Mardi 20 novembre 2007

- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président. -

PJLF pour 2008 - Mission « Recherche et enseignement supérieur » - Examen du rapport pour avis

La commission a procédé à l'examen du rapport pour avis sur le projet de loi de finances pour 2008 de MM. Henri Revol et Jean Boyer sur les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

M. Henri Revol, rapporteur pour avis, a rappelé que la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » (MIRES) regroupait les crédits de douze programmes thématiques gérés par huit ministères et a précisé que, conformément au champ d'intervention traditionnel de la commission des affaires économiques, il n'évoquerait pas le programme « Vie étudiante », qui porte essentiellement sur les bourses et les logements étudiants. Il a ajouté, pour autant, qu'il suivait avec beaucoup d'attention l'évolution du mouvement actuel dans les universités ainsi que les conséquences que celui-ci pourrait avoir quant à un éventuel redéploiement des crédits au sein de la MIRES sous forme d'amendements du Gouvernement au cours de la discussion du projet de loi de finances.

Soulignant qu'il partageait cette année la rédaction du rapport avec M. Jean Boyer, il a indiqué que son intervention portait sur l'évolution globale des grandes masses financières de la mission ainsi que, plus spécifiquement, sur les crédits alloués au Commissariat à l'énergie atomique (CEA) et au Centre national d'études spatiales (CNES).

S'agissant des montants inscrits dans la loi de finances pour 2008, M. Henri Revol, rapporteur pour avis, a fait valoir que les élections du printemps 2007 n'avaient pas remis en cause l'effort historique pour la recherche initié par le Président Chirac en 2004.

Il a en outre souligné que, conformément aux engagements de l'actuel Président de la République de poursuivre la hausse des moyens de la recherche et de l'enseignement supérieur d'un milliard d'euros par an jusqu'en 2012, le budget 2008 dépassait les montants déjà ambitieux prévus par la loi de programme pour la recherche votée au début de l'année 2006, précisant que ce milliard d'euros supplémentaire était atteint sur les seuls crédits budgétaires « classiques », qui connaissent une augmentation de 4,7 % des crédits de paiement par rapport à 2007.

M. Henri Revol, rapporteur pour avis, a indiqué que cette augmentation profitait surtout à l'université, dans la mesure où des organismes ayant le statut d'établissements publics scientifiques et technologiques (EPST) verraient la hausse de leurs crédits essentiellement affectée au financement de l'augmentation du taux de cotisation aux pensions civiles à compter du 1er janvier 2008.

M. Henri Revol, rapporteur pour avis, a estimé qu'en dépit de cette contrainte budgétaire, les organismes de recherche et d'enseignement supérieur pourraient néanmoins maintenir en 2008 leurs effectifs après des années de fort recrutement et échapper ainsi à la règle du non-remplacement des agents partant en retraite, confirmant que la recherche et l'enseignement supérieur restent bien des secteurs prioritaires de l'action du Gouvernement, contrairement aux contre vérités professées par les organisateurs du mouvement actuel de protestation dans les universités.

Il a indiqué que la présentation des moyens des laboratoires était permise par la forte progression des financements de l'agence nationale de la recherche (ANR) de 825 millions d'euros en 2007 à 950 millions en 2008.

S'agissant de cette agence, M. Henri Revol, rapporteur pour avis, s'est félicité, d'une part, de la poursuite du développement de recherche sur projet et, d'autre part, de ce que, suite à l'insistance de l'ensemble des rapporteurs du Sénat lors du vote du budget 2007, les financements de l'ANR apparaissaient dans les crédits de la MIRES pour 2008 et non plus hors du budget de l'Etat. Il a souhaité qu'il en soit de même l'an prochain pour la nouvelle entité qui naîtra de la fusion entre Oseo, chargé de l'innovation des petites et moyennes entreprises, et l'Agence de l'innovation industrielle, consacrée à la conduite des grands projets. Estimant que cette budgétisation aura pour intérêt de faire apparaître dans la loi de finances les indicateurs de performance de cette nouvelle structure, il a souhaité que soit mis en place, à cette occasion, un nouvel indicateur relatif à l'effet des actions de la future agence sur l'augmentation du chiffre d'affaires des entreprises aidées et, si possible, sur la création d'emplois.

M. Henri Revol, rapporteur pour avis, a en outre rappelé que s'ajoutait aux moyens prévus pour l'année 2008 un effort supplémentaire sous forme de dépense fiscale qui devrait augmenter de 455 millions d'euros, dont 390 millions au titre d'une nouvelle montée en charge du crédit impôt recherche. Rappelant l'intérêt de ce dispositif dans un pays qui se situe au-dessus de la moyenne de l'OCDE pour la recherche publique et très en dessous pour la recherche privée ainsi que les termes du rapport d'évaluation du crédit impôt recherche de fin 2006, il a jugé urgent de ne plus modifier les règles de ce crédit d'impôt qui sont modifiées chaque année depuis quatre ans. Il a néanmoins estimé que les modifications apportées cette année étaient très positives bien qu'ajoutant encore à l'instabilité du dispositif.

En conclusion de cette présentation générale, M. Henri Revol, rapporteur pour avis, a constaté que le projet de budget confirmait la priorité donnée aux différentes composantes de la recherche, même si l'effort consenti en 2008 sera en grande partie grevé par l'impact de l'augmentation des cotisations de retraites sur les EPST.

Il a ensuite fait part de sa préoccupation s'agissant de la façon dont les crédits étaient parfois alloués aux établissements de recherche et des problèmes de gouvernance que soulèvent parfois les relations entre l'Etat et ces derniers.

Sur ce point, il a tout d'abord souligné que le CEA était confronté depuis plusieurs mois à une sorte de double langage de l'Etat, tenant au très net décalage entre d'une part, un contrat d'objectifs, prévoyant une stabilisation des subventions de l'Etat et d'autre part, les engagements pris par le Gouvernement précédent qui imposent au CEA une montée en charge, à la fois pour développer la quatrième génération de réacteur nucléaire à l'horizon 2020 et pour accélérer la recherche dans le domaine des énergies renouvelables, comme celle portant sur les biocarburants de deuxième génération.

M. Henri Revol, rapporteur pour avis, a constaté que la situation créée par ce tiraillement était intenable, et ce, malgré de grands efforts de redéploiement interne et de productivité réalisés par le CEA. Il s'est néanmoins félicité de ce qu'un début de solution ait été trouvé grâce à l'engagement pris par le Gouvernement à l'Assemblée nationale d'affecter au CEA 15 millions d'euros prélevés sur les dividendes du groupe Areva.

Il a fait valoir que cette solution a le mérite de ne pas effectuer de prélèvement sur le financement des pôles de compétitivité, comme cela avait été un temps envisagé et qu'elle constitue un mode de financement innovant, la question de la répartition des dividendes et des futurs produits de cessions d'Areva étant d'ailleurs loin d'être épuisée, de nouveaux développements étant attendus en 2008.

Néanmoins, M. Henri Revol, rapporteur pour avis, a estimé que ces 15 millions d'euros ne suffiront toutefois pas au CEA pour remplir ses engagements. Il a donc indiqué qu'il demanderait en séance au ministre de doubler ce montant.

S'agissant ensuite du CNES, M. Henri Revol, rapporteur pour avis, a formulé des regrets quant à la sincérité du budget soumis au Parlement.

En effet, il a rappelé qu'outre le gel de crédits annoncé de 33 millions d'euros, le CNES a été informé la semaine dernière par un simple courrier électronique administratif que sa dotation serait diminuée de 5,3 millions d'euros par rapport au montant affiché en loi de finances, et ce conformément aux montants inscrits au contrat pluriannuel. Il a estimé qu'en plus du fait de menacer la réalisation du programme d'horloge atomique Pharao, cette diminution était choquante et il a regretté que contrairement aux gels et annulations budgétaires, la modification n'avait fait l'objet d'aucune publicité, par exemple sous la forme d'un amendement au projet de loi de finances, ce qui laisse croire aux parlementaires que le montant des crédits prévus au programme « Recherche spatiale » pour 2008 reste inchangé. Il a indiqué qu'il ferait part au ministre de son désaccord avec ce type de procédé.

Il a enfin fait part de son regret de voir la France progressivement perdre son rang de pays moteur de l'Europe spatiale, et ce, au profit de l'Allemagne dont il a précisé qu'elle nourrissait aujourd'hui de grandes ambitions, notamment quant à l'envoi, par ses seuls moyens nationaux, d'un satellite autour de la Lune.

En dépit de ces quelques réserves, M. Henri Revol a proposé l'adoption des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » inscrits au budget 2008, crédits qui, malgré un contexte économique et financier très difficile, maintiennent le cap très ambitieux fixé il y a trois ans.

M. Charles Revet a salué le rapport présenté à la fois quant à son contenu, mais aussi quant à la franchise dont il témoigne à l'endroit de certains éléments du projet de budget de la recherche pour 2008.

Il a aussi interrogé le rapporteur pour avis sur ce que recouvrait les biocarburants de deuxième génération, tout en faisant observer que la première génération lui semblait connaître des difficultés de développement.

En réponse, M. Henri Revol, rapporteur pour avis, a précisé que les biocarburants de la deuxième génération résultaient de la transformation en gaz de l'ensemble de la biomasse des végétaux, et non de leurs seules graines.

Il a, par ailleurs, rapporté les estimations du haut commissaire à l'énergie atomique, pour qui une vingtaine de réacteurs nucléaires permettraient de fournir l'énergie nécessaire à une production de biocarburants équivalente à l'ensemble de la consommation française de pétrole.

De plus, M. Henri Revol, rapporteur pour avis, a évoqué les perspectives vraisemblablement très intéressantes offertes par les biocarburants de la troisième génération, obtenus à partir d'algues.

M. Philippe Leroy est intervenu pour préciser que le bois ne pourrait contribuer que marginalement au développement des biocarburants, prenant l'exemple de l'usine de Clamecy qui met en évidence le coût relativement élevé de la ressource sylvicole. Aussi, a-t-il estimé que ces carburants devraient essentiellement provenir de biomasse cultivée.

Sur ce point, M. Jean-Paul Emorine, président, a rappelé qu'il y avait lieu de s'interroger sur le coût relatif des différentes ressources possibles, car il se pose la question de la concurrence dans l'utilisation des surfaces disponibles entre les cultures, alimentaires d'une part et les cultures industrielles d'autre part.

Il a illustré ce propos par les enseignements tirés de la mission de la commission conduite au Brésil au mois de septembre.

M. Daniel Reiner a pris acte du fait que les montants inscrits dans le projet de budget 2008 de la MIRES traduisaient un des engagements pris par le Gouvernement, tout en estimant nécessaire de bien distinguer ce qui relève de l'application de mesures déjà acquises et de l'impulsion d'une volonté politique nouvelle.

Il a toutefois émis des doutes sur la sincérité de ce budget, estimant que des diminutions de crédits dès le début de l'année 2008 étaient hautement probables.

M. Daniel Raoul a exprimé, à son tour, de fortes inquiétudes quant à la sincérité de ce budget notant, en outre, que le projet du budget de la MIRES faisait apparaître une augmentation réelle des moyens budgétaires limitée à 200 millions d'euros.

M. Jean-Paul Emorine, président, a tenu, pour sa part, à souligner le fait que les problèmes liés à la gestion des crédits en cours d'exercice n'étaient pas nouveaux. Il a, en revanche, fait valoir que l'effort budgétaire réalisé en faveur de la recherche était très appréciable.

Puis la commission a entendu le second rapporteur sur les crédits de la MIRES, M. Jean Boyer.

Déclarant partager pleinement l'appréciation d'Henri Revol sur les crédits de l'ensemble de la mission « Recherche et enseignement supérieur », M. Jean Boyer, rapporteur pour avis, a souhaité centrer son propos sur un aspect de la politique d'innovation lui tenant à coeur, à savoir les pôles d'excellence rurale, même si du point de vue strictement budgétaire, ces pôles relèvent aujourd'hui de la mission de la loi de finances relative à la « politique des territoires », dont l'examen avait été confié par la commission à MM. Jean-Paul Alduy et Dominique Mortemousque.

M. Jean Boyer, rapporteur pour avis, a rappelé comment, dans le cadre du système de gestion désormais simplifié, 175,5 millions d'euros de crédits budgétaires nouveaux devraient contribuer au financement des 379 pôles d'excellence rurale, via le fonds national de l'aménagement du territoire (le FNADT).

Eu égard à ces crédits, M. Jean Boyer, rapporteur pour avis, a tout d'abord regretté l'absence d'intervention du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche au profit des pôles d'excellence rurale. Il a déploré cette carence, tout comme celle du ministère de l'éducation nationale, alors même qu'onze ministères sont mobilisés au travers du fonds interministériel.

Il s'est déclaré surpris par cette absence de concours, alors même que l'innovation et la formation figuraient parmi les raisons d'être des pôles d'excellence rurale, illustrant son propos par le fait qu'une part, plus de soixante pôles portaient sur des projets concernant l'utilisation des technologies au service des entreprises industrielles et artisanales, et que d'autre part, les universités, les IUT ou les structures comparables avaient une triple vocation de formation, d'innovation et d'expertise au profit des territoires.

Il a en outre estimé que cette absence de concours du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche était aussi sensible sur le terrain et il a souhaité évoquer le cas du pôle d'excellence rurale des volcans d'Auvergne, au sein duquel a été développé un projet de relance et de modernisation de l'ensemble de la filière concernant la pierre de lave, de l'extraction des pierres jusqu'à leur utilisation comme matériaux de construction. Exposant comment ce projet était mené à bien grâce à une collaboration étroite entre les collectivités et l'Ecole départementale de Volvic, institution privée formant des techniciens dans ce secteur, il a souligné le caractère vertueux de la démarche engagée, qui contribuait à former les jeunes de la région dans la perspective d'emplois pérennes et qualifiés, tout en développant une industrie et des services à forte valeur ajoutée. Il a malheureusement constaté qu'un tel exemple de coopération aurait été très difficile à réaliser avec un lycée technique, un IUT ou un organisme relevant du ministère de l'éducation nationale ou de celui chargé de l'enseignement supérieur.

Il a estimé que cette difficulté participait d'un des problèmes structurels de l'innovation en France, à savoir la trop grande séparation entre, d'une part, les structures publiques d'innovation et de formation et, d'autre part, les PME, hormis dans les secteurs de très haute technologie. M. Jean Boyer, rapporteur pour avis, a rappelé combien ces coopérations étaient pourtant nécessaires, la France se classant derrière l'Allemagne et l'Italie en la matière.

Puis il a déploré que rien ne soit prévu dans le budget pour le financement du fonctionnement des pôles d'excellence rurale. Evoquant l'action positive de la délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité du territoire en vue de mobiliser plusieurs réseaux professionnels pour assurer l'ingénierie de certains pôles, M. Jean Boyer, rapporteur pour avis, a souligné qu'elle reposait quasi exclusivement sur la base du volontariat et ne réglait pas la question de l'animation du pôle lui-même, alors même que ces pôles étaient portés par des acteurs locaux de taille modeste ne disposant pas des facilités et moyens importants mis au service des pôles de compétitivité.

