Mercredi 28 novembre 2007

- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président. -

Nomination d'un rapporteur

Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission a tout d'abord procédé à la désignation de M. Gérard Cornu, en qualité de rapporteur sur le projet de loi n° 109 (2007-2008), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, pour le développement de la concurrence au service des consommateurs.

PJLF pour 2008 - Mission « Ville et logement » - Examen du rapport pour avis

La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport pour avis sur le projet de loi de finances pour 2008 de MM. Pierre André et Thierry Repentin sur les crédits de la mission « Ville et logement ».

Rappelant que les propositions de la mission d'information commune sur les quartiers en difficulté avaient été adoptées, un an auparavant, sans opposition, M. Pierre André, rapporteur pour avis, a regretté que cette question n'ait pas été davantage évoquée dans le cadre de la campagne présidentielle de 2007 et que le sujet ait été quelque peu oublié. Rappelant que 17 ministres de la ville s'étaient succédé en 23 ans, il s'est interrogé sur l'opportunité de mettre en place de nouveaux plans et a souhaité que les dispositifs créés depuis 2003 soient appliqués.

Il a ensuite indiqué que le budget alloué à la politique de la ville pour 2008 se situait dans la continuité des précédents et visait à financer les principales actions de celle-ci : le programme national de rénovation urbaine (PNRU), les contrats urbains de cohésion sociale (CUCS) et des dispositifs comme les adultes-relais et la réussite éducative. Relevant que ces derniers avaient en commun de rencontrer un réel succès sur le terrain et d'avoir pris du retard du fait de leurs délais de mise en oeuvre et de l'ampleur des besoins, il a souligné que les acteurs locaux, qui ont vu se succéder de nombreux plans, avaient besoin, pour 2008, de dispositifs stables et de financements pérennes. Regrettant de ne disposer que de très peu d'éléments sur le contenu et le financement du plan « Respect et égalité des chances », qui devrait être annoncé en janvier, il a précisé que celui-ci devrait mettre l'accent sur trois priorités : le désenclavement des quartiers, l'emploi des jeunes et l'éducation. Il a souhaité que ce plan ne marque pas de rupture avec les politiques engagées ces dernières années, mais au contraire les renforce et, au besoin, les améliore par le biais de mesures expérimentales et ciblées.

Après avoir indiqué que la dotation demandée pour 2008 pour les deux programmes de la politique de la ville s'élevait initialement à 1,14 milliard d'euros, M. Pierre André, rapporteur pour avis, a observé qu'elle avait été réduite de 13 millions d'euros par un amendement gouvernemental adopté en seconde délibération à l'Assemblée nationale, afin notamment de compenser en partie une hausse de crédits effectuée au bénéfice de la mission « Travail et emploi ». Il a estimé qu'au-delà du montant de ces enveloppes, la question essentielle posée à la politique de la ville concernait aujourd'hui le rythme de consommation des crédits. En effet, le PNRU connaît des retards non négligeables dans sa réalisation, et donc dans la consommation des crédits. En outre, du fait de la mise en place de l'Agence nationale pour la cohésion sociale (ACSé) en 2007, les crédits ont été délégués très tardivement aux associations, puisqu'au 31 août, seuls, 30 % des crédits avaient été mandatés. Il a déploré que certaines associations connaissent des difficultés financières alors qu'on enregistre une sous-consommation des crédits au niveau central et espéré que la mise en place de l'agence permette d'améliorer le rythme de consommation des crédits en 2008, puisque les moyens devraient être connus département par département dès le mois de décembre, et les crédits disponibles dès le mois de janvier.

M. Pierre André, rapporteur pour avis, a précisé qu'à ces crédits s'ajoutent, au titre de la politique de la ville, la dotation de solidarité urbaine (DSU), qui s'élève, pour 2008, à un peu plus d'un milliard d'euros. Cette année, du fait de la moindre hausse de la dotation globale de fonctionnement (DGF), la hausse de la DSU devrait s'élever à un peu plus de 9 % par rapport à 2007. Au total, la DSU de Clichy-sous-Bois est passée de 1,9 million d'euros en 2004 à 7,4 millions en 2007, soit une progression de 285 %.

Abordant les crédits de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), M. Pierre André, rapporteur pour avis, a indiqué que les dotations demandées respectaient la loi de programmation du 1er août 2003 en autorisations d'engagement, puisqu'une enveloppe de 485 millions d'euros est prévue. En revanche, les crédits de paiement sont en baisse, du fait du retard pris par le programme. Celui-ci est assez important, car en moyenne, les programmes approuvés enregistrent un retard de deux ans lors de leur démarrage. Ce retard s'explique assez facilement, étant donnée la complexité du montage des dossiers de rénovation urbaine, qui doivent s'inscrire dans une logique urbaine cohérente. A cet élément viennent s'ajouter la faiblesse de la maîtrise d'ouvrage dans certaines communes, la complexité des procédures d'urbanisme opérationnel, la difficulté à libérer du foncier, la longueur des procédures de relogement et les nombreux appels d'offres infructueux. M. Pierre André, rapporteur pour avis, a estimé qu'il était encore difficile de connaître précisément l'importance de chacune de ces causes et qu'il conviendrait de mener rapidement une étude pour en identifier les principales et y remédier.

S'agissant des crédits du deuxième programme, relatif au volet social de la politique de la ville, il a précisé qu'ils s'élevaient, après passage à l'Assemblée nationale, à 749 millions d'euros en autorisations d'engagement et étaient donc quasiment stables par rapport à 2007. L'essentiel de ces crédits a été transféré en 2007 de la délégation interministérielle à la ville (DIV) à la nouvelle Agence pour la cohésion sociale (ACSé). Ce transfert n'est malheureusement pas allé jusqu'à son terme, puisque la DIV a conservé la gestion d'une enveloppe de crédits dits « expérimentaux », ce qui ne facilite pas la tâche des acteurs locaux, qui doivent s'adresser tantôt à l'ACSé, tantôt à la DIV. Il est donc extrêmement souhaitable qu'il soit mis fin à cette situation et que l'Agence gère en 2008 l'intégralité des crédits d'intervention.

Abordant ensuite le dispositif de réussite éducative, M. Pierre André, rapporteur pour avis, a estimé qu'il rencontrait un réel succès sur le terrain et qu'il fallait aujourd'hui garantir son financement au-delà de 2009. Prévus par la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005, les projets de réussite éducative sont aujourd'hui au nombre de 500 en comptant les départements d'outre-mer. L'ACSé a identifié une centaine de territoires sur lesquels un projet devrait être élaboré soit parce qu'ils ont une zone urbaine sensible (ZUS), soit parce qu'ils sont en territoire prioritaire des contrats urbains de cohésion sociale. La mise en oeuvre de ces projets risque toutefois d'être freinée par l'incertitude qui pèse sur la reconduction des crédits après 2009, puisque la loi de programmation s'arrête au 31 décembre 2009, les collectivités hésitant désormais à s'engager dans de nouveaux projets. C'est pourquoi, pour obtenir la création des 100 derniers projets, il convient d'adresser un signal fort sur la poursuite du financement de ce dispositif au-delà de 2009. M. Pierre André, rapporteur pour avis, a estimé que cette poursuite se justifiait d'autant plus que la loi de programmation de 2005 prévoyait, pour 2005-2009, une enveloppe de plus d'un milliard d'euros alors que moins de 400 millions avaient été budgétés depuis cette date. C'est pourquoi il propose à la commission d'adopter un amendement demandant au Gouvernement la remise d'un rapport sur le bilan du dispositif et surtout sur ses perspectives, afin d'obtenir du ministre, en séance, une garantie quant à la pérennité de ce dispositif au delà de 2009, qui permettra aux acteurs locaux de s'y engager.

M. Pierre André, rapporteur pour avis, a également indiqué qu'une interrogation pouvait être formulée sur le montant des crédits pour 2008 alloués à la réussite éducative : 90 millions d'euros sont inscrits, ce qui correspond au financement des 456 équipes existantes en métropole, alors que cette ligne devra financer, en 2008, les 50 équipes situées outre-mer et, le cas échéant, les nouvelles équipes. Il a relevé que, d'après les informations qui lui avaient été communiquées, des reports de crédits de l'année 2007 sur 2008 devraient permettre de garantir des financements suffisants, mais a souligné qu'il souhaitait interroger le ministre à ce sujet en séance.

Il a précisé que le programme « Equité territoriale » faisait apparaître, pour 2008, une nouvelle ligne budgétaire, à hauteur de 11 millions d'euros, destinée à financer le service civil volontaire créé par la loi pour l'égalité des chances de 2006. Ce dispositif, a-t-il relevé, a été financé, en 2007, par redéploiement au sein du budget de la ville et une grande incertitude règne actuellement sur sa pérennité, puisque les 11 millions d'euros permettent de financer les conventions déjà passées, et non les nouvelles. Il a ensuite indiqué qu'un rapport pourrait être confié sur ce sujet à un parlementaire afin d'établir l'opportunité de poursuivre ce dispositif. S'agissant de son bilan provisoire, il a expliqué que les 1.300 jeunes engagés à ce jour étaient en majorité des jeunes ayant un bon niveau d'études, dont 15 % seulement viennent des ZUS. En conséquence, il a souhaité que le dispositif soit davantage orienté vers les jeunes en difficulté, dans la mesure où il est financé par le budget de la politique de la ville.

Enfin, M. Pierre André, rapporteur pour avis, a souhaité évoquer la question des maisons de l'emploi, dont le financement est assuré par la mission « Travail et emploi ». Relevant qu'il serait mis fin, au 1er janvier 2008, au conventionnement de nouvelles maisons de l'emploi, du fait de la constitution prochaine d'un service public de l'emploi unifié, il a regretté cette décision, dans la mesure où ces maisons constituent un lieu très utile de rencontre entre les jeunes et les entreprises et que les élus locaux se sont engagés dans ces dispositifs. Il a précisé qu'un parlementaire en mission avait été nommé afin d'étudier la situation des maisons en cours de conventionnement. En conclusion, M. Pierre André, rapporteur pour avis, a souligné que la politique de la ville avait besoin à la fois de temps pour porter ses fruits, de stabilité dans ses dispositifs et de visibilité dans ses financements et a appelé la commission à émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission.

Puis M. Thierry Repentin, rapporteur pour avis, a présenté les grandes données des deux programmes de la mission consacrés au logement. Relevant que le premier d'entre eux avait pour objet le financement des aides personnelles au logement, ce qui mobilise une grande partie des crédits de la mission avec près de 5 milliards d'euros (soit cinq fois le budget de la ville), il a indiqué que plusieurs faits méritaient d'être signalés :

- l'indexation, à compter du 1er janvier 2008, des principaux paramètres des aides personnelles au logement sur l'évolution de l'indice de référence des loyers (IRL), en application de la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable (DALO), mesure qui devrait garantir l'efficacité sociale et économique des aides face aux dérapages des loyers, notamment dans le secteur privé ;

- le relèvement de 30 à 31 euros de la participation minimale des allocataires à la dépense de logement, qui permettra à l'Etat d'économiser près de 33 millions d'euros ;

- et, enfin, la diminution de 24 euros à 15 euros mensuels, depuis la fin de l'année 2006, du seuil en-deçà duquel les aides au logement ne sont pas versées à leur bénéficiaire, évolution qu'il a jugée positive même s'il aurait préféré, à titre personnel, que cette règle, dite du seuil de non versement, soit supprimée.

Puis M. Thierry Repentin, rapporteur pour avis, a présenté l'article 60 du projet de loi de finances pour 2008, dont le dispositif est rattaché aux crédits de la mission. Il a rappelé que lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2007, la commission avait, à l'unanimité et de concert avec la commission des finances, adopté un amendement de suppression d'un article tendant à assujettir les employeurs publics (Etat, collectivités territoriales et établissements publics) à une cotisation de 0,2 % assise sur leur masse salariale, à l'instar des employeurs privés, afin de contribuer au financement des aides personnelles au logement. Soulignant que plusieurs membres de la commission avaient alors déploré les conséquences financières d'une telle mesure pour les collectivités territoriales, notamment celles qui ont une masse salariale importante, il a relevé que cet amendement avait été déposé dans le souci de ne pas alourdir les charges des collectivités territoriales qui, au surplus, ne sont pas compétentes en matière d'aides au logement. Il a ensuite remarqué que le Sénat avait suivi le raisonnement des deux commissions en adoptant ces amendements, mais que le gouvernement avait, lors de la seconde délibération, demandé au Sénat de revenir sur son vote. En définitive, ce dispositif avait été adopté dans le projet de loi de finances, occasionnant ainsi une charge supplémentaire de 65 millions d'euros pour les collectivités territoriales.

Il a ensuite expliqué que l'article 60 du projet de loi de finances pour 2008 aggravait ce dispositif en proposant le doublement du taux de la cotisation, de 0,2 à 0,4 %, sans qu'aucune concertation n'ait été menée avec les associations de collectivités territoriales, contrairement aux engagements du ministre délégué au budget du gouvernement précédent. Il a ainsi indiqué avoir saisi, pour la préparation de son rapport, six grandes associations d'élus -Association des maires de France, Assemblée des communautés de France, Assemblée des départements de France, Association des régions de France, Association des maires de grandes villes de France et association des maires Ville et Banlieue de France- et que celles-ci s'étaient déclarées unanimement défavorables à cette disposition. Il a déploré ce nouvel accroissement de charges sur les collectivités territoriales, pour la deuxième année consécutive, d'un montant de 65 millions d'euros, vraisemblablement justifié par le souci de l'Etat de financer, avec cette mesure, l'indexation des aides sur l'IRL.

Après avoir jugé tout aussi illégitime que l'an dernier cette modification du droit, M. Thierry Repentin, rapporteur pour avis, a précisé qu'il présenterait à l'approbation de la commission un amendement tendant à supprimer le doublement de la cotisation pour les collectivités territoriales et leurs établissements publics, tout en indiquant que la commission des finances ne s'associerait cependant pas à cette démarche cette année.

Présentant ensuite le budget des aides à la pierre, il a souligné le caractère crucial de l'année 2008 pour la politique du logement, puisqu'à compter du 1er décembre 2008, le droit au logement devient opposable pour cinq catégories de demandeurs de logement social et que la mise en oeuvre de ce droit pourra être sanctionnée par les juridictions administratives. Il s'agit donc du premier exercice budgétaire depuis le vote de la loi DALO du 5 mars 2007, lui conférant ainsi une importance particulière, compte tenu de la nécessité de mobiliser fortement des moyens publics pour développer l'offre de logements en France.

Il s'est alors interrogé sur le nombre de ménages susceptibles de faire valoir leur droit au logement devant les tribunaux administratifs à partir du 1er décembre, jugeant surprenante l'absence d'évaluation précise par le gouvernement, qui prévoit d'effectuer ce travail uniquement pour la préparation de la prochaine loi de finances. Tout en relevant que le comité de suivi de la mise en oeuvre du droit au logement opposable évaluait, quant à lui, à plus de 600.000 le nombre de ménages susceptibles d'exercer un recours à partir de cette date, soit 1,7 million de personnes, il a jugé urgent de développer fortement le parc locatif social et privé afin que le DALO ne reste pas lettre morte et devienne un droit véritablement effectif.

Présentant les objectifs de construction pour l'année 2008, M. Thierry Repentin, rapporteur pour avis, a expliqué que, conformément aux engagements votés dans la loi du 5 mars 2007, 142.000 logements locatifs sociaux devraient être financés au cours de l'année, assortissant ce rappel de deux observations.

D'une part, ce chiffre correspond à un objectif de décision de financement et non de réalisation. Or, il existe toujours un écart substantiel entre ces deux réalités statistiques, comme le démontre la stagnation du nombre de logements sociaux mis en service entre 2002 et 2005, aux alentours de 48.000, en décalage avec les discours publics sur le redressement, depuis quelques années, de la construction locative sociale en France.

D'autre part, les moyens budgétaires mobilisés par l'Etat pour atteindre ces objectifs seront sûrement insuffisants. Ainsi la subvention budgétaire moyenne versée pour chaque logement social construit stagne-t-elle, depuis 2004, autour de 2.700 euros pour un logement financé à l'aide d'un prêt locatif à usage social (PLUS) et de 12.000 euros pour un prêt locatif aidé-intégration (PLA-I) alors que, dans le même temps, les coûts de construction ont augmenté de 19 %, l'indice des prix de 7 % et que le taux du Livret A a également augmenté, renchérissant d'autant le coût des prêts pour les organismes HLM. En conséquence, les finances des collectivités territoriales, tout comme les fonds propres des organismes HLM, sont de plus en plus souvent sollicitées pour équilibrer les opérations de construction.

A ces difficultés financières, il a ajouté que se posait également le problème des recours sur les permis de construire, qui sont de plus en plus fréquents, ainsi que celui de la pénurie de main d'oeuvre et des appels d'offre infructueux. Au total, il a émis des doutes sur la capacité du parc locatif à répondre aux sollicitations dont il ne manquerait pas de faire l'objet à partir du 1er décembre 2008, relevant que Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville avait elle-même fait part de son inquiétude sur ce point.

M. Thierry Repentin, rapporteur pour avis, a alors présenté quelques pistes de réflexion pour faciliter la mise en oeuvre du droit au logement opposable.

Premièrement, il paraît indispensable d'élargir le champ des logements concernés pour loger les publics prioritaires. Dans sa forme actuelle, la loi du 5 mars 2007 ne prévoit de mobiliser que le contingent préfectoral de logements sociaux, ce qui sera vraisemblablement insuffisant pour répondre aux demandes. Il serait nécessaire de mobiliser également les droits de réservation des collectivités territoriales et des organismes collecteurs du 1 % Logement, mais aussi le parc locatif privé.

Il a rappelé à cet égard qu'il avait présenté, à titre personnel, un amendement à la première partie du projet de loi de finances pour 2008 afin d'accorder aux propriétaires privés de logements à loyers très sociaux une exonération totale d'impôts sur leurs revenus locatifs dès lors que le logement était destiné à un ménage prioritaire au sens du DALO. Il a néanmoins déploré le rejet de cet amendement par le Sénat, pour des raisons qu'il a estimé ne pas pouvoir comprendre.

Deuxièmement, un recentrage de l'effort de l'Etat en faveur du logement apparaît également indispensable. Chaque année, l'Etat perd près de 400 millions d'euros de recettes fiscales avec le dispositif d'amortissement fiscal en faveur des investissements locatifs « Robien ». De même, l'entrée en vigueur de la déductibilité du revenu imposable des intérêts d'emprunt pour l'acquisition de la résidence principale en application de la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, va diminuer, à partir de 2013, les recettes fiscales de près de 3,7 milliards d'euros chaque année, ce montant pouvant même être porté à 4,5 milliards d'euros avec l'article 7 du PLF 2008, qui double le plafond d'intérêts pris en compte la première année. A titre de comparaison, le prêt à taux zéro représente un coût de 500 millions d'euros chaque année. M. Thierry Repentin, rapporteur pour avis, a estimé que ces fonds publics gagneraient à une meilleure utilisation pour la politique du logement, puisque l'amortissement « Robien » contribue bien souvent à financer des logements peu adaptés aux marchés locaux de l'habitat et le crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt ne sera pas suffisant pour compenser l'envolée des prix de l'immobilier depuis la fin des années 1990.

Il a enfin achevé sa présentation en évoquant la question du Livret A, qui est aujourd'hui la principale source de financement du logement social. Après avoir rappelé que le monopole de distribution par les Caisses d'épargne et La Poste du Livret A avait été remis en cause par la Commission européenne, il a contesté l'analyse des instances communautaires en expliquant que les traités européens ne faisaient pas obstacle, selon lui, à l'existence de droits spéciaux pour le financement des services d'intérêt économique général. Il a ainsi fait part de ses craintes sur la diminution de l'encours du Livret A dans le cas où il serait distribué par d'autres réseaux bancaires, car ces derniers seront tentés de réorienter l'épargne vers des placements plus lucratifs comme l'assurance-vie. Il a par ailleurs indiqué que ces autres réseaux bancaires étaient plus intéressés par la gestion des livrets dotés d'un encours important que ceux disposant d'un encours plus modeste. Or, les livrets avec moins de 150 euros, qui sont les plus nombreux et totalisent le plus grand nombre d'opérations aux guichets, resteront à n'en pas douter au sein des Caisses d'Epargne et de La Poste, ce qui fragilisera la péréquation générale du système.

M. Thierry Repentin, rapporteur pour avis, a alors formé des voeux pour que le recours intenté devant les juridictions communautaires par l'Etat, les Caisses d'Epargne et La Poste, soutenu par l'Union sociale pour l'habitat, et peut-être par certaines associations d'élus qu'il a saisies pour les inviter à se porter partie au recours, aboutisse favorablement. Il a néanmoins exprimé ses doutes sur la détermination de toutes les autorités françaises compte tenu de la récente décision de donner à la Poste le droit de distribuer des crédits à la consommation, ce qui semble constituer une première contrepartie à la perte de son droit spécial sur le Livret A.

En conclusion, il a indiqué que cet exposé assez critique n'avait d'autre but que de susciter un débat politique sur la question du logement, question cruciale pour la vie quotidienne d'un grand nombre de ménages français. Compte tenu de ces éléments, il a donc indiqué qu'il ne pouvait qu'appeler à émettre un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Ville et logement », non pas dans un esprit polémique, mais pour créer un électro-choc nécessaire à la veille d'échéances décisives.

M. Dominique Braye a estimé que le problème du logement en France était suffisamment délicat pour ne pas le traiter dans un esprit polémique. Il a jugé essentiel de ne pas se concentrer sur les problèmes de financement du parc locatif social dans la mesure où, au cours des dernières années, la totalité des décisions de financement de nouveaux logements sociaux n'a pas été consommée. S'agissant de la mise en oeuvre de la loi DALO, il s'est interrogé sur la manière de répondre à toutes les demandes de logement des ménages prioritaires dans un contexte de pénurie de logements aussi aiguë, considérant que, dans cette optique, toute attribution à un ménage prioritaire ne pouvait se faire qu'au détriment d'autres catégories de la population éprouvant des difficultés à se loger. Par ailleurs, il a souligné qu'un ménage expulsé de son logement deviendrait prioritaire au sens du DALO et pourrait donc bénéficier de l'attribution d'un autre logement à ce titre.

Soulignant ensuite que des moyens colossaux, assortis d'une détermination sans faille de la ministre du logement et de la ville, au demeurant reconnue par tous les acteurs du secteur, étaient mobilisés pour mettre en oeuvre le droit au logement opposable, il a expliqué que la question des financements ne constituait qu'une partie du problème, jugeant inadaptés les critères de versement des aides par rapport aux besoins des territoires. Après avoir considéré qu'une recentralisation de la politique du logement, thèse évoquée par la ministre, ne permettrait pas de lever ces difficultés, il a jugé plus urgent de renforcer les outils locaux d'observation des marchés de l'habitat et d'achever, voire rationaliser, la carte de l'intercommunalité.

Tout en reconnaissant que les mécanismes en faveur des investissements locatifs avaient contribué à produire une offre nouvelle importante, certes pas toujours parfaitement adaptée aux besoins des territoires, M. Dominique Braye s'est déclaré défavorable à la suppression de ces dispositifs, mais a admis la nécessité d'en prévoir une programmation territoriale. Il a également jugé souhaitable de traduire dans les plans locaux de l'urbanisme les objectifs des programmes locaux de l'habitat.

Il a par ailleurs indiqué être en désaccord avec la proposition du rapporteur pour avis tendant à mobiliser les droits de réservation sur le parc HLM des collectivités territoriales, estimant qu'une telle orientation serait de nature à remettre en cause les efforts faits localement par ces collectivités pour favoriser la mixité sociale. En revanche, il a considéré plus essentiel de mobiliser le parc locatif privé, en liaison avec l'Agence nationale de l'habitat (ANAH). Il a enfin relevé à son tour les difficultés de construction liées à la pénurie de main d'oeuvre dans le bâtiment, soulignant le nombre croissant d'appels d'offre infructueux -qui rallongent les délais de construction- et expliquant que les entreprises de ce secteur préféraient honorer en priorité les commandes passées par les promoteurs privés.

En conséquence, il a appelé la commission à émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission, compte tenu des efforts sans précédent réalisés dans le secteur du logement.

Après avoir fortement regretté l'évolution de la DSU, M. Daniel Raoul a évoqué la convention passée entre l'Etat et la Caisse nationale d'allocations familiales et annoncé que les collectivités territoriales seraient davantage sollicitées, à compter du 1er janvier 2008, sur les opérations concernant notamment la jeunesse. Déplorant les évolutions récentes relatives aux maisons de l'emploi, il a souligné que les collectivités s'étaient engagées dans ces dispositifs et s'est interrogé sur l'avenir de celles qui ont déjà signé des conventions.

Estimant inopportun de concentrer les personnes les plus en difficulté au même endroit, M. Gérard Bailly s'est interrogé sur les conditions d'attribution d'aides comme le prêt à taux zéro pour les personnes résidant en zone rurale.

M. Bernard Piras a posé une question sur l'état d'avancement du plan d'action renforcé en faveur des sans-abri (PARSA).

M. François Fortassin a relevé que les bailleurs sociaux étaient souvent réticents à réaliser des logements financés par des PLA-I, malgré les injonctions des services de l'Etat et des collectivités territoriales, prenant l'exemple de son département où un tiers seulement de l'objectif a été réalisé. Il a ensuite mis en évidence l'un des effets pervers du DALO en soulignant, d'une part, que les locataires en place dans le parc social étaient incités à ne pas payer leur loyer en raison de la prise en charge par les fonds de solidarité de logement (FSL) des impayés et, d'autre part, qu'un ménage expulsé devenait prioritaire au sens de la loi du 5 mars 2007.

M. Francis Grignon a interrogé M. Thierry Repentin sur l'avenir du Livret bleu distribué par le Crédit Mutuel, se demandant s'il était concerné, au même titre que le Livret A, par la décision de la Commission européenne. Soulignant ensuite qu'un nombre croissant de collectivités territoriales avaient mis en place des structures de portage foncier pour faciliter la réalisation des opérations de construction, il s'est demandé si un premier bilan pouvait déjà être tiré de ces différentes expériences. Enfin, en sa qualité de président du groupe d'études du bâtiment et des travaux publics, il a fait valoir que la réalisation de la totalité du programme de construction accroîtrait les tensions sur le secteur du BTP et nécessiterait un recours accru à la main d'oeuvre étrangère, comme dans les années 1960.

Soulignant que la réforme de la DSU de 2005 avait renforcé la prise en compte des zones urbaines sensibles et des zones franches urbaines, M. Pierre André, rapporteur, a rappelé que l'extension ultérieure du bénéfice de cette réforme aux communes de plus de 200.000 habitants et à celles de moins de 10.000 habitants en avait réduit l'impact. Déplorant également le désengagement des CAF, il a estimé que ce serait encore une fois aux communes de prendre en charge les dépenses supplémentaires. Enfin, il a indiqué partager les préoccupations exprimées précédemment concernant les maisons de l'emploi, dans lesquelles les villes se sont fortement investies et a précisé que, d'après les informations qu'on lui avait communiquées, les maisons déjà existantes n'étaient pas remises en cause.

En réponse aux questions qui lui ont été posées, M. Thierry Repentin, rapporteur pour avis, a apporté les précisions suivantes :

- les parlementaires, toutes sensibilités politiques confondues, peuvent se retrouver sur un certain nombre de propositions pour favoriser l'offre de logement, comme l'exonération totale d'imposition sur les revenus tirés de la location de logements privés en faveur de ménages prioritaires au sens du DALO, mesure suggérée par le président de l'ANAH ;

- les crédits budgétaires en faveur du développement des places d'hébergement relèvent d'une autre mission budgétaire. Il serait souhaitable, comme le propose le rapporteur spécial de la commission des finances de la mission « Ville et logement », M. Philippe Dallier, de regrouper ces crédits au sein de la même mission, dans la mesure où il existe un lien indissociable entre hébergement et logement. Il n'en reste pas moins que la totalité des objectifs du PARSA n'ont pas été atteints ;

- les territoires ruraux peuvent également proposer des solutions de logement aux personnes qui éprouvent des difficultés à se loger, dans la mesure où ces territoires, qui seraient alors dynamisés par un surcroît de population, offrent un cadre de vie de qualité et des loyers moins élevés qu'en zone urbaine. Or, bien souvent, la totalité des agréments de construction de logements sociaux ne sont pas consommés, alors qu'ils pourraient être utilisés dans ces zones rurales, où le parc privé a également un rôle à jouer ;

- un premier retour d'expérience des établissements publics fonciers locaux montre que ces structures constituent des leviers intéressants pour faciliter la réalisation de programmes de logement, en levant des fonds au travers de la taxe spéciale d'équipement ou par l'intermédiaire des budgets des établissements publics de coopération intercommunale ;

- le mode de distribution du Livret bleu est, à l'instar de celui du Livret A, remis en cause par la Commission européenne. Les associations d'élus ont vraisemblablement, sur ce dossier, la possibilité d'intervenir dans la procédure contentieuse en tant que tiers intéressé puisque, si la banalisation du Livret A se traduisait par une diminution de l'encours des fonds consacrés au financement du logement social, les collectivités territoriales seraient mécaniquement amenées à compenser le manque à gagner pour les organismes HLM.

A l'issue de ce débat, la commission a examiné deux amendements proposés par les rapporteurs pour avis :

à l'article 60 (doublement de la cotisation assise sur la masse salariale des employeurs publics), après une brève présentation de son objet par M. Thierry Repentin, rapporteur pour avis, elle a adopté un amendement tendant à supprimer le doublement de la cotisation sur la masse salariale pour les collectivités territoriales et leurs établissements publics, M. Dominique Braye précisant que le bureau national de l'Assemblée des communautés de France s'était déclaré défavorable à l'article 60 et relevant que le Gouvernement n'avait procédé à aucune concertation avec les associations d'élus sur cette mesure ;

après l'article 61, un amendement demandant au Gouvernement un rapport sur le bilan et les perspectives de financement, au-delà de 2009, du dispositif de réussite éducative.

Puis la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits inscrits à la mission « Ville et logement », les groupes socialiste et apparenté et communiste, républicain et citoyen votant contre.

PJLF pour 2008 - Mission « Régimes sociaux et de retraite » - Examen du rapport pour avis

La commission a procédé à l'examen du rapport pour avis sur le projet de loi de finances pour 2008 de M. Bernard Piras sur les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite ».

Après avoir rappelé que l'examen des crédits relatifs aux régimes sociaux et de retraite s'inscrivait dans un contexte particulièrement agité, M. Bernard Piras, rapporteur pour avis, a rappelé qu'en dépit des réformes de grande ampleur programmées par le Gouvernement, la mobilisation des salariés concernés avait permis de relancer les négociations sur l'avenir de ces régimes.

Il a souligné qu'il était logique que la commission des affaires économique examine la mission « Régimes sociaux et de retraite » dans la mesure où cette dernière traduisait, au plan budgétaire, les engagements pris par l'Etat à l'égard d'assurés sociaux et de pensionnés relevant d'entreprises ou de secteurs appartenant à son champ de compétence, c'est-à-dire pour l'essentiel, les transports, la marine et les mines.

A cet égard, il a relevé que 78,6 % des 5,12 milliards d'euros de crédits demandés l'an prochain pour les trois programmes de cette mission étaient destinés à financer les subventions d'équilibre versées :

- soit aux régimes de retraite de la SNCF et de la RATP ;

- soit à l'Etablissement national des invalides de la marine (ENIM), le régime spécial assurant aux marins la protection des divers risques sociaux ;

- soit encore à la Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines, qui en fait de même pour les mineurs.

Puis M. Bernard Piras, rapporteur pour avis, a indiqué que contrairement à 2007, année pour laquelle les crédits avaient connu une progression significative de 11 % par rapport à 2006, le projet de loi de finances pour 2008 témoignait d'une certaine stabilité, avec une progression d'un peu plus de 2 %. Il a précisé que, compte tenu de l'architecture interne de la mission, la progression des crédits résultait essentiellement du programme 198 « Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres », qui représente à lui seul 68 % des crédits de la mission avec un montant de 3,47 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une augmentation de 5,47 % entre 2007 et 2008.

Puis il a ajouté que le programme 197 « Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins », représentait quant à lui 14 % des crédits de la mission en 2008, avec un montant de 710 millions d'euros, soit un chiffre quasiment stable par rapport à l'année 2007.

Enfin, il a indiqué que le programme 195 « Régimes de retraite des mines, de la SEITA et divers » représentait de son côté 18 % des moyens de la mission, et connaissait une contraction de ses crédits de 4,12 %, ceux-ci revenant de 970 à 930 millions d'euros.

S'agissant ensuite de l'évaluation de la performance de cette mission, M. Bernard Piras, rapporteur pour avis, a estimé que les justifications apportées par le projet annuel de performance témoignaient du caractère essentiellement contraint des crédits demandés. Il a ainsi souligné qu'il était impossible de comparer la mission « Régimes sociaux et de retraites » aux autres missions du régime général.

Il a, à cet égard, mis en évidence la difficulté de transférer les crédits d'un programme à un autre étant donné que les sommes demandées visaient à garantir, au titre de la solidarité nationale, les droits sociaux, pour des montants dont l'anticipation précise était relativement aisée à effectuer.

Soulignant, par ailleurs, que les indicateurs de performance étaient utiles à la vérification de la bonne gestion de ces droits sociaux, il a toutefois fait observer que ceux-ci ne présentaient guère d'intérêt politique. Tout au plus a-t-il pu relever, qu'ils étaient globalement pertinents et satisfaisants, et que les administrations concernées s'étaient attachées à bien les renseigner.

M. Bernard Piras, rapporteur pour avis, a ensuite considéré que le point essentiel du débat résidait dans la réforme des régimes spéciaux de retraite actuellement engagée par le Gouvernement.

A cet égard, il a jugé qu'au regard du poids que représentaient les subventions d'équilibre versées à la SNCF et à la RATP d'une part (3,31 milliards) et à l'ENIM d'autre part (719 millions d'euros), constituant ainsi près de 80 % des crédits de la mission, cette réforme ne pouvait pas laisser les membres de la commission des affaires économiques indifférents.

Reconnaissant toutefois que ces régimes n'étaient pas les seuls régimes spéciaux, il a estimé qu'on ne pouvait pas aborder globalement la question de la réforme des régimes spéciaux seulement à l'aune du coût budgétaire de la mission.

Puis M. Bernard Piras, rapporteur pour avis, a rappelé que si la réforme du 21 août 2003 n'avait pas concerné les régimes spéciaux et que le débat avait été renvoyé à un « rendez-vous » fixé en 2008, bien des évolutions avaient cependant eu lieu depuis quatre ans ou étaient actuellement en cours. Il a cité, pour mémoire :

- la réforme des régimes des industries électriques et gazières en 2004 ;

- l'adossement de l'ENIM au régime général en 2006 ;

- ou encore l'application à la SNCF et à la RATP des nouvelles normes comptables IFRS depuis le 1er janvier 2007.

S'agissant de ces dernières, il a rappelé qu'elles obligeaient désormais les entreprises à provisionner les engagements de retraite, nécessitant ainsi la réforme du financement de ces régimes. Il a fait remarquer que cette réforme s'était traduite d'une part, par la création de la Caisse autonome de retraite du personnel de la RATP au 1er janvier 2006, en cours d'adossement au régime général et, d'autre part, par la mise en place de la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF en 2007, dont l'adossement au régime général n'a toujours pas été entrepris.

A cet égard, M. Bernard Piras, rapporteur pour avis, a jugé que le budget de la mission « Régimes sociaux et de retraites » était incomplet, dans l'hypothèse, fortement probable, où cette réforme interviendrait en 2008, puisqu'il ne prenait pas en compte les participations de l'Etat à sa mise en oeuvre. Il a toutefois admis qu'il était, au moment de la construction du projet de loi de finances, difficile d'anticiper de manière raisonnable sur le niveau de ces participations.

M. Bernard Piras, rapporteur pour avis, a ensuite observé que le contexte actuel se prêtait particulièrement bien à une réflexion concertée sur l'avenir des régimes spéciaux.

Rappelant que la réforme de ces régimes avait été engagée par le Gouvernement et que le débat s'était étendu à l'ensemble de la population française, il a estimé, à titre personnel, que la réflexion en cours ne devait pas se traduire par une réforme brutale qui remettrait en cause les droits des pensionnés et des agents en activité.

Il a ainsi relevé que les avantages dont bénéficiaient ces personnels au titre de la retraite et de la protection sociale étaient partie intégrante de leurs statuts, et qu'ils étaient la juste contrepartie de contraintes et de pénibilités qui devaient être prises en compte. Par ailleurs, il a affirmé que ces pensionnés ne sauraient être tenus pour responsable d'une situation dont ils ne sont que les héritiers.

Il a donc fait valoir, que, de son point de vue, les changements envisagés ne devraient concerner que les nouvelles générations d'agents ou de salariés, jugeant qu'il s'agissait là, pour l'Etat, de respecter, ni plus, ni moins, ses engagements passés.

Il a souhaité que dans le cadre des négociations actuelles, les partenaires sociaux soient écoutés et entendus. Il a, par ailleurs, affirmé que, seul, ce processus de négociation permettrait de dégager des solutions équitables entre les professions et entre les générations, notamment sur la question de la pénibilité du travail. Il a espéré que les spécificités propres à chaque situation soient bien prises en compte par les pouvoirs publics et a plaidé pour un partage équilibré des charges entre la solidarité nationale et les contributions des différents secteurs d'activité.

M. Bernard Piras, rapporteur pour avis, a enfin indiqué, citant le rapport du COR (Conseil d'orientation des retraites) que l'allongement de la durée de cotisations ne pouvait être la seule solution, puisque le taux d'emploi des salariés de 50 à 60 ans demeurait faible.

Dès lors, il a estimé que la pénibilité et donc l'espérance de vie selon les métiers et les catégories socioprofessionnelles, restait, in fine, le coeur du dossier.

Il a réaffirmé que la réforme des retraites des régimes spéciaux devait être examinée en prenant en compte les questions de financement, la revalorisation des pensions, le niveau des pensions compte tenu de la problématique des décotes et des surcotes et surtout la pénibilité du travail.

A l'issue de cette intervention, Mme Evelyne Didier s'est demandé si les crédits inscrits au titre du régime de retraite des mines étaient suffisants pour couvrir les besoins vis-à-vis des pensionnés concernés.

M. Bernard Piras, rapporteur pour avis, a d'abord fait remarquer que le régime de retraite des mines représentait près de 90 % des crédits du programme n° 195, avec 800 millions d'euros inscrits dans le projet de loi de finances pour 2008. Reconnaissant ensuite que ces crédits étaient en diminution de 5,7 % par rapport à 2007, il a toutefois souligné que le réajustement pour 2008 se justifiait dans la mesure où les niveaux de consommation de crédits enregistrés les années précédentes témoignaient d'une surbudgétisation du programme. Dès lors, il a estimé que les sommes affectées par l'Etat au régime de retraite des mines seraient suffisantes pour répondre aux besoins de financement.

En conclusion, M. Bernard Piras, rapporteur pour avis, a exprimé, à titre personnel, un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite », mais la commission a émis un avis favorable à cette adoption, le groupe socialiste et le groupe communiste, républicain et citoyen votant contre.

PJLF pour 2008 - Mission « Ecologie, développement et aménagement durables » - Budget annexe « Contrôle et exploitations aériens » et compte d'affectation spéciale « Contrôle et sanctions automatisés des infractions au code de la route » et article 44 - Examen du rapport pour avis

La commission a procédé à l'examen du rapport pour avis sur le projet de loi de finances pour 2008 de MM. Jean Bizet, Roland Courteau, Georges Gruillot, Charles Revet et Jean-François Le Grand sur les crédits des missions « Ecologie, développement et aménagement durables » et « Contrôle et exploitation aériens », ceux du compte d'affectation spéciale « Contrôle et sanctions automatisés des infractions au code de la route » et l'article 44.

M. Jean Bizet, rapporteur pour avis des crédits consacrés à l'environnement dans la mission « Ecologie, développement et aménagement durables », a tout d'abord indiqué que la réorganisation générale de la maquette budgétaire résultant de la création du ministère de l'écologie, développement et aménagement durables se traduisait par des modifications significatives, en ce qui concerne les crédits affectés à la protection de l'environnement.

Hormis les crédits de personnel, qui restent inscrits dans le très vaste programme support 217, l'ensemble des crédits consacrés à l'environnement est regroupé dans un seul programme 181, intitulé « Protection de l'environnement et prévention des risques », ce qui traduit, et il convient de s'en féliciter, la volonté du Gouvernement d'assurer un pilotage globalisé et resserré des politiques conduites en matière de protection de l'environnement.

Il a précisé que le nouveau programme 181 résultait principalement de la fusion totale des deux programmes opérationnels de l'ancienne mission « Ecologie et développement durable », à laquelle s'ajoutaient des crédits provenant du programme support 211, à hauteur de 10 millions d'euros, correspondant à une subvention versée à l'ADEME ainsi que des crédits provenant des actions 02 et 03 du programme 127 intitulé « Contrôle et prévention des risques technologiques et développement industriel » de la mission « Développement et régulation économique ». Il s'agit principalement des moyens de fonctionnement et des crédits de rémunération de l'Autorité de sûreté nucléaire (42 millions d'euros environ).

Le programme 181 est désormais structuré autour de quatre actions : l'action 01 correspondant à l'ancien programme 181 et consacrée à la prévention des risques et des pollutions, y compris la subvention versée à l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS), l'action 07 reprenant l'ancien programme 153 avec les crédits affectés à la gestion des milieux et à la biodiversité, l'action 08 qui regroupe des dépenses de soutien spécifiques du programme 181 dont le partenariat associatif et enfin l'action 09 relative à l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN).

Au-delà de ce réaménagement de la maquette budgétaire, il a signalé que la mise en place de l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques, doté du produit d'un prélèvement sur les agences de l'eau et qui reprend des compétences auparavant financées par le budget général, se traduisait par des « économies » pour l'Etat estimées à 28,6 millions d'euros en crédits de paiement.

Il a fait valoir que cette réorganisation s'accompagnait d'une progression très satisfaisante des crédits consacrés à la protection de l'environnement et au développement durable, puisqu'à périmètre constant, ils progressaient de 18 % par rapport à 2007, pour s'établir à 447,4 millions d'euros en crédits de paiement.

Au-delà de ces crédits budgétaires, le Fonds de prévention des risques naturels majeurs est également sollicité pour couvrir des dépenses d'études et de réalisation des Plans de prévention des risques naturels et des actions d'information, mais également des études, travaux, voire acquisitions amiables de certains biens sous maîtrise d'ouvrage de l'Etat ou des collectivités territoriales.

Rappelant que les recettes du fonds provenaient d'un prélèvement de 4 % sur les cotisations additionnelles couvrant le risque « Catastrophes naturelles » et qu'elles s'élevaient à 52 millions d'euros, M. Jean Bizet, rapporteur pour avis, a exposé que l'élargissement considérable et continu des interventions du fonds se traduisait par un besoin de financement estimé à 150 millions d'euros par an environ. La trésorerie du fonds étant totalement consommée fin 2007, il a considéré comme indispensable de soutenir l'amendement de Mme Fabienne Keller, déposé au nom de la commission des finances, proposant de porter à 12 % le taux maximum de ce prélèvement.

Il est tout à fait légitime, a-t-il ajouté, que les assurances contribuent à des politiques de prévention qui limitent, voire suppriment, les atteintes aux biens et personnes en cas de catastrophes naturelles.

Après avoir énuméré les quatre priorités environnementales pour 2008, à savoir la prévention des risques technologiques et naturels et des nuisances, la gestion intégrée de la ressource en eau, la protection et la restauration des milieux et du vivant sauvage ainsi que la sûreté nucléaire et la radioprotection, il a souhaité insister sur quelques points saillants.

En matière de prévention des risques naturels et technologiques, et plus particulièrement de ces derniers, il a rappelé qu'en application de la loi du 30 juillet 2003, il était prévu de mettre en place 400 comités locaux pour l'information et la concertation, 15 secrétariats permanents pour la prévention des pollutions industrielles, et de réaliser 420 plans de prévention des risques technologiques (PPRT), concernant 622 établissements industriels et plus de 900 communes. Au 1er novembre 2007, seuls, 2 PPRT avaient été approuvés et la procédure d'élaboration lancée pour 200 autres.

Pour les années à venir, les besoins seront donc en forte progression et il faudra veiller à une bonne adéquation des moyens, car ceux-ci devront également couvrir la participation de l'Etat au financement des mesures foncières prescrites par ces plans, et ce, en partenariat avec les collectivités territoriales.

Dans ce contexte, il a déploré une fois encore l'insuffisance des effectifs de l'inspection des installations classées, en regrettant la simple reconduction des effectifs pour 2008, alors même que le programme de renforcement arrêté sur 2004-2007 n'avait pas été entièrement réalisé.

Il a fait valoir que l'année 2008 serait notamment marquée par la mise en oeuvre du règlement REACH (enRegistrement Evaluation et Autorisation des produits CHimiques), entré en vigueur le 1er juin 2007.

En 2008, la phase de pré-enregistrement concernera les substances existantes mises sur le marché avant le 19 septembre 1981, pour lesquelles les entreprises doivent obtenir, auprès de l'Agence européenne des produits chimiques, un régime transitoire d'enregistrement valable de 3 à 11 ans. Les autorités françaises s'impliquent fortement dans la mise en oeuvre de REACH en créant un service national d'assistance technique et en mettant en place une expertise nationale, dont la tête de réseau est l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail.

Concernant la prévention des risques naturels majeurs, M. Jean Bizet, rapporteur pour avis, a souligné que la réalisation des plans de prévention était conforme à la programmation initiale, mais qu'il convenait, pour l'avenir, de régler le problème des ressources du fonds de prévention des risques naturels majeurs.

S'agissant de la politique de l'eau, il s'est félicité de la mise en place d'un objectif spécifique pour assurer la gestion intégrée de la ressource en eau, à travers le suivi de sept indicateurs, ce qui doit permettre de mettre en oeuvre la directive-cadre communautaire sur l'eau et de parvenir au bon état écologique des eaux en 2015. Le cadre réglementaire a été profondément remanié par la loi du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques, et notamment avec la mise en place de l'ONEMA, qui va renforcer le système d'observation et d'expertise sur l'eau.

Il a considéré qu'il restait néanmoins du chemin à parcourir pour parvenir à l'objectif fixé en 2015, notamment en ce qui concerne la pollution par les nitrates de neuf bassins versants en Bretagne et la mise aux normes des installations de retraitement des eaux usées.

La France est sous le coup de sanctions pécuniaires lourdes du fait de deux condamnations par la Cour de justice des communautés européennes et il faut donc impérativement mobiliser les moyens financiers nécessaires pour rattraper ce retard. S'agissant du traitement des eaux usées, l'intervention des agences de l'eau au cours de leur IXe programme est, à cet égard, indispensable.

A propos de la préservation des milieux naturels, il a salué l'achèvement du réseau Natura 2000, que la Commission européenne juge désormais cohérent et complet, ajoutant que la priorité allait maintenant à l'élaboration et à l'animation des documents de gestion de ces sites, ce qui suppose des moyens appropriés et une meilleure prise en compte des objectifs de Natura 2000 dans les politiques relatives à l'aménagement du territoire, l'agriculture, la pêche et le tourisme. L'implication des collectivités territoriales pour la gestion des sites est désormais une réalité, grâce aux modifications introduites par notre collègue Jean-François Le Grand dans la loi du 23 février 2005 sur le développement des territoires ruraux.

Pour 2008 et les années à venir, il a indiqué que plusieurs questions restaient encore à préciser concernant la mise au point d'une méthodologie et d'outils adaptés pour réussir, en concertation avec les acteurs économiques et locaux concernés, la construction d'un réseau de sites Natura 2000 en mer, la mobilisation de moyens supplémentaires sur les instruments financiers communautaires, notamment le FEADER pour atteindre les objectifs de résultats sur le milieu naturel fixé par les directives communautaires, et enfin la modification du régime d'évaluation de l'incidence des projets d'aménagement dans un site Natura 2000, afin de prévenir les dommages aux milieux naturels remarquables.

Le régime d'évaluation mis en place par la France utilise les systèmes existants, mais fait l'objet d'une procédure précontentieuse par la Commission européenne contre la France, pour insuffisance de transposition, et en juin 2007, la Commission a saisi la Cour de justice. Il faut donc rapidement procéder à un aménagement de ce régime d'évaluation, tout en veillant à ne pas aboutir à un blocage de tout projet d'aménagement dans un site Natura 2000.

M. Jean Bizet, rapporteur pour avis, a également relevé que plusieurs grands chantiers étaient également en cours, à travers la mise en oeuvre de la loi du 14 avril 2006 sur les parcs nationaux, les parcs naturels marins et les parc naturels régionaux, en se félicitant du renforcement des moyens budgétaires et humains pour répondre aux besoins des sept parcs existants, à la montée en puissance de l'établissement public « Parcs nationaux de France » créé le 1er janvier 2007 et à la mise en place des deux nouveaux parcs nationaux institués respectivement en Guyane et à la Réunion fin février et début mars 2007. Un enjeu fort de la loi du 14 avril 2006 porte également sur la constitution et la gestion d'un réseau d'aires marines protégées cohérent d'ici à 2012 coordonné par l'agence des aires marines protégées. Ce réseau s'appuiera sur des sites Natura 2000 marins et sur des parcs naturels marins également instaurés par cette loi. Il est prévu de créer 10 parcs d'ici à 2012, le parc naturel marin d'Iroise ayant été créé par le décret du 28 septembre 2007.

Il a enfin indiqué avoir fait le point sur les conclusions du Grenelle de l'environnement et les enjeux du changement climatique, comptant interroger le ministre, lors de l'examen des crédits de la mission en séance publique, d'une part sur les modalités de mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement, notamment par voie législative, et d'autre part, sur les positions défendues par la France et l'Union européenne lors de la Conférence de Bali sur le changement climatique.

Il a ensuite proposé de donner un avis favorable à l'adoption de ces crédits et plus généralement des crédits de la mission « Ecologie, développement et aménagement durables ».

Puis M. Roland Courteau, rapporteur pour avis, a indiqué qu'au sein de la mission il s'était plus particulièrement attaché à l'analyse du programme 174 consacré à l'énergie et aux matières premières, nouveau programme résultant de la fusion de lignes budgétaires qui n'étaient pas regroupés lors de l'examen de la dernière loi de finances.

Il a expliqué que ce programme était doté d'un peu moins de 900 millions d'euros, dont l'essentiel (88 %) finance les diverses prestations sociales dont bénéficient les mineurs retraités et certains mineurs encore en activité. Ce poste de dépenses est d'autant plus important sur le plan budgétaire que Charbonnages de France (CDF) sera dissous au 31 décembre 2007, conformément à la loi du 3 février 2004 : cette dissolution conduit ainsi l'Etat à reprendre à son compte l'ensemble des prestations sociales auparavant versées par CDF, accroissant les dépenses budgétaires de 200 millions d'euros.

Au-delà de cette observation, il a souligné que la cohérence budgétaire du programme n'était pas évidente, puisque 94 % de ses crédits sont consacrés à la gestion de l'après-mines, le reste étant réservé à la direction générale de l'énergie et des matières premières ou à des établissements publics comme l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA) ou l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME). Alors que les activités minières n'entrent en compte que de manière très marginale dans le bouquet énergétique de la France, la quasi-totalité du programme sert ainsi à financer les conséquences sociales, économiques et environnementales de la fin de l'exploitation charbonnière en France. Sans contester le bien-fondé de cette politique, totalement légitime au regard du devoir de solidarité nationale à l'égard des mineurs retraités et des territoires frappés sur le plan économique par la fermeture des mines, M. Roland Courteau, rapporteur pour avis, s'est néanmoins interrogé sur la cohérence de la politique publique financée par ce programme et a remarqué que la plupart de ces dépenses recouvrait des prestations sociales accordées aux mineurs, faisant ainsi de ces crédits des dépenses obligatoires offrant peu de marges de manoeuvre budgétaire au Parlement.

Puis il s'est étonné de ce que le budget de l'ADEME soit toujours aussi illisible (pas moins de quatre programmes contribuent à son financement), alors que la création de la mission aurait dû permettre de remédier à cet inconvénient. A l'inverse, il a jugé surprenant que les crédits de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) ne soient pas inscrits à ce programme, mais au programme 181 « Protection de l'environnement et prévention des risques », alors que l'ASN a compétence dans le domaine énergétique.

Avant d'aborder la question des récentes évolutions du secteur électrique national, il a exposé brièvement les conséquences négatives pour l'économie liées à la flambée du baril de pétrole, dont le prix oscille désormais autour de 98 dollars, contre moins de 10 dollars en 1998. Alors que, selon des dires d'experts, le pic du pétrole aurait été franchi en 2006, il a constaté que la communauté internationale ne disposait pas de solution de rechange pour limiter la dépendance des économies par rapport à cette énergie.

Sur l'électricité, après avoir rappelé les travaux du Sénat dans le cadre de la mission commune d'information sur la sécurité d'approvisionnement, M. Roland Courteau, rapporteur pour avis, a relevé que l'actualité de ce secteur était toujours intense, qu'il s'agisse de la préparation par la Commission européenne d'un nouveau train de mesures législatives (le « paquet énergie »), de l'avenir des tarifs réglementés ou du développement des énergies renouvelables.

Tout en précisant que le marché de l'électricité était totalement ouvert à la concurrence depuis le 1er juillet 2007, c'est-à-dire également pour les 26 millions de consommateurs particuliers, il a déploré, à titre personnel, que cette phase supplémentaire de libéralisation ait été entérinée dans le droit communautaire. Il a considéré que l'expérience vécue par les consommateurs professionnels, confrontés au début des années 2000 à des explosions de leur facture d'électricité, aurait dû inciter les responsables politiques à envisager, avec plus de prudence, en 2002, l'ouverture à la concurrence pour les particuliers.

La plupart des observateurs de ce secteur s'accordent en effet pour dire que la libéralisation, telle qu'elle a été menée en Europe, n'a pas entraîné les bénéfices qu'en escomptaient les défenseurs de cette politique, au premier rang desquels la Commission européenne. Telle est d'ailleurs le constat fait par la mission commune d'information du Sénat sur la sécurité d'approvisionnement, dont le rapport a été adopté à l'unanimité.

Mettant en évidence les nombreux dysfonctionnements provoqués par cette politique (dérapage des prix, sous-investissement, multiplication des pannes d'électricité, notamment en 2003 et 2006), il a souligné que les partisans de la déréglementation à la fin des années 1990 avaient ensuite demandé au législateur d'agir afin de réguler à nouveau le secteur, ce qui a conduit à la création du consortium d'achat d'électricité à long terme Exeltium, autorisée par la loi de finances rectificative pour 2005, et du tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché (TaRTAM), en application de la loi du 7 décembre 2006 relative au secteur de l'énergie.

Après avoir noté que le rythme d'ouverture à la concurrence pour les particuliers était modéré (22.000 clients sur un total de 26 millions devraient avoir quitté les tarifs réglementés au 1er décembre 2007) M. Roland Courteau, rapporteur pour avis, a considéré comme primordial de préserver les ménages français -et donc leur pouvoir d'achat- des vicissitudes du marché électrique vécues par les entreprises. Or, à titre personnel, il a estimé que le législateur s'apprêtait à commettre les mêmes erreurs. Relevant l'adoption par le Sénat de la proposition de loi déposée par M. Ladislas Poniatowski, prochainement examinée par l'Assemblée nationale, qui concerne les tarifs réglementés et remédie à certaines incohérences juridiques dénoncées par de nombreux observateurs, il a précisé que ses craintes sur l'avenir des tarifs à long terme n'étaient pas pour autant apaisées par la perspective d'adoption de ce texte.

D'une part, il aurait été préférable de donner la possibilité aux ménages ayant fait le choix de la concurrence de retourner aux tarifs dans leur logement (solution dite de réversibilité totale), sans être obligés de déménager.

D'autre part, il est surprenant que ce dispositif ne produise ses effets que jusqu'au 1er juillet 2010. Même s'il est nécessaire de négocier avec la Commission européenne et les autres pays de l'Union européenne pour que les directives autorisent l'existence des tarifs, il n'en reste pas moins que cette date butoir en 2010 ne fait qu'accentuer les craintes sur l'avenir à long terme des tarifs réglementés.

A titre personnel, il a également déploré la décision du Gouvernement de procéder au rapprochement de Suez et de GDF, ce qui va entraîner la privatisation de cette dernière et fera peser des risques supplémentaires sur la pérennité des tarifs réglementés de gaz naturel, compte tenu de la pression qu'exerceront les actionnaires privés sur la nouvelle entreprise.

Par ailleurs, M. Roland Courteau, rapporteur pour avis, a également déploré les orientations actuelles du troisième « paquet énergie » de la Commission européenne, qui ne font qu'accentuer la déréglementation du secteur énergétique. Il s'est ainsi déclaré défavorable à la proposition tendant à interdire l'existence des opérateurs énergétiques intégrés avec la séparation patrimoniale entre la production et le transport, ce qui va affaiblir les opérateurs historiques face à de grandes entreprises étrangères comme Gazprom. Il a, à ce titre, salué le modèle français de séparation juridique régulée des activités de transport qui garantit l'indépendance des gestionnaires de réseaux de transport, un bon niveau d'investissement et un accès non discriminatoire aux réseaux.

Il a enfin terminé sa présentation par un bref panorama sur la question des énergies renouvelables (ENR) électriques. Même si le bouquet énergétique français se caractérise par une écrasante majorité d'électricité d'origine nucléaire (environ 78 %) et sans minorer les avantages procurés à l'économie nationale par ce mode de production (électricité à prix compétitifs, émissions réduites de carbone), il est aujourd'hui nécessaire de rééquilibrer les sources de production d'électricité, conformément aux engagements communautaires de la France. Celle-ci est en effet liée par les termes de la directive 2001/77 qui fixe un objectif indicatif de 21 % d'ENR dans la consommation totale d'électricité d'ici à 2010. En 2006, cette part atteignait 12,1 % avec une production totale de 62 térawattheures d'électricité d'origine renouvelable, dont 91 % à partir de centrales hydrauliques et 3,5 % d'éoliennes. La France est donc encore loin de remplir ses engagements à deux années de l'échéance de 2010.

Rappelant que, conformément aux objectifs définis par la dernière programmation pluriannuelle des investissements (PPI) de production électrique, les installations de production d'ENR devraient voir leur nombre croître fortement à l'horizon 2015, celle-ci prévoyant par exemple, à cette échéance, 17.000 mégawatts supplémentaires d'éolien, M. Roland Courteau, rapporteur pour avis, a indiqué que le développement des ENR en France était soutenu par deux mécanismes : les appels d'offres effectués par le ministre de l'énergie et l'obligation d'achat reposant sur EDF et les distributeurs non nationalisés (DNN) qui sont tenus d'acquérir l'électricité provenant de centrales de production utilisant des ENR. Les surcoûts pour EDF et les DNN font ensuite l'objet d'une compensation par l'intermédiaire du mécanisme des charges de service public (CSPE). A titre d'exemple, sur 1,362 milliard d'euros de charges de service public en 2005, le soutien aux ENR représentait 83 millions d'euros, ce qui est faible au regard d'autres postes de dépenses de la CSPE, comme les 650 millions d'euros de soutien à la cogénération.

Parmi les énergies renouvelables, les éoliennes ont vocation à compter parmi les développements les plus importants en puissance, selon les termes même de la PPI, comme en témoigne, au demeurant, le fait que la puissance installée en France ait dépassé les 2 gigawatts (GW) le 1er juillet dernier. Par ailleurs, depuis le 13 juillet 2007, le cadre juridique tenant à l'obligation d'achat de l'électricité produite par les éoliennes a changé avec l'entrée en vigueur des dispositions sur les zones de développement de l'éolien (ZDE). Depuis cette date, peuvent bénéficier de l'obligation d'achat les seules éoliennes situées au sein d'une telle ZDE. L'entrée en vigueur tardive de cette disposition, adoptée en 2005, n'a cependant pas fait obstacle à leur mise en place anticipée : ainsi, le 1er février 2007, on recensait 18 ZDE créées, 63 demandes en cours d'examen et 86 projets en cours d'étude. Au total, l'instruction des dossiers en 2008 pourrait déboucher sur l'installation, au cours des prochaines années, de parcs éoliens au sein de ZDE représentant une puissance comprise entre 650 et 3.000 mégawatts (MW) si toutes les propositions étaient retenues.

Il s'est félicité de la création de ces zones, qui va permettre de dépassionner la question des éoliennes et de rationaliser leur implantation dans un souci de protection des paysages. Il a cependant fait part d'une difficulté tenant au fait que tous les types d'aérogénérateurs sont désormais astreints à cette procédure, y compris les plus petits. Or, bien souvent, des agriculteurs prévoient de mettre en service de telles installations dans le cadre de leurs activités traditionnelles ou pour les diversifier. La création d'une ZDE constituant une procédure administrative et politique assez lourde, manifestement disproportionnée au regard de la taille et de l'enjeu énergétique de ces projets, il a jugé souhaitable que les petites installations, d'une puissance comprise entre 5 et 36 kilowatts (kW), soient dispensées de cette exigence et bénéficient de l'obligation d'achat, y compris hors des ZDE.

En conclusion, M. Roland Courteau, rapporteur pour avis, a déclaré avoir peu d'arguments pour contester ou critiquer les crédits du programme 174 qui visent essentiellement à financer les prestations sociales des mineurs, réitérant son adhésion à cet effort de solidarité de l'Etat en faveur de cette catégorie de la population. Expliquant cependant qu'il était, à titre personnel, en désaccord avec les orientations de fond de la politique énergétique du gouvernement, qu'il s'agisse de l'accord donné en 2002 à la libéralisation totale des marchés énergétiques ou, plus récemment, de la privatisation de Gaz de France, il a appelé la commission à s'abstenir sur le vote des crédits de la mission.

M. Jean-Paul Emorine, président, a indiqué qu'il avait récemment rencontré le directeur général de l'Autorité de sûreté nucléaire et qu'à cette occasion avait été arrêté le principe d'une audition du président de cette instance, M. Claude-André Lacoste, devant la commission. Il a également souhaité que la commission continue à suivre le dossier du rapprochement entre Suez et GDF.

M. Gérard Bailly est intervenu pour faire valoir l'engagement fort des départements en faveur de la préservation de l'environnement, de la ressource en eau, du traitement des déchets et de l'assainissement tout en relevant -pour le regretter- la multiplication des exigences environnementales qui induit un renchérissement des coûts quasi insupportable.

Il a considéré que cette dérive dans l'excès de précaution et de réglementation en faveur de l'environnement conduisait à des aberrations et conduisait à se demander si l'homme restait encore au centre des préoccupations, alors même que par ailleurs, les problèmes sociaux se renforcent et appellent des réponses urgentes.

S'agissant de la politique de réintroduction des prédateurs qu'il a jugée anormalement coûteuse, il a évoqué la détresse des éleveurs et souligné la diminution du cheptel ovin depuis 1990, qu'il convenait d'enrayer. Il a annoncé le dépôt d'un amendement qu'il a souhaité voir cosigner par plusieurs de ses collègues, proposant une diminution des crédits consacrés à la réintroduction des prédateurs pour qu'ils puissent être reportés sur les aides consacrées au pastoralisme et à l'élevage.

Se déclarant totalement en phase avec l'analyse de M. Roland Courteau sur la politique énergétique ou les directives européennes, M. Daniel Raoul a fait part de ses inquiétudes sur les conséquences pour le secteur de l'électricité et du gaz de l'adoption du troisième « paquet énergie ». Il s'est, à cet égard, demandé si le rapprochement entre Suez et GDF présentait encore un intérêt dans le cas où cette dernière serait tenue de se séparer de son réseau de transport. Rappelant que le groupe socialiste plaidait en faveur de la création d'un pôle public de l'énergie regroupant EDF et GDF, il a fait part de sa préférence personnelle pour une séparation entre EDF et sa filiale Réseau de Transport d'Electricité (RTE), en conférant à cette dernière le statut d'établissement public industriel et commercial, jugeant que cette solution permettrait de maintenir le réseau de transport d'électricité dans le patrimoine de la nation.

Puis il s'est déclaré encore plus inquiet des propositions « en phase de gestion » de la Commission européenne, qui pourraient prendre la forme d'un quatrième « paquet énergie » et dont l'adoption pourrait condamner définitivement les tarifs réglementés, alors même qu'un grand nombre de pays membres de l'Union européenne réclament une plus forte régulation du secteur énergétique.

M. Daniel Raoul a dénoncé à cet égard la vision dogmatique de la Commission européenne, selon laquelle une concurrence accrue dans le secteur serait de nature à favoriser la baisse des prix, bien que les faits aient démontré l'inverse. Pour toutes ces raisons, il a souhaité que le gouvernement français maintienne sa position fortement critique vis-à-vis du « paquet énergie », tout en exprimant des doutes sur sa détermination compte tenu de son revirement de position sur la question de la privatisation de GDF. Il a ainsi souhaité que le groupe de travail constitué par la commission sur le « paquet énergie » adopte une position offensive sur ce dossier, afin de promouvoir des dispositifs renforçant l'indépendance énergétique nationale, notamment la spécificité du parc nucléaire.

Mme Evelyne Didier a tout d'abord considéré que le changement de périmètre des programmes consacrés à la protection de l'environnement ne facilitait pas la comparaison d'une année sur l'autre. Puis elle s'est demandé de quelle manière allait se formaliser l'intervention, à hauteur de 2,2 milliards d'euros, de la Caisse des dépôts et consignations pour la mise aux normes des stations d'épuration des eaux résiduaires urbaines. Enfin, évoquant la question des biocarburants et les critiques à l'encontre de ceux de « 1ère génération », elle a souhaité qu'un effort de recherche important soit consenti sur ceux de « 2e génération ».

M. Henri Revol a déclaré partager entièrement le point de vue de M. Gérard Bailly évoquant, à titre d'exemple, les difficultés rencontrées par une commune pour mettre en place un captage d'eau pour l'alimentation en eau potable de sa population en raison de la présence, dans le périmètre considéré, d'écrevisses à pattes blanches dont l'habitat devait être préservé.

Puis après avoir nuancé les dysfonctionnements des marchés énergétiques évoqués par M. Roland Courteau, qui ont été atténués par des correctifs adoptés par le législateur comme la création d'Exeltium ou du TaRTAM, il s'est déclaré moins pessimiste sur l'évolution du secteur énergétique, jugeant que certains inconvénients avaient été compensés par d'autres bénéfices tirés de cette politique d'ouverture à la concurrence. Il a notamment souligné que les pertes de parts de marché subies par les opérateurs historiques sur leurs marchés nationaux avaient largement été compensées par leur renforcement commercial effectué dans d'autres pays de l'Union européenne.

Sur la question de l'énergie éolienne, il s'est félicité de la mise en oeuvre des ZDE, dont l'élaboration doit beaucoup au travail du Sénat et de la commission, qui ont le mérite de renvoyer les décisions d'implantation de ces installations au niveau local et d'éviter le mitage des territoires. Il s'est néanmoins déclaré réservé sur la proposition de soustraire les petites éoliennes à la procédure des ZDE.

Leur répondant, M. Jean Bizet, rapporteur pour avis, a apporté les précisions suivantes :

- la place de l'homme est centrale dans l'écosystème terrestre, mais sa survie et son bien-être dépendent du bon état de la biodiversité ;

- il faut développer des rapports constructifs avec les associations de protection de l'environnement, un dialogue en amont et en toute transparence permettant d'écarter des exigences aberrantes et exorbitantes ;

- les contraintes environnementales fixées pour la réalisation d'un projet peuvent constituer ensuite un avantage concurrentiel, compte tenu du renforcement inéluctable des normes ;

- il conviendra d'interroger M. Pascal Lamy, qui doit être entendu prochainement par la Commission sur la position de la Commission européenne sur la « taxe carbone », dont la France souhaite la mise en place ;

- l'amendement de M. Gérard Bailly sur le niveau des crédits affectés aux politiques de réintroduction des prédateurs permettra d'attirer l'attention du ministre sur l'équilibre à respecter entre les activités d'élevage et de pastoralisme qu'il convient d'encourager et les actions entreprises pour restaurer la biodiversité ;

- s'agissant du retard dans la mise aux normes des stations d'épuration des eaux résiduaires urbaines, la responsabilité est partagée entre l'Etat et les collectivités territoriales et il convient de mobiliser les moyens nécessaires pour éviter une condamnation financièrement lourde par l'Union européenne ;

- la recherche sur les biocarburants de « 2e génération » est essentielle et les biotechnologies ont toute leur place pour développer la teneur en amidon des plantes ou mettre au point l'utilisation des algues, qui ont un rendement énergétique bien meilleur en permettant ainsi de réserver les céréales à l'alimentation humaine. Les Etats-Unis consacrent d'ailleurs des budgets très importants à la mise au point de nouveaux biocarburants alors que la France risque d'être freinée par les options d'investissements lourds faites sur les biocarburants de « 1ère génération ».

En réponse aux questions qui lui ont été posées, M. Roland Courteau, rapporteur pour avis, a apporté les précisions suivantes :

- les inquiétudes sont en effet grandes sur l'avenir à long terme des tarifs réglementés, dans le contexte tant de l'adoption des « paquets énergie » de la Commission européenne que de la privatisation de GDF ;

- l'ouverture à la concurrence du marché de l'électricité s'est traduite par des hausses de prix considérables pour les consommateurs professionnels ayant exercé leur éligibilité et a conduit à la création de nouveaux mécanismes de régulation, qu'il s'agisse d'Exeltium ou du TaRTAM ;

- la création des ZDE avait fait, au Sénat, l'objet d'un consensus entre les différents groupes politiques lors de la discussion du projet de loi d'orientation sur l'énergie ;

- il est indéniable que les ZDE freinent considérablement le développement des petites éoliennes, d'où la proposition de les dispenser de cette procédure.

M. Jean-François Le Grand est intervenu pour appuyer M. Jean Bizet en considérant que la concertation devait se développer à une échelle de territoire pertinente afin de pouvoir corriger, de manière constructive, les excès et le sectarisme. Il a ajouté que la préservation des écosystèmes contribuait à la protection de l'homme.

Puis M. Georges Gruillot, rapporteur pour avis, a précisé quelques éléments budgétaires sur l'ensemble de la mission. Soulignant qu'elle représentait 10,1 milliards d'euros de crédits de paiement (CP), il s'est félicité que, pour la première fois, un gouvernement ait donné un véritable poids administratif et financier à la politique de développement durable. Il a rappelé que cela correspondait à un engagement pris par le Président de la République avant son élection et s'est réjoui que cet engagement ait été tenu. Il a fait valoir l'intérêt qu'il y avait à rapprocher la politique de l'environnement de certaines politiques qui lui étaient liées par leur impact ; ainsi, les transports sont responsables de 25 % des émissions de gaz à effet de serre en France.

Il a en revanche reconnu que les modifications importantes de la maquette budgétaire rendaient assez difficile l'analyse comparative des crédits pour ce premier exercice, et ce d'autant plus que la qualité de l'information budgétaire laissait parfois à désirer. Ainsi, les réponses aux questionnaires budgétaires avaient souvent connu des retards et en plusieurs occasions elles n'apportaient pas les éléments attendus. Il en allait de même pour certains éléments des projets annuels de performance (PAP) qui auraient pu utilement être précisés, en particulier quant à l'abondement des crédits par des fonds de concours (FDC) et des attributions d'autres produits (ADP). Enfin, il était évident que la modification de la maquette budgétaire rendait certaines comparaisons très difficiles, comme par exemple l'analyse de l'évolution budgétaire du programme support de la mission. Il a précisé qu'à périmètre constant, les crédits globaux de la mission, c'est-à-dire y compris les fonds de concours, revenaient de 13,4 milliards en 2007 à 12,4 milliards pour 2008, soit une réduction de 7,2 %. Naturellement, cette évolution moyenne recouvrait d'importantes disparités selon les différents programmes de la mission.

M. Georges Gruillot, rapporteur pour avis, a ensuite présenté le volet routier de la mission et le compte d'affectation spéciale « Contrôle et sanction automatisés des infractions au code de la route ». Il a indiqué que le programme « Réseau routier national » connaissait un recul budgétaire assez net, de 5,4 % en CP, et de 16 % si l'on prenait en compte les fonds de concours. Cette diminution était cohérente avec la volonté réaffirmée de favoriser un report modal de la route sur les autres modes de transport. Il convenait simplement d'être attentif à ce que ces réductions de crédits ne conduisent pas à un entretien insuffisant du réseau existant. Or, la Direction générale des routes (DGR) reconnaissait elle-même que l'effort d'entretien avait été trop faible ces dernières années. Ainsi, le renouvellement des couches de surface s'était établi à 5 % par an, ce qui était tout à fait insuffisant, puisque cela signifiait que les chaussées étaient refaites en moyenne tous les 20 ans, alors que l'on considérait qu'il fallait les renouveler au moins tous les 12 ans. Il a fait part de sa satisfaction que la DGR se soit fixé comme objectif de rehausser ce taux de renouvellement et a estimé plus généralement que les générations actuelles peinaient à entretenir les infrastructures de transports qu'elles construisaient. A ce titre, il lui semblait particulièrement opportun que la commission des affaires économiques ait créé une mission d'information sur le financement des infrastructures de transport terrestre. Il a ajouté que, dans l'attente que se produise le report modal que la société attendait, il fallait continuer à maintenir et améliorer le réseau routier national. De ce point de vue, il s'est félicité vivement des améliorations de la sécurité dans les tunnels, de l'achèvement d'ici à la fin 2008 du volet routier des contrats de plan Etat-région (CPER) et du lancement des plans de développement et de modernisation d'itinéraires (PDMI).

Poursuivant par la présentation du budget de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), il a précisé que celui-ci s'établirait pour 2008 à 2.186 millions d'euros, soit à peu près le même montant qu'en 2007 (2.252 millions d'euros). La plupart des recettes de l'AFITF étaient en augmentation, en particulier le produit des amendes-radars, qui avait été déplafonné pour passer de 100 millions d'euros à 226 millions d'euros. La légère diminution globale du budget de l'Agence venait du fait que le produit de cession des autoroutes restant à consommer était inférieur de 200 millions par rapport à l'année précédente.

Il a fait part de sa conviction qu'au-delà du seul projet de loi de finances, la commission des affaires économiques aurait à revenir sur ces questions de financement dans les mois à venir.

Il a ensuite salué le succès de la politique de sécurité routière. Le nombre de tués avait diminué une nouvelle fois en 2006, pour revenir à 4.942 victimes. Cette tendance favorable se poursuivait en 2007, qui devait connaître une nouvelle amélioration. Il a également fait valoir que les radars, principaux instruments de la réduction de la vitesse moyenne, et donc de la diminution du nombre de tués, étaient des outils rentables puisqu'ils rapportaient plus qu'ils ne coûtaient. Il a précisé à cette occasion que le budget du compte d'affectation spéciale s'établissait cette année à 204 millions d'euros, dont 192 millions pour le fonctionnement des radars et du dispositif qui les accompagnait, et 12 millions pour le fichier national du permis de conduire. Le reste du produit des radars allait pour 226 millions à l'AFITF et pour 30 millions aux départements. Il a indiqué que le Gouvernement proposait d'augmenter légèrement en 2008 le nombre de radars et de dispositifs mesurant d'autres infractions que les excès de vitesse : il s'agissait, en particulier, de lutter contre le franchissement des feux rouges et le non-respect des distances de sécurité dans les tunnels. Il était permis d'espérer que la poursuite du déploiement des dispositifs automatisés améliore encore la sécurité routière. Il a relevé que, contrairement à l'année précédente, les améliorations avaient profité à presque toutes les catégories d'usagers, avec -13 % de tués chez les motocyclistes ou -16 % chez les piétons. Il a enfin précisé que les crédits de la sécurité routière étaient stables, puisqu'ils ne progressaient que d'1 % en crédits de paiement et de 3 % après ventilation et abondement par les fonds de concours.

La commission a ensuite entendu M. Charles Revet, rapporteur pour avis. Celui-ci a indiqué avoir concentré son attention sur les programmes budgétaires « Transports terrestres et maritimes », « Passifs financiers ferroviaires » et « Sécurité et affaires maritimes ». Ces programmes connaissaient des évolutions variables. Le plus important d'entre eux, le programme « Transports terrestres et maritimes » voyait ses crédits diminuer de 13 %, en revenant de 2,3 milliards à 2 milliards d'euros. Il convenait de rappeler que ce programme était le plus important de la mission en crédits, à l'exception du programme-support qui avait vocation à être ventilé entre les autres programmes. Il a précisé que le Gouvernement faisait toutefois valoir qu'après abondement de tous les crédits concourant à la politique des transports, on constatait en réalité une progression des crédits de ce programme, de l'ordre de 5 %, à périmètre constant. Il en a conclu que la présentation des crédits pourrait gagner en clarté, puisque, sur la base du « bleu » budgétaire, les crédits concourant à la mise en oeuvre du programme diminuaient de 10 %, ce recul des crédits s'expliquant notamment par une réduction de 300 millions d'euros des dépenses d'intervention.

Quant au programme « Passifs financiers ferroviaires », il était également en recul de 2,2 %, revenant de 1,35 milliard à 1,32 milliard. Cette diminution correspondait à un moindre versement de l'Etat au Service annexe d'amortissement de la dette (SAAD) de la SNCF. Le PAP ne comportait pas d'explication de cette réduction de 30 millions d'euros. Il comptait donc interroger le Gouvernement sur ce point. Il a toutefois précisé que, selon les dernières informations dont il disposait, il semblait qu'un article de la loi de finances rectificative prévoyait le rapatriement des 8 milliards d'euros de la dette du SAAD dans le périmètre de l'Etat. Il conviendrait donc de suivre cette question dans le collectif budgétaire.

Le programme « Sécurité et affaires maritimes » apparaissait, lui, dans une situation plus favorable, puisque ses crédits passaient de 132 à 136 millions d'euros, soit une hausse de 3 %. Après ajout des fonds de concours, les crédits de ce programme passaient de 325 à 338 millions d'euros (+ 4 %).

M. Charles Revet, rapporteur pour avis, a ensuite souhaité présenter son analyse sur la situation financière de RFF et, à travers elle, le financement du réseau de chemin de fer français. Il a tout d'abord formulé un double constat. Le premier élément de ce constat était bien connu : il s'agissait du mauvais état du réseau. Le rapporteur pour avis s'était efforcé de quantifier les besoins, indépendamment des contraintes budgétaires et était arrivé à un chiffre indicatif de l'ordre de 50 milliards d'euros pour remettre à niveau l'ensemble du réseau, y compris les lignes locales. Faisant part de sa conviction qu'il fallait envisager la régénération du réseau comme un grand chantier, qui ne pouvait être appréhendé que dans sa globalité, il a émis l'idée de couvrir ce besoin par un emprunt de long terme. En partant sur cette base, on pouvait imaginer que le besoin de financement pour couvrir le remboursement de cet emprunt serait de l'ordre d'1,3 milliard d'euros par an.

Le deuxième constat était celui du déficit récurrent de RFF, compris entre 300 et 500 millions d'euros par an. Il devait même atteindre 600 millions en 2006. C'était donc 1,7 à 1,9 milliard d'euros supplémentaires qu'il fallait dégager dans cette perspective de grand plan de remise à niveau du réseau.

Au vu de ces besoins, il lui semblait intéressant d'envisager un relèvement des péages ferroviaires. Pour évaluer son ordre de grandeur, il a rappelé quelques chiffres : la SNCF versait à RFF environ 2,6 milliards d'euros de péages. Naturellement, dans le même temps, RFF versait une somme équivalente à la SNCF pour l'entretien du réseau. Il en concluait donc qu'une augmentation progressive d'environ 60 % des péages permettrait de financer la remise à niveau du réseau.

Concrètement, cela revenait à augmenter le tarif d'un Paris-Marseille en TGV de 10 euros, dans le pire des cas, effort qui lui paraissait supportable au vu des besoins d'investissement du réseau ferré.

Enfin, M. Charles Revet, rapporteur pour avis, a souhaité attirer l'attention de ses collègues sur deux exemples révélateurs des dysfonctionnements du système ferroviaire français :

- en premier lieu, il avait appris que l'Etablissement public de sécurité ferroviaire (EPSF), qui devait normalement délivrer les agréments aux personnels ferroviaires, n'était pas compétent pour ce faire en Corse et sur certains tronçons dans les Bouches-du-Rhône ou les lignes des sites portuaires, la direction départementale de l'équipement (DDE) ayant conservé cette mission ;

- en second lieu, les problèmes d'interconnexion en région parisienne étaient le fait d'un système absurde qui amenait à l'arrêt des trains pour changer de conducteur, lorsqu'on passait du réseau de la RATP à celui de la SNCF.

Il a conclu en estimant que tous ces éléments soulignaient la nécessité de définir une large volonté politique en faveur du rail et qu'il convenait que le Sénat joue un rôle de pionnier dans ce domaine.

M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis, a alors présenté les crédits du programme « Transport aérien » de la mission « Ecologie, développement et aménagement durables », le budget annexe du contrôle et de l'exploitation aériens (BACEA) et l'article 44 rattaché. Les crédits du programme « Transport aérien » apparaissaient en forte baisse de 28 %. Le Gouvernement faisait valoir que cette baisse était due, d'une part, à la budgétisation des emplois du programme dans le programme-support et, d'autre part, à une réduction des subventions aux aéroports symétrique à la mise en place d'une majoration de la taxe d'aéroport.

Il a souhaité insister sur la portée de l'article 44 du projet de loi de finances qui créait une majoration de la taxe d'aéroport. Créée en 1999 pour financer des dépenses de sécurité et de sûreté, elle était prélevée sur les compagnies aériennes en fonction du trafic fret ou passager qu'elles avaient réalisé sur chaque aéroport. En 2006, la taxe d'aéroport avait rapporté 578 millions d'euros et ce montant devait passer à 648 millions d'euros en 2007.

Comme il était apparu que ces sommes ne suffisaient pas à couvrir l'ensemble des dépenses de sûreté, de sécurité et de protection de l'environnement des aéroports, s'y ajoutaient des subventions de 83 millions d'euros en 2007. On observait néanmoins que ces subventions demeuraient elles-mêmes insuffisantes, ce qui avait amené le Gouvernement à proposer une majoration de l'ordre de 88 centimes de la taxe d'aéroport, ce qui devait rapporter 66 millions d'euros. Cette somme devait être en grande partie reversée aux petits aéroports, c'est-à-dire à ceux présentant un trafic inférieur à 2,2 millions d'unités de transport (UDT), sachant qu'une UDT était égale à un passager ou 100 kilogrammes de fret. Il y avait donc, dans l'esprit du Gouvernement, une forme de péréquation des grands aéroports vers les petits.

M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis, a souhaité faire plusieurs observations à propos de cette majoration :

- en premier lieu, on pouvait s'interroger sur cette forme de péréquation dans laquelle, seul, le critère d'activité était pris en compte, et non l'intérêt de l'aérodrome en termes d'aménagement du territoire. Il a rappelé que dans le cadre du soutien aux lignes aériennes d'aménagement du territoire, il existait toute une grille d'évaluation avec des critères fixés à l'avance. C'est pourquoi il proposait à la commission un amendement tendant à prévoir la référence à l'intérêt en termes d'aménagement du territoire des aéroports qui bénéficiaient de la majoration. Cet amendement a été adopté par la commission, les groupes socialiste et communiste républicain et citoyen s'abstenant ;

- en deuxième lieu, si l'on maintenait le taux des taxes d'aviation civile et d'aéroport stable, alors même que l'on s'attendait à ce que le trafic progresse d'au moins 4 %, le produit de ces taxes augmenterait mécaniquement de 4 %. Cela révélait que les dépenses de sécurité, de sûreté et d'environnement connaissaient elles aussi une progression dynamique continue ;

- en troisième lieu, sur les plate-formes parisiennes, la taxe d'aéroport était maintenue au même niveau, alors même qu'il semblait qu'elle ne financerait plus les badges de sécurité, qui seraient couverts par une taxe ad hoc qui devrait rapporter 6 millions d'euros ;

- en quatrième lieu, on pouvait se demander s'il était légitime que des dépenses régaliennes, comme les dépenses de sûreté, soient financées par les seuls usagers, et non par l'Etat et donc le contribuable.

Enfin, M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis, a fait part de ses interrogations sur l'augmentation ininterrompue des dépenses de sûreté et l'efficacité des dispositifs lourds mis en oeuvre dans les aéroports européens. Il a pris l'exemple de l'interdiction des liquides dans les cabines d'avions, qui était source, pour les voyageurs, de perte de temps et de perte d'objets saisis aux postes d'inspection et, pour les avions, de retards coûteux et polluants, alors même qu'il était à peu près acquis que l'efficacité anti-terroriste de ces mesures était très faible. Il partageait donc entièrement la position exprimée par le Parlement européen qui, par une résolution du 5 septembre 2007, estimait que le règlement sur les liquides dans les aéronefs entraînait des « perturbations et inconvénients considérables » et que « les coûts de ce dispositif étaient disproportionnés par rapport à sa valeur ajoutée en termes de sécurité supplémentaire ». Le Parlement européen concluait qu'il était urgent de revoir ce règlement et, sauf à ce que son intérêt soit démontré, à l'abroger. Il lui semblait donc important que le Sénat puisse inciter à la retenue dans le domaine du renforcement ininterrompu des dispositifs de sûreté.

Il a ensuite abordé la question de la régulation des redevances aéroportuaires. L'Etat allait en effet entamer en 2008 des négociations avec plusieurs grands aéroports régionaux pour définir leur programmation pluriannuelle d'évolution des redevances. Il a émis l'espoir qu'à cette occasion la commission consultative aéroportuaire, née à l'initiative du Sénat, puisse jouer un véritable rôle, ce qui n'avait pas été le cas lorsqu'elle avait été saisie du contrat de régulation économique d'ADP.

Il a ensuite indiqué qu'il interrogerait le Gouvernement sur la situation des personnels du service des bases aériennes (SBA) auparavant affectés à de petits aéroports depuis transférés à des collectivités territoriales. En effet, les informations dont il disposait lui semblaient pouvoir être précisées quant à l'affectation exacte de ces personnels.

Enfin, il a déploré l'évolution très préoccupante du taux de change euro/dollar pour l'industrie aéronautique européenne, et en particulier pour EADS. Rappelant le rapport qu'il avait présenté avec M. Roland Ries au mois de juin, il a évoqué les propos de M. Louis Gallois, qui estimait qu'au-delà d'1,40 dollar pour un euro, EADS ne pourrait maintenir son appareil productif dans la zone euro. Or, l'euro frôlait désormais les 1,50 dollar. Les récents succès commerciaux d'Airbus ne devaient pas masquer que cette récente évolution du taux de change pourrait, si elle devait durer, se révéler dramatique pour le tissu industriel européen, en particulier dans le secteur stratégique de la construction aéronautique.

M. Daniel Reiner, après avoir regretté que la commission dispose de peu de temps pour discuter des nombreux rapports pour avis budgétaires, a souligné le caractère essentiel des transports. Il a déploré que le budget ne traduise en rien les volontés exprimées dans le cadre du Grenelle de l'environnement. Il a enfin jugé que le budget des transports était sacrifié au nom des difficultés budgétaires de l'Etat.

M. Charles Revet, rapporteur pour avis, a jugé au contraire que ce budget témoignait de la prise de conscience qu'il était plus que temps d'entreprendre le redressement des transports et leur développement durable.

M. Gérard Bailly, après avoir rappelé le transfert aux départements d'une grande partie des routes nationales, a déclaré qu'il n'était pas envisageable que l'Etat demande, en outre, à ces mêmes départements, de participer aux autres projets routiers, tels les PMDI. Il s'est ensuite interrogé sur le niveau des investissements en matière de fret ferroviaire, qui lui semblait parfois insuffisant, d'autant que certaines opérations s'accompagnaient de surcoûts inutiles pour un résultat parfois peu satisfaisant.

M. Francis Grignon a souhaité rappeler l'importance du transport par voies navigables. Il a également évoqué les travaux de la mission d'information de la commission sur les infrastructures de transports terrestres et jugé que ce cadre de travail permettrait de faire des propositions constructives. En réponse à l'analyse développée par M. Charles Revet, il a estimé qu'il y aurait sans doute des choix à faire entre les différents modes de transport, mais aussi entre les projets au sein d'un même mode. Il n'était pas sûr, ainsi, qu'il serait possible de maintenir toutes les voies ferrées, y compris les moins utilisées.

Mme Evelyne Didier, intervenant au nom de M. Michel Billout qui avait dû quitter la réunion, a déclaré partager l'analyse critique de M. Daniel Reiner. Elle a regretté que les travaux du Grenelle de l'environnement conduisent à des décisions prises à la hâte. Elle estimait donc que des problématiques de long terme, comme l'aménagement du territoire ou l'implantation d'infrastructures lourdes, étaient jugées à l'aune de la rentabilité à court terme.

M. Georges Gruillot, rapporteur pour avis, a estimé en réponse que le ralentissement des investissements dans les infrastructures de transport était un phénomène ancien de quarante ans auquel tous les partis avaient participé. Il a attribué ce phénomène à la hausse des dépenses de fonctionnement de l'Etat. Il a jugé, pour sa part, que ce budget reflétait bien une rupture avec les pratiques précédentes. A ce titre, la création d'une grande politique transversale du développement durable constituait par elle-même une rupture, même si elle devait encore se traduire dans les chiffres. Par ailleurs, il convenait de rappeler que le projet de loi de finances avait été préparé avant les conclusions du Grenelle de l'environnement.

M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis, après avoir déclaré partager l'analyse de M. Georges Gruillot, a estimé qu'on assistait, en outre, à de premières modifications à la suite du Grenelle de l'environnement, par exemple, dans le domaine des agro-carburants, et qu'il convenait d'attendre jusqu'à la mi-décembre que d'autres propositions majeures soient formulées.

Puis, sur proposition de ses rapporteurs pour avis MM. Jean Bizet, Georges Gruillot, Charles Revet et Jean-François Le Grand, M. Roland Courteau ayant appelé à l'abstention, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits des missions « Ecologie, développement et aménagement durables » et « Contrôle et exploitation aériens », aux crédits du compte d'affectation spéciale « Contrôle et sanctions automatisés des infractions au code de la route » et à l'article 44 rattaché tel qu'amendé suivant ses débats.

PJLF pour 2008 - Mission « Politique des territoires » - Examen du rapport pour avis

La commission a enfin examiné le rapport pour avis de MM. Jean-Paul Alduy et Dominique Mortemousque, présenté par M. Jean-Paul Alduy, sur les crédits de la mission « Politique des territoires » inscrits dans le projet de loi de finances pour 2008.

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur pour avis, a introduit son propos en soulignant que le périmètre de la mission était réduit à deux programmes, c'est-à-dire le « minimum syndical » puisqu'il ne peut y avoir de mission mono programme, le programme 112 « Aménagement du territoire » et le programme 162 « Interventions territoriales de l'Etat » ou PITE.

Il a relevé que ce périmètre restreint ne résolvait pas le problème de la cohérence de la mission, en raison du particularisme du PITE, programme expérimental qui se présente comme un ensemble de mini-programmes étanches et indépendants les uns des autres qui pourraient être ventilés dans d'autres missions, mais qu'il posait celui de sa masse critique puisque la mission, dotée de 415 millions d'euros en crédits de programme (CP) ne représente que le dixième des crédits consacrés à l'aménagement du territoire, tels que les recense le nouveau document de politique transversale « Aménagement du territoire » : le rapporteur pour avis s'est félicité, à cet égard, de la création de ce document, qui avait été demandée par les rapporteurs pour avis de la commission lors de la discussion de la loi de finances pour 2007.

Observant que la politique de l'aménagement du territoire peinait à trouver une traduction lisible dans le cadre de la LOLF, M. Jean-Paul Alduy, rapporteur pour avis, a relevé le contraste entre, d'une part, une politique active, qui présente une actualité riche, avec la poursuite d'expériences innovantes -les pôles de compétitivité et les pôles d'excellence rurale (PER)- et la rénovation de deux de ses instruments plus anciens, la politique contractuelle avec les régions et la prime d'aménagement du territoire (PAT) et, d'autre part, une mission budgétaire qui depuis sa création semble « en voie d'extinction ».

Abordant ensuite l'examen des crédits de la mission et notant que cet examen ne pouvait être fait que par programme, la mission ne constituant pas réellement un ensemble, il a présenté en premier lieu le programme « Aménagement du territoire ». Il a rappelé que ce programme rassemblait les moyens de fonctionnement et d'intervention de la Délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité des territoires (DIACT) mais ne représentait qu'une faible part des moyens consacrés à l'aménagement du territoire, indiquant que les rapporteurs pour avis proposeraient à la commission d'adopter un amendement modifiant en conséquence son intitulé, selon une recommandation formulée dans le cadre de l'audit du programme « Aménagement du territoire » par le Comité interministériel d'audit des programmes (CIAP). Le rapporteur pour avis a ensuite souligné que les crédits du programme étaient en légère baisse, notamment en ce qui concerne les autorisations d'engagement (AE), qui s'élèvent à 283,4 millions d'euros, en raison de la nécessité de poursuivre l'assainissement de la situation financière du FNADT, mais qu'un effort avait été fait pour maintenir les crédits de paiement (CP) à un niveau suffisant (373,3 millions d'euros).

Il a précisé que des dépenses fiscales évaluées, de manière assez approximative, à 733 millions d'euros, étaient associées au programme, regrettant de n'avoir pu obtenir aucune indication sur l'efficacité de ces dépenses et notamment leur impact en termes d'emploi.

Indiquant que la répartition par action des crédits du programme avait été modifiée à la suite de la suppression, recommandée par le CIAP, de l'action regroupant les crédits affectés à de grands projets d'aménagement et aux conventions interrégionales relatives aux massifs de montagne et aux grands bassins fluviaux, il a considéré que cette modification, qui allait dans le sens d'une simplification, semblait justifiée : il a cependant critiqué le fait qu'elle rendait pratiquement impossible, faute d'un chiffrage précis des crédits ainsi « redistribués », d'apprécier l'évolution des moyens de chaque action et celle des différentes catégories de dépenses. Il a rappelé que l'action 1 « Attractivité économique et développement des territoires » supportait le financement de la PAT, des pôles de compétitivité, et des contrats de projets Etat-régions (CPER) : elle sera dotée en 2008 de 137,2 millions d'euros en CP, soit une augmentation de 44 %, qui correspond, sous réserve de l'absence de précisions sur sa répartition, à un effort important en faveur, notamment, de la PAT et des contrats de projets.

L'action 2 « Développement solidaire et équilibré des territoires », la plus importante en volume, représente plus de la moitié des crédits du programme et sera dotée en 2008 de 216,4 millions d'euros en CP. Elle finance notamment les pôles d'excellence rurale, la politique d'accès aux technologies de l'information et de la communication, qui sera soutenue à travers les CPER, et les actions en faveur de l'accès aux services publics, qui seront notamment prises en compte dans le volet territorial des contrats de projets.

Analysant ensuite les crédits du programme « Interventions territoriales de l'Etat » (PITE), M. Jean-Paul Alduy, rapporteur pour avis, a rappelé qu'il comportait 7 actions très hétérogènes correspondant chacune à un grand projet interministériel d'aménagement : Rhin et bande rhénane Alsace ; eau et agriculture en Bretagne ; plan Loire grandeur nature ; plan Durance, programme exceptionnel d'investissements en faveur de la Corse, filière bois en Auvergne et Limousin, Marais poitevin. Chacune de ces actions est pilotée par un préfet de région qui dispose d'une enveloppe unique de crédits, selon une méthode que l'on peut rapprocher des fonds réunissant les contributions de plusieurs programmes constitués pour le financement des pôles. Il a indiqué que les crédits de ce programme expérimental, qui sera évalué l'an prochain, augmentaient fortement en AE (68,5 millions d'euros, + 43 %) et en CP (42,4 millions d'euros, + 20 %), l'essentiel de cette progression devant bénéficier au « plan d'urgence nitrates » mis en place pour désamorcer le conflit avec la Commission européenne sur la qualité des eaux en Bretagne. Ces ressources budgétaires seront complétées par de très importants fonds de concours et crédits d'opérateurs, environ 83 millions d'euros en AE et 45 millions d'euros en CP, qui seront notamment affectés au programme exceptionnel d'investissement en faveur de la Corse, en raison du lancement de la deuxième convention d'application de ce programme, prévu par la loi du 22 janvier 2002 sur la Corse.

Abordant ensuite la réalité présente de la politique de l'aménagement du territoire, M. Jean-Paul Alduy, rapporteur pour avis, a indiqué que les deux rapporteurs pour avis avaient souhaité en premier lieu traiter de la « politique des pôles », pôles de compétitivité et pôles d'excellence rurale, politique véritablement innovante, fondée non sur une logique de guichet mais sur un soutien aux initiatives des acteurs économiques et qui a suscité un réel engouement.

Il a rappelé qu'après la labellisation, en juillet 2007, de cinq nouveaux pôles de compétitivité, ce qui a porté leur nombre à 71, dont 7 pôles mondiaux et 10 à vocation mondiale, il avait été décidé de suspendre la création de nouveaux pôles en attendant le résultat de l'évaluation qui sera menée avant juin 2008.

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur pour avis, a exposé que le dispositif de soutien aux pôles, doté d'1,5 milliard d'euros sur trois ans, fonctionnait dans de bonnes conditions : le soutien apporté depuis 2005 par les ministères concernés puis, depuis 2006, par le Fonds unique interministériel, a permis d'aider 332 projets de recherche et développement, d'un montant total de près de 3 milliards d'euros et dans lesquels sont impliqués 9.000 chercheurs. Les projets de recherche et développement ont également bénéficié de 343 millions d'euros apportés par les agences, Agence nationale pour la recherche, Agence pour l'innovation industrielle et OSEO innovation, cette dernière ayant soutenu à hauteur de 84 millions d'euros des projets émanant de PME.

Le rapporteur pour avis a toutefois regretté les retards dans la mise en place des exonérations fiscales (160 millions d'euros sur trois ans) qui peuvent être accordées aux entreprises installées dans les zones de recherche et développement des pôles, retards imputables aux délais de parution des décrets définissant ces zones.

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur pour avis, a également jugé très positif l'engagement des PME dans les pôles, relevant notamment que 74 % des entreprises participant aux 16 pôles mondiaux ou à vocation mondiale labellisés avant juillet 2007 étaient des PME et estimant que l'objectif de mobilisation du tissu des PME françaises dans des filières de projet était ainsi en passe d'être atteint.

Notant que le dispositif des PER relevaient de la même inspiration que celui des pôles de compétitivité mais qu'il s'inscrivait dans une logique de soutien à des projets et non à des « usines à projets », il a rappelé que 379 PER avaient été labellisés et qu'ils devaient bénéficier de 235 millions d'euros de soutiens publics d'Etat sur 3 ans, l'essentiel de la part budgétaire de ces soutiens devant venir du FNADT (117 millions d'euros sur 175).

Il a souligné l'importance de l'effet d'entraînement de ces crédits, puisque le total des investissements des PER devrait représenter 1,2 milliard d'euros et la création ou le maintien de 35.000 emplois, notant toutefois que ce dernier chiffre, qui résulte de la totalisation des prévisions avancées par les promoteurs des projets, était peut-être un peu optimiste : MM. Jean-Paul Emorine, président, Daniel Reiner, Gérard Bailly et Mme Evelyne Didier ont dit partager cette appréciation, mais sont convenus avec le rapporteur pour avis de l'indéniable effet de mobilisation et de « l'énergie sociale » que créaient les PER dans des territoires auxquels ils redonnaient des espoirs d'avenir.

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur pour avis, a ensuite exposé la rénovation des instruments traditionnels de la politique d'aménagement du territoire que sont la politique contractuelle avec les régions et la PAT, créées l'une et l'autre en 1982, rénovation en partie imposée par l'évolution de la réglementation communautaire et la prise en compte des priorités de compétitivité des territoires et de développement durable définies aux sommets européens de Lisbonne et de Göteborg.

Insistant sur le recentrage de nouveaux contrats de projets Etat-régions sur de grandes priorités et de grands projets et leur mise en cohérence avec la programmation des nouveaux fonds structurels, le rapporteur pour avis a récusé les allégations selon lesquelles l'Etat se « désengagerait » du soutien au développement des régions : en effet, à périmètre égal, la participation de l'Etat aux nouveaux contrats 2007-2013 se situe au même niveau que sa participation aux contrats de plan 2000-2006 -12,7 milliards d'euros- tandis que les procédures de suivi et d'évaluation des projets permettront de mieux respecter les engagements de l'Etat. La répartition des investissements prévus avantage par ailleurs des secteurs vitaux pour le développement économique régional : les transports (3,8 milliards d'euros), la recherche et l'enseignement supérieur (2,9 milliards d'euros), l'écologie et le développement durable (2,1 milliards d'euros), l'agriculture, la forêt et la pêche (1,2 milliard d'euros) et les grands projets d'aménagement (1,1 milliard d'euros).

É

voquant enfin la réforme de la PAT, M. Jean-Paul Alduy, rapporteur pour avis, s'est félicité de ce que la France ait pu obtenir le maintien de la possibilité d'octroi d'aides à finalité régionale (AFR) en France métropolitaine, et des efforts qui avaient été déployés, grâce à un zonage très fin, pour limiter l'impact de la réduction des zones éligibles, qui ne peuvent plus couvrir que 15,5 %, au lieu de 34 % de la population, en y incluant le plus possible de territoires en difficulté ou susceptibles d'accueillir de nouveaux projets. Il a également souligné que le Gouvernement avait utilisé toutes les ressources de la réglementation européenne pour créer une PAT-Recherche non assujettie au zonage AFR et maximiser les possibilités d'aide aux PME. Enfin, le nouveau régime de la PAT sera à la fois plus sélectif et plus attractif, et l'on peut donc espérer qu'elle restera un instrument efficace de maintien à l'activité et aux créations d'emplois.

En conclusion, M. Jean-Paul Alduy, rapporteur pour avis, a proposé à la commission de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Politique des territoires ».

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur pour avis.

M. Daniel Reiner a regretté que les pôles d'excellence rurale ne puissent pas bénéficier d'aides au fonctionnement, ce qui pouvait créer des difficultés pour ceux qui disposent de peu de moyens.

M. Jean-Paul Emorine, président, a remarqué qu'effectivement le soutien de l'Etat aux PER était un soutien à l'investissement, mais que les collectivités territoriales pouvaient leur apporter une aide au fonctionnement et à l'animation.

Confirmant le propos du Président Emorine, M. Jean-Paul Alduy, rapporteur pour avis, a ajouté que la Caisse des dépôts et consignations avait mis à disposition une petite enveloppe de crédits pour aider au montage final des dossiers finalisés qui pouvait être aussi mobilisée pour la mise en oeuvre des PER. Il a également estimé qu'après l'évaluation du dispositif et des résultats de ceux-ci, on pourrait revoir la formule. Il serait souhaitable, en effet, que la technique de l'appel au soutien à projets ne soit pas un « fusil à un coup », compte tenu du succès qu'elle a rencontré et des résultats qu'elle semble donner : il faudra « recharger le fusil » et recourir à nouveau à cette technique, sans doute plus efficace que les zonages car elle permet une aide ciblée allant vers des acteurs rassemblés autour d'un projet.

M. Jean-Paul Emorine, président, a dit souhaiter, comme le rapporteur pour avis, qu'après l'analyse de ses résultats, la démarche des PER, qui semble être une bonne démarche pour créer des activités et des emplois, puisse être poursuivie.

M. Gérard Bailly a souligné que l'Etat privilégiait le soutien à l'investissement plutôt que l'aide au fonctionnement, comme la commission avait pu le constater à travers l'examen des missions budgétaires dont elle est saisie pour avis, et que cette logique était tout à fait défendable. Il a regretté que l'enchevêtrement des compétences des collectivités territoriales impose souvent des démarches complexes de financements croisés et s'est interrogé sur l'utilité des pays.

La commission a ensuite examiné l'amendement présenté par ses rapporteurs pour avis et tendant à modifier l'intitulé du programme « Aménagement du territoire » pour retenir celui proposé par le CIAP, « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire », dont M. Jean-Paul Alduy, rapporteur pour avis, a fait valoir qu'il correspondait mieux au contenu du programme et rendait bien compte du rôle de la DIACT.

Mme Evelyne Didier a indiqué qu'elle voterait cet amendement, qui lui semblait, en effet, correspondre à la réalité des faits et au rôle de la DIACT, mais qu'elle ne pouvait, en revanche, approuver les crédits de la mission : on peut très bien admettre que l'Etat soutienne des projets ciblés, mais son rôle ne peut cependant se limiter à cela, et le projet de budget ne correspond pas à la mission de l'Etat, qui doit tendre à la réduction des inégalités et des déséquilibres entre les territoires.

Après avoir adopté l'amendement à l'unanimité, la commission, suivant les conclusions de son rapporteur, a ensuite émis, à la majorité, un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Politique des territoires », les commissaires des groupes socialiste et communiste républicain et citoyen votant contre.

Audition de M. Jean-Luc Angot, directeur général adjoint de l'OIE (Organisation mondiale de la santé animale)

Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition de M. Jean-Luc Angot, directeur général adjoint de l'OIE (Organisation mondiale de la santé animale).

A titre liminaire, M. Jean-Paul Emorine, président, a remercié M. Jean-Luc Angot de sa participation à la réflexion sur l'avenir de la filière ovine et sur l'état de la sécurité sanitaire du cheptel mondial. Puis il a évoqué ensuite une précédente audition de l'OIE réalisée par la commission dans le contexte de l'épizootie de fièvre aphteuse, ainsi que le rapport d'information qu'il avait instruit à cette occasion.

M. Jean-Luc Angot a, dans un premier temps, procédé à une brève présentation de l'OIE, rappelant que celle-ci avait été créée en 1924, à l'initiative de la France et de 27 autres Etats, suite à l'épidémie de peste bovine qui avait alors sévi en Europe. Evoquant ses missions historiques, il a cité la protection des pays membres contre les agents pathogènes étrangers, ainsi que la transparence et la diffusion de cette information.

M. Jean-Luc Angot s'est félicité de la participation de 172 Etats membres à l'organisation, et plus particulièrement de celle de la Chine, depuis 1992. Il a fait valoir, à cet égard, que l'OIE était la seule organisation internationale accueillant également Taiwan.

Revenant sur les missions de l'OIE, M. Jean-Luc Angot a souligné son rôle dans l'élaboration de normes dans le domaine du commerce des produits d'origine animale, ainsi que la lutte contre les maladies animales. Il a insisté sur la qualité de ces normes, issues d'une longue réflexion d'experts de plus de 200 laboratoires de référence et prenant en compte les commentaires des différentes autorités sanitaires des Etats membres lors de la communication des différents projets en amont du processus décisionnel. Il a ajouté que les règles élaborées par l'OIE constituaient des normes de référence pour les litiges soumis à l'Organisation mondiale du commerce (OMC).

Mentionnant le rôle de solidarité internationale de l'OIE, il a souligné qu'il importait d'aider les pays en voie de développement à lutter contre la propagation des maladies d'origine animale.

Il a ensuite indiqué que l'OIE avait changé de dénomination en 2003, abandonnant le terme d' « Office international des épizooties », trop restrictif eu égard à ses nouvelles missions en matière de sécurité sanitaire des aliments et de bien-être des animaux, et il a fait référence aux normes édictées en matière de transport maritime et terrestre d'animaux.

Revenant sur le rôle de l'organisation dans la diffusion des informations sanitaires, il s'est félicité d'une manière générale de la modernisation des processus de notification par les différents Etats membres des déclarations de pathologies animales, nonobstant la permanence de systèmes déficients dans certains pays comme l'Argentine. M. Jean-Luc Angot a également indiqué qu'en-dehors de cinq cas de certification par l'OIE, le système de prévention reposait sur une auto-déclaration du pays affecté par la maladie. Il a enfin appelé de ses voeux une réglementation communautaire en matière de surveillance sanitaire, observant qu'un programme de travail était actuellement en cours.

Puis il a rappelé, en matière de diffusion des informations sanitaires, que leur publication par l'OIE donnait lieu préalablement à une double validation par les services officiels du pays concerné, ainsi que par les laboratoires de référence de l'organisation pour la maladie en cause.

Abordant alors le rôle de l'OIE dans la lutte contre les maladies animales, M. Jean-Luc Angot a souhaité que soit améliorée la gouvernance en matière de services vétérinaires. Déplorant le retard de certains pays, il a tenu à insister sur le rôle préventif de tels services dans l'élimination des virus à la source. Il a relevé que l'action menée en faveur des services vétérinaires avait conduit l'OIE à élaborer des normes sur la qualité de ces services, ainsi qu'à former des auditeurs. Il a précisé qu'un consensus devrait être trouvé entre les contraintes des pays en voie de développement en matière sanitaire et les objectifs de protection des pays développés.

Il s'est également déclaré satisfait des nouvelles orientations de la Banque mondiale en matière de services sanitaires. Rappelant que cette dernière n'avait pas, jusqu'à récemment, défini d'objectifs particuliers les concernant, il a salué leur qualification par cette dernière de « biens publics internationaux » ainsi que la mise à disposition, au profit des pays déficients, de fonds destinés à améliorer la qualité de ces services. Il s'est par ailleurs félicité des bonnes performances des services français en matière de prévention et de résolution des épizooties.

Se livrant dans un second temps à un diagnostic des différentes épizooties, en évoquant tout d'abord la fièvre catarrhale ovine (FCO), M. Jean-Luc Angot a tenu à rassurer les commissaires sur le suivi par l'OIE de l'évolution de cette maladie. Toutefois, il n'a pas caché son installation, de manière durable, sur le territoire, citant les 10.000 cas recensés en France sur les 40.000 déclarés en Europe.

Ce constat de maladie endémique a conduit l'OIE, a-t-il poursuivi, à préconiser une vaste campagne de vaccination pouvant revêtir, soit la forme de l'inoculation d'un vaccin inactif -encore à l'étude-, soit celle d'un vaccin vivant atténué produit par une compagnie italienne pour lequel une procédure d'homologation accélérée a été demandée par l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA).

Il a indiqué que la fièvre aphteuse frappait principalement l'Asie, l'Afrique -notamment le Botswana et l'Amérique du Sud.

M. Jean-Luc Angot a ensuite insisté sur la réflexion et les travaux menés par l'OIE sur l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), en faisant valoir que, seule, une analyse des risques était pertinente, eu égard au faible nombre de cas déclarés ainsi qu'à l'incertitude pesant sur les sources et modes de transmission de la maladie.

A l'issue de cette présentation, un large débat s'est ouvert.

A la question de M. Gérard Bailly sur le fonctionnement de l'OIE, M. Jean-Luc Angot a mentionné la tenue annuelle d'une assemblée générale réunissant les délégués nommés par chaque Etat membre de l'organisation. Il a souligné avec satisfaction le fait que plus de 90 % d'entre eux étaient impliqués à titre professionnel en matière vétérinaire, contribuant à renforcer ainsi leur compétence et leur réactivité, et permettant une plus grande acceptation des normes par les Etats membres. Il a rappelé, à cet égard, que les premières normes de lutte contre l'ESB avaient été adoptées par l'OIE dans un délai de deux ans, ce qui était particulièrement bref.

En réponse à une question de M. Gérard Bailly sur l'importance de l'épidémie d'influenza aviaire, M. Jean-Luc Angot a convenu que cette dernière demeurait un sujet de préoccupation majeur pour l'OIE, ainsi que pour les autorités sanitaires en général. Soulignant la virulence de la maladie et son large impact dans 60 pays, dont l'Indonésie, le Vietnam, l'Egypte, le Nigeria et le Bengladesh, il a cependant tenu à rassurer les commissaires sur l'absence de risque de mutation du virus ou de recombinaison virale.

Revenant sur l'ESB, il a noté une amélioration de la situation depuis le début des années 2000, après un pic de contagion atteint dans les années soixante-dix, même si cette maladie nécessitait une vigilance permanente.

S'agissant de la fièvre aphteuse, M. Jean-Luc Angot a réagi aux propos de M. Gérard Bailly sur la surveillance sanitaire au Royaume-Uni, en observant que ce pays, dans un esprit insulaire, avait plus concentré ses contrôles aux frontières que sur son territoire. Il a souhaité un renforcement de la vigilance des autorités sanitaires britanniques, tout en reconnaissant une certaine amélioration.

En réponse à l'inquiétude, exprimée par MM. Raymond Couderc et Benoît Huré, sur un risque de combinaison du sérotype 1 espagnol et du sérotype 8 de l'Europe du Nord pouvant conduire à une pandémie et à l'apparition d'un nouveau virus mutagène, M. Jean-Luc Angot a émis des doutes sur la probabilité d'un tel scénario.

A M. Daniel Soulage, qui l'avait interrogé sur le délai de mise au point d'un vaccin et sa pertinence à l'échelle nationale, M. Jean-Luc Angot a confirmé que la coexistence des deux sérotypes conduisait à la mise en oeuvre d'un plan de vaccination afin de faire face à l'installation durable de la fièvre catarrhale en France.

A propos de la grippe aviaire, il a reconnu que les quatre dernières années avaient été marquées par une certaine stabilité de la propagation du virus, qui est resté cantonné aux seuls oiseaux et ce, en dépit de milliards de contacts entre animaux. Constatant que les contaminations humaines étaient demeurées marginales, il a rappelé qu'il n'y avait jamais eu de pandémie de virus de type H5, contrairement aux cas de la grippe espagnole, de la grippe asiatique et de la grippe de Hong-Kong, issues d'autres types de virus.

Après avoir remercié M. Jean-Luc Angot pour son intervention, M. Jean-Paul Emorine, président, a réaffirmé l'intérêt que portaient la commission des affaires économiques et le groupe d'études « Elevage » aux travaux de l'OIE.

Audition de M. Paul Jacobs, président directeur général de Qualcomm

La commission a ensuite procédé à l'audition de MPaul Jacobs, président directeur général de Qualcomm.

M. Jean-Paul Emorine, président, a souhaité la bienvenue à M. Paul Jacobs, en rappelant notamment que la société Qualcomm, spécialisée dans les technologies et services mobiles, disposait d'un portefeuille de plus de 6.100 brevets.

M. Paul Jacobs, s'exprimant en anglais, a rappelé que la société Qualcomm avait été fondée par son père, professeur d'université spécialiste des théories de la communication numérique, l'idée de départ de l'entreprise étant de permettre à l'électronique grand public de bénéficier de l'augmentation des capacités de calcul électronique, jusqu'alors surtout employées dans le domaine militaire. C'est ainsi que la société a commencé par développer un système satellitaire de guidage des camions de transport.

Puis l'activité s'est davantage spécialisée dans le secteur de la communication cellulaire, qui est à la base de la troisième génération de téléphonie mobile qui prend notamment la forme de la norme Universal Mobile Telecommunications System (UMTS). Il a précisé que Qualcomm intervenait de deux manières dans ce secteur : d'une part, en déposant des brevets et en acquérant des licences et, d'autre part, en fabriquant, non plus des équipements, mais uniquement des puces destinées à être utilisées par les fournisseurs des terminaux qui seront eux-mêmes vendus aux opérateurs de télécommunications.

Il a insisté sur l'importance accordée à la recherche & développement dans le domaine des réseaux sans fil de téléphonie mobile, considérant que l'avenir était incontestablement au haut débit mobile dont bénéficient déjà les 530 millions d'abonnés au téléphone de troisième génération dans le monde. Il a estimé que l'évolution majeure à venir concernerait l'augmentation du débit des communications, celui-ci devant passer en quelques années de quelques Mbps à quelques centaines de Mbps, ce qui permettra d'offrir un grand nombre de services nouveaux tels que la télévision, les jeux vidéo, la création d'un portefeuille électronique, la publicité localisée ou bien d'autres applications. Ces progrès sont liés à la hausse très forte de la capacité de calcul des microprocesseurs, multipliée par 200 ces dix dernières années, alors même que les applications actuelles n'utilisent que 10 % de ces capacités nouvelles.

Avançant l'idée selon laquelle le téléphone de demain s'apparenterait de plus en plus à un petit ordinateur, il a présenté aux membres de la commission quelques exemples de produits comme un téléphone portable offrant la gratuité des conversations téléphoniques en utilisant le système Skype par internet ou encore un livre électronique sur lequel sont téléchargés les contenus que le consommateur peut commander sur le site de la société Amazon. Il a aussi indiqué que Qualcomm travaillait actuellement avec Google à la mise en place d'une plateforme susceptible d'utiliser librement un certain nombre de logiciels en open source, c'est-à-dire en libre accès.

M. Paul Jacobs a fait valoir que les technologies de troisième génération constituaient une réponse aux besoins de télécommunications des pays en voie de développement, citant l'exemple d'un téléphone de troisième génération actuellement commercialisé en Inde pour moins de 20 dollars américains. Outre les fonctions de géo localisation, de visionnage de contenus audiovisuels ou d'accès à internet, ces téléphones peuvent aussi remplir des fonctions d'intérêt social majeur.

A ce titre, il a cité le domaine de la formation à distance en prenant l'exemple d'expériences menées au Mexique, de l'administration électronique (le e-government) déjà pratiquée dans certains villages en Indonésie et surtout des applications dans le domaine de la santé. Evoquant des actions de connexion avec les hôpitaux déjà conduites au Pérou, il a considéré que les nouvelles technologies de la télécommunication devaient permettre de réduire l'écart entre d'une part, des besoins sanitaires qui augmentent et, d'autre part, des médecins qui vieillissent et ont de plus en plus de difficultés à se déplacer. Il a aussi pris l'exemple des capteurs cardiaques qui permettent de réaliser des diagnostics dans des conditions beaucoup plus économiques et même beaucoup plus fiables que lors d'examens à l'hôpital, les observations réalisées lorsque les personnes sont en mouvement étant plus exploitables pour les cardiologues.

Puis M. Paul Jacobs a présenté l'activité de son entreprise dans le domaine de la télévision par téléphone mobile. Il a ainsi rappelé que Qualcomm avait acquis aux enchères le canal 55 (UHF) se situant dans la bande des 700 mégahertz aux Etats-Unis et que cela avait permis de développer d'autres utilisations de la télévision, telles que la diffusion de programmes de qualité en milieu de journée et non seulement aux heures traditionnelles de grande écoute, ou encore la diffusion d'informations à l'occasion d'événements graves comme les incendies en Californie. Soulignant son intérêt pour cette activité en Europe, où plusieurs technologies sont utilisées, dont celle proposée par Qualcomm, il a plaidé pour le respect du principe de neutralité technologique. Il a salué l'action décisive de la France dans la récente identification, lors de la Conférence mondiale des radiocommunications tenue à Genève, d'une bande de fréquence de 72 mégahertz, tout en précisant qu'une bande de fréquences de 70 mégahertz permettrait le développement du haut débit mobile, qui n'en est qu'à ses débuts.

Il a cité l'exemple de l'Australie, où un opérateur lui avait confié récemment qu'il prévoyait que la voix n'utiliserait plus bientôt que 20 % des capacités des réseaux des télécommunications mobiles et que 80 % seraient consacrés au transfert de données, ce qui s'explique aisément par le fait qu'un transfert de contenu vidéo nécessite 20 à 100 fois plus de capacité que l'échange d'une conversation téléphonique. Il a ajouté que Qualcomm prévoyait de construire des puces permettant à des ordinateurs portables d'utiliser aussi le haut débit mobile, précisant que Hewlett-Packard devrait être leur premier partenaire à utiliser cette technologie.

M. Jean-Paul Emorine, président, a remercié M. Paul Jacobs pour cette présentation en rappelant tout l'intérêt porté par la commission des affaires économiques aux enjeux de l'innovation technologique.

M. Bruno Retailleau s'est déclaré convaincu que le besoin de mobilité ne cesserait de croître, le consommateur de demain souhaitant pouvoir bénéficier de toutes sortes d'applications à tout moment et en tout lieu. Il a, de plus, souligné que l'intérêt relatif des réseaux hertziens par rapport aux réseaux filaires était très fort dans un pays comme la France, dont 31 % de la population vit en milieu rural, contre seulement 4 % au Royaume-Uni ou 10 % en Italie.

Il a ensuite souhaité savoir si il était possible de garantir aux utilisateurs un débit de 10 Mbps d'ici à 5 ans. A propos du dividende numérique, et en référence à la contribution adressée par Qualcomm à l'Arcep, M. Bruno Retailleau a fait part de son souhait de voir les fréquences libérées par le basculement en numérique de la diffusion de la télévision être partiellement affectées aux télécommunications. La bande de fréquences de 72 mégahertz récemment identifiée semble-t-elle satisfaisante pour les services qu'il comptait offrir aux consommateurs ?

S'agissant de la télévision mobile, M. Bruno Retailleau s'est interrogé sur l'opportunité pour l'Europe d'avoir choisi la norme DVB-H ( Digital Video Broadcasting - Handheld) pour déployer un réseau qui ne couvrirait en France que 30 % de la population, alors même qu'il semble que la norme DVB-T (Digital Video Broadcasting - Terrestrial) qui serait mise en place au Japon permettrait de couvrir jusqu'à 95 % de la population, dans la mesure où elle utiliserait les pylônes déjà existants pour le réseau de la télévision numérique terrestre.

Lui répondant, M. Paul Jacobs a apporté les précisions suivantes :

- d'ici à cinq ans, il devrait effectivement être possible de garantir un débit de 10 Mbps, d'une part par les technologies de réduction des interférences, d'autre part, par l'installation de plusieurs antennes sur un même téléphone et, enfin, par l'augmentation du débit maximum possible, qui devrait être porté à 28,8 Mbps en 2008 et à 40 Mbps en 2009 ;

- concernant le dividende numérique, il a rappelé que le développement très rapide du haut débit mobile pour l'avenir nécessitait de pouvoir bénéficier d'une bande suffisamment large, précisant qu'aujourd'hui 10 % des utilisateurs du spectre représentaient à eux seuls 95 % du trafic et qu'une solution pour optimiser les fréquences allouées serait d'en améliorer la gestion, en atténuant la priorité accordée aux opérateurs qui représentent la moindre part de ce trafic ;

- s'agissant de la télévision mobile, il a évoqué l'existence de la norme dite mediaflo, qui permet d'obtenir une couverture du double de celle offerte par le système DVB-H. Il a toutefois estimé nécessaire de procéder parallèlement au réseau de diffusion de la télévision numérique terrestre à une extension du réseau de télévision mobile, dans la mesure où les besoins de couverture liés à un service mobile sont supérieurs à ceux que doit offrir un réseau de téléphone fixe.

M. Gérard Bailly, tout en reconnaissant le caractère extrêmement enthousiasmant des perspectives d'avenir tracées par M. Paul Jacobs, a tenu à rappeler que la France connaissait un réel problème de réception de la téléphonie mobile dans beaucoup de secteurs et, en particulier, dans les zones de montagne.

Soulignant l'effort actuellement réalisé, par exemple, dans son département en matière de fibres optiques, il a rappelé que celles-ci ne pourraient malheureusement pas être déployées sur l'ensemble du territoire et qu'il existait donc un risque qu'une partie de la population ne puisse pas bénéficier des nouveaux services, alors même que les applications médicales sont celles qui présentent, sans doute, le plus grand intérêt.

En réponse, M. Paul Jacobs a estimé que plusieurs réponses pouvaient être apportées. Si, dans un premier temps, le déploiement d'un plus grand nombre d'antennes reste la solution malgré les oppositions parfois rencontrées, dans quelques années, on pourrait envisager le déploiement du réseau par les utilisateurs eux-mêmes, notamment grâce à la technologie Wi-Fi. A l'intérieur des bâtiments, une des raisons pour lesquelles le signal disparaît, a-t-il précisé, est la forte utilisation du réseau rapporté aux antennes existantes, et il est nécessaire de disposer du maximum de fréquences et d'antennes. Par ailleurs, des technologies nouvelles utilisées en Australie permettent de couvrir des populations très éloignées grâce à des téléphones disposant d'antennes de taille relativement importante.

M. Jean-Paul Emorine, président, a renouvelé tous ses remerciements à M. Paul Jacobs, se félicitant de ce que la commission ait pu rencontrer les dirigeants d'une entreprise américaine intervenant sur le marché mondial des très hautes technologies.

PJLF pour 2008 - Mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » - Examen d'un amendement

Enfin, la commission a examiné un amendement au projet de loi de finances pour 2008.

M. Jean-Paul Emorine, président, a présenté un projet d'amendement visant à prélever 2,5 millions d'euros sur le programme 149 « Forêt » et 2,5 millions d'euros sur le programme 215 « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture » de la mission budgétaire « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales », pour les affecter au programme 154 « Gestion durable de l'agriculture, de la pêche et développement rural » de la même mission. Il s'agit d'abonder la dotation prévue pour les bâtiments d'élevage à partir des crédits affectés à la forêt et aux dispositifs d'information et d'évaluation.

Il a précisé que le ministère de l'agriculture et de la pêche avait été consulté sur cette opération et qu'il ne s'y opposait pas, estimant important, par ailleurs, que le Sénat permette de réaliser cet indispensable effort au profit des bâtiments d'élevage, dans la mesure où l'Assemblée nationale venait de permettre un renforcement des aides aux jeunes agriculteurs.

M. Gérard Bailly est ensuite intervenu pour soutenir ce projet d'amendement et a noté que les crédits auraient tout aussi bien pu être prélevés sur les moyens affectés aux prédateurs, rappelant, sur ce point, qu'il avait déposé un amendement visant à diminuer de 3 millions d'euros les crédits consacrés à la politique de réintroduction des loups pour 2008, actuellement cosigné par une quinzaine de sénateurs.

Il a, en outre, fait part d'oublis importants dans le projet de loi de finances concernant l'indemnisation des communes sinistrées par la tempête, en particulier dans les départements forestiers, et indiqué que le président du Sénat, M. Christian Poncelet, devait intervenir prochainement sur ce sujet, cette action étant prolongée par le dépôt d'un amendement au projet de loi de finances.

Après ces échanges, la commission a adopté le projet d'amendement présenté par M. Jean-Paul Emorine, président, visant à redéployer 5 millions d'euros au sein de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales ».