Mardi 29 janvier 2008

- Présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président.

Constitution - Modification du titre XV - Examen des amendements

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a procédé, sur le rapport de M. Patrice Gélard, à l'examen des amendements sur le projet de loi constitutionnelle n° 170 (2007-2008), adopté par l'Assemblée nationale, modifiant le titre XV de la Constitution.

La commission a donné un avis défavorable :

- à la motion n° 1, présentée par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité ;

- à la motion n° 2, présentée par M. Jean-Luc Mélenchon, tendant à opposer la question préalable.

Puis elle a donné un avis défavorable à l'amendement n° 5 rectifié bis présenté par M. François Marc et plusieurs de ses collègues, tendant à créer un article additionnel avant l'article premier afin de permettre la ratification de la charte européenne des langues régionales ou minoritaires du Conseil de l'Europe.

A l'article premier (autorisation de ratifier le traité de Lisbonne), M. Patrice Gélard, rapporteur, a indiqué que la majorité des amendements tend à instituer des réserves aux engagements contractés par la France dans le cadre du traité de Lisbonne, démarche qui était contraire aux principes du droit international public.

Puis la commission a donné un avis défavorable :

- à l'amendement n° 6, présenté par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen, tendant à la suppression de cet article ;

- à l'amendement n° 3, présenté par M. Michel Charasse, tendant à prévoir que la participation de la France à l'Union européenne ne peut intervenir que sous les réserves d'interprétation résultant des décisions du Conseil constitutionnel ;

- à l'amendement n° 8, présenté par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen, tendant à exclure l'application des stipulations du traité sur l'Union européenne relatives au respect, dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune, des obligations découlant du traité de l'Atlantique Nord ;

- à l'amendement n° 10, des mêmes auteurs, tendant à exclure l'application des stipulations du traité sur l'Union européenne relatives à l'Agence européenne de défense ;

- à l'amendement n° 12, des mêmes auteurs, tendant à exclure la possibilité de mettre en oeuvre une révision simplifiée des traités européens ;

- à l'amendement n° 14, des mêmes auteurs, tendant à exclure l'application des stipulations du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne relatives à l'application des règles de concurrence aux services d'intérêt économique général ;

- à l'amendement n° 16, des mêmes auteurs, tendant à exclure l'application des stipulations du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne affirmant l'indépendance de la Banque centrale européenne ;

- à l'amendement n° 18, des mêmes auteurs, tendant à préciser que la participation de la France à l'Union européenne s'effectue dans le respect du principe de laïcité.

A l'article 2 (modification du titre XV de la Constitution relatif aux communautés européennes et à l'Union européenne), après que M. Patrice Gélard, rapporteur, eut indiqué que ces amendements avaient un objet identique ou similaire aux amendements précédemment examinés à l'article premier, la commission, a également donné un avis défavorable aux amendements :

- n° 7, présenté par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen, tendant à supprimer cet article ;

- n° 4, présenté par M. Michel Charasse, tendant à prévoir que la participation de la France à l'Union européenne ne peut intervenir que sous les réserves d'interprétation résultant des décisions du Conseil constitutionnel ;

- n°s 9, 11, 15, 17 et 19, présentés par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen, ayant respectivement le même objet que les amendements n°s 8, 10, 14, 16 et 18.

Constitution - Modification du titre XV - Examen d'une motion de renvoi au référendum

Lors d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, réunie sous la présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président, la commission a examiné la motion, présentée par Mme Nicole Borvo-Cohen Seat, tendant à soumettre au référendum le projet de loi constitutionnelle n° 170 (2007-2008), adopté par l'Assemblée nationale, tendant à modifier le titre XV de la Constitution.

Après que M. Jean-Jacques Hyest, président, eut donné lecture de l'exposé des motifs de la motion, M. Patrice Gélard, rapporteur, a estimé que le renvoi au référendum de l'article 11 de la Constitution du projet de loi constitutionnelle ne pouvait s'appliquer à ce texte de nature constitutionnelle.

Il a souligné que, dès lors que le projet de loi avait été déposé sur le bureau des assemblées dans le cadre de la procédure de l'article 89 de la Constitution, comme l'avait décidé le Président de la République, une telle motion de procédure n'était pas recevable.

Il a fait observer que, lors de la campagne électorale, le Président de la République avait clairement indiqué qu'il ne soumettrait au référendum ni le projet de loi tendant à réviser la Constitution, ni le projet de loi tendant à ratifier le traité.

Il a conclu à l'irrecevabilité de la motion.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a mis en exergue le fait que le référendum du 29 mai 2005 avait rejeté le projet de loi de ratification du traité établissant une Constitution pour l'Europe, et non le projet de loi révisant le titre XV de la Constitution, qui avait été soumis au Congrès.

Il a de ce fait réfuté l'argument selon lequel le recours au Congrès pour le projet de loi constitutionnelle violerait la position exprimée par la population française en 2005.

Il a souligné que la motion présentée pourrait être recevable en application de l'article 11 de la Constitution s'agissant du projet de loi tendant à ratifier le traité de Lisbonne, mais qu'elle était en revanche irrecevable s'agissant du présent projet de loi.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat a indiqué que l'article 89 de la Constitution n'était pas la seule disposition permettant de réviser la Constitution, comme l'avait montré l'emploi en 1962 de l'article 11 de la Constitution pour prévoir l'élection du Président de la République au suffrage universel direct.

Elle a insisté sur le fait que, selon plusieurs constitutionnalistes, l'article 11 pouvait être utilisé pour l'adoption de tout projet de loi, qu'il ait une nature ordinaire ou constitutionnelle.

Elle a jugé qu'il ne revenait pas à la commission de décider de la recevabilité de la motion, question qui devait être tranchée par le Sénat tout entier.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a souligné que la commission s'était réunie à la demande du Président du Sénat, pour donner un avis sur la recevabilité de la motion et que la recevabilité serait décidée en séance publique.

Il a reconnu que l'article 11 de la Constitution avait pu permettre la révision de la Constitution, mais que le choix de la procédure appartenait au seul Président de la République.

Il a estimé que, dès lors que ce choix avait été fait en l'espèce, il n'était pas envisageable de modifier la procédure engagée par le biais d'une motion émanant du Parlement.

Se prononçant sur la demande d'avis du Président du Sénat, la commission a émis un avis défavorable sur la recevabilité de la motion.

Mercredi 30 janvier 2008

- Présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président.

Nomination d'un rapporteur

La commission a tout d'abord nommé M. François Zocchetto, rapporteur sur la proposition de loi  171 (2007-2008), adoptée par l'Assemblée nationale, créant de nouveaux droits pour les victimes et améliorant l'exécution des peines.

Rétention de sûreté et irresponsabilité pénale - Désignation des candidats appelés à faire partie de l'éventuelle commission mixte paritaire

Puis la commission a procédé à la désignation des candidats pour faire partie de l'éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.

Elle a désigné MM. Jean-Jacques Hyest, Jean-René Lecerf, Patrice Gélard, Hugues Portelli, Pierre Fauchon, Robert Badinter et Mme Josiane Mathon-Poinat, comme membres titulaires et M. Nicolas Alfonsi, Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. Christian Cointat, Pierre-Yves Collombat, Jean-Patrick Courtois, René Garrec et François Zocchetto, comme membres suppléants.

Rétention de sûreté et irresponsabilité pénale - Examen des amendements

Puis la commission a procédé, sur le rapport de M. Jean-René Lecerf à l'examen des amendements au projet de loi n° 158 (2007-2008), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.

La commission a d'abord adopté, à l'article 1er (rétention de sûreté - soins en détention - prolongation des obligations de la surveillance judiciaire et du suivi socio-judiciaire), une rectification de portée rédactionnelle à son amendement n° 16 visant à préciser au sein d'un décret la liste des établissements pénitentiaires spécialisés destinés à accueillir les condamnés soumis à un suivi médical et psychologique dans les deux ans précédant leur libération.

Elle a ensuite adopté à l'article 12 (entrée en vigueur) un amendement visant à prévoir :

- que les dispositions relatives à la prolongation des obligations de la surveillance judiciaire sont d'application immédiate - un manquement grave à l'une de ces obligations pouvait entraîner le placement, jusqu'au 1er septembre 2008, de la personne dans un établissement public de santé spécialisé accueillant des personnes incarcérées ;

- l'examen obligatoire par le Centre national d'observation de toute personne condamnée, avant la publication de la loi, à une peine de réclusion criminelle d'une durée au moins égale ou supérieure à dix ans pour l'une des infractions visées par le projet de loi.

