territorial suffisant et permettre le maintien des liens familiaux. Evoquant alors la concertation avec le ministère de la santé, elle a relevé que les relations étaient facilitées par la nomination, depuis l'été 2007, d'un directeur de projet au sein de ce ministère afin de traiter des questions communes aux deux administrations. Les demandes de la justice, a-t-elle ajouté, portaient plus particulièrement sur l'augmentation du nombre des psychiatres et leur meilleure répartition sur le territoire. Elle a également précisé que les premières unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) réservées aux détenus présentant des troubles mentaux entreraient en service en 2009 à Lyon et à Rennes. Enfin, elle a ajouté que la concertation avec le ministre du travail avait permis un accord sur le montant des crédits de formation professionnelle, fixé à 10 millions d'euros pour 2008.

Relayant M. Pierre Fauchon, M. Jean-Jacques Hyest, président, a fait observer qu'en 1958, la carte judiciaire n'avait subi que quelques ajustements ponctuels et qu'en réalité notre organisation judiciaire résultait d'un schéma plus ancien, proche de ce qui prévalait au XIXè siècle.

Après avoir dénoncé la méthode -autoritaire- retenue par la garde des sceaux pour mener la réforme de la carte judicaire et l'absence de concertation préalable, M. Michel Dreyfus-Schmidt a souhaité savoir quel serait le montant des économies liées au regroupement des juridictions et si le Parlement ne devrait pas se prononcer. Il a demandé à la ministre si la mise en place des procédures numérisées ne se traduirait pas en pratique pour un alourdissement des tâches incombant aux avocats. Après avoir regretté que le Sénat, à la différence de l'Assemblée nationale, n'eut pas constitué une commission d'enquête sur les dysfonctionnements constatés dans l'affaire d'Outreau, il a souligné que le problème soulevé à cette occasion lui semblait moins résider dans les méthodes de travail des juges d'instruction et des chambres de l'instruction que dans la durée excessive des détentions provisoires. Avant de demander à la garde des sceaux de faire le point sur cette question de la détention provisoire. M. Michel Dreyfus-Schmidt a indiqué que préalablement à l'adoption de la réforme du 5 mars 2007 tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale, une expérimentation portant sur les pôles de l'instruction aurait dû être conduite.

Surpris de l'importance des moyens mis à la disposition des établissements pour mineurs, M. Michel Dreyfus-Schmidt a souhaité connaître le coût de ce dispositif. Il s'est enquis des intentions de la ministre sur la situation faite aux détenus atteints de troubles mentaux, après avoir estimé que la prison n'était pas un lieu adapté pour l'intervention des psychiatres. Il a jugé discutable le principe selon lequel les mineurs devaient être rapidement sanctionnés, faisant valoir que certains procureurs de la République jugeaient opportun d'attendre de voir comment le mineur se comporte avant de prendre une sanction. Il a regretté que la future réforme de la protection judiciaire de la jeunesse annoncée pour janvier prochain soit engagée par le ministère de la justice, souhaitant que le Parlement se prononce.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a fait remarquer qu'il revenait à l'Etat de piloter ses réformes de structures administratives, y compris la carte judiciaire, de nature réglementaire. Il a donc jugé légitime que ce chantier soit conduit par le ministère de la justice. Il a en outre considéré qu'il n'y avait qu'à se féliciter des moyens considérables alloués aux établissements pour mineurs.

M. Patrice Gélard s'est interrogé sur la proportion de postes qui seraient ouverts l'année prochaine au titre du premier concours d'entrée à l'Ecole nationale de la magistrature. Afin de permettre une meilleure information des étudiants des facultés de droit sur les débouchés qui s'offraient à eux, il s'est demandé si le ministère ne pourrait pas annoncer, plusieurs années à l'avance, le nombre de places ouvertes à ce concours. Il s'est interrogé sur l'avenir des juges de proximité à la lumière de la refonte de la carte judicaire. Il s'est enquis du calendrier retenu pour la réforme de la carte des conseils de prud'hommes. Il a souhaité connaître les liens entre le ministère de la justice et les établissements de la seconde chance.

Qualifiant les services pénitentiaires d'insertion et de probation de parents pauvres de l'administration pénitentiaire, M. Richard Yung a souhaité savoir s'ils bénéficieraient de créations d'emplois en 2008.

Enfin, évoquant les travaux de la mission d'information de la commission des lois du Sénat sur l'état civil des Français nés, résidant ou ayant vécu à l'étranger, publiés au mois de septembre 2007, il a jugé nécessaire de créer des postes supplémentaires de greffier en chef et de greffier au service de la nationalité des Français nés et établis hors de France du tribunal d'instance du premier arrondissement de Paris afin de réduire les délais de délivrance des certificats de nationalité française. Le délai minimum pour obtenir un tel document, a-t-il souligné, est actuellement de dix-huit mois, ce qui est inacceptable.

Abondant en ce sens, MM. Jean-Jacques Hyest, président, et Christian Cointat ont rappelé que la mission d'information recommandait également le transfert à Nantes de ce service, afin d'y constituer un grand pôle compétent en matière de droit international de l'état des personnes.

Rappelant l'insuffisance du nombre de psychiatres, M. François Zocchetto s'est étonné que le décret d'application prévu par la loi sur le traitement de la récidive du 12 décembre 2005 autorisant la participation de psychologues à la mise en oeuvre du suivi socio-judiciaire n'ait pas encore été adopté. Il s'est interrogé également sur le montant de la dotation destinée à rémunérer psychiatres et psychologues. Par ailleurs, il a demandé à la ministre de préciser l'état d'avancement du casier judiciaire européen, ainsi que les moyens financiers consacrés à Eurojust. Enfin, il a souhaité connaître les perspectives de création de nouveaux postes de magistrats de liaison.

M. Pierre Fauchon a tenu à rendre hommage au travail des magistrats de liaison, soulignant le travail remarquable qu'ils accomplissent et leurs compétences précieuses en droit comparé.

Mme Catherine Troendle a pleinement souscrit à ces propos, appelant l'attention de la ministre sur l'insuffisance des moyens alloués à ces magistrats, citant l'exemple du magistrat de liaison en poste en Espagne qui ne disposait pas d'un secrétariat avec un volume d'affaires contentieuses très important, au surplus dans des domaines sensibles tels que le terrorisme.

M. Pierre Fauchon a apporté son plus grand soutien à la ministre s'agissant de la redéfinition des contours de la carte judicaire, avant de rappeler que la mission d'information sur les moyens de la justice, constituée en 1996 au sein de la commission des lois, considérait déjà que ce chantier était un préalable indispensable à toute nouvelle réforme. Il a souligné que le souci d'assurer une meilleure spécialisation s'était manifesté plus récemment mais qu'à l'époque, l'argument principal avancé pour justifier cette réforme, et au demeurant toujours d'actualité, résidait dans le décalage entre l'implantation des juridictions sur le territoire national et le volume de l'activité contentieuse. Il a estimé que ce chantier méritait une concertation avec les principaux acteurs concernés, jugeant sa mise en oeuvre impérative compte tenu du caractère obsolète de la répartition des moyens alloués aux juridictions. Il a souhaité que la réflexion conduite en la matière prenne en compte les nouvelles voies alternatives aux jugements telles que la médiation civile.

Mme Nicole Borvo s'est demandé à quelle date le Parlement serait saisi de la désignation du contrôleur général des lieux de privation de liberté. Elle a souhaité savoir si une évaluation quantitative et qualitative des juges de proximité avait été récemment conduite.

Mme Alima Boumediene-Thiery a insisté sur la nécessité de favoriser la réinsertion des détenus à travers le maintien des liens familiaux et souligné, à cet égard, l'utilité du rôle des unités de vie familiale. Evoquant une visite récente à la maison centrale de Clairvaux, elle a déploré les conditions d'accueil des familles dans cet établissement. Elle s'est demandé quelles étaient les perspectives d'extension des unités de vie familiale au sein des établissements pénitentiaires.

M. Bernard Frimat s'est interrogé sur les conditions financières d'élaboration du projet de loi de finances. Il a demandé à la ministre de préciser les secteurs qui pourraient faire l'objet d'éventuelles mesures de régulation budgétaire.

En réponse aux commissaires, Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice, a apporté les précisions suivantes :

la réforme de la carte judiciaire ne générera pas d'économies substantielles en termes immobiliers, les tribunaux d'instance appelés à être regroupés étant installés dans des locaux mis à la disposition de la justice par les collectivités territoriales. En revanche, la valeur ajoutée de cette refonte est moins à rechercher dans les économies budgétaires attendues que dans les gains d'efficacité qu'elle peut laisser espérer. Actuellement, la dispersion des moyens alloués aux juridictions nuit au bon fonctionnement des juridictions. Dans les tribunaux d'instance, en matière de tutelles, magistrats et greffiers ont d'ores et déjà la possibilité de se déplacer hors du tribunal ; ainsi, il ne reste à ces juridictions que le traitement du contentieux de la consommation et du surendettement, ce qui représente parfois un volume d'affaires très faible, de sorte que cet échelon judiciaire est devenu surtout un lieu d'information pour les justiciables. Il faut regrouper les juges d'instance, et rendre possible l'organisation d'audiences foraines ;

- la réforme de la justice de proximité est poursuivie, comme en atteste la récente nomination de 150 juges de proximité. Les points d'accès au droit seront développés et prendront appui sur les maisons de justice et du droit qui rassemblent des médiateurs, des délégués du procureur, des avocats, et apportent un précieux relais d'information aux justiciables. La réforme de la carte judicaire actuellement menée, loin de remettre en cause la justice de proximité, la conforte au contraire. Ce chantier favorisera en outre le recentrage des magistrats sur leur fonction de jugement et permettra une plus grande spécialisation ;

- à propos des mesures compensatoires susceptibles d'être proposées aux avocats des barreaux situés dans le ressort des tribunaux de grande instance appelés à être regroupés, trois pistes sont à l'étude : créer un poste de vice-bâtonnier dans le cadre de la restructuration des barreaux, faciliter l'accès à la magistrature et ouvrir la possibilité de postuler dans le ressort de plusieurs tribunaux de grande instance ;

- la numérisation des procédures ne fera peser aucune charge supplémentaire sur les avocats ou les justiciables, lesquels seront destinataires des pièces du dossier par la voie d'un courrier électronique. L'intérêt de la numérisation est de permettre aux avocats de disposer, sans se disperser, de la totalité du dossier et sans pour autant avoir l'obligation d'imprimer toutes les pièces ;

- le nombre des détentions provisoires entre 2006 et 2007 a baissé de 6 % revenant de 20.000 en 2004 à 17.000 ; en application de l'article 137 du code de procédure pénale, la règle est toujours la liberté, la détention provisoire l'exception ;

- le coût de fonctionnement d'une place dans un établissement pour mineurs s'élève à 85 euros par jour ; le renforcement des moyens destinés à ces structures relève d'une volonté délibérée de favoriser une meilleure réinsertion des mineurs délinquants ;

- dès lors qu'elles ont été condamnées à une peine d'emprisonnement, les personnes détenues ont été reconnues responsables de leurs actes même si, par ailleurs, elles peuvent souffrir de troubles mentaux ; en outre, l'intervention des psychiatres dans les établissements pénitentiaires dépasse le strict champ de la maladie psychiatrique pour viser une prise en charge de l'ensemble des détenus qui, à un moment ou un autre, peuvent être en souffrance ;

- la protection judiciaire de la jeunesse est une structure administrative dont la réforme relève du pouvoir réglementaire ;

la proportion de postes ouverts au titre du concours étudiant pour intégrer la magistrature devrait représenter en 2008 les deux tiers des recrutements d'auditeurs de justice. Il est difficile d'annoncer les recrutements par anticipation, les places offertes dépendant des besoins constatés sur le terrain, toujours délicats à anticiper sur le long terme ;

- la liste des conseils prud'homaux appelés à être regroupés sera prochainement diffusée ;

- le ministère de la justice n'a aucun lien particulier avec les établissements de la seconde chance ;

- une classe préparatoire intégrée destinée à préparer des étudiants en droit issus de milieux défavorisés au premier concours d'entrée à l'Ecole nationale de la magistrature a été mise en place. Ce dispositif -organisé par cette école- vise à ouvrir le corps judiciaire à des profils plus diversifiés ;

- il incombe au ministère de la santé de prendre le décret fixant les conditions dans lesquelles des psychologues peuvent être associés au suivi socio-judiciaire ;

- l'interconnexion des casiers judiciaires actuellement réalisée entre six pays européens et progressivement destinée à s'étendre a déjà porté ses fruits, notamment dans la lutte contre la pédophilie ; actuellement, cependant les demandes transmises à un autre Etat doivent porter sur un acte précis ; aussi les discussions se poursuivent-elles à l'échelle européenne pour assouplir les conditions de délivrance du casier judiciaire ;

- la relance d'Eurojust sera l'une des priorités de la présidence française de l'Union européenne en 2008 ;

- la mission des magistrats de liaison doit être redéfinie et leur rôle renforcé afin qu'ils ne soient pas seulement des intermédiaires entre juridictions nationales et étrangères ;

- aucune évaluation des juges de proximité n'a été menée depuis la dernière étude conduite en 2005 ; la ministre a annoncé que les services du ministère de la justice pourraient conduire prochainement une nouvelle évaluation ;

- les unités de vie familiale sont actuellement au nombre de sept et ont vocation à être implantées dans les établissements pour peines qui seront prochainement ouverts ; il existe par ailleurs actuellement au sein des maisons centrales des parloirs familiaux ;

- la totalité des crédits dévolus par le projet de loi de finances à la justice a vocation à être consommée et, en tout état de cause, les priorités définies dans le cadre de la politique pénitentiaire seront préservées.

Mercredi 14 novembre 2007

- Présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président.

Droit civil - Réforme de la prescription - Examen du rapport

Au cours d'une première réunion qui s'est tenue le matin, la commission a tout d'abord procédé à l'examen du rapport de M. Laurent Béteille sur la proposition de loi n° 432 (2006-2007), portant réforme de la prescription en matière civile.

M. Laurent Béteille, rapporteur, a rappelé que les règles de prescription en matière civile, essentiellement fixées dans le code civil, apparaissaient dans une large mesure désuètes, car elles dataient, pour la plupart, du XIXème siècle. Il a ajouté que de nombreux textes étaient intervenus postérieurement, qui avaient fait perdre sa cohérence au droit de la prescription.

Il a insisté sur le fait qu'un groupe de travail de la Cour de cassation avait, en 2004, constaté l'existence de 250 délais de prescription différents, allant de 30 ans à un mois. Il a souligné l'obsolescence des dispositions prévoyant un délai de la prescription acquisitive différent selon que le propriétaire de l'immeuble a ou non son domicile dans le même ressort que celui de l'immeuble.

M. Laurent Béteille, rapporteur, a indiqué la proposition de loi déposée par M. Jean-Jacques Hyest faisant suite aux travaux de la mission d'information sur le régime des prescriptions civiles et pénales qu'il avait conduite avec MM. Richard Yung et Hugues Portelli, avait pour but de redonner sa cohérence au droit de la prescription et de le rendre plus moderne et efficace.

Il a souligné que le texte qu'il soumettait à la commission ne concernait que la prescription civile et reprenait l'essentiel des dispositions de la proposition de loi quoique selon un plan différent, l'intérêt d'une dissociation entre les règles de prescription acquisitive et les règles de prescription extinctive étant apparu lors d'échanges avec le ministère de la justice.

M. Patrice Gélard a souligné que les travaux de la mission d'information sur le régime des prescriptions civiles et pénales avaient permis d'éclairer la commission sur les difficultés suscitées par le droit actuel et d'envisager un certain nombre d'évolutions législatives.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a estimé que la réécriture complète des dispositions du code civil relatives à la prescription, que proposait le rapporteur, donnerait plus de cohérence à la réforme, sans modifier les orientations de la proposition de loi.

M. Richard Yung a souligné que le texte de la proposition de loi comme celui des conclusions présentées par le rapporteur ne portait que sur la matière civile. Il s'est dit en accord avec la principale mesure proposée, à savoir la réduction du délai de prescription de droit commun de trente ans à cinq ans même s'il aurait au premier abord préféré descendre à trois ans. Il a jugé que cette mesure permettrait d'avoir des règles mieux adaptées à la société actuelle et surtout plus proches de celui que connaissent la plupart des Etats européens.

M. Michel Dreyfus-Schmidt s'est déclaré opposé aux possibilités d'aménagement contractuel des règles de prescription offertes par la proposition de loi. Il a rappelé que la prescription avait pour rôle de protéger la partie faible et a craint qu'elle ne subisse des pressions par ce biais.

M. Laurent Béteille, rapporteur, a répondu que cet aménagement contractuel, souhaité par les professionnels, était encadré, puisque le délai de prescription ne pouvait être ramené en dessous d'un an ou porté au-delà de dix ans et que le texte proposé prévoyait de l'interdire s'agissant des contrats d'assurance ainsi que des contrats conclus entre un professionnel et un consommateur.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a ajouté que le droit des assurances prévoit l'application d'un délai de prescription biennal pour les actions dérivant du contrat d'assurance, que ni la proposition de loi, ni le texte proposé par le rapporteur ne modifiaient.

Puis la commission est passée à l'examen des articles du texte proposé par le rapporteur.

Mettant en exergue les principales différences entre la proposition de loi et le texte qu'il présentait, M. Laurent Béteille, rapporteur, a indiqué que celui-ci adoptait le délai de prescription extinctive de droit commun de cinq ans, mais fixait un point de départ général : le jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Il a souligné que, consacrant la jurisprudence, le texte précisait que le droit de propriété était imprescriptible, les autres actions réelles immobilières étant soumises à un délai de prescription extinctive de trente ans.

Il a insisté sur l'instauration d'un délai-butoir, ayant pour effet que le report du point de départ, la suspension ou l'interruption de la prescription ne pourront conduire à ce que le délai de la prescription extinctive s'étende au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit. Il a précisé que ce délai-butoir ne s'appliquerait pas dans certaines hypothèses, et en particulier pour les actions en responsabilité civile pour dommages corporels.

M. Michel Dreyfus-Schmidt a demandé quand le délai d'action en responsabilité pour ces dommages commençait à courir. Il s'est interrogé sur le délai applicable en cas d'aggravation du dommage.

M. Laurent Béteille, rapporteur, a répondu que le texte prévoyait de prendre comme point de départ du délai de prescription la consolidation du dommage.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a souligné l'intérêt de ce point de départ et de l'absence de délai-butoir pour des actions relatives à des dommages résultant, par exemple, de l'exposition à l'amiante.

M. Laurent Béteille, rapporteur, a indiqué qu'il avait souhaité restreindre le cas de suspension du cours de la prescription en cas de négociations de bonne foi figurant dans la proposition de loi, estimant que la généralité de ce dispositif risquait de susciter des problèmes de preuves et, en conséquence, des contentieux. Il a jugé préférable de ne prévoir la suspension qu'en cas de recours à la médiation.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a rappelé qu'il avait souhaité que la prescription soit suspendue lors du recours à des modes alternatifs de règlement des litiges et a soutenu la limitation proposée par le rapporteur.

M. Richard Yung ayant demandé pourquoi, après cette suspension, la prescription recommençait à courir pour une durée d'au moins six mois, M. Laurent Béteille, rapporteur, a répondu qu'il s'agissait de donner le temps aux parties, lorsque la médiation n'aboutit pas, de saisir le juge.

M. Laurent Béteille, rapporteur, a précisé que, contrairement à la proposition de loi, il proposait de conserver le droit actuel maintenant l'effet interruptif de la demande en justice.

