Mercredi 18 juin 2008

- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président.

Transports - Transports ferroviaires - Audition de M. Hubert du Mesnil, président de Réseau Ferré de France

La commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Hubert du Mesnil, président de Réseau Ferré de France (RFF).

M. Hubert du Mesnil, président de RFF, après avoir rappelé que cet établissement public comptait 900 personnes en France réparties sur 12 unités régionales et connaissait une croissance régulière, a insisté sur l'avantage dont bénéficie actuellement le transport ferroviaire sur les autres modes de transport. Après avoir indiqué que le trafic de voyageurs profitait de reports modaux importants compte tenu de la hausse du coût de l'utilisation de l'avion ou de la voiture, il a précisé que le trafic de fret enregistrait une forte croissance ces dernières années, la branche fret de la SNCF amorçant un redressement de son activité depuis le début de l'année.

Abordant le thème du développement des ports autonomes français, il a fait valoir que les autorités portuaires étaient désormais responsables des réseaux ferroviaires à l'intérieur de leur circonscription, RFF devant néanmoins assurer l'acheminement des marchandises dans toute la France. Il convient en outre d'assurer le plus en amont possible l'intégration des réseaux ferrés, fluviaux et routiers dans le développement des ports français afin de tirer les leçons des difficultés rencontrées par le projet de Port 2000. Parallèlement au projet de loi portant réforme portuaire et aux conclusions du Grenelle de l'environnement, RFF a proposé de réserver des sillons au trafic des marchandises traité par les ports.

M. Hubert du Mesnil, président de RFF, a insisté sur la nécessité de ne pas focaliser le débat initié par le Grenelle de l'environnement sur la création de 2.500 kilomètres de lignes nouvelles, mais plutôt de mettre l'accent sur le renouvellement et l'entretien du réseau actuel. En effet, seul, le renouvellement des lignes permettra de faire baisser à terme les coûts d'entretien qui mobilisent aujourd'hui une part importante du budget de RFF. Concernant la question des dessertes de proximité, il a souligné l'importance d'assurer un service adapté aux besoins de celles des entreprises françaises présentes dans les zones mal desservies, afin d'éviter les délocalisations ou le recours massif au mode de transport routier. Soulignant l'obligation de réinventer le mode de transport ferroviaire pour le fret, il a rappelé l'intérêt pour les communes de relayer les attentes des entreprises confrontées à des difficultés de transport. Il a ensuite appelé de ses voeux une rénovation ambitieuse du réseau ferré afin d'éviter le ralentissement des trains de fret, voire la fermeture de nombreuses lignes. D'ici à 2010, 1,5 milliard d'euros par an sera consacré au renouvellement des lignes, tandis que l'objectif de RFF est de bénéficier, entre 2010 et 2015, de 2 milliards d'euros par an, à raison de 1.000 kilomètres de lignes chaque année.

Quant à la question du commandement centralisé du réseau, il a indiqué que les 1.700 postes actuels devaient à terme être remplacés par une vingtaine de postes centralisés, à l'instar de ce qui se fait partout ailleurs en Europe. Il a ensuite plaidé pour que le Gouvernement établisse une feuille de route fixant à RFF des objectifs contractualisés, clairs et pluriannuels. Ils doivent tenir compte des contraintes imposées par la dette de RFF mais sans porter atteinte au renouvellement, à l'entretien et au développement du réseau ferré.

M. Francis Grignon, après avoir rappelé qu'il avait été le président d'une mission d'information décidée par la commission des affaires économiques et consacrée au financement des infrastructures de transports terrestres, a considéré que l'Agence de financement des infrastructures de transports en France (AFITF) devait bénéficier d'un budget de 3 milliards d'euros par an pour réaliser les objectifs du Grenelle de l'environnement. Or aujourd'hui, seul, 1 milliard d'euros est assuré au travers du produit de cession des sociétés concessionnaires, des dividendes routiers et de la redevance domaniale. Le projet de loi de programme relatif à la mise en oeuvre du Grenelle, qui sera examiné à l'automne prochain par le Parlement, institue certes la taxe poids lourds, qui rapportera environ un milliard d'euros par an, mais ne sera mise en place qu'à compter de 2011. Après avoir souhaité que les travaux de renouvellement des lignes soient mieux organisés, grâce notamment à la massification des travaux et au recours au travail de nuit, il s'est demandé quelles sommes seraient économisées grâce à de telles mesures. Puis il s'est interrogé sur le bien-fondé du relèvement des péages imposé aux opérateurs du réseau ferré. Enfin, il a douté de l'intérêt d'utiliser la formule du partenariat public-privé qui ne procure, selon lui, qu'un financement plus souple et étalé dans le temps.

M. Charles Revet, après avoir rappelé l'intérêt de développer les transports collectifs dans un contexte de hausse du prix du pétrole, s'est interrogé sur l'existence d'un plan stratégique national tendant à éliminer les passages à niveau dangereux. Puis il a déploré le retard pris en France dans le développement des tram-trains. Rappelant que M. Guillaume Pépy, président de la SNCF, allait vendre pour un montant estimé d'1 milliard d'euros le patrimoine de l'entreprise, il a souhaité savoir si RFF allait s'engager dans une démarche similaire. Se référant au financement des projets du pont de Tancarville et du pont de Normandie, il a ensuite plaidé pour que les collectivités territoriales apportent des garanties financières aux projets d'infrastructure majeurs. Enfin, il a souhaité que les ports aient une conception intégrée des différents modes de transport.

M. René Beaumont, après avoir rappelé la nécessité d'assurer une cohérence entre les différents modes de transport, a regretté que le projet de TGV Strasbourg-Barcelone ait privilégié sur cette ligne la coexistence entre le transport fret et le transport TGV. Il a ensuite déploré l'abandon des infrastructures ferroviaires au sud de Bourg-en-Bresse. Enfin, il s'est déclaré dubitatif sur l'efficacité de la concertation entre les collectivités territoriales et les autorités en charge des transports, évoquant à titre d'exemple l'absence de dessertes terrestres dont souffrait l'entreprise du groupe métallurgique Mittal située sur la commune de Gueugnon en Saône-et-Loire.

M. Daniel Reiner s'est interrogé sur les dispositions du projet de loi de programme relatif au Grenelle de l'environnement relatives aux ressources de RFF. Puis il a souhaité savoir si la coexistence entre le trafic fret et le trafic voyageurs était possible sur toutes les lignes ferroviaires en France. Il a plaidé pour que les axes ferroviaires abandonnés au profit des lignes à grande vitesse soient réservés au transport de marchandises. En outre, il a souligné que, ces dernières années, le transport massifié de marchandises avait plus baissé que le trafic de « wagons isolés » -ce dernier étant source de croissance du fret ferroviaire en Allemagne. A ce sujet, il a souhaité obtenir des renseignements complémentaires sur les opérateurs ferroviaires de proximité.

Mme Evelyne Didier, se référant à la situation du réseau ferroviaire lorrain, a indiqué que la coexistence entre les TER, le trafic fret et le TGV était devenu très complexe et source d'engorgement. Elle a rappelé que le fret ne bénéficiait traditionnellement d'aucune priorité sur les sillons existants et a souhaité savoir si RFF avait modifié son approche sur ce point. Puis abordant la question des dessertes de proximité, elle s'est demandé si le prochain plan de RFF serait fondé, à l'instar de l'ancien plan, sur des critères géographiques, économiques et d'aménagement du territoire. A cette occasion, elle a plaidé pour une conservation des emprises foncières de RFF, gage à long terme d'une plus grande souplesse pour l'aménagement du territoire.

M. Claude Biwer, après avoir déploré les problèmes structurels de financement dont souffraient RFF et l'AFITF, s'est interrogé sur la peine rencontrée par les communes rurales pour attirer l'attention des pouvoirs publics sur les difficultés liées à leur enclavement. Il a ensuite exhorté RFF à tenir compte du potentiel économique dont bénéficiaient certaines régions frontalières. Après avoir indiqué que la ligne Calais-Bâle était manifestement sous-utilisée, il a rappelé que, seuls, deux TGV par jour desservaient sa région, alors que 3.000 personnes travaillent quotidiennement au Luxembourg.