La commission a donné un avis défavorable à la motion n° 51 de M. Richard Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, tendant à opposer au projet de loi l'exception d'irrecevabilité.

Elle a donné un avis défavorable à la motion n° 83 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen, tendant à opposer la question préalable au projet de loi.

Elle a donné un avis défavorable à la motion n° 50 de M. Pierre-Yves Collombat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, tendant au renvoi en commission du projet de loi.

Sur les amendements suivants, la commission a donné les avis retracés dans le tableau ci-après :

Article ou division

Objet de l'article

Numéro d'amendement

Auteur de l'amendement

Avis de la commission

Article additionnel avant l'article premier

 

40

Mme Alima Boumediene-Thiery et plusieurs de ses collègues

Avis du Gouvernement

Article premier

Rétention de sûreté - soins en détention - Prolongation des obligations de la surveillance judiciaire et du suivi socio-judiciaire

52

M. Robert Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés

Défavorable

Article premier

Rétention de sûreté - soins en détention - Prolongation des obligations de la surveillance judiciaire et du suivi socio-judiciaire

64

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen

Défavorable

34 rectifié

Mme Boumediene-Thiery et plusieurs de ses collègues

Défavorable

65

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen

Défavorable

Sous-amendement n° 81 à l'amendement n° 1 de la commission

M. Pierre Fauchon

Favorable sous réserve d'une rectification

Sous-amendement n° 32 à l'amendement n° 1 de la commission

Mme Boumediene-Thiery et plusieurs de ses collègues

Demande de retrait

Sous-amendement n° 67 à l'amendement n° 1 de la commission

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen

Défavorable

Sous-amendement n° 80 à l'amendement n° 1 de la commission

M. Pierre Fauchon

Défavorable

Sous-amendement n° 33 à l'amendement n° 1 de la commission

Mme Boumediene-Thiery et plusieurs de ses collègues

Favorable sous réserve d'une rectification

66

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen

Défavorable

63

M. Hugues Portelli

Favorable sous réserve d'une rectification

Article premier

Rétention de sûreté - soins en détention - Prolongation des obligations de la surveillance judiciaire et du suivi socio-judiciaire

53

M. Robert Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés

Défavorable

   

Sous-amendement n° 47 à l'amendement n° 2 de la commission

Mme Boumediene-Thiery et plusieurs de ses collègues

Satisfait

   

Sous-amendement n° 69 à l'amendement n° 2 de la commission

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen

Défavorable

   

68

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen

Demande de retrait

   

84

Mme Boumediene-Thiery et plusieurs de ses collègues

Défavorable

   

35

Mme Boumediene-Thiery et plusieurs de ses collègues

Défavorable

   

39 rectifié

Mme Boumediene-Thiery et plusieurs de ses collègues

Défavorable

   

49 rectifié bis

Mme Boumediene-Thiery et plusieurs de ses collègues

Défavorable

   

85

Mme Boumediene-Thiery et plusieurs de ses collègues

Défavorable

   

82

M. Robert Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés

Favorable sous réserve d'une rectification

   

45

Mme Boumediene-Thiery et plusieurs de ses collègues

Satisfait

   

37

Mme Boumediene-Thiery et plusieurs de ses collègues

Défavorable

   

48

Mme Boumediene-Thiery et plusieurs de ses collègues

Satisfait

   

87

Mme Boumediene-Thiery et plusieurs de ses collègues

Défavorable

   

44

Mme Boumediene-Thiery et plusieurs de ses collègues

Défavorable

Article premier

Rétention de sûreté - soins en détention - Prolongation des obligations de la surveillance judiciaire et du suivi socio-judiciaire

46

Mme Boumediene-Thiery et plusieurs de ses collègues

Défavorable

   

42

Mme Boumediene-Thiery et plusieurs de ses collègues

Défavorable

   

70

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen

Défavorable

   

71

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen

Défavorable

Article additionnel après l'article premier

 

36

Mme Boumediene-Thiery et plusieurs de ses collègues

Défavorable

Article 2

Limitation des réductions de peine en cas de refus de soins

54

M. Robert Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés

Défavorable

   

72

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen

Défavorable

   

38

Mme Boumediene-Thiery et plusieurs de ses collègues

Défavorable

   

88

Mme Boumediene-Thiery et plusieurs de ses collègues

Défavorable

Article 3

Décisions d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental

55

M. Robert Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés

Défavorable

   

73

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen

Avis du gouvernement

   

57

M. Robert Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés

Défavorable

   

74

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen

Défavorable

Article 4

Coordinations

56

M. Robert Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés

Défavorable

   

75

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen

Défavorable

   

58

M. Robert Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés

Défavorable

Article 8

Coordination - Obligation pour le personnel médical de signaler un risque sérieux pour la sécurité

76

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen

Défavorable

Article 12

Entrée en vigueur

77

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen

Défavorable

   

41

Mme Boumediene-Thiery et plusieurs de ses collègues

Défavorable

   

59

M. Robert Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés

Satisfait

Article 12

Entrée en vigueur

78

M. Hugues Portelli et plusieurs de ses collègues

Favorable

Article 12 bis

Consultation du FIJAIS par les représentants de collectivités territoriales

60

M. Robert Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés

Défavorable

   

79

M. Hugues Portelli

Favorable sous réserve d'une rectification

Article additionnel après l'article 12 bis

 

61

M. Michel Charasse

Défavorable

   

62

M. Michel Charasse

Défavorable

Afin d'éviter une discussion commune portant sur plusieurs dizaines d'amendements, M. Jean-Jacques Hyest, président, a proposé de demander lors de la séance publique une discussion disjointe des amendements de suppression de l'article premier (rétention de sûreté - soins en détention - prolongation des obligations de la surveillance judiciaire et du suivi socio-judiciaire) n°s 52 et 64 présentés respectivement par M. Robert Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, et par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen. Mme Michèle André a jugé que cette demande faciliterait l'examen des amendements en séance publique.

Au texte proposé pour l'article 706-53-13 du code de procédure pénale, M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a souhaité que le sous-amendement n° 81, présenté par M. Pierre Fauchon à l'amendement n° 1 de la commission, soit rectifié afin de maintenir dans le projet de loi l'exigence du caractère exceptionnel de la mise en oeuvre du dispositif de rétention de sûreté et de supprimer la mention selon laquelle les personnes susceptibles d'en faire l'objet doivent « toujours » présenter une particulière dangerosité. M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a précisé que la suppression de l'adverbe « toujours » permettrait d'envisager le cas où une personne condamnée serait devenue particulièrement dangereuse au cours de sa détention, ce qui pouvait conduire à s'interroger sur la situation des prisons.

M. Pierre Fauchon ayant exprimé son accord avec la demande du rapporteur, la commission a donné un avis favorable au sous-amendement sous réserve de cette rectification.

Au même article, la commission a débattu du sous-amendement n° 67 présenté par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen à l'amendement n° 1 de la commission, afin de supprimer la référence à la particulière dangerosité des personnes pouvant être placées en rétention de sûreté. M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a indiqué que si cette notion demeurait plus floue en France qu'au Canada et aux Pays-Bas où existaient des dispositifs de rétention de sûreté plus anciens, le projet de loi en précisait le contenu en prévoyant, d'une part, un examen pluridisciplinaire des personnes et, d'autre part, l'utilisation d'outils statistiques sur lesquels appuyer les expertises cliniques.

M. Pierre-Yves Collombat a considéré que la dangerosité serait appréciée à partir du diagnostic des médecins psychiatres et qu'il n'était pas possible d'inventorier précisément le contenu d'une telle notion. Il a jugé que si la référence à la dangerosité pouvait être utile, les statistiques susceptibles d'être établies en ce domaine renverraient inévitablement à des probabilités.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur, estimant que les nombreuses observations conduites permettraient d'aboutir à des appréciations fiables, a expliqué que les études montraient par exemple que la dangerosité future d'un père ayant commis un inceste apparaissait généralement plus faible que celle d'un tueur en série.

Soulignant l'intérêt qu'avait exprimé le docteur Roland Coutanceau, directeur du centre médico-psychologique pour adultes de la Garenne-Colombes, pour l'amendement de la commission visant à prévoir une évaluation pluridisciplinaire conduite sur au moins six semaines, il a précisé que d'importants progrès pourraient en résulter et qu'il était indispensable d'organiser une prise en charge rapide et adaptée des personnes dangereuses.

