Mercredi 12 décembre 2007

- Présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président.

Union européenne - Suivi des dossiers européens - Communication

La commission a tout d'abord entendu une communication de M. Jean-Jacques Hyest, président, sur les travaux de suivi des dossiers européens par la commission des lois.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a rappelé que la France assurerait, à compter du 1er juillet 2008, la présidence semestrielle de l'Union européenne qui interviendra à une date charnière, puisque ce sera la dernière présidence avant l'entrée en vigueur du Traité modificatif qui devrait être signé à Lisbonne par les chefs d'Etat et de Gouvernement le 13 décembre, sous réserve de sa ratification par les vingt-sept Etats membres de l'Union européenne.

Il a estimé que le Parlement français, et en particulier le Sénat, devait prendre toute sa place, avant même que son implication institutionnelle renforcée par le nouveau traité soit effectivement mise en oeuvre, et que la commission des lois avait souhaité s'engager dans ce mouvement. Il a ajouté que si les compétences régaliennes qui intéressent la commission n'ont été, jusqu'à récemment, que peu affectées par la construction européenne, le développement considérable des actions des institutions de l'Union européenne dans le domaine de la justice et des affaires intérieures justifiait désormais que le suivi des dossiers européens dans ces matières soit davantage au coeur de ses travaux d'étude et d'information.

Il a indiqué que cette nécessité était renforcée par l'organisation prochaine, par les commissions des lois de l'Assemblée nationale et du Sénat, de réunions de travail avec les commissions homologues des Parlements des autres Etats membres. Il a souligné, le traité de Lisbonne renforçant l'implication des Parlements nationaux dans le processus de décision européen en consacrant un droit d'opposition à l'adoption d'actes législatifs (notamment dans le domaine de la justice et des affaires intérieures), qu'il importait que la commission puisse, dans les délais requis, proposer une position à la décision du Sénat tout entier.

Il a fait observer que la commission avait, depuis plusieurs mois, noué des contacts directs avec les organismes ministériels et interministériels chargés du suivi des affaires européennes, les institutions européennes ainsi que les commissions homologues des Parlements nationaux, et que cette démarche avait permis d'aborder les perspectives d'évolution à court terme de la législation communautaire ainsi que les priorités du Gouvernement pour la présidence française de l'Union européenne.

Il a souligné que ce premier travail, qui serait éventuellement retracé dans le cadre d'un rapport d'information, permettrait d'approfondir l'intervention de la commission grâce à la nomination en son sein de corapporteurs chargés de suivre l'évolution des dossiers européens dont l'objet relève de son champ de compétence.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a ensuite dressé un bilan des contacts menés par la commission afin de favoriser le suivi du processus d'élaboration des normes communautaires.

Il a rappelé qu'une audition tenue conjointement avec la délégation pour l'Union européenne, le 19 septembre 2007, avait permis à la commission de faire le point avec M. Gilles Briatta, secrétaire général des affaires européennes, sur les dossiers en cours dans les domaines de la justice, des affaires intérieures et du droit des affaires.

Il a relevé que, depuis cette date, deux développements étaient intervenus :

- le Traité modificatif a ajouté formellement Saint-Martin et Saint-Barthélemy à la liste des régions ultrapériphériques de l'Union européenne ;

- dans un courrier, M. Briatta a confirmé que le Gouvernement ne soumettrait pas à ratification l'accord conclu entre l'Union européenne et les Etats-Unis sur le traitement et le transfert des données des dossiers passagers (PNR), en se fondant sur l'avis de l'Assemblée générale du Conseil d'Etat du 7 mai 2003 aux termes duquel ne peuvent être soumis à la ratification du Parlement que les accords ou conventions auxquels la République française est partie.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a souligné qu'une délégation de la commission avait pu s'entretenir, lors d'un déplacement à Bruxelles les 11 et 12 octobre 2007, avec plusieurs responsables de la Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne, et en particulier avec M. Pierre Sellal, représentant permanent de la France auprès de l'Union européenne depuis 2002.

Il a indiqué qu'il résultait de cette rencontre que si l'influence française dans les institutions européennes est satisfaisante, en revanche son poids dans le débat d'idées est en retrait, car la Commission européenne forge une partie de sa doctrine au contact de la presse, de centres de recherche et de « think tanks », alors que ces méthodes de travail ne sont pas dans notre culture, et que l'offre intellectuelle française ne nourrit pas suffisamment la réflexion des institutions européennes.

Il a rappelé que la délégation de la commission avait également pu rencontrer M. Daniel Lecrubier, chef du service Justice et affaires intérieures à la Représentation permanente, ainsi que plusieurs de ses collaborateurs, qui avaient souligné que le traité modificatif de Lisbonne faisait passer le domaine de la justice et des affaires intérieures dans le champ de la majorité qualifiée au Conseil et de la codécision avec le Parlement européen.

Il a ajouté que, même avec ces nouvelles règles, les responsables entendus avaient estimé qu'il serait toujours difficile d'avancer en matière de justice et affaires intérieures, de nombreux Etats conservant des positions diamétralement opposées : le Royaume-Uni est contre l'harmonisation, alors que l'Allemagne est attachée à un minimum d'harmonisation du fait de l'arrivée de nouveaux Etats membres ; même sur le principe de la reconnaissance mutuelle, des Etats restent réticents, notamment les Pays-Bas.

Il a indiqué que l'initiative de la présidence allemande de constituer un groupe de travail réunissant les six présidences à venir afin d'élaborer un programme d'action dans ce domaine pourrait permettre de dégager de grandes orientations avant la présidence française.

S'agissant des questions de droit civil et de droit commercial, M. Jean-Jacques Hyest, président, a souligné que les conseillers de la Représentation permanente avaient mis en avant les difficultés posées par la diversité des cultures et traditions juridiques nationales, qui rendait difficile la négociation de certains dossiers, en particulier ceux relatifs au droit de la famille et au droit des obligations, cette situation semblant conduire à une perte de volonté des institutions communautaires d'harmoniser les législations nationales pour favoriser à l'inverse une approche plus anglo-saxonne consistant à recommander l'adoption d'instruments non juridiquement contraignants, tels que des chartes, des codes de conduite ou des cadres communs de référence.

Il a indiqué que des contacts avaient été pris avec les cellules du ministère de la justice ainsi que du ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, chargées des dossiers prioritaires de la présidence française de l'Union européenne.

Il a fait observer que le ministère de la justice avait souligné que la présidence française interviendrait au terme de l'exécution du programme de La Haye en matière de justice et qu'il lui incomberait en conséquence de faire aboutir les négociations sur un nouveau programme pluriannuel 2009-2013.

Il a indiqué qu'au ministère de l'intérieur, les priorités de la présidence française seraient :

- en matière de police, de rationaliser les outils de coopération policière existants ;

- en matière de protection civile, de mettre en place une force d'intervention rapide en cas d'accident ou d'attentat NRBC ;

- de mieux garantir les libertés individuelles, notamment au regard du développement des fichiers de police et de la protection des données. Il a estimé que la France avait une expérience et un héritage importants sur ces sujets.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a relevé que le déplacement de la délégation de la commission à Bruxelles avait été l'occasion de nouer des contacts directs avec les institutions communautaires, et en premier lieu avec la Commission européenne. Il a indiqué que des entretiens avaient eu lieu :

- avec M. Franco Frattini, commissaire européen chargé de la justice, de la liberté et de la sécurité, qui avait confirmé son espoir que l'initiative allemande de créer un groupe de travail associant les six présidences à venir permette d'élaborer un programme d'action pour la période 2009-2014 qui prendrait la suite du programme de La Haye ;

- avec les services de la direction générale du marché intérieur et des services, compétente pour les questions du droit des sociétés, du droit des marchés publics ainsi que des règles relatives à la prestation de services, les échanges ayant fait apparaître la volonté de la Commission européenne de mettre un terme à certains projets d'harmonisation dans ce domaine, lorsque les consultations préparatoires menées auprès des acteurs concernés montrent qu'ils ne sont pas indispensables au bon fonctionnement du marché unique.

Il a salué l'approche de la Commission européenne qui reposait désormais sur des études d'impact préalables, ce qui n'avait pas toujours été le cas par le passé.