M. Hubert du Mesnil, président de RFF, après avoir rappelé que le président d'Infrabel, gestionnaire de l'infrastructure ferroviaire belge, était également membre du conseil d'administration de RFF, a souligné l'intérêt de s'inspirer des initiatives de nos homologues européens et il a apporté les éléments de réponse suivants :

- les travaux de renouvellement de lignes, effectués pendant l'interruption de la circulation des trains, conduisent à des économies de 30 % en moyenne et il convient de fixer des objectifs clairs à RFF en la matière ;

- si le relèvement progressif des péages rapportera en moyenne 60 millions d'euros supplémentaires à RFF par an, cette ressource ne permettra pas à celui-ci d'engager de nouveaux travaux si le Gouvernement, compte tenu de la situation des finances publiques, décide de réduire ses autres sources de financement à due concurrence ;

- les dispositions de la future loi de programme de mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement, ne sont pas, en l'état, très explicites sur l'effort supplémentaire consenti par l'Etat pour régénérer le réseau ;

- le patrimoine foncier de RFF s'élève à environ 4 à 5 milliards d'euros et l'établissement public va vendre chaque année 300 millions d'euros d'actifs ;

- il convient d'adopter une gestion fine et optimisée du patrimoine foncier de RFF ; si les voies de stationnement pour les trains sont indispensables, leur utilisation peut être rationalisée, ce qui permettrait de libérer des emprises foncières ;

- il convient d'avoir une vision globale du transport ferroviaire en France, indépendamment des intérêts de tel ou tel opérateur et le Parlement a vocation à être un lieu de débat et de synthèse entre les différents points de vue des acteurs concernés par ce mode de transport ;

- la question de la coexistence du trafic fret et du trafic voyageurs sur certaines lignes ferroviaires n'est pas liée à un problème global de surfréquentation, puisque l'on constate une diminution du nombre de trains circulant sur les 30.000 kilomètres du réseau ferré national. Il faut renforcer le trafic fret pendant les heures creuses, entre 23 heures et 4 heures du matin, en relançant notamment les techniques de cadencement ;

- la réflexion sur la nécessité ou non de limiter la vitesse des TGV doit être déclinée pour chaque ligne, et sans a priori dogmatique ;

- afin de rééquilibrer le réseau national, de nouveaux opérateurs peuvent constituer une solution intéressante pour la reprise d'axes et de lignes délaissés par la SNCF ;

- la question des dessertes de proximité doit faire l'objet d'un débat entre RFF, la SNCF et l'ensemble des responsables locaux concernés, telles les communes, les chambres consulaires ou les entreprises ;

- la France peut s'enorgueillir d'une histoire ferroviaire exemplaire, du succès du TGV et de la réussite actuelle des TER, mais RFF doit innover et inscrire résolument sa stratégie dans une vision européenne fondée sur un marché économique unifié pour assurer la connexion entre les différents réseaux nationaux. L'organisation actuelle de RFF n'est pas un obstacle pour relever les défis à venir, dès lors que le Gouvernement lui fixe une feuille de route avec des objectifs clairs, concertés et pluriannuels.

M. Gérard Bailly a tout d'abord insisté sur l'importance des infrastructures ferroviaires de proximité, prenant l'exemple de la ligne du Haut-Jura, qui connaît aujourd'hui un grand succès, notamment touristique, alors qu'elle était considérée comme sans avenir il y a encore quelques années. Il s'est ensuite interrogé sur le volume de financements européens susceptibles d'être mobilisés pour les grands projets d'infrastructures.

Il s'est félicité du projet de branche sud du TGV Rhin-Rhône, d'une part, parce qu'il diminue les nuisances en suivant le tracé de l'autoroute et d'autre part, parce qu'il s'agit d'une ligne mixte. Il a conclu en faisant observer que la nouvelle gare située en Bresse pouvait concerner un nombre potentiel de voyageurs estimé à 160.000, ce qui atteste de l'utilité de cet équipement.

Plus généralement, il a plaidé pour la construction de lignes nouvelles, notamment pour faire face au développement des trains express régionaux et pour permettre au fret d'emprunter d'autres itinéraires que les lignes actuelles, lorsque celles-ci traversent les villes et créent de fortes nuisances sonores pour les riverains.

M. Michel Teston, évoquant la sécurité des passages à niveau après l'accident intervenu en Haute-Savoie, a fait valoir la qualité des équipements existants en Allemagne et en Suisse, beaucoup plus sûrs, tant en termes de signalisation, d'annonces par sonneries et de configuration des barrières. Soulignant ensuite que, contrairement à l'Allemagne, où l'Etat avait repris l'essentiel de la dette ferroviaire à son compte, la France avait choisi, au milieu des années 1990, de transférer cet endettement à Réseau ferré de France, il s'est interrogé sur les conséquences induites par ce choix, notamment dans les rapports entre RFF et la SNCF, et sur lesquels la Cour des comptes a récemment dressé un constat sévère.

M. Alain Fouché est revenu sur l'annonce faite il y a plusieurs mois de la suppression de lignes aériennes postales, en souhaitant savoir si elles avaient été remplacées par des trains postaux supplémentaires et si oui, dans quelles conditions. Il a ensuite souhaité obtenir des précisions sur l'état d'avancement et les perspectives du projet de lignes à grande vitesse Poitiers-Limoges-Brive.

M. Rémy Pointereau, évoquant la rénovation de 1.000 kilomètres de voies ferrées par an, a fait remarquer que cela signifiait qu'il faudrait trente ans pour régénérer l'ensemble du réseau. Il s'est demandé si l'effort supplémentaire de 400 millions d'euros par an allait permettre d'accélérer le programme, notamment dans les territoires les plus fragiles, qui sont aujourd'hui délaissés. Il a regretté l'absence d'une véritable action en matière d'aménagement du territoire. Aucune grande décision politique n'a été prise pour le désenclavement de la région Centre ou du Massif central ainsi que pour la création d'une véritable ligne ferroviaire transversale, et à l'inverse, l'essentiel des moyens est toujours concentré sur l'axe Paris-Lyon ou sur la façade Atlantique. Enfin, il a fait part de son étonnement sur la faible vitesse des trains de fret, qui ne dépassent pas en moyenne 13 kilomètres/heure, ce qui semble très insuffisant pour offrir un service véritablement compétitif.

M. Dominique Braye s'est déclaré favorable au principe de mixité des voies, à condition que celle-ci fasse l'objet d'une discussion ligne par ligne. Il a, par ailleurs, considéré comme tout à fait légitime que RFF poursuive des objectifs qui lui soient propres, mais sans aboutir à des blocages du fait d'une mauvaise articulation entre la politique de l'établissement et celle de la SNCF. Sur ce point, il a d'ailleurs fait part des très grandes difficultés rencontrées par les élus qui, lorsqu'ils souhaitent mener à bien des opérations de construction de logements sociaux, sont confrontés à une incertitude sur le point de savoir si l'interlocuteur en matière d'emprise foncière est RFF ou la SNCF.

M. Daniel Dubois, tout en approuvant les propos déjà tenus sur l'aménagement du territoire ou la mixité des lignes, a souligné le caractère stratégique de la question des partenariats entre les acteurs locaux et les entreprises ferroviaires. Il a toutefois souligné qu'il s'agissait d'une question complexe, rappelant à ce titre que la gare TGV installée à proximité d'Amiens avait permis le développement d'une zone d'activités très dynamique, alors que cette gare était située sur un tracé différent de celui initialement souhaité par les élus. Il a aussi demandé qui, de RFF ou de la SNCF, devait trancher la décision relative à l'électrification de la ligne Amiens-Boulogne. Il a noté enfin que la prise de décision sur certains projets était parfois rendue encore plus difficile par l'implication de plusieurs territoires, prenant l'exemple du canal Seine-Nord-Europe qui concerne plusieurs régions et plusieurs grandes agglomérations, et il en a appelé au nécessaire arbitrage de l'Etat.