Il a souligné que le texte proposé ne comportait pas de dispositions modifiant le régime de prescription applicable aux créances sur l'Etat, les collectivités territoriales et leurs établissements publics. Il a expliqué que cette prescription était actuellement de quatre ans mais obéissait à des règles très dérogatoires s'agissant de son point de départ et de son invocation devant le juge. Il a estimé que si un alignement du délai de quatre à cinq ans devait intervenir, il conviendrait de s'interroger sur la pérennité du régime applicable à ces créances.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a indiqué qu'il lui avait paru souhaitable, par souci de simplification, d'aligner ce délai sur le délai de droit commun mais a dit comprendre la nécessité d'un examen plus approfondi de ce régime spécifique.

M. Laurent Béteille, rapporteur, a ensuite indiqué avoir souhaité maintenir un délai de dix ans pour l'exécution des décisions de justice ou d'autres titres exécutoires, le délai-butoir de vingt ans n'étant alors pas applicable.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'étant interrogée sur le choix d'un délai de droit commun de cinq ans plutôt que de dix ans, fait par la mission d'information, la proposition de loi et le texte du rapporteur, M. Jean-Jacques Hyest, président, a précisé que ce délai était apparu consensuel, en raison du fait qu'il rapprochait le droit français de la plupart des droits des Etats membres de l'Union européenne et qu'il était le délai de prescription actuellement applicable aux créances périodiques et, en particulier, aux créances salariales.

La commission a ensuite adopté des conclusions dans la rédaction proposée par le rapporteur.

PJLF pour 2008 - Mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » - Audition de M. André Santini, secrétaire d'Etat chargé de la fonction publique

La commission a ensuite entendu M. André Santini, secrétaire d'Etat chargé de la fonction publique, sur le projet de loi de finances pour 2008 (mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines »).

M. André Santini, secrétaire d'Etat chargé de la fonction publique, a rappelé le souhait ? exprimé par le Président de la République le 19 septembre 2007, d'une « nouvelle ambition pour le service public et pour les fonctionnaires » et la décision prise par le gouvernement de réexaminer, dans la concertation, l'ensemble des questions clefs intéressant la fonction publique.

Soulignant les attentes fortes des Français et des fonctionnaires eux-mêmes, il a évoqué les pistes de réforme devant faire l'objet d'une discussion avec les agents publics, leurs employeurs, les organisations syndicales, les usagers et les experts dans le cadre d'un grand débat national sur la fonction publique : revoir l'organisation et les règles de gestion ; repenser l'affectation des effectifs, en mettant un terme à la pratique consistant à remplacer poste pour poste les agents partant à la retraite ; réexaminer les missions ; réaliser des gains de productivité dont le bénéfice sera partagé avec les agents publics.

M. André Santini, secrétaire d'Etat chargé de la fonction publique, a expliqué que ce débat national avait débuté avec l'ouverture de quatre conférences respectivement consacrées aux « valeurs, missions et métiers de la fonction publique », au « pouvoir d'achat », au « dialogue social » et aux « parcours professionnels », à la suite desquelles des groupes de travail seraient constitués sur chacun de ces thèmes, des contributions seraient recueillies au moyen d'un site Internet et des auditions seraient réalisées par M. Jean-Ludovic Silicani, rapporteur général, dans la perspective de la rédaction d'un Livre blanc. Il a précisé que lui-même allait sur le terrain, ajoutant que le déplacement effectué à Rennes le 30 octobre lui avait permis de mesurer le décalage entre les aspirations des jeunes fonctionnaires à davantage de mobilité et les positions des organisations syndicales sur le sujet. Enfin, il a indiqué que ce débat national ferait l'objet de bilans à mi-parcours en novembre et en décembre 2007 et, à la demande des organisations syndicales, s'achèverait au printemps 2008.

S'agissant des crédits alloués par le projet de loi de finances pour 2008 au programme « Fonction publique », M. André Santini, secrétaire d'Etat chargé de la fonction publique, a rappelé qu'il ne recouvrait que les actions sociales interministérielles et de formation, les crédits relatifs aux traitements et pensions de la fonction publique figurant dans chacune des missions ministérielles. Il a souligné que les crédits d'action sociale interministérielle progresseraient de 45 millions d'euros, soit de près de 50 %, et permettraient de rénover les restaurants inter-administratifs ainsi que d'aider les fonctionnaires à louer un logement et à faire garder leurs enfants.

Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis, l'a interrogé :

- sur l'état d'avancement des décrets d'application des lois du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la Fonction publique, du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique et du 19 février 2007 relative à la fonction publique territoriale ;

- sur l'impact attendu de l'extension à la fonction publique des exonérations d'impôt sur le revenu et de charges sociales prévues par la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat pour les heures supplémentaires ;

- sur le bilan de la mise en place, depuis le 1er janvier 2006, de la rémunération à la performance des directeurs d'administration centrale et sur les perspectives d'extension de ce mode de rémunération aux sous-directeurs et aux chefs de service ;

- sur les ministères ayant décidé de participer à l'expérimentation, prévue par la loi de modernisation de la fonction publique, du remplacement de la notation individuelle par un entretien professionnel visant à apprécier la valeur professionnelle des fonctionnaires ;

- sur l'éventualité d'une imputation des crédits de personnel de la direction générale de l'administration et de la fonction publique sur le programme « Fonction publique », qui suppose de ne plus placer cette direction sous l'autorité directe du Premier ministre, mais sous celle du ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ;

- sur la proposition formulée par M. Georges Tron, député, de distinguer les régimes indiciaires des fonctions publiques de l'Etat, territoriale et hospitalière, au risque d'entraver davantage la mobilité des agents entre les trois fonctions publiques.

En réponse à ces questions, M. André Santini, secrétaire d'Etat chargé de la fonction publique, a indiqué en premier lieu que plusieurs décrets d'application de la loi du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique et de la loi du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique étaient déjà parus, concernant notamment les cumuls d'activités et l'expérimentation du remplacement de la notation par un entretien professionnel.

Il a reconnu que les décrets d'application de la loi du 19 février 2007 relative à la fonction publique territoriale n'étaient pas encore parus, mais que plusieurs textes, ayant reçu l'avis favorable du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale et concernant la formation professionnelle tout au long de la vie, les emplois fonctionnels de direction des collectivités territoriales, les agents non titulaires, le droit syndical, et la médecine préventive dans les collectivités territoriales, seraient prochainement publiés. Il a ajouté que le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale examinerait de nouveaux projets de décret le 28 novembre 2007, les derniers projets de textes devant lui être soumis au plus tard avant la fin du premier semestre de l'année 2008.

En deuxième lieu, M. André Santini, secrétaire d'Etat chargé de la fonction publique, a jugé équitable que les agents publics puissent « travailler plus pour gagner plus », selon l'expression utilisée par le Président de la République.

Il a indiqué qu'ils pouvaient bénéficier de la détaxation des heures supplémentaires, prévue par la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, depuis le 1er octobre 2007, les effets de cette mesure devant être pris en compte dès la paie du mois de novembre 2007.

Il a estimé que les agents publics en retireraient un gain salarial de l'ordre de 40 à 50 millions d'euros sur le dernier trimestre de l'année 2007 et de 150 millions d'euros en 2008, hors effet de l'exonération fiscale (100 millions d'euros). A titre d'exemple, a-t-il indiqué, un professeur certifié célibataire et sans enfant gagnant 4.000 euros en 2006 grâce aux heures supplémentaires, gagnera 1.000 euros de plus, soit 5.000 euros, en 2008.

En troisième lieu, M. André Santini, secrétaire d'Etat chargé de la fonction publique, a déclaré que le système de rémunération de la performance permettait la performance de la rémunération.

Il a précisé que le bilan très positif de l'expérience menée avec quelques directeurs d'administration centrale, avec de véritables évaluations des résultats obtenus et de réelles modulations des primes versées entre 0 et 20 % de la rémunération brute annuelle, avait conduit à généraliser ce mode de rémunération pour l'ensemble des directeurs d'administration centrale à compter du 1er janvier 2006.

Rappelant la volonté du Président de la République d'« ouvrir le chantier de l'individualisation des rémunérations pour qu'il soit davantage tenu compte du mérite, de l'implication, de l'expérience, des résultats » et que « l'exemple vienne d'en haut », il a annoncé que la rémunération à la performance, élément fondamental de la motivation de tous les agents publics, serait étendue dans un premier temps aux chefs de service, au niveau central comme au niveau déconcentré, ainsi qu'aux sous-directeurs puis, dans un deuxième temps, à l'encadrement intermédiaire, c'est-à-dire aux chefs de bureau.

En quatrième lieu, M. André Santini, secrétaire d'Etat chargé de la fonction publique, a souligné le caractère formel et obsolète de l'évaluation des agents publics au moyen de la notation, lorsque tous étaient notés entre 17,5 et 22.

Il a indiqué que presque tous les ministères avaient manifesté le souhait de participer à l'expérimentation du remplacement de la notation par un entretien professionnel, selon un calendrier dépendant des cycles actuels d'évaluation.

Il a ajouté qu'un bilan annuel serait présenté au Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat, un bilan définitif devant être communiqué au Parlement au plus tard le 31 mars 2010.

En cinquième lieu, M. André Santini, secrétaire d'Etat chargé de la fonction publique, a exposé que les crédits de personnel et de fonctionnement de la DGAFP, rattachée aux services du Premier ministre, étaient imputés sur le programme « Coordination du travail gouvernemental » de la mission « Direction de l'action du gouvernement ».

Il a indiqué que la direction avait entrepris de réunir l'ensemble de ses crédits au sein d'un même programme pour tenir compte des recommandations parlementaires, mais que le gouvernement issu des élections de juin 2007 avait décidé d'attendre les conclusions de la révision générale des politiques publiques pour prendre une décision définitive, au plus tard en 2008.

Enfin, M. André Santini, secrétaire d'Etat chargé de la fonction publique, a indiqué qu'il n'était pas dans les intentions du gouvernement de créer trois points d'indice différents pour chacun des trois versants de la fonction publique, le principe d'unicité de la fonction publique commandant au contraire de conserver une valeur de point unique.

Il a en revanche affirmé la volonté du gouvernement d'associer l'ensemble des employeurs publics, notamment les employeurs territoriaux, aux négociations salariales conduites par l'Etat avec les organisations syndicales représentatives.