M. Pierre-Yves Collombat, estimant que la dangerosité ne s'appréciait pas de la même façon chez une personne libre et chez un détenu, a considéré qu'il ne s'agissait pas d'une notion scientifique et que son appréciation se fondait sur des probabilités, au même titre que l'évaluation du risque de récidive.

M. Laurent Béteille a souligné que le projet de loi posait deux conditions à la mise en oeuvre d'une mesure de sûreté : la dangerosité particulière de la personne et la probabilité d'une récidive. Constatant qu'ôter une condition accroîtrait le champ des personnes susceptibles d'en relever, il a estimé que ces deux conditions devaient être maintenues et que la notion de dangerosité serait précisée par la jurisprudence.

M. Pierre Fauchon a suggéré que le projet de loi soit précisé en indiquant que la dangerosité devait faire apparaître une probabilité élevée de récidive. M. Robert Badinter a considéré que les conditions respectivement attachées à la dangerosité et au risque de récidive ne se confondaient pas. Il a expliqué qu'il pouvait exister une probabilité de récidive forte chez un criminel ne présentant pas de dangerosité particulière, mais souhaitant par exemple se venger d'une personne qui l'aurait dénoncée. Il a souligné que la notion de dangerosité appartenait au « droit mou » ou « soft law » et qu'il n'était pas possible d'en apporter une définition précise.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a estimé qu'une personne ayant commis un délit ou un crime pouvait en effet, à sa sortie de prison, présenter un risque de récidive sans pour autant faire preuve d'une dangerosité particulière.

A l'issue de ce débat, la commission a donné un avis défavorable au sous-amendement.

Au même article, M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a estimé que le sous-amendement n° 80 présenté par M. Pierre Fauchon à l'amendement n° 1 de la commission, afin de supprimer la disposition exigeant que la décision de condamnation prévoie expressément le réexamen de la personne à l'issue de sa peine pour que puisse être mise en oeuvre une rétention de sûreté, se fondait sur un raisonnement logique mais risquait d'entraîner l'annulation des décisions de placement en rétention de sûreté par la Cour européenne des droits de l'homme. Précisant que la convention européenne des droits de l'homme rendait nécessaire le maintien d'un lien entre le placement en rétention de sûreté et un délit ou un crime commis antérieurement, il a jugé qu'une telle mesure ne pouvait se fonder simplement sur l'appréciation d'une dangerosité présumée, indépendamment de toute condamnation.

M. Pierre Fauchon a indiqué que l'exigence d'une condamnation initiale prévoyant le réexamen de la personne afin d'évaluer sa dangerosité à l'issue de sa peine n'était pas opportune car elle conduisait à soulever la question de la non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère qui, en principe, s'agissant de la rétention de sûreté, n'avait pourtant pas lieu de s'appliquer. Il a expliqué que le Conseil d'Etat avait demandé que le réexamen de la situation de la personne condamnée soit dans le jugement de condamnation en se fondant sur des décisions de la Cour européenne des droits de l'homme qui portaient sur des cas de sanctions pénales et non sur des mesures de sûreté comme celles que prévoit le projet de loi.

Considérant que la rétention de sûreté constituait une mesure de sûreté, il a souligné qu'il était impossible de prévoir a priori l'appréciation que la Cour européenne des droits de l'homme ferait d'un tel dispositif, alors que la censure par le Conseil constitutionnel d'une disposition pénale ayant un effet rétroactif semblait probable. Il a relevé que l'amendement de la commission des lois n'envisageait en outre qu'au conditionnel le réexamen du condamné à l'issue de sa peine.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur, considérant que l'amendement n° 1 de la commission encourait effectivement le risque d'une déclaration de non-conformité par le Conseil constitutionnel et de décisions d'annulation des placements en rétention de sûreté par la Cour européenne des droits de l'homme, a jugé que le diagnostic de dangerosité, s'il était détaché de toute condamnation pour une infraction commise antérieurement, ne pouvait suffire à justifier une privation de liberté potentiellement indéfinie. Il a rappelé que certaines personnes placées en rétention de sûreté au Canada n'en sortaient jamais, en raison de leur dangerosité persistante. M. Robert Badinter a rappelé que certains détenus condamnés à de longues peines ne désiraient plus sortir de prison parce qu'ils ne se sentaient plus capables de réintégrer la société.

M. Pierre-Yves Collombat a estimé que le dispositif envisagé faisait apparaître un dilemme insurmontable entre une mesure de police risquant d'être annulée par la Cour européenne des droits de l'homme et une décision de justice susceptible d'être censurée en raison du caractère rétroactif d'une loi pénale plus sévère. M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a expliqué que lorsque le législateur avait supprimé dans les années 1970 la relégation, les sénateurs avaient évoqué le cas de crimes commis par d'anciens détenus dans le seul but de retourner en prison, car leur détention les avait rendus inaptes à la vie en société. M. Christian Cointat a estimé que l'exigence d'une décision de justice prévoyant, dans le cadre d'une condamnation, un réexamen de la personne condamnée avant son éventuel placement en rétention de sûreté à l'issue de la peine, était comme une garantie contre toute mesure arbitraire de privation de liberté. Il a estimé que le réexamen de la personne devait alors être envisagé au sein de la décision de condamnation comme une certitude et non au mode conditionnel.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur, rappelant que la rétention de sûreté ne pouvait s'appliquer qu'en l'absence de libération conditionnelle sur décision du juge de l'application des peines, a estimé que l'emploi du conditionnel paraissait justifié, même si la libération conditionnelle des personnes très dangereuses semblait peu probable. M. Laurent Béteille a estimé que l'emploi du futur serait plus adapté, dans l'un et l'autre temps le texte exprimant une possibilité et non une certitude. La commission a opté pour le futur.

M. Pierre Fauchon a précisé que son sous-amendement ne visait pas à supprimer l'exigence d'une condamnation préalable fondant ensuite un éventuel placement en rétention de sûreté. M. Robert Badinter a jugé que le réexamen à l'issue de la peine ne devait pas porter sur la « situation » du criminel ou du délinquant, liée à la détention, mais plutôt sur l'évolution de sa personnalité. M. Jean-Jacques Hyest, président, a précisé que de telles précisions pouvaient encore faire l'objet de sous-amendements.

La commission a donné un avis défavorable au sous-amendement.

Au sein du texte proposé pour l'article 706-53-13 du code de procédure pénale, la commission a donné un avis favorable au sous-amendement n° 33 présenté par Mme Alima Boumediene-Thiery et plusieurs de ses collègues à l'amendement n° 1 de la commission, afin de prévoir que la prise en charge du condamné dans le cadre de la rétention de sûreté comporte des mesures éducatives, sous réserve de sa rectification, afin de reprendre les dispositions de l'amendement n° 63 présenté par M. Hugues Portelli visant à organiser également une prise en charge psychologique et criminologique.

La commission a ensuite donné un avis favorable à l'amendement n° 82 présenté par M. Robert Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, au texte proposé pour l'article 706-53-15 du code de procédure pénale, afin de préciser que le placement en rétention de sûreté devait être décidé par la juridiction de la rétention de sûreté après un débat contradictoire public, sous réserve d'une rectification visant à prévoir une publicité de droit pour les personnes en faisant la demande et facultative dans les autres cas.

A l'article 3 (décisions d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental), la commission a débattu de l'amendement n° 57 présenté par M. Robert Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, au texte proposé pour l'article 706-125 du code de procédure pénale, afin d'attribuer aux juridictions civiles la compétence pour se prononcer sur la responsabilité civile des délinquants et criminels. M. Jean-René Lecerf, rapporteur, expliquant que le projet de loi visait à confier cette compétence au tribunal correctionnel afin de simplifier la procédure au bénéfice des victimes, a précisé que cette juridiction pouvait déjà statuer sur les dommages et intérêts, même en cas de relaxe, s'agissant des personnes poursuivies pour des infractions non intentionnelles. Il a considéré qu'il convenait d'accorder au tribunal correctionnel une compétence identique à celle de la cour d'assises qui, lorsqu'elle acquitte une personne reconnue pénalement irresponsable en raison d'un trouble mental, statue, sans l'assistance du jury, sur les demandes de dommages et intérêts présentées par la partie civile.

M. Robert Badinter a rappelé que la compétence reconnue à la cour d'assises lui permettait de se prononcer sur les demandes de dommages et intérêts à l'issue du débat pénal, alors que tel ne serait pas le cas du tribunal correctionnel statuant sur les intérêts civils à la suite d'une déclaration d'irresponsabilité pénale par la chambre de l'instruction. Il a estimé que la réparation du dommage aux victimes ne devait pas être effectuée par le juge des victimes, lorsqu'il ne connaît pas l'affaire pénale, mais par la chambre civile.