M. Pierre Hérisson s'est demandé dans quelle mesure il ne conviendrait pas que la loi ou le décret aille plus loin dans la séparation entre le gestionnaire de l'infrastructure et l'opérateur ferroviaire.

Evoquant l'accident de passage à niveau survenu en Haute-Savoie, il a fait part de la forte probabilité que les autorités, respectivement propriétaires de la route départementale et de l'infrastructure ferroviaire, fassent l'objet d'une recherche en responsabilité par les juges. Abordant le projet de tunnel Lyon-Turin, il s'est interrogé sur les probabilités de réalisation de cette infrastructure, faisant observer d'une part, que les demandes, du côté italien, aboutissaient aujourd'hui à un projet de tunnel d'une longueur de 70 kilomètres et d'autre part, que l'avancement du chantier mettait en évidence une forte présence d'amiante. Il s'est demandé s'il ne serait pas plus utile de consacrer des moyens supplémentaires pour assurer une liaison Paris-Chambéry en deux heures ou d'augmenter le nombre de lignes à double voie, alors que ces dernières sont aujourd'hui très peu nombreuses en Haute-Savoie.

M. Hubert du Mesnil a alors apporté les éléments de réponses suivants :

- d'une façon générale, la priorité de l'action de RFF est donnée à l'utilisation optimale du réseau existant, ce qui n'empêche pas, parallèlement, de concevoir de nouveaux projets, la prise de décision et la définition du calendrier pour ces derniers relevant de l'Etat ;

- concernant la sécurité des passages à niveau, tout accident constitue un drame pour l'ensemble des parties prenantes et il convient aujourd'hui d'agir dans trois directions : la suppression des passages à niveau les plus dangereux parmi les 15.000 équipements présentant un risque, l'amélioration du comportement des usagers de la route, qui ne sont pas toujours conscients des risques qu'ils prennent et enfin la modification de la signalisation routière, afin de la rendre plus explicite et donc respectée ;

- au-delà de l'intérêt commun partagé par les structures dirigeantes de RFF et de la SNCF sur le développement du trafic ferroviaire, il est normal que des divergences, voire des antagonismes, s'expriment dans les orientations suivies par l'un et par l'autre pour parvenir à cet objectif. Il est essentiel de bien différencier les rôles respectifs de RFF et de la SNCF, définis dans le cadre de la politique des transports arrêtée par l'Etat. A ce titre, la réforme menée par Guillaume Pépy, consistant à bien différencier les quatre métiers de la SNCF (voyageurs grandes lignes, trains express régionaux, fret et infrastructures) est un facteur de clarté, puisque ceci permet de distinguer les activités de transporteur, pour lesquelles la SNCF est un client de RFF et à l'inverse, les activités liées à l'infrastructure, pour lesquelles c'est RFF qui est le client de la société nationale et qui décide ;

- la coopération entre la SNCF et RFF s'est améliorée, concernant les projets d'utilisation des emprises foncières, ce qui devrait faciliter les relations avec les élus ;

- la gestion du foncier et du patrimoine est rendue difficile du fait du triplement du rythme des cessions patrimoniales, le volume annuel de cessions passant de 100 à 300 millions d'euros par an ;

- concernant le projet de lignes à grande vitesse Centre-Auvergne, la décision finale revient à l'Etat, RFF intervenant pour fournir des éléments d'analyse et d'appréciation utiles pour l'étude du projet ;

- les règles d'affectation entre RFF et la SNCF pour la gestion des gares sont trop complexes et mériteraient d'être revues ;

- le projet de tunnel Lyon-Turin, envisagé au départ dans une optique de ligne à grande vitesse est désormais davantage orienté vers le fret ;

- une nouvelle politique de développement du fret doit être mise en place afin de rompre le cercle vicieux actuel, à travers un investissement dans la modernisation des équipements pour améliorer la rentabilité du système et dégager des marges d'autofinancement ;

- l'itinéraire actuel entre la France et l'Italie passant par le tunnel du Fréjus offre une grande marge d'évolution, puisque ce dernier voit aujourd'hui transiter 6 millions de tonnes de marchandises par an et que les travaux en cours pourraient permettre de tripler ce volume ;

- RFF entend aussi agir de façon prioritaire pour améliorer la vie quotidienne des habitants proches des infrastructures ferroviaires et des usagers, qu'il s'agisse de la construction de murs antibruit dans les zones urbaines ou de l'amélioration de l'accessibilité des gares aux personnes à mobilité réduite.

Délégation à l'aménagement du territoire - Transports et désenclavement des régions françaises - Présentation du rapport d'information

La commission a ensuite entendu une communication de Mme Jacqueline Alquier et M. Claude Biwer, rapporteurs, sur le rapport d'information relatif au niveau d'équipement de la France en infrastructures de transports et ses conséquences sur le désenclavement des régions françaises, adopté par la délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire (DADDT).

En introduction, M. Claude Biwer a fait valoir que ce rapport de la DDAT était complémentaire de celui adopté par la commission des affaires économiques sur le financement des infrastructures de transport terrestre. A ce sujet, il a rappelé que la situation actuelle restait marquée par une forte incertitude quant au financement des nouveaux projets d'infrastructures, liée :

- à l'insuffisance des moyens de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) qui ne disposera plus, fin 2008, que de ses ressources permanentes, qui s'élèvent à 800 millions d'euros alors que ses besoins courants sont évalués à près de 2 milliards d'euros par an ;

- aux interrogations sur la traduction des engagements ambitieux pris, lors du Grenelle de l'environnement, en matière de lignes ferroviaires et de transports urbains, qui se traduisent par une augmentation annuelle de plus d'un milliard d'euros de ces besoins de financement entre 2009 et 2020 ;

- au fait que la redevance d'usage sur les poids lourds annoncée par le Gouvernement ne devrait couvrir que moins de la moitié des besoins de financement de l'AFITF.

M. Claude Biwer a relevé que la commission des affaires économiques avait avancé un certain nombre de propositions pour dégager des moyens supplémentaires, tels la taxation des plus-values foncières réalisées après la construction des infrastructures, le versement par l'Etat d'une contribution à l'AFITF ou, le cas échéant, la création d'une taxe additionnelle sur les assurances automobiles.

Il a ajouté que le rapport d'information de la commission des affaires économiques traitait aussi d'une question déjà évoquée par la délégation lorsqu'elle avait entendu, le 16 octobre 2007, M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat auprès du ministre d'Etat, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, chargé des transports : celle des moyens de réduire le coût des projets, notamment en faisant jouer la concurrence des projets de l'administration avec ceux pouvant être conçus dans le cadre de partenariats public-privé ou en assouplissant les normes techniques.

Abordant ensuite la présentation du projet de rapport, et indiquant qu'il laisserait le soin à Mme Jacqueline Alquier de présenter leurs propositions communes, M. Claude Biwer a tout d'abord souligné que les incertitudes pesant sur le financement des infrastructures de transport n'épuisaient pas, à elles seules, le débat sur le désenclavement des territoires. Bien plus, il faut constater que toute augmentation de l'effort de l'Etat en faveur des infrastructures de transport n'est pas toujours synonyme de désenclavement, les projets ne concernant pas toujours des territoires enclavés.

Il a illustré ce propos en prenant l'exemple du Comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire (CIADT) du 18 décembre 2003, qui a essentiellement arrêté des projets de contournement de grandes agglomérations ou d'élargissement d'autoroutes existant dans des régions déjà très denses en infrastructures. Or, à l'inverse, la problématique du désenclavement concerne des territoires qui sont isolés ou mal reliés aux grands réseaux de communication, sans qu'il soit toujours évident de déterminer le critère à retenir pour évaluer ce défaut de raccordement. En effet, pour certains territoires, l'enclavement est surtout ferroviaire, alors que pour d'autres il est routier ou aérien. De même, pour certains secteurs, l'enclavement est ressenti par rapport à une métropole régionale, à Paris ou par rapport à une ville étrangère : par exemple, dans le nord de la Meuse, le problème quotidien est d'être relié aux grands axes qui desservent Luxembourg, plus que d'être relié à Paris, à Nancy ou à Strasbourg.