A cet égard, il a estimé que la création d'un ministère chargé du budget, des comptes publics et de la fonction publique était de nature à clarifier et à simplifier le dialogue entre le gouvernement et les syndicats, le ministre chargé de la fonction publique ne pouvant plus rejeter sur son collègue chargé du budget la responsabilité de l'échec des négociations.

Enfin, il a jugé nécessaire de parvenir à élaborer des bases de discussions communes avec les organisations syndicales concernant l'évolution du pouvoir d'achat des fonctionnaires, soulignant que la valeur du point d'indice était certes commune à l'ensemble des fonctionnaires, mais ne représentait que 30 % de leur traitement.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a souligné l'inutilité de la notation pour évaluer le travail des agents publics.

M. Pierre-Yves Collombat est intervenu pour :

- regretter qu'aucun décret d'application de la loi du 19 février 2007 relative à la fonction publique territoriale n'ait encore été publié ;

- souligner la difficulté et les dangers d'assigner des objectifs de gains de productivité à des services publics comme celui de la Justice ;

- s'inquiéter des redéploiements d'effectifs annoncés par le gouvernement et des risques de suppression d'emplois dans les territoires ruraux ;

- déplorer que le gouvernement érige les services commerciaux en modèle pour la réforme des services publics.

M. Christian Cointat a demandé si le gouvernement entendait poursuivre la politique de réduction du nombre des corps de fonctionnaires menée sous la précédente législature, destinée à favoriser la mobilité des agents et à faciliter la gestion des ressources humaines, notamment en améliorant le déroulement de carrière de ceux qui acceptent de s'y prêter.

Par ailleurs, il a souhaité savoir si le mode de rémunération à la performance permettrait non seulement de récompenser les mérites des agents, mais encore de sanctionner leur éventuelle impéritie.

M. Yves Détraigne est intervenu pour :

- souligner la nécessité de simplifier encore les règles de gestion et les régimes indemnitaires de la fonction publique territoriale, ce qui permettrait en outre de favoriser la mobilité des agents entre collectivités territoriales et entre fonctions publiques ;

- demander si des mesures étaient envisagées au bénéfice des nombreux agents des catégories C et B occupant des emplois et faisant fonction d'agents des catégories B et A ;

- regretter l'interdiction faite aux organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre d'harmoniser les différents régimes indemnitaires des agents qui leur sont transférés par leurs communes membres ;

- demander si la détaxation des heures supplémentaires dans la fonction publique allait conduire à la suppression de l'indemnité pour heure supplémentaire versée aux agents ;

- préconiser d'autres mesures que l'organisation de formations communes aux élèves de l'Ecole nationale d'administration et de l'institut national des études territoriales pour favoriser le rapprochement entre la fonction publique territoriale et la fonction publique d'Etat.

Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis, a estimé que les difficultés rencontrées dans les établissements publics de coopération intercommunale tenaient moins à la diversité des régimes indemnitaires mis en place par leurs communes membres qu'au fait que les agents des communes les plus importantes avaient pu bénéficier d'un treizième mois.

M. Patrice Gélard a regretté que les modalités de recrutement des agents de la fonction publique territoriale n'aient pas été adaptées pour tenir compte de la réforme du cursus universitaire. Il a également souligné la nécessité d'entériner la disparition de certaines tâches, de consacrer à l'inverse l'apparition de nouveaux métiers, notamment de juriste, et d'évaluer les perspectives de développement de l'emploi public dans les années à venir. Enfin, s'il a salué le succès du transfert aux départements et aux régions des personnels techniciens ouvriers et de service des collèges et lycées, prévu par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, il a déploré que l'Etat n'ait pas transféré aux départements les cadres de ses directions départementales de l'équipement, contrairement à la volonté du législateur.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a observé que la loi du 19 février 2007 avait sensiblement modernisé et simplifié le statut de la fonction publique territoriale. Il a estimé que des gains de productivité pouvaient être réalisés dans les juridictions, en indiquant à titre d'exemple que le manque de dynamisme du président d'une chambre civile d'une cour d'appel pouvait avoir pour effet pervers de conduire le premier président de cette chambre à confier la plupart des nouvelles affaires à la deuxième chambre civile, plus dynamique, et donc à accroître la charge de travail de ses magistrats.

Abondant en ce sens, M. André Santini, secrétaire d'Etat chargé de la fonction publique, a observé que, selon un constat établi par la commission des finances du Sénat et la Cour des comptes, chaque agent du service des pensions traitait en moyenne annuelle 37 dossiers seulement. Convenant toutefois qu'il n'était pas toujours aisé de définir des critères pertinents pour évaluer la productivité des services, il a toutefois jugé nécessaire et possible d'y parvenir, y compris dans l'éducation nationale.

S'agissant du nombre des corps de fonctionnaires de l'Etat, M. André Santini, secrétaire d'Etat chargé de la fonction publique, a indiqué qu'il était revenu de 700 au 1er janvier 2005 à 500 actuellement, compte non tenu des corps en voie d'extinction

Après avoir souligné que le regroupement des corps de fonctionnaires aux missions similaires dans des corps à l'effectif plus important et au périmètre d'affectation plus vaste avait pour objectif d'améliorer à la fois la gestion des personnels et l'organisation fonctionnelle des services, il a marqué sa volonté de poursuivre l'action engagée par ses prédécesseurs.

Il a ainsi rappelé la fusion de 10 corps en 5 corps rassemblant 15.000 fonctionnaires en 2005, puis de 96 corps en 35 corps rassemblant 118.000 fonctionnaires en 2006, puis de 25 corps en 10 corps regroupant 17.500 fonctionnaires au 31 juillet 2007 et annoncé que le gouvernement entendait à l'avenir mettre en place un nouveau cadre statutaire pour la fonction publique de l'Etat, plus souple et moins segmenté, privilégiant un regroupement par métiers et par compétences des agents.

Enfin, M. André Santini, secrétaire d'Etat chargé de la fonction publique, a observé que les agents de la catégorie C étaient à la fois les plus nombreux et les plus exposés à la concurrence du secteur privé, ajoutant que cette catégorie de la fonction publique n'existait pas en Allemagne.

M. Jean-Claude Peyronnet s'est demandé si l'augmentation du nombre des agents de catégorie C n'était pas liée à l'extension des possibilités de recrutement sans concours.

M. André Santini, secrétaire d'Etat chargé de la fonction publique, a précisé que les recrutements effectués dans le cadre du parcours d'accès aux carrières de la fonction publique territoriale, hospitalière et de l'Etat (PACTE) étaient encore peu nombreux, mais que la loi du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique avait autorisé l'organisation de concours sur épreuves professionnelles.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a exposé que les coûts d'organisation d'un concours pour recruter un agent technique paraissaient disproportionnés.

M. André Santini, secrétaire d'Etat chargé de la fonction publique, a par ailleurs confirmé, d'une part, que la rémunération à la performance permettait aussi bien de récompenser les mérites que de sanctionner les lacunes des agents, d'autre part, que l'indemnité d'heures supplémentaires serait maintenue malgré la détaxation des heures supplémentaires au bénéfice des seuls agents de catégorie B.

Il a indiqué que l'Observatoire de l'emploi public et le Centre national de la fonction publique territoriale avaient pour mission d'évaluer les perspectives de développement de l'emploi public dans les années à venir et qu'une mission avait été confiée à Mme Corinne Desforges pour rénover l'organisation des concours de la fonction publique en tenant compte du nouveau cursus universitaire français et de l'élargissement des conditions d'accès à la fonction publique des ressortissants des Etats membres de l'Union européenne.

Enfin, M. André Santini, secrétaire d'Etat chargé de la fonction publique, a indiqué qu'il était très attentif à la préservation des équilibres fragiles des territoires ruraux, citant en exemple la réforme en cours devant aboutir à la fusion de la direction générale des impôts et de la direction générale de la comptabilité publique.

M. Jean-Jacques Hyest, président, Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis, et M. Yves Détraigne ont tous trois salué le bon déroulement de cette réforme.

PJLF pour 2008 - Mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines - Examen du rapport pour avis

Puis la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de Mme Jacqueline Gourault sur le projet de loi de finances pour 2008 (mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines »).

A titre liminaire, Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis, a rappelé que la modification de l'architecture du projet de loi de finances pour 2008, induite par la composition du gouvernement et les attributions de ses membres, après les élections législatives de juin 2007, avait conduit la commission des lois à modifier le périmètre de son avis budgétaire et à ne plus examiner les crédits de la mission « Direction de l'action du gouvernement ».

M. Patrice Gélard a regretté que, de ce fait, la commission ne donne plus son avis sur les crédits alloués à diverses autorités administratives indépendantes.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a rappelé que la commission des lois avait décidé de ne pas multiplier les avis budgétaires, mais procédait régulièrement à l'audition des présidents des autorités administratives indépendantes intervenant dans ses domaines de compétence. S'agissant de la CNIL, son budget étant rattaché à la mission Justice, il sera examiné dans le cadre de l'avis budgétaire consacré aux crédits des programmes « Justice » et « Accès au droit ».

Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis, a ensuite mis en exergue la forte progression des crédits du programme « Fonction publique » (+30,5 %), en particulier celle des crédits destinés au financement de l'action sociale interministérielle (+ 44 %), en présentant succinctement les différentes prestations individuelles ou collectives proposées par l'Etat à ses agents.

Tout en regrettant que les objectifs de performance assignés au responsable du programme n'aient pas changé, contrairement au souhait exprimé l'an passé par la commission des lois, elle s'est félicitée de ce que les indicateurs de résultat aient été affinés et complétés, notamment pour mieux évaluer la qualité de la formation dispensée dans les instituts régionaux d'administration.

Elle a présenté les effectifs des trois fonctions publiques au 31 décembre 2005, retracé leur évolution au cours des dernières années et relevé que la fonction publique dans son ensemble était largement féminisée, sauf dans les emplois de direction, et avait tendance, à l'instar du secteur privé, à recruter ses propres enfants et à faire peu de place aux enfants d'immigrés.

Puis Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis, a mis en exergue la poursuite de l'effort de maîtrise des effectifs et des dépenses de personnel de l'Etat, engagé sous la précédente législature, en rappelant que le Président de la République avait fixé pour objectif le non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux au cours des cinq prochaines années. En 2008, a-t-elle indiqué, 68.000 départs à la retraite sont prévus et un agent sur trois ne sera pas remplacé, ce ratio global masquant toutefois d'importantes disparités suivant les ministères.

Soulignant que la suppression d'emplois ne devait pas constituer une fin en soi et que la maîtrise des effectifs devait s'accompagner d'une réflexion approfondie sur les missions devant être exercées par l'Etat, elle a observé que les choix du gouvernement s'appuyaient sur les stratégies ministérielles de réforme et les conclusions des audits de modernisation de l'Etat lancés en septembre 2005, désormais relayés par une révision générale des politiques publiques (RGPP).

Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis, a par ailleurs observé que, malgré l'adoption de trois lois importantes en 2005 et en 2007, dont les décrets d'application n'étaient pas encore tous parus, le Président de la République et le Premier ministre avaient mis en chantier de nouvelles réformes et lancé un débat national sur la fonction publique devant s'achever au printemps 2008.

Enfin, elle a indiqué que les crédits du programme « Stratégie des finances publiques et modernisation de l'Etat » s'élèveraient à 414 millions d'euros en autorisations d'engagement et à 282 millions d'euros en crédits de paiement en 2008.

Elle a observé que quatre objectifs étaient assignés au responsable de ce programme : fournir aux administrations un appui efficace dans la mise en oeuvre de la modernisation de l'Etat ; rendre visible au citoyen la modernisation de l'Etat ; améliorer la qualité du volet performance du budget de l'Etat ; améliorer la qualité de service aux administrations dans le domaine des systèmes d'information financière de l'Etat.

Elle a ajouté que le gouvernement avait l'intention de parvenir, en cinq ans, à une réduction de 25 % des charges pesant sur les entreprises et les particuliers.

Enfin, Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis, a signalé, parmi les nombreuses mesures de simplification du droit, qu'un décret du 8 juin 2006 prévoyait la suppression, en juin 2009, des quelque 550 commissions administratives créées par décret avant juin 2006, contraignant les ministères concernés à recréer les commissions qu'ils estimeraient utiles.

M. Yves Détraigne a estimé qu'il convenait d'éviter de multiplier les emplois publics et a salué la révision générale des politiques publiques lancée par le gouvernement. Il a toutefois jugé nécessaire de veiller à ce que l'effort de maîtrise des effectifs de la fonction publique de l'Etat ne porte pas exclusivement sur les services déconcentrés, mais aussi sur les administrations centrales.

M. Pierre-Yves Collombat a dénoncé la méthode suivie par le gouvernement consistant à afficher des objectifs de suppression d'emplois publics sans se préoccuper des besoins à satisfaire. Rejoignant les propos tenus par M. Yves Détraigne, il a souhaité connaître l'évolution comparée des effectifs des services centraux et des services déconcentrés de l'Etat.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a contesté que les suppressions d'emplois aient été faites sans réflexion préalable.

Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis, a relevé que les effectifs des ministères n'avaient augmenté que de 4,5 % depuis 1994, alors que ceux des établissements publics administratifs avaient progressé de 46,7 %, ces derniers employant désormais 9,4 % des agents de l'Etat. En revanche, elle a indiqué ne pas disposer de chiffres sur l'évolution des effectifs des services déconcentrés.

La commission a ensuite donné un avis favorable à l'adoption des crédits des programmes « Fonction publique » et « Stratégie des finances publiques et modernisation de l'Etat » de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », inscrits dans le projet de loi de finances pour 2008.

PJLF pour 2008 - Mission « outre-mer » - Audition de M. Christian Estrosi, secrétaire d'Etat chargé de l'Outre-mer

Au cours d'une seconde réunion qui s'est tenue l'après-midi, la commission a entendu M. Christian Estrosi, secrétaire d'Etat chargé de l'outre-mer, sur le projet de loi de finances pour 2008 (mission « Outre-mer »).

M. Christian Estrosi, secrétaire d'Etat chargé de l'outre-mer, a indiqué que le projet de loi de finances pour 2008 traduisait la vision du gouvernement pour l'avenir des collectivités territoriales d'outre-mer. Il a précisé que celle-ci tendait à mettre un terme à la vision paternaliste jusqu'alors retenue, qui avait eu pour effet de confiner l'économie des collectivités ultramarines dans des productions fortement subventionnées, dépendantes de la métropole et peu compétitives.

Il a indiqué que le gouvernement entendait mener une politique de développement fondée sur l'excellence, la compétitivité et la valorisation des atouts des collectivités ultramarines grâce à un effort financier global de 15,3 milliards d'euros en 2008, contre 13 milliards d'euros l'an passé.

Il a fait observer que cet effort s'accompagnait d'une nouvelle architecture budgétaire et de la création prochaine d'un conseil interministériel pour l'outre-mer présidé par le Président de la République qui permettrait d'améliorer le pilotage des politiques publiques en outre-mer et d'utiliser plus efficacement la ressource budgétaire en liaison avec les préfets et les hauts commissaires.

M. Christian Estrosi, secrétaire d'Etat chargé de l'outre-mer, a expliqué que les crédits de la mission « Outre-mer » s'élevaient pour 2008 à 1,76 milliard d'euros en autorisations d'engagement et 1,73 milliard d'euros en crédits de paiement. Il a souligné que si la comparaison de ces crédits avec ceux de la loi de finances pour 2007 pouvait, à première vue, faire apparaître une baisse, cela s'expliquait par le transfert, vers d'autres missions ou vers d'autres programmes au sein des missions budgétaires gérées par le ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, de crédits jusqu'alors affectés à la mission « outre-mer » :

- 158 millions d'euros consacrés au dispositif de soutien à l'emploi ;

- 96 millions d'euros correspondant à des dépenses de personnel et de fonctionnement.

Il a ainsi mis en exergue l'augmentation, par rapport à 2007 et à périmètre constant, de l'effort de l'Etat dans le cadre de la mission « Outre-mer », les autorisations d'engagement progressant de 2 % et les crédits de paiement de 3 %.

M. Christian Estrosi, secrétaire d'Etat chargé de l'outre-mer, a rappelé que la mission comportait désormais seulement deux programmes, le premier étant relatif à l'emploi. Il a souligné que l'objectif était de lutter contre l'écart inacceptable entre le taux du chômage en outre-mer -qui concerne 19,6 % de la population active- et celui de la métropole -qui est de 8,4 %. Il a précisé qu'un peu plus d'un milliard d'euros étaient ainsi répartis entre des mesures de financement des exonérations de charges sociales, à hauteur de 867 millions d'euros contre 819 millions en 2007, des mesures d'aides directes à l'emploi à hauteur de 30 millions d'euros et des mesures concernant le service militaire adapté, pour 110 millions d'euros.

Il a estimé que l'enjeu fondamental était de donner aux économies ultramarines la capacité de se développer par elles-mêmes, en passant d'une logique de rattrapage par rapport au modèle métropolitain à une logique de développement. A cette fin, il a indiqué que le gouvernement entendait lever au maximum les contraintes pesant sur la création de richesses et structurer les filières porteuses. Il a évoqué la création prochaine de zones franches globales d'activité concentrées sur des secteurs à forte valeur ajoutée, s'accompagnant de mesures fiscales incitatives concernant l'impôt sur les bénéfices, la taxe professionnelle et la taxe foncière.

Il a dit vouloir faire de la mise en place de pôles de compétitivité un axe fort du développement de l'outre-mer qui permettra la création de nouveaux métiers, emplois et entreprises.

Il a souligné que cette ambition de développement devait se faire dans le cadre de l'engagement de la France pour la protection de l'environnement. Il a évoqué l'importance de l'objectif de réduction de la fracture numérique, indiquant que la prochaine loi de programme pour l'outre-mer comporterait un volet spécifique sur ce point et que des travaux sur l'introduction de la télévision numérique terrestre en outre-mer étaient déjà lancés.

S'agissant du second programme de la mission, consacré aux conditions de vie outre-mer, le secrétaire d'Etat chargé de l'outre-mer a souligné la nécessité de maintenir un contexte social favorable en outre-mer. Il a indiqué que l'amélioration des conditions de logement outre-mer était une priorité, les crédits de la mission affectés au logement social étant en hausse de 14 %, passant de 175,7 millions d'euros en 2007 à 200 millions d'euros en 2008. Il a ajouté que la future loi de programme comporterait également un volet dans ce domaine.

Abordant les questions institutionnelles, M. Christian Estrosi, secrétaire d'Etat chargé de l'Outre-mer, a rappelé l'attachement de l'Etat au respect de la mise en oeuvre de l'accord de Nouméa, l'Etat devant être le garant des grands équilibres politiques, économiques et sociaux en Nouvelle-Calédonie. Il a indiqué que lors de son récent déplacement dans cette collectivité, il avait pu réaffirmer cette position auprès de l'ensemble des responsables politiques.

Il a précisé qu'une réunion du comité des signataires de l'accord de Nouméa interviendrait le 20 décembre prochain afin de faire le point sur l'application de l'accord tant en ce qui concerne l'exercice par les collectivités calédoniennes de leurs nouvelles responsabilités qu'à l'égard du développement économique, social et culturel de la Nouvelle-Calédonie.

Il a rappelé que l'accord de Nouméa affirmait la vocation de la Nouvelle-Calédonie à exercer de larges compétences, à l'exception de compétences régaliennes qui ne pourront être transférées qu'à l'issue d'une consultation d'autodétermination prévue entre 2014 et 2018. Il a souligné qu'une partie de ces compétences avait déjà été transférée et que la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie définissait le calendrier et les modalités de transfert des autres compétences. Il a indiqué que des groupes de travail avaient été mis en place par le haut commissariat sur ces questions, la décision d'opérer ces transferts appartenant en tout état de cause aux partenaires calédoniens.