M. François Zocchetto, expliquant que les tribunaux correctionnels statuaient souvent de façon expéditive en matière civile, a relevé que la compétence de ces tribunaux pour se prononcer sur les dommages et intérêts accordés aux victimes aboutissait à des jurisprudences disparates. Il s'est prononcé pour l'attribution de cette compétence aux juridictions civiles plutôt qu'au tribunal correctionnel.

M. Laurent Béteille, jugeant l'argumentation développée par M. Robert Badinter irréfutable, a estimé que l'examen de la responsabilité civile devait être confié à la juridiction civile, afin d'assurer une meilleure représentation des victimes.

M. Pierre Fauchon, exprimant son accord avec la position exprimée par M. Robert Badinter, a rappelé que lors de l'examen de la loi du 10 juillet 2000 relative à la définition des délits non intentionnels, avait été prévue la possibilité pour un tribunal correctionnel prononçant la relaxe de statuer sur les dommages et intérêts à la condition qu'il s'agisse des faits dont la juridiction avait eu connaissance et dans le but d'éviter aux victimes d'engager une nouvelle procédure devant une juridiction civile.

La commission a décidé de recueillir l'avis du Gouvernement sur cet amendement.

A l'article 4 (coordinations), la commission a donné un avis défavorable à l'amendement n° 58, présenté par M. Robert Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, afin de supprimer l'inscription au casier judiciaire des déclarations d'irresponsabilité. M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a rappelé que l'inscription au casier judiciaire des déclarations d'irresponsabilité était strictement encadrée et figurait soit au bulletin n° 1 consultable par les autorités judiciaires, soit, lorsque la personne faisait en outre l'objet de mesures de sûreté, au bulletin n° 2 communicable à certaines autorités administratives. Il a indiqué qu'il interrogerait Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la possibilité d'autoriser les juges à moduler ces inscriptions selon la gravité des faits commis.

A l'article 12 (entrée en vigueur), la commission a débattu de l'amendement n° 78, présenté par M. Hugues Portelli et plusieurs de ses collègues, afin de permettre l'application, à titre exceptionnel, de la rétention de sûreté aux personnes condamnées avant l'entrée en vigueur de la loi, lorsqu'une mesure de placement sous surveillance électronique mobile apparaît insuffisante pour prévenir la récidive.

M. Hugues Portelli a estimé que l'amendement n° 29 de la commission à l'article 12 visait à éviter le risque d'une censure par le Conseil constitutionnel d'un dispositif entraînant la rétroactivité d'une sanction pénale plus sévère, sans toutefois répondre véritablement à l'objectif de protection de la société contre les personnes dangereuses. Il a considéré que le législateur devait certes s'efforcer d'éviter l'adoption d'un dispositif inconstitutionnel, mais qu'il devait aussi prendre ses responsabilités en organisant des mesures de protection efficaces, s'inspirant du dispositif adopté par l'Assemblée nationale en première lecture.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a suggéré que cet amendement soit transformé en un sous-amendement à l'amendement n° 29 de la commission, afin de maintenir le dispositif spécifique visant à appliquer immédiatement la rétention de sûreté aux personnes condamnées, avant l'entrée en vigueur de la loi, à la réclusion criminelle à perpétuité pour les crimes visés par le projet de loi. Il a indiqué que l'amendement n° 78 reprenait certains éléments de l'amendement n° 29 de la commission, en prévoyant que les personnes dangereuses condamnées avant l'entrée en vigueur de la loi puissent faire l'objet d'une assignation à domicile, assortie d'un placement sous surveillance électronique mobile, alors que la commission proposait le placement sous surveillance électronique fixe et l'obligation de déplacement surveillé. Il a précisé que l'amendement n° 78 s'efforçait de préserver un lien de causalité entre la décision de condamnation et la rétention de sûreté, afin de respecter les stipulations de la convention européenne des droits de l'homme, et précisait que la personne condamnée avant l'entrée en vigueur de la loi serait informée par la chambre de l'instruction qu'elle pourrait faire l'objet, à l'issue de sa peine, d'un examen de dangerosité pouvant entraîner son placement en rétention de sûreté. Considérant que la rétention de sûreté revêtait cependant le caractère d'une sanction prononcée après examen de la personne et ne pouvait s'appliquer aux personnes condamnées avant l'entrée en vigueur de la loi sans porter atteinte au principe de non-rétroactivité de sanctions pénales plus sévères, il s'est prononcé contre l'amendement.

M. Pierre-Yves Collombat a souligné que parmi les six commissions permanentes du Sénat, il appartenait plus particulièrement à la commission des lois constitutionnelles d'examiner la conformité à la Constitution des projets de loi qui lui sont soumis.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a indiqué que les lois constitutionnelles désignaient avant tout les lois visant à modifier la Constitution et que la question de la constitutionnalité des projets de loi pouvait être évoquée au moyen d'une exception d'irrecevabilité.

M. Henri de Richemont a estimé que l'amendement n° 29 de la commission définissait un dispositif équilibré afin de protéger la société contre les personnes dangereuses condamnées avant l'entrée en vigueur de la loi, en prévoyant la possibilité de les assigner à résidence à leur sortie de prison, sans porter atteinte aux principes fondamentaux. Il a jugé que l'amendement n° 78 s'écartait de ces principes et que la recherche a posteriori, dans une condamnation prononcée avant l'entrée en vigueur du dispositif, de motifs pouvant fonder une rétention de sûreté, n'était pas acceptable.

M. Christian Cointat, saluant les efforts conduits par les auteurs de l'amendement n° 78 pour protéger la société des infractions susceptibles d'être commises par les personnes dangereuses, a insisté sur la nécessité, pour le Parlement, d'adopter des textes respectant les principes constitutionnels. Il a déclaré qu'il partageait l'appréciation du rapporteur et ne participerait pas au vote sur l'amendement n° 78.

M. Robert Badinter a souligné que le dispositif envisagé par l'amendement n° 78 apparaissait très complexe, s'agissant des condamnations antérieures à la loi instaurant la rétention de sûreté. Expliquant que le procureur général, après avis du juge de l'application des peines, devrait saisir la chambre de l'instruction de la cour d'appel pour qu'elle interprète à nouveau la condamnation prononcée par la cour d'assises, au regard d'une loi intervenue postérieurement, il a estimé que ce dispositif n'apportait pas de garantie équivalente à celles de l'amendement adopté la semaine précédente par la commission et encourrait une censure de la part du Conseil constitutionnel.

M. Hugues Portelli a précisé que si la jurisprudence constitutionnelle ne devait pas être négligée, le Conseil constitutionnel regardait généralement avec prudence les dispositions adoptées par le législateur dans le domaine régalien du droit pénal. Il a relevé que cette jurisprudence pouvait en outre connaître des évolutions et que le placement en rétention de sûreté revêtait un caractère préventif propre à l'ensemble des mesures de sûreté. Rappelant que la chambre de l'instruction devrait apprécier la dangerosité de la personne condamnée et non réinterpréter sa condamnation, il a souligné que le juge devrait prendre en compte un faisceau d'indices parmi lesquels figureraient les réquisitions prononcées lors du procès.

M. Robert Badinter a rappelé qu'en matière criminelle, la chambre de l'instruction ne pourrait examiner que les arrêts de cour d'assises, qui ne sont pas motivés mais seulement constitués de réponses sommaires, difficiles à interpréter.

M. Pierre Fauchon, s'interrogeant sur l'utilité d'un dispositif prévoyant que la chambre de l'instruction pourra avertir la personne condamnée qu'elle pourra faire l'objet d'un examen de dangerosité susceptible d'entraîner son placement en rétention de sureté, a indiqué qu'il ne le voterait pas.

M. Patrice Gélard a affirmé que la France se devait d'apporter une réponse efficace au problème de la récidive des personnes dangereuses, déjà résolu dans d'autres pays. Estimant que l'Etat devait assumer ses responsabilités à l'égard des victimes potentielles de ces personnes, il a considéré que le Conseil constitutionnel devrait examiner le dispositif proposé au regard des principes fondamentaux, tout en tenant compte de son intérêt pour la société, comme il avait su le faire lorsqu'il s'était prononcé sur le placement sous surveillance électronique. Estimant que le Conseil constitutionnel pouvait interpréter le dispositif proposé par l'amendement n° 78 comme une mesure de sûreté indispensable pour faire face à la dangerosité de certains criminels, il s'est prononcé pour son adoption.

M. Pierre-Yves Collombat a relevé que si la société devait protéger les victimes potentielles des personnes dangereuses, elle ne devait pas organiser de sanctions excessives dans un but préventif. Considérant qu'il s'agissait d'effectuer un choix entre deux types de risques, l'un pour les victimes potentielles, l'autre pour les personnes maintenues en rétention pour une infraction qu'elles ne commettraient peut-être pas, il a rappelé que les principes fondamentaux devaient guider l'appréciation du législateur.

Mme Catherine Troendle a déclaré que les affaires mettant en cause des personnes qui, après avoir exécuté leur peine, étaient surveillées et avaient néanmoins perpétré de nouveaux crimes, avaient suscité l'attente d'une réponse courageuse de la part des responsables politiques. Elle a rappelé que les dispositifs envisagés visaient à organiser une prévention efficace de la société à l'égard de dangers connus.

M. Pierre-Yves Collombat a contesté que seule une telle réponse puisse être considérée comme courageuse.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a souligné la nécessité d'organiser pour les personnes atteintes de troubles du comportement une mesure de sûreté équivalente à l'hospitalisation d'office dont peuvent faire l'objet les personnes frappées de troubles mentaux. Considérant que ces personnes devraient être placées dans des établissements spécialisés, il a rappelé que la commission avait adopté un amendement confiant la décision de placement en rétention de sûreté à une juridiction spécialisée. Il a expliqué que le bracelet électronique, validé par le Conseil constitutionnel, constituait également une mesure privative de liberté au sens de la Convention européenne des droits de l'homme.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a rappelé que la société devait également assumer ses responsabilités en apportant aux psychopathes une prise en charge rapide et adaptée. Evoquant les délais considérables observés dans les prisons pour l'obtention d'une consultation psychiatrique et la négligence de mesures simples susceptibles d'améliorer la surveillance des personnes dangereuses, il a souligné que le projet de loi pénitentiaire devrait permettre de corriger les graves défaillances du système français.

La commission a ensuite réservé le vote sur les amendements à l'article 12.

A l'article 12 bis (consultation du FIJAIS par les représentants de collectivités territoriales), la commission a donné un avis favorable à l'amendement n° 79, présenté par M. Hugues Portelli, afin de préciser les conditions d'accès des collectivités territoriales au fichier judiciaire national automatisé des infractions sexuelles et violentes (FIJAIS), sous réserve d'une rectification visant à supprimer les présidents de conseils généraux de la liste des autorités destinataires des informations contenues dans ce fichier. M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a précisé que les présidents de conseils généraux ne pouvaient être concernés par le recrutement de personnels en contact avec des mineurs dans les lycées, qui relèvent des compétences de la région.

Elle a ensuite donné un avis défavorable à l'amendement n° 61, présenté par M. Michel Charasse tendant à insérer un article additionnel après l'article 12 bis afin de permettre aux associations de maires de défendre les élus municipaux en cas de diffamation dans l'exercice de leurs fonctions.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur, jugeant que cet amendement correspondait à une mesure utile, a relevé qu'il n'avait pas de lien véritable avec le texte en discussion et qu'il constituerait sans doute, pour le Conseil constitutionnel, un cavalier.

Après une suspension de séance, la commission a donné un avis favorable à l'amendement n° 78 à l'article 12, précédemment réservé, sous réserve de sa transformation en sous-amendement à l'amendement n° 29 de la commission afin d'en préserver la mesure concernant les condamnés à perpétuité.

Sécurité - Chiens dangereux - Examen du rapport

Puis la commission a procédé à l'examen du rapport, en deuxième lecture, de M. Jean-Patrick Courtois sur le projet de loi n° 110 (2007-2008), modifié par l'Assemblée nationale, renforçant les mesures de prévention et de protection des personnes contre les chiens dangereux.

En premier lieu, M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur, a rappelé les principaux apports du Sénat en première lecture, en soulignant que de nouveaux drames confirmant la nécessité de légiférer étaient survenus depuis lors :

- réalisation d'une évaluation comportementale d'un chien jugé menaçant par le maire avant toute obligation, pour son maître, de suivre une formation ;

- transmission au maire des résultats de cette évaluation comportementale, afin qu'il puisse prendre une décision éclairée ;

- institution d'une formation obligatoire et spécifique pour les agents de gardiennage et de surveillance utilisant des chiens ;

- suppression de dispositifs difficiles à mettre en oeuvre comme l'interdiction des chiens de première catégorie ;

- création de nouvelles infractions d'homicide et de blessures involontaires résultant de l'agression d'une personne par un chien, à l'encontre de son propriétaire ou de son détenteur au moment des faits ;

- obligation d'une évaluation comportementale des « gros chiens » ;

- création d'un observatoire du comportement canin.

En deuxième lieu, M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur, a indiqué que l'Assemblée nationale avait approuvé les grandes orientations retenues par le Sénat mais supprimé plusieurs dispositions introduites par lui :

- suppression de l'observatoire du comportement canin, en raison de la création d'une mission d'information sur la filière canine chargée d'examiner les outils permettant un meilleur suivi du comportement des chiens et des morsures ;

- suppression de l'obligation d'une évaluation comportementale des gros chiens, au double motif que sa mise en oeuvre pourrait s'avérer complexe et que le critère du poids ne serait pas le plus pertinent pour évaluer la dangerosité d'un chien ;

- suppression des articles 2, 3 et 5 bis du projet de loi, par coordination avec la création d'un permis de détention, obligatoire pour les propriétaires et détenteurs de chiens de première ou de deuxième catégorie.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur, a expliqué que la délivrance du permis de détention serait subordonnée à la réalisation d'une évaluation comportementale du chien, à l'obtention par son propriétaire ou détenteur d'une attestation d'aptitude et à la production des preuves de la vaccination antirabique, de l'identification et, le cas échéant, de la stérilisation du chien, ainsi que d'une assurance en responsabilité civile en cas d'accident. Il a précisé que plusieurs permis de détention pourraient être délivrés pour un seul animal et que le propriétaire ou le détenteur d'un chien de première ou de deuxième catégorie aurait l'interdiction de confier son chien à une personne démunie de permis et l'obligation de présenter son permis à chaque réquisition des forces de l'ordre en cas de présence sur la voie publique. Il a jugé ce dispositif trop strict.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur, a ajouté que les députés avaient habilité le ministre de l'agriculture à mettre en oeuvre un traitement automatisé de données à caractère personnel « ayant pour finalité la gestion de l'identification des propriétaires successifs des chiens, de celle de ces chiens, et le suivi administratif des obligations auxquelles les propriétaires sont astreints », en précisant qu'il s'agissait en fait d'étendre la capacité d'un fichier existant depuis longtemps déjà.

Il a observé que l'Assemblée nationale avait en outre instauré une obligation de déclaration des morsures de chiens par « tout professionnel en ayant connaissance dans l'exercice de ses fonctions » et prévu les coordinations nécessaires à l'application de la législation sur les chiens dangereux en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna.

En dernier lieu, M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur, a exposé la teneur des amendements qu'il présentait à la commission, en indiquant qu'ils avaient été élaborés en parfaite entente avec M. Dominique Braye, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaire économiques.

A l'article premier (formation des maîtres de chiens dangereux à la demande du maire), la commission a adopté un amendement tendant à supprimer une précision inutile.

Elle a adopté un amendement ayant pour objet de rétablir l'article 2 (obligation d'évaluation comportementale des chiens de première ou de deuxième catégorie et de formation pour leurs détenteurs), supprimé par l'Assemblée nationale en première lecture, en précisant les deux conditions fondamentales pour la délivrance du permis de détention des chiens de première ou de deuxième catégorie : l'obtention par le propriétaire ou le détenteur du chien d'une attestation d'aptitude et la soumission de l'animal à une évaluation comportementale.

A l'article 2 bis A (institution d'un permis de détention des chiens de première ou de deuxième catégorie), la commission a adopté un premier amendement ayant pour objet :

- d'une part, de prévoir la remise d'un permis provisoire, et non d'un récépissé provisoire, au propriétaire ou au détenteur d'un chien n'ayant pas atteint l'âge de l'évaluation comportementale ;

- d'autre part, de préciser que le maire peut refuser la délivrance du permis de détention lorsque les résultats de l'évaluation comportementale le justifient.