Il a indiqué que la question de la compatibilité de la clause de nationalité imposée en France pour l'exercice de certaines professions juridiques et judiciaires réglementées avait été également abordée avec les services de la direction générale de la justice et des affaires intérieures, M. Jonathan Faull, directeur général, ayant indiqué à la délégation que le traité modificatif de Lisbonne ouvrait des perspectives nouvelles très intéressantes dans le secteur de la justice et des affaires intérieures, mais que beaucoup de choses restaient à inventer, soulignant notamment que les modalités de l'association des Parlements nationaux au contrôle d'Europol, prévue par le traité, n'étaient pas définies.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a également indiqué que, lors de son déplacement à Bruxelles, la délégation de la commission avait rencontré les services du secrétariat général du Conseil de l'Union européenne et avait pu :

- aborder avec M. Jean-Claude Piris, jurisconsulte du Conseil, les modifications induites par le traité modificatif, l'attention ayant été en particulier attirée sur le droit d'opposition à l'adoption de projets d'actes législatifs accordé aux Parlements des Etats membres ;

- s'entretenir avec M. Gilles de Kerchove, ancien directeur de la coopération policière et douanière ainsi que de la coopération judiciaire pénale, devenu le coordinateur anti-terroriste de l'Union européenne, qui avait critiqué une approche parfois trop cloisonnée avec la multiplication des agences et des systèmes d'information en matière de sécurité européenne et expliqué que le rôle de coordinateur anti-terroriste consistait à faciliter le dialogue entre les différentes institutions européennes ainsi qu'avec les pays tiers, un défi étant d'améliorer l'image de l'Europe dans le monde musulman.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a souligné que des contacts avaient également été noués avec le Parlement européen, une délégation de la commission ainsi que de la délégation pour l'Union européenne du Sénat s'étant rendue les 26 et 27 novembre 2007 à la réunion organisée conjointement à Bruxelles par la commission Libé du Parlement européen et la commission des lois de l'Assemblée de la République du Portugal. Quatre thèmes y ont été abordés : l'immigration, la lutte contre le terrorisme, l'échange de données aux fins de lutter contre le terrorisme et la criminalité transnationale et l'élaboration d'un droit pénal européen.

Il a rappelé que des relations avaient également été établies avec les commissions homologues des Etats membres à l'occasion des deux missions d'information sur les Parlements nationaux dans l'Union européenne et par la participation de la commission aux réunions des commissions homologues des Parlements nationaux dans le cadre des présidences de l'Union européenne.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a ensuite évoqué certains dossiers européens d'actualité en 2008 relevant de la compétence de la commission des lois.

Il a d'abord souligné que la commission serait appelée à examiner plusieurs projets de loi tendant à adapter le droit français à plusieurs instruments juridiquement contraignants déjà adoptés par l'Union européenne, en particulier les mesures de transposition ou d'adaptation relatives en particulier au droit des sociétés et à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

Il a insisté pour qu'au-delà de ce travail en aval du processus de décision communautaire, la commission porte son intérêt sur les dossiers en cours de négociation et sur les dossiers faisant partie des priorités de la Commission européenne et de la future présidence française de l'Union européenne.

Parmi les dossiers les plus importants, il a évoqué :

- en matière de droit de la famille, la négociation d'un instrument prévoyant des règles de conflits de loi en matière de divorce.

Il a souligné que les négociations engagées rencontraient de fortes difficultés dues à l'hétérogénéité des règles applicables dans les Etats membres et à leurs traditions culturelles divergentes : Malte, qui ne reconnaît pas le divorce, ne souhaite pas que ses propres tribunaux soient amenés à prononcer des divorces sur la base d'un droit étranger ; les Etats dans lesquels la procédure de divorce est très souple et rapide -comme la Suède- ne souhaitent pas voir leurs juridictions contraintes d'appliquer les règles plus strictes d'autres Etats -comme l'Irlande.

Il a indiqué que le Gouvernement soutenait les grandes orientations d'un tel instrument communautaire afin de réduire la tendance au forum shopping que l'on peut actuellement constater ;

- en matière de droit des sociétés, la volonté de la Commission européenne comme du Gouvernement de créer une société privée européenne, destinée aux petites et moyennes entreprises européennes, un projet d'instrument devant être présenté par la Commission au printemps ou à l'été 2008 ;

- en matière de coopération en matière pénale, la question de l'avenir d'Eurojust, la Commission européenne ayant adopté récemment une communication pour conforter son rôle, ainsi que le renforcement du Réseau judiciaire européen en matière pénale (RJE) ;

- en matière d'immigration illégale, la proposition de directive relative aux normes et procédures applicables au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, la Commission ayant l'espoir de faire adopter ce texte dans le courant de l'année 2008.

Il a rappelé que la commission des lois avait adopté une résolution très critique en février 2007, devenue résolution du Sénat, s'opposant notamment à une harmonisation de la durée de la rétention qui fixerait une durée minimale, a fortiori égale à quatre mois, les garanties offertes aux étrangers par la proposition de directive étant moins protectrices que celles prévues par la législation française.

Il a fait observer qu'en septembre 2007, la commission LIBÉ du Parlement européen avait préconisé de définir une période de trois mois à l'issue de laquelle la rétention ne serait plus justifiée, les Etats membres pouvant raccourcir ce délai ou le prolonger d'un maximum de dix-huit mois lorsque, en dépit de tous les efforts raisonnables, l'opération d'éloignement risque de durer plus longtemps faute de coopération de la part de l'étranger ou en raison de retards apportés à la fourniture des documents nécessaires par les pays tiers.

Il a souligné que si cette version était adoptée définitivement, la France pourrait conserver sa durée actuelle de rétention, mais que l'harmonisation des durées de rétention souhaitée par la Commission ne serait pas atteinte.

Il a ajouté que les discussions avançaient très lentement au Conseil et qu'il n'était pas certain que la France pousse particulièrement ce dossier lors de sa présidence.

De manière générale, il a relevé qu'en matière d'immigration illégale la communication sur le programme législatif et de travail de la Commission pour 2008 était prudente, seule la gestion des frontières extérieures étant mise en avant.

Il a insisté particulièrement sur le renforcement de l'agence Frontex qui est une priorité tant de la Commission que de la future présidence française de l'Union européenne.

Il a rappelé que Frontex intervient principalement aux frontières méridionales de l'Europe et assure le pilotage d'équipes d'intervention rapide composées d'une réserve de 450 gardes-frontières nationaux potentiellement mobilisables, de manière temporaire, par des Etats membres confrontés à des situations de crise.

Il a souligné qu'en 2008, la Commission devrait rendre un rapport sur l'évaluation et le futur développement de Frontex, qui permettrait de se prononcer sur l'extension de ses activités opérationnelles, ainsi que sur l'opportunité de lui confier d'autres aspects de la gestion des frontières extérieures, en particulier la coopération douanière, dans la mesure où Frontex ne connaît de la sécurité des frontières que sous l'angle de la gestion des flux migratoires et de la lutte contre l'immigration clandestine.

Après avoir précisé qu'une question orale avec débat sur l'avenir d'Eurojust à l'initiative de M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne, devait être débattue en séance publique dans l'après-midi, M. François Zocchetto a indiqué que la Commission européenne avait adopté une communication le 23 octobre 2007 pour conforter le statut et les missions de cette unité.

Il a expliqué que l'actualisation de la décision du Conseil de 2002 ayant institué Eurojust était apparue souhaitable, compte tenu de son rôle très positif dans le cadre de la lutte contre le crime organisé et de la disparité des pouvoirs conférés aux membres nationaux désignés par les Etats membres (actuellement au nombre de 27) qui siègent en son sein.

M. François Zocchetto a relevé la diversité des moyens alloués aux membres nationaux par les Etats membres, précisant que si la délégation française, avec trois magistrats et deux assistants juridiques, est bien dotée, tel n'est pas le cas d'autres bureaux nationaux. L'anglais est la langue de travail usuelle au sein de l'unité, le français est employé plus rarement à l'occasion d'échanges d'information informels entre les membres et le personnel de l'administration a-t-il précisé.

Il a évoqué les principales mesures proposées par la Commission européenne pour développer cet instrument de coopération judiciaire : élargir les pouvoirs des membres nationaux, accroître les missions du collège d'Eurojust qui pourrait être l'autorité compétente pour trancher les conflits de compétence juridictionnelle et clarifier les relations avec les autres acteurs de la coopération judiciaire (magistrats de liaison, réseau judiciaire européen, Europol et Office de lutte contre la fraude).

Il a noté que ces pistes de réforme avaient été discutées par les Etats membres de l'Union européenne à Lisbonne les 29 et 30 octobre 2007 et leurs objectifs approuvés lors du dernier Conseil « Justice et affaires intérieures », tenu le 7 décembre dernier.

Au terme d'un travail préparatoire qui l'a conduit à entendre plusieurs magistrats, il a estimé la démarche de la commission opportune, suggérant que la France utilise la présidence de l'Union européenne pour oeuvrer à la modernisation du fonctionnement d'Eurojust.

M. François Zocchetto a jugé indispensable une harmonisation des règles statutaires et des pouvoirs conférés à Eurojust, afin de donner une plus grande efficacité à son action et assurer un fonctionnement plus cohérent. Il a également insisté sur la nécessité de renforcer l'obligation qui pèse sur les Etats membres -en pratique les autorités judiciaires nationales- d'informer plus en amont et plus systématiquement cette unité sur les affaires relevant de son champ de compétences, faisant valoir le caractère déterminant de la qualité et du volume des informations recueillies et mises en commun pour traiter au mieux les affaires soumises à Eurojust.