Il convient donc de se fixer des objectifs en matière de désenclavement, mais également de pouvoir mesurer leur degré de réalisation, M. Claude Biwer, regrettant à cet égard que les quinze années écoulées se soient traduites par l'abandon de tout critère politique du désenclavement.

Il a rappelé que la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995, dite « loi Pasqua », avait eu le mérite de définir un objectif quantitatif de désenclavement, en prévoyant qu'en 2015, « aucune partie du territoire français métropolitain continental ne devrait être située à plus de cinquante kilomètres ou de quarante-cinq minutes d'automobile soit d'une autoroute ou d'une route express à deux voies en continuité avec le réseau national, soit d'une gare desservie par le réseau ferré à grande vitesse ». Il a estimé que ce critère simple et unique avait les inconvénients de ses avantages et qu'il aurait sans doute pu être amélioré sur de nombreux points, notamment par une meilleure adaptation à la réalité de la décentralisation ou encore par la prise en compte du niveau de service de transport effectivement assuré : lorsqu'existe par exemple une sortie d'autoroute, encore faut-il qu'un réseau secondaire de bonne qualité permette à toutes les catégories de véhicules d'y accéder facilement. De même, il n'est pas toujours très utile de disposer d'une ligne à très grande vitesse, s'il y passe un très faible nombre de trains, comme c'est le cas depuis un an pour le TGV Est.

M. Claude Biwer a cependant considéré que, même s'il n'était pas parfait, le critère de 1995 permettait de mesurer le désenclavement du territoire et il a vivement regretté que ce critère, et tout objectif officiel de désenclavement, aient été supprimés. Comment, en effet, fonder une politique si celle-ci est dépourvue d'objectifs propres et de moyens permettant de la différencier de la politique des infrastructures de transport en général ?

Il a cependant fait observer que la première étape de cette évolution avait plutôt constitué un progrès en enrichissant la notion de désenclavement : la loi dite « Voynet » du 25 juin 1999 a créé des schémas de services collectifs, qui concernaient neuf domaines dont le transport de voyageurs et celui des marchandises. Ces schémas permettaient, d'une part, d'affiner un critère national en le déclinant à travers des schémas régionaux, d'autre part, de prendre en compte l'ensemble des modes de transport et, enfin, de mettre les objectifs en matière de transport en regard de ceux des schémas relatifs aux autres équipements. Ceci permettait notamment d'apprécier si les projets de réalisation d'équipements universitaires ou hospitaliers dans une ville donnée étaient ou non en cohérence avec l'évolution des moyens de transports prévus pour accéder à ces services.

Ces schémas étaient formalisés par des décrets et planifiaient des équipements et infrastructures à échéance de 2020, et la délégation à l'aménagement du territoire avait été instituée pour rendre un avis sur ces schémas. Cependant, ces instruments originaux n'ont jamais pu jouer leur rôle puisqu'ils ont été supprimés par le CIADT du 18 décembre 2003, c'est-à-dire un an à peine après avoir été finalisés.

Ainsi, même si ce comité interministériel a incontestablement témoigné, au moins au niveau des intentions, d'un certain volontarisme dans la relance d'une politique d'équipement du territoire en infrastructures de transport, il a en revanche supprimé de fait les schémas de services, sans rétablir le critère fixé en 1995.

M. Claude Biwer a considéré que l'absence de tout objectif national de désenclavement était préjudiciable à la conduite d'une politique réellement identifiée visant à assurer une meilleure liaison de certains territoires aux grands axes de transports qui structurent le pays.

Face à ce constat, les deux rapporteurs ont choisi de dessiner les contours de ce que pourrait être une « nouvelle politique de désenclavement », en ayant le souci de faire preuve de réalisme et de pragmatisme et en s'appuyant en particulier sur les outils dont disposent les services du ministère pour définir les objectifs de désenclavement.

Mme Jacqueline Alquier a ensuite exposé les propositions avancées dans le rapport de la DADDT, après avoir remarqué que le désenclavement constituait une condition nécessaire, mais non suffisante du développement d'un territoire. Le désenclavement, qui est un facteur d'adéquation de l'offre et de la demande et donc d'allocation optimale des ressources et des activités, doit être réalisé en tenant compte du projet des territoires, et s'appuyer sur une stratégie de développement des acteurs locaux. Sinon, la réalisation d'une sortie d'autoroute ou la création d'une gare de TGV peuvent rester quasiment sans effet, voire même présenter un risque de « déménagement du territoire », un territoire sans stratégie pouvant alors se retrouver en concurrence avec d'autres pôles dynamiques.

Mme Jacqueline Alquier a relevé que cette analyse théorique se vérifiait dans la pratique, en donnant l'exemple du sud du Tarn, où l'ensemble des acteurs était fortement mobilisé autour du projet de passage à quatre voies de la RN 126, reliant Toulouse et le bassin de Castres-Mazamet, qui servirait la stratégie économique développée dans ces deux villes, notamment dans le domaine industriel.

Elle a ensuite observé que, si « désenclaver, c'est déjà développer », il fallait éviter deux écueils.

Il faut, en premier lieu, assurer la mise en place d'un désenclavement durable, le risque actuel étant, par exemple, de réduire le Grenelle de l'environnement à la seule opposition, souvent stérile, entre partisans systématiques et opposants absolus aux autoroutes.

La question n'est plus aujourd'hui d'être pour ou contre une infrastructure, mais de définir un projet de développement et d'occupation du territoire, qui n'ignore pas la question de la diminution des espaces naturels du fait d'une croissance extensive des activités humaines, à commencer par le phénomène de périurbanisation.

Le phénomène de l'étalement urbain qui appelle la construction de nouvelles routes, qui attirent à nouveau de nouvelles habitations, atteint aujourd'hui ses limites, du fait de la crise énergétique, mais aussi des atteintes qu'il porte à la biodiversité, comme le met en évidence le récent rapport sur ce sujet de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.

Mme Jacqueline Alquier a donc estimé que les infrastructures de transport devraient être un moyen d'anticiper et d'orienter les évolutions de l'utilisation de l'espace. La création d'infrastructures et de services de transport doit ainsi être mise, autant que faire se peut, au service d'une densification de l'habitat, par exemple autour de petites villes qui offriraient aussi des activités économiques et des modes de transports collectifs.

Les services sont en effet un élément nouveau à prendre en compte au-delà des seules infrastructures dans la perspective du désenclavement durable : services de transports urbains au sein de petites villes redensifiées, mais aussi services de train, voire d'autocar, entre ces villes et en direction des agglomérations proches.

Dans ces conditions, a-t-elle observé, on peut éviter le premier écueil, qui consiste à mal prendre en compte l'aspect écologique du désenclavement.

Le second écueil concerne quant à lui l'aspect économique du désenclavement et, plus précisément, l'« économisme » qui caractérise les projets d'infrastructures depuis des années.

En effet, en partant de l'idée selon laquelle le désenclavement est un facteur de développement économique, le financement d'une infrastructure ne sera lancé que si elle présente un certain niveau de rentabilité socio-économique. Or, même calculée selon la méthode du coût social complet, toute évaluation de la rentabilité a, par définition, tendance à privilégier les infrastructures situées sur des grands axes et dans des zones déjà très peuplées et donc très développées, au détriment de projets de désenclavement permettant de relier des territoires à ces grands axes.

Mme Jacqueline Alquier a relevé à cet égard qu'on ne pouvait évaluer de la même façon la rentabilité d'une ligne Marseille-Nice ou Paris-Clermont-Ferrand : la première apparaîtra en effet toujours comme plus rentable, et ce même si elle correspond à un coût important.

Certes, a-t-elle remarqué, on peut toujours penser que les évaluations de rentabilité socio-économiques ne sont que des éléments secondaires d'une décision qui, in fine, reste une décision politique. Ainsi, la réalisation du TGV Est ou celle de la route Centre-Europe-Atlantique sont deux très beaux projets, retenus pour de bonnes raisons politiques et non sur la base de calculs de rentabilité plus ou moins discutables. Mais globalement les méthodes actuelles d'évaluation des projets de désenclavement sont biaisées.

Ainsi, plus de 80 % des projets prévus par les décisions du CIADT du 18 décembre 2003 concernaient des axes déjà très dynamiques, comme l'élargissement du sillon rhodanien ou des contournements de très grandes agglomérations même si certains d'entre eux ont été abandonnés, comme le contournement de Bordeaux et de Toulouse. L'évaluation de l'intérêt des projets devrait devenir un critère de plus en plus déterminant dans les années qui viennent, comme y incitent le contexte général de la LOLF, le récent rapport de la Cour des comptes sur le secteur ferroviaire, ainsi que les enjeux de développement durable identifiés par le Grenelle de l'environnement.

Mme Jacqueline Alquier a néanmoins douté que l'on puisse voir s'accélérer réellement le désenclavement du territoire si l'on ne parvenait pas à éviter l'écueil de « l'économisme » actuel.

Les propositions pour une nouvelle politique du désenclavement formulées dans le rapport ont donc pour objet d'éviter ces risques, en particulier dans la perspective du prochain Comité interministériel d'aménagement et de compétitivité des territoires (CIACT).

Sur le plan technique, il existe déjà un critère spécifique qui pourrait être pris en compte pour mesurer l'intérêt d'un projet en termes de désenclavement, celui de l'accessibilité, notion commune déjà mesurée par les services du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, qui ont pu fournir des mesures très précises de l'accessibilité des différents territoires.

L'examen approfondi de ce critère d'accessibilité permet d'affirmer qu'il pourrait constituer dès aujourd'hui un critère opérationnel de classement des différents projets au regard de l'objectif de désenclavement, sous réserve de quelques améliorations, comme la prise en compte des liaisons infra-départementales, du transport collectif par autocar et, surtout, le remplacement du critère d'accès à un panel de villes par un critère d'accès à un panel de services et d'emplois.

Mme Jacqueline Alquier a cependant observé que, s'il était aujourd'hui possible de mesurer l'intérêt des projets et de les classer au regard de l'objectif de désenclavement, cela n'assurait pas pour autant qu'ils soient considérés avec autant d'intérêt que les projets concernant des régions déjà très bien desservies. En effet, un projet peut permettre des gains importants en termes d'accessibilité sans pour autant présenter une rentabilité socio-économique élevée.

Mais, a-t-elle rappelé, M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports, a indiqué qu'à la suite du Grenelle de l'environnement, les nouvelles opérations routières lancées par l'Etat devraient répondre soit à des impératifs de sécurité routière, soit à une situation de congestion du trafic, soit à un intérêt local, ce dernier critère correspondant largement au désenclavement.

Il semble donc possible de s'inscrire dans cette nouvelle perspective en proposant que le prochain CIACT « post-Grenelle » identifie trois enveloppes différentes pour chacune de ces catégories de projets routiers.

Au sein de chaque enveloppe, les projets devront être classés en fonction d'un critère propre à leur catégorie, le critère d'accessibilité étant retenu pour les projets dits « d'intérêt local ». Ainsi, le financement de la politique de désenclavement pourra être en quelque sorte « sanctuarisé », pour répondre à des objectifs propres.

Mme Jacqueline Alquier s'est néanmoins déclarée sceptique quant au réalisme des prévisions financières du Grenelle de l'environnement en matière de projets routiers. D'après les estimations actuelles, les moyens consacrés à ces projets sur la période 2009-2020 devraient être trois fois inférieurs à ceux qui étaient programmés lors du CIADT de 2003. En ce qui concerne le secteur ferroviaire, il conviendrait de s'assurer que l'Etat et RFF n'oublient pas les secteurs enclavés dans la répartition des importants moyens nouveaux annoncés. Rappelant que la région Midi-Pyrénées avait dû financer non seulement le matériel roulant mais aussi la rénovation du réseau et de la signalisation, au moyen d'un emprunt, elle a souligné que cette question, également abordée par le projet de loi de programme relatif à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement, méritait une attention toute particulière.

S'interrogeant ensuite sur les projets susceptibles d'être évalués dans la perspective du prochain CIACT, Mme Jacqueline Alquier a noté qu'une première option pourrait être de reprendre l'ensemble des projets déjà annoncés ou portés par des collectivités mais qu'il serait souhaitable, pour respecter la logique d'une nouvelle politique de désenclavement, de ne retenir, en vue de leur évaluation, que les projets correspondant réellement aux projets des territoires et à leurs besoins, ce qui exige une réflexion préalable des acteurs locaux.

Evoquant les schémas de services collectifs cités par M. Claude Biwer, elle a rappelé l'intérêt des schémas directeurs de transport « voyageurs » ou « marchandises » adoptés en 2002, et suggéré de s'inspirer de cet exemple pour élaborer de nouveaux « schémas de désenclavement », dans le cadre desquels il faudrait veiller au sort des « territoires orphelins » situés aux confins d'une région ou d'un département, qui sont souvent les grands oubliés de politiques traditionnellement centrées sur la desserte du chef-lieu. Cependant, pour être utile, cet exercice devrait être mené avant le prochain CIACT, ce qui paraît difficile, la procédure de consultation engagée en 2001-2002 ayant pris plus d'un an. Par ailleurs, il conviendrait d'intégrer autant que possible des prescriptions de type « trame verte » retenues par le Grenelle de l'environnement.

Observant qu'il semblait en tout cas illusoire d'engager une nouvelle politique basée sur les besoins concrets d'accessibilité des territoires sans procéder au préalable à leur analyse, elle a proposé que le prochain CIACT arrête, contrairement à celui de 2003, une programmation glissante, celle-ci étant révisée à partir de ces schémas de désenclavement et de méthodes d'évaluation rénovée.

Soulignant que ces objectifs semblaient réalistes au vu des travaux déjà très avancés des services du ministère sur la mesure de l'accessibilité des territoires, Mme Jacqueline Alquier a conclu que leur mise en oeuvre dépendait d'une volonté, voire même d'une vision politique ambitieuse.

M. Daniel Dubois, après avoir félicité M. Claude Biwer et Mme Jacqueline Alquier pour la qualité et l'intérêt de leur travail, a indiqué que, pour lui, la question du désenclavement ne pouvait être dissociée de la problématique d'ensemble de l'aménagement équilibré du territoire. Au-delà du désenclavement, qui ne se limite pas aux moyens de transports ferroviaires ou routiers mais englobe également le désenclavement numérique, il faut en effet prendre conscience de l'enjeu majeur que constitue le fait que l'espace rural représente 80 % du territoire. Comment va-t-on assurer dans les territoires ruraux les services indispensables, l'accès à l'éducation, à la santé, à l'emploi, comment va-t-on y développer l'habitat locatif, dont l'insuffisance est criante, comment va-t-on favoriser le télétravail ?

La vraie question qui se pose aux politiques est donc de définir une stratégie d'ensemble, d'ouvrir un dialogue avec les responsables locaux pour trouver des solutions.

Soulignant qu'il fallait aussi rouvrir le débat sur la fiscalité et la péréquation, M. Daniel Dubois a mis en garde contre le risque de laisser se créer des « zones rurales oubliées » de la même façon que l'on a assisté à la création de zones urbaines sensibles. L'aménagement équilibré du territoire constitue un enjeu fondamental, que la société ne perçoit sans doute pas assez clairement, et le Sénat est par excellence le lieu où il faut poser ce problème et en débattre.

Exprimant son plein accord avec les propos tenus par M. Daniel Dubois, M. Gérard Bailly s'est inquiété des moyens supplémentaires qui seraient nécessaires pour le financement des infrastructures de transport et il a émis l'idée que l'on pourrait lancer à cette fin un grand emprunt national.

Rappelant qu'une partie du Haut Jura était déjà considérée, lors de l'adoption de la « loi Pasqua », comme une des régions les plus enclavées de la Franche-Comté, il a estimé qu'il faudrait trouver des critères permettant de définir les régions justifiant un effort prioritaire de désenclavement.

A propos de la création éventuelle d'une taxe sur les poids lourds, il a souligné que, l'Etat ayant transféré aux collectivités territoriales tout le réseau routier pouvant doubler celui des autoroutes, on assisterait, si la taxation ne s'appliquait pas sur ce réseau, à un développement rapide du phénomène, déjà perceptible, des itinéraires de substitution. Il faut donc que la réflexion sur la taxe sur les transports porte aussi sur l'aménagement du territoire et prenne en compte le problème du désenclavement.

Revenant sur les propos de M. Claude Biwer et de Mme Jacqueline Alquier sur les schémas de services collectifs, M. Daniel Reiner a souligné que la mission d'information de la commission sur les transports terrestres s'était interrogée sur le rôle des comités interministériels d'aménagement. Il y a eu la planification, nationale et régionale, puis les schémas de services collectifs et plus rien aujourd'hui. Le projet de loi de programme de mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement propose de réintroduire un schéma national de transport : c'est sans doute une bonne idée, mais on ne peut en rester là, sinon on ne règlera pas la question du désenclavement. Il serait donc opportun de prévoir une déclinaison régionale de ce schéma national, et peut-être d'amender en ce sens le projet de loi, ce qui serait d'ailleurs cohérent avec les dispositions du texte prévoyant que la politique de transports participe à l'aménagement du territoire.

M. Jean Desessard a relevé que Mme Jacqueline Alquier avait, dans ses propos, tempéré la notion de désenclavement en se référant à la préservation de la biodiversité, et souligné que l'on ne pourrait pas toujours augmenter la distance entre domicile et lieu de travail. Il a dit partager ces préoccupations et a ajouté que l'on pouvait aussi s'interroger sur le développement de certaines formes de tourisme de masse, qui exigent des infrastructures importantes, ne génèrent qu'une activité saisonnière, sont parfois peu rentables et conduisent à un renchérissement des prix des terrains qui s'oppose au maintien de la population locale. Il a regretté cependant qu'elle ait considéré ces sujets d'interrogation comme des « écueils ». Il ne faut pas en effet vouloir le « désenclavement à tout prix » et une partie de la population peut souhaiter vivre un peu différemment, ce qui justifie par exemple que l'on fasse des efforts pour développer le télétravail.

Notant que la réflexion de la DADDT portait sur les quinze ans à venir, il a demandé si d'autres pays de l'Union européenne avaient défini des critères de désenclavement, et si la Commission européenne prenait elle-même en compte cette notion, M. Jean-Paul Emorine, président, s'associant à cette dernière interrogation.

M. Jean-Marc Pastor a à son tour félicité Mme Jacqueline Alquier et M. Claude Biwer pour leur réflexion sur un sujet qui s'inscrit parfaitement dans le cadre de ceux que le Sénat a vocation à traiter. Il a souhaité que le débat de la commission soit un complément de ce rapport, dont il a estimé qu'il devrait donner lieu à un débat en séance publique.

Partageant ce jugement, M. Jean-Paul Emorine, président, a rappelé que MM. Jean François-Poncet et Claude Belot devaient présenter prochainement, dans le cadre de la DADDT, un rapport consacré au « nouvel espace rural » et qu'il serait effectivement très judicieux que le Sénat puisse débattre de ces deux rapports.

Mme Jacqueline Alquier a précisé que ce rapport traiterait notamment de la question du développement en milieu rural des technologies de l'information et de la communication, ce qui explique que le rapport sur le désenclavement du territoire n'aborde pas ce sujet. Elle est convenue de l'importance de la question du financement des infrastructures de transport, sujet sur lequel M. Claude Biwer et elle-même avaient fait porter en premier lieu leur réflexion, mais qui avait été largement traité par le récent rapport d'information de la commission.

M. Claude Biwer a également précisé que le rapport de MM. Jean François-Poncet et Claude Belot, qui portera sur l'organisation et l'évolution de la ruralité, complétera le travail qu'il avait mené avec Mme Jacqueline Alquier sur le désenclavement du territoire, et déclaré qu'il serait souhaitable que ces deux rapports, ainsi que le rapport d'information de la commission sur les infrastructures de transport, puissent déboucher sur des propositions communes.

Estimant comme M. Daniel Dubois qu'il était essentiel d'organiser un dialogue sur les solutions à apporter au problème de l'aménagement équilibré du territoire, il a cependant observé qu'il avait retiré de l'audition du président du conseil d'administration de Réseau ferré de France l'impression qu'un tel dialogue pouvait n'être pas toujours facile à mettre en place.

Il a noté que le désenclavement avait pour objet, à partir de l'existant, de rendre plus accessibles les territoires les plus éloignés, les plus difficiles d'accès, mais que certains territoires frontaliers pouvaient aussi avoir intérêt à développer leurs relations avec des zones d'activité situées dans des pays voisins.

Il a en tout cas estimé indispensable que, contrairement à ce qui avait été fait dans le passé, les nouvelles infrastructures aient prioritairement pour objet de « raccorder » les territoires entre eux et non de doubler des équipements existants, raison pour laquelle il proposait avec Mme Jacqueline Alquier de répartir dans des « enveloppes » distinctes les projets routiers en fonction de leur objet, afin d'assurer le financement de ceux qui sont nécessaires au désenclavement.

M. Claude Biwer a rappelé qu'il avait déposé une proposition de loi tendant à la création de zones franches en zones rurales, ce qui contribuerait aussi à répondre aux besoins de la ruralité, et qu'il serait souhaitable de pouvoir faire avancer toutes les propositions tendant vers cet objectif.

Il a enfin précisé, en réponse à la préoccupation exprimée par M. Gérard Bailly, que le rapport de la Délégation proposait que la taxation des transports routiers s'applique à l'ensemble du trafic, qu'il emprunte le réseau national ou le réseau départemental.

Sur la question des zones franches rurales, M. Jean-Paul Emorine, président, a observé que les zones de rénovation rurales, dont la loi sur le développement des territoires ruraux avait précisé et complété le dispositif, pouvaient répondre à la préoccupation que traduisait la proposition de loi de M. Claude Biwer. Il a cependant regretté que le corps préfectoral ne s'attache pas autant qu'il serait souhaitable à la promotion de ce dispositif.

M. Daniel Reiner a souligné que l'actuelle réorganisation de l'implantation territoriale de l'armée fournissait un exemple très actuel de la question du désenclavement : c'est en effet parce qu'elles sont trop « enclavées », qu'elles sont « loin de tout », que sont abandonnées certaines implantations, les collectivités territoriales concernées étant ainsi doublement pénalisées. Il a ajouté que la question du désenclavement était d'autant plus déterminante qu'elle concernait des territoires où l'on peut avoir, à moindre coût, une meilleure qualité de vie qu'ailleurs.

Revenant enfin sur l'abandon des projets concernant le contournement de Bordeaux et de Toulouse, il a considéré qu'il n'appartenait pas à la solidarité nationale de financer de tels équipements, rendus nécessaires par le développement de ces villes.

Nomination d'un rapporteur

Au cours de la même réunion, la commission a désigné, à titre officieux, M. Bruno Sido comme rapporteur du projet de loi de programme relatif à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement, sous réserve de son adoption par l'Assemblée nationale et de sa transmission.

Jeudi 19 juin 2008

- Présidence conjointe de M. Jean-Paul Emorine, président, et de M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. -

Finances publiques - Révision générale des politiques publiques - Audition de M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

La commission a procédé, conjointement avec la commission des finances, à l'audition de M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, sur la révision générale des politiques publiques (RGPP).

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, a rappelé que M. Eric Woerth était entendu en tant que rapporteur général du Conseil de modernisation des politiques publiques (CMPP), présidé par le Président de la République, et que la RGPP, lancée en juillet 2007 à l'initiative du Président de la République, avait pour objectif d'aboutir à une réforme de l'Etat d'une importance sans précédent. Relevant que ce processus avait, par son ampleur, suscité des inquiétudes, il a jugé nécessaire, avant de passer à la mise en oeuvre des réformes, de mieux communiquer sur ce sujet. Souhaitant que le ministre précise la portée et le mode de calcul du chiffre de 7,7 milliards d'euros d'économies annoncées, il a jugé nécessaire, pour faciliter l'aboutissement des réformes, de faire comprendre leurs objectifs par les diverses parties prenantes.

Après avoir rappelé que le Conseil des ministres du 11 juin 2008 avait marqué la fin de la première étape de la RGPP lancée le 10 juillet 2007, M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, a indiqué que cette démarche, à laquelle avaient été associés les rapporteurs généraux des deux assemblées, avait consisté à examiner plusieurs fois chaque ministère et quelques grandes politiques d'intervention.

Il a précisé qu'il avait fixé quatre objectifs majeurs, dont le premier était la crédibilité de la réforme de l'Etat. Soulignant que les réformes avaient été bien préparées et pouvaient fonder une partie des travaux de préparation budgétaires pour l'année 2009, dans le cadre nouveau d'un budget triennal, il a relevé que la mise en place d'équipes mixtes d'audit public/privé et l'utilisation des travaux existants, notamment parlementaires, avaient débouché sur de nombreuses propositions de réformes actées par le Conseil de modernisation des politiques publiques.

Ces réformes concernent, en premier lieu, les administrations centrales qui, ayant « grossi » au fil du temps, ont été conduites à édicter des réglementations inutiles ou sources de complexité. Certaines mesures sont spectaculaires, comme celles touchant les ministères chargés du développement durable, de la santé ou de la culture. Au demeurant, lorsque les réformes proposées par les ministères ne répondaient pas aux objectifs de la RGPP, elles ont été rejetées. En outre, les fusions doivent permettre des allégements : celle de la direction générale des impôts et de la direction générale de la comptabilité publique a abouti à la suppression de 15 % des bureaux, c'est-à-dire des cellules administratives de base du ministère. Au total, la RGPP devrait permettre de supprimer ou fusionner près de 50 directions d'administration centrale, ce qui représente proportionnellement un effort bien plus important que pour les services déconcentrés.

En deuxième lieu, la RGPP débouche sur une réforme d'ampleur des procédures administratives. Ainsi, il n'apparaît pas opportun de conserver un double examen des conditions d'accès sur le territoire français pour les 150.000 migrants légaux arrivant chaque année, alors que le travail effectué dans les consulats et les préfectures est identique : l'assimilation du visa de long séjour au permis de séjour pendant la première année permettra donc de supprimer des tâches inutiles, de simplifier les procédures - y compris pour les usagers - et non de démanteler le service public.

La RGPP entraîne, en troisième lieu, une réforme des fonctions « support » de l'administration avec, par exemple, la création d'un opérateur national de paie. Par ailleurs, la mise en place, en septembre 2008, d'une agence nationale des achats de l'Etat, permettra une rationalisation importante. La RGPP va d'ailleurs déboucher sur l'élaboration d'un nouveau statut des agences.

En quatrième lieu, la RGPP entraînera des modifications dans l'allocation des moyens. La création d'une agence nationale de remplacement devrait, par exemple, réduire le nombre d'enseignants qui ne font pas cours, actuellement au nombre de 23.000. Dans l'enseignement supérieur, les moyens seront distribués selon des critères discutés dans le cadre de la RGPP, portant sur le potentiel de chaque équipe de recherche ou chaque université, et non plus selon les critères du système actuel. Enfin, la rationalisation des investissements sera améliorée. A titre d'exemple, il n'est pas normal que le coût de construction d'une place de prison puisse varier du simple au double (de 88.000 à 175.000 euros).

M. Eric Woerth a ensuite souligné que les réductions d'effectifs et de coûts de fonctionnement n'étaient pas un présupposé mais une conséquence des réorganisations. La RGPP a permis une documentation, en amont, sur le potentiel de productivité de chaque ministère, qui constitue un atout précieux pour l'élaboration du projet de loi de finances et modifie profondément les discussions entre le ministre du budget et les autres ministres. Cette démarche aboutit donc à améliorer l'efficacité de l'Etat et non à abandonner des missions comme l'a fait le Canada, qui en a transféré de nombreuses aux provinces. En conséquence, la place de l'Etat n'est pas fondamentalement modifiée.

M. Eric Woerth a ensuite indiqué que la deuxième exigence était de respecter un principe de justice : toutes les structures sont concernées et l'ensemble des dispositifs d'aide doit être mieux ciblé. Dans cette perspective, les opérateurs, qui représentent près de 250.000 emplois, seront également concernés, conformément au voeu de nombreux parlementaires, par la règle du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, et devront se réformer et rendre des services au meilleur coût : 39 d'entre eux seront supprimés ou fusionnés.

Abordant la troisième exigence, M. Eric Woerth a rappelé qu'une concertation s'était engagée depuis deux mois avec le Parlement, les équipes d'expertise ayant presque toutes été entendues, par près d'une trentaine de parlementaires dont 25 sénateurs. S'agissant, enfin, de l'exigence de responsabilité financière, les mesures décidées au cours des trois CMPP devraient entraîner les économies suivantes :

- sur la masse salariale (en brut, c'est-à-dire avant le retour aux fonctionnaires) : 3,5 milliards d'euros, soit 4,1 % des crédits pour 2008 ;

- sur les interventions et l'investissement : 2 milliards d'euros, soit 3,9 % des crédits pour 2008 des politiques d'intervention ;

- sur le fonctionnement (y compris les opérateurs) : 2,2 milliards d'euros, soit 6,3 % des crédits pour 2008.

M. Eric Woerth a souligné que 7,7 milliards d'euros pouvaient être économisés au total sur les trois catégories de dépenses, soit 4,5 % de la base sur laquelle les décisions ont été prises, à savoir 173 milliards d'euros qui représentent les dépenses de l'Etat, hors pensions et hors intérêts de la dette. Sans être négligeable, ce chiffre est insuffisant pour parvenir à l'équilibre des finances publiques en 2012, et l'ensemble du champ de la dépense publique devra donc également être examiné. Pour cela, il faut « allonger » la chaîne de décision, en associant le Parlement ou les partenaires sociaux en fonction des sujets traités, afin d'éviter les blocages. Il convient d'éviter à cet égard une confusion entre les décisions techniques, prises dans le cadre de la RGPP, comme le changement de financeur pour la carte « Familles nombreuses » et les décisions politiques, en l'occurrence la politique familiale dans son ensemble, que la RGPP n'avait pas vocation à remettre en cause. C'est pourquoi les mesures concernant notamment les politiques sociales feront l'objet d'une très large association des acteurs concernés.

Rappelant qu'il rendrait compte, d'ici le 30 octobre 2008, devant le CMPP de l'état d'avancement des 355 mesures actées au cours de la première étape, M. Eric Woerth a insisté sur la nécessité que les décisions soient rapidement appliquées, sans être dénaturées. Il a tiré un premier bilan mitigé : sur les 265 mesures annoncées par les deux premiers CMPP, seules 4 sont achevées et 72 réellement lancées. Un effort considérable doit donc être effectué et chaque ministre doit impérativement veiller à l'application des mesures concernant son administration.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, a souligné que la RGPP pouvait utilement s'inspirer des travaux du Parlement. Il a rappelé qu'au cours d'une réunion commune tenue le 10 juin 2008 avec la commission des affaires culturelles, la commission des finances avait entendu les conclusions de MM. Philippe Adnot et Jean-Léonce Dupont, corapporteurs, présentées au nom du groupe de travail commun sur la réforme de l'allocation des moyens par l'Etat aux universités.

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques, a indiqué que les rapporteurs pour avis de la commission des affaires économiques avaient procédé à six auditions de responsables des équipes d'audit mises en place par le gouvernement dans le cadre de la RGPP. Il s'est interrogé sur les conséquences de la RGPP quant à l'organisation des services déconcentrés de l'Etat.

M. Eric Woerth a indiqué que les discussions à ce sujet avec le ministère de l'intérieur avaient été intenses. Le nombre de directions régionales doit passer de 18 à 8, celui des directions départementales de 13 à 5, et le préfet de région doit avoir autorité sur le préfet de département.

M. Adrien Gouteyron s'est interrogé sur la compatibilité des préconisations du rapport d'étape remis en mars 2008 par la commission du Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France, qui selon lui obéit essentiellement à une logique d'augmentation des moyens, avec les objectifs de la RGPP. Il s'est demandé en outre s'il n'aurait pas été opportun de fusionner ce Livre blanc avec celui sur la défense et la sécurité nationale, rendu public le 17 juin 2008.

En réponse, M. Eric Woerth a indiqué que l'élaboration du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale avait été coordonnée avec la RGPP. La nouveauté de la RGPP est moins de faire de nouvelles préconisations - nombre d'entre elles ont en effet déjà été faites par le Parlement - que de les mettre en oeuvre.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, s'est interrogé sur les inerties de l'administration. Il a regretté les lacunes de l'« Etat-propriétaire », en évoquant les dysfonctionnements, en ce domaine, du ministère des affaires étrangères et européennes.

En réponse, M. Eric Woerth a confirmé la volonté du gouvernement de réaliser des réformes d'ampleur en ce domaine.

M. Eric Doligé a craint que la RGPP se traduise par des transferts de charges de l'Etat vers les collectivités territoriales. Aussi, la répartition de la propriété des infrastructures entre l'Etat et les collectivités territoriales doit être clarifiée. Il s'est interrogé sur un possible « doublon » de l'Union des groupements d'achats publics (UGAP) avec la future agence centrale des achats de l'Etat. Evoquant le mode de fonctionnement de certains pôles de compétitivité, il a jugé que la complexité administrative de ces dispositifs était excessive.

Mme Nicole Bricq s'est interrogée sur la finalité véritable de la RGPP : s'agit-il de moderniser l'Etat ou de réaliser des économies ? Dans le premier cas, il est « maladroit » de centrer la communication sur le montant des économies escomptées. Dans le second cas, il est « illusoire » de s'imaginer que des économies significatives pourront être réalisées à court terme car la réforme a un coût. Evoquant les travaux menés en qualité de rapporteure spéciale de la mission « Sécurité sanitaire », elle s'est interrogée sur la cohérence de la RGPP, et sur le chiffrage des économies attendues. La RGPP est déconnectée, en outre, de la LOLF, et risque de susciter des transferts de charges de l'Etat vers les collectivités territoriales.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga a considéré que la RGPP conduisait, dans le cas de la mission « Action extérieure de l'Etat », à un véritable découragement des personnels. Elle s'est interrogée sur les effets des modifications de la législation sur la nationalité quant à l'activité des consulats, sur la politique des visas, sur les insuffisances de l'« Etat-employeur » à l'étranger, et sur l'efficacité de certains opérateurs.

Mme Odette Terrade a indiqué sa volonté de concilier la modernisation de l'Etat avec la préservation du service rendu aux usagers. Elle s'est inquiétée de la tendance croissante de l'Insee à facturer des prestations aux collectivités territoriales, et s'est interrogée sur les conséquences de la RGPP quant au maintien des déléguées régionales du service des droits des femmes.

M. Philippe Dominati a souligné que les économies actuellement envisagées par le gouvernement dans le cadre de la RGPP étaient évaluées à seulement 7,7 milliards d'euros, soit moins de 5 % des dépenses concernées. Peut-on se satisfaire d'un tel niveau ? Et celui-ci pourrait-il être accru sans abandonner ou revoir à la baisse certaines politiques publiques ?

M. Louis Duvernois s'est interrogé sur la possible évolution du statut de certaines agences de la direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) du ministère des affaires étrangères : CampusFrance, l'agence pour l'enseignement français à l'étranger et CulturesFrance.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, a fait part d'une préoccupation exprimée par M. Aymeri de Montesquiou, quant à la part particulièrement élevée, en France, des dépenses publiques dans le PIB.

Mme Nicole Bricq a jugé que les comparaisons internationales en la matière étaient peu pertinentes, du fait des différences de périmètre entre administrations publiques.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, s'est demandé si la RGPP n'avait pas trop tendance à privilégier la recherche immédiate d'économies, plutôt que l'amélioration durable de l'efficacité de l'Etat. Il a souhaité obtenir des précisions sur le calendrier de la revue générale des prélèvements obligatoires (RGPO).

En réponse aux différents intervenants, M. Eric Woerth a apporté les précisions suivantes :

- la réorganisation des collectivités territoriales, en vue, notamment, d'une meilleure spécialisation de chaque échelon, n'a pas donné lieu, dans le cadre de la RGPP, à consensus avec les associations d'élus ;

- les préfets ont reçu des instructions afin d'améliorer la cohérence de la gestion de l'immobilier local ; des progrès importants doivent encore être réalisés au niveau national, notamment par une centralisation de la gestion, comme l'indiquent les conclusions des deux premiers conseils de modernisation, mais les réticences des ministères restent fortes ;

- l'UGAP, qui est un opérateur commercial très performant sur un certain nombre de produits, et la nouvelle agence des achats, ont un rôle complémentaire, cette dernière n'ayant pas vocation à remettre en cause la politique d'achats de chaque ministère et pouvant même recourir à l'UGAP pour ses propres achats ;

- la RGPP crée des inquiétudes car elle induit des changements ; les ministres doivent donc impérativement s'impliquer dans sa mise en oeuvre et se saisir des réformes pour que les agents à leur tour les appliquent ;

- il aurait été préférable de pouvoir réaliser des économies supplémentaires, qui seront peut-être permises par la mise en oeuvre des réformes elles-mêmes ; toutefois, la RGPP n'est pas uniquement guidée par cet objectif d'économies, bien que celui-ci soit légitime dans un pays dont le déficit budgétaire dépasse 40 milliards d'euros ; en tout état de cause, l'ambition est de maintenir la qualité du service public ;

- l'image très négative donnée par certains intervenants du ministère des affaires étrangères et européennes n'apparaît pas du tout conforme à la réalité, dans la mesure où ce ministère a les moyens de fonctionner ;

- une démarche commune avec le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche a été engagée afin que l'Etat rémunère les stagiaires qu'il emploie, notamment au sein du ministère des affaires étrangères et européennes.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, a fait observer, à partir de l'exemple de la direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID), que les ministères avaient, souvent, un réflexe initial de refus de toute réduction de postes, alors même qu'en pratique, l'expérience montrait que ces diminutions étaient réalisables.

M. Eric Woerth a ensuite précisé les éléments suivants :

- s'agissant du ministère des affaires étrangères et européennes, il n'est pas prévu de réduire de 30 % les crédits de la DGCID mais il est crucial de rationaliser les crédits de l'action culturelle extérieure ; même s'ils offrent des services particulièrement utiles, les services consulaires ne sauraient être assimilés à ceux d'une mairie ; les opérateurs comme l'Agence française de développement (AFD) et l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) doivent être intégrés dans la stratégie globale de restructuration de l'organisation administrative ; enfin, pour répondre au problème de l'existence de nombreux cadres inemployés au sein du ministère des affaires étrangères et européennes, il est désormais possible de quitter la fonction publique dans des conditions financières intéressantes ; la DGCID doit être un opérateur au même titre que l'AFD, afin d'exécuter les politiques décidées par le ministère ;

- les services généraux compétents pour les droits des femmes ne sont pas remis en cause mais fusionnés au sein des directions locales adéquates ;

- la comparaison entre la part des dépenses publiques en France et en Allemagne montre que les services publics peuvent être organisés différemment sans altérer leur qualité ; tel est l'objectif de la RGPP, et non la réalisation d'économies à tout prix ;

- la revue générale des prélèvements obligatoires est pilotée par Mme Christine Lagarde, en sa qualité de ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, et devrait faire l'objet d'un débat ;

- le travail de la RGPP a bien été organisé sur la base de la répartition des crédits par mission au sens de la LOLF.