Elle a adopté un second amendement ayant pour objet :

- en premier lieu, de supprimer l'interdiction de confier un chien de première ou de deuxième catégorie à une personne démunie de permis ainsi que la possibilité d'avoir plusieurs permis pour un seul animal, afin de responsabiliser le propriétaire ou le détenteur habituel ;

- en deuxième lieu, d'exonérer explicitement les détenteurs temporaires de chiens de première ou de deuxième catégorie de l'obligation de suivre une formation et d'obtenir une attestation d'aptitude ;

- en dernier lieu, de prévoir que les propriétaires ou détenteurs de chiens de première ou de deuxième catégorie doivent remplir en permanence les conditions nécessaires à l'obtention du permis et prendre directement en charge les frais de capture, de transport, de garde et d'euthanasie.

A l'article 3 bis (fichier national canin), la commission a adopté un amendement ayant pour objet de préciser l'objet du fichier national canin ainsi que les garanties prévues pour la protection des données personnelles.

A l'article 4 (contrôle des chiens « mordeurs »), elle a adopté un amendement réparant une erreur matérielle.

A l'article 4 bis (évaluation comportementale de chiens n'appartenant pas aux catégories légales de chiens dangereux), M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur, a indiqué qu'il n'avait pas présenté d'amendement mais qu'il proposerait à la commission de soutenir ceux que s'apprêtait à déposer M. Dominique Braye, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques, tendant à rétablir le dispositif de l'évaluation comportementale des gros chiens adopté par le Sénat en première lecture.

Il a fait valoir que, selon un constat unanime, les chiens les plus puissants étaient à l'origine des accidents les plus graves alors que, bien souvent, ils n'entraient pas dans les catégories définies par la loi de 1999. Observant qu'aucun argument pertinent n'avait été opposé à la proposition du Sénat, il a jugé nécessaire d'élargir le « spectre » des chiens soumis à évaluation comportementale, afin de mieux déceler les animaux souffrant de troubles. Enfin, il a ajouté que le texte adopté par le Sénat laissait une grande marge de manoeuvre au gouvernement, chargé de fixer par arrêté interministériel le poids ou les critères à prendre en considération pour définir les chiens concernés.

A l'article 5 ter (agents de sécurité et de gardiennage), la commission a adopté un amendement ayant pour objet de mieux vérifier l'aptitude des agents de surveillance et de gardiennage à contrôler et à prendre soin des chiens qu'ils utilisent, en exigeant notamment d'eux une qualification professionnelle spécifique.

A l'article 8 bis (renforcement des sanctions pénales à l'encontre des détenteurs de chiens à l'origine d'accidents ou d'homicides), la commission a adopté, outre un amendement de coordination et de simplification rédactionnelle, un amendement ayant pour objet de supprimer une circonstance aggravante superflue.

A l'article 11 (compétences du préfet de police de Paris), elle a adopté un amendement de coordination.

A l'article 13 (dispositions transitoires), elle a adopté un amendement ayant pour objet d'adapter le délai prévu pour l'obtention du permis de détention afin de le rendre plus long que celui prévu pour l'obtention de l'attestation d'aptitude, la seconde conditionnant en effet la première.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur, a exposé que les propriétaires et détenteurs de chiens de première ou de deuxième catégorie devraient avoir obtenu ce permis au plus tard le 31 décembre 2009, cette date-butoir s'appliquant également à l'obligation de qualification professionnelle faite aux personnes exerçant des activités de surveillance et de gardiennage à l'aide d'un chien.

A l'article 20 (adaptation outre-mer de la législation relative aux chiens dangereux), elle a adopté un amendement de coordination.

Sous le bénéfice de ces amendements, elle a décidé d'adopter le projet de loi renforçant les mesures de prévention et de protection des personnes contre les chiens dangereux.

Jeudi 31 janvier 2008

- Présidence conjointe de M. Jean-Jacques Hyest, président, et de M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne.

Union européenne - Lutte contre le terrorisme - Audition de M. Gilles de Kerchove, coordinateur anti-terroriste de l'Union européenne

La commission a procédé à l'audition, en commun avec la délégation pour l'Union européenne, de M. Gilles de Kerchove, coordinateur anti-terroriste de l'Union européenne.

M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne, a souligné l'importance de la mission confiée à M. Gilles de Kerchove en sa qualité de coordinateur anti-terroriste de l'Union européenne, soulignant que la menace terroriste était toujours présente en Europe et prête à frapper. Il a rappelé que si la lutte contre le terrorisme relevait en premier lieu de la compétence des Etats membres, l'Union européenne avait fortement accru son intervention dans ce domaine à la suite des attentats de Madrid en 2004 et de Londres en 2005.

Il a fait observer qu'un « paquet législatif » relatif à la lutte contre le terrorisme était en cours de discussion au sein de l'Union européenne et qui, selon la délégation pour l'Union européenne, ne soulevait pas de difficulté au regard des principes de subsidiarité et de proportionnalité. Il a interrogé M. Gilles de Kerchove sur le contenu de sa mission et sur les autres actions qu'il jugeait nécessaire d'entreprendre dans le cadre de la lutte anti-terroriste.

M. Gilles de Kerchove, coordinateur anti-terroriste de l'Union européenne, a reconnu que sa fonction était complexe dans la mesure où il lui fallait établir un rapport de confiance tant avec le Conseil, la Commission européenne et le Parlement européen qu'avec les représentants des vingt-sept Etats membres de l'Union européenne.

Il a indiqué que son rôle de coordinateur anti-terroriste le conduisait à chercher à promouvoir une perception de la menace terroriste commune à l'ensemble des Etats membres, certains d'entre eux étant déjà confrontés directement à cette menace tandis que d'autres, en particulier parmi les nouveaux Etats membres, ne l'avaient pas encore connue sur leur territoire mais pouvait également y être confrontés.

Il a exposé qu'il lui revenait également d'assurer la bonne exécution de la stratégie de lutte contre le terrorisme définie par le Conseil européen en 2005, qui nécessitait que la Commission européenne prépare des propositions d'actes et que le Parlement européen soit davantage impliqué, relevant que les députés européens exprimaient le regret que leur avis n'ait jusqu'ici pas suffisamment été pris en compte dans la définition de la menace terroriste.

Il a souligné que si les questions relatives à la sécurité intérieure relevaient de la responsabilité première des Etats membres, l'Union européenne pouvait assurer en ce domaine un rôle de soutien et d'appui essentiel.

Il a indiqué qu'il cherchait en outre à renforcer le dialogue entre l'Union européenne et le monde musulman, et plus particulièrement avec le monde arabe.

M. Gilles de Kerchove, coordinateur anti-terroriste de l'Union européenne, a exposé qu'afin de mettre en oeuvre ces objectifs, il avait présenté au Conseil plusieurs rapports, soulignant que lors de sa réunion de décembre 2007, le Conseil « Justice et affaires intérieures » avait accueilli favorablement le principe d'une action sur cinq sujets prioritaires pour lesquels le Conseil européen avait souhaité une mise en oeuvre rapide :

- le renforcement du partage des informations recueillies dans le cadre de la lutte anti-terroriste ;

- une lutte plus efficace contre la radicalisation de la menace terroriste ;

- la meilleure prise en compte des moyens mis en oeuvre dans le cadre de l'assistance technique aux pays tiers ;

- une organisation plus efficace des travaux internes du Conseil, avec notamment la mise en place prochaine d'un comité de sécurité intérieure ;

- une mise en oeuvre plus efficace par les Etats membres des instruments européens.

S'agissant du renforcement des échanges d'informations au sein de l'Union européenne, M. Gilles de Kerchove, coordinateur anti-terroriste de l'Union européenne, a souligné que de nombreuses actions avaient été menées dans ce domaine au cours des dernières années, avec les progrès de la coopération policière, la création de bases de données communes ainsi que l'extension des règles de coopération initialement prévues dans le traité de Prüm.

Il a relevé les critiques du Parlement européen sur l'absence de vision d'ensemble des politiques menées au niveau de l'Union européenne.

Il a reconnu qu'une telle situation résultait en partie des différentes bases légales utilisées et de la diversité des formations chargées, au sein du Conseil, de traiter des questions ayant trait à la lutte anti-terroriste. Il a expliqué que pour mettre fin à ces difficultés, il avait suggéré de constituer un groupe unique au sein du Conseil, doté d'une compétence plus large et d'une capacité technique accrue, soulignant l'importance des questions techniques soulevées par certains dossiers, tels ceux relatifs à la mise en place et à l'accessibilité de bases de données communes aux Etats membres.

