Mardi 3 juin 2008

- Présidence de Josselin de Rohan, président. -

Traités et conventions - Accord France-Gabon sur la gestion des flux migratoires - Examen du rapport

La commission a procédé à l'examen du rapport de Mme Catherine Tasca sur le projet de loi n° 280 (2007-2008), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement.

Mme Catherine Tasca, rapporteur, a tout d'abord rappelé que les accords de gestion concertée des flux migratoires, dont le ministre, M. Brice Hortefeux, a précisé les objectifs lors de sa récente audition devant la commission, comprenaient un socle commun en trois volets, combinant la « facilitation » de la circulation des personnes, la lutte contre l'immigration clandestine, et le codéveloppement. Ils sont ensuite déclinés en fonction des priorités et des attentes du pays signataire.

Elle a rappelé que le premier accord de ce type avait été conclu avec le Sénégal, en décembre 2006, puis complété par un avenant, en février 2008. L'accord avec le Gabon, signé le 5 juillet 2007, est donc le premier à être soumis à la ratification parlementaire.

Mme Catherine Tasca a souligné que, de prime abord, le choix du Gabon pouvait surprendre : la pression migratoire exercée par les ressortissants de ce pays peuplé d'1,3 million d'habitants, est des plus limitées et le Gabon jouit, même si on ne peut le qualifier de développé, d'une prospérité relative qui en fait un pays d'immigration pour la sous-région.

Elle a considéré que ce choix s'expliquait par les relations particulières qui lient la France à ce pays, et qu'illustrent un accord de défense, la présence sur le sol gabonais de forces prépositionnées et d'une forte communauté française, 10.000 personnes, plus importante que celle des Gabonais de France.

Mme Catherine Tasca a souligné que l'absence de pression migratoire ne faisait pas pour autant de la question de l'immigration une question ordinaire : les Gabonais sont demandeurs de facilités de circulation particulières et l'expulsion récente de deux étudiants depuis la France a suscité une forte émotion dans le pays.

Elle a estimé que l'accord visait à répondre à ces attentes, en dressant, pour chacun des trois volets, un état des lieux des dispositifs existants, tout en apportant des aménagements ponctuels.

Citant quelques exemples, Mme Catherine Tasca a indiqué que l'accord dispensait ainsi les titulaires de passeports de service de visas de court séjour et qu'il fixait un objectif d'augmentation des visas de circulation. De même, il assouplit les conditions de l'admission au séjour des étudiants pour une première expérience professionnelle, prévoit la conclusion d'un accord bilatéral d'échange de jeunes professionnels et lève l'opposabilité de la situation de l'emploi pour 9 métiers de la banque, des assurances, de l'informatique et du bâtiment. Il supprime également certaines contraintes pour la délivrance aux Gabonais de la carte de séjour « Compétences et talents ».

De son côté, le Gabon s'engage à modifier sa législation, pour porter à 5 ans, contre 2 ans actuellement, la durée des cartes de séjour délivrées aux ressortissants français établis dans le pays depuis plus de 3 ans, ou mariés depuis plus de trois ans à un ressortissant gabonais.

Mme Catherine Tasca, rapporteur, a indiqué que le second volet de l'accord était consacré à la lutte contre l'immigration illégale. Outre les stipulations relatives à la coopération policière et en matière d'état civil, il comporte une clause de réadmission, non seulement des nationaux, mais aussi des ressortissants des Etats tiers.

Le dernier volet de l'accord est consacré au codéveloppement et il se borne, en un seul article, à l'énoncé des dispositifs existants.

Mme Catherine Tasca, rapporteur, a rappelé que la relation franco-gabonaise n'était pas représentative des relations entre la France et les Etats d'Afrique sur la question des migrations.

En second lieu, elle a souligné que l'accord ouvrait des possibilités qu'il conviendrait de mettre en oeuvre : la démonstration d'une réelle ouverture à la circulation des personnes dépendra par exemple de la capacité de la France à augmenter, dans des proportions significatives, le nombre de visas de circulation. Elle a indiqué que les cartes « Compétences et talents », délivrées à seulement 20 personnes depuis janvier 2008, restaient un dispositif assez virtuel.

La bonne disposition du Gabon à réadmettre des personnes en situation irrégulière dépendra de l'équilibre global auquel l'accord parviendra. Mme Catherine Tasca a considéré que pour le présent accord, cet équilibre paraissait à portée de main.

Elle a souligné que la dimension du développement était extrêmement réduite et qu'elle devait être traitée dans d'autres cadres.

Enfin, Mme Catherine Tasca a estimé que s'il fallait certainement relativiser la portée de cet accord qui reprenait, pour l'essentiel, des dispositifs existants, il constituait un signal très positif en direction du Gabon, partenaire géostratégique important et fidèle.

Elle a considéré, en conclusion, qu'il fallait opérer une distinction entre cet accord, qui constituait une première expérience de contractualisation des relations sur les questions migratoires, de façon équilibrée, et les accords conclus avec des pays d'origine des migrations, pour lesquels l'équilibre serait plus difficile à trouver en raison du caractère vital que constitue pour eux la migration.

Mme Catherine Tasca a souligné que l'accord avec le Gabon recueillait son approbation, en raison notamment de ses stipulations favorables à la circulation des personnes, mais que cette position n'emportait pas son adhésion aux accords déjà signés ou à venir, et à la politique menée d'une façon plus générale en matière de migrations.

La commission a alors adopté le projet de loi et proposé que ce texte fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifiée en séance publique.

Missions à l'étranger - Balkans - Bosnie-Herzégovine et Macédoine - Communication

La commission a ensuite entendu une communication de MM. Christian Cambon et Didier Boulaud sur la mission effectuée, du 4 au 9 mai 2008, en Bosnie-Herzégovine et en Macédoine.

M. Didier Boulaud a indiqué que la déclaration d'indépendance du Kosovo, en février dernier, avait remis sous les feux de l'actualité la région des Balkans occidentaux. Encore très marqués par les conflits consécutifs à l'éclatement de la Yougoslavie, les pays de cette région ont vocation à rejoindre l'Union européenne qui porte désormais à l'égard de la région une responsabilité de premier plan à travers l'accompagnement des réformes internes, l'octroi d'une aide économique et la présence de missions civiles ou militaires.

M. Didier Boulaud a rappelé que la commission avait décidé d'effectuer prochainement une mission d'information au Kosovo et en Serbie, mais il a souligné l'attention que méritaient également la Bosnie-Herzégovine et la Macédoine, deux pays où coexistent différentes communautés et dont la stabilisation reste fragile. Il a estimé que, de ce point de vue, la présence d'une délégation de la commission dans ces deux pays avait été particulièrement utile.

M. Christian Cambon a ensuite retracé le déroulement du séjour de la délégation en Bosnie-Herzégovine où elle s'est entretenue, à Sarajevo, avec le Président en exercice, le Premier ministre et les deux présidents d'assemblée, et à Banja Luka, avec les principaux dirigeants de la Republika Srpska. La délégation a également rencontré le Haut représentant de la communauté internationale, M. Miroslav Lajcak, et elle s'est rendue au quartier général de la force européenne Eufor où elle a rencontré le commandant de l'opération Althea et le contingent français.

M. Christian Cambon a brièvement rappelé les principales caractéristiques de la structure territoriale et de l'organisation de la Bosnie-Herzégovine, telles qu'elles résultent de l'accord de Dayton de 1995 : un territoire divisé en deux entités, la Fédération croato-musulmane et la Republika Srpska ; un système institutionnel très complexe, avec notamment une présidence collégiale, des compétences limitées de l'Etat central, la détention par les entités d'un pouvoir de blocage dans le processus législatif, l'existence d'une tutelle internationale incarnée par le Haut représentant, qui est également le représentant spécial de l'Union européenne.

M. Christian Cambon a indiqué que l'un des premiers constats de la délégation portait sur la viabilité de l'Etat de Bosnie-Herzégovine, tant en raison d'un système institutionnel propice au blocage des processus de décision, que des profondes divisions qui demeurent entre les trois communautés bosniaque, serbe et croate. Il a rappelé que le conflit des années 1992-1995 avait entraîné un remodelage de la répartition territoriale des habitants, désormais largement regroupés selon leur appartenance ethnique. M. Christian Cambon a estimé que l'un des signes les plus inquiétants du cloisonnement entre communautés était l'apparition d'une ségrégation scolaire, plus d'une cinquantaine d'établissements de la Fédération croato-musulmane s'étant rangés à la politique des « deux écoles sous un même toit », en vertu de laquelle les enfants croates et les enfants musulmans suivent leur scolarité dans des classes séparées. Il a regretté que l'Union européenne n'ait pas davantage manifesté sa préoccupation sur ce point, dans le cadre des discussions préalables à la conclusion d'un accord de stabilisation et d'association.

M. Christian Cambon a estimé que les trois communautés avaient des visions très différentes de leur destin commun, les Bosniaques souhaitant un Etat plus unitaire alors que les Bosno-Serbes sont essentiellement attachés au maintien de l'autonomie très large garantie par l'accord de Dayton à la Republika Srpska et que les Bosno-Croates, très minoritaires, souffrent de ne pas disposer d'entité propre.

M. Christian Cambon a ensuite indiqué que la situation sécuritaire était totalement normale en Bosnie-Herzégovine et que les tensions entre communautés ne paraissent pas pouvoir déboucher sur des affrontements directs.

Il a en revanche souligné que le débat sur la pérennité du pays avait été relancé après l'indépendance du Kosovo, l'Assemblée nationale de la Republika Srpska ayant notamment adopté une résolution évoquant un droit à la sécession de l'entité serbe. Il a ajouté que si certains interlocuteurs de la délégation avaient évoqué l'éventualité d'un scénario de type « Monténégro », selon lequel la Republika Srpska pourrait attendre le moment opportun pour déclarer son indépendance sans subir de rétorsions de la communauté internationale, la majorité d'entre eux envisageaient plutôt un statu quo, considérant que l'entité serbe aurait beaucoup plus à perdre qu'à gagner à la remise en cause des accords de Dayton qui constituent la seule garantie juridique de son existence.

M. Christian Cambon a précisé qu'au cours de l'entretien qu'il avait accordé à la délégation, le Premier ministre de l'entité serbe, M. Milorad Dodik, avait déclaré que la Republika Srpska ne remettrait pas en cause l'existence de la Bosnie-Herzégovine pour autant que son autonomie soit respectée. M. Dodik s'était montré avant tout soucieux du développement économique d'une entité qui a assaini sa situation budgétaire au cours des dernières années et souhaite attirer les investissements étrangers. Il partage d'ailleurs avec le Président serbe Boris Tadic la même aspiration à l'intégration européenne.

M. Christian Cambon a ensuite évoqué la mise en chantier d'une nouvelle Constitution qui pourrait être acceptée par les trois communautés. Il s'est demandé s'il était réellement possible d'envisager une démarche autre que progressive, sur le modèle de la 1ère étape qui avait été proposée en 2006, mais repoussée à la suite de l'opposition d'une partie des dirigeants bosniaques qui la trouvaient trop timide. Il a estimé que la situation actuelle ne se prêtait pas à une remise en cause trop prononcée des prérogatives de la Republika Srpska.

S'agissant de la présence internationale, M. Christian Cambon a précisé que la suppression du poste de Haut représentant des Nations unies était admise dans son principe, mais conditionnée, dans sa mise en oeuvre, à la réalisation d'objectifs précis. Initialement fixée à juin 2008, elle a été de ce fait repoussée, le Haut représentant ayant néanmoins indiqué à la délégation que ce report devrait se compter en nombre de mois, et non en nombre d'années. La suppression de ce poste ne remettrait pas en cause la fonction de Représentant spécial de l'Union européenne, dont il est aujourd'hui également titulaire, et qui serait appelée à se développer dans la perspective d'une future intégration à l'Union européenne.

M. Christian Cambon a ajouté que la suppression du poste de Haut représentant serait sans doute accompagnée d'un retrait définitif de l'Eufor, dont la mission est aujourd'hui résiduelle et dont les effectifs se limitent à 2 500 hommes, dont 150 militaires français.

M. Christian Cambon a ensuite abordé les perspectives européennes de la Bosnie-Herzégovine, en soulignant que l'intégration à l'Union européenne était véritablement le seul objectif à réunir les responsables politiques et les différentes communautés. Il a précisé qu'au mois d'avril, le Parlement de Bosnie-Herzégovine avait définitivement approuvé le projet de réforme de la police auquel l'Union européenne conditionnait la signature de l'accord de stabilisation et d'association. Ce dernier devrait ainsi être signé le 16 juin prochain.

M. Christian Cambon a indiqué que la délégation avait constaté l'irritation provoquée, en Bosnie-Herzégovine, par ce qui avait été perçu comme des avantages très substantiels accordés à la Serbie à l'approche des élections législatives, que ce soit pour la signature d'un accord de stabilisation et d'association ou en matière de visas. L'Union européenne avait paru beaucoup moins exigeante vis-à-vis de la Serbie que d'autres pays de la région qui s'efforcent de longue date de répondre aux critères fixés par Bruxelles.

Tout en considérant que la signature de l'accord de stabilisation et d'association marquerait une étape très significative pour la Bosnie-Herzégovine, M. Christian Cambon a estimé que très vite se poserait la question de la capacité du pays à mettre en oeuvre cet accord et à dépasser les antagonismes et les blocages qui ont jusqu'à présent considérablement entravé l'adoption de réformes indispensables. Dans cette optique, il sera nécessaire de maintenir des conditions au rapprochement européen de la Bosnie-Herzégovine, sans toutefois les rendre excessivement contraignantes compte tenu de la particularité de la situation du pays et de sa fragilité.

En conclusion, M. Christian Cambon a estimé que le levier européen apparaissait aujourd'hui le seul à même de faire progresser la Bosnie-Herzégovine, ce qui donnait à l'Union européenne une responsabilité toute particulière vis-à-vis de ce pays.

M. Didier Boulaud a ensuite rendu compte des contacts établis en Macédoine, alors que débutait la campagne électorale pour les élections législatives du 1er juin. Ils concernaient notamment le Président de la République, le Président du Parlement sortant, les ministres de la défense et des finances, le secrétaire d'Etat aux affaires étrangères et des personnalités de l'opposition, ainsi que le représentant spécial de l'Union européenne.

M. Didier Boulaud a tout d'abord rappelé les affrontements survenus au printemps et à l'été 2001 entre les communautés macédonienne (environ 65 % de la population) et albanaise (environ 25 % de la population), qui avaient entraîné l'intercession de la communauté internationale. Celle-ci a parrainé l'accord d'Ohrid du 13 août 2001 et a engagé une opération militaire de stabilisation dans le cadre de l'OTAN, de 2001 à 2003, puis une mission de police de l'Union européenne de 2003 à la fin 2005.

M. Didier Boulaud a souligné que la France avait pris une part importante dans la gestion de la crise, à travers l'action de MM. François Léotard puis Alain Le Roy, en qualité de représentants spéciaux de l'Union européenne, la contribution de M. Robert Badinter à l'élaboration d'une nouvelle Constitution et une participation majeure aux forces internationales présentes en Macédoine entre 2001 et 2005.