Il a relevé que l'article 69 H du traité modificatif en cours d'adoption ne modifiait guère le cadre juridique actuel défini à l'article 31 du Traité sur l'Union européenne, notamment au regard des tâches assignées à Eurojust. M. François Zocchetto a cependant mis en avant une importante novation, l'article 69 I du traité modificatif envisageant la création d'un parquet européen. Il a annoncé son intention, à l'occasion du débat sur la question orale relative à l'avenir d'Eurojust, d'interroger le gouvernement sur la priorité susceptible d'être accordée à ce chantier au cours de la présidence française et sur l'articulation qui pourrait être retenue entre le parquet européen et Eurojust.

Enfin, il lui a semblé que notre législation nationale en ce qui concerne les pouvoirs conférés plus particulièrement à son membre national -actuellement M. François Falletti- devrait être modifiée, expliquant que la loi Perben 2 du 9 mars 2004 -qui a transposé dans notre droit interne la décision du conseil de 2002 a minima- n'avait pas doté le représentant de la France de pouvoirs très étendus, à la différence de la Suède par exemple. Le représentant français qui siège au sein d'Eurojust ne détient en effet actuellement aucun pouvoir judicaire sur le territoire national.

Dans un souci d'exemplarité et par cohérence, M. François Zocchetto a jugé en conclusion que, parallèlement à la démarche susceptible d'être entreprise à l'échelle de l'Union européenne sous l'impulsion de la présidence française pour accroître l'autorité d'Eurojust, la France devra revoir les règles qu'elle a établies pour conforter la place de cet acteur dans le paysage judiciaire français.

Evoquant l'influence française en Europe, M. Henri de Richemont s'est étonné du décalage entre la réalité et la pratique, après avoir souligné que la France met régulièrement en avant sa capacité de rayonnement, alors même que l'anglais s'impose comme la langue prédominante dans le travail des instances communautaires, interprétant cette évolution comme l'un des signes du déclin du prestige de la France en Europe.

Exprimant un point de vue convergent, M. Christian Cointat a expliqué que ce phénomène trouvait son origine dans le renoncement -exprimé en 1995 lors de l'élargissement de l'Union européenne- à la clause imposant le français comme langue de travail dans les travaux de l'Union européenne, ce qui avait entraîné la généralisation du recours à la langue anglaise.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a observé que la langue de travail officielle à la Cour de justice des communautés européennes est le français.

Après s'être félicité du travail approfondi engagé par la commission des lois sur le suivi des dossiers européens, M. Pierre Fauchon a estimé, à propos de la domination de la langue anglaise, que le contexte actuel de la mondialisation imposait d'adopter une conduite pragmatique et de maîtriser cette langue au mieux.

Il a en outre relativisé la perte d'influence du droit français au sein de l'Union européenne, soulignant que le processus européen s'était développé à la faveur de règles écrites précises, contrairement à la logique qui guide le droit anglo-saxon régi par la Common law. Il a fait valoir que de ce fait, les juristes français en poste dans les instances communautaires étaient à l'aise avec les procédures communautaires.

Evoquant le processus de construction de l'espace judiciaire européen, M. Pierre Fauchon a tout d'abord pris acte des progrès accomplis dans ce domaine, notant le caractère complexe et l'efficacité remarquable bien que ponctuelle des dispositifs mis en place. Il a toutefois noté que ce chantier progressait avec lenteur du fait de la réticence des administrations nationales - lesquelles assimilent ce processus à une perte d'influence- bien plus que des parlementaires nationaux.

M. Pierre Fauchon a ensuite insisté sur la nécessité de promouvoir un projet plus ambitieux en matière de coopération judiciaire. Plaidant pour la création d'un parquet européen, il a souhaité la mise en place d'un système de poursuites unifié à l'échelle de l'Union européenne. Il s'est réjoui que le traité modificatif en cours d'adoption envisage la possibilité pour les Etats membres de créer, par une décision adoptée à l'unanimité, un parquet européen pour les infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union européenne et, à défaut d'unanimité, autorise le recours à la coopération renforcée.