Au-delà de ce regret, M. Jean Boyer, rapporteur pour avis, a conclu en déclarant partager l'avis favorable d'Henri Revol sur les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » demandés pour 2008.

M. Jean-Paul Emorine, président, en remerciant le rapporteur pour sa présentation, a rappelé qu'il avait participé avec lui au Comité de sélection des pôles et contribué à porter le nombre de pôles à 379.

Il a indiqué qu'il regrettait lui aussi que les pôles d'excellence rurale ne bénéficient d'aucun financement pour leur fonctionnement au contraire de ce qui existe pour les pôles de compétitivité prenant, sur ce dernier point, l'exemple du pôle nucléaire bourguignon.

M. Daniel Reiner a estimé que les pôles d'excellence rurale constituaient une bonne initiative qui favorisait l'émergence de projets qui n'auraient sans doute pas vu le jour spontanément.

Dans ce contexte, il s'est interrogé sur les raisons du développement relativement modéré de la filière bois, alors même que ce matériau devrait connaître un certain succès du fait des nouvelles attentes environnementales.

M. Philippe Leroy est intervenu pour apporter quelques éléments de réponse à cette question. Il a tout d'abord fait valoir que la filière bois était dans une situation globalement satisfaisante, comme en témoigne le fait qu'elle soit parvenue à maintenir ses effectifs constants au cours de ces trente dernières années à la faveur d'un net effort de modernisation et de développement de productions variées telles que papiers journaux ou des paquets.

Il a toutefois indiqué qu'une croissance rapide du secteur était peu probable pour deux raisons essentielles :

- d'une part, le fait que la maison de bois de type nord-américain ne rencontrait que peu de succès sur le marché français ;

- d'autre part et surtout, la limitation de la production réelle à environ 40 % des capacités théoriques de coupes évaluées à 100 millions de mètres cubes. Il a expliqué ce décalage par le morcellement et la mauvaise organisation d'une partie de la forêt française.

M. Charles Revet a ensuite demandé si le processus de labellisation des pôles d'excellence rurale était arrêté.

M. Jean Boyer, rapporteur pour avis, lui a répondu par l'affirmative, M. Jean-Paul Emorine, président, précisant qu'aucune labellisation supplémentaire n'était aujourd'hui annoncée, du moins dans l'attente des résultats obtenus par les 379 pôles existants.

Mme Odette Herviaux a souhaité savoir si les montants annoncés par le rapporteur correspondaient à l'ensemble de la dotation d'ensemble du FNADT ou aux moyens spécifiquement affectés aux pôles d'excellence rurale.

En réponse, M. Jean Boyer, rapporteur a précisé qu'il s'agissait du seul financement des pôles.

Puis la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », les groupes Union pour un mouvement populaire et Union centriste-UDF votant pour, le groupe socialiste s'abstenant.

Mercredi 21 novembre 2007

- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président, puis de M. Gérard César, vice-président. -

PJLF pour 2008 - Mission « Développement et régulation économiques » - Examen du rapport pour avis

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a tout d'abord procédé à l'examen du rapport pour avis sur le projet de loi de finances pour 2008 de MM. Pierre Hérisson et Gérard Cornu sur les crédits de la mission « Développement et régulation économiques ».

M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis, a commencé sa présentation des crédits de la mission en indiquant qu'elle s'appelait encore « Développement et régulation économiques », mais n'avait plus grand chose à voir avec la mission du même nom dont lui-même et ses collègues corapporteurs pour avis avaient présenté les crédits l'an dernier. En effet, dans le projet de loi de finances pour 2008, la mission « Développement et régulation économiques » regroupe 1,3 milliards d'euros d'autorisations d'engagement et presque autant en crédits de paiement, alors qu'elle était dotée l'an dernier de près de 3,95 milliards d'euros : les crédits de la mission ont donc été réduits des deux tiers, en raison d'une révision profonde de son périmètre.

Il a relevé que, seuls, deux programmes subsistaient, mais avec un périmètre bouleversé :

- le programme « Développement des entreprises », devenu « Développement des entreprises, des services et de l'activité touristique », puisque les crédits du tourisme ont quitté la mission « Politique des territoires » pour devenir une action dans ce programme ; à l'inverse, ce programme a perdu l'action « Energie et matières premières », qui a rejoint la mission « Ecologie, développement et aménagement durables » ; enfin, les crédits des administrations du commerce extérieur, en France comme à l'étranger, ont été transférés vers la mission « Pilotage de l'économie française » ;

- le deuxième programme subsistant dans la mission concerne la « Régulation économique ». La direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) qui participait à ce programme a été transférée vers la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », ce qui explique la baisse de 83 % des crédits du programme.

M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis, a considéré que les multiples modifications subies par la mission la rendaient méconnaissable et que les comparaisons étaient très difficiles.

Il a souhaité profiter de l'examen de ces crédits pour aborder la problématique du pouvoir d'achat, finalement au coeur du sujet. Bien qu'il apparaisse comme un sujet de préoccupation majeur pour les Français, le pouvoir d'achat, a-t-il fait observer, n'est pas en recul et s'est même accru en rythme annuel de près de 2 % depuis 2002. Pourtant, surtout depuis deux ans, les ménages ont une perception différente de l'évolution de leur pouvoir d'achat, qu'ils jugent menacé, ce qui nourrit la controverse sur la fiabilité des indicateurs de l'INSEE.

Il a jugé que l'impression de stagnation, voire de recul, du pouvoir d'achat pouvait s'expliquer par plusieurs facteurs :

- d'abord, le passage à l'euro, pourtant intervenu il y a plus de cinq ans, a provoqué une certaine défiance envers les prix, surtout chez les personnes âgées ;

- ensuite, l'évolution démographique : en effet, l'INSEE mesure la progression du pouvoir d'achat de l'ensemble des ménages, mais non sa progression par ménage. Or le nombre de ménages va croissant, puisque de plus en plus de personnes vivent seules, notamment du fait de l'éclatement des familles et du vieillissement de la population, si bien qu'en moyenne, le pouvoir d'achat par ménage a connu une quasi-stagnation ;

- une forme de myopie naturelle des consommateurs, qui les rend plus sensibles aux hausses de prix des produits qu'ils achètent régulièrement (la baguette, le carburant...) qu'aux baisses de prix des produits de haute technologie qu'ils acquièrent moins fréquemment (ordinateurs, écrans plats...) ;

- enfin, l'apparition de nouveaux standards de qualité ou de nouvelles offres de biens et services, qui augmente le désir ou le « vouloir d'achat », ce qui peut nourrir un sentiment de frustration.

Au-delà de ces explications, M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis, a estimé qu'il fallait aussi admettre les limites de la mesure du pouvoir d'achat. Le pouvoir d'achat se calcule en rapportant l'indice des prix à l'évolution du revenu, or l'indice des prix à la consommation produit par l'INSEE présente des insuffisances évidentes : il ne prend en compte les dépenses de logement que sous l'angle des loyers et des charges, au motif que l'acquisition d'un logement relève de l'investissement et non de la consommation, négligeant donc le poids de l'inflation immobilière sur le coût de la vie des accédants à la propriété.

Surtout, les ménages ne sont pas égaux devant l'inflation. Les ménages les plus modestes se trouvent en effet, du fait de la structure de leur consommation, plus exposés que la moyenne aux hausses des prix : par exemple, la flambée des prix de l'énergie alourdit les factures de chauffage et renchérit le coût des trajets domicile-travail.

Néanmoins, M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis, est convenu que des menaces réelles pesaient sur le pouvoir d'achat : d'une part, la hausse des prix des matières premières, énergétiques et agricoles ; mais aussi, le caractère incompressible de certaines dépenses contraintes, menace plus pernicieuse.

Or, selon les calculs de l'INSEE, les dépenses contraintes seraient proches de 40 % des dépenses totales des Français. On y trouve le logement, les transports, les assurances obligatoires, les conventions bancaires, les abonnements aux télécommunications... Le pouvoir d'achat de la partie résiduelle du revenu disponible aurait ainsi connu une croissance significativement plus faible que celle du pouvoir d'achat global mesuré par l'INSEE. Mais encore faut-il s'entendre sur la définition de la consommation contrainte et distinguer entre les dépenses quasiment obligatoires dans le mode de vie contemporain et celles qui présentent un caractère irréversible en raison des « coûts de sortie ».

M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis, s'est alors interrogé sur les moyens d'améliorer le pouvoir d'achat contraint. La dynamique du pouvoir d'achat étant à la fois celle de la croissance, qui induit celle des revenus, et celle de la concurrence, qui pèse sur les prix, c'est sur ces deux tableaux qu'il convient d'agir.

En matière de soutien aux revenus, le Gouvernement a commencé cet été par la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, en vigueur depuis octobre, pour encourager le recours aux heures supplémentaires.

Côté prix, M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis, a rappelé que le Gouvernement avait déposé un projet de loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs. Il a expliqué que la commission des affaires économiques avait constitué en son sein un groupe de travail sur ce texte, qu'il avait l'honneur de présider. Précisant que l'objet du texte était, notamment, de modifier le calcul du seuil de revente à perte, il a estimé que la concurrence par les prix entre opérateurs devrait ainsi s'effectuer sur une base plus réaliste, c'est-à-dire le prix réellement payé par le distributeur au fournisseur en prenant en compte toutes les contreparties financières obtenues, y compris donc les « marges arrière ».

Il s'est félicité de ce projet, la concurrence ravivée allant sans doute bénéficier aux consommateurs, mais a souligné qu'une libération du jeu du marché pourrait entraîner un risque de fragilisation des PME.

C'est pourquoi il a tenu à insister sur la nécessité de renforcer le soutien public aux PME. Notamment, il s'est inquiété de l'évolution budgétaire du Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC), outil précieux à ses yeux. Dans le projet de loi de finances pour 2008, les crédits de paiement destinés au FISAC baissent de 25 % pour passer de près de 80 millions en 2007 à 60 millions d'euros en 2008. Sans nier que les crédits FISAC n'étaient peut-être que partiellement consommés, il en a conclu que cela devrait plutôt inciter à moderniser le fonds et à en simplifier l'accès, par des procédures allégées, qu'à en diminuer la dotation budgétaire. Il a annoncé qu'il comptait attirer l'attention du ministre sur ce point, essentiel à l'équilibre du paysage économique français.

Prenant le relais, M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis, a souhaité s'attarder sur une action financée par cette mission : le développement des télécommunications, des postes et de la société de l'information.

Il a considéré que cette action embrassait un champ très large et très important de notre économie et jugé son actualité toujours foisonnante. Il a focalisé son propos sur La Poste, à laquelle, en évoquant le rôle joué par son collègue Gérard Larcher à l'égard de cette belle entreprise, il accordait une attention fidèle depuis plusieurs années et qui se trouve face à d'importantes échéances. Si le transport de presse constitue la part la plus importante du budget que l'Etat consacre à La Poste, avec 160 millions d'euros, l'action de l'Etat en matière postale, a-t-il fait valoir, dépasse largement cette ligne budgétaire.

Dressant d'abord le bilan du partenariat entre l'Etat et La Poste, à la veille du terme du contrat baptisé « Performances et convergences » signé en janvier 2004 pour quatre ans et destiné à accompagner sa modernisation, il a estimé le contrat rempli en grande partie.

D'abord, La Poste a entrepris de moderniser son outil de travail ; elle a lancé en 2005 un plan de modernisation industrielle baptisé « Cap qualité courrier », doté de 3,4 milliards d'euros, qui sera achevé en 2010 et qui doit apporter des gains de productivité et de qualité décisifs. La qualité de service s'en est déjà trouvée améliorée, avec plus de 81 % de lettres distribuées dès le lendemain de leur dépôt en 2006. L'objectif du contrat de plan de 85 % en 2007 n'a toutefois pas encore été atteint : il reste donc des progrès à réaliser.

Ensuite, la présence postale a été réinventée : La Poste s'est engagée à maintenir ses 17.000 points de contact, et elle tient cet engagement tout en faisant évoluer la physionomie de son réseau afin de l'adapter à la France d'aujourd'hui. Le réseau postal s'appuie désormais sur 5.000 partenariats (3.500 avec les communes, 1.500 avec les commerçants). Surtout, la contribution de La Poste à l'aménagement du territoire a été identifiée par la loi adoptée en 2005 et organisée par les décrets d'application. Ainsi, sauf circonstances exceptionnelles, plus de 10% de la population du département ne peut se trouver éloignée de plus de 5 kilomètres et de plus de 20 minutes de voiture d'un point de contact de La Poste. Un fonds postal national de péréquation territoriale a été créé pour contribuer au financement de cette mission. La Poste bénéficie à ce titre d'une dépense fiscale, par le biais d'un allègement de fiscalité locale, évaluée à 140 millions d'euros pour les trois prochaines années. Précisant qu'un contrat pluriannuel de présence postale territoriale organisant la répartition de ces fonds entre départements avait été signé avant-hier par La Poste, l'Etat et l'Association des maires de France (AMF), il a admis que le coût de l'aménagement du territoire ne serait pas couvert par ces 140 millions et que, selon le Gouvernement, 240 millions d'euros pèseraient encore annuellement sur les comptes de La Poste.

En outre, la question des retraites a été réglée pour La Poste en décembre 2006 et la solution validée au plan communautaire. Ainsi, La Poste va se trouver placée à partir de 2010 en situation d'équité concurrentielle : après versement d'une soulte de 2 milliards d'euros en 2006, le taux de la contribution employeur libératoire de La Poste devrait égaliser les niveaux de charges sociales et fiscales sur les salaires entre La Poste et ses concurrents du secteur postal et du secteur bancaire. Mais, parallèlement, la charge de la liquidation du paiement des retraites des fonctionnaires de La Poste va s'accroître très sensiblement pour le budget de l'Etat au cours des prochaines années, ce qui implique de rechercher un adossement d'une partie du financement de ces pensions sur les régimes de retraites de droit commun ; la loi prévoyant que ce dossier aboutisse d'ici à la fin 2008, M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis, a indiqué qu'il s'enquerrait auprès du ministre de son état d'avancement.

Enfin, les services financiers ont été transformés en Banque postale au 1er janvier 2006 : si M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis, a estimé que le démarrage de cette banque semblait répondre au plan d'affaires de La Poste, il a jugé que l'un des défis des cinq ans à venir était de dynamiser la progression de son produit net bancaire.

En définitive, il a reconnu que La Poste avait amélioré sa rentabilité, passée de 0,6 % en 2002 à 4,7 % en 2006, et fait observer qu'elle réalisait désormais 70 % de son chiffre d'affaires dans le secteur concurrentiel.

Il a ensuite présenté les défis que devait relever La Poste, grâce au contrat 2008-2012 qu'elle élabore aujourd'hui avec le Gouvernement.