M. Christian Estrosi, secrétaire d'Etat chargé de l'Outre-mer, a ensuite précisé que le secrétariat d'Etat travaillait à l'élaboration des décrets d'application des lois ordinaire et organique du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer, qui avait créé les deux nouvelles collectivités de Saint-Barthelemy et Saint-Martin, annonçant la parution de ces textes avant la fin de l'année.

S'agissant de la question de la départementalisation de Mayotte, il a rappelé que le Président de la République s'était engagé à consulter les électeurs mahorais, à la demande du conseil général, après son renouvellement en 2008. Il a précisé que si cette évolution était approuvée, il reviendrait ensuite au Parlement de l'entériner par le vote d'une loi organique, une telle évolution ne pouvant cependant intervenir que de manière progressive et en parfaite concertation avec les élus.

Plus généralement, il a rappelé la volonté de l'Etat d'accompagner financièrement les collectivités territoriales d'outre-mer dans l'exercice de leurs responsabilités, le projet de loi de finances prévoyant 316 millions d'euros au titre des dotations aux collectivités territoriales. Il a également souligné l'augmentation de 10 % des crédits prévus au titre des engagements contractuels de l'Etat, qui atteindront 110 millions d'euros en crédits de paiement, dont 28 millions sont inscrits dans le contrat de projet pour la Polynésie française.

M. Christian Estrosi, secrétaire d'Etat chargé de l'outre-mer, a souligné que le maintien de la sécurité des citoyens était aussi un axe fort de l'engagement présidentiel en faveur de l'outre-mer, dans la mesure où il était l'une des conditions majeures du développement économique de ces territoires.

A cet égard, il a fait observer les résultats encourageants de la lutte contre la délinquance, mettant en exergue le fait que la hausse générale des chiffres constatés était liée à la forte augmentation de l'activité des services. Il a relevé la baisse de 5,09 % de la délinquance de voie publique, en particulier en Guyane (-25,62 %), en Martinique (-16,28 %) ainsi qu'en Nouvelle-Calédonie (-8,1 %) et à la Réunion (-5,78 %).

Il a rappelé la politique résolue de lutte contre l'immigration irrégulière menée depuis 2002, soulignant les excellents résultats atteints, bien que de fortes difficultés demeurent en Guyane et à Mayotte.

Il a souligné la poursuite de l'amélioration de la politique de prévention des risques dans le domaine de la sécurité civile, le fonds de secours de l'outre-mer restant dans ce cadre l'outil privilégié d'aide aux victimes de catastrophes naturelles. Il a fait observer que 36,6 millions d'euros avaient été délégués par le secrétariat d'Etat à l'outre-mer en 2007 en faveur des victimes du cyclone Gamède à la Réunion ainsi qu'aux entreprises victimes du chikungunia à la Réunion et à Mayotte. Il a annoncé le versement avant la fin de l'année d'une aide aux sinistrés du cyclone Dean en Martinique et en Guadeloupe, les dégâts étant évalués par les experts à 558 millions d'euros, faisant toutefois observer que des moyens avaient immédiatement été mobilisés, puisqu'1,3 million d'euros avaient déjà été délégués et que 50 millions d'euros seraient engagés prochainement.

Abordant le problème de la surpopulation carcérale en outre-mer, M. Christian Estrosi, secrétaire d'Etat chargé de l'outre-mer, a confirmé l'ouverture du nouveau centre pénitentiaire de Saint-Denis de la Réunion en juin 2008, d'un centre pour les peines aménagées de 32 places en Polynésie française, et d'une première extension de 70 places au centre pénitentiaire de Rémire-Montjoly en Guyane. Il a souligné qu'une réflexion sur la construction d'un établissement pénitentiaire à Saint-Martin était engagée. Il a indiqué qu'il s'entretiendrait prochainement de ces sujets avec la garde des sceaux, ce qui lui donnerait l'occasion d'aborder également la question de la carte judiciaire en outre-mer.

M. Christian Cointat, rapporteur pour avis, se félicitant de la pérennité de l'effort de l'Etat en faveur de l'outre-mer, a regretté que le périmètre de la mission « Outre-mer » et la répartition des crédits entre ses programmes aient été une nouvelle fois modifiés, ce qui avait pour effet d'obscurcir la réalité de l'effort financier consenti par la Nation. Il a souhaité une stabilisation de la maquette budgétaire pour les années à venir.

Puis il a souhaité obtenir des précisions sur la mise en place du conseil interministériel pour l'outre-mer, qui serait présidé par le président de la République.

Rappelant que la loi organique du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer avait permis aux départements et régions d'outre-mer, conformément à l'article 73 de la Constitution, d'adapter les dispositions législatives et réglementaires aux spécificités de leur territoire, voire de fixer eux-mêmes les règles dans un certain nombre de matières, il a demandé si certaines de ces collectivités avaient déjà exprimé le souhait d'entamer la procédure leur permettant d'user de cette liberté nouvelle.

Soulignant que le principe de continuité territoriale était un élément essentiel pour garantir les liens entre la métropole et les collectivités d'outre-mer et que la loi ordinaire du 21 février 2007 avait apporté à cet égard un certain nombre d'améliorations, il a constaté que le « passeport mobilité » était victime de son succès, puisque le budget qui lui était consacré se révélait aujourd'hui insuffisant pour satisfaire aux demandes, tandis que, récemment, un audit du ministère des finances a mis en lumière certains dysfonctionnements dans la gestion de ce dispositif, notamment en ce qui concerne le volet « étudiant ». Il a demandé quelles mesures étaient envisagées pour y mettre fin et mieux gérer les coûts.

M. Christian Estrosi, secrétaire d'Etat chargé de l'outre-mer, a rappelé que les crédits de la mission « Outre-mer » représentaient moins de 15 % de l'effort de l'Etat, et que l'objet des redéploiements budgétaires opérés dans le cadre du présent projet de loi de finances visait à améliorer l'utilisation de ces crédits. Il a indiqué que la maquette budgétaire ne devrait plus changer à l'avenir.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a estimé qu'il était logique que le ministère chargé de la gestion des aides à l'emploi en métropole gère également certaines aides de même nature versées dans les collectivités territoriales d'outre-mer. Il a néanmoins insisté sur l'importance du rôle du secrétariat d'Etat chargé de l'outre-mer pour assurer la prise en compte, dans la gestion des crédits budgétaires de chaque ministère, des spécificités de l'outre-mer.

M. Christian Estrosi, secrétaire d'Etat chargé de l'outre-mer, a jugé que là résidait l'enjeu de la réorganisation des services du secrétariat d'Etat à l'outre-mer, pour laquelle des réflexions étaient en cours. Il a indiqué que, compte tenu de son objet, le secrétariat d'Etat devait être doté de cadres plus nombreux afin de servir de relais entre les ministères gérant les crédits et les territoires situés outre-mer dont les spécificités n'étaient pas toujours suffisamment prises en compte.

S'agissant du conseil interministériel pour l'outre-mer, il a précisé que cet organe présidé par le président de la République rassemblerait les ministres principalement concernés par l'outre-mer et qu'il serait institué au cours du premier semestre 2008.

Il a indiqué que le gouvernement n'avait été saisi, à ce jour, d'aucune demande de la part des conseils généraux ou des conseils régionaux d'outre-mer tendant à entamer la procédure leur permettant d'adapter ou de fixer localement les règles dans le domaine de la loi ou du règlement.

Au sujet du « passeport-mobilité », le secrétaire d'Etat a insisté sur le succès de cet instrument, qui avait bénéficié, depuis sa création, à près de 60.000 personnes. Il a indiqué que le coût du volet « étudiant » de ce dispositif avait fortement progressé et que des dérives avaient été constatées, en partie en raison de critères d'attribution trop larges. Il a précisé que ces difficultés avaient été relevées dans le cadre d'un audit et qu'une évaluation qualitative du dispositif et de son éventuelle réforme serait lancée dans les prochaines semaines. Il a relevé que des modifications pourraient être envisagées dans le cadre d'un réexamen global des moyens mis en oeuvre au titre de la continuité territoriale.

Rappelant le déplacement récent du secrétaire d'Etat dans les îles Wallis et Futuna et le fait qu'il y avait affirmé sa volonté de désenclaver l'île de Futuna et de permettre aux parents Futuniens de déclarer la naissance de leur enfant à Futuna, même s'il était venu au monde à Wallis, M. Christian Cointat, rapporteur pour avis, a demandé quelles actions le gouvernement entreprendrait sur ces deux points.

Rappelant que le deuil du roi de Wallis s'était achevé le 6 novembre, il a indiqué que, lorsque son successeur aura été désigné, la réflexion sur l'actualisation du statut de l'archipel, datant de 1961 et qui est le seul à n'avoir pas fait l'objet d'une mise en conformité avec le nouvel article 74 de la Constitution, pourra s'engager. Il a souhaité savoir quels étaient les projets du Gouvernement à cet égard.

Concernant Saint-Pierre-et-Miquelon, il a demandé quelles mesures étaient envisagées par le gouvernement pour mettre en oeuvre les préconisations du rapport de mission présenté en mars 2007 par M. Denis Detcheverry, afin de relancer la coopération entre cette collectivité et le Canada atlantique.

Puis il a souligné que la création du registre international français (RIF) et la quasi-disparition du registre des Kerguelen entraîneraient en 2008 une diminution de 10 % des ressources propres des Terres australes et antarctiques françaises, soit 940.000 euros. Estimant que cette perte constituerait une difficulté pour le fonctionnement de la collectivité, il a souhaité savoir si elle pourrait être compensée par une subvention alimentée par les recettes issues du RIF.

M. Christian Estrosi, secrétaire d'Etat chargé de l'outre-mer, a indiqué qu'il s'était rendu d'abord à Futuna, puis à Wallis, et qu'il avait observé la détérioration des services publics de l'archipel. Expliquant que le personnel de l'hôpital de Futuna travaillait dans des conditions très difficiles et que les établissements scolaires étaient démunis, il a précisé que la piste d'atterrissage de Futuna ne permettait pas d'effectuer des évacuations sanitaires nocturnes. Déclarant qu'il avait posé la première pierre du nouvel aéroport, il a indiqué qu'il avait par ailleurs obtenu l'attribution d'une aide exceptionnelle à l'hôpital de Futuna et la location d'un deuxième Twin-Otter afin d'éviter les ruptures de liaison aérienne entre les deux îles.

S'agissant de Wallis, il a rappelé qu'après la fin récente du deuil du Lavelua, les palabres s'étaient engagées pour la désignation de son successeur. Il a en outre estimé qu'en l'absence de communes sur le territoire de la collectivité et moyennant une dérogation au code civil, il devrait être possible d'autoriser les parents Futuniens à déclarer la naissance de leur enfant à Futuna, même s'il était venu au monde à Wallis. Il a ajouté que le désenclavement numérique de la collectivité avait commencé, chaque district devant être doté d'une cyberbase.

Evoquant ensuite Saint-Pierre-et-Miquelon, il a considéré que le rapport de M. Denis Detcheverry, sénateur de l'archipel, comportait des propositions très pertinentes, la coopération avec les provinces atlantiques du Canada pouvant ouvrir à la collectivité un marché potentiel de 2,5 millions d'habitants. Relevant que la qualité des relations franco-canadiennes était aujourd'hui propice à l'engagement de projets en ce domaine, il a précisé qu'un accord venait d'être conclu avec le Canada pour l'exploration des ressources en hydrocarbures dans la zone frontalière. Il a indiqué que l'Etat préparait un contrat avec Saint-Pierre-et-Miquelon pour le développement de la coopération régionale et réfléchissait à la création d'un fonds de coopération.

Soulignant l'intérêt stratégique des TAAF pour la France et la nécessité d'en préserver les écosystèmes fragiles, il a rappelé que la France avait créé en 2006 la réserve naturelle des Terres australes. Il a estimé que la diminution des ressources financières propres des TAAF, provoquée par la quasi-disparition du registre des Kerguelen, pourrait être compensée par l'attribution à la collectivité d'une part des recettes issues des prélèvements sur les produits des jeux organisés dans les casinos installés à bord des navires immatriculés au registre international français, au moyen d'une modification de la loi n° 2005-412 du 3 mai 2005 relative à la création de ce registre.

M. Bernard Frimat, rappelant que la commission des lois avait effectué une mission d'information à Saint-Pierre-et-Miquelon en septembre 2005, a déclaré que la délégation avait eu le sentiment que la France ne défendait pas suffisamment les intérêts de l'archipel dans les négociations internationales et qu'elle avait en particulier mobilisé de faibles moyens par rapport à ceux déployés par le Canada devant le tribunal arbitral de New York, qui avait rendu en 1992 une sentence très défavorable à la France. Il a estimé que les intérêts de Saint-Pierre-et-Miquelon étaient trop souvent négligés afin de préserver les relations franco-canadiennes et que la France devrait à cet égard faire preuve de davantage de vigilance.

M. Jean-Jacques Hyest, président, rappelant que les jeunes Wallisiens et Futuniens n'avaient d'autre possibilité, pour suivre des études, que de se rendre en Nouvelle-Calédonie, a souligné la nécessité de veiller à ce que leur accueil soit assuré dans de bonnes conditions à Nouméa. Il a rappelé que si l'hôpital de Futuna était démuni, celui de Wallis se trouvait lors de son déplacement sur place, dans une situation plus grave encore, ses locaux étant insalubres et contenant de l'amiante. Il a exprimé le souhait que la résorption de la fracture numérique dans l'archipel s'accompagne de moyens permettant aux habitants d'utiliser le téléphone portable.

M. Christian Estrosi, secrétaire d'Etat chargé de l'outre-mer, a remercié les sénateurs pour leur grande attention aux questions de l'outre-mer, jugeant que leurs observations démontraient la nécessité de maintenir une structure gouvernementale apte à relayer les spécificités des collectivités ultramarines. Considérant que l'installation des jeunes Wallisiens diplômés en Nouvelle-Calédonie pouvait être préjudiciable au développement de leur archipel de naissance, il a estimé que la Nouvelle-Calédonie, bénéficiant d'un taux de croissance très élevé depuis plusieurs années grâce au développement de l'exploitation du nickel, constituait pour eux un pôle d'attraction très puissant.

A cet égard, il a indiqué que M. Paul Neaoutyine, président de la province Nord, lui avait fait part des difficultés suscitées par l'accueil des 7.500 personnes, dont 4.000 habitant déjà la Nouvelle-Calédonie, qui doivent progressivement venir travailler sur le site de Koniambo. Déclarant que l'accord de Nouméa serait entièrement respecté, il a dit espérer le souhait que lors de la consultation sur l'accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie, qui devra être organisée entre 2014 et 2018, la majorité se prononce pour le maintien de la Nouvelle-Calédonie dans la République. Considérant qu'en l'absence d'établissement d'enseignement supérieur à Wallis-et-Futuna, les jeunes Wallisiens étaient amenés à s'installer à Nouméa pour y poursuivre leurs études, il a précisé qu'il avait engagé un projet visant à réserver, à Nouméa, une trentaine de logements aux étudiants originaires de Wallis-et-Futuna. Il a relevé que l'organisation des Jeux du Pacifique en 2011 à Nouméa puis des Mini Jeux du Pacifique en 2013 à Wallis-et-Futuna constituerait des opportunités pour le développement des infrastructures d'accueil dans ces archipels.

Evoquant les violences qui ont marqué l'histoire de la Nouvelle-Calédonie dans les années 1980, M. Bernard Frimat a jugé indispensable de garder à l'esprit les efforts produits par les personnalités signataires de l'accord de Nouméa pour dépasser les oppositions et assurer les conditions de la paix civile.

M. Christian Estrosi, secrétaire d'Etat chargé de l'outre-mer, a souligné qu'il appartenait également à l'Etat de veiller à ce que le prix de cette paix civile ne soit pas négligé en Nouvelle-Calédonie non plus, lors de débordements qui nuisent à son développement. Rappelant que lors de sa visite en Nouvelle-Calédonie en octobre 2007, il s'était rendu sur la tombe de Jean-Marie Tjibaou, il a considéré que pour préserver la paix, l'Etat devait se montrer impartial, mais pas en retrait, sous peine que ne réapparaissent les germes de la division.

Jeudi 15 novembre 2007

- Présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président.

PJLF pour 2008 - Mission « Immigration, asile et intégration » - Audition de M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement

La commission a entendu M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement, sur le projet de loi de finances pour 2008 (mission « Immigration, asile et intégration »).

M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement, s'est réjoui de ce que ce ministère inédit dans l'histoire de la Ve République se dote pour 2008 d'un budget propre, ainsi que d'une véritable administration centrale.

Il a indiqué que ces ressources financières et humaines devaient permettre de mener à bien trois objectifs :

- maîtriser et rééquilibrer les flux migratoires, de telle sorte qu'en 2012, 50 % des flux soient d'origine économique ;

- intégrer les immigrés légaux ;

- imposer le codéveloppement comme une nouvelle forme d'aide publique au développement.

Concernant ce dernier objectif, il a expliqué avoir obtenu la création d'un programme budgétaire spécifique pour le codéveloppement au sein de la mission interministérielle « Aide publique au développement ». Il a précisé que les crédits de paiement et les autorisations d'engagement de ce programme augmenteraient en 2008 de 85 % et 139 % respectivement.

M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement, a ensuite présenté la mission « Immigration, asile et intégration », dont les crédits pour 2008 porteront sur 618,3 millions d'euros en autorisations d'engagement et sur 609,6 millions d'euros en crédits de paiement. Il a ajouté que le plafond d'emploi était fixé à 609 équivalent temps plein travaillé, dont 100 créations de poste, et ne comprenait ni les personnels des préfectures, ni ceux des consulats.

Il a indiqué que ces crédits provenaient :

- du ministère du travail, des relations sociales et de la solidarité, pour 430 millions d'euros ;

- du ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, pour 77 millions d'euros ;

- du ministère des affaires étrangères et européennes, pour 64 millions d'euros ;

- du ministère de la défense, pour 2,5 millions d'euros ;

- de mesures nouvelles, pour 5 millions d'euros.

Il a ensuite détaillé la répartition des crédits par grandes politiques publiques.

Il a indiqué que le premier poste de dépenses était relatif à l'accueil et à l'hébergement des demandeurs d'asile et représentait 50 % des crédits de paiement avec 304,5 millions d'euros. Il a indiqué que le nombre de places en centre d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA) atteindrait 20.700, soit un quadruplement en cinq ans. Il a également souligné que la subvention versée à l'OFPRA par l'Etat permettrait de poursuivre en 2008 les efforts de réduction des délais d'instruction de la demande d'asile et de réduire progressivement les stocks de dossiers d'appel des décisions de l'office devant la commission des recours des réfugiés, rebaptisée Cour nationale du droit d'asile par la loi validée ce jour par le Conseil constitutionnel.

M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement, a poursuivi en indiquant que le second poste de dépenses concernait l'accueil et l'intégration des étrangers en situation régulière avec 29,6 % des crédits, soit 180,5 millions d'euros. A cet égard, il s'est félicité de ce que ce projet de budget poursuive la politique engagée depuis 2003 en confortant les subventions versées, d'une part, à l'Agence nationale d'accueil des étrangers et des migrations (ANAEM), chargée de missions supplémentaires et, d'autre part, l'Agence pour la cohésion sociale et l'égalité des chances.

Il a déclaré partager les préoccupations de la commission des finances du Sénat s'agissant d'une meilleure articulation et d'une modernisation de la gestion financière de ces deux opérateurs.

Enfin, il a indiqué que le troisième poste de dépenses concernait la lutte contre l'immigration illégale avec 14 % des crédits de paiement, soit 85 millions d'euros. Il a expliqué que cette dotation permettrait notamment d'assumer le fonctionnement des 2.400 places en centres de rétention administrative attendues pour fin 2008.

Concernant les dépenses d'éloignement des étrangers en situation irrégulière, il a précisé qu'elles ne portaient que sur les frais de transport pour 39,6 millions d'euros, les autres crédits relatifs notamment aux interventions des services de police restant imputés sur les crédits de la mission « Sécurité ».

Après avoir indiqué disposer des crédits de développement des applications informatiques GREGOIRE et EURODAC, il a plaidé en faveur d'un regroupement en 2009 de l'ensemble des crédits informatiques, y compris ceux de l'application « Réseau mondial visa », au sein de cette mission.

Enfin, M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement, a exposé l'organisation probable de la future administration centrale. Il a indiqué que le coeur des services serait constitué de la direction de l'immigration, distincte du service de l'asile ainsi que du service de l'accueil, de l'intégration et de la citoyenneté.

En outre, il a déclaré souhaiter se doter d'un département des affaires internationales et du codéveloppement, ainsi que d'un département des affaires européennes dans la perspective de la présidence française de l'Union européenne au second semestre 2008.

Il a estimé que l'ensemble de ces crédits permettrait de mettre en oeuvre en 2008 la nouvelle politique d'immigration de la France, caractérisée par le fait que le pays d'accueil se préoccupait désormais de ses conséquences sur les pays d'origine des migrants.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a souligné l'importance d'une vraie politique de codéveloppement pour maîtriser à long terme les flux migratoires.

Après avoir fait part des regrets de M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis, de ne pouvoir être présent, il a posé plusieurs questions en son nom.

En premier lieu, il a souhaité savoir si l'architecture budgétaire pourrait encore évoluer à court ou moyen terme, en particulier s'agissant des crédits relatifs à la délivrance des visas actuellement rattachés à la mission « Action extérieure de l'Etat ». A ce égard, il a expliqué que le décret du 2 novembre 2007 avait généralisé le relevé des empreintes digitales des demandeurs de visa et créé un fichier dénommé Visabio relevant du ministre des affaires étrangères et du ministre de l'immigration. Toutefois, il a observé que les crédits correspondants étaient sous la responsabilité du ministre des affaires étrangères, de la même façon que l'ensemble des crédits des consulats. Incidemment, il a demandé comment le système Visabio se coordonnerait avec le futur système européen des visas, dit VIS.

En deuxième lieu, il a souhaité savoir si des améliorations sensibles avaient été apportées aux conditions d'accueil des mineurs isolés en zone d'attente et si un bilan avait été fait de l'action de la Croix-Rouge à laquelle a été confiée en février 2005 la mission de fournir un administrateur ad hoc à ces mineurs arrivant à Roissy.

En dernier lieu, il a demandé quels seraient les principaux projets portés par la France à l'occasion de la présidence de l'Union européenne au second semestre 2008.

Sur le premier point, M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement, s'est déclaré favorable à un regroupement de tous les crédits relatifs aux systèmes d'information. Il a indiqué que le projet Visabio serait raccordé au futur système européen VIS. Il a espéré que ce projet se concrétise définitivement lors de la présidence française de l'Union européenne. En revanche, il a estimé que les crédits des postes consulaires devaient continuer de figurer au sein de la mission « Action extérieure de l'Etat ». Enfin, il a salué la proposition de la commission des finances du Sénat de créer un document de politique transversale sur ces questions.

Sur le deuxième point, il a indiqué que les mineurs de moins de treize ans étaient hébergés à l'hôtel avec une garde d'enfants. Il a ajouté qu'un accord conclu le 7 juillet 2007 confiait à la Croix-Rouge française une mission d'assistance humanitaire en zone d'attente. Enfin, il a indiqué que des travaux étaient engagés pour mieux isoler les mineurs des autres étrangers maintenus en zone d'attente à Roissy et qu'il convenait d'augmenter le nombre des administrateurs ad hoc.

Sur la présidence française, il a expliqué que la France organiserait trois grandes manifestations à l'automne : la conférence dite Rabat II, une conférence sur l'intégration et une conférence relative à l'élaboration d'un régime européen d'asile.

Parmi ses priorités, il a indiqué qu'il souhaitait :

- renforcer les moyens de l'agence Frontex, à laquelle de nombreux partenaires européens reprochent la faiblesse de ses actions concrètes ;

- ébaucher un régime européen d'asile ;

- conclure un pacte européen sur l'immigration qui pourrait notamment affirmer le refus des régularisations massives, approuver des accords de réadmission, ébaucher ce régime européen d'asile et mettre en avant le codéveloppement.

M. Jacques Gautier a demandé ce que le ministre voulait dire exactement lorsqu'il se déclare être le ministre des immigrés légaux.

M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement, a répondu que les deux critères principaux d'une intégration réussie étaient le logement et le travail. Il a ajouté que la connaissance de la langue française était essentielle pour pouvoir y accéder.

Incidemment, il a relevé que le niveau de langue exigé en Allemagne était beaucoup plus élevé que celui du futur test de français prévu par la loi validée ce jour par le Conseil constitutionnel.

Concernant l'immigration de travail, il a indiqué :

- avoir encore augmenté le nombre d'emplois ouverts aux ressortissants des nouveaux Etats membres ;

- avoir défini une liste restreinte de métiers ouverts aux ressortissants non communautaires, jugeant que le taux de chômage des étrangers en France devait être réduit en priorité ;

- souhaiter conclure des accords bilatéraux avec les pays d'origine afin de mieux cibler les ouvertures de métier en fonction de la situation de l'emploi dans ces pays.

Mme Eliane Assassi a demandé :

- si le nouvel accord relatif au rapatriement des mineurs roumains serait bientôt ratifié ;

- si un calendrier avait été fixé pour réviser la Constitution de façon à permettre la fixation de plafonds d'immigration et l'unification du contentieux des étrangers ;

- quelles informations permettaient de prévoir une baisse de la demande d'asile de 10 % en 2008 justifiant la baisse des crédits de l'OFPRA ;

- quels moyens supplémentaires seraient donnés au tribunal de grande instance de Nantes pour instruire les demandes de recours au test ADN.

M. Henri de Richemont a ajouté que des crédits seraient également nécessaires pour financer l'assistance juridique.

Concernant les ressortissants roumains, M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement, a répondu qu'à la suite de l'entrée de la Roumanie dans l'Union européenne, les éloignements de Roumains n'étaient possibles qu'en l'absence de ressources propres.

Il a ajouté que l'ANAEM avait pris en charge le rapatriement de 1.500 de ces ressortissants. Toutefois, il a jugé que ce système n'était pas pleinement satisfaisant. Il a remarqué que d'autres pays européens, notamment l'Italie, avaient pris des mesures extrêmement dures à l'encontre des ressortissants roumains, démontrant ainsi la nécessité d'une politique européenne d'immigration.

A propos d'une éventuelle révision constitutionnelle, il a indiqué qu'il était déjà possible de fixer des plafonds en matière d'immigration économique, plusieurs accords bilatéraux, notamment avec le Congo, le prévoyant déjà. En revanche, il a expliqué qu'il était impossible de fixer des plafonds globaux incluant l'immigration familiale. Il a proposé la création d'un groupe de travail associant notamment le Parlement afin d'analyser les raisons ayant conduit certains pays à se doter de tels plafonds ou, à l'inverse, à y renoncer. Concernant l'unification du contentieux, il a déclaré que cette réforme était indispensable.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a estimé qu'il était difficilement imaginable de fixer des plafonds pour l'immigration familiale, dès lors que le regroupement familial est un droit reconnu par plusieurs conventions internationales.

M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement, a indiqué qu'il souhaitait uniquement dans un premier temps qu'une réflexion soit engagée sur ce thème, conformément aux voeux du président de la République.

Répondant aux autres interrogations de Mme Eliane Assassi, il a noté que la Cour nationale du droit d'asile serait dotée de l'autonomie budgétaire dès 2009. Il a expliqué que la baisse estimée de la demande d'asile en 2008 était due à une évolution des filières. M. Jean-Jacques Hyest, président, a remarqué que les demandeurs d'asile adressaient leurs demandes dans les pays offrant la législation la plus favorable, par exemple la Suède. Il a ajouté que la réduction des délais d'instruction des demandes d'asile dissuadait les faux demandeurs d'asile de présenter leur demande en France.

Concernant les tests ADN, M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement, a évalué à 150 euros le coût d'un test. Il a indiqué que le tribunal de grande instance de Nantes, dont les crédits ne relèvent pas de son ministère, bénéficierait de redéploiements.

M. Henri de Richemont a remarqué que les hôpitaux de sa région ne fonctionneraient pas sans des médecins étrangers, en particuliers tunisiens.

Concernant le codéveloppement, il a cité les craintes exprimées par M. Abdoulaye Wade, président du Sénégal, jugeant inacceptable les projets de l'Union européenne en matière d'aide publique au développement. Il a demandé si la France aurait une action forte en ce domaine à l'occasion de sa présidence de l'Union européenne.

M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement, a rappelé que la France avait signé un accord exemplaire d'immigration concertée avec le Sénégal à l'initiative de M. Nicolas Sarkozy, à l'époque ministre d'Etat.

Concernant l'aide publique au développement, il a rappelé qu'il s'agissait de sommes considérables et que la France y prenait une part éminente, notamment en contribuant à hauteur de 24,5 % au fond européen de développement. Il a regretté le manque de visibilité de la contribution française.

M. Christian Cambon a demandé des précisions sur le fonctionnement de ces accords d'immigration concertée.

M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement, a cité l'exemple de l'accord avec le Congo. Il a indiqué que ce dernier portait sur le niveau des flux, le retour des illégaux, l'admission des étudiants et des jeunes professionnels, la coopération policière et le codéveloppement.

Il a loué la souplesse de ces accords qui permettent d'adapter et d'individualiser la politique migratoire en fonction de chaque pays d'origine.

M. Jean-Jacques Hyest, président, s'est interrogé sur la possibilité de créer des déductions fiscales au profit des Français qui investiraient dans des actions de codéveloppement. Il a indiqué que les dispositifs fiscaux de ce type n'étaient ouverts qu'aux étrangers dans la perspective de leur retour dans leur pays d'origine.

Sans rejeter l'idée, M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement, a déclaré souhaiter qu'il soit d'abord procédé à une évaluation du compte épargne codéveloppement et du livret d'épargne codéveloppement.