Reconnaissant que l'apprentissage des langues étrangères est une nécessité dans le monde actuel, M. Henri de Richemont a regretté que la France n'impose pas le français dans les réunions de travail des instances communautaires auxquelles elle participe. Il a noté qu'outre les règles écrites, la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes avait également contribué à la définition des règles régissant l'Union européenne. Il a jugé difficile la création d'un parquet européen compte tenu de la diversité des procédures pénales en vigueur dans les Etats membres de l'Union européenne, faisant valoir la grande méfiance de la Grande-Bretagne à l'égard du système inquisitoire qui prévaut dans de nombreux Etats membres, dont la France.

Concédant que le terme de « parquet européen » est peut-être trop connoté pour certains Etats membres, en particulier le Royaume-Uni, M. Jean-Jacques Hyest, président, a toutefois a jugé que des progrès étaient sans aucun doute possibles pour harmoniser les poursuites à l'encontre des infractions communautaires, une approche pragmatique devant être privilégiée.

Enfin, il a rappelé que si des traditions juridiques différentes coexistaient au sein de l'Union européenne, le droit romain était majoritaire parmi les Etats membres.

Ayant participé à la réunion conjointe de la commission LIBÉ du Parlement européen et des commissions homologues des Parlements nationaux les 26 et 27 novembre 2007, M. Jean-René Lecerf a indiqué avoir été déçu par la faible association des parlementaires nationaux aux débats, chacun ne disposant parfois que d'une minute pour s'exprimer. Il a relevé la difficulté d'instaurer un réel espace de débat, des interventions à caractère général se succédant le plus souvent.

Partageant ce constat, M. Jean-Jacques Hyest, président, a toutefois indiqué que les interventions lors de la réunion des commissions homologues des Parlements nationaux à Lisbonne en septembre 2007 avaient été inégales mais parfois plus nourries qu'au Parlement européen.

Concernant l'investissement renforcé de la commission des lois dans le champ des affaires européennes, il a précisé qu'il n'avait pas vocation à empiéter sur le travail de la délégation pour l'Union européenne du Sénat. Il a rappelé le rôle de veille essentiel de la délégation.

Afin d'assurer une permanence sur les affaires européennes au sein de la commission, il a proposé la nomination de trois corapporteurs issus tant de la majorité que de l'opposition.

La commission a alors procédé à la nomination de MM. Pierre Fauchon, Jean-René Lecerf et Jean-Claude Peyronnet comme corapporteurs chargés du suivi des dossiers européens dans le cadre de la présidence de l'Union européenne.

Elle a enfin donné acte à M. Jean-Jacques Hyest, président, de sa communication, et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information.

Union européenne - Suivi des dossiers européens - Nomination de corapporteurs

Puis la commission a nommé MM. Jean-René Lecerf, Jean-Claude Peyronnet et Pierre Fauchon corapporteurs chargés du suivi des dossiers européens dans le cadre de la présidence de l'Union européenne.

Arctique, Antarctique et Terres australes - Communication

Puis la commission a entendu une communication de M. Christian Cointat sur les auditions du groupe d'études sur l'Arctique, l'Antarctique et les Terres australes, consacrées à la présence française en Arctique, en Antarctique et dans les Terres australes et au développement de la recherche scientifique.

M. Christian Cointat, rapporteur, a rappelé que le groupe d'études sur l'Arctique, l'Antarctique et les Terres australes, dont il assumait la présidence, avait procédé, le 25 septembre 2007, à une série d'auditions visant à dresser un bilan de la présence française dans les régions polaires et subantarctique. Soulignant que l'année polaire internationale 2007-2008 avait été ouverte au Sénat le 1er mars 2007, il a indiqué que le groupe d'études, rattaché à la commission des lois, avait d'abord entendu M. Eric Pilloton, préfet, administrateur supérieur des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), puis des représentants de l'Institut polaire français Paul-Emile Victor (IPEV) et des chercheurs, afin d'étudier le développement de la recherche scientifique.

Relevant que la quatrième édition de l'année polaire internationale intervenait au moment où l'homme, prenant conscience de l'impact de son activité sur la planète, s'inquiétait pour sa sauvegarde, il a précisé que les régions polaires et subantarctiques présentaient un intérêt indéniable pour l'étude du climat, des séismes et de la biodiversité. Il a expliqué que l'IPEV était un groupement d'intérêt public réunissant notamment le ministère de la recherche, le ministère des affaires étrangères, le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et les TAAF, afin d'apporter aux programmes scientifiques dans les régions polaires un appui juridique, technique, logistique et financier.