M. Gilles de Kerchove, coordinateur anti-terroriste de l'Union européenne, a rappelé qu'une décision du Conseil adoptée en 2005 avait imposé aux Etats membres de transmettre à Europol et Eurojust des données policières et judiciaires mais que sa mise en oeuvre par les différents Etats membres était contrastée.

Il lui a semblé nécessaire de structurer davantage les relations entre ces agences européennes, puisque toutes deux intervenaient dans le cadre d'une même dynamique de répression de la criminalité organisée et du terrorisme. Il a estimé que la transcription des règles actuelles dans le cadre d'un règlement communautaire pourrait être l'occasion de définir les modalités de cette coordination structurée, relevant que la France avait présenté une initiative destinée à actualiser le statut d'Eurojust.

Il a jugé qu'il y aurait une certaine logique à ce qu'un droit d'accès d'Eurojust aux fichiers d'Europol soit prévu, soulignant néanmoins qu'une telle mesure suscitait l'opposition de certains Etats membres.

M. Gilles de Kerchove, coordinateur anti-terroriste de l'Union européenne, a souligné qu'il convenait d'explorer la possibilité de mettre en réseau les différentes plateformes nationales de collectes d'informations en matière d'anti-terrorisme, telle l'Unité de coordination de la lutte anti-terroriste, rattachée au directeur général de la police nationale en France. Il a fait observer que cette démarche suscitait néanmoins des craintes, exprimées par certains Etats membres, que les coordinations efficaces déjà mises en place hors des mécanismes communautaires entre certains Etats soient mises à mal.

Il a insisté sur l'importance d'une surveillance renforcée d'Internet, rappelant que l'Allemagne avait proposé, lors de sa présidence de l'Union européenne, de confier à Europol la réalisation d'un portail commun permettant d'assurer la coordination des données recueillies par les autorités des différents Etats membres. Il a estimé qu'il conviendrait d'avancer plus loin en ce domaine, cette démarche pouvant par ailleurs dépasser le seul cadre européen.

Il a enfin insisté sur la question du partage avec les Etats tiers, et en particulier avec les Etats-Unis, des informations recueillies dans le cadre de la lutte anti-terroriste. Il a souligné que le partage d'informations avait permis d'éviter la commission de plusieurs attentats et que, à l'initiative de la présidence finlandaise de l'Union européenne, un groupe de coordination avait été mis en place. Il a jugé qu'un approfondissement de ces échanges ne pourrait intervenir que si un accord sur un régime de protection des données commun avec les Etats tiers était trouvé.

M. Gilles de Kerchove, coordinateur anti-terroriste de l'Union européenne, a ensuite indiqué que le second sujet qui devrait faire l'objet d'une action plus poussée au niveau européen était celui de la radicalisation de la menace terroriste et du recrutement des terroristes.

Soulignant que dans certains Etats membres, et en particulier au Royaume-Uni, une grande attention avait été donnée à cette problématique, il a constaté que les mesures qui pourraient être efficaces relevaient essentiellement de la compétence des Etats membres.

Il a fait observer que certaines politiques de l'Union européenne, telles la promotion du dialogue interculturel, pourraient permettre des actions de prévention du terrorisme mais qu'il convenait de ne pas les dénaturer en les réduisant à ce seul objectif.

Il a expliqué que, pour ces raisons, l'Union avait jusqu'ici retenu des actions répressives dans le cadre de la lutte contre la radicalisation, qui avaient notamment conduit à l'expulsion de personnes appelant au radicalisme religieux. Il a précisé que cette démarche soulevait la question du sort de ces derniers qui, hors de l'Union européenne, pouvaient être soumis à la torture ou à des traitements inhumains ou dégradants dans leur pays d'origine, les Etats membres adoptant des positions divergentes sur la question de savoir si l'expulsion pouvait intervenir en de telles hypothèses.

Il a estimé important de renforcer la communication de l'Union européenne afin de mettre davantage en exergue l'ensemble des actions d'aide à la coopération et au développement menées par l'Europe en faveur des pays tiers, ce qui permettrait de mieux répondre à la présentation faite par les radicaux islamistes d'une lutte de civilisations entre l'occident et l'islam. Il a souligné l'importance du vocabulaire qui devait être utilisé, certains termes pouvant conduire à la radicalisation.

M. Gilles de Kerchove, coordinateur anti-terroriste de l'Union européenne, a souligné que la politique anti-terroriste de l'Union européenne devait également passer par une plus grande mobilisation des fonds communautaires destinés à l'aide technique au profit des pays tiers.

Il a insisté sur le fait que si la coopération et l'aide au développement devaient rester l'objet essentiel de ces fonds, la lutte anti-terroriste devait également être prise en compte dans la définition des actions envisagées.

Concernant la question délicate de la mise en oeuvre par les Etats membres des instruments juridiques adoptés par l'Union européenne dans le cadre de la lutte anti-terroriste, M. Gilles de Kerchove, coordinateur anti-terroriste de l'Union européenne, a regretté que les Etats membres tardent parfois à prendre les mesures nécessaires à leur bonne application, évoquant notamment le cas de la troisième directive relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ainsi que des accords en matière d'entraide pénale et d'extradition.

Il a souligné que cette difficulté était liée en partie à l'absence de possibilité de contraindre les Etats à adopter les mesures d'application relatives à des instruments relevant du troisième pilier, mais que la situation serait améliorée grâce à l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne.

Evoquant les travaux législatifs en cours au niveau communautaire, M. Gilles de Kerchove, coordinateur anti-terroriste de l'Union européenne, a expliqué que l'entrée en vigueur prévue en 2009 du traité de Lisbonne, qui donnait davantage de pouvoir au Parlement européen, plaçait les institutions européenne devant une alternative :

- soit adopter rapidement avant décembre 2008 les textes en cours de négociation, selon les procédures de décision actuellement applicables, en associant davantage, de façon informelle, les députés européens ;

- soit, à défaut, prendre formellement de nouvelles initiatives législatives après le 1er janvier 2009, fondées sur les nouvelles bases juridiques offertes par le traité de Lisbonne et qui suivraient les procédures définies par celui-ci.

S'agissant des négociations relatives à la révision de la décision-cadre du 13 juin 2002 sur la lutte contre le terrorisme, il a estimé qu'elles ne permettraient vraisemblablement pas l'adoption d'un texte avant la fin de l'année 2008, certains Etats membres devant, préalablement à l'adoption de cet instrument, procéder aux modifications nécessaires dans leur législation.

Il a indiqué que la création d'un PNR (passenger name record) européen, annoncée par M. Franco Frattini, commissaire européen chargé de la justice, de la liberté et de la sécurité, suscitait l'hostilité du Parlement européen qui invoquait des risques pour les libertés publiques. Il a souligné que la protection des données personnelles était l'une des préoccupations des ministres de l'intérieur des Etats membres. Il a estimé que l'une des vertus du PNR pouvait être de rendre plus objectif le « profilage » des personnes présentant un risque terroriste, l'informatique permettant notamment de limiter le profilage ethnique ou géographique qui se pratique couramment à l'occasion des contrôles visuels effectués aux frontières. Il a insisté sur le fait que le projet de PNR européen excluait le recueil d'informations relatives aux préférences politiques, religieuses ou sexuelles des passagers.

Il a estimé que la directive sur la protection des infrastructures critiques, dont la négociation était en cours, pourrait être adoptée au cours de l'année 2008.

Enfin, M. Gilles de Kerchove a évoqué les grands défis à moyen et long termes :

- la radicalisation de certains jeunes musulmans européens ;

- l'amélioration des relations entre l'Europe et le monde musulman ;

- la prévention de la menace NRBC (nucléaire, radiologique, bactériologique et chimique) ; il a salué à cet égard les travaux de la présidence portugaise de l'Union européenne et a annoncé que la commission européenne devrait faire des propositions en 2008 à l'issue d'une large concertation engagée avec des experts et des industriels ;

- la capacité à anticiper les menaces à venir, mise en avant notamment par Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales ;

- la préservation de l'équilibre entre sécurité et liberté, en collaboration avec le Parlement européen.

Il a également rappelé que l'Union européenne devait se préparer au déclenchement éventuel de la clause de solidarité prévue par le traité de Lisbonne. Il a indiqué qu'un effort particulier devrait être fait en faveur des nouvelles technologies, les perspectives financières de l'Union pour 2007-2013 prévoyant 1,4 milliard d'euros à ce titre. Il a estimé qu'il fallait inverser la logique prévalant actuellement selon laquelle les industriels leur proposent de nouvelles options technologiques au lieu que les responsables politiques leur demandent des solutions techniques à des besoins préalablement identifiés. Il a indiqué que cette évolution irait de pair avec le renforcement de la capacité d'anticipation des menaces.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, rappelant avoir rencontré M. Gilles de Kerchove avec une délégation de la commission des lois à Bruxelles au moment de sa nomination en septembre 2007, a salué les perspectives tracées dans l'intervalle. Il a demandé comment la coopération entre les Etats membres pouvait être développée en matière de renseignement.

M. Gilles de Kerchove a fait le constat que le renseignement était sans doute le dernier domaine à échapper au cadre de l'Union européenne, en dépit de la création du centre de situation (SITCEN) ou du groupe antiterroriste (GAT) au sein du club de Bern. Il a indiqué que le traité de Lisbonne ne modifiait pas cette situation, le futur article 4 du traité sur l'Union européenne prévoyant que « la sécurité nationale reste de la seule responsabilité des Etats membres ».

Pour aller plus loin en l'absence de base juridique solide, il a jugé que la seule voie praticable consistait à développer la confiance entre les services de renseignement, notamment en améliorant la qualité de ces services dans les petits Etats membres. Une autre piste pourrait consister à mettre en réseau les plateformes de coordination de la lutte antiterroriste de chaque Etat membre comme l'UCLAT en France. En revanche, il a indiqué que les tentatives passées de passage en force avaient toutes échoué, la Commission européenne ayant été amenée par exemple à retirer plusieurs de ses propositions.

M. Paul Girod a demandé :

- si la lutte antiterroriste était considérée comme l'un des aspects de la politique européenne de défense ;

- si en cas de crise, le droit de poursuite d'un auteur d'attentat sur le territoire d'un autre Etat membre était renforcé ;

- quelles bonnes pratiques pouvaient être mises en exergue pour lutter contre la radicalisation dans le monde musulman.

Mme Alima Boumediene-Thiery a demandé si son action se limitait au seul terrorisme d'origine islamiste et si dans le cadre de la stratégie antiterroriste de l'Union et du souci de maintenir un équilibre entre sécurité et liberté, une attention particulière était portée à certains pays tiers qui sous prétexte de lutte contre le terrorisme répriment des opposants et consolident des régimes autoritaires.

Mme Catherine Tasca s'est interrogée sur les relations entre le Conseil et le Parlement européen en matière de lutte antiterroriste et sur les actions engagées pour lutter contre les trafics mafieux étroitement liées au terrorisme dans certains pays.

M. Christian Cointat a estimé que pour lutter contre des hommes prêts à mourir pour Dieu, la répression seule était insuffisante, et qu'un travail spirituel de longue haleine était indispensable. Il a regretté que ce travail ne soit pas suffisamment effectué, notamment pour valoriser et diffuser une lecture pacifiée et moderne du Coran. Il a également souhaité un bilan de la lutte contre les flux financiers alimentant, entre autres, les écoles coraniques de certains pays.

Sur un plan plus général, il a déclaré que l'état du monde démontrait que les questions de sécurité ne relevaient plus du niveau national et qu'elles ne devraient plus échapper à la compétence de l'Union européenne au nom du principe de subsidiarité.

M. Jean-René Lecerf s'est enquis, au nom de son collègue Pierre Fauchon, de l'état d'avancement du projet de casier judiciaire européen. Il a ensuite interrogé M. Gilles de Kerchove sur la proposition de M. Franco Frattini, commissaire européen chargé de la justice et des affaires intérieures, de mettre en oeuvre un système de contrôle des entrées et des sorties des visiteurs de l'espace européen - ce dispositif s'inspirerait du système US Visit mis en place aux Etats-Unis depuis 2004. Il a souhaité avoir des éléments sur l'efficacité de ce système dans la lutte antiterroriste et sur la façon dont il se combinerait avec le projet de visa biométrique en cours de développement.

M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne, a demandé si l'association des parlements nationaux au contrôle d'Europol et à l'évaluation d'Eurojust, comme le prévoit le traité de Lisbonne, ne serait pas de nature à dynamiser et renforcer ces organismes. Il a également interrogé M. Gilles de Kerchove sur la forme que pourrait prendre cette association des parlements nationaux.

M. Gilles de Kerchove a répondu partager complètement l'opinion de M. Christian Cointat sur la nécessité de gagner la bataille idéologique et spirituelle. Toutefois, il a constaté que politiquement la prévention était moins rentable et visible que la répression même si à long terme elle était la seule réponse adaptée. En outre, il a indiqué que l'Union européenne disposait de peu de leviers pour développer des actions de prévention, celles-ci étant entre les mains des Etats, notamment l'éducation, l'organisation des cultes ou l'intégration. Il a estimé que l'une des pistes à creuser était d'ouvrir des perspectives de participation à la vie publique à l'ensemble de la population, citant l'exemple de la composition actuelle du Gouvernement français.

Il a attiré l'attention sur la nécessité d'une grande cohérence de l'ensemble des politiques, notamment pour éviter que ne se développe un sentiment de deux poids deux mesures. Il a ainsi jugé primordiale la fermeture de la prison de Guantanamo qui discrédite les discours occidentaux sur la défense des droits de l'homme. Pour y parvenir, il a indiqué que les pays européens devraient être prêts à accueillir des prisonniers, y compris ressortissants de pays tiers.

Concernant la lutte contre les flux financiers alimentant le terrorisme ou la radicalisation violente, il a déclaré que la législation lui semblait désormais satisfaisante, le défi étant désormais d'intensifier les échanges d'information entre les services de renseignement et les autorités responsables des marchés financiers.

Répondant à M. Paul Girod, M. Gilles de Kerchove a estimé prudent de ne pas trop mêler la politique européenne de défense à la lutte contre le terrorisme afin de ne pas tomber dans le piège et les excès du discours de « la guerre au terrorisme ». Toutefois, il a indiqué que certains instruments de la politique européenne de défense pouvaient être utiles, notamment en matière de protection civile ou dans certaines zones extérieures.

A propos du droit de poursuite en cas de crise, il n'a pas jugé utile d'aller plus loin que les dispositions en vigueur.

Enfin, concernant la lutte contre la radicalisation dans le monde musulman, il a cité l'expérience très positive d'une ONG indonésienne qui avait associé une vedette locale de la chanson et les autorités religieuses du pays pour diffuser une lecture moderne et pacifiée du Coran.

Répondant à Mme Alima Boumediene-Thiery, M. Gilles de Kerchove a indiqué que le terrorisme basque était également une préoccupation importante, mais il a estimé qu'il n'avait pas de rôle particulier à y jouer, la coopération franco-espagnole n'ayant jamais été aussi fructueuse. Il a simplement suggéré qu'Europol et Eurojust puissent être associés aux équipes communes d'enquête de manière à partager des expériences et à développer la confiance mutuelle.

Concernant l'équilibre entre sécurité et liberté, il a indiqué que la difficulté consistait à éviter deux écueils : sous-estimer la menace et légitimer la construction d'une Europe sécuritaire.

Répondant à Mme Catherine Tasca, M. Gilles de Kerchove a confirmé les liens parfois très étroits entre terrorisme et trafics mafieux, en particulier en Afghanistan ou au Sahel.

Il a estimé que les forces de police en Europe avaient suffisamment de moyens, mais qu'il convenait en revanche de renforcer la connaissance par les responsables de police des mécanismes européens de coopération policière. Des outils existent mais ils sont insuffisamment utilisés.

A propos des relations avec le Parlement européen, il a rappelé que le traité de Lisbonne généralisait la co-décision. Toutefois, en matière de renseignement, il a indiqué que le Parlement européen n'était pas habilité à connaître d'informations classifiées ce qui limitait son expertise.

Répondant à M. Jean-René Lecerf, il a expliqué qu'à ce stade, il ne lui appartenait pas de porter une appréciation sur la proposition de M. Franco Frattini de mettre en oeuvre un contrôle des entrées et des sorties du territoire européen, cette idée paraissant néanmoins découler de l'élargissement de l'espace Schengen.

Enfin, répondant à M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne, M. Gilles de Kerchove a jugé que l'association des parlements nationaux au contrôle d'Europol et à l'évaluation d'Eurojust n'aurait réellement d'utilité que le jour où elles auraient une activité plus opérationnelle. Toutefois, il s'est déclaré certain que ce contrôle des parlements nationaux serait de nature à développer et non à freiner le rôle de ces agences. Il a suggéré également un système mixte associant à la fois les parlements nationaux et le Parlement européen.