M. Didier Boulaud a estimé que depuis les évènements de 2001, la Macédoine était revenue à une relative stabilité intérieure, sans pour autant que les éléments de fragilité aient disparu. Si les principales réformes prévues par l'accord d'Ohrid ont été transposées dans la législation, par exemple en matière d'usage des langues minoritaires ou de décentralisation, la Macédoine s'oriente davantage vers une coexistence séparée des communautés qu'une véritable société multi-ethnique. Le faible nombre de mariages inter-ethniques, les tentations de ségrégation scolaire ou encore le cloisonnement de la vie politique en sont quelques exemples.

M. Didier Boulaud a précisé que le climat politique s'était tendu à la suite de la décision du parti macédonien de centre-droit, après sa victoire aux élections législatives de 2006, de s'allier avec le parti minoritaire de la communauté albanaise, le parti albanais majoritaire s'étant alors retrouvé dans l'opposition. Cette situation explique en partie les incidents violents qui ont émaillé la campagne et le scrutin législatif du 1er juin dernier en zone albanaise.

Il a également relevé que la mise en oeuvre des réformes nécessaires au rapprochement européen de la Macédoine s'était effectuée par à-coups et trop lentement. Si la Macédoine a accédé au statut de candidat à l'adhésion à l'Union européenne fin 2005, la Commission européenne a jusqu'à présent estimé que les conditions n'étaient pas réunies pour fixer une date d'ouverture des négociations d'adhésion.

M. Didier Boulaud a indiqué que dans un tel contexte, le refus de l'accession de la Macédoine à l'OTAN du fait du veto opposé par la Grèce lors du sommet de Bucarest comportait des effets potentiellement très déstabilisateurs. Il a rappelé l'origine du différend qui oppose la Grèce et la Macédoine, sur la dénomination de cette dernière. Il a souligné que la décision prise à Bucarest avait provoqué une très forte onde de choc en Macédoine, dans la mesure où il était apparu que le processus d'adhésion à l'OTAN se trouvait en quelque sorte « pris en otage » par la controverse sur la dénomination du pays et qu'une telle situation pouvait probablement se reproduire dans le processus d'adhésion à l'Union européenne.

M. Didier Boulaud a rappelé que lors du débat de politique étrangère du 14 mai dernier, il s'était fait l'écho des réactions en Macédoine à l'attitude française sur cette question. En effet, si la France, favorable à toute solution recueillant l'accord des deux parties, n'a pas changé de position sur le fond et ne porte pas plus de responsabilité dans la décision de Bucarest que tout autre allié, l'expression d'une solidarité avec la Grèce a eu un impact important dans l'opinion et la classe politique.

M. Didier Boulaud s'est fortement interrogé sur les perspectives d'aboutissement des négociations qui devaient reprendre à ce sujet entre la Grèce et la Macédoine. Il a précisé que l'échec survenu à Bucarest constituait l'une des raisons de la dissolution du Parlement. Il a ajouté que le futur gouvernement devrait mettre en oeuvre rapidement un important programme de réformes s'il veut espérer recueillir avant le Conseil européen de décembre un avis favorable de la Commission pour la fixation d'une date d'ouverture des négociations d'adhésion.

M. Didier Boulaud a fait part des motifs d'inquiétude ressentis au lendemain de cette mission en Macédoine. Il a souligné que Skopje voyait ses perspectives d'adhésion à l'OTAN et à l'Union européenne sérieusement mises en cause, du fait de la position de la Grèce, alors que les Macédoniens avaient le sentiment d'avoir accompli des efforts au moins aussi importants que d'autres pays mieux traités. M. Didier Boulaud a estimé que le blocage durable de la perspective européenne constituait aujourd'hui un réel risque pour la Macédoine, d'autant que ce petit pays enclavé se trouvait dans un environnement régional difficile.

M. Didier Boulaud a indiqué que le risque sécessionniste était généralement considéré comme peu probable, mais il a considéré qu'un isolement prolongé de la Macédoine pourrait raviver l'agitation dans la communauté albanaise, où l'on observe une certaine surenchère entre formations politiques et où la situation sécuritaire reste précaire.

Il a souhaité que dans cette phase délicate de son existence, la Macédoine fasse l'objet d'une attention soutenue de l'Union européenne et de la France. Il a estimé que la garantie de la stabilité de la région était un enjeu suffisamment fort pour passer avant les controverses sur la dénomination du pays. M. Didier Boulaud a souhaité que l'Union européenne adresse dans les prochains mois des signes positifs à la Macédoine, pour autant que cette dernière accomplisse les efforts nécessaires. Il a également souligné la nécessité de contacts bilatéraux plus étroits entre la France et la Macédoine.

En conclusion, M. Didier Boulaud a estimé que la mission effectuée au nom de la commission en Bosnie-Herzégovine et en Macédoine démontrait la nécessité de définir une politique globale et cohérente pour l'ensemble des pays des Balkans occidentaux. Il a considéré que l'Union européenne jouait dans cette région qui lui est très proche et où elle est engagée depuis 15 ans une grande partie de sa crédibilité en matière de politique étrangère et de sécurité.

M. Josselin de Rohan, président, a estimé que tant en Bosnie-Herzégovine qu'en Macédoine, la cessation des affrontements passés constituait un acquis positif de l'engagement international et européen. Il s'est cependant montré préoccupé par les signes de fragilité relevés par la délégation, les incidents violents survenus lors de la récente campagne électorale en Macédoine en étant l'une des manifestations. S'agissant du contentieux sur la dénomination de cette dernière, il a considéré que les deux parties devaient effectuer un effort de conciliation.

M. Robert del Picchia a souhaité savoir si un sentiment d'hostilité à la Grèce s'était développé dans l'opinion macédonienne depuis le sommet de Bucarest.

M. Christian Cambon a confirmé la force des clivages entre communautés en Bosnie-Herzégovine. Il a évoqué l'accent mis sur le développement économique en Republika Srpska, en soulignant que les aspirations à l'amélioration du niveau de vie et au rapprochement des standards européens pouvaient toutefois contribuer à une plus grande ouverture vers l'extérieur.

M. Didier Boulaud a souligné la fébrilité actuelle de la communauté albanaise de Macédoine. Il s'est interrogé sur l'attitude de cette dernière si les perspectives d'adhésion à l'OTAN et à l'Union européenne étaient durablement bloquées, alors que l'Albanie va pour sa part intégrer l'OTAN en 2009. Il a précisé que les relations économiques étaient étroites entre la Macédoine et la Grèce, et qu'elles ne semblaient pas remises en cause par le contentieux actuel. De même, beaucoup de Macédoniens continueront à se rendre fréquemment en Grèce, même si cette dernière leur impose une obligation de visa particulier.

A l'issue de ce débat, la commission a autorisé la publication de la communication sous la forme d'un rapport d'information.

Traités et conventions - Propriété intellectuelle - Droit d'auteur - Examen du rapport

La commission a ensuite examiné le rapport de M. Christian Cambon sur le projet de loi n° 273 (2007-2008), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification du traité de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes, et sur le projet de loi n° 281 (2007-2008), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification du traité de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle sur le droit d'auteur.

Le rapporteur a rappelé que l'utilisation sans cesse accrue des capacités offertes par Internet modifiait la vie quotidienne de nos concitoyens, et que la préservation des droits d'auteur dans le domaine musical est particulièrement difficile, alors que s'offre la possibilité de télécharger gratuitement et illégalement, des fichiers musicaux sur la Toile. Ce phénomène a un impact direct sur l'industrie du disque, dont les ventes ne cessent de choir.

Il a précisé que ces deux traités élaborés par l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) visent à intégrer les modes de diffusion électronique dans les textes internationaux touchant au droit d'auteur. Il a estimé qu'une approche coordonnée de l'ensemble des 184 Etats membres de l'OMPI était seulement de nature à instaurer un environnement juridique adapté aux nouveaux modes de diffusion des oeuvres de l'esprit, et donc d'améliorer la protection des droits de leurs auteurs.

M. Christian Cambon a rappelé que dès 2001, l'Union européenne avait élaboré une directive sur l'harmonisation du droit d'auteur dans la société de l'information, directive qui avait été transposée en droit français par la loi du 1er août 2006 sur le droit d'auteur et les droits voisins dans la société de l'information, dite « loi DADVSI ».

Il a indiqué que la notion de propriété intellectuelle était définie par l'OMPI comme « l'ensemble des créations de l'esprit, comme les inventions, les oeuvres littéraires et artistiques, mais aussi les synthèses, les noms, les images et les dessins et modèles dont il est fait usage dans le commerce ».

Cette propriété intellectuelle se présente sous deux aspects : la propriété industrielle, comprenant les inventions, les brevets, les marques, les dessins et modèles industriels et les indications géographiques, et le droit d'auteur, comprenant les oeuvres littéraires et artistiques comme les romans, les poèmes et les pièces de théâtre, les films, les oeuvres musicales, les oeuvres d'art telles que dessins, peintures, photographies et sculptures, ainsi que les créations architecturales. Les droits connexes du droit d'auteur sont les droits que possèdent les artistes interprètes ou exécutants sur leurs prestations, les producteurs d'enregistrement sonore sur leurs enregistrements, et les organismes de radiodiffusion sur leurs programmes radiodiffusés et télévisés.

Rappelant que l'OMPI avait été créée en 1967 par une convention par laquelle ses Etats membres lui donnent mission de promouvoir la protection de la propriété intellectuelle grâce à la coopération entre Etats, M. Christian Cambon, rapporteur, a précisé que le siège de cette organisation était situé à Genève.

M. Christian Cambon a constaté que, comme toute organisation internationale devant statuer par consensus entre ses membres, l'OMPI était régie par des procédures de décision rigides et lourdes à mettre en oeuvre, et peinait parfois à s'adapter avec la célérité requise aux évolutions très rapides des technologies.

Il s'est félicité de la nomination, intervenue le 15 mai dernier, d'un nouveau directeur général, l'australien Francis Gurry, auparavant vice-directeur de l'organisation, qui pouvait constituer un signe positif en faveur d'une activité plus soutenue.

Le rapporteur a rappelé qu'en décembre 1996, deux traités avaient été adoptés dans le cadre de l'OMPI, l'un sur les interprétations et exécutions des phonogrammes, l'autre sur le droit d'auteur.

Le premier traité a pour objet d'adapter à l'ère numérique les droits de certains titulaires de droits voisins au droit d'auteur, comme les artistes-interprètes et les producteurs de phonogrammes, pour tenir compte des évolutions techniques et économiques survenues depuis la convention de Rome du 26 octobre 1961 sur la protection des artistes-interprètes ou exécutants, des producteurs de phonogrammes et des organismes de radiodiffusion, convention ratifiée par la France en 1987. Il donne également à l'OMPI les moyens d'en renforcer l'efficacité. Ce texte doit assurer la protection des artistes-interprètes et des producteurs de phonogrammes d'une manière aussi efficace et uniforme que possible, et apporter des réponses appropriées aux évolutions constatées dans les domaines économique, social, culturel et technique, tout en maintenant un équilibre entre les droits des artistes-interprètes et des producteurs de phonogrammes, d'une part, et l'intérêt public, en général, d'autre part.

Ce traité a déjà été signé par la Communauté européenne et ses Etats membres, dont la France, le 9 octobre 1997. M. Christian Cambon, rapporteur, a précisé que, pour permettre à la Communauté européenne de remplir les obligations du traité et de le ratifier, la directive précédemment évoquée de 2001, sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information avait été adoptée. Il s'est félicité de ce que notre pays soit en mesure de ratifier ce traité, puisque son code de la propriété intellectuelle intègre déjà les règles de protection prévues par ce traité.

M. Christian Cambon a rappelé que le traité de l'OMPI sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes était entré en vigueur le 20 mai 2002, après sa ratification par trente Etats, conformément à son article 30.

Le rapporteur a fait valoir que la ratification de ce texte par la France permettra aux artistes et producteurs de phonogrammes de bénéficier d'une protection accrue au niveau international, et facilitera donc la diffusion et le rayonnement de la culture française.

Puis il a évoqué le traité sur le droit d'auteur, dont l'objet principal est d'adapter à l'ère numérique le droit d'auteur établi par la convention de Berne pour la protection des oeuvres littéraires et artistiques, dans sa rédaction issue de l'Acte de Paris du 24 juillet 1971.

M. Christian Cambon, rapporteur, a précisé que ce traité répondait à plusieurs objectifs : développer et assurer la protection des auteurs et de leurs oeuvres d'une manière aussi efficace et uniforme que possible, instituer de nouvelles règles, et préciser certaines règles existantes liées aux techniques de l'information et de la communication, tout en maintenant un équilibre entre les droits des auteurs et l'intérêt public en général. Il s'est félicité de ce que ce texte souligne la particulière importance que revêt la protection du droit d'auteur pour l'encouragement de la création artistique.

M. Christian Cambon a rappelé que ce texte améliorait la protection établie par la convention de Berne en créant des droits exclusifs, un droit de communication au public, un droit de distribution et un droit de location. Il donne également des moyens nouveaux pour renforcer l'efficacité de la protection, en créant des règles relatives aux mesures techniques de protection et d'information sous forme électronique.

Soulignant que ce traité avait été signé par la Communauté européenne et ses Etats membres, dont la France, qui l'a signé le 9 octobre 1997, le rapporteur a fait valoir que, comme pour le texte précédent, notre pays avait satisfait aux obligations résultant du traité par l'adoption de la loi DADVSI.

Rappelant que ce traité sur le droit d'auteur était entré en vigueur le 6 mars 2002, après sa ratification par trente Etats, conformément à son article 21, M. Christian Cambon a fait valoir que la ratification par la France de ce texte permettra aux oeuvres de notre pays de bénéficier d'une protection accrue au niveau international et facilitera, par conséquent, leur diffusion et le rayonnement de la culture française.

Le rapporteur a conclu en soulignant que notre pays disposait déjà d'une législation plus protectrice, pour les auteurs et artistes interprètes, que les stipulations contenues dans les deux traités, et que leur ratification ne modifiera donc pas notre droit interne. Elle permettra, en revanche, à la France de rejoindre le mouvement impulsé au sein des nations occidentales pour actualiser et élargir les compétences de l'OMPI, et a donc proposé d'adopter les projets de loi.

La commission, suivant l'avis du rapporteur, a adopté les deux projets de loi et proposé que leurs textes fassent l'objet d'une procédure d'examen simplifiée en séance publique.

Traités et conventions - Bureau international des poids et mesures - Examen du rapport

Puis la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Gérard Roujas sur le projet de loi n° 351 (2007-2008) autorisant l'approbation d'un accord relatif au siège du Bureau international des poids et mesures et à ses privilèges et immunités sur le territoire français.

M. Gérard Roujas, rapporteur, a précisé que le Bureau international des poids et mesures (BIPM) était une organisation internationale chargée d'assurer l'uniformité mondiale des mesures, en liaison avec les laboratoires de métrologie des Etats membres de la Convention du Mètre.

Cette Convention, réunie à Paris en 1875, compte aujourd'hui 51 membres, dont la majorité des Etats industrialisés.

Le BIPM a été institué par cette Convention comme une structure permanente permettant à ses membres de mener des actions concertées en matière d'unités de mesure.

Le siège du BIPM est situé en France, à Sèvres. Un accord a formalisé, en 1969, les privilèges et immunités dont bénéficie le BIPM sur le territoire français. Le présent texte, établi sur la demande du BIPM, vise à actualiser cet accord de 1969, en le complétant dans le domaine des immunités de juridiction, et en instituant l'inviolabilité de ses archives.

Signé le 7 juin 2005, il a été assorti d'un échange de lettres effectué en juillet 2007, entre le Président du Comité international des poids et mesures et le Ministère des Affaires étrangères, pour intégrer des précisions juridiques requises par le Conseil d'Etat.

La demande d'actualisation formulée par le BIPM tient à ce que l'accord de siège initial s'inscrivait dans un contexte où le risque potentiel, pour cet organisme, de causer des dommages à des tiers susceptibles d'engager sa responsabilité, notamment contractuelle, ne paraissait pas de grande ampleur. Telle est la raison pour laquelle le texte de 1969 ne prévoyait pas d'immunité de juridiction au profit du BIPM.

M. Gérard Roujas, rapporteur, a rappelé que les besoins du commerce international, ajoutés à de nouvelles exigences en matière de traçabilité des mesures, avaient conduit le BIPM à fournir de nouveaux services utilisés directement par l'industrie, et par les laboratoires de réglementation de nombreux pays. C'est le développement de ces activités, impliquant la conclusion d'accords et de contrats avec des tiers, qui avait incité le BIPM à solliciter, en 2003, le renforcement de ses immunités juridiques.

La révision de l'Accord de 1969, finalisée en 2005, a donc adapté le régime de privilèges et immunités existant, en complétant l'immunité d'exécution par l'octroi d'une immunité de juridiction partielle, et en conférant le statut d'inviolabilité aux archives du BIPM.

Ces stipulations reprennent des clauses figurant dans tous les accords conférant des privilèges à des organisations internationales.

Il s'agit donc là d'un alignement du texte de 1969 sur le droit commun du statut des organisations internationales.

Par ailleurs, le présent texte instaure une immunité de juridiction partielle au profit du BIPM, sur le modèle des accords de siège conclus récemment entre la France et des organisations internationales, comme la Communauté du Pacifique, en 2003, ou ITER (International thermonuclear experimental reactor), en 2007.

M. Gérard Roujas, rapporteur, a conclu en soulignant que le texte visait donc à aligner le statut accordé par l'accord de siège au BIPM sur les stipulations les plus récentes en vigueur dans ce domaine. Le statut de ce Bureau, qui était encore considéré, lors de la conclusion de l'accord de siège initial, en 1969, comme un organisme plus scientifique qu'opérationnel, devait être modernisé, car la métrologie est devenue un élément à part entière des échanges commerciaux dans le monde.

Il a proposé, en conséquence, l'adoption du projet de loi.

M. Josselin de Rohan, président, s'est enquis des raisons du nombre réduit de pays adhérents à la Convention du Mètre.

M. Gérard Roujas, rapporteur, a précisé que cette Convention regroupait 51 Etats membres, et 27 Etats associés, car, seuls, les Etats les plus avancés économiquement ressentaient le besoin de la rejoindre.

Puis la commission a, suivant les conclusions du rapporteur, adopté le projet de loi et proposé que ce texte fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifiée en séance publique.

Demande de saisine pour avis et nomination d'un rapporteur pour avis

Enfin, la commission a décidé de se saisir pour avis du projet de loi constitutionnelle n° 365 (2007-2008), adopté par l'Assemblée nationale, sur la modernisation des institutions de la Ve République et a désigné M. Josselin de Rohan rapporteur pour avis sur ce texte.

Mercredi 4 juin 2008

- Présidence de M. Josselin de Rohan, président. -

Politique étrangère et européenne - Audition de M. Alain Juppé, président de la Commission du Livre Blanc sur la politique étrangère et européenne de la France

M. Josselin de Rohan, président, a tout d'abord rappelé l'objectif du Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France d'offrir, sur la base d'une analyse du contexte international et de ses évolutions prévisibles à l'horizon 2020, une vision à la diplomatie française, de ses priorités et de ses moyens. Il a évoqué également la complémentarité des travaux entre la Commission du Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France et ceux de la Commission du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. Il a également rappelé que deux sénateurs membres de la commission avaient participé aux travaux : Mme Catherine Tasca et M. Jean-François Poncet. Il a déclaré que le rapport d'étape rendu fin mars dernier, avait été communiqué au Parlement.

M. Alain Juppé, coprésident de la Commission du Livre blanc, a tout d'abord rappelé les termes et le calendrier de la mission qui lui avait été confiée, ainsi qu'à M. Louis Schweitzer, par le ministre des affaires étrangères et européennes, M. Bernard Kouchner, sur la base d'une lettre du Président de la République du 25 août 2007 sur les missions prioritaires de l'action extérieure de la France et les conséquences à en tirer du point de vue de l'organisation. Il a également rappelé que la Commission était composée de quarante membres venant d'horizons très divers de la société française. Il a insisté sur le fait que les membres de la commission s'étaient efforcés de travailler de façon la plus concertée possible avec la Commission du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, mais aussi avec la révision générale des politiques publiques (RGPP), ce qui avait permis non seulement d'éviter les contradictions mais de s'assurer de la complémentarité de ces différents travaux. Il a également souligné le caractère novateur du Livre blanc sur la politique extérieure. Il a souligné que l'exercice ne consistait pas à redéfinir la politique étrangère de la France, ce qui relève du Président de la République, mais, à la lumière des évolutions prévisibles de l'environnement international de la France à un horizon de dix à quinze ans, d'envisager les adaptations possibles et souhaitables de notre outil diplomatique. M. Alain Juppé a encore indiqué que le rapport ferait l'objet d'une dernière révision en séance plénière le 25 juin et serait remis officiellement au Président de la République et au ministre des affaires étrangères et européennes mi-juillet.

M. Alain Juppé a ensuite décrit les différents thèmes abordés par ce rapport. Dans une première partie, le rapport traite la question des nouveaux défis que doit relever notre action extérieure face à la mondialisation. Il a présenté la mondialisation comme un phénomène ambivalent qui présente de nombreuses opportunités, mais aussi des risques et n'exclut pas la persistance des rapports de puissance entre Etats, dans un monde multipolaire.

Dans une deuxième partie, le rapport décrit les cinq grandes priorités à assigner à notre politique étrangère et européenne et les plans d'actions associés. La première de ces priorités doit être d'assurer la sécurité de la France et des Français, défendre et promouvoir leurs intérêts. Il s'agit ensuite de construire avec nos partenaires une Europe forte, démocratique et efficace et de faire un acte de conviction et de confiance dans la construction européenne qui est un des moyens pour la France d'affirmer son influence dans le monde et de tirer le meilleur parti de la mondialisation. La troisième priorité est de contribuer à organiser la mondialisation de façon à ce qu'elle soit régulée et profitable à l'ensemble de la planète. La quatrième priorité doit être d'agir dans le monde pour la paix, les droits de l'Homme et le développement durable. Il s'agit d'un sujet difficile sur l'universalisme des droits de l'Homme. Enfin, la dernière priorité est d'assurer la présence des idées, de la langue et de la culture françaises partout dans le monde.

M. Alain Juppé, président de la Commission du Livre blanc, a ensuite décrit la troisième partie du rapport qu'il a considérée comme étant la plus novatrice et qui portera sur l'action extérieure de la France, le fonctionnement du ministère des affaires étrangères et sur l'organisation de notre diplomatie. A cet égard, il a évoqué, en préalable, le fait qu'il y avait un vrai malaise dans le corps diplomatique et l'encadrement du quai d'Orsay quant à l'utilité des diplomates aujourd'hui et le déroulement de leur carrière.

M. Alain Juppé a ensuite indiqué que le premier axe de réforme devait être mené en affirmant l'attachement du rôle interministériel du ministère des affaires étrangères et des affaires européennes. Il a considéré que si le Quai d'Orsay n'avait pas le monopole de l'action extérieure de l'Etat, il devait néanmoins en rester pilote, c'est-à-dire le lieu où l'inter-ministérialité de l'action de la France doit être assurée. Dans cette perspective, il a indiqué que la Commission avait proposé la création d'un conseil de l'action extérieure, pendant du conseil de défense sous la présidence du président de la République, et dont le secrétariat devrait être assuré par le Quai d'Orsay. En second lieu, il a indiqué le souhait de la Commission de réaffirmer que l'ambassadeur est le coordinateur local de l'action des services de l'Etat. Evoquant le parallèle entre les ambassadeurs et les préfets établi par la RGPP, il a indiqué que sans aller jusqu'à confondre les rôles, il fallait que les ambassadeurs aient autorité sur l'ensemble des services présents dans le pays de résidence, y compris ceux du ministère de l'économie et des finances et que soit même envisagée une fusion des services. En troisième lieu, s'agissant du fonctionnement de l'administration centrale, la Commission souhaite voir se mettre en place une grande direction des affaires économiques, de la mondialisation et du développement qui aurait une mission transversale plus cohérente et récupérerait toutes les compétences du ministère en matière de développement. Enfin, il a indiqué que la Commission souhaitait un renforcement de la « géographisation » du ministère, c'est-à-dire la nécessité de renforcer les directions géographiques, en général, et la direction des affaires européennes, en particulier. Il a encore indiqué que le Secrétariat général des affaires européennes (SGAE), tout en demeurant au service du Premier ministre, devait pouvoir s'appuyer sur un Quai d'Orsay particulièrement efficace.

M. Alain Juppé a ensuite évoqué la nécessité de reconsidérer la dimension du réseau d'ambassades et de consulats qui est le second réseau au monde. La Commission avait souhaité réaffirmé le caractère universel du réseau diplomatique français. Fermer les 20 plus petites ambassades ne représenterait pas d'économies substantielles. En revanche, il lui a semblé souhaitable d'établir plus clairement une hiérarchie entre trois principaux types d'ambassades : les grandes ambassades polyvalentes qui assument la totalité des fonctions diplomatiques, dont pour certaines les effectifs importants mériteraient d'être justifiés ; les postes à compétence ciblée, à vocation notamment économique en direction des pays émergents ; enfin les postes « d'influence politique » qui n'emploieraient que quelques agents en plus de l'ambassadeur. S'agissant de l'Union européenne, il a évoqué la question de savoir si le réseau des ambassades bilatérales y restait pertinent. Il a répondu positivement à cette question, considérant que les ambassades bilatérales conservaient toute leur légitimité et devaient avoir un rôle important d'influence et de persuasion. En revanche, il a considéré qu'il n'en allait pas de même pour notre réseau consulaire dont il fallait reconsidérer le déploiement actuel.

M. Alain Juppé a enfin évoqué la question des ressources humaines du Quai d'Orsay, qui, aux yeux de la Commission, ne sont pas gérées de façon efficace. Dans cette perspective, il a manifesté le souhait de voir renforcer la formation initiale des diplomates, notamment en matière de négociations, de communication, de gestion des crises et de maîtrise des langues étrangères. Cette réforme doit également être axée autour de deux maîtres mots : l'ouverture et la mobilité. L'ouverture c'est la capacité d'accueillir en son sein des compétences dont le ministère ne dispose pas, en particulier dans le domaine culturel ou le domaine économique. La mobilité, c'est ouvrir à des diplomates de nouvelles possibilités d'emplois vers l'extérieur. Il a ensuite déclaré qu'il fallait améliorer la communication du ministère, car si les Français ne s'intéressent pas suffisamment à la politique extérieure à l'instar de ce qui se fait au ministère de la défense, c'est aussi parce qu'on ne leur en parle pas suffisamment. Pour terminer, M. Alain Juppé s'est interrogé sur la proportion et les limites de l'externalisation de certaines fonctions opérationnelles du Quai d'Orsay. Il a indiqué, à cet égard, qu'en matière d'aide au développement c'était déjà quasiment fait, par le truchement de l'Agence française de développement, et que le questionnement de la Commission concernait essentiellement le domaine culturel. La Commission du Livre blanc s'est déclarée favorable à l'externalisation, en posant toutefois deux conditions : il faut qu'elle se traduise par une amélioration en termes de performances ; il faut qu'elle puisse laisser à l'administration de référence, les moyens d'un pilotage stratégique.

M. Josselin de Rohan, président, s'est interrogé sur l'opportunité de recréer une filière spécifique au sein de l'école nationale d'administration de la formation des futurs diplomates.

M. Alain Juppé a indiqué que cette question avait été traitée sous l'angle de la formation du jeune diplomate à l'issue de sa scolarité, notamment en matière linguistique.

M. Xavier Pintat s'est interrogé sur le rôle du ministère des affaires étrangères dans les phases de sortie de crise et de reconstruction. Il a indiqué que le rapport d'étape de la commission du Livre blanc préconisait la création d'un centre opérationnel de veille et d'appui à la gestion de crise. Soulignant la nécessité d'une approche globale des crises, il a souhaité savoir quel serait le positionnement de ce centre.

M. Alain Juppé a estimé que le ministère des affaires étrangères remplissait son rôle en matière de prévention et de gestion des crises, mais que la France était assez largement absente des phases de reconstruction et n'en tirait pas parti sur le plan économique. Il s'agit par conséquent de doter la France d'un organe spécifique qui devra disposer de capacités d'intervention, ce qui supposera des réaffectations de crédit.

Mme Catherine Tasca, représentante du Sénat au sein de la Commission du Livre blanc sur la politique étrangère, a exprimé son inquiétude à l'égard d'une évolution prévue pour l'administration centrale du ministère des affaires étrangères qui consiste à déléguer certaines fonctions à des opérateurs. Elle s'est interrogée sur la possibilité de donner un contenu plus précis à la notion du pilotage, soulignant que cette notion devait caractériser d'une façon générale l'action politique.

M. Alain Juppé a fait part de ses propres interrogations sur cette notion de pilotage stratégique. Il a considéré que si l'opérateur était efficace, il prenait assez naturellement son autonomie dans un processus qui n'était pas propre au ministère des affaires étrangères. Un autre aspect de cette question concerne le pilotage par les postes diplomatiques et le rôle de l'ambassadeur à l'égard de l'opérateur. Le contrat d'objectifs et de moyens constitue une première réponse à la condition d'être resserré dans le temps, de comporter des objectifs précis et de donner lieu à une évaluation.

M. Hubert Haenel s'est interrogé sur le positionnement du secrétariat général pour les affaires européennes (SGAE), considérant qu'il devait être maintenu sous l'autorité du Premier ministre, mais qu'il devait être valorisé dans son rôle d'arbitrage interministériel. A cet égard, le ministre délégué aux affaires européennes devrait peut-être lui aussi être placé auprès du Premier ministre. Il a ensuite regretté que les ambassadeurs bilatéraux au sein de l'Union européenne soient parfois dépourvus d'éléments de langage pour expliquer les positions françaises. Il a souhaité qu'une dominante de carrière puisse être mise en place pour les ambassadeurs au sein de l'Union européenne.

M. Alain Juppé a fait valoir que les capacités d'arbitrage dépendaient également des hommes et pas seulement des structures. Il a souhaité que la mission et les moyens d'informer sur les positions françaises soient donnés aux ambassadeurs bilatéraux pour qu'ils puissent être mobilisés dans cet esprit.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam s'est interrogée sur l'évolution du réseau consulaire en Europe et sur la formation des diplomates, notamment en langues.

M. Alain Juppé a souligné que les missions des consulats de protection des citoyens, d'état civil, de notariat et d'aide sociale s'étaient fortement réduites au sein de l'Union européenne et pourraient être remplies par la création à Nantes d'une préfecture des Français de l'étranger, ce qui est du reste proposé par la RGPP. Le réseau consulaire devra être redéfini en conséquence. Le risque a été souligné, dès le rapport d'étape de la Commission du Livre blanc que la France n'ait plus les moyens de ses ambitions devant la réduction du budget du ministère. Evoquant la formation des diplomates, il a estimé que la formation européenne de même que la formation internationale et linguistique devaient être renforcées au sein de l'ENA.

M. Didier Boulaud s'est interrogé sur le regroupement des postes entre Etats européens dans des pays tiers.

M. Alain Juppé a indiqué que ces regroupements étaient souhaitables mais n'étaient pas sans susciter des difficultés.

M. Jean-Louis Carrère s'est interrogé sur le devenir du Livre blanc et sur l'articulation entre le ministère des affaires étrangères et le ministère de la défense en matière d'anticipation.

M. Alain Juppé a rappelé que le Livre blanc sur la politique étrangère ne serait pas soumis au même processus de validation et de mise en oeuvre que celui sur la défense et la sécurité nationale. Sa mise en oeuvre dépendra du ministre des affaires étrangères et la Commission propose l'institution d'un comité de suivi. La fonction d'anticipation est assurée au sein du ministère par les directions géographiques. La commission propose le renforcement du centre d'analyse et de prévision.

M. Robert del Picchia s'est interrogé sur la diffusion du Livre blanc. Il a indiqué que le rôle des consulats en Europe s'était effectivement amoindri, rendant hommage à la qualité du travail accompli à Nantes. Il a en revanche considéré que les mutualisations avec d'autres pays européens suscitaient de réelles difficultés en raison des différences de langue, mais aussi de compétence des agents. Il a souhaité que le Livre blanc rappelle la nécessité pour les diplomates d'entretenir des relations de qualité avec les élus des Français de l'étranger.

M. Alain Juppé a précisé que le Livre blanc serait édité. Il a estimé que tout bon ambassadeur se devait d'être attentif aux élus.

M. Jean-Pierre Fourcade s'est interrogé sur la façon dont le Livre blanc traitait de la question du renseignement. Il a souhaité savoir quelle serait l'évolution du réseau de l'Alliance française.

M. Alain Juppé a souligné qu'un ambassadeur se devait de disposer des renseignements transmis par et à la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE). Il a indiqué que la commission proposait la fusion des services et des centres culturels en un ensemble unique. Quant à l'Alliance française, elle gère son réseau en totale autonomie et il convient de lui laisser cette liberté de manoeuvre.

M. André Trillard a souligné l'intérêt d'une solution européenne dans les Etats où la France ne dispose pas de représentation diplomatique, à l'exemple de la Sierra Leone.

M. Alain Juppé a considéré que devant l'augmentation du nombre des expatriés français, il convenait d'être attentif à l'évolution du réseau et aux possibilités de mutualisation européenne de la représentation.

M. Robert Hue s'est interrogé sur la traduction budgétaire des réformes proposées par la commission du Livre blanc sur la politique étrangère.

M. Alain Juppé a précisé que le rôle de la Commission n'était pas de déterminer le budget triennal du ministère et qu'en conséquence elle n'avait pas chiffré ses propositions, au demeurant peu coûteuses. Il a souligné que la stabilité des moyens était l'hypothèse minimale alors que des Etats comme le Royaume-Uni ou l'Allemagne augmentent les moyens de leur ministère des affaires étrangères. La Commission a particulièrement insisté sur le fait que le niveau actuel du budget constituait un étiage au-delà duquel il ne sera pas possible d'aller sans remettre en cause notre ambition européenne et internationale.

M. Yves Pozzo di Borgo a souligné l'importance des échanges universitaires en matière internationale. Il a souhaité l'accroissement de la présence française dans les pays émergents.

M. Alain Juppé a rappelé que le ministère des affaires étrangères n'avait pas le monopole de l'action extérieure, également exercée entre autres par les universités ou encore la coopération décentralisée. Il lui revient en revanche un rôle de coordination et de soutien. Dans les pays émergents, l'accent est mis sur une présence économique.

M. Christian Cambon a souligné l'importance d'une meilleure centralisation des données relatives à la coopération décentralisée et a souligné le besoin de coordination dans ce domaine.

M. Alain Juppé a confirmé toute l'utilité de la structure du ministère des affaires étrangères chargée de cette mission, quoiqu'il doive s'agir plutôt d'un rôle de coordination que de centralisation.

En conclusion, M. Josselin de Rohan a indiqué que la Commission constituerait également un comité de suivi particulièrement attentif pour la mise en oeuvre des propositions du Livre blanc.

Jeudi 5 juin 2008

- Présidence de M. Robert del Picchia, vice-président. -

Politique étrangère - Conférence de Paris sur l'Afghanistan - Réunion avec une délégation de parlementaires afghans

La commission a reçu une délégation de parlementaires afghans dans le cadre de la préparation de la Conférence de Paris.

M. Robert del Picchia, président, a tout d'abord rappelé que cette visite s'inscrivait dans le cadre du programme organisé par la division de diplomatie publique de l'OTAN et dans le contexte de la conférence ministérielle de Paris sur l'Afghanistan, qui se tiendra le 12 juin prochain. Cette conférence sera coprésidée par la France, l'Afghanistan et les Nations unies. Un tel engagement est un signe fort que l'Afghanistan est un enjeu essentiel pour la France, tant par solidarité avec le peuple afghan qu'avec la communauté internationale.

Il a souligné l'engagement du Parlement français vis-à-vis du Parlement afghan et rappelé qu'une délégation de la commission s'était rendue en Afghanistan, du 26 avril au 2 mai, afin d'évaluer sur place la situation, sous l'aspect sécuritaire et militaire, mais aussi sous celui du développement et de la diplomatie. De cette mission, il ressort que le succès ou l'échec de la communauté internationale dépendra de la capacité des alliés et du gouvernement afghan à mieux coordonner le pilier militaire, le pilier développement, le pilier gouvernance et le pilier diplomatique qui, aujourd'hui, ne se trouvent pas approfondis au même degré.

Il s'est félicité de ce que la conférence de Paris se focalise sur le lancement de la stratégie pour le développement, l'Afghanistan national development strategy (ANDS), et se penche très sérieusement sur l'efficacité de l'aide et sur sa coordination.

M. Amanullah Payman, vice-président de l'assemblée afghane, qui conduisait la délégation, s'est félicité de l'excellence des liens entre les Parlements français et afghan. Il a souligné la forte implication de la France, dont témoignait la décision récente du président de la République d'envoyer de nouvelles troupes afin de contribuer à la paix et à la stabilisation du pays. Il a rappelé les différents domaines de coopération dans lesquels la France intervenait.

Il a insisté sur les défis sécuritaires auxquels le pays devait faire face, avec la montée du terrorisme et l'opposition des talibans, ainsi que le trafic de stupéfiants. Il a souligné l'urgence d'une meilleure coordination de l'aide, seule susceptible de réduire la violence. La lutte contre la pauvreté, et donc le développement, constitue l'élément-clé de la sécurité, mais aussi de la lutte contre la production de pavot. Il s'est montré optimiste pour l'avenir, notamment dans le cadre des perspectives qu'ouvrira la conférence de Paris du 12 juin prochain.

M. Mohammad Daud Sultanzoi, président de la commission économique, a également souligné l'excellence des relations entre les deux pays. Il a particulièrement insisté sur l'urgence de mieux homogénéiser les actions dans les domaines de la sécurité et du développement, qui doivent progresser d'un même pas pour que soit trouvée une solution à l'insécurité.

Il a remarqué que le gouvernement afghan portait une part importante de responsabilité dans la situation actuelle, du fait de sa faiblesse et des difficultés de mise en oeuvre de ses propres décisions. Les aides financières apportées par la communauté internationale sont très importantes en volume, mais peu efficaces et mal distribuées. Il convient, pour en améliorer l'efficacité, de mettre en place un suivi et un contrôle de sa répartition au moyen d'indicateurs fiables.

Il a souhaité que l'effort porte sur l'organisation des élections présidentielles afin d'assurer leur neutralité, condition indispensable pour rétablir la confiance dans le caractère démocratique du système politique afghan.

M. Robert del Picchia s'est interrogé sur l'absence de coordination et d'efficacité de l'aide internationale et a souhaité savoir qu'elle était la hiérarchie des priorités qu'établissait la délégation afghane.

M. Mohammad Daud Sultanzoi a indiqué que le premier problème auquel la société afghane devait faire face était celui de la corruption interne et internationale, qui touchait tous les échelons de la société. Cette question est centrale pour améliorer l'efficacité de l'aide.

M. Sayed Mohammad Farooq Mairani, membre de la commission des plaintes, a rappelé qu'après 30 ans de guerre, le pays était complètement détruit et que toutes les infrastructures matérielles et humaines avaient disparu. Beaucoup de progrès ont été faits depuis, grâce, en partie, à l'aide internationale, et l'Afghanistan arrive aujourd'hui à un degré d'autonomie satisfaisant, même si beaucoup de travail reste à accomplir.

Il a fait remarquer qu'une partie extrêmement importante de l'aide était absorbée par le gouvernement, les ONG et d'autres institutions, de sorte que les fonds n'arrivent pas auprès de ceux qui en ont le plus besoin, c'est-à-dire des citoyens. Il est nécessaire d'augmenter le degré de contrôle, mais aussi le niveau global de l'aide, et de responsabiliser le Gouvernement et les Nations unies afin que la population voie ses besoins vitaux satisfaits. Il a appelé le Parlement français à envoyer des observateurs pour le contrôle des élections présidentielles.

M. André Dulait, rappelant sa récente visite en Afghanistan avec le ministre des affaires étrangères français, a indiqué que la France n'était pas en guerre en Afghanistan, mais faisait la guerre aux côtés des afghans contre le terrorisme. Il s'est interrogé sur l'ordre des priorités en matière de développement et sur la hiérarchie des besoins entre le développement agricole, la santé, l'éducation et les infrastructures. Il a demandé des précisions sur le rôle des ONG dont le fonctionnement semblait mis en doute par la délégation.

M. Ahmad Wahid Khan Tahiri, membre de la commission sur les affaires intérieures, a rappelé les deux facteurs d'insécurité en Afghanistan : l'intervention des pays voisins et la pauvreté qui affecte le peuple afghan. Il a fait remarquer qu'il n'existait pas, il y a cinq ans, de forces de police, pas d'armée ni de forces de sécurité en général. D'importants progrès ont donc été réalisés depuis cette date. Néanmoins, cette situation a permis aux talibans de prendre pied dans le pays et de développer des actions terroristes contre le peuple et l'OTAN. Le premier besoin consiste à former la police et à doter les forces de sécurité d'armements et de matériels qui leur permettent de lutter efficacement contre ce terrorisme.

La seconde priorité est de conduire le pays vers l'autosuffisance dans tous les domaines, agricole, industriel etc. Cet objectif ne peut être atteint que par une forte implication des partenaires étrangers. Ces coopérations permettront la création d'emplois et l'intégration de la population dans le circuit économique, ce qui les détournera mécaniquement du terrorisme et de l'opposition où la pauvreté pousse certains.

M. Sardar Mohammad Rahman Aughli, président de la commission de la santé, du sport, de la jeunesse et du travail, s'est montré convaincu que le peuple afghan doit aboutir à l'autonomie par ses propres efforts. L'affectation de l'aide internationale doit être orientée vers les besoins du peuple afin de créer un climat de confiance. Cela n'a pas été le cas jusqu'à présent, ce qui justifie pleinement l'instauration d'un système de contrôle de la distribution de l'aide, tant au niveau du gouvernement afghan qu'au niveau international.

Mme Nasima Niazi, membre de la commission pour l'éducation, a remercié la France pour la formation des femmes parlementaires dont elle a pu déjà bénéficier. Elle a souligné que la première priorité était la sécurité. Les régions où existe un climat persistant d'insécurité connaissent un blocage complet du développement économique et sont confrontées à une impossibilité de faire parvenir les aides à ses destinataires. Cette situation engendre un phénomène de corruption. Par ailleurs, l'ingérence des pays voisins a des effets pervers qui accroissent le climat d'insécurité.

Après la sécurité, la seconde priorité porte sur l'augmentation de la productivité en matière agricole et sur la mise en place des systèmes de production d'énergie. En troisième lieu, la lutte contre le fléau de la drogue constitue également une urgence, puisqu'elle finance le terrorisme et favorise la corruption.

S'agissant des futures élections présidentielles, prévues en 2009, elle s'est affirmée convaincue que, si des efforts significatifs sont faits sur la formation et l'équipement de la police, les afghans seront en mesure de les surveiller eux-mêmes. Elle a souligné que la sécurité était la condition première du développement économique et de la démocratie.

M. Sayed Mahmood Hussam Gaylani, membre de la commission des transports, des télécommunications, de l'urbanisme, de l'eau et de l'énergie, a indiqué qu'il existait, selon lui, trois priorités pour l'Afghanistan. La première est bien évidemment la sécurité. La seconde est de pallier les insuffisances considérables en matière énergétique. Cette question peut être réglée par la construction de barrages, sachant que les besoins sont estimés à une production de 35 000 MW. La construction de ces ouvrages hydroélectriques permettrait également le développement de l'irrigation nécessaire à l'agriculture et à la création d'emplois dans ce domaine. Il a souligné qu'il n'existe pas, à ce jour, de véritable stratégie ni de planification. Les importations de générateurs diesel servent essentiellement, à Kaboul, pour la fourniture d'électricité des hôtels, des ONG et des locaux du gouvernement. La troisième priorité consiste à contrôler l'aide et son affectation. Il a souligné l'inefficacité des ONG, auto consommatrices des aides qu'elles sont censées dispenser à la population. Il a appelé à un véritable plan Marshall de développement pour l'Afghanistan.

Mme Hawa Alam Noorstani, membre de la commission des affaires internationales, a également rappelé que le problème de la sécurité était majeur pour la reconstruction. Elle a particulièrement insisté sur la question de la santé et la situation des femmes afghanes. Elle a souligné que la guerre et la violence n'avaient pas permis, à ce jour, l'affirmation du rôle familial de la femme afghane. Outre la déperdition dans le système d'aide, elle a souligné que la pauvreté était le problème essentiel qui poussait une certaine partie de la population pour survivre à des actes répréhensibles.

En conclusion, M. Robert del Picchia, président, et M. Amanullah Payman se sont montrés confiants dans les résultats de la conférence de Paris, qui doit contribuer, en rendant les aides plus efficaces et en en augmentant leur volume, à lutter efficacement contre la pauvreté, indiscutablement l'une des causes majeures de l'insécurité en Afghanistan.