Considérant que les TAAF représentaient un atout exceptionnel pour la France, il a indiqué que cette collectivité sui generis était dotée d'un statut défini par la loi du 6 août 1955 et comportait cinq districts :

- les Kerguelen ;

- Crozet ;

- Saint-Paul-et-Amsterdam ;

- la Terre Adélie, correspondant à la zone attribuée à la France en Antarctique, la France étant l'un des sept Etats possessionnés par le traité sur l'Antarctique conclu à Washington le 1er décembre 1959 ;

- les îles Eparses (Glorieuse, Europa, Bassas da India, Juan de Nova et Tromelin), intégrées à la collectivité des TAAF par la loi du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer.

Précisant que la préfecture des TAAF était établie à Saint-Pierre de la Réunion, M. Christian Cointat, rapporteur, a expliqué que le préfet, administrateur supérieur, chef du territoire, était représenté par un chef de district assumant notamment les fonctions d'officier de police judiciaire et d'officier d'état-civil aux Kerguelen, à Crozet, à Saint-Paul-et-Amsterdam et en Terre Adélie. Soulignant qu'en l'absence de résidents permanents, les TAAF n'étaient représentées par aucun élu, il a rappelé que l'administrateur supérieur était assisté d'un conseil consultatif et que la collectivité disposait de la personnalité morale, ce qui lui permettait de disposer d'un budget et de ressources propres. Il a indiqué que la loi du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'Outre-mer avait actualisé la loi du 6 août 1955 portant statut des TAAF et de l'île de Clipperton et réaffirmé l'application, dans le territoire, du principe de spécialité législative, sauf dans les matières régaliennes.

Estimant que les régions australes et antarctiques offraient des conditions uniques d'observation de notre planète et de la biodiversité, il a insisté sur le rôle des TAAF dans le soutien aux projets scientifiques. Il a rappelé que les programmes de recherche, généralement coordonnés par l'IPEV, s'appuyaient sur le navire des TAAF, le Marion Dufresne, desservant les îles australes, ainsi que sur l'Astrolabe, chargé de relier la base Dumont d'Urville en Terre Adélie et Hobart en Tasmanie. Se félicitant de la coopération efficace établie par les TAAF et l'IPEV pour le développement des travaux de recherche scientifique, il a précisé que ces projets portaient en particulier sur la sismologie, l'histoire du climat, l'étude de la stratosphère et de la couche d'ozone, le cycle atmosphérique du soufre et les sciences de la vie.

Rappelant que la surface de la zone économique exclusive entourant les TAAF atteignait 1.750.000 km2 sans les îles Eparses, et 2.240.000 km² avec ces dernières, M. Christian Cointat, rapporteur, a salué l'efficacité de la lutte contre la pêche illicite qui avait permis, en collaboration avec l'Australie et l'Afrique du Sud, de préserver les ressources halieutiques.

Il a expliqué que M. Gérard Jugie, directeur de l'IPEV, et les personnalités scientifiques du CNRS, du Muséum national d'histoire naturelle et de Météo France, entendues par le groupe d'études, avaient unanimement souligné la nécessité de maintenir l'effort de la France en faveur de la recherche dans les régions polaires et subantarctiques. Il a précisé que ces recherches portaient en particulier sur l'exceptionnelle biodiversité de ces régions, les TAAF constituant l'un des derniers et des plus spectaculaires sanctuaires de la nature sur notre planète. Il a déclaré que selon M. Guy Duhamel, professeur en ichtyologie au Muséum national d'histoire naturelle, l'Océan austral constituait la source de protéines du XXIème siècle, alors que les jachères présentes en Europe ne permettraient pas de nourrir indéfiniment la population.

Relevant que les recherches conduites dans ces régions avaient de nombreuses applications pratiques, il a expliqué que les recherches conduites sur les populations de manchots dans les îles australes avaient permis d'identifier chez ces animaux la production d'une protéine permettant de conserver la nourriture intacte pendant plusieurs semaines, cette bactérie étant aujourd'hui synthétisée pour être utilisée dans la lutte contre les maladies nosocomiales. Expliquant que les recherches en matière de biodiversité avaient également permis la découverte chez l'ours blanc de la production de bactéries lui permettant de jeûner en ne consommant que ses réserves de lipides et non ses protéines, il a précisé que cette découverte devrait permettre à l'avenir d'améliorer le traitement de l'obésité.

Il a en outre souligné que l'évolution du climat et ses conséquences étaient beaucoup plus sensibles dans les régions australes et polaires, précisant qu'une augmentation de température d'1,3 degré aux Kerguelen depuis les années 1960 avait permis l'installation d'une mouche entrée en concurrence avec les mouches autochtones et mettant en péril la biodiversité. Estimant qu'une augmentation de température minime pouvait produire des effets considérables, il a relevé qu'en Terre Adélie, les chercheurs avaient observé qu'une hausse de 0,3 degré entraînait un surcroît de mortalité de 10 % chez les manchots.

M. Christian Cointat, rapporteur, a par ailleurs indiqué que les conditions d'hivernage extrêmes pour l'homme dans les régions polaires et subantarctique permettaient de conduire des études préparatoires aux vols spatiaux de longue durée et que les recherches climatologiques avaient conduit à la découverte dans les carottes de glace d'une pollution remontant à l'époque romaine et due à l'utilisation du plomb.

Il a indiqué que les scientifiques entendus par le groupe d'études avaient insisté sur la nécessité pour la France de participer à des programmes internationaux de recherche sur le modèle du projet européen de forage des glaces à Dôme C, en Antarctique (European Project for Ice Coring in Antarctica, EPICA) et d'être davantage présente dans les projets de recherche en Arctique. Il a expliqué qu'une coopération entre les organismes intervenant dans les régions polaires et subantarctique était indispensable au développement de travaux de recherche susceptibles de bénéficier à l'ensemble de l'humanité.

Rappelant que la suppression de l'immatriculation des navires de commerce au registre des TAAF (pavillon des Kerguelen), prévue par la loi n° 2005-412 du 3 mai 2005 relative à la création du registre international français (RIF), entraînerait une perte de 940.000 euros pour le budget des TAAF à compter de 2008, soit 10 % de leurs ressources propres, il a estimé qu'une compensation devait être organisée afin de préserver l'exercice des missions de la collectivité. Il a précisé que M. Christian Estrosi, secrétaire d'Etat chargé de l'Outre-mer, avait évoqué à cet égard l'attribution aux TAAF d'une partie des recettes issues des taxes sur les produits des jeux de casino installés à bord des navires immatriculés au RIF.

M. Henri de Richemont a indiqué que lors de la création du RIF, le Gouvernement s'était engagé à compenser la perte de recettes qu'entraînerait, pour les TAAF, la disparition du registre des Kerguelen.

M. Christian Cointat, rapporteur, estimant que le Parlement devait veiller à l'effectivité de cette compensation, a considéré qu'il appartenait à la France de faire des TAAF un grand centre de recherches pour une meilleure connaissance de notre planète et pour sa sauvegarde.

M. Jean-Jacques Hyest, président, saluant la qualité des auditions conduites par le groupe d'études sur l'Arctique, l'Antarctique et les Terres australes, a souligné la nécessité de coordonner l'ensemble des moyens afin de développer la recherche scientifique dans ces régions. Il a précisé que la France était déjà à la pointe des recherches climatologiques et que Mme Valérie Pécresse, ministre de la recherche et de l'enseignement supérieur, avait récemment exprimé la volonté de soutenir les travaux conduits dans les régions polaires.

A l'issue de ces interventions, la commission a donné acte à M. Christian Cointat de sa communication et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information.

Bioéthique - Groupe de travail sur la maternité pour autrui - Echange de vues

Enfin, la commission a autorisé la création d'un groupe de travail, commun avec la commission des affaires sociales, sur la maternité pour autrui.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a exposé que la cour d'appel de Paris avait récemment autorisé, dans un arrêt rendu le 25 octobre 2007, la transcription sur les registres de l'état civil français des actes de naissance de deux jumelles nées aux Etats-Unis établissant leur lien de filiation avec un couple français ayant eu recours à une convention de maternité pour autrui.

Il a observé que le ministère public avait formé un pourvoi devant la Cour de cassation, rappelant que la gestation et la procréation pour autrui avaient été prohibées en France par la jurisprudence de la Cour de cassation, puis par les lois bioéthiques de 1994 et 2004, et que cette prohibition était d'ordre public.

Il a estimé que la décision de la cour d'appel de Paris, fondée sur l'intérêt supérieur de l'enfant, et l'analyse du droit comparé, montrant que la gestation pour autrui est autorisée aux Etats-Unis, au Royaume-Uni ou encore en Grèce, invitaient à s'interroger sur les perspectives d'évolution de la législation française.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a indiqué que le groupe de travail pourrait être composé de sept membres de chaque commission à désigner lors de la prochaine réunion.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a ajouté que ce groupe de travail serait animé par un président et deux co-rapporteurs et que ses auditions seraient ouvertes à l'ensemble des membres des deux commissions.