D'abord, la concurrence totale sur le marché du courrier : la position commune dégagée au Conseil en octobre 2007, dans la foulée de la position prise par le Parlement européen cet été, devrait finalement conduire à une ouverture totale à la concurrence de la distribution du courrier au 1er janvier 2011. M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis, y a vu, pour La Poste, l'opportunité de bénéficier de deux années supplémentaires pour se préparer -achèvement de la modernisation de son outil industriel, développement des services associés au courrier, amélioration de l'accueil du client- et, pour la France, une chance pour conforter le service public postal avant d'envisager un substitut à son financement par le secteur réservé. Sur ce point, il a souligné que le Sénat avait été entendu puisque, comme il le demandait dans sa résolution européenne de février 2007, le Gouvernement français avait obtenu que des précisions sur les modalités de calcul du service universel soient annexées à la directive, que les missions de service public complémentaires au service universel, comme l'aménagement du territoire, soient prises en compte et que le périmètre du service universel soit assuré, la possibilité d'une sixième levée par semaine étant incluse dans le service universel et même prévue dans le texte. Il a déclaré qu'il s'agissait donc d'une victoire pour La Poste et pour le service public dans notre pays.

Ensuite, La Poste doit à l'avenir relever un défi important, selon M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis : dynamiser La Banque postale. Si son activité est en croissance (+ 6,3 % en 2006), une note interne laisse entendre que La Banque postale aurait perdu des parts de marché sur la plupart de ses produits, notamment sur les dépôts à vue et l'épargne ordinaire. A ces résultats mitigés, il faut ajouter la menace d'une banalisation de la distribution du livret A, décidée en mai dernier par la Commission européenne avec effet au 10 février 2008. Si le Gouvernement a introduit un recours, auquel s'est joint La Poste, pour contester cette décision, il n'est pas suspensif et son issue est incertaine. C'est sans doute, a expliqué M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis, pourquoi Madame Lagarde, ministre de l'économie, a décidé avant-hier d'autoriser La Banque postale à distribuer du crédit à la consommation, moyen efficace de rajeunissement de sa clientèle et gisement de rentabilité.

M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis, a estimé que, si elle devait intervenir, une banalisation du livret A, auquel La Banque postale doit aujourd'hui 13 % de son produit net bancaire, ne pourrait pas s'envisager sans une gamme bancaire complète : le droit commun doit jouer dans les deux sens. Il est en effet indispensable que La Banque postale combatte à armes égales avec les banques concurrentes. Il a rappelé que le livret A concourait à deux missions d'intérêt général : le financement du logement social et l'accessibilité aux services bancaires. Il a jugé que la distribution de crédits à la consommation constituait, en tout état de cause, un nouvel enjeu pour La Banque postale : bien sélectionner les partenaires avec lesquels offrir le crédit à la consommation pour en faire, d'ici à deux ans, un vecteur de dynamisation de son positionnement concurrentiel.

Enfin, a-t-il relevé, La Poste doit encore affronter une dernière incertitude relative à la garantie de couverture par l'Etat de ses obligations financières. La Commission européenne a ouvert le mois dernier une enquête approfondie sur la garantie illimitée de l'Etat français dont bénéficie La Poste en tant que personne morale de droit public : cette garantie publique permet à La Poste de se financer à des conditions particulièrement avantageuses, que ce soit pour ses activités de service postal universel ou pour ses activités en concurrence, ce qui, aux yeux de Bruxelles, constitue un avantage déloyal à l'égard de ses concurrents à la veille de l'ouverture totale des marchés postaux. La Poste se défend en faisant observer qu'elle ne bénéficie pas de la note triple A de l'Etat, mais d'un AA justifié par la solidité de son actionnaire unique et ses bons fondamentaux économiques. M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis, a toutefois rappelé que la Commission européenne avait obtenu en 2003 la fin de la garantie équivalente dont bénéficiait EDF et que ce dossier pourrait être lourd de conséquences pour La Poste.

Il a donc appelé à la vigilance sur le contrat 2008-2012 que La Poste va bientôt signer avec l'Etat, ce contrat étant en mesure d'offrir à La Poste française un avenir en Europe, tout en confortant le service public postal.

M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis, a repris la parole pour présenter les deux articles rattachés à la mission « Développement et régulation économiques » : les articles 42 et 43 de la deuxième partie.

L'article 42 propose de permettre, en 2008, aux chambres de commerce et d'industrie ayant délibéré favorablement en vue de la mise en oeuvre d'un schéma directeur régional d'augmenter au maximum de 1 % le taux de la taxe qu'elles perçoivent. Il s'agit de reconduire une mesure déjà adoptée l'an dernier pour en faire profiter les chambres ayant adopté un schéma directeur régional sans voter de majoration de leur taux. M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis, a jugé nécessaire d'encourager la conclusion de schémas directeurs régionaux, afin d'améliorer l'organisation du réseau consulaire, et a donc proposé de donner un avis favorable à l'adoption de cet article.

L'article 43, pour sa part, propose d'accroître le taux des taxes affectées à certains centres techniques industriels (CTI) de la mécanique jusque là financés à la fois par dotation budgétaire et par taxe affectée. La légère augmentation de la taxe compense le désengagement progressif de l'Etat commencé en 2005 pour simplifier le financement de ces CTI en ne le faisant reposer que sur une taxe affectée. Considérant que ceci semblait accepté par la profession, M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis, a également proposé de donner un avis favorable à l'article.

Enfin, pour conclure, il a proposé de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Développement et régulation économiques » que Pierre Hérisson et lui-même avaient présentés.

M. Charles Revet a félicité les rapporteurs avant de s'interroger sur l'évolution de la composition de la consommation des ménages depuis quinze ans. Il a en effet considéré qu'il n'était pas certain que les produits dont le prix augmentait le plus étaient encore les produits les plus consommés aujourd'hui. Il a ensuite exprimé son inquiétude à l'égard des dérives possibles du crédit à la consommation, se demandant dans quel esprit La Banque postale allait développer cette nouvelle activité.

M. Bernard Dussaut a déploré la complète reconfiguration de la mission « Développement et régulation économiques », qui rendait extrêmement difficile tout discours approfondi sur ses crédits. Il a en outre fait observer l'augmentation des dépenses fiscales attachées au programme 134 « Développement des entreprises », portant le montant des dépenses fiscales de la mission à 13 fois le montant de ses crédits budgétaires. Il a enfin rappelé que la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat (TACA) permettait de lever 600 millions d'euros, alors que le FISAC, que cette taxe était censée abonder, n'était doté que de 60 millions d'euros en crédits de paiement dans le projet de loi de finances pour 2008 et de 80 millions en autorisations d'engagement.

M. Gérard Bailly a abondé dans le sens de M. Charles Revet, estimant que les achats avaient complètement changé et brouillaient la perception du pouvoir d'achat. Concernant La Poste, il s'est dit satisfait de ses évolutions mais il a déploré la suppression des directions départementales de La Poste, qu'il a jugées précieuses pour le dialogue avec les élus. Quant au pouvoir d'achat, il s'est inquiété des dispositions susceptibles d'être adoptées lors de l'examen du projet de loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, craignant qu'elles ne consacrent une nouvelle victoire pour la grande distribution.

M. Michel Teston a jugé idyllique la description de La Poste que venait d'exposer le rapporteur pour avis. Il a souhaité y apporter une réserve relative à la présence postale territoriale, mission d'intérêt général reconnue par la loi de mai 2005. Il a rappelé que le financement de cette mission ne reposait aujourd'hui que sur les 140 millions d'euros d'allégements de fiscalité locale dont bénéficiait La Poste, alors qu'il serait nécessaire de trouver près de 250 millions d'euros supplémentaires, qui pèsent aujourd'hui sur le budget de La Poste. Il a déploré que l'Etat ne s'engage pas budgétairement pour une telle mission d'intérêt général, alors même qu'aucune disposition européenne ne l'en empêche, et regretté que la présence postale se trouve en conséquence réduite à des partenariats ne permettant pas la délivrance de services aussi complets que dans les bureaux de Poste de plein exercice.

M. Jean-Marc Pastor a jugé que le budget qui était soumis à l'examen de la commission des affaires économiques portait sur un volet fondamental de la vie du pays, l'économie productive, autour de laquelle gravite le reste de l'activité nationale. Il s'est interrogé sur le meilleur moyen d'actionner et de « manager » cette richesse. Il a d'abord constaté le manque de lisibilité de la mission budgétaire soumise à la commission. Tout en reconnaissant que la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) et la répartition du budget de l'Etat par missions avaient constitué une avancée importante, il a jugé regrettable de changer les règles de la loi de finances chaque année. Il a estimé que le budget devait être l'occasion de soulever trois questions : comment améliorer le pouvoir d'achat des plus modestes ? Quelle politique économique veut suivre le Gouvernement ? Quel rôle l'Etat veut-il tenir dans le domaine économique ?

M. Dominique Mortemousque a confirmé qu'il fallait considérer avec prudence le lien entre la hausse du prix des matières premières agricoles et celle du prix des produits alimentaires vendus en grande distribution, ce qui devait inciter à ne pas confondre l'indice des prix et l'indicateur du pouvoir d'achat. Il a ensuite confirmé l'importance du FISAC, encourageant le rapporteur pour avis à interroger le ministre à ce sujet. Enfin, concernant la présence postale, il a jugé utile d'établir des comparaisons entre la France et des pays européens similaires afin de faire observer la nécessité d'une restructuration du réseau postal. Plus généralement, il a rappelé que d'autres réformes de même type étaient nécessaires en France et que toutes contribuaient également au soutien du pouvoir d'achat.

En réponse, M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis, est convenu que la mission budgétaire examinée avait perdu deux programmes sur les quatre et que, sur les deux qu'elle conservait, l'un avait perdu près de 85 % de ses crédits. Il a confirmé que la LOLF avait suscité beaucoup d'espoir parmi les parlementaires mais, rappelant le sort qu'avait connu en commission mixte paritaire un amendement transférant des crédits de l'Agence française d'investissements internationaux (AFII) vers le FISAC, pourtant adopté à l'unanimité par le Sénat, il a proposé que soit demandée la présence de tous les présidents de commissions saisies pour avis en commission mixte paritaire du projet de loi de finances. Il a expliqué que les bouleversements connus par la mission budgétaire cette année tenaient largement à la redéfinition des périmètres ministériels intervenue au printemps.

Concernant le FISAC, il a rappelé que les modalités de son financement avaient été changées il y a cinq ans et que dès ce moment, il avait dénoncé le risque d'une baisse consécutive des crédits. Se présentant comme ardent défenseur du FISAC, il a estimé que la faible consommation des crédits, avancée par le Gouvernement pour justifier la diminution de la dotation budgétaire pour l'an prochain, tenait sans doute aux contraintes fortes rencontrées par les entreprises pour accéder au financement par le FISAC et devait donc inciter à simplifier cet accès.

En réponse à MM. Gérard Bailly, Charles Revet, Jean-Marc Pastor et Dominique Mortemousque, il a confirmé utile de débattre de la pertinence des indicateurs et de suivre les évolutions de la consommation dans le temps. Notamment, il a relevé que les jeunes ménages dépensaient moins qu'avant dans le textile et le mobilier, mais qu'ils devaient assumer de nouvelles dépenses contraintes dans d'autres secteurs.

M. Pierre Hérisson a confirmé la nécessité d'un soutien de l'Etat à la mission d'intérêt général de La Poste que constituait l'aménagement du territoire. Rappelant que la réforme de la taxe professionnelle avait conduit en cinq ans à une division par deux de l'allégement fiscal dont bénéficie La Poste, il a considéré que le report à 2011 de la fin du monopole postal laissait plus de temps pour organiser l'intervention de l'Etat en faveur du maintien du service public postal.

Concernant la transformation des directions départementales en directions régionales, il a fait état de l'émotion que cette transformation avait pu susciter chez certains élus et s'est engagé à s'en faire l'écho auprès du ministre. Il a aussi suggéré que, dans le cas de directions interdépartementales, La Poste ne choisisse pas systématiquement d'installer la direction dans le département le plus important des deux.

M. Bruno Retailleau a présenté à la commission un amendement visant à permettre aux entreprises de remettre à titre gratuit à leurs salariés les matériels informatiques et les logiciels nécessaires à leur utilisation entièrement amortis et permettant l'accès à des services de communications électroniques et de communication au public en ligne. Il a fait valoir que le taux d'équipement des ménages français en ordinateurs personnels connectés à internet était très faible, comparé à celui de nos homologues européens, principalement en raison du coût d'accès à l'équipement informatique : au premier trimestre 2007, seuls, 47 % des foyers français étaient équipés alors que le taux d'équipement en Angleterre et en Allemagne s'élève respectivement à 65 et 70 % et dépasse les 70 % en Suède et en Hollande. Or il a relevé que, dans le même temps, près de 3 millions d'ordinateurs personnels, en France, prendraient le chemin de la déchetterie en 2007 et que ce nombre s'élèverait à plus de 10 millions sur la période 2007-2010. Enfin, il a fait observer que cette mesure n'avait aucun impact sur le budget de l'Etat et sur les comptes de la sécurité sociale, puisqu'elle portait sur des matériels dont la valeur comptable était nulle et ne générait donc ni recettes fiscales, ni recettes sociales.

M. Gérard Cornu a considéré qu'il s'agissait d'un amendement pragmatique et que la commission des affaires économiques ne pouvait qu'être favorable à cette excellente idée.

M. Daniel Raoul s'est étonné de ce qu'il faille prévoir une exonération de toute imposition pour une opération concernant le transfert d'ordinateurs déjà amortis et n'ayant donc plus aucune valeur vénale.

M. Bruno Retailleau a fait valoir que, même s'il n'avait peut-être plus de valeur comptable, l'ordinateur donné par l'employeur à l'employé conservait une valeur d'usage et pouvait à ce titre être assimilé à un avantage en nature, susceptible d'être soumis à cotisations sociales.

Après cet échange, la commission des affaires économiques a adopté cet amendement, le groupe socialiste s'abstenant.

Sur les crédits de la mission budgétaire « Développement et régulation économiques » et sur les articles 42 et 43 du projet de loi de finances qui y sont rattachés, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable, les groupes socialiste et communiste républicain et citoyen s'abstenant.

PJLF pour 2008 - Mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » - Examen du rapport pour avis

La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport pour avis sur le projet de loi de finances pour 2008 de MM.  Gérard César, Jean-Marc Pastor, Alain Gérard et Gérard Delfau sur les crédits de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales ».

M. Alain Gérard, rapporteur pour avis, a présenté les crédits relatifs au secteur de la pêche au sein de la mission précitée du projet de budget du ministère de l'agriculture et de la pêche pour 2008, en se félicitant des 60,5 millions d'euros mobilisés en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement au profit de l'action « Gestion durable des pêches maritimes » du programme « Gestion durable de l'agriculture, de la pêche et développement rural », ce qui représente une progression de près d'un million d'euros. Il s'est déclaré très satisfait des moyens alloués au secteur de la pêche pour l'année 2008, rappelant, d'une part, que le montant de ces crédits avait déjà été doublé l'année dernière et que, d'autre part, les contraintes pesant sur le budget du ministère de l'agriculture et de la pêche avaient été particulièrement fortes cette année.

Le rapporteur pour avis a noté que les deux tiers des crédits examinés -soit 39 millions d'euros- étaient affectés au développement durable de la filière halieutique et aquacole, afin de procéder à la nécessaire modernisation des instruments et outils de production, requise par le vieillissement des bateaux de pêche, dont l'âge moyen est de 24 ans. Ces crédits doivent également permettre de réduire la facture énergétique, et maintenir un tissu socio-économique dense le long des côtes françaises.

En outre, un quart des crédits affectés à la pêche -soit 15 millions d'euros- est consacré à la promotion d'une gestion responsable de la ressource, répondant aux engagements de la France pris lors du sommet de Johannesburg, en 2002, d'atteindre d'ici à 2015 le rendement maximum durable des ressources halieutiques, ce qui nécessite le financement d'organismes d'étude et d'expertise.

Il a ensuite évoqué les 5 millions d'euros mobilisés au service du contrôle des pêches, afin notamment d'en développer les moyens technologiques, ces crédits s'ajoutant à ceux dégagés par d'autres administrations centrales en charge de l'écologie, de la défense et des finances. Il a jugé le contrôle des pêches indispensable au respect de la législation communautaire et rappelé que la France avait déjà été condamnée à de lourdes sanctions, ajoutant qu'un tel contrôle était également nécessaire pour garantir la compatibilité des volumes de pêche avec l'évolution de la ressource halieutique, qui tend à décliner.

Puis M. Alain Gérard, rapporteur pour avis, a abordé les causes de la crise qui frappe sévèrement le monde de la pêche et souligné que la hausse du prix du pétrole avait constitué un facteur important, mais non exclusif, en fragilisant la solvabilité de nombreuses exploitations, et ce malgré l'exonération de taxe intérieure sur les produits pétroliers dont bénéficient les marins pêcheurs. L'augmentation du coût du carburant s'ajoute à d'autres facteurs, dont celui de la diminution de la ressource halieutique mondiale, qui contribuent à l'affaiblissement du secteur de la pêche depuis plusieurs années, et ce, malgré la révision de la politique commune de la pêche en 2005.

Illustrant le poids de la facture énergétique dans la crise, il a rappelé que, depuis le début de l'année, le prix du litre de gazole était passé de 30 à 50 centimes d'euros, alors qu'il coûtait 17 centimes d'euros en 1994. Il a fait observer, en conséquence, que la dépense en carburant, qui ne représentait que 15,7 % du chiffre d'affaires en 2003, s'élevait à 27 % en 2007.

S'agissant des effets de cette crise sur l'équilibre des comptes d'exploitation des marins pêcheurs, M. Alain Gérard, rapporteur pour avis, les a qualifiés de substantiels, faisant référence à la baisse de 17 % à 7 % de la part du chiffre d'affaires dévolue au revenu d'un armateur de chalutier depuis dix ans. Déplorant que la moitié des exploitants de navires de pêche français soit aujourd'hui dans une situation précaire, en ne parvenant plus à payer leur équipage, ou en étant contraints de leur proposer des salaires non attractifs, il s'est alarmé de ce qu'un certain nombre de bateaux soient ainsi obligés de demeurer à quai, en raison d'un manque de main d'oeuvre ou du coût déficitaire des sorties en mer.

Présentant les différentes mesures gouvernementales prises en réponse à la crise, il s'est félicité du plan de soutien annoncé fin octobre par le ministre en charge de la pêche, qui consacre plus de 25 millions d'euros au financement des plans de sortie de flotte de navires dont la compétitivité a été remise en cause dans le contexte actuel.

Puis il a évoqué la demande du Président de la République au ministre en charge de la pêche, en date du 6 novembre dernier, , de mettre en oeuvre un mécanisme durable qui réintègre le coût du gazole dans le prix du poisson vendu à l'étal, ainsi qu'une exonération des charges patronales et salariales des exploitants, accompagnés d'un plan de modernisation de la flottille et d'un mécanisme assurantiel qui permettrait de garantir un revenu minimum aux équipages.

Il s'est félicité de la grande réactivité du ministre, M. Michel Barnier, qui, dès le lendemain, annonçait une mesure de prise en charge du surcoût du gazole supporté par les entreprises au-delà de 30 centimes d'euros par litre, ainsi qu'une exonération des charges patronales et salariales jusqu'à ce qu'un mécanisme de compensation soit mis en place.

M. Alain Gérard, rapporteur pour avis, s'est également déclaré satisfait de la mise en place annoncée de deux groupes de travail consacrés respectivement à la modernisation de la flotte ainsi qu'à la garantie d'une rémunération mensuelle minimale.

Indiquant que la Commission européenne avait jugé que le mécanisme de compensation risquait de s'apparenter à une aide d'Etat, interdite selon le droit communautaire, il a souhaité que soit mises en oeuvre rapidement les mesures annoncées et que, parallèlement, soit entreprise une réflexion à plus long terme sur les moyens d'économiser l'énergie nécessaire à l'exploitation des navires de pêche. Il a fait valoir qu'une réduction d'un quart des besoins en carburant pourrait garantir une pêche plus durable, à la fois plus compétitive et plus respectueuse de l'environnement.

En conclusion, le rapporteur pour avis a proposé de donner un avis favorable à l'adoption des crédits « pêche », eu égard à l'orientation positive de ces derniers et des mesures gouvernementale de soutien aux marins pêcheurs.

A l'issue de cette présentation, un large débat s'est ouvert.

Jugeant dramatique la situation de la filière « pêche », M. Bruno Retailleau a estimé que l'intervention du Gouvernement avait certes réglé certains problèmes, mais que l'inquiétude restait grande chez les professionnels, ajoutant que la filière était en cours de délitement du fait de la baisse des tonnages, de la diminution de rentabilité des points de débarquement et du caractère déficitaire de nombreuses criées. Voyant dans la France une puissance maritime pour laquelle l'impact de la pêche allait bien au-delà des aspects économiques et concernait notamment le tourisme, il a espéré que l'action de l'expert nommé par le ministre en charge de la pêche, pour réfléchir à l'avenir de la filière, serait efficace. Il a ensuite évoqué les problèmes d'accès à la ressource halieutique, et notamment les effets néfastes de la pêche minotière à échelle industrielle, qui surexploite le poisson pour en faire de la farine et met en difficulté les petits artisans pêcheurs. Il a par ailleurs appelé à accélérer la politique consistant à associer les scientifiques, chargés d'évaluer ladite ressource, à l'activité des pêcheurs en vue de faciliter l'acceptabilité de leurs études. Mettant en garde contre les agissements des organisations non gouvernementales, dont il a considéré qu'elles travaillaient en réalité pour de grands pays de pêche comme l'Espagne, il a recommandé de mieux prendre en compte le vieillissement de la flotte de pêche française.

M. Jean Boyer s'est interrogé sur la maîtrise de la production par la filière et sur son degré de diversification de ses débouchés.

M. Gérard Larcher s'est demandé si des comparaisons entre la situation de la pêche française et celle d'autres pays membres de l'Union avaient été effectuées, et pour quelles raisons un pays comme l'Espagne avait de meilleurs résultats économiques dans cette filière.

M. Charles Revet a souhaité avoir des précisions sur le taux de couverture des besoins nationaux en poisson, l'évolution de la grande pêche, la gestion de la ressource et le développement de l'aquaculture.

M. Jean-Marc Pastor s'est interrogé sur le nombre d'emplois induits par l'activité de pêche stricto sensu, le niveau de surendettement des exploitants, la mise en oeuvre du plan national de sauvegarde et de restructuration de la flotte, l'évolution en volume des crédits affectés à la pêche dans le projet de budget, le niveau de cofinancement européen par rapport aux dotations nationales et enfin le traitement par l'administration française des dossiers de financement des exploitations.

Mme Bariza Khiari s'est étonnée de ce que les crédits affectés au tourisme n'aient pas fait l'objet de davantage de discussion, alors qu'ils posent certains problèmes et que le secteur, qui représente pas moins de 7 % du produit intérieur brut (PIB) et plusieurs centaines de milliers d'emplois, dépend en partie de l'évolution de celui de la filière pêche et de ses ports.

Soulignant combien la question de la pêche minotière, souvent évoquée au Sénat, constituait un réel enjeu, M. Gérard le Cam s'est interrogé sur les mesures prises pour prévenir la vente de bateaux français à des armateurs étrangers et sur la réaction du Gouvernement concernant l'installation d'une trentaine d'éoliennes dans le bassin briochin.

M. Alain Gérard, rapporteur pour avis, leur répondant, a apporté les précisions suivantes :

- le ministre en charge de la pêche a mis en place des structures telles que le conseil de prospective et de stratégie des pêches maritimes et confié à un conseiller d'Etat une mission sur la réforme de la pêche ;

- l'Espagne est accusée de pratiquer des pêches illégales sur les zones de pêche françaises ;

- une stratégie interministérielle pour développer l'aquaculture est mise en oeuvre ;

- 10 des 30 millions d'euros du fonds européen pour la pêche sont destinés à soutenir les pêcheurs surendettés.

Puis M. Gérard César, rapporteur pour avis, a présenté les principales orientations de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales », en qualifiant l'année 2007 de transitoire, tant en termes économiques qu'institutionnels.

Il a relevé que les fondamentaux du marché agricole mondial étaient sur le point d'être bouleversés de manière durable, en soulignant que l'offre de produits agricoles était en recul, du fait de conditions météorologiques défavorables, mais également de la place croissante prise par les productions non alimentaires, au premier rang desquelles figurent les biocarburants. En revanche, la demande mondiale est en pleine croissance, du fait notamment de la hausse du pouvoir d'achat moyen dans les pays émergents. L'ampleur du déséquilibre entre l'offre et la demande de produits agricoles a provoqué la flambée des cours de nombreux produits, comme l'illustre la hausse, sur un an, de 50 % des cours du maïs et du beurre et de 90 % de ceux du blé et de la poudre de lait.

Sur le plan institutionnel, M. Gérard César, rapporteur pour avis, a rappelé que le bilan de santé de la politique agricole commune (PAC) serait engagé dans le courant de l'année prochaine, sur la base d'une communication de la commission, en vue d'une prochaine réforme devant intervenir en 2013. Il a rappelé, dans la perspective de la présidence française de l'Union européenne durant le second semestre 2008, l'importance que revêtait la défense de la PAC ainsi que la nécessité d'une totale implication du ministre de l'agriculture et de la pêche dans la gestion de ce dossier, à l'occasion de ce nouveau rendez-vous.

Evoquant enfin l'évolution globale de l'agriculture, de ses objectifs et de ses méthodes, M. Gérard César, rapporteur pour avis, a constaté que le « Grenelle de l'environnement » avait été un révélateur des attentes des Français vis-à-vis du monde agricole. Relayant les conclusions d'une enquête de l'institut OpinionWays présentée devant le groupe d'études « Economie agricole », il s'est félicité de l'image positive des agriculteurs auprès des Français, tout en ajoutant que ces derniers attendaient davantage d'implication du monde agricole dans la préservation de l'environnement.

Puis M. Gérard César, rapporteur pour avis, a fait valoir que le budget du ministère de l'agriculture et de la pêche pour 2008 était fortement contraint en raison de la discipline budgétaire exigée par le Gouvernement et la Commission européenne. En recul d'1,5 % en termes réels et ne s'élevant qu'à 4,9 milliards d'euros en crédits de paiement, ce budget voit ainsi diminuer un certain nombre de ses actions.

Il s'est notamment inquiété du recul des crédits destinés à la promotion des produits à l'international et a déploré que les actions relatives à la valorisation des produits, à l'orientation et à la régulation des marchés, perdent respectivement 8 et 10 % en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, tout en reconnaissant que ceci concernait plus spécifiquement les offices agricoles, dont les moyens diminuaient en raison de leur regroupement en trois pôles, conformément à la dernière loi d'orientation agricole.

Au-delà de ce constat de rigueur, le rapporteur pour avis a émis des craintes sur les dispositifs de gestion des crises. Regrettant que l'assurance récolte, en dépit d'une revalorisation de 2 millions d'euros, pour un montant de 32 millions d'euros, reste « au milieu du gué », il a appelé de ses voeux, à l'instar du rapport de M. Dominique Mortemousque, à un véritable changement d'échelle dans ces soutiens, mais également à la mise en place d'un mécanisme de réassurance, pour que ce dispositif puisse réellement prendre le relais du fonds national de garantie des calamités agricoles (FNGCA) et de son système fondé sur la solidarité.

En outre, il a déploré que les mécanismes d'appoint conjoncturels, tels que les dispositifs d'aide aux agriculteurs en difficulté (Agridiff, fonds d'allègement des charges), soient en recul inquiétant de respectivement 50 et 15 %, en crédits de paiement. Il a ensuite émis des réserves sur la hausse formelle des crédits du secteur forestier, qui se révèle en fait correspondre à une diminution en volume de l'enveloppe y étant affectée.

Cependant, M. Gérard César, rapporteur pour avis, a tenu à nuancer ses observations quant à la réduction des crédits, en apportant plusieurs précisions :

- les crédits budgétaires représentent une part minoritaire -moins d'un tiers- de « l'effort public » en faveur de l'agriculture, 16,3 milliards d'euros de contributions de l'Union européenne et des autres ministères et des collectivités territoriales étant affectés à des dépenses agricoles et rurales ;

-  le ministère de l'agriculture et de la pêche procède à des ajustements structurels nécessaires dans le contexte de la réforme de l'Etat et la suppression de plusieurs centaines d'emplois permettra d'économiser approximativement 17 millions d'euros de dépenses de personnel en 2008 ;

- les efforts restent concentrés sur certains axes majeurs du développement agricole et rural, notamment les mesures agro-environnementales reconduits en crédits de paiement et revalorisés de 88 % en autorisations d'engagement. Les crédits finançant la prime herbagère agro-environnementale (PHAE), les indemnités compensatoires de handicaps naturels (ICHN) et les multiples mesures déconcentrées sont également reconduites ou en augmentation, et permettent de bénéficier de très importantes sommes au titre du cofinancement communautaire et d'oeuvrer très concrètement en faveur d'une agriculture durable.

Tout en insistant sur l'attention particulière du ministère de l'agriculture et de la pêche à l'égard du secteur de la pêche, afin de l'aider à traverser la crise, il a renouvelé sa confiance dans l'action gouvernementale pour défendre les intérêts agricoles français à Bruxelles, proposant par conséquent de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales ».

A l'issue de cette présentation, un large débat s'est ouvert.

M. Charles Revet s'est interrogé sur l'évolution des prix agricoles sur les dix ou quinze dernières années, sur la stratégie européenne en matière de production sucrière, sur la défiscalisation concernant les biocarburants et sur le dossier des organismes génétiquement modifiés (OGM).

M. Dominique Mortemousque a souligné le caractère inédit, depuis la dernière guerre, de la conjoncture agricole, qui se traduit par une augmentation des besoins alimentaires et rend nécessaire une révision des structures agricoles. Dès lors, il a appelé le Gouvernement à s'investir largement sur ces dossiers lors de la présidence française de l'Union européenne, au second semestre 2008. Souhaitant que la problématique de l'assurance récolte soit abordée sous l'angle des risques et rapportant avoir beaucoup travaillé sur le sujet, il a souligné l'investissement substantiel de l'Espagne en faveur de ce dispositif. Rappelant que 102 millions d'hectares d'OGM étaient cultivés dans le monde chaque année et que la sole française était de 30 millions d'hectares au total, il a appelé à se pencher davantage sur ce dossier, à l'heure où apparaît une pénurie dans l'alimentation animale. Evoquant le principe de préférence communautaire, auquel a fait référence le président de la République, il a regretté que des échanges commerciaux soient réalisés sur un pied d'égalité avec des pays dont les produits ne respectent pas les mêmes normes environnementales et sociales que le nôtre.

Convenant que les données du secteur agricole se trouvaient bouleversées aujourd'hui, M. Gérard Bailly a estimé que la procédure de découplage se traduisait par des baisses de production et s'est inquiété de ce que le ministre en charge de l'agriculture, sous la pression de la Commission européenne, semble s'orienter dans cette voie. Il a demandé une clarification de la position française sur le sujet et a exprimé ses craintes quant à l'évolution des prêts bonifiés aux jeunes agriculteurs, des ICHN et du programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole (PMPOA). S'inquiétant par ailleurs de la propagation de la fièvre catarrhale ovine et de l'absence de vaccin avant le printemps prochain, il a annoncé un débat prochain au Sénat sur ce thème. Enfin, il a précisé que le rapport qu'il instruisait actuellement sur l'élevage ovin avec M. François Fortassin serait présenté en début d'année prochaine à la commission.

M. Jean-Marc Pastor a regretté que les crédits affectés à la commercialisation et à la promotion, le seul des trois piliers de l'économie agricole -avec la production d'une part, la transformation et le conditionnement d'autre part- à faire l'objet d'un soutien dans le cadre du projet de budget, soient revus à la baisse. Relayant les inquiétudes des professionnels, il a distingué un niveau d'intervention dynamique -la commercialisation et la promotion- affecté par la baisse précitée, et un niveau de soutien passif -la couverture des risques- concentrant l'essentiel des aides à un niveau globalement maintenu. Il s'est également interrogé sur la politique à l'égard des biocarburants et a déploré les atermoiements du Gouvernement sur le dossier des OGM.

M. Jean Boyer a demandé au rapporteur quelle était, dans le revenu brut d'exploitation (RBE) agricole, la part respective des aides nationales et communautaires et son évolution suite à l'élargissement de l'Union européenne. Il s'est inquiété de ce que les pays dernièrement adhérents produisent du maïs à un prix très bas, proche du niveau d'intervention, et s'est interrogé sur les moyens d'y remédier.

Estimant que la France était un pays par nature agricole, du fait de la richesse de ses territoires, M. François Fortassin a déploré que les professionnels, qui produisent des produits de grande qualité, peinent à maintenir leur activité et ne survivent souvent que grâce à la vente de foncier agricole. Jugeant inacceptable que les mêmes types de producteurs profitent toujours des revenus les plus élevés, il s'est inquiété de la façon dont serait alimentée la population française le jour où les producteurs agricoles auront disparu du fait de la pression croissante exercée par la grande distribution. Enfin, il a critiqué la politique communautaire en matière de production laitière, accusant la Commission européenne d'avoir incité de nombreux producteurs à cesser leur activité, alors qu'une pénurie de lait est actuellement observée.

Considérant que la mesure de l'épidémie de fièvre catarrhale ovine n'avait pas été prise, M. Paul Raoult a dit craindre les conséquences de la suppression, voulue par la Commission européenne, des quotas laitiers. Constatant que la France était incapable de remplir l'intégralité des quotas qui ont été attribués, il a regretté que les agriculteurs aient davantage intérêt désormais à cultiver des céréales plutôt que de produire du lait. Soulignant le faible nombre d'installations, il y a vu une mise en péril de l'avenir même de l'agriculture française. Estimant que la politique européenne en matière de production sucrière, aboutissant à déstructurer l'appareil de production, était inconséquente, il a craint que la généralisation du découplage n'entraîne une suppression des aides aux exploitants. Enfin, il a souligné le déficit très important du régime de retraite agricole et le faible niveau des pensions allouées.

Considérant que les enjeux liés au découplage et aux quotas étaient capitaux pour l'avenir de la PAC, M. Daniel Soulage a craint l'avènement d'un système ménageant des rentes de situation et encourageant les exploitants à cesser de produire. Estimant nécessaire d'intégrer la globalité des risques, sanitaires notamment, à la réflexion sur l'assurance récolte, il a estimé que le problème de la fièvre catarrhale, auquel le ministre se montrait très sensible, restait en grande partie à régler. Regrettant la forte diminution des crédits de soutien aux agriculteurs en difficulté, il a estimé que le financement de la sécurité sociale restait très largement problématique, malgré la suppression du budget annexe des prestations sociales agricoles (BAPSA).

M. Gérard César, rapporteur pour avis, a alors apporté plusieurs précisions. Sur les biocarburants, dont il a reconnu que des rumeurs quant à la réduction de leur défiscalisation circulaient, il a proposé à M. Charles Revet de déposer un amendement. Soulignant la position consensuelle de la commission des affaires économiques sur les OGM, suite au rapport réalisé en son nom par MM. Jean-Marc Pastor et Jean Bizet, il a rappelé que le Sénat avait déjà examiné le projet de loi actuellement en navette, que l'Assemblée nationale devait à présent faire de même et que le texte serait mis à l'ordre du jour en début d'année prochaine. Comparant les 32 millions d'euros affectés au développement de l'assurance récolte aux 260 millions d'euros mobilisés par l'Espagne, il a rappelé la volonté de la commission des affaires économiques, à travers son président, M. Jean-Paul Emorine, d'en élargir l'assiette à toutes les productions. Précisant que les charges des prêts bonifiés aux agriculteurs, financées à hauteur de 63,5 millions d'euros en autorisations d'engagement et 57 millions d'euros en crédits de paiement pour 2008, étaient en léger recul du fait d'une dynamique d'installation en retrait par rapport à l'année précédente, il a par ailleurs indiqué que le Programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole (PMPOA) avait connu en 2007 sa dernière année d'engagement, ce qui justifiait que l'ensemble des crédits prévus pour 2008 soient des crédits de paiement. Convenant que des réponses rapides étaient attendues sur la fièvre catarrhale, il a renvoyé à une question orale avec débat déposée par M. Gérard Bailly.

Rappelant à titre liminaire que le développement rural concernait des espaces de vie et de travail devant s'ouvrir au monde extérieur et requérant plus de services malgré une démographie défavorable, M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis, a souhaité dissocier les actions fondées sur la solidarité et la péréquation de celles consistant à transmettre des méthodes pour faire naître et vivre des projets spécifiques au monde rural.

S'agissant du premier type d'actions, il a regretté que les crédits prévus dans le projet de loi de finances pour 2008 ne s'élèvent qu'à 70 millions d'euros en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement, en recul respectivement de 16 et 7,6 %. Estimant que les changements de périmètres ne suffisaient pas, à eux seuls, à expliquer une tendance qu'il a qualifiée d'inquiétante, il a par ailleurs souligné les problèmes de lisibilité budgétaire que ces changements engendraient.

S'agissant du second type d'actions, il a évoqué celles relatives aux pôles d'excellence rurale (PER) mis en place l'année dernière, et qui sont aujourd'hui 379 à recevoir des financements publics, à hauteur de 300.000 à un million d'euros chacun. Mobilisant onze ministères différents, les PER font l'objet d'une gestion administrative complexe qui rendrait nécessaire l'instauration d'un guichet unique. On peut également déplorer la concurrence avec certaines politiques locales de développement territorial.

Le fait qu'ils soient portés à 80 % par des intercommunalités, alors qu'il était prévu qu'ils le soient majoritairement par les groupements d'action locale (GAL), composés d'acteurs de terrain, illustre leur échec à fédérer les populations locales, a-t-il par ailleurs considéré. Leur existence est relativement courte et la réglementation n'autorise qu'une prise en charge des investissements matériels, et non des activités d'animation ou d'ingénierie, tout aussi indispensables. Enfin, la ventilation de 235 millions d'euros sur l'ensemble des pôles s'apparente à du « saupoudrage » et le dispositif de suivi et d'évaluation manque d'efficacité.

S'agissant d'actions, de nature plus horizontale et méthodologique, M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis, a fait référence à une mission d'étude comparative à laquelle il avait participé, à la demande du Premier ministre et du ministre alors en charge de l'agriculture, ayant pour objet les différences d'approche européenne des politiques de développement rural. Soulignant que la France peinait à utiliser l'ensemble de ses crédits communautaires, il a fait observer que des pays comme l'Espagne et l'Autriche avaient une approche managériale et horizontale de ces politiques, en faisant porter les projets de développement local par des coopératives rurales associant l'ensemble des acteurs -collectivités territoriales, organismes professionnels, associations. Estimant cette démarche plus souple et efficace, il a annoncé qu'il interrogerait le ministre de l'agriculture et de la pêche, M. Michel Barnier, sur les suites données à ce rapport.

Puis il a évoqué le pastoralisme, en rappelant que la mission d'information sur l'élevage ovin confiée à MM. Gérard Bailly et François Fortassin, et il a indiqué qu'il interrogerait le ministre sur la place qu'il entendait conférer à la montagne pour le maintien de la vie en milieu rural.

En conclusion, rappelant les nombreuses lignes de crédits en baisse, le manque de clarté de la stratégie gouvernementale sur les pôles d'excellence rurale et les interrogations sur les suites apportées à son rapport d'étude, il a regretté à titre personnel le manque d'ambition de la politique du Gouvernement en matière de développement rural, mais s'en est rapporté à la sagesse de la commission sur le vote des crédits de la mission.

M. Jean Boyer a rappelé qu'il s'était également intéressé aux pôles d'excellence rurale, mais dans le cadre des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». Regrettant à cet égard que le ministère en charge de la recherche n'intervienne pas pour soutenir ces pôles, aux côtés des onze ministères impliqués dans le financement du dispositif, il s'est félicité de la centralisation de ce dernier auprès du Fonds national pour l'aménagement et le développement du territoire (FNADT), du nombre important de pôles labellisés et de la dynamique de réflexion engagée par cette procédure.

M. Philippe Darniche a fait observer que la reprise des pôles d'excellence rurale par les intercommunalités s'était faite de façon très naturelle et que ces dernières avaient largement associé le monde agricole, se disant à cet égard moins pessimiste que le rapporteur pour avis. Faisant référence à l'étude comparative citée par ce dernier, il a souligné la difficulté des comparaisons entre pays et les spécificités propres à la France, qui offre une très grande diversité de productions.

M. Gérard Bailly a indiqué que les six pôles d'excellence rurale de son département avaient sollicité de leur propre initiative les collectivités territoriales. Appelant à en finir avec une politique de développement rural dépourvue de leader et doublonnant les actions et les niveaux d'intervention, il a rapporté n'avoir identifié, à l'occasion de l'instruction de son rapport d'information sur la filière ovine, qu'un seul pôle s'y consacrant, situé en Haute-Vienne, et qu'il a jugé décevant, car centré sur la seule modernisation d'un lycée agricole. S'interrogeant à cet égard sur l'efficacité de ce dispositif, il a préconisé une réflexion sur la politique de développement rural nécessaire à notre pays, dans ses multiples aspects. Enfin, il a nuancé les propos du rapporteur pour avis sur les carences en compétences d'ingénierie et d'animation dans les territoires ruraux, soutenant qu'elles existaient en nombre, et qu'il s'agissait surtout de savoir les mobiliser.

M. Daniel Raoul a préconisé une comparaison entre les pôles d'excellence rurale et les pôles de compétitivité et appelé à revoir la place des collectivités territoriales dans leurs interventions envers ces deux dispositifs. Craignant que les crédits affectés au FNADT ne soient mélangés avec ceux dédiés aux pôles d'excellence rurale, il s'est interrogé sur leur avenir, disant craindre que les intercommunalités ne soient contraintes d'en supporter la gestion et les coûts.

Confirmant l'absence d'un volet « recherche » dans les pôles d'excellence rurale et l'implication croissante des collectivités territoriales, M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis, a également redit qu'aucun financement n'était prévu pour les actions d'animation des pôles d'excellence rurale. Estimant que le Sénat était particulièrement compétent pour réfléchir sur les grandes orientations des politiques de développement rural, il a précisé que les porteurs de projets se mobilisaient dans les pôles, alors que les collectivités territoriales étaient plus impliquées dans les dispositifs « horizontaux ».

M. Gérard Delfau, rapporteur pour avis, a ensuite présenté les crédits consacrés à la forêt dans le projet de loi de finances pour 2008. Relevant une hausse de 3,8 % en crédits de paiement, le programme « Forêt » étant doté cette année de 322 millions d'euros, il a cependant fait valoir que le budget était en baisse de 4,8 %, une fois déduite la dotation de l'Etat à l'Office national des forêts (ONF).

Il a souligné que si le développement économique de la filière et la mise en oeuvre du régime forestier, objets des actions 1 et 2, étaient formellement en hausse, les crédits destinés à l'amélioration de la gestion de la forêt et ceux affectés à la prévention des risques, notamment d'incendie, étaient en recul respectivement de 7,7 % et 4,3 %.

Il est convenu cependant que cette baisse devait être nuancée, dans la mesure où elle intègrait la diminution des besoins de financement du plan chablis, initié suite aux tempêtes de 1999 et arrivant à son terme en 2009.

Abordant la question de la mobilisation de la ressource forestière, dont il a jugé qu'elle constituait une problématique très actuelle, tant du point de vue des préoccupations environnementales que des enjeux économiques, le rapporteur pour avis a rappelé que la forêt constituait un « puits de carbone », grâce à la photosynthèse. Il a insisté sur le rôle actif qu'elle joue dans la lutte contre le réchauffement climatique, grâce au mécanisme de séquestration dans sa biomasse aérienne et souterraine ainsi que dans les sols.

M. Gérard Delfau, rapporteur pour avis, a cependant déploré la sous-exploitation de cette ressource. Alors que les espaces boisés s'étendent sur 15,5 millions d'hectares et couvrent aujourd'hui près de 28 % du territoire, faisant de la forêt française la quatrième de l'Union européenne, le prélèvement de bois n'excède pas 60 % de sa production biologique. Il a également fait état du déficit élevé de la balance commerciale du secteur forêt-bois. Face à ce constat, il s'est dit convaincu que la mobilisation du bois, source de croissance économique et de respect accru de l'environnement, devait être un axe majeur de la politique forestière.

Puis, se félicitant de ce que les conclusions d'un des groupes de travail du « Grenelle de l'environnement » préconisent une série de mesures visant à valoriser le bois comme source d'énergie et matériau de construction, il est convenu que le Gouvernement semblait avoir pris conscience du formidable gisement d'activité et d'emploi que recèle l'exploitation durable de cette ressource.

Evoquant les trois premiers axes du programme forestier national pour la période 2006-2015, entièrement orientés vers ces préoccupations, il a noté que les actions qu'il tendait à soutenir s'inscrivaient dans le cadre du volet forestier du plan de développement rural national (PDRN) 2007-2013, permettant de mobiliser à leur profit d'importants cofinancements européens.

M. Gérard Delfau, rapporteur pour avis, a rappelé que les assises de la forêt, organisées cet automne par le ministre de l'agriculture et de la pêche comme pendant aux assises de l'agriculture, devaient traiter de la mobilisation de la ressource forestière, avec pour objectif de « produire plus en préservant mieux ». Il a ajouté qu'une réflexion sur ce thème serait également conduite dans le cadre du conseil supérieur de la forêt et du bois, qui a tenu récemment sa première réunion.

S'agissant, enfin, des préconisations visant à une meilleure valorisation de la forêt, il a distingué trois axes possibles d'intervention :

- la mobilisation de la ressource, à travers un meilleur regroupement des propriétaires en vue d'éviter l'atomisation et le morcellement des parcelles, et par des actions et démarches collectives telles que les « chartes forestières ». Une telle démarche implique également un soutien au transport de bois et une amélioration de la desserte forestière, et passe par la nécessaire structuration de la filière, notamment à l'échelon interprofessionnel, ainsi que par un soutien accru à la recherche, tant publique que privée ;

- l'adaptation des outils industriels, avec le développement des structures et procédés de première transformation, au premier rang desquels figurent les scieries, qui font l'objet cette année d'un plan national. Cela suppose des approvisionnements en bois rationalisés et régulés, objectif des contrats d'approvisionnement que le ministère de l'agriculture et de la pêche a encouragé, en donnant à l'ONF les moyens de les mettre en place ;

- la valorisation de la biomasse forestière, que ce soit à travers la production d'énergie à partir des plaquettes de bois, qui permet déjà de chauffer 6 millions de personnes par an en France, ou par le développement des filières bois-matériau et bois-habitat.

Fondant, à titre personnel, de grands espoirs dans ces différents débouchés, qui devraient prendre une place importante dans le plan d'économie d'énergie annoncé lors du « Grenelle de l'environnement », M. Gérard Delfau, rapporteur pour avis, a évoqué l'expérience menée dans sa commune, avec l'aménagement d'un éco-quartier dont certaines des constructions sont réalisées à partir de bois. Il a précisé que le développement de ce secteur d'activité, aux énormes potentiels, devait constituer une priorité de la politique forestière nationale, en raison d'une demande de l'opinion publique de plus en plus sensible aux préoccupations environnementales et de la sous-exploitation des ressources en bois.

En conclusion, il a critiqué la baisse, en termes réels, des crédits consacrés au soutien de la filière, mais s'en est remis, en tant que rapporteur pour avis, à la sagesse de la commission sur l'adoption du volet « Forêt » des crédits de l'agriculture pour 2008.

A l'issue de cette présentation, un débat s'est ouvert.

Faisant observer combien la forêt française avait souffert dernièrement, du fait des évènements climatiques et de maladies, M. Gérard Bailly a critiqué les « coupes blanches » effectuées par les propriétaires privés, en déplorant les effets désastreux sur le paysage et sur la propagation de maladies du bois. Appelant par conséquent à ne pas les encourager, il a évoqué la filière bois-énergie, témoignant de l'importance des demandes d'équipement en chaudières à bois dans son département et appelant à rapprocher autant que possible l'exploitation de la ressource des lieux d'utilisation. Enfin, il a plaidé pour un développement du plan de soutien aux outils industriels, et notamment aux scieries.

M. Gérard Delfau, rapporteur pour avis, a estimé qu'il ne fallait pas passer d'une sous-utilisation à une sur-exploitation de la ressource en bois, et il est convenu qu'il paraissant aberrant, d'un point de vue tant économique qu'écologique, d'utiliser le bois comme source d'énergie s'il n'était pas situé à proximité de son lieu d'usage.

Enfin, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales », les groupe socialiste et communiste républicain et citoyen s'abstenant.

OCM Vitivinicole - Examen du rapport et des amendements

La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport de M. Gérard César et des amendements sur la proposition de résolution  68 rectifié (2007-2008) présentée par M. Gérard César en application de l'article 73 bis du Règlement, sur la proposition de règlement du Conseil portant organisation commune du marché vitivinicole et modifiant certains règlements (E 3587).

M. Gérard César, rapporteur, a indiqué avoir beaucoup travaillé depuis la présentation par la Commission européenne de son projet de réforme, notamment dans le cadre du groupe d'études « Vigne et vin », en vue de mettre au point une proposition de résolution qui puisse faire l'unanimité au sein de la commission. Il a souhaité la voir adoptée le soir même, en séance publique, afin de renforcer la position du ministre de l'agriculture et de la pêche, M. Michel Barnier, dans les négociations européennes.

Il a indiqué qu'il avait rencontré les principaux acteurs du dossier, à savoir la commissaire européenne, Mme Mariann Fischer Boel ; sa directrice de cabinet, Mme Lene Naesager ; le directeur général de la direction générale « agriculture », M. Jean-Luc Demarty ; et enfin le rapporteur du Parlement européen sur le texte, M. Giuseppe Castiglione.

Puis il s'est félicité de ce que la Commission ait réduit de 400.000 à 200.000 hectares son projet en matière d'arrachage de vignes, et a plaidé en faveur du maintien d'un tel dispositif d'arrachage dès lors qu'il serait fondé sur le volontariat. Notant que la Commission désirait parvenir à un compromis sous présidence portugaise, avant la fin de l'année, afin de rendre la réforme applicable au 1er septembre 2008, il s'est prononcé en faveur du maintien d'une OCM spécifique, rejetant donc toute intégration dans l'OCM unique.

Réaffirmant son opposition à toute libéralisation des droits à plantation, il a préconisé un maintien du statu quo sur la question de l'enrichissement, une reconduction du régime des prestations viniques pour des motifs environnementaux, ainsi qu'une revalorisation substantielle des crédits consacrés à la promotion des produits vitivinicoles, notamment sur le marché communautaire.

Puis la commission a examiné les quatre amendements déposés.

Le premier, de MM. Roland Courteau et Robert Tropeano, s'oppose à la possibilité d'indiquer le cépage et le millésime sur l'étiquette des vins sans indication géographique. Cet amendement est en partie satisfait par le texte de la proposition de résolution qui, dans sa dernière version, rejette fermement toute libéralisation de ce type, ainsi que toute autorisation d'assemblage de différents vins de pays membres, a expliqué M. Gérard César, rapporteur. Toutefois, après une intervention de M. Roland Courteau, M. Gérard César, rapporteur, a proposé à la commission la rédaction de la proposition définitive affirmant sans réserve le caractère inconditionnel de l'opposition à toute libéralisation porté par cet amendement.

Les trois autres amendements ont été déposés par M. Gérard Le Cam et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen :

- le premier, rejetant tout transfert de compétences du Conseil vers la Commission européenne, a été intégré dans le texte de la proposition de résolution ;

- le deuxième, qui s'oppose à toute vinification de moûts importés et à tout mélange de vins communautaires avec des vins de pays tiers, se trouve de facto satisfait du fait que la Commission européenne ne l'a pas retenu dans son dernier projet de réforme. Dès lors, il n'a pas été adopté par la commission ;

- le troisième entend réserver la dénomination « Vin » à certains produits déterminés. Or, cette appellation étant règlementairement encadrée et ne pouvant donc bénéficier à n'importe quel produit, il n'a pas non plus été retenu par la commission.

Soulignant la faiblesse des crédits européens consacrés à la promotion intracommunautaire des produits vitivinicoles, M. Philippe Darniche a fait observer que le président de la fédération française de cardiologie, reprenant les thèses du professeur Georges Portmann, avait mis en avant l'effet bénéfique des tanins du vin dans la lutte contre les maladies cardiovasculaires.

M. Dominique Braye a rappelé que plusieurs colloques au Sénat avaient eu pour thème le vin et la santé.

M. Gérard César, rapporteur, s'est félicité d'être parvenu, non sans de grandes difficultés, à faire admettre au sein du Conseil de la modération les recommandations de l'Organisation mondiale de la santé sur la consommation quotidienne de vin.

M. Roland Courteau a fait observer que le rapport sur l'avenir de la viticulture française, fait en 2002 par M. Gérard César au nom de la commission, comportait un important volet consacré aux effets bénéfiques du vin sur la santé.

Puis la proposition de résolution de M. Gérard César, rapporteur, a été adoptée à l'unanimité par la commission telle que modifiée par les amendements retenus.

PJLF pour 2008 - Mission « Outre-mer » - Examen du rapport pour avis

Au cours d'une seconde séance tenue l'après-midi, la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis sur le projet de loi de finances pour 2008 de M. Claude Lise sur les crédits de la mission « Outre-mer ».

Après avoir souligné le caractère particulier du budget de l'outre-mer cette année, à savoir le premier de la législature intervenant après la réorganisation de l'architecture gouvernementale du printemps 2007, M. Claude Lise, rapporteur pour avis, a indiqué que la mission budgétaire « Outre-mer » ne correspondait plus à un ministère de plein exercice mais à un secrétariat d'Etat rattaché au ministère de l'intérieur. Il a formulé le voeu que ce changement n'aurait pas pour conséquence une moindre prise en compte des spécificités des outre-mers, parmi lesquelles d'incontestables handicaps structurels qui, selon lui, interdisent tout désengagement financier de la part de l'Etat.

M. Claude Lise, rapporteur pour avis, a rappelé que les crédits de la mission outre-mer, soit 1,73 milliard d'euros, représentaient une partie seulement de l'effort public budgétaire en direction des collectivités d'outre-mer. D'autres missions, ainsi que des dépenses fiscales, y contribuent, pour un montant de 15,3 milliards d'euros.

Il a toutefois rappelé que le budget de l'outre-mer stricto sensu ne représentait, cette année encore, que 0,6 % du budget général de l'Etat, alors que sa population équivaut à 4 % de la population totale française.

Il a mis en évidence une baisse apparente de 0,22 millions d'euros des crédits inscrits à la mission « Outre-mer », par rapport à 2007. Il a précisé que cette diminution s'expliquait par des mesures de périmètre budgétaire.

Il a expliqué que, d'une part, le programme « Intégration et valorisation de l'outre-mer » avait disparu, ne laissant subsister cette année que deux programmes : « L'emploi outre-mer » et « Les conditions de vie outre-mer » et que, d'autre part, la gestion de 158 millions d'euros de crédits de paiement consacrés aux aides directes à l'embauche des publics les plus éloignés de l'emploi dans les secteurs marchand et non marchand était transférée vers la mission « Travail et Emploi ».

En définitive, il a considéré qu'à périmètre constant, les crédits consacrés à l'outre-mer n'augmentaient que d'un peu moins de 2 % jugeant, de ce fait, qu'il s'agissait d'un budget de stabilité.

Puis il a estimé que les transferts budgétaires opérés cette année entre la mission « Outre-mer » et les autres missions n'étaient pas neutres. A cet égard, il s'est inquiété du risque de voir le département ministériel chargé de l'outre mer se vider de sa substance. Il a souligné qu'il s'agissait là d'une inquiétude largement partagée par ses collègues de la commission des finances lors de leur examen du budget en commission.

Il a, par ailleurs, formulé le voeu que l'examen du budget soit l'occasion de rappeler toute l'importance des défis spécifiques que l'outre-mer devait encore relever. Il a également souhaité que ce rapport serve à formuler quelques recommandations utiles pour l'élaboration du projet de loi de programme pour l'outre-mer qui devrait être prochainement présenté au Parlement.

S'agissant des crédits, M. Claude Lise, rapporteur pour avis, a tout d'abord évoqué ceux consacrés à l'emploi et plus généralement à l'activité économique, estimant qu'il s'agissait là d'un même sujet.

Il a rappelé que les économies ultramarines étaient confrontées à des fragilités particulières du fait des contraintes géographiques, notamment de l'éloignement et de l'insularité, qui génèrent des surcoûts mais aussi du dynamisme démographique qui se traduit par des arrivées importantes chaque année sur le marché du travail, des pressions migratoires, et surtout des écarts en termes de coût du travail avec leur environnement régional.

Il a souligné que le décalage de développement avec la France continentale était facilement perceptible à l'examen du taux de chômage, de l'ordre de 20 %, soit plus de deux fois celui enregistré dans l'hexagone. Il a fait observer que ce taux atteignait même 28 % pour les seuls départements d'outre-mer.

Face à cette situation économique particulièrement dégradée, il a souligné que l'emploi concentrait 60 % des crédits qui s'élèvent, comme pour le budget 2007, à un peu plus d'un milliard d'euros en crédits de paiement.

Précisant ensuite que 80 % des crédits (soit 867 millions d'euros) étaient destinés à l'action n° 1 intitulée « Abaissement du coût du travail » et seraient consacrés aux exonérations de cotisations patronales de sécurité sociale, il a indiqué que ce dispositif avait été initié dès 2000 par la loi d'orientation pour l'outre-mer et a jugé qu'il avait joué un rôle-clé dans la restauration de la compétitivité du travail outre-mer.

Il s'est, en revanche, inquiété de la réduction de plus de 25 millions d'euros du financement des contrats aidés, soulignant que dans un contexte économique et social particulièrement difficile, ces contrats avaient un rôle protecteur indispensable, notamment dans le secteur non marchand.

Quant aux dépenses fiscales, évaluées à 2,8 milliards d'euros, il a jugé qu'elles étaient fondamentales pour la compensation des handicaps de compétitivité des outre-mers.

Puis, prenant bonne note de la création prochaine de zones franches globales d'activité qui viendront s'ajouter au dispositif actuel de défiscalisation, il a insisté pour que la définition sectorielle et le découpage de ces zones soient établis dans le cadre d'une large concertation avec les élus et l'ensemble des acteurs économiques locaux. A cet égard, il a estimé qu'une attention particulière devrait être réservée aux TPE qui représentent, en moyenne, 95 % des entreprises du secteur marchand dans les outre-mers.

Il a, par ailleurs, reconnu que les outre-mers nourrissaient de grands espoirs dans le développement de pôles d'excellence et que leurs projets méritaient d'être soutenus par le Gouvernement. Il a précisé qu'il existait des projets mis en oeuvre dans les domaines de la biodiversité, des énergies renouvelables ou encore de la prévention, de l'étude et du suivi des risques naturels. A cette occasion, il a informé ses collègues qu'il recevrait dans la soirée, de la part de M. Christian Poncelet, président du Sénat, un Territoria d'or pour trois actions innovantes du Conseil Général de la Martinique qui s'inscrivent dans ce cadre.

Après les crédits consacrés à l'emploi, M. Claude Lise, rapporteur pour avis, a présenté les crédits consacrés aux conditions de vie outre-mer.

Il a, tout d'abord, mis en avant que la suppression du programme « Intégration et valorisation de l'outre-mer » et le transfert de deux actions vers le programme consacré aux « Conditions de vie outre-mer » avaient fait évoluer ce dernier de façon très significative.

Il a reconnu que la priorité était toujours accordée au logement, qui totalisait 30 % des crédits du programme, pour une valeur de 200 millions d'euros en crédits de paiement. Il a, à ce sujet, fait observer que les outre-mers étaient confrontés à des difficultés spécifiques :

- une insuffisance de l'offre, en particulier dans le secteur du logement social, face aux retards accumulés et à l'augmentation continue de la demande résultant notamment des pressions démographiques ;

- un habitat insalubre encore trop important et une prolifération de l'habitat spontané ;

- des risques sismiques et climatiques ;

- une rareté et une cherté du foncier, notamment en raison d'effets pervers de la défiscalisation.

Face à ce constat, il a jugé que les moyens étaient, malheureusement, cette année encore, largement insuffisants, d'autant plus que persistait l'épineux problème de la dette de l'Etat envers les entreprises du BTP oeuvrant dans le domaine de l'amélioration de l'habitat et de la construction très sociale. Il a, à cet égard, fait remarquer que l'augmentation de 25 millions d'euros des crédits serait insuffisante pour résorber la dette et amènerait à consacrer des crédits, destinés à mener des opérations nouvelles, à l'apurement de celle-ci.

Puis s'agissant des autres actions du programme « Conditions de vie outre-mer », il a mentionné l'action « Continuité territoriale » pour souligner l'insuffisance notoire des moyens qui lui étaient alloués. Il a, à titre d'illustration, fait remarquer le différentiel des sommes affectées par l'Etat à la Martinique et à la Corse : 5 millions d'euros pour la première, 772 millions pour la seconde.

S'agissant enfin de l'action relative à « l'Insertion économique et à la coopération régionale », il a indiqué que les documents budgétaires annexés à la loi de finances faisaient allusion à la nécessité pour les outre-mers de se préparer à la signature d'accords de partenariat économique entre l'Union européenne et les pays Afrique-Caraïbes-Pacifique (ACP). Il a pris bonne note de la volonté européenne de susciter une dynamique régionale en faveur des échanges, mais a vivement regretté que les collectivités d'outre-mer n'aient pas été pleinement associées aux négociations et s'est inquiété de l'impact réel de ces accords sur la situation économique et sociale de ces collectivités.

Pour finir, M. Claude Lise, rapporteur pour avis, a tenu à évoquer deux dossiers majeurs au coeur de l'actualité des outre-mers.

S'agissant d'abord de la question de l'indemnisation des victimes de l'ouragan Dean, il a estimé que ce drame démontrait, s'il en était besoin, la forte exposition des outre-mers à ce type d'aléas.

Rappelant que le secrétariat d'Etat à l'Outre-mer avait annoncé, le 26 octobre 2007, le déblocage de 61 millions d'euros pour les sinistrés aux Antilles, il a salué l'effort envisagé par le Gouvernement, engageant néanmoins celui-ci à tout mettre en oeuvre pour accélérer le versement de ces sommes. A cet égard, il s'est inquiété du décalage entre les évaluations des dégâts effectuées sur place et les sommes prévues pour compenser les préjudices. Il a enfin souligné que les collectivités territoriales de Martinique et de Guadeloupe avaient déjà fait beaucoup en matière d'indemnisation et qu'il leur serait difficile de supporter des charges financières supplémentaires.

S'agissant ensuite du dossier des pesticides, il a rappelé que la couverture journalistique avait quelque peu terni l'image des Antilles, condamnant les excès médiatiques auxquels on avait pu assister. Il a admis qu'il fallait néanmoins mesurer la gravité de la situation créée par l'utilisation intensive de produits phytosanitaires toxiques jusqu'en 1993 -et pour certains jusqu'en juillet dernier- alors qu'ils auraient dû être depuis longtemps interdits. Il a plaidé pour le développement de moyens importants en faveur de la recherche, notamment pour évaluer au mieux les risques encourus par les populations locales.

Il a estimé qu'une politique d'aide à la reconversion devait être parallèlement mise en oeuvre pour les maraîchers et les vivriers travaillant sur des terres contaminées.

Pour conclure, il a fait part de son souhait de pouvoir formuler, lors du débat en séance publique, deux recommandations au nom de la commission des affaires économiques, relayant en cela celles formulées par ses collègues de l'Assemblée nationale.

La première demanderait au Gouvernement d'établir chaque année, une présentation budgétaire retraçant les crédits affectés par chacun des autres ministères à l'Outre-mer, et les crédits relevant de fonds d'intervention européens.

La seconde recommandation exigerait, dans un souci de transparence, la présentation annuelle d'un document budgétaire retraçant la ventilation des crédits entre les différentes collectivités territoriales d'outre-mer.

Félicitant le rapporteur pour son excellent travail d'analyse des crédits consacrés à l'outre-mer, M. André Lejeune a fait part de sa perplexité face à une stabilité budgétaire qui contraste avec des besoins en constante augmentation. Il a, à cet égard, souligné le niveau préoccupant du taux de chômage, de la croissance démographique et de la pénurie de logements dans les collectivités d'outre-mer. S'agissant du logement, il s'est tout particulièrement inquiété du niveau de la dette de l'Etat à l'égard des opérateurs.

Après avoir remercié le rapporteur pour son travail, M. Adrien Giraud a tenu à souligner le caractère illisible des documents budgétaires relatifs à l'outre-mer. A cet égard, il s'est étonné de constater que les documents budgétaires faisaient état d'une augmentation du budget consacré aux outre-mers de 2 %, alors qu'il constatait, par ses propres calculs, une baisse de plus de 4 % de ce même budget. Il a, en conséquence, salué les recommandations formulées par M. Claude Lise, rapporteur pour avis, tendant à améliorer la transparence des documents budgétaires relatifs à l'outre-mer.

M. Adrien Giraud a ensuite déploré l'attitude de l'Etat à Mayotte, ce dernier laissant la collectivité assumer, dans de nombreux domaines, le financement de missions régaliennes. Il a, à cet égard, appelé l'Etat à assumer ses responsabilités, soulignant que Mayotte recevait moins de crédits que les départements d'outre-mer, alors que son niveau de développement était très largement inférieur.

Répondant d'abord à M. André Lejeune, M. Claude Lise, rapporteur pour avis, a reconnu l'écart entre les moyens développés dans le projet de budget et les ambitions affichées pour l'outre-mer. Il a ajouté qu'il fallait favoriser les initiatives locales les plus dynamiques et exprimé sa préférence pour une stratégie globale pour l'outre-mer, au contraire des politiques au « coup par coup ». Il a en particulier estimé que les problèmes auxquels était confrontée l'outre-mer n'étaient pas seulement financiers, mais encore institutionnels, et qu'il était possible de réaliser des économies considérables en simplifiant l'organisation institutionnelle de ces territoires.

Répondant ensuite à M. Adrien Giraud, M. Claude Lise, rapporteur pour avis, a approuvé les remarques concernant le manque de lisibilité des documents budgétaires, soulignant que cela avait nourri ses recommandations en matière de transparence.

Sur la question des responsabilités financières de l'Etat, il a fait valoir qu'en tant qu'élu local, il était lui-même confronté à des arriérés de paiement de plus de 40 millions d'euros au titre du RMI et de l'APA et il a renouvelé ses critiques portant sur l'indemnisation des victimes de l'ouragan Dean. Evoquant, à ce propos, le dossier des pesticides, il a insisté sur la nécessité de prévoir, pour les Antilles, un plan de dépollution, ainsi que des crédits pour la recherche, notamment en matière de dépistage de cancers.

M. Gérard César, président, a, sur ce dernier point, rappelé que le président de la commission des affaires économiques avait saisi l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques d'une mission de veille visant à assurer que les études et rapports annoncés par le Gouvernement étaient bien élaborés.

M. Claude Lise, rapporteur pour avis, a alors indiqué que le Conseil général de la Martinique n'avait pas attendu les indemnisations pour engager des actions sur le terrain, citant, à cet égard, les 21 millions d'euros consacrés à la reconversion de terres agricoles polluées (bananeraies) en espaces de culture des fleurs tropicales. Il a souligné que cette initiative participait à la dépollution des sols, à la diversification des cultures et à la création d'emplois.

M. Gérard César, président, a exprimé son vif intérêt en faveur des recommandations formulées par le rapporteur pour avis en matière d'amélioration de la qualité des documents budgétaires. Il a également déclaré avoir noté l'idée d'une simplification institutionnelle et administrative de l'organisation des collectivités d'outre-mer.

En conclusion, M. Claude Lise, rapporteur pour avis, a exprimé, à titre personnel, un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Outre-mer », mais la commission a émis un avis favorable à cette adoption, le groupe socialiste votant contre.

Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président et de M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. -

Union européenne - Stratégie de Lisbonne - Audition de M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'Etat chargé des affaires européenne

Enfin, la commission a procédé à l'audition de M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'Etat auprès du ministre des affaires étrangères et européennes, chargé des affaires européennes, sur la stratégie de Lisbonne, conjointement avec la délégation pour l'Union européenne.

Après avoir remercié MM. Jean-Paul Emorine et Hubert Haenel de l'avoir invité à intervenir, M. Jean-Pierre Jouyet a rappelé que la « stratégie de Lisbonne » recouvrait l'ensemble des objectifs, des actions et des procédures dont l'Europe s'est dotée pour parvenir à augmenter durablement son potentiel de croissance et la création de nouveaux emplois. Il a indiqué vouloir faire le point des avancées réalisées dans ce domaine et des actions envisagées pour 2008.

Soulignant que la stratégie de Lisbonne avait pour ambition de faire de l'Europe « l'économie de la connaissance la plus compétitive du monde » à l'horizon 2010, il a reconnu -pour le regretter- que tous les objectifs fixés à Lisbonne en 2000 ne pourraient être atteints. Pour autant, l'Europe progresse dans la mise en oeuvre de la « stratégie de Lisbonne », qui demeure un cadre de référence pertinent pour inscrire notre stratégie économique et sociale.

M. Jean-Pierre Jouyet a rappelé qu'en effet l'Europe se devait, pour assurer sa prospérité, de relever le défi de la mondialisation en mobilisant pleinement ses ressources en travail et en assurant sa compétitivité dans le domaine de l'économie de la connaissance, également appelée économie de « l'immatériel ». La croissance, les emplois et les investissements de demain concernent essentiellement l'économie de la connaissance et les secteurs économiques à forte composante technologique. La croissance européenne repose dorénavant sur les efforts fournis dans les domaines de la recherche et de l'innovation technologique, de l'éducation et de la formation, du développement des petites et moyennes entreprises.

Il a, en outre, rappelé que l'Europe s'était fixé pour objectif, dès 2000, la pleine utilisation de ses ressources en travail, soulignant qu'il s'agissait également d'un des principaux objectifs du Président de la République qui souhaitait « remettre le travail au coeur du projet économique et social français ». La France et l'Europe souffrent tant d'une insuffisante mobilisation du facteur travail que d'un trop faible taux d'emploi et la revalorisation de la valeur travail s'impose.

M. Jean-Pierre Jouyet a ajouté que si l'objectif fixé à Lisbonne était le bon, les instruments définis en 2000 pour l'atteindre n'avaient pas tous été efficaces, en particulier en raison de la méthode retenue, qui s'était avérée trop peu contraignante. Pour ces raisons, les Etats membres ont décidé, en 2005, de refonder la stratégie de l'Union en la recentrant sur la croissance et l'emploi. Pour répondre au défi de la mondialisation et du vieillissement démographique, les objectifs suivants ont été fixés : une croissance de l'économie européenne de 3 % par an, un taux d'emploi de 70 % et une part des dépenses de recherche et développement (R & D) dans le PIB de 3 %.

Il a indiqué qu'en outre les instruments du partenariat entre les Etats membres et l'Union avaient été renforcés afin de garantir une plus grande implication des Etats membres. La Commission proposera prochainement, en vue du Conseil européen de mars 2008, une communication dressant le bilan de la mise en oeuvre des nouvelles lignes directrices arrêtées en 2005 et les actualisant pour la période 2008-2011.

M. Jean-Pierre Jouyet s'est félicité de ce que le bilan de la relance de la « stratégie de Lisbonne » soit favorable. L'Europe a retrouvé le chemin d'une croissance durable (2,9 % dans l'Union européenne en 2006 et encore 2,6 % cette année), le taux de chômage est revenu en dessous de 7 %, soit le plus bas niveau atteint depuis quinze ans, et 9 millions de nouveaux emplois devraient être créés dans l'Union entre 2006 et 2008. Le taux d'emploi a atteint, en 2006, 64,3 % dans l'Union à vingt-sept et 66 % dans l'Union à quinze (contre 63 % en 2000). Ces résultats sont très encourageants, mais les efforts ne doivent pas pour autant être relâchés.

S'agissant des mécanismes institutionnels, il a indiqué que le Conseil avait adopté pour la première fois en 2006 des recommandations adressées à chaque Etat membre pour la mise en oeuvre de son programme de réforme. C'est un pas en avant important pour l'exercice d'une « pression des pairs » conforme à l'esprit européen.

M. Jean-Pierre Jouyet a estimé que le Conseil européen de printemps devrait largement confirmer les orientations stratégiques décidées en 2005 et la nécessité de maintenir une certaine stabilité des lignes directrices intégrées. Il devrait également suivre la Commission qui propose, dans son programme législatif, de confirmer les quatre domaines stratégiques dans lesquels l'Union doit avancer, à savoir la recherche et l'innovation, l'éducation et la formation, l'environnement des entreprises et le changement climatique.

Il a ajouté que ce Conseil devrait également affirmer sa volonté de progresser dans les sept domaines d'action prioritaires proposés par le Président Barroso dans son rapport sur l'adaptation de l'Europe au défi de la mondialisation, qui sont l'adaptation du marché intérieur au XXIe siècle, l'adaptation de l'Europe à ses nouvelles réalités sociales, l'immigration, le changement climatique, la stabilité financière, la défense des intérêts de l'Europe dans la mondialisation et la promotion de ses normes au niveau mondial. C'est autour de ces sept principaux thèmes que s'organisera le programme de travail de la Commission pour 2008, qui servira de trame de fond à la présidence française du Conseil de l'Union l'an prochain. Parmi les chantiers les plus emblématiques, il faut citer, dans le domaine de la recherche et de l'innovation, l'Institut européen de technologie, dans le domaine de la nouvelle politique industrielle, les initiatives technologiques conjointes, ou encore, dans le domaine de l'enseignement, l'élargissement du programme ERASMUS à un public plus large, dans le but d'accroître la mobilité de nos jeunes en Europe, quels que soient leur origine sociale et leur niveau d'étude.

M. Jean-Pierre Jouyet a estimé que la démarche menée par l'Union allait dans le bon sens, puisqu'elle visait à défendre davantage les intérêts de l'Europe dans la mondialisation. Face à la montée en puissance des pays émergents et au dynamisme de nos partenaires américains et japonais, l'heure n'est plus à une lecture naïve de l'ouverture économique. Sans retourner au protectionnisme, il s'agit de retrouver la voie d'une protection des intérêts de l'Europe en prenant en compte le concept de réciprocité.

Il a également souhaité que la construction européenne reste fidèle à une ambition sociale forte, indiquant partager ce constat avec les Allemands. Il a ajouté que la France soutiendrait le renforcement de la dimension sociale de la « stratégie de Lisbonne » que prépare la Commission.

En concluant, M. Jean-Pierre Jouyet a regretté que la France ait été trop souvent considérée par Bruxelles comme l'un des Etats membres les plus réticents à mettre en oeuvre les réformes décidées dans le cadre de la stratégie de l'Union. L'élection du Président de la République et l'engagement du Gouvernement dans la mise en oeuvre d'un vaste programme de réformes structurelles touchant l'ensemble des volets de la « stratégie de Lisbonne » constituent une occasion unique de mettre fin aux malentendus du passé. Il a constaté l'existence d'une large convergence entre le programme de réformes entrepris par la France et les objectifs de la « stratégie de Lisbonne », évoquant, à cet égard, le travail engagé par la Commission pour la libération de la croissance française, présidée par M. Jacques Attali.

M. Jean-Pierre Jouyet a indiqué que la Secrétaire générale de la Commission avait estimé que les conditions étaient désormais réunies pour que la France devienne l'un des meilleurs élèves dans la mise en oeuvre de la « stratégie de Lisbonne » grâce à la réforme en profondeur des politiques de revalorisation de l'activité et du travail, à la réforme des universités et du système de recherche et de soutien à l'innovation, à la libération des freins à la croissance, à l'amélioration de l'environnement économique des petites et moyennes entreprises et à l'inscription de la croissance dans un cadre de développement durable. La France s'inscrit pleinement dans une stratégie ambitieuse qui reste parfaitement valide et adaptée aux défis de la mondialisation.

M. Jean Bizet s'est demandé, compte tenu de la mondialisation, s'il convenait de revenir sur la notion de « préférence communautaire ». Il a, par ailleurs, souligné que la France n'accordait pas, contrairement aux objectifs fixés par la « stratégie de Lisbonne », une place suffisante aux sciences du vivant, regrettant à cet égard les conclusions du Grenelle de l'environnement. Il a ajouté que la mise en place d'une clause de sauvegarde la mettrait en position difficile vis-à-vis de ses partenaires européens. Pourtant, les recherches sur le vivant sont l'une des clés de la lutte contre le changement climatique.

M. Jean-Pierre Jouyet a rappelé que la « préférence communautaire » était un principe qui existait depuis le traité de Rome. Certains partenaires de la France, et même certains commissaires, souhaiteraient en diminuer la portée. En revanche, la France y reste très attachée et souhaite renouveler les instruments existants. Ce principe doit pouvoir continuer à s'exercer dans le domaine agricole, dans l'industrie et dans les services. Par ailleurs, il convient de faire appliquer l'équité et la réciprocité dans les relations commerciales internationales, en particulier en matière de normes environnementales et sociales. Il faut donc pouvoir disposer d'instruments de défense commerciale, comme ceux qui existent dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), pour rétablir l'équilibre dans la compétition internationale. On ne peut pas demander à l'Europe d'être la plus exemplaire en matière de lutte contre le changement climatique si on lui refuse les moyens de prendre en compte les coûts écologiques et sociaux contenus dans les produits importés par l'Union européenne. Le Gouvernement est par conséquent opposé à tout assouplissement des instruments anti-dumping, fût-ce au profit de filiales d'entreprises européennes installées en Asie ou en Amérique du Sud. Il ne s'agit pas de porter un jugement sur les choix de délocalisation des entreprises. Mais ces filiales doivent être considérées comme des entreprises implantées à l'extérieur de l'Union européenne et auxquelles il ne peut être fait de concession au regard des contraintes d'environnement ou de coûts sociaux.

S'agissant des biotechnologies, M. Jean-Pierre Jouyet a reconnu que la thématique du plan d'action du Grenelle de l'environnement entraînait une réflexion sur les organismes génétiquement modifiés (OGM) et sur une suspension des cultures d'une nature d'OGM particulièrement contestée. Il a néanmoins rappelé que le Président de la République avait confirmé la volonté de la France de transposer la directive européenne et que les biotechnologies étaient une des priorités du programme européen présenté au Conseil européen -avec le soutien de la France- par le commissaire Verheugen.

M. Jean-Paul Emorine, président, s'est félicité des précisions apportées par M. Jean-Pierre Jouyet sur la notion de « préférence communautaire », précisant que celle-ci devrait couvrir aussi le coût de la santé animale, pour mettre fin à certaines erreurs d'interprEtation dans l'opinion publique.

M. Denis Badré a rappelé que dès les débuts de la construction européenne, des accords avaient été passés avec les pays en développement pour que l'Europe ne soit pas un club fermé de riches. Si la « stratégie de Lisbonne » porte sur les conditions du maintien de la compétitivité de l'Europe au regard des pays les plus développés, l'Europe doit aussi se préoccuper de ses rapports avec les pays les moins développés, ne serait-ce que pour faire face aux flux migratoires et aux délocalisations. Il a donc estimé indispensable de lier la stratégie de compétitivité de Lisbonne à une grande politique d'ouverture sur le monde et de codéveloppement. Cela pourrait être une des grandes initiatives de la présidence française. L'Europe, après avoir eu pendant longtemps comme objectif la paix, doit aujourd'hui avoir pour perspective le développement.

M. Adrien Giraud a constaté que le traité de Lisbonne levait les ambiguïtés contenues dans le traité d'Amsterdam en reprenant les conditions d'accès au statut de région ultrapériphérique prévues dans le projet de traité constitutionnel et en énumérant les régions ultrapériphériques. Il a néanmoins déploré que l'Ile de Mayotte ne soit pas une région ultrapériphérique de l'Europe.

Suggérant l'organisation d'un Grenelle européen de l'environnement, M. Jacques Muller s'est, par ailleurs, inquiété d'une discordance entre les objectifs européens de formation et de développement et le dumping social qui s'exerce en Europe du fait d'une libéralisation non maîtrisée du marché du travail. Le travail étant fortement surtaxé en Europe, il a estimé qu'il conviendrait de substituer progressivement à la taxation du travail une taxation de la pollution.

M. Jean-Pierre Jouyet a reconnu que le développement devrait être mieux pris en compte dans le cadre du volet externe de la « stratégie de Lisbonne », ajoutant que le prochain Conseil européen devrait se saisir de cette question. Il a néanmoins souligné que l'Europe était de loin le premier donateur, avec 55 % de l'aide publique mondiale en faveur du développement. Elle s'est en outre fixé, d'ici à 2015, un objectif de 0,7 % de son PIB pour cette aide. L'Europe a d'ailleurs toujours été exemplaire lors de la conclusion d'accords avec les pays en voie de développement d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique. La difficulté vient maintenant du fait que ces accords doivent être adaptés aux règles de l'OMC. Il convient donc que l'OMC prenne mieux en compte les principes de développement mis en oeuvre de longue date par l'Europe.

M. Jean-Pierre Jouyet a ensuite indiqué que la France, comme plusieurs autres pays européens, accordait une grande importance à la prise en compte de la spécificité des régions ultrapériphériques. Cette politique de cohésion doit également intégrer les éléments de la stratégie de Lisbonne touchant par exemple à la formation ou à l'investissement durable. Il convient aussi de veiller à la protection de certaines filières -comme les filières sucrières ou bananières- et au maintien de l'octroi de mer. Avec Saint-Martin et Saint-Barthélemy, des progrès ont été enregistrés. Les régions ultrapériphériques continuent d'être reconnues par le traité. La situation de Mayotte doit être examinée, notamment avec le ministre en charge de l'Outre-mer, pour mieux prendre en compte sa spécificité régionale dans le cadre européen.

S'agissant du développement et de l'environnement durable, il a estimé qu'à l'origine la « stratégie de Lisbonne » ne mettait pas suffisamment l'accent sur ces questions. Il a ajouté que l'année 2008 serait cruciale en matière d'environnement, puisqu'il s'agit de l'une des priorités du programme législatif de la Commission. Une dizaine d'accords politiques dans ce domaine sont prévus pendant la présidence française. Des décisions devront être prises notamment sur la part des énergies renouvelables dans le bouquet énergétique et sur la réduction des émissions de gaz carbonique. Une mutation va ainsi s'opérer dans le processus de Lisbonne en raison de ces nouvelles mesures de lutte contre le changement climatique.

Enfin, s'agissant du financement de la protection sociale par des écotaxes, M. Jean-Pierre Jouyet a rappelé que le Président de la République avait déjà eu l'occasion de s'en entretenir avec des responsables européens et au sein de l'Eurogroupe. Si l'enjeu est important, il est évident que nombre des partenaires de la France auront du mal à nous rejoindre, le financement de la protection sociale représentant 20 % du PIB.

M. Pierre Fauchon a estimé que si la « stratégie de Lisbonne » était brillante dans ses objectifs, elle était très insuffisante dans les mesures concrètes d'application, regrettant que les politiques se réfugient dans des déclarations d'intention sans prendre les mesures concrètes correspondantes. Il a souhaité que la présidence française face preuve de réalisme, notamment avec des directives accompagnées d'actions en manquement. Il a déploré en outre l'absence d'instruments fiscaux pour atteindre les objectifs fixés.

Constatant que si l'auditoire présent était rallié à la cause européenne, M. François Fortassin a souligné qu'il n'en allait pas de même pour l'opinion publique. Il a regretté que la complexité des mécanismes européens ait un effet de repoussoir et a demandé comment la présidence française comptait améliorer cette situation. Enfin, il a souhaité que l'Europe adopte une position claire sur les OGM.

M. Thierry Repentin a ensuite évoqué le problème du livret A, rappelant que la France avait saisi la Cour de justice à ce sujet. Précisant que la Commission contestait le monopole de la Poste sur le livret A, il a rappelé que la contrepartie de ce monopole était l'obligation pour La Poste d'ouvrir un compte à tout souscripteur, même à celui qui était interdit bancaire, ainsi que d'effectuer gratuitement les opérations de retrait pour ses souscripteurs. Enfin, la Poste est souvent, en zones urbaines sensibles, comme en zones rurales éloignées, le dernier point d'accès aux services bancaires.

Il a ajouté que l'argent collecté au travers du livret A était géré par la Caisse des dépôts et consignations au bénéfice du logement social par le biais de prêts à 50 ans à taux privilégiés. La banalisation du livret A aurait comme effet de revoir fondamentalement le mode de financement du logement social. Il ne serait alors pas surprenant que, compte tenu de l'Etat actuel des finances publiques, les collectivités territoriales soient invitées à se substituer à la Caisse des dépôts et consignations.

Evoquant ensuite la directive « Eurovignette 2 » qui doit être transposée en droit français d'ici l'année prochaine, il a estimé que le Sénat devrait être saisi en premier de cette transposition en raison de son application territoriale évidente.

M. Charles Revet a ensuite demandé quelles marges de manoeuvre pouvait encore avoir un pays, par exemple pour modifier les conditions de financement de sa protection sociale, et s'il pouvait librement taxer les produits et les services.

Répondant à M. Pierre Fauchon, M. Jean-Pierre Jouyet a estimé, en matière européenne, qu'il convenait de se fixer des objectifs quantifiés et des agendas, même si ceux-ci ne pouvaient pas toujours être atteints. Cette méthode, qui a fait ses preuves pour la construction du marché intérieur, a été retenue dans le cadre de la « stratégie de Lisbonne ». Elle permet de maintenir les Etats membres en convergence et sous pression. Il a, en revanche, indiqué qu'il partageait l'analyse concernant l'insuffisance de mécanismes contraignants, notamment en matière économique. Pour autant, il ne semble pas souhaitable d'aller jusqu'à une certaine juridictionnalisation du procédé, car il s'agit de problèmes de société qui ne peuvent être résolus par la Cour de Justice.

S'agissant ensuite de l'information de l'opinion publique sur les questions européennes, il a reconnu que si celle-ci n'était pas toujours facile à assurer en raison de la complexité des sujets, il convenait néanmoins de l'améliorer. Il a précisé que la présidence française comptait rationaliser cette information, notamment avec l'organisation, entre mars et août 2008, de conventions décentralisées sur des thèmes précis de la présidence qui réuniront des parlementaires, des députés européens, des représentants locaux, des membres du gouvernement et de la Commission, des représentants d'associations et de syndicats. Il a ajouté qu'il convenait en outre d'engager le plus possible de politiques concrètes pour montrer la réalité de l'Europe.

Au sujet de l'épargne populaire, M. Jean-Pierre Jouyet a précisé que la Commission ne remettait pas en cause l'affectation du livret A au financement du logement social, mais le monopole de sa collecte par la Poste et les caisses d'épargne. M. Michel Camdessus a été chargé d'un rapport qui doit notamment examiner le problème de la bancarisation des publics fragiles et du financement du logement social. Sur la base de ce rapport, le gouvernement transmettra à la Commission ses propositions au début de l'année prochaine en espérant pouvoir trouver un accord dans un délai rapide.

S'agissant de la directive « Eurovignette 2 », il a rappelé qu'il était résulté du Grenelle de l'environnement que la France souhaitait appliquer celle-ci dès que possible.

Enfin, il a indiqué qu'il existait des marges de manoeuvre en matière fiscale, sous réserve qu'elles n'entraînent pas de distorsions de concurrence entre les produits nationaux et les produits des autres Etats membres ; l'égalité de traitement s'applique d'ailleurs également dans le cadre des accords commerciaux passés entre l'Union européenne et les pays tiers. Il a ajouté qu'il n'y avait pas de plafonnement de la taxe sur la valeur ajoutée et que les Etats agissaient librement en matière de fiscalité directe. S'agissant de la fiscalité indirecte, la France a demandé à bénéficier de marges supplémentaires sur la taxe sur la valeur ajoutée par la mise en place de taux intermédiaires applicables aux produits ne portant pas atteinte au fonctionnement du marché intérieur, comme les travaux à domicile ou